Gestion de la rémunération : Théorie et pratique [3e édition ed.] 2765042535, 9782765042532

La nouvelle approche pédagogique de cette 3e édition présente les stratégies actuelles appliquées par les gestionnaires

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Gestion de la rémunération : Théorie et pratique [3e édition ed.]
 2765042535, 9782765042532

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3e édition

Sylvie St-Onge

GESTION DE LA RÉMUNÉRATION THÉORIE ET PRATIQUE

Sylvie St-Onge,

,

,

, Avec la participation de Roland Thériault Conception et rédaction des outils pédagogiques en ligne Catherine Rousseau

3e édition

Gestion de la rémunération Théorie et pratique, 3e édition

Sources iconographiques

Conception éditoriale : Sylvain Ménard Édition : Frédérique Grambin Coordination : Julie Garneau Révision linguistique : Jean-Pierre Leroux Correction d’épreuves : Francine Raymond Conception graphique : Christian Campana Conception de la couverture : Micheline Roy

Couverture : Robin MacDougall/Getty Images ; p. 11 : AVAVA/Shutterstock.com ; p. 58 : Google Media ; p. 88 : Monkey Business Images/ Shutterstock.com ; p. 154 : Goodluz/Shutterstock.com ; p. 201 : Pressmaster/Shutterstock.com ; p. 288 : Kzenon/Shutterstock.com ; p. 331 : wavebreakmedia/Shutterstock.com ; p. 406 : wavebreakmedia/Shutterstock.com ; p. 433 : © Mark Bowden/ iStockphoto ; p. 472 : Andreas Saldavsn/ Shutterstock.com ; p. 560 : lightpoet/Shutterstock.com

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Des marques de commerce sont mentionnées ou illustrées dans cet ouvrage. L’Éditeur tient à préciser qu’il n’a reçu aucun revenu ni avantage conséquemment à la présence de ces marques. Celles-ci sont reproduites à la demande de l’auteur en vue d’appuyer le propos pédagogique ou scientifique de l’ouvrage.

Sylvie St-Onge © 2014 TC Média Livres Inc. © 2006, 2000 Les Éditions de la Chenelière inc.

St-Onge, Sylvie Le matériel complémentaire mis en ligne dans notre site Web est réservé aux résidants du Canada, et ce, à des fins d’enseignement uniquement.

Gestion de la rémunération : théorie et pratique 3e édition. Comprend des références bibliographiques et un index. ISBN 978-2-7650-4253-2 1. Salaires – Gestion. 2. Salaires et productivité. 3. Rendement au travail – Gestion. 4. Systèmes de paiement des salaires. 5. Avantages sociaux. 6. Salaires – Gestion – Problèmes et exercices. i. Titre. HD4926.T55 2014

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C2014-940956-7

TOUS DROITS RÉSERVÉS. Toute reproduction du présent ouvrage, en totalité ou en partie, par tous les moyens présentement connus ou à être découverts, est interdite sans l’autorisation préalable de TC Média Livres Inc. Toute utilisation non expressément autorisée constitue une contrefaçon pouvant donner lieu à une poursuite en justice contre l’individu ou l’établissement qui effectue la reproduction non autorisée. ISBN 978-2-7650-4253-2 Dépôt légal : 2e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada Imprimé au Canada 1

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Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

L’achat en ligne est réservé aux résidants du Canada.

Avant-propos La concurrence accrue, tant sur le marché des produits et des services que sur le marché de l’emploi, incite les dirigeants d’entreprise à prendre de plus en plus conscience de l’importance de gérer stratégiquement la rémunération de leur personnel pour assurer le succès de leur organisation, ainsi que pour attirer, motiver et retenir les employés compétents. C’est dans ce contexte que je me réjouis de vous présenter la troisième édition de Gestion de la rémunération : théorie et pratique, dont la première édition remonte à près de 15 ans. Cet ouvrage se veut une référence incontournable en matière de gestion de la rémunération et s’adresse à un profil varié de lecteurs, tels que les dirigeants d’entreprise, les cadres, les consultants externes, les professionnels des ressources humaines, les vérificateurs des comptes, les représentants syndicaux, les employés et les étudiants, désireux d’acquérir des connaissances générales dans ce domaine ou d’approfondir certaines notions. À l’égard de la clientèle universitaire, cet ouvrage saura intéresser les étudiants inscrits à de nombreux programmes, que ce soit en management et supervision, en gestion du personnel, en relations industrielles, en psychologie industrielle, en comportement organisationnel, mais aussi en comptabilité et en marketing, la rémunération pouvant relever des véricateurs des comptes dans certaines entreprises ou encore des directeurs du marketing, dans le cas de la rémunération du personnel de vente.

Les atouts de cette 3e édition : de nombreuses nouveautés ! Cette édition, entièrement révisée sur les plans de la structure, du contenu et de la forme, contient 11 chapitres couvrant de manière exhaustive, pertinente et intéressante la gestion de la rémunération. L’ouvrage propose un modèle de la gestion de la rémunération (présenté dans le chapitre 1) qui sera décrit dans les 11 chapitres grandement renouvelés, dont 4 sont nouveaux. La taille et la structure de cette nouvelle édition sont donc parfaitement adaptées à un cours de spécialisation en gestion de la rémunération qui peut être oert tant au premier cycle universitaire (par exemple, baccalauréat, certicat) qu’au deuxième cycle (par exemple, diplôme, M.Sc., MBA). Toutefois, s’il le désire et selon le contexte, un enseignant peut ne pas couvrir les 11 chapitres et choisir de consacrer plus d’une séance à un chapitre. Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle La rémunération globale : enjeux et stratégie Nouveau L’implantation des programmes de rémunération globale Nouveau La gestion des enquêtes de rémunération L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale La gestion des structures salariales La gestion des programmes de reconnaissance La rémunération et la gestion des performances individuelles Nouveau La rémunération de la performance collective La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération Nouveau

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Avant-propos

Chaque chapitre ore de nombreux tableaux de synthèse, gures et encadrés ainsi qu’une multitude d’exemples d’application des sujets traités, des cas concrets d’entreprises, des résultats d’enquêtes et des références à jour. De plus, les nouvelles rubriques variées et dynamiques suivantes viennent enrichir chaque chapitre : • Regard sur la pratique : on y trouve des extraits d’articles relatant des faits réels et actuels qui permettent de créer des liens entre théorie et pratique. • Le coin de la loi : on y indique brièvement une ou des lois liées au sujet du chapitre. • Parole d’expert : on y laisse la parole aux experts en gestion des ressources humaines, qu’il s’agisse de praticiens, de consultants ou d’universitaires. • Une théorie d’intérêt : on y présente succinctement une théorie importante, mais souvent peu connue qui permet de comprendre la matière abordée. • Le coin de l’Ordre des CRHA : permet aux plus curieux d’en apprendre davantage. Cette rubrique inclut des suggestions de courtes vidéos que les enseignants et les étudiants apprécieront assurément. Le langage simple et direct favorise l’apprentissage, permettant d’expliquer et de démystier les fondements théoriques, les principes, les concepts, les processus, les pratiques et les techniques du domaine. L’ouvrage aborde une panoplie de dés dans le domaine de la rémunération, notamment à l’égard de la conciliation travail-famille, de l’élaboration d’une stratégie de rémunération globale, de l’attraction et de la délisation du personnel clé, de la reconnaissance et de la rémunération des performances et des compétences, de la solvabilité des régimes de retraite, du contrôle des coûts des avantages sociaux, de modes de rémunération alignés sur la bonne gouvernance et l’éthique, de l’informatisation et de la sous-traitance de la gestion de la rémunération, de la gestion de la rémunération à l’international, de l’alignement des modes de rémunération sur la stratégie et les valeurs de l’organisation, de la rémunération dans le secteur public et les milieux syndiqués, de la rémunération des dirigeants et des administrateurs de société, de l’exercice d’équité salariale et de l’évaluation de son maintien, du problème de la compression salariale, de la rémunération des expatriés, du personnel de recherche et développement et du personnel atypique, de la rémunération des compétences, etc.

Des ressources numériques généreuses Cette nouvelle édition prend la forme d’un concept « clés en main », puisqu’elle propose aux enseignants et aux étudiants un vaste choix de matériel pédagogique disponible en ligne à l’adresse www.cheneliere.ca/st-onge : • un livre numérique (gratuit pour l’étudiant à l’achat du manuel imprimé) ; • des minicas et des exercices pour chaque chapitre ; • des exemples de questionnaires et de descriptions d’emplois, des comparaisons de régimes, des tableaux-synthèses, etc., identiés dans les chapitres par le pictogramme placé en marge ; • les vidéos des la rubrique du coin de l’Ordre des CRHA ; • la liste des sites Web d’intérêt ; • les fonctions Excel utiles à la rémunération ; • un glossaire numérique. De plus, an de faciliter leur tâche, de dynamiser et de rendre plus concret leur enseignement, les enseignants auront accès à un matériel supplémentaire leur permettant de choisir ce qui correspond à leurs besoins ainsi qu’à la clientèle visée (baccalauréat, certicat, maîtrise ou diplôme), notamment : • une présentation PowerPoint résumant les messages clés du chapitre, dans un format attrayant et apparié avec la maquette de l’ouvrage. Selon l’orientation pédagogique adoptée, l’enseignant pourra choisir parmi une liste d’environ 10 à 20 acétates par chapitre ;

Avant-propos

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les pistes de solutions aux questions des mises en situation de début de chapitre, ainsi que les réponses aux questions de révision et de discussion de n de chapitre ; les tableaux, les encadrés et les gures du manuel selon la norme JPEG ; des exemples de plan de cours et de modes d’évaluation des étudiants ; une vaste gamme de cas, d’exercices, d’incidents critiques, de questions à choix multiples, de questions « Vrai ou faux ? » ainsi que leur solutionnaire, proposés tant par l’auteure de l’ouvrage que par d’autres enseignants et experts. De même, des simulations et des cas, pouvant faire l’objet de travaux d’équipe tout au long de la session, sont accessibles sur le site du Centre de cas de HEC Montréal. Comme chaque enseignant fait ses propres choix pédagogiques, il aura toute liberté pour utiliser et distribuer ce matériel à ses étudiants, à sa convenance et au moment qui lui paraîtra approprié.

Remerciements La publication de cette édition n’aurait pas été possible sans la contribution d’appuis variés dont j’ai eu le privilège de bénécier.

Une reconnaissance particulière à M. Roland ériault Je tiens d’abord à exprimer ma reconnaissance à M. Roland ériault, que j’ai eu le privilège de connaître à plusieurs titres, soit comme professeur, comme consultant et comme coauteur des deux premières éditions de cet ouvrage. En eet, M. ériault a été successivement professeur adjoint, agrégé et titulaire à HEC Montréal pendant près de 15 ans (de 1974 à 1987), après avoir obtenu un doctorat en gestion des ressources humaines de l’université Cornell (Ithaca, New York) et une licence en sciences commerciales de HEC Montréal. En 1983, il publiait le premier ouvrage spécialisé sur la gestion de la rémunération au Québec, intitulé Gestion de la rémunération : politiques et pratiques ecaces et équitables (Gaëtan Morin Éditeur). J’ai d’ailleurs amorcé mon apprentissage de cette matière avec cet ouvrage dans un cours que Roland ériault donnait à HEC Montréal conjointement avec un conseiller en avantages sociaux et en régimes de retraite de la société Mercer. En 1987, Roland ériault décidait de joindre les rangs de la société Mercer, où il a été conseiller principal en rémunération pendant près de 25 ans (de 1987 à 2011), avant de prendre sa retraite. Ainsi, une multitude de gestionnaires travaillant dans des organisations de toutes les tailles et de tous les secteurs ont pu proter de ses conseils, conseils qui ont grandement contribué à améliorer nos pratiques en matière de gestion de la rémunération. En 1991, il publiait le Guide Mercer sur la gestion de la rémunération : théorie et pratique, qui est aussi paru en anglais. En 1998, il me demandait de m’investir dans une première édition d’un livre écrit en collaboration. M’y consacrant avec enthousiasme et me sentant très privilégiée, la première édition de Gestion de la rémunération : théorie et pratique est parue en 2000 et a obtenu le prix François-Albert-Angers du meilleur volume pédagogique de l’année par HEC Montréal. En 2006, nous avons publié la deuxième édition de notre ouvrage. À la lecture du parcours de la carrière de M. Roland ériault, vous comprendrez qu’il importe que nous gardions tous en mémoire le fait que, à titre de consultant et de professeur, il a toujours contribué à former la relève dans le domaine de la rémunération et à améliorer les connaissances ainsi que les pratiques en gestion de la rémunération. Merci, Roland, en mon nom, au nom de tous les lecteurs de cet ouvrage et de tous les praticiens, les étudiants et les collègues que tu as aidés et inspirés tout au long de ta carrière. J’exprime aussi mes plus sincères remerciements à Catherine Rousseau, détentrice d’une M.Sc. en gestion des ressources humaines de HEC Montréal, qui a largement contribué à l’élaboration du matériel pédagogique de l’ouvrage. Cette collaboration est d’autant plus méritoire qu’elle s’est ajoutée à son travail à temps plein et qu’elle s’est inscrite dans la foulée de deux autres ouvrages publiés en 2012 (Gestion de la performance) et en 2013 (Relever les dés de la gestion des ressources humaines), dont elle a aussi contribué à la

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Avant-propos

préparation du matériel pédagogique. Merci encore, Catherine, pour ton autonomie, ton enthousiasme et ta dèle collaboration ! Il est nécessaire de remercier chaleureusement tous les enseignants de diverses institutions qui ont accepté de participer à l’ore de matériel pédagogique accompagnant cet ouvrage, notamment Denis Chênevert (HEC Montréal), Julie Cloutier (ESG-UQAM) et Gérard Deschênes (HEC Montréal). En eet, un ensemble d’enseignants ont accepté de rendre accessibles des cas ou des exercices qu’ils ont développés ou codéveloppés avec d’autres enseignants sur le site Web de cet ouvrage pour amorcer une communauté de pratique sur l’enseignement de la gestion de la rémunération, communauté que nous tenterons de bonier au cours des prochaines éditions. Je remercie aussi les professionnels de la rémunération et les conseillers en rémunération qui œuvrent au sein de sociétés-conseils, d’organisations des secteurs public, privé ou parapublic ou encore à leur propre compte, et qui ont collaboré de diverses façons à cet ouvrage et au site Web l’accompagnant. Tous ces experts, que nous citons dans nos contenus, ont grandement aidé à améliorer la qualité des enseignements oerts. En outre, il importe aussi d’exprimer ma vive reconnaissance à l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) du Québec, qui a approuvé la publication de plusieurs articles tirés de son magazine Eectif et nous a permis d’héberger de nombreux et pertinents documents vidéo qui viendront assurément enrichir les cours des professeurs et l’apprentissage des étudiants. J’adresse des félicitations particulières à l’Ordre pour la tenue annuelle d’une Journée de la rémunération, journées auxquelles j’ai pu participer activement au cours des dernières années et qui améliorent le développement des connaissances et le réseautage entre les experts du domaine. Merci également au personnel de la Commission de l’équité salariale qui m’a conseillée dans la rédaction du chapitre 5 et qui m’a proposé des exercices sur le sujet. J’adresse aussi des félicitations au personnel de la Commission pour la qualité et la richesse de son site Web que je recommande fortement aux praticiens comme aux étudiants de consulter. Je désire également souligner le grand professionnalisme du personnel que la maison d’édition a aecté à la réalisation de cet ouvrage, notamment Frédérique Grambin, éditrice, Julie Garneau, chargée de projet, Jean-Pierre Leroux, réviseur linguistique, et Francine Raymond, correctrice d’épreuves. La qualité de la présentation et du texte de cet ouvrage repose sur toute cette équipe qui devait travailler selon des délais serrés. Cette équipe compétente, engagée et consciencieuse de Chenelière Éducation non seulement a facilité la traversée de ce projet, mais a aussi grandement amélioré la qualité du contenu de l’ouvrage que vous avez entre les mains. Je suis reconnaissante à tous ces yeux et à toutes ces têtes qui ont ltré à travers le tamis de leurs expertises tout le contenu de cet ouvrage avant qu’il soit publié. Un merci particulier à Sylvain Ménard, éditeur-concepteur, pour son appui constant au l de chaque édition, et notamment pour avoir organisé les rencontres et les entrevues qui ont permis de récolter les commentaires, les critiques et les recommandations nécessaires à l’enrichissement de cette 3e édition auprès des professeurs et des enseignants suivants : Amélie Bernier (Téluq), Denis Chênevert (HEC Montréal), Érick Chamberland (UQAC), Guy Arcand (Université du Québec à Trois-Rivières), Julie Cloutier (ESG-UQAM), René Lessard (Université Laval, département des relations industrielles) et Roger Zaoré (Université du Québec à Rimouski, campus de Lévis). Je tiens aussi à remercier mon employeur, HEC Montréal, la Direction de la recherche ainsi que la direction du Service de l’enseignement du management, qui m’ont appuyée dans la réalisation de cette édition en lui accordant des ressources nancières et temporelles. Lauréate d’une bourse d’excellence en enseignement de l’administration (2009-2014), je tiens à féliciter et à remercier le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport de son initiative de reconnaître la qualité des enseignements et des outils pédagogiques. Cette

Avant-propos

bourse et les conditions qui y sont aérentes ont aussi facilité la rédaction de cet ouvrage. Je remercie également les organismes gouvernementaux (en particulier le Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada et le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture) qui ont permis de nancer de multiples projets de recherche et d’intervention en gestion de la rémunération, de développer la relève et d’améliorer les connaissances sur le sujet. Merci aussi aux nombreux professeurs et chargés de cours s’intéressant à la gestion de la rémunération et de la performance que j’ai côtoyés au l des années et à ceux avec qui j’ai mené des recherches sur le sujet, notamment Patrice Gélinas (Université York), Victor Haines (Université de Montréal), Michel Magnan (Université Concordia), Denis Morin (UQAM) et Stéphane Renaud (Université de Montréal). Le partage de connaissances a permis d’améliorer cet ouvrage. En outre, j’ai eu le privilège de diriger et de codiriger plusieurs étudiantes et étudiants dans la réalisation de leur mémoire, de leur thèse ou de leur travail supervisé sur la gestion de la rémunération. Je remercie aussi tous les auteurs des écrits que je cite dans cet ouvrage étant donné que tous et chacun ont contribué à la qualité des synthèses que je présente. Mille mercis aux étudiants et aux gestionnaires à qui j’ai enseigné et que j’ai conseillés au cours de ma carrière. Leurs commentaires et leurs réactions à mes conseils et à mes enseignements ont permis d’améliorer la qualité de mes réexions. Au quotidien, je rends grâce pour le soutien constant de ma famille. Je suis riche de partager ma vie avec Michel Magnan, également professeur à l’université, et avec mes deux bienveillantes grandes lles étudiantes, CarolAnne et Vivianne Magnan-St-Onge. Merci aussi à mon père décédé, Charles, et à ma mère, Mariette, pour leur ténacité et leur foi inspirantes. Enn, merci à chacun de vous, chers lecteurs, d’avoir consacré une partie de votre rémunération pour vous procurer cet ouvrage et de prendre le temps de me lire. J’espère que vous constaterez rapidement qu’il s’agit d’un très bon investissement à bien des égards ! Bonne lecture, Sylvie St-Onge

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Caractéristiques du manuel

Ouverture de chapitre Un plan du chapitre présente les thèmes abordés et permet un repérage rapide des principaux éléments de contenu du chapitre.

Objectifs d’apprentissage Les objectifs d’apprentissage donnent une idée précise des connaissances et des habiletés que le chapitre permet de maîtriser.

Mise en situation Tirée de faits réels, la mise en situation permet un premier contact avec le thème du chapitre.

Dénitions en marge Certains termes clés sont dénis en marge avec leur équivalent en anglais et se trouvent également dans le glossaire à la n de l’ouvrage.

Regard sur la pratique Des extraits d’articles relatant des faits réels et actuels permettent de créer des liens entre théorie et pratique.

Caractéristiques du manuel

Parole d’expert Cette rubrique laisse la parole aux experts en GRH, qu’il s’agisse de praticiens, de consultants ou d’universitaires.

Le coin de la loi Des extraits de lois permettent de mieux comprendre l’aspect légal du sujet.

Une théorie d’intérêt Une théorie importante, souvent moins bien connue, approfondit la matière abordée.

Icône Loi Cette icône indique une référence à une loi citée dans le chapitre.

Picto Pour en savoir plus sur…Ce pictogramme, placé en marge, suggère des sites d’intérêt en lien avec le contenu du chapitre ou renvoie à du matériel supplémentaire disponible sur le site Web de l’ouvrage.

Le coin de l’Ordre des CRHA Cette rubrique ore la possibilité d’approfondir ses connaissances en dressant une liste de vidéos de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Questions de révision et de discussion Les questions de révision permettent à l’étudiant de tester et d’évaluer sa compréhension de la matière, tandis que les questions de discussion l’amènent à exercer sa réexion et son sens critique.

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Table des matières CHAPITRE 1

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle   

Mise en situation : La rémunération des conseillers en mode chez BeauMec                     1.1 Une perspective historique                      1.2 Les composantes de la rémunération globale       121 La rémunération en espèces de base       122 La rémunération variable à court, à moyen et à long terme                  123 La rémunération indirecte                124 Les récompenses intangibles              1.3 Le modèle de la gestion de la rémunération       131 Les objectifs de la gestion de la rémunération                         132 Les principes d’équité                    1.4 Les incidences de la gestion de la rémunération                              141 Les incidences sur la société               142 Les incidences sur les organisations        143 Les incidences sur les personnes           1.5 La gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle              Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                 

CHAPITRE 2

234

1 2 4 8 9 9 10 11 12 12 15 19 20 21 25 26 30 31

La rémunération globale : enjeux et stratégie                  33

Mise en situation : Déterminer et communiquer les récompenses liées à sa marque d’employeur : le cas de McDonald’s                                  2.1 La dénition de «rémunération globale» ou «récompenses totales»                      2.2 Les incidences du contexte sur la gestion de la rémunération                              221 L’inuence de l’environnement externe                                 222 L’inuence des caractéristiques organisationnelles                       223 L’inuence des caractéristiques des emplois et des employés              2.3 Les raisons d’élaborer une stratégie de rémunération globale                        231 Les facteurs d’attraction, de délisation et d’engagement du personnel            232 L’amélioration de l’ecience et de la cohérence de l’utilisation des ressources                              233 La exibilité de la proposition de valeur faite aux employés                

34 36 39 39 43 54 57 57 60 61

Les sources de la mobilisation du personnel, de la prévention des conits et des résistances aux changements        2.4 Déterminer les dés et les enjeux liés à la gestion de la rémunération globale           241 Comprendre le modèle d’aaires de l’organisation                         242 Solidier la stratégie de ressources humaines appuyant la stratégie d’aaires                                243 Clarier les choix stratégiques inhérents à la stratégie de rémunération globale                    244 Analyser les incidences potentielles de la stratégie de rémunération globale                                 2.5 Les principes d’une bonne stratégie de rémunération globale                        251 Le principe d’alignement                 252 Le principe de diérenciation             253 Le principe de valeur ajoutée              2.6 Les conditions de succès d’une stratégie de rémunération globale                        261 Un appui concret de la direction          262 L’importance d’une bonne communication                         263 Des spécialistes de la rémunération compétents et convaincants              Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                  CHAPITRE 3

61 62 62 62 63 65 65 65 69 69 70 70 71 72 73 74

L’implantation des programmes de rémunération globale            75

Mise en situation : Une philosophie de la rémunération : le compas permettant aux professionnels des ressources humaines d’établir la direction de leur stratégie et de leur programme de rémunération                           3.1 La démarche d’implantation des programmes de rémunération globale et les principes sous-jacents                     311 Les principes de justice dans la gestion de la rémunération             312 Les principes d’éthique en gestion de la rémunération                      3.2 Les étapes de l’implantation des programmes de rémunération globale           321 Le diagnostic préalable des problèmes et des besoins de l’organisation                            322 La planication et l’élaboration des programmes de rémunération globale                                

76 78 79 84 85 85 88

Table des matières

3.2.3

L’évaluation, le suivi et la révision des programmes de rémunération sur une base régulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Les conditions d’une implantation ou d’une révision réussie des programmes de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Désamorcer les résistances aux changements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Établir une bonne communication des programmes au sein de l’organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.3 Utiliser des moyens de communication adaptés . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.4 Les conditions du succès de la communication à l’égard de la rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.5 Rechercher l’équilibre entre la standardisation et la exibilité de la gestion des ressources humaines . . . . . . . 3.4 L’application des programmes de rémunération globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 La philosophie de la rémunération . . . . . . . 3.4.2 Le manuel de l’employé : contenu, importance et conditions de succès . . . . . . 3.4.3 Les politiques de rémunération : importance et caractéristiques . . . . . . . . . . . 3.5 Le partage des rôles et de l’autorité en matière de gestion de la rémunération . . . . . . . . . . 3.5.1 Le partage des responsabilités entre les divers acteurs de l’organisation . . . . . . . . 3.5.2 Le partage des diérents types d’autorité et des pouvoirs en gestion des ressources humaines . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6 L’impartition des activités de gestion de la rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6.1 Les atouts de l’impartition . . . . . . . . . . . . . . . 3.6.2 Les limites de l’impartition . . . . . . . . . . . . . . 3.6.3 Les conditions de succès de l’impartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Questions de révision et de discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE 4

4.2.3

91 94 94 96 101 105 106 108 109 110 111 113 114 117 119 120 121 122 123 124

La gestion des enquêtes de rémunération                   125

Mise en situation : La révision du processus d’enquête de rémunération chez Transtel inc. . . . . . . . . . . 4.1 L’équité externe : dénition et importance . . . . . . . 4.1.1 La dénition de l’équité externe . . . . . . . . . . 4.1.2 Les facteurs favorisant ou limitant l’importance de l’équité externe . . . . . . . . . . 4.2 Les grandes politiques de l’équité externe . . . . . . . . 4.2.1 Adopter une politique de rémunération diérenciée . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Égaler le marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux . . . . . . . . . . .

126 127 128 128 130 130 133

Être à la tête du marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux . . . . . . . . 4.2.4 Être à la remorque du marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Les sources d’information sur la rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.1 Les prévisions annuelles en matière d’augmentations de salaires . . . . . . . . . . . . . . 4.3.2 Les enquêtes préétablies faites par des tierces parties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.3 Les enquêtes maison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.4 Les données sur le Web . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.5 Les enquêtes de rémunération . . . . . . . . . . . 4.4 Les objectifs de l’enquête de rémunération . . . . . . 4.5 La portée et l’étendue des enquêtes de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5.1 Les enquêtes à portée générale ou à portée particulière . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5.2 L’étendue et la spécicité des enquêtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6 La détermination du marché d’employeurs de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6.1 Les critères de référence : secteur d’activité, type et taille de l’organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6.2 Le marché potentiel géographique de l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.6.3 Le marché réel des employeurs concurrents pour l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . 4.7 La sélection des enquêtes de rémunération . . . . . . 4.7.1 L’importance de recourir à plus d’une source d’information . . . . . . . . . . . . . . 4.7.2 Les critères de sélection des enquêtes de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . 4.8 Les méthodes d’enquête de rémunération . . . . . . . 4.8.1 L’appariement des emplois repères . . . . . . . 4.8.2 L’appariement des groupes professionnels ou fonctionnels . . . . . . . . . . . 4.8.3 L’appariement par l’évaluation des emplois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9 La collecte des données sur la rémunération auprès du marché de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9.1 L’enquête par questionnaire papier ou électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9.2 L’enquête par téléphone ou au cours d’un entretien personnel . . . . . . . . . . . . . . . . 4.10 L’analyse des données de l’enquête de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.10.1 L’actualisation, la pondération et l’agrégation des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.10.2 Les mesures de tendance centrale : moyenne, médiane et mode . . . . . . . . . . . . . 4.10.3 Les mesures de distribution : quartiles, percentiles et histogrammes . . . . . . . . . . . . . 4.10.4 Les indices de compétitivité . . . . . . . . . . . . . .

xi

133 136

137 137 138 138 139 140 142 143 143 144 145 146 146 146 148 148 148 150 150 151 152 152 152 154 154 155 157 160 162

xii

Table des matières

Les courbes de maturité . . . . . . . . . . . . . . . . . Les mesures de relations par des régressions multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.10.7 La qualité de l’appariement des emplois et les autres analyses possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11 Les dés des enquêtes de rémunération . . . . . . . . . 4.11.1 S’assurer de la qualité de l’appariement des emplois . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.2 S’assurer de la qualité des réponses des employeurs aux enquêtes de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.3 S’assurer de la compétitivité des composantes de la rémunération totale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.4 Apprécier la compétitivité des salaires dans un contexte de bandes salariales élargies ou de salaires basés sur les compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.5 Arrimer la rémunération totale oerte aux attentes des employés et des candidats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.6 Reconnaître le caractère subjectif et politique du processus d’enquête . . . . . . 4.11.7 Reconnaître l’existence de conits entre l’équité externe et les autres principes d’équité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.11.8 Apprécier la compétitivité de la rémunération versée aux titulaires des emplois à temps partiel et atypiques . . . . . . 4.12 Quelques conseils sur la gestion des enquêtes de rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.12.1 Ocialiser le processus d’enquête et de participation à des enquêtes . . . . . . . . 4.12.2 Faire participer le personnel et l’informer sur le processus d’enquête . . . . . 4.12.3 Trouver l’équilibre entre l’équité interne et l’équité externe . . . . . . . . . . . . . . . . 4.13 L’octroi d’incitations favorisant l’équité externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.13.1 Les primes liées à l’attraction . . . . . . . . . . . . . 4.13.2 Les primes de rétention ou de réalisation de projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.13.3 Les ententes idiosyncratiques entre superviseurs et employés . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Questions de révision et de discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.10.5 4.10.6

CHAPITRE 5

164 165 165 166

5.2

166 167 167

5.3

168 169 169 171

5.4

173 174 174

5.5

174 175 177 177 179 179 185 186

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale                            187

Mise en situation : Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 5.1 Le respect du principe de l’équité interne dans la gestion des salaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

La dénition de l’équité interne . . . . . . . . . . Les facteurs inuençant l’importance de l’équité interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.3 Les pratiques visant à s’assurer de l’équité interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les structures salariales basées sur les exigences relatives des emplois . . . . . . . . . . . . . . 5.2.1 Une illustration d’une structure salariale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.2 Les incidences des caractéristiques d’une structure salariale . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.3 Des structures salariales respectueuses des lois visant à contrer la discrimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’inégalité de la rémunération selon le sexe : ampleur et causes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.1 Les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des femmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.2 Les préjugés et les stéréotypes envers les travailleuses et leurs emplois . . . . . . . . . . 5.3.3 Les pratiques traditionnelles de l’État, des employeurs, des syndicats et des experts en rémunération . . . . . . . . . . . . . . . . Le respect des lois canadiennes luttant contre la discrimination basée sur le sexe . . . . . . . . 5.4.1 Le modèle réactif : le plaignant doit prouver la culpabilité de l’employeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.2 Le modèle proactif : l’employeur doit démontrer sa non-culpabilité . . . . . . . . La Loi sur l’équité salariale du Québec . . . . . . . . . . . 5.5.1 L’objectif et le champ d’application de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.2 Les avantages et les inconvénients d’une législation proactive . . . . . . . . . . . . . . . Les processus d’établissement et de maintien de l’équité salariale . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.1 Déterminer la période de référence de calcul de la taille de l’entreprise . . . . . . . . 5.6.2 Déterminer le nombre d’exercices d’équité salariale et leur contenu . . . . . . . . . 5.6.3 Déterminer la composition et les rôles des comités d’équité salariale . . . . . . . . 5.6.4 Déterminer les catégories d’emplois et leur prédominance sexuelle . . . . . . . . . . . 5.6.5 Choisir la méthode et les outils d’évaluation des catégories d’emplois . . . . . 5.6.6 Estimer la rémunération des catégories d’emplois à prédominance sexuelle . . . . . . . 5.6.7 Estimer l’écart de rémunération . . . . . . . . . . 5.6.8 Évaluer le maintien de l’équité salariale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.9 Procéder à l’achage des résultats de l’exercice d’équité salariale ou de l’évaluation du maintien de l’équité salariale . . . . . . . . . . . 5.1.1 5.1.2

5.6

189 190 191 191 191 193 193 194 194 195 197 198 198 199 201 201 202 206 207 208 209 210 212 213 214 217 220

Table des matières

5.7

Les conditions de succès de l’exercice d’équité salariale et de l’évaluation du maintien de l’équité salariale                  5.8 L’analyse et la description des emplois            581 L’analyse des emplois : importance et approches                            582 La description des emplois et de leurs exigences                     583 Une analyse et une description des emplois respectant le principe de neutralité                               5.9 L’évaluation des emplois : importance et méthodes                                    591 La méthode de comparaison avec le marché                               592 La méthode de rangement des emplois                                 593 La méthode de classication des emplois                                 594 La méthode des points et facteurs         5.10 Les approches utilisées par la méthode des points et facteurs : la grille et le questionnaire    5101 L’approche basée sur la grille d’évaluation préétablie des emplois        5102 L’approche basée sur la grille d’évaluation maison des emplois          5103 L’approche basée sur un questionnaire d’évaluation des emplois                  5.11 La gestion du processus d’évaluation des emplois                                     5111 La composition et les rôles du comité d’évaluation des emplois           5112 La planication du processus d’analyse et d’évaluation des emplois      5113 La communication du processus d’évaluation des emplois                  5114 Le traitement des plaintes en matière d’évaluation des emplois                  Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                  CHAPITRE 6

621

221 222 223 225 229 231 232 233 234 235 240 240 243 247 256 256 257 258 259 259 260

La gestion des structures salariales                           261

Mise en situation : Le projet REM-COOP de La Coop fédérée : la transparence pour une meilleure perception de la rémunération                         6.1 Les caractéristiques et l’importance d’une structure salariale                         611 La description d’une structure salariale                                 612 L’importance d’une structure salariale     6.2 L’élaboration ou la mise à jour d’une structure salariale basée sur les exigences des emplois                                   

262 263 264 265 266

Le nombre de structures salariales                                622 La détermination ou la mise à jour des classes d’emplois                     623 La comparaison entre l’ore de l’organisation et celle du marché          624 La détermination ou la mise à jour de l’échelle salariale associée à chaque classe d’emplois                          6.3 Les structures salariales basées sur les compétences des titulaires des emplois       631 Les structures salariales basées sur les compétences : dénition               632 Les structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques                              633 Les structures salariales basées sur les compétences générales                634 Les dés liés aux structures salariales basées sur les compétences               635 L’ecacité et les conditions de succès des structures salariales basées sur les compétences                         636 La variété des modes de rémunération des compétences           6.4 Les structures salariales basées sur les bandes de cheminement de carrière et les bandes d’emplois                             641 La gestion des structures salariales en fonction des bandes de cheminement de carrière et des bandes d’emplois        642 Les avantages et les inconvénients de la gestion des structures salariales par bandes d’emplois                    643 Les conditions de succès de la gestion des structures salariales par bandes d’emplois                               6.5 La gestion des structures salariales : ajustement, contrôle et communication         651 L’ajustement des structures salariales et de la masse salariale                   652 La révision et le contrôle des salaires individuels                              653 Le contrôle de la masse salariale                                 654 La communication en matière de gestion des structures salariales           6.6 Les problèmes et les dés en matière de gestion des structures salariales               661 Le problème de la compression salariale                                 662 La double structure salariale ou les clauses de disparité de traitement      663 Les courbes de maturité                  Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                 

xiii

266 267 272 276 286 286 287 290 291 292 294 295 295 300 301 303 303 304 307 308 309 309 311 313 313 314

xiv

Table des matières

CHAPITRE 7

La gestion des programmes de reconnaissance                  315

Mise en situation : Gaz Métro : redécouvrir l’importance de la reconnaissance par le jeu            7.1 Les diérentes formes de la reconnaissance                               711 La communication                       712 Les comportements                      713 Les symboles honoriques                714 La visibilité                              715 Les biens                                716 Les conditions de travail                  717 La rémunération variable                 7.2 La reconnaissance de la contribution au travail : perspective théorique et empirique                                    721 Les théories psychologique et économique favorables aux récompenses tangibles ou pécuniaires                          722 Les courants psychologique et économique critiques envers les récompenses tangibles ou pécuniaires                   723 Les études sur les eets de la rémunération variable                 724 Quelques constats à l’intention des praticiens et des professionnels           7.3 Les programmes de reconnaissance : la fréquence d’adoption et les diérents types                              731 La reconnaissance de l’ancienneté         732 La reconnaissance des départs à la retraite                              733 La reconnaissance de cadre à employés                               734 La reconnaissance entre pairs             735 La reconnaissance organisationnelle       7.4 Les retombées positives des programmes de reconnaissance                              7.5 L’administration des programmes de reconnaissance                              751 Les objectifs visés par l’adoption d’une politique de reconnaissance         752 La communication des programmes de reconnaissance                       753 La formation des cadres : une nécessité                            754 L’administration, la budgétisation, le traitement scal et la sous-traitance                         755 L’évaluation des programmes de reconnaissance                       7.6 Les conditions de succès des programmes de reconnaissance                              761 Des récompenses octroyées en fonction des attentes du personnel       

316 318 318 319 319 319 319 320 320 321

321 325 326 330 334 336 337 337 338 338 339 339 340 342 343 345 347 348 350

762 763 764

La gestion des pratiques de reconnaissance                          350 Un contexte favorable à la reconnaissance                        351 Un appui manifeste des dirigeants auprès des cadres                        352

Conclusion                                           353 Questions de révision et de discussion                  354 CHAPITRE 8

La rémunération et la gestion des performances individuelles     355

Mise en situation : Comment communiquer la révision annuelle de la rémunération                           8.1 Les régimes de rémunération variable            811 Les types de régimes de rémunération variable                   812 Les avantages présumés des régimes de rémunération variable                 8.2 Les régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle            821 Les régimes de salaires ou de rémunération au mérite                  822 Les régimes de primes basées sur la performance individuelle               823 Les régimes mixtes de primes et d’augmentations de salaires               824 Les régimes de rémunération à la pièce                               8.3 La gestion de la performance dans un contexte de rémunération variable               831 L’importance de diérencier la rémunération selon la performance individuelle                             832 L’importance d’aligner la gestion de la performance sur les priorités d’aaires                                833 L’importance du maintien des perceptions de justice                    8.4 Les conditions de succès d’un programme de gestion de la performance                    841 Le suivi de l’ecacité d’un programme de gestion de la performance             842 La détermination des cotes globales de performance                         843 L’approbation des cotes globales de performance                         844 Les séances de calibrage entre les cadres                               845 Le rangement forcé des performances individuelles               846 La distribution préétablie des cotes de performance individuelle              847 Le dé de reconnaître les hauts performants et les hauts potentiels        Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                 

356 357 358 359 360 360 377 379 381 384 384 385 388 389 391 393 396 398 399 403 404 407 408

Table des matières

CHAPITRE 9

La rémunération de la performance collective             409

Mise en situation : Le régime de rémunération variable adopté par la société Game+                  9.1 Les régimes collectifs de rémunération variable : la dénition et les critères de sélection           911 Les avantages des régimes collectifs de rémunération variable                 912 Les limites des régimes collectifs de rémunération variable                   913 Le choix d’un régime collectif ou individuel de rémunération variable       9.2 Les régimes collectifs de rémunération variable à court terme                           921 Les régimes de participation aux bénéces                           922 Les régimes de partage des gains de productivité                          923 Les régimes de partage du succès          924 Les régimes de rémunération des équipes                             9.3 Les régimes collectifs de rémunération variable à long terme                            931 Les régimes d’achat d’actions et les régimes d’octroi d’actions              932 Les régimes d’options d’achat d’actions                                9.4 Les conditions de succès des régimes individuels ou collectifs de rémunération variable                                        941 Le choix du régime de rémunération variable                                 942 Les caractéristiques des régimes de rémunération variable                 943 La gestion des régimes de rémunération variable                   944 Les caractéristiques du contexte de travail                               945 Les caractéristiques de l’organisation      Conclusion                                           Questions de révision et de discussion                 

1024

410 412

10.3

412 414 416 418

10.4

420 423 427 432 440

10.5 10.6

440 442

10.7

446 446 447 448 10.8

452 453 454 455

CHAPITRE 10 La gestion des avantages sociaux

et des régimes de retraite           457

Mise en situation : Assurance collective : prêt à encaisser le coût ?                               10.1 La dénition des avantages sociaux              10.2 Les principaux régimes d’avantages sociaux gérés par l’État                          1021 La couverture des soins de santé          1022 La protection du revenu lors de l’invalidité, du décès et de la retraite       1023 L’assurance-emploi                      

10.9

458 459 460 460 462 463

10.10

Les accidents du travail et les maladies professionnelles              1025 Les normes du travail : les heures de travail et le temps chômé rémunéré                               Les régimes privés d’assurance frais médicaux                                      1031 Les assurances sans franchise             1032 Les régimes d’assurance médicaments avec ou sans carte de remboursement diéré ou direct                         1033 Les soins paramédicaux                  1034 Le dé de contrôler la croissance des coûts des soins de santé              Les régimes privés d’assurance salaire            1041 L’assurance salaire de courte durée, les congés de maladie et les congés personnels                              1042 L’assurance salaire de longue durée        1043 Le dé de contrôler la croissance des coûts des régimes d’invalidité             Les régimes privés d’assurance vie, mort accidentelle et mutilation                  Les régimes privés de retraite                    1061 Les régimes agréés de retraite             1062 Les régimes non agréés ou les régimes supplémentaires              Les autres types d’avantages privés complémentaires                               1071 La rémunération du temps chômé                                 1072 Les programmes spécialisés               1073 Les régimes d’avantages complémentaires ou de gratications      1074 Les programmes d’avantages sociaux à l’intention des travailleurs âgés          Les régimes exibles d’avantages sociaux         1081 Les types de régimes exibles d’avantages sociaux                      1082 Les avantages et les inconvénients des régimes exibles d’avantages sociaux                                 1083 Le problème de l’antisélection associé aux régimes exibles d’avantages sociaux                      Les atouts et les limites des avantages sociaux                                         1091 Le point de vue des employeurs           1092 Le point de vue des employés             L’importance d’une bonne gestion des avantages sociaux oerts aux employés . . . . . . . . . 10101 L’analyse des besoins du personnel                            10102 L’adoption d’une politique sur les avantages sociaux                   

xv

464 464 465 466 466 467 467 470 470 471 471 473 473 474 482 483 484 484 487 488 490 491 492 493 494 494 495 497 497 499

xvi

Table des matières

10.10.3 La communication des avantages sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10.10.4 L’élaboration d’un programme de communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Questions de révision et de discussion . . . . . . . . . . . . . . . . .

500 500 502 502

CHAPITRE 11 Les diérentes catégories

de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération                    503

Mise en situation : La rémunération des dirigeants sous forme d’options doit cesser . . . . . . . . . . . . 11.1 La rémunération des dirigeants d’entreprise . . . . . 11.1.1 Le salaire des dirigeants . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1.2 La rémunération variable à court et à moyen terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1.3 La rémunération variable à long terme : quelques régimes possibles . . . . . . . 11.1.4 Les régimes d’options d’achat d’actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1.5 Les régimes supplémentaires de retraite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1.6 Les parachutes dorés et les indemnités de n d’emplois . . . . . . . . . . . . . . 11.1.7 Les gratications ou avantages divers . . . . . 11.1.8 Des mesures d’encadrement : vers une tendance générale . . . . . . . . . . . . . . 11.1.9 La rémunération des dirigeants : mythes et réalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 La rémunération du personnel de vente . . . . . . . . . 11.2.1 Les particularités du personnel de vente et de leur rémunération . . . . . . . . . . . 11.2.2 La gestion des changements dans la rémunération du personnel de vente . . . . . 11.2.3 L’importance relative de la rémunération variable et de la rémunération xe . . . . . . . . 11.2.4 Les commissions et les primes comme formes de rémunération variable . . . . . . . . . 11.2.5 Les conditions de succès et les dés à relever . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3 La gestion de la rémunération à l’international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3.1 Les dés de la gestion de la rémunération à l’international . . . . . . . . . . . .

504 505 506 506 506 509 514 516 517 517 521 533 534 534 537 540 543 545 546

11.3.2

La gestion de la rémunération en fonction des types de mobilité internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3.3 La rémunération du personnel expatrié : importance et composantes particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3.4 Les méthodes de gestion de la rémunération du personnel expatrié . . . . . . . 11.3.5 Le dé d’optimiser les perceptions d’équité des expatriés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3.6 Le dé de contrôler les coûts de la rémunération du personnel expatrié . . . . . . . 11.4 La rémunération du personnel de recherche et développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.4.1 Les particularités du personnel . . . . . . . . . . . 11.4.2 Les particularités de la gestion de la rémunération du personnel . . . . . . . . . . . 11.5 La rémunération des membres des conseils d’administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5.1 Faut-il rémunérer les administrateurs comme des consultants expérimentés qui exercent une activité à temps plein ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5.2 Faut-il compenser pécuniairement les administrateurs pour certains risques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5.3 Faut-il contrôler la rémunération des administrateurs par sa divulgation et la tenue d’enquêtes sur le sujet ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5.4 Faut-il lier la rémunération des administrateurs à la performance de l’organisation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.5.5 Les meilleurs conseils d’administration sont-ils ceux qui paient le plus ? . . . . . . . . . . 11.6 La rémunération du personnel atypique . . . . . . . . . 11.7 La gestion de la rémunération dans les secteurs privé et public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.8 La gestion de la rémunération dans les milieux syndiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.9 La gestion de la rémunération dans les petites et moyennes entreprises . . . . . . . . . . . . . Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Questions de révision et de discussion . . . . . . . . . . . . . . . . .

549 550 553 555 556 558 558 559 561

562 563

564 564 565 567 568 570

575 576 577 Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 580 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 600

CHAPITRE

1

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

PLAN DU CHAPITRE

1.1 1.2 1.3 1.4 1.5

Une perspective historique Les composantes de la rémunération globale Le modèle de la gestion de la rémunération Les incidences de la gestion de la rémunération La gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Décrire la gestion de la rémunération selon une perspective historique. • Distinguer les diverses composantes de la rémunération totale. • Présenter le modèle de la gestion de la rémunération retenu dans cet ouvrage en insistant sur les principes de base que doit respecter la gestion d’un tel processus.

• Expliquer l’importance d’une bonne gestion de la rémunération pour les dirigeants, le personnel, les clients, les investisseurs et le législateur. • Traiter de la gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle.

2

CHAPITRE 1

M I S E E N S I T U AT I O N

La rémunération des conseillers en mode chez BeauMec1 Fondée il y a 30 ans par Laurent Lebeau, l’entreprise BeauMec vend des vêtements sport chics pour homme. Aujourd’hui, elle domine le marché dans ce créneau avec ses 50 boutiques, un chire d’aaires de 40 millions de dollars et un peu plus de 500 employés. Entreprise solide ayant un potentiel de croissance, elle doit son succès à sa stratégie d’aaires ciblée ainsi qu’à sa capacité à innover et à s’adapter aux besoins changeants de sa clientèle. La direction de BeauMec a toujours accordé une attention particulière à la gestion de son personnel. Elle est convaincue que la satisfaction du client passe par la satisfaction des employés. D’ailleurs, les vendeurs sont appelés «conseillers en mode», ce qui reète bien leur rôle au sein de l’entreprise. Comme ils sont en contact avec les clients, ils ont la responsabilité de cultiver une relation de conance an de les déliser et de les amener à se sentir chez eux. Le personnel se partage les activités liées à l’exploitation d’une boutique : de la réception des marchandises jusqu’à l’entretien ménager des lieux de travail. Les conseillers en mode ne sont pas syndiqués. La majorité d’entre eux travaillent à temps partiel, 20 % du personnel est féminin et la moyenne d’âge est de 30 ans. Une boutique type comprend un directeur, un conseiller en mode qui agit comme assistant du directeur et de cinq à sept conseillers. Contrairement à une pratique courante dans ce secteur, la famille Lebeau a toujours cru que la meilleure façon d’établir un climat d’entraide et de collaboration parmi son personnel de vente consiste à donner un salaire de base convenable, sans commission, qui varie selon l’ancienneté et le poste. Des avantages sociaux supérieurs à ce qui s’ore sur le marché et un escompte sur la marchandise s’ajoutent au salaire de base. Jusque-là, ces pratiques semblaient répondre aux besoins des conseillers en mode et de la direction. Au cours de la dernière année, Laurent Lebeau est décédé. Son ls Charles, jusqu’alors vice-président aux achats, a pris la relève. Charles, qui a étudié dans une grande université américaine, croit à l’impact positif de la rémunération variable individuelle sur la motivation et le rendement des employés au travail. Au cours des dernières années, il a d’ailleurs recommandé à plusieurs reprises à son père de modier le mode de rémunération des conseillers en mode. Certes, les résultats nanciers de l’entreprise étaient très bons, mais ils ne lui paraissaient pas optimaux. D’après

1. Reproduit avec la permission du Centre de cas HEC Montréal.

lui, les conseillers ne se préoccupaient pas assez du volume des ventes réalisées par leur boutique. À peine trois mois après son accession à la présidence de l’entreprise, Charles Lebeau informe les directeurs des succursales des nouvelles politiques de rémunération des conseillers en mode. Au cours des prochaines semaines, le salaire de base sera graduellement ramené à environ 30 % de ce qu’il était et un régime de rémunération à la commission sera mis en place. Il incombe au directeur de chaque succursale d’expliquer aux conseillers en mode cette nouvelle formule de rémunération. Les résultats des ventes réalisées au cours des quatre mois suivants sont encourageants. Le volume des ventes a augmenté de 10 %. Quant au salaire moyen des conseillers, il a crû de 2 %. Charles est satisfait : les ventes et la rémunération des employés augmentent. Que demander de plus ? Comme tous les six mois, la direction de BeauMec rencontre les directeurs de succursales dans un hôtel. À l’ordre du jour, il y a une discussion sur les incidences du nouveau mode de rémunération. Derrière des chires de ventes intéressants se cachent certains problèmes. L’atmosphère de travail a changé dans les boutiques. Il semble qu’un climat de compétition s’est insidieusement installé. Alors qu’auparavant on privilégiait l’entraide et l’amitié, la règle du «chacun-pour-soi !» semble se dessiner. Plutôt que de collaborer entre eux, les conseillers en mode se disputent de plus en plus les bons clients et négligent les autres. On s’accuse mutuellement de «voler» des clients. De plus, les conseillers en mode ont commencé à négliger les activités qui n’augmentent pas directement leurs chires de ventes, comme l’entretien, l’étiquetage, la réception et la disposition de la marchandise. Bien des directeurs de magasins disent que le désordre est devenu un vrai problème et qu’il leur faut veiller étroitement à ce que les nouveaux vêtements reçus soient rapidement et correctement placés en magasin, sinon on perd des ventes. La collaboration entre les boutiques en prend aussi un coup. Les conseillers travaillant au sein de diérentes boutiques s’aident de moins en moins an d’orir un bon service aux clients (que ce soit par l’envoi de vêtements, par le fait d’adresser des clients à une autre succursale, par la formation des nouveaux employés, et ainsi de suite).

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

Par ailleurs, au sein des boutiques, les conseillers ayant plus d’ancienneté tiennent de plus en plus à travailler lorsque la fréquentation est la plus forte, laissant les périodes creuses aux nouveaux employés. Les conseillers à temps plein exigent des directeurs qu’ils limitent le recours à des employés à temps partiel pour qu’ainsi, leurs ventes augmentent. De plus, des conseillers qui étaient grandement appréciés par la clientèle ont quitté l’entreprise pour aller travailler chez des concurrents. Les nouveaux employés que l’on a engagés pour les remplacer font bien des erreurs puisque personne ne prend le temps de les former parce que cela nuit à leur rémunération. Les gérants constatent aussi que les plaintes des clients se multiplient. Certains clients critiquent la pression exercée par les conseillers en mode. D’autres disent avoir été négligés au prot de clients plus «payants». Il semble que les employés cherchent à vendre les articles qui rapportent le plus de commissions ainsi qu’à servir les clients dont les achats sont onéreux. Le service après-vente s’avère de moins en moins une préoccupation pour les conseillers, qui font peu d’eorts pour accroître la clientèle. On constate même la perte de clients

3

réguliers qui avaient l’habitude de venir acheter des accessoires ou des vêtements complémentaires (des chaussettes, des sous-vêtements, des cravates, etc.). Charles Lebeau écoute les remarques et les constatations des directeurs de succursales. Selon lui, il s’agit sûrement d’une période d’adaptation qui devrait tirer à sa n. Il demande aux directeurs de réunir leurs conseillers en mode pour leur expliquer l’importance de continuer à travailler ensemble comme une grande équipe et d’orir un bon service à tous les clients, gros ou petits.

Questions 1. Pourquoi le nouveau mode de rémunération n’a-t-il pas donné les résultats escomptés ? Expliquez ses eets sur les attitudes et les comportements des employés. 2. Quels critères ou principes faut-il prendre en considération dans le choix, l’implantation et la gestion d’un nouveau mode de rémunération du personnel de vente ? 3. Pour atteindre les résultats escomptés, quelles autres possibilités auraient pu être envisagées en matière de rémunération des employés ? Justiez.

Source : Adapté de Giroux (2013, p. 3).

D

ans un contexte de concurrence accrue tant sur le marché des produits et des services que sur le marché de l’emploi, il devient de plus en plus important pour l’entreprise de bien gérer l’ensemble des rétributions qu’elle donne à son personnel en échange de ses contributions, et ce, an d’attirer, de retenir et de mobiliser les meilleures ressources humaines. Comme nous le rappellerons souvent dans cet ouvrage, la gestion de la rémunération des employés s’avère une activité clé, puisque non seulement elle alimente et inuence bien d’autres activités et décisions de gestion des ressources humaines (par exemple, la gestion de la performance ou du rendement2, le recrutement externe et interne), mais aussi elle doit être comprise au quotidien par tous les cadres. En eet, quel que soit leur niveau hiérarchique, tous les superviseurs doivent communiquer des informations en matière de rémunération à leurs employés. Ils gagnent donc à accroître leurs connaissances et leurs compétences au regard de cette responsabilité qui leur incombe. Ce chapitre s’amorce avec un survol historique de la gestion de la rémunération comme discipline de gestion et objet d’enseignement. Ensuite, il décrit les diverses composantes de la rémunération globale des employés et traite des raisons pour lesquelles il est important de gérer celles-ci ecacement. Puis, il présente les principales composantes du modèle de la gestion de la rémunération retenu dans ce livre et sur lesquelles s’appuie la structure de ce livre : la détermination et la gestion de la stratégie de rémunération globale, les principes d’équité à respecter et les pratiques adjacentes. Dès lors, l’importance d’une bonne gestion de la rémunération pour les dirigeants, le personnel, 2. Dans ce livre, les termes « rendement » et « performance » sont utilisés comme des synonymes.

4

CHAPITRE 1

les clients, les investisseurs et le législateur est explicitée. Finalement, ce chapitre traite de la gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle requérant des compétences et des habiletés croissantes.

1.1

Une perspective historique

La gestion de la rémunération en tant que discipline de gestion est relativement récente et peu d’auteurs ont tenté de résumer son évolution (par exemple, Bremen et McMullen, 2010a ; Milkovich et Stevens, 2000 ; St-Onge, 1996). Se basant sur ces écrits, le tableau 1.1 et cette section visent à résumer l’histoire de la pratique de la gestion de la rémunération. Au début de l’ère de l’industrialisation, au tournant du e siècle, dans le cadre de cours en économie du travail, il était question de « détermination » des salaires, plutôt que de

TABLEAU 1.1

La gestion de la rémunération depuis un siècle en Amérique du Nord 1900-1925

1925-1945

1945-1980

1980-2000

Aujourd’hui

Primauté des perspectives

Perspective économique

Perspectives institutionnelle et politique

Perspectives psychologique et technique

Perspective stratégique

Perspective du marché

Primauté des acteurs

Contremaîtres

Gouvernements et syndicats

Spécialistes de la rémunération et syndicat

Dirigeants

Dirigeants, employés, investisseurs et clients

Modes de rémunération et composantes

• Contrats

• Contrats collec-

• Croissance

• Adoption de

individuels • Salaires de base ou à la pièce, montants forfaitaires • Protection faible ou inexistante, absence d’avantages sociaux • Certains employeurs paternalistes : alimentation, logement, etc.

tifs de travail • Salaires de base • Émergence de la participation aux bénéces • Émergence des règles et des lois • Avantages sociaux : surtout des régimes publics

des avantages sociaux privés • Pour les cadres : salaire au mérite • Pour les employés : salaire selon l’indice des coûts et l’ancienneté • Émergence du partage des gains et de l’actionnariat pour les employés

• Multiplicité des régimes collectifs composantes de de rémunération la rémunération variable pour globale tous les employés • Gestion exible • Diversité des des compocomposantes santes : modes de la rémunéde rémunération ration (salaire, en fonction des primes, avantages catégories de persociaux, condisonnel et de leurs tions de travail, statuts d’emploi etc.) (contractuels versus réguliers, • Sondages auprès à temps plein des employés versus à temps partiel) • Balisage des salaires sur le marché (par exemple, local, provincial, international) • Recours accru à la technologie et à la soustraitance

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

TABLEAU 1.1

5

La gestion de la rémunération depuis un siècle en Amérique du Nord (suite) 1900-1925

Préoccupations, • Favoritisme des priorités contremaîtres • Imprévisibilité des contrats individuels d’emploi et de la rémunération selon la situation économique des marchés

1925-1945

• Ajustement

1945-1980

• Respect de la des salaires selon convention le marché collective • Adoption de lois • Prévisibilité des • Protection contre salaires, sécurité d’emploi, loyauté les aléas de la vie (santé et sécurité, • Mise au point retraite, invalide techniques : dité, etc.) analyse et évaluation des emplois, grilles d’augmentation de salaires, structures salariales, enquêtes, etc. • Satisfaction et motivation des employés : éviter la syndicalisation

1980-2000

Aujourd’hui

• Coût et exibilité • Compétitivité des avantages sociaux • Rémunération = avantage concurrentiel et levier de développement • Employabilité des employés • Adaptation à la présence accrue des femmes

Sources : Adapté de Bremen et McMullen (2010a, p. 20-25) ; Milkovich et Stevens (2000, p. 48-56) ; St-Onge (1996, p. 52-65).

« gestion » des salaires. À cette époque, vu la prédominance de la perspective économique, on présentait une approche déterministe où les salaires étaient essentiellement fonction de l’état de l’ore et de la demande de main-d’œuvre sur le marché, quand il ne s’agissait pas de taux de salaire à la pièce. Faute d’une réelle réglementation du travail et en l’absence de syndicats, les contremaîtres et les patrons avaient les pleins pouvoirs en matière de gestion des travailleurs (sélection, promotion, salaires, congédiements, etc.), ce qui ouvrait la porte, entre autres, à des décisions salariales inéquitables, injustes et discriminatoires. Le salaire constituait souvent l’unique composante de la rémunération des travailleurs, puisque seuls un petit nombre d’employeurs « paternalistes » oraient d’autres avantages (une retraite, un logement, etc.) et qu’il n’existait pas de réglementation gouvernementale visant à compenser les aléas de la vie (quant à la santé et à la sécurité, au chômage, à la retraite, etc.). Par la suite, la supervision souvent inéquitable des contremaîtres combinée avec un contexte de dépression économique et de chômage dans les années 1930 et 1940 ont incité les gouvernements à adopter diverses lois à caractère social et favorisé la syndicalisation des travailleurs. Dans ce contexte, les conditions de travail ont été davantage ocialisées et balisées par des lois et des règlements gouvernementaux ainsi que par des conventions collectives. Ainsi, les conditions de travail des travailleurs, jusque-là imprévisibles et liées au rendement, sont devenues davantage préétablies et fonction de l’ancienneté, laissant moins de place à l’arbitraire de la part des patrons. Au cours des années 1950, on a cherché de plus en plus à mettre au point des outils et des techniques visant à évaluer les emplois, le rendement des cadres, etc. On a commencé à voir des spécialistes, notamment des psychologues et des spécialistes du comportement organisationnel, se pencher sur les phénomènes de satisfaction et de motivation à l’égard de la rémunération. Délaissant les points de vue collectif et institutionnel des gouvernements

sur un marché international • Contrôle des avantages et des régimes de retraite • Rémunération = source de valeur ajoutée • Attraction et conservation • Adaptation à la nouvelle maind’œuvre (vieillissement, diversité, etc.) • Gestion de la rémunération à l’international

6

CHAPITRE 1

et des syndicats ainsi que le point de vue économique des incidences de l’ore et de la demande de travail sur les salaires, la perspective psychologique a dirigé l’attention sur les employés, plus précisément sur les eets des salaires, de la rémunération variable et des avantages sociaux sur les attitudes (notamment la satisfaction et la motivation) et les comportements des employés au travail. Au début des années 1970, avec la multiplication du nombre des techniques (l’analyse et l’évaluation des emplois, les structures salariales, les grilles d’augmentation de salaires, la rémunération variable), des clauses syndicales et des lois en matière de rémunération, on a commencé à envisager la gestion de la rémunération comme une discipline de gestion. À cette époque, la rémunération se limitait essentiellement au salaire de base, aux avantages sociaux et aux régimes de retraite pour les employés, alors que les cadres supérieurs recevaient une rémunération variable, surtout à court terme. Comme les avantages sociaux étaient plutôt vus comme des droits acquis et que les travailleurs changeaient peu d’employeurs, la composante « salaire » était la priorité à gérer et celle que les employeurs considéraient. Pendant les années 1980 et 1990, les écrits en gestion de la rémunération ont adopté davantage une perspective stratégique, suivant laquelle la rémunération était un levier de changement et de développement organisationnel. Selon cette perspective, la gestion de la rémunération a un caractère volontariste (elle est déterminée par les dirigeants) et proactif comme elle doit être alignée sur la stratégie, les objectifs et les valeurs de gestion. Pour faire face à l’intensication de la concurrence et au besoin d’être plus exibles sur le plan des coûts de la main-d’œuvre dans les années 1980, les organisations ont eu davantage recours aux régimes de rémunération à court terme qui accordent des primes se limitant de moins en moins aux dirigeants des entreprises pour être versées à d’autres niveaux hiérarchiques, surtout après le krach boursier de 1987. Dans les années 1990, les organisations se sont mises à verser davantage une rémunération variable à long terme, notamment sous forme d’options d’achat d’actions surtout pour les dirigeants, mais aussi pour les employés clés ou ayant des expertises rares. Les turbulences économiques que les organisations de nombreuses industries ont traversées au cours de la période de 1987 à 1992, suivies par la montée de la mondialisation des aaires et le boom technologique, ont pressé les organisations à moins promettre un emploi à vie et aussi à tenter de contrôler davantage les coûts des avantages sociaux et des retraites, notamment en faisant participer de plus en plus les employés à leur nancement. On a commencé à voir plus d’employés qui ne passent pas toute leur carrière auprès d’un seul employeur. Finalement, depuis l’an 2000, la gestion de la rémunération tend, d’un côté, à s’aligner sur le marché dans le but de réduire les coûts et, de l’autre, à se distinguer du marché en proposant une rémunération globale alignée sur une marque d’employeur an d’attirer et de retenir les ressources humaines clés. Elle tente particulièrement de relever le dé qui consiste à contrôler les coûts de la main-d’œuvre et, pour certaines entreprises et certains postes, à attirer et à retenir le personnel clé en misant sur les multiples composantes de la rémunération globale. Au Canada, la force du dollar canadien entraîne des problèmes de productivité pour les entreprises manufacturières. Faisant face à la concurrence, de plus en plus d’organisations et de syndicats sont aux prises avec des dilemmes liés au recours à la sous-traitance internationale (notamment avec la Chine et l’Inde, où les coûts de la main-d’œuvre sont moins élevés) au détriment de la création d’emplois ou du maintien des emplois au pays. Par ailleurs, le vieillissement de la population crée de nombreux dés sur le plan du contrôle des coûts des avantages sociaux et des conditions de retraite.

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

En somme, si, dans certaines industries, les employeurs sont préoccupés par leur proposition de valeur pour attirer et retenir les ressources humaines clés, dans d’autres industries, comme l’industrie du commerce et l’industrie manufacturière, la première préoccupation a trait à la réduction des coûts. Ce fait se dégage des récentes enquêtes annuelles menées par le Conference Board du Canada (voir l’encadré 1.1). Cette enquête montre que près de 60 % des organisations ont de la diculté à recruter et à retenir leur personnel, cela étant particulièrement critique pour les employeurs de l’Ouest canadien et pour les industries des ressources naturelles ainsi que des services professionnels, scientiques et techniques.

ENCADRÉ 1.1

La gestion de la rémunération au Canada : priorités et enjeux

A) Les priorités des organisations (n = 404 organisations) Pourcentage des organisations

Priorités des organisations 1

Rester compétitives

47 %

2

Retenir les ressources humaines

45 %

3

Aligner la rémunération sur la stratégie et les objectifs d’aaires

36 %

4

Attirer les ressources humaines

34 %

5

Lier la rémunération à la performance

34 %

B) Les enjeux des négociations en cours (n = 172 organisations) Priorités des employeurs

Priorités des syndicats

1

Salaires

1

Salaires

2

Productivité

2

Sécurité d’emploi (compétitivité)

3

Compétitivité d’aaires

3

Avantages sociaux

4

Changement organisationnel

4

Retraite

5

Aménagements exibles

5

Impartition

6

Avantages sociaux

6

Aménagements exibles

7

Retraite

7

Équité : salariale et en emploi

8

Formation et développement

8

Changement organisationnel

9

Impartition

9

Formation et développement

10

Équité : salariale et en emploi

10

Productivité

11

Sécurité d’emploi

11

Rémunération variable

12

Rémunération variable

12

Autres

13

Changements technologiques

13

Compétitivité d’aaires

14

Autres

14

Changements technologiques

Source : Traduit et adapté de Stewart et Lamontagne (2013, p. 15 et 25).

7

8

CHAPITRE 1

1.2

Les composantes de la rémunération globale

Comme l’indique la gure 1.1, les employés reçoivent diverses rétributions (par exemple, un salaire, des avantages sociaux, des conditions de travail) pour les contributions qu’ils orent à leur employeur (par exemple, du temps, des compétences, des eorts). Les rétributions retirées du travail comportent un ensemble de reconnaissances 3 (ou récompenses) tant extrinsèques ou tangibles qu’intrinsèques ou intangibles. On peut subdiviser la rémunération extrinsèque en deux composantes : la rémunération directe ou versée en espèces aux employés, qui inclut les salaires, les primes et la rémunération variable, de même que la rémunération indirecte ou non versée en espèces aux employés, qui comprend, d’une part, les avantages sociaux et le temps chômé et, d’autre part, les avantages complémentaires et les conditions de travail. Les lois et les règlements balisent les seuils (planchers) ou la gestion de certaines de ces composantes. Dans ce livre, nous utilisons souvent l’expression « rémunération globale », mais bien des auteurs, comme nous le verrons dans le chapitre 2, préfèrent l’expression « récompense totale ». Disons que nous utiliserons ces deux expressions de manière interchangeable ou synonyme dans cet ouvrage. FIGURE 1.1

Les composantes de la rémunération globale tangible et intangible

Source : Adaptée de McMullen, Stark et Côté (2009, p. 34) ; extrait de St-Onge, et al. (2013, p. 261).

3. Aux ns de ce livre, les termes « reconnaissance » et « récompense » seront utilisés de manière interchangeable même si des auteurs estiment que l’expression « reconnaissance » a un caractère plus englobant que le terme « récompense ».

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

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Globalement, le personnel comme les employeurs prennent en compte, au cours de l’évaluation de la rémunération que le personnel reçoit ou que les employeurs versent, deux grandes facettes de la rémunération. Ainsi, il y a les composantes extrinsèques ou tangibles, comme ce qui est versé ou reçu en argent, en primes, en allocations, en actions, en avantages sociaux et en avantages liés à la retraite. De même, il y a les composantes intrinsèques ou intangibles, qui regroupent les diverses autres conditions de travail qui sont considérées par les employés, telles que le climat de travail, le prestige de l’entreprise ou les possibilités de carrière et de développement.

1.2.1 La rémunération en espèces de base Tous les employés reçoivent une rémunération extrinsèque ou tangible de base qui est composée d’un salaire et, dans certains cas, d’une ou de diverses allocations et primes.

Le salaire Le salaire correspond au montant d’argent, garanti par l’employeur, qu’un employé reçoit pour son travail sur une base annuelle, mensuelle, bimensuelle, hebdomadaire ou horaire. Pour la grande majorité des employés, le salaire constitue la composante la plus importante de leur rémunération globale et il détermine la valeur d’autres composantes telles la paie de vacances ou la valeur des régimes d’assurances ou de retraite. Habituellement, les organisations procèdent à des ajustements de salaires de façon régulière an de tenir compte de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation, des salaires versés sur le marché et de l’augmentation du salaire minimum. Pour le personnel syndiqué, les augmentations de salaire annuelles sont généralement négociées pour la durée de la convention collective.

Les primes et les allocations Les employés peuvent également recevoir des primes diverses. Celles-ci incluent les primes ou les montants forfaitaires liés à l’exécution du travail dans des conditions particulières, à savoir les heures supplémentaires, le quart de travail de soir ou de nuit, le travail en un lieu éloigné, le travail le week-end ou un jour de congé, le travail eectué dans des conditions dangereuses, etc. Le personnel expatrié, comme nous le verrons dans le chapitre 11, peut aussi recevoir des allocations diverses, par exemple pour contrebalancer un diérentiel de coût de la vie ou pour la scolarité des enfants. Devant relever le dé consistant à recruter et à retenir les meilleurs employés dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre, certains employeurs orent une prime de signature à l’embauche ou une prime de conservation. Il arrive souvent que des organisations orent un montant équivalent à 20 % du salaire à des candidats qu’il est dicile de recruter sur le marché. Au moment de licenciements ou de mises à pied, les organisations accordent aussi des montants forfaitaires (voir la Loi sur les normes du travail). Les contrats de travail des dirigeants comportent souvent des clauses de « parachutes dorés » qui peuvent représenter des montants équivalents à deux ou trois fois leur salaire annuel advenant le cas où ils perdaient leur poste avant la n de leur contrat (par exemple, à la suite d’une fusion ou d’une acquisition).

1.2.2 La rémunération variable à court, à moyen et à long terme La rémunération directe couvre aussi des composantes liées à la rémunération variable à court, à moyen et à long terme. Les chapitres 8 et 9 seront consacrés à ces composantes de la rémunération qui deviennent de plus en plus importantes à mesure que les titulaires

Prime (bonus) Pourcentage du salaire, pourcentage d’un montant cible préétabli ou simple montant d’argent lié à une performance comparée avec un but (par exemple, un quota de vente, la vente d’un nouveau produit, l’adhésion de nouveaux clients, la participation à une exposition commerciale).

10

CHAPITRE 1

occupent des emplois de niveaux hiérarchiques supérieurs ou encore pour certaines catégories de personnel comme les dirigeants des organisations ou le personnel de vente, ce qui fera d’ailleurs l’objet du chapitre 11 de cet ouvrage.

La rémunération variable à court et à moyen terme La rémunération variable à court et à moyen terme comprend toutes les formes pécuniaires de reconnaissance versées au moyen d’augmentations, de primes (montants forfaitaires ou bonis) et de commissions que l’employé peut recevoir en vertu de régimes de rémunération qui tiennent compte du rendement individuel ou collectif, comme les régimes de participation aux bénéces ou de partage des gains de productivité.

La rémunération variable à long terme Pour en savoir plus sur les programmes de rémunération variable

Ce mode de rémunération est principalement versé en actions, en options d’achat d’actions (ou en unités de rendement) que l’employé peut recevoir selon des régimes de rémunération tenant compte de la performance boursière (ou de mesures de la performance comptable à long terme), tels que les régimes d’octroi ou d’achat d’actions ou encore d’options d’achat d’actions.

1.2.3 La rémunération indirecte La rémunération tangible totale compte une partie qui est directe que nous venons de décrire, soit les salaires, les primes, les allocations et la rémunération variable à court, à moyen et à long terme. Toutefois, elle comporte de plus en plus une composante souvent qualiée de « rémunération indirecte », qui n’est pas versée en espèces mais sous forme d’avantages sociaux, d’un régime de retraite, de vacances, de divers congés rémunérés ainsi que de gratications qui correspondent à des avantages complémentaires (par exemple, le remboursement de diverses dépenses). Comme les montants que les employeurs et les employés investissent dans les avantages et les régimes de retraite sont de plus en plus importants en raison de divers facteurs environnementaux, le chapitre 10 y sera consacré.

Les avantages, le temps chômé et les conditions de retraite Les avantages comprennent entre autres les régimes d’assurances qui visent à protéger les employés contre divers aléas de la vie : maladie, invalidité, mortalité, etc. Quant au temps chômé, il comprend les jours de vacances et d’absence équivalents aux exigences légales ou supérieurs à celles-ci. Les régimes de retraite, qui peuvent se présenter selon diverses formules, visent tous à assurer une certaine sécurité nancière aux employés retraités.

LE COIN DE LA LOI

La Loi sur les normes du travail et les obligations familiales

En vertu de l’article 79.7 de la Loi sur les normes du travail (LNT), un salarié peut s’absenter du travail, sans salaire, pendant 10 journées par année pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé de son conjoint, de son père, de sa mère, d’un frère, d’une sœur ou de l’un de ses grands-parents. […] Le salarié est alors tenu d’aviser l’employeur le plus tôt possible de son absence et de prendre les moyens raisonnables à sa

disposition pour limiter la prise et la durée du congé. […] Les obligations visées par cette disposition sont liées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint. Contrairement à ce qui prévalait avant le 1er mai 2003, il n’est plus nécessaire que l’enfant soit mineur et l’enfant du conjoint du salarié est maintenant inclus. Le salarié peut également s’absenter en raison de l’état de santé d’autres membres de la famille pourvu que le motif à la base de l’absence soit directement lié à leur état de santé.

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

11

Les avantages complémentaires et les conditions de travail Les avantages complémentaires comprennent les gratications accordées à un employé ou les dépenses remboursées par l’employeur, comme une automobile, une place de stationnement, des repas, des droits de scolarité ou des conseils nanciers. Les conditions de travail, qui incluent notamment les heures de travail et les congés sans solde, ont des répercussions directes et indirectes sur la rémunération du temps travaillé pour l’employeur. Ainsi, l’octroi de congés sans solde peut entraîner des dépenses de formation des employés remplaçants. Au cours des dernières années, de nombreuses organisations ont regroupé des pratiques de gestion favorables à la conciliation travail-famille dans le cadre d’une véritable politique axée sur la famille et présentent cette politique comme une facette importante de leur rémunération totale. Précisons que la nature de tels avantages varie selon les pays. Par exemple, en Chine et au Vietnam, il est fréquent d’accorder des allocations d’habitation et de transport, alors que dans bien des pays d’Europe, les gestionnaires s’attendent à ce qu’une automobile leur soit fournie.

1.2.4 Les récompenses intangibles

Au cours des dernières années, de nombreuses organisations ont regroupé des pratiques de gestion favorables à la conciliation travailfamille.

En plus des reconnaissances extrinsèques, les employés retirent un ensemble de reconnaissances intrinsèques de leur travail. Pensons aux eets bénéques qu’un travail est susceptible d’avoir sur l’estime personnelle, l’autonomie et la conance en soi. Pensons aussi au plaisir de travailler avec des collègues agréables, à la satisfaction de se développer ou de relever des dés sur le plan professionnel, à la reconnaissance exprimée par son supérieur ou ses collègues de même qu’au bonheur de faire un travail intéressant et varié. Quoique ce livre insiste plus sur les composantes tangibles et extrinsèques de la rémunération globale en raison des nombreux outils et techniques permettant de les déterminer, il faut toujours se rappeler que les employés accordent beaucoup d’importance aux aspects plus intangibles de leurs conditions de travail, comme le plaisir au travail, la qualité des relations interpersonnelles, les sentiments de sécurité et d’accomplissement, les possibilités de développement ou de carrière ou encore les dés du travail et la variété de celui-ci. Les employés les prennent en considération lorsqu’ils décident de joindre les rangs d’une entreprise et les employeurs lorsqu’ils Quand la relation supérieur-subordonnés va, présentent et gèrent les conditions de travail globales de tout va ! leurs employés an de se bâtir une marque d’employeur Les gestionnaires entretiennent une relation privilégiée (nous y consacrerons d’ailleurs le chapitre 2). La preuve, avec leurs employés et deviennent ainsi la courroie de une mauvaise relation d’un employé avec son supérieur transmission des messages de l’organisation. D’ailleurs, immédiat est la principale cause de départ de l’entreprise. comme le souligne Jérôme Côté, CRHA, chef de pratique, Rémunération, Hay Group, «la perception des employés Nous soulignerons d’ailleurs à maintes reprises dans ce à l’égard de leur employeur est souvent inuencée par livre l’importance de la rémunération intrinsèque pour la nature de la relation qu’ils entretiennent avec leur supéinuencer les attitudes, les comportements et les résulrieur immédiat». Il s’agit alors pour les professionnels des tats des personnes au travail. Le chapitre 7 de ce livre est ressources humaines de former les gestionnaires an qu’ils d’ailleurs consacré entièrement à l’importance de recourir soient en mesure de bien communiquer les politiques et à diverses formes de reconnaissance non pécuniaires et à les pratiques de l’organisation, mais aussi de créer et de mainla gestion de divers programmes de reconnaissance au tenir un climat de travail favorable au sein de leur équipe. sein des organisations (fréquences, avantages, limites et Source : Extrait adapté de Côté (2010a). conditions de succès).

12

CHAPITRE 1

1.3

Le modèle de la gestion de la rémunération

Le modèle de la gestion de la rémunération adopté aux ns de ce livre s’appuie sur la prémisse que les dirigeants ne gèrent pas leur entreprise en vase clos. Il met en avant une gestion contingente de la rémunération qui varie selon diverses caractéristiques du contexte, soit les caractéristiques de l’environnement externe (par exemple, les contraintes légales, les valeurs de la société), de l’organisation (par exemple, l’industrie, la taille, la culture de gestion, la stratégie d’aaires), des emplois (par exemple, les exigences et les compétences) et des employés (par exemple, l’âge, le sexe et les besoins). Ainsi, tant dans sa manière d’élaborer ses régimes de rémunération que dans celle de les implanter et de les gérer, la direction d’une entreprise doit considérer sa spécicité si elle veut gérer ecacement la rémunération. Il s’agit alors d’aligner verticalement la gestion de la rémunération sur la stratégie et les objectifs d’aaires, les valeurs de gestion et les facteurs de succès de l’organisation. Il faut aussi un alignement horizontal ou encore une cohérence entre la façon dont les employés sont rémunérés et les autres activités de gestion des ressources humaines (GRH) (sélection, évaluation de la performance, formation, etc.) ainsi que les autres fonctions de gestion (gestion des opérations, gestion du marketing, etc.). Nous reviendrons sur ce principe d’alignement tout au long de cet ouvrage. Il n’existe donc pas une manière idéale et unique de gérer la rémunération pour toutes les organisations. Il faut tenir compte de facteurs situationnels — comme la stratégie et les objectifs d’affaires — et avoir une connaissance approfondie de l’organisation, de son historique, de son personnel et de son environnement pour déterminer les pratiques de rémunération à adopter, ou à modifier, les plus pertinentes, utiles et importantes. À cet égard, ce premier chapitre insiste sur le respect des lois et sur les principes d’équité (externe, interne, individuelle et collective) auxquels sont associées les pratiques de rémunération et qui permettent de justifier les décisions de base en la matière. Pour sa part, le chapitre 2 abordera la stratégie de rémunération globale (ou de récompenses totales) en mettant l’accent sur les principes d’alignement, de différenciation et de valeur ajoutée. Le chapitre 3, qui porte sur l’implantation des programmes de rémunération, décrira, quant à lui, les principes de justice organisationnelle (distributive, du processus et interactionnelle) et d’éthique qui doivent également être respectés. De fait, tous ces principes sont aussi importants les uns que les autres et la décision de les exposer dans des chapitres différents relève de considérations pédagogiques. La figure 1.2 représente schématiquement la matière que nous étudierons dans les chapitres 1 à 3.

1.3.1 Les objectifs de la gestion de la rémunération En matière de rémunération, le prestige associé à l’adoption des « meilleures pratiques » à la mode peut devenir très attrayant pour l’organisation, au risque d’amener celle-ci à implanter des modes de rémunération qui ne s’alignent pas sur la stratégie et les valeurs de gestion. En outre, les techniques de rémunération se révèlent parfois si fascinantes et complexes qu’on peut en oublier les objectifs de rémunération. Ce risque est d’ailleurs l’un des plus sérieux qui guettent le professionnel de la rémunération : la technique devient alors une n en soi ! Une question de base comme « Cette technique nous aide-t-elle à atteindre nos objectifs ? » n’est alors pas posée. Il s’avère pourtant primordial de déterminer les objectifs de rémunération et de choisir les politiques, les pratiques et les techniques de rémunération en conséquence.

FIGURE 1.2

Le modèle de la gestion de la rémunération

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

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14

CHAPITRE 1

La variété et l’importance relative des objectifs de rémunération Les objectifs des employeurs en ce qui concerne la rémunération obéissent souvent à deux priorités : l’ecacité et l’équité. On constate que ces deux ns préoccupent les employeurs lorsqu’ils arment que leur gestion de la rémunération vise une variété d’objectifs possibles, qui sont résumés dans l’encadré 1.2. ENCADRÉ 1.2 ■ ■ ■ ■



■ ■ ■

■ ■ ■

Des exemples d’objectifs poursuivis par les employeurs en gestion de la rémunération

Favoriser l’atteinte des objectifs de l’organisation et la réalisation de la stratégie d’aaires. Appuyer les valeurs de l’organisation. Recruter et retenir les meilleurs candidats ou employés. Inciter le personnel à adopter des attitudes et des comportements contribuant à la réalisation des objectifs de l’entreprise et de sa stratégie d’aaires (par exemple, encourager l’innovation et la créativité, la collaboration ou l’esprit d’équipe ainsi que le développement des compétences). Orir des rétributions perçues comme d’un montant juste, gérées équitablement et conformes aux lois et aux règlements. Accorder une rémunération équitable aux emplois et aux diérentes catégories d’emplois. Reconnaître les contributions individuelles ou collectives. Améliorer le rendement selon divers indicateurs (par exemple, la qualité des produits et des services, la quantité produite, le service à la clientèle, la satisfaction des clients, les indicateurs nanciers, la valeur de l’action). Accorder des conditions de rémunération compétitives et respectueuses des capacités de payer de l’organisation. Gérer les coûts de la rémunération de manière ecace, simple et exible. Atteindre divers objectifs précédents en investissant le moins de ressources nancières possible avec un souci d’optimiser le rapport coûts-bénéces.

Les exemples inclus dans l’encadré 1.2 permettent de comprendre que, en plus d’être multiples, les objectifs en matière de rémunération peuvent être conictuels, la réalisation de l’un risquant d’empêcher celle de l’autre. Pour attirer et retenir des spécialistes de l’informatique, une organisation peut être contrainte d’améliorer considérablement leurs conditions de travail, ce qui va à l’encontre de son souci de limiter ses coûts. La gestion de la rémunération demeure donc un art visant l’optimisation de l’ecacité et de l’équité. La xation des objectifs de rémunération constitue ainsi un compromis qui évolue selon le contexte et qu’on peut qualier de choix stratégique. Les dirigeants ne peuvent pas tout faire : des choix et des priorités doivent être établis. Une entreprise peut, par exemple, décider de privilégier la reconnaissance des contributions exceptionnelles an de favoriser l’innovation ; une deuxième entreprise peut se préoccuper principalement de la compétitivité de la rémunération oerte an d’attirer et de retenir le personnel clé ; une troisième peut chercher à susciter un esprit de collaboration parmi les employés ou, à l’opposé, une certaine compétition, selon le modèle le plus approprié à son mode d’organisation du travail. Pour un autre employeur, l’objectif premier peut être de satisfaire les besoins des employés en matière d’avantages sociaux, besoins qui sont probablement fort diérents d’une personne à l’autre, en plus de varier dans le temps. Par ailleurs, inévitablement, l’importance relative des objectifs de rémunération variera d’une organisation à l’autre, d’une unité d’aaires à l’autre au sein d’une entreprise, d’une catégorie de personnel à l’autre et même d’un emploi à l’autre. Selon le contexte et les employés visés, les dirigeants d’entreprise pourront avoir diverses priorités. Par exemple, il est crucial de tenir compte des objectifs de recrutement et de conservation lorsque l’on considère la rémunération du personnel de recherche et développement (R&D).

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

L’importance de xer des objectifs à la gestion de la rémunération La détermination des objectifs s’avère déterminante en matière de gestion de la rémunération pour deux raisons principales. Premièrement, les objectifs indiquent l’importance relative des principes et la nature des pratiques de rémunération à implanter et à gérer pour appliquer ces principes. Une organisation qui veut motiver sa main-d’œuvre à améliorer sa productivité peut, par exemple, utiliser des pratiques de rémunération variable. Si elle juge prioritaire d’orir des conditions de travail compétitives aux employés en recherche et développement, les enquêtes de rémunération représenteront alors un outil important. Si elle estime fondamental d’avoir une main-d’œuvre polyvalente et intéressée à accroître ses connaissances et son savoir-faire, il peut être pertinent de la rémunérer en fonction de ses compétences. Deuxièmement, les objectifs sont importants parce qu’ils permettent d’évaluer l’ecacité de la gestion de la rémunération. Par exemple, si une entreprise veut réduire la rotation de ses informaticiens, elle doit mesurer les eets de ses pratiques de rémunération sur cet indice. Si elle désire modier ses pratiques de rémunération en vue d’inciter son personnel de production à améliorer la qualité de son travail, elle peut en mesurer l’ecacité en analysant le nombre de retours de marchandises eectués. Selon les objectifs poursuivis, divers indices de l’ecacité individuelle et organisationnelle peuvent être observés : les coûts de la main-d’œuvre, la productivité, le climat de travail, le service à la clientèle, le nombre de rejets, etc.

1.3.2 Les principes d’équité Parmi les dés que doivent relever les organisations en ce qui a trait à la gestion de la rémunération, celui qui consiste à payer les employés d’une façon qui sera perçue comme juste ou équitable s’avère sans doute le plus exigeant.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie de l’équité La théorie de l’équité (Adams, 1965) renvoie à la notion de «ratio contribution-rétribution» permettant d’évaluer le caractère juste de l’échange contribution-rétribution et au concept de «référents» (ou de «points de repère») qui concerne les personnes avec lesquelles les employés se comparent pour juger de l’équité de leur échange avec l’organisation. Il existe une iniquité lorsque le ratio contribution-rétribution perçu par une personne lui apparaît comme inégal par rapport au ratio contribution-rétribution d’une autre personne — soit à l’interne ou à l’externe — avec qui elle se compare, ou encore d’elle-même, par exemple en considérant la rétribution qu’elle obtenait auparavant ou bien le changement de contribution qu’elle apporte.

Les employés peuvent juger de l’équité de leur ratio contribution-rétribution en le comparant avec divers référents et en associant diérentes dénitions aux termes « contribution » et « rétribution ». Ainsi, la contribution inclut tout ce qu’une personne pense fournir de pertinent dans l’échange — notamment son intelligence, son expérience, sa scolarité, ses eorts, son rendement, son assiduité et ses compétences. Quant à la rétribution, elle comprend tout ce qu’une personne estime comme ayant de la valeur dans l’échange ; il peut s’agir aussi bien du salaire et des avantages sociaux que des autres gratications, comme le statut social ou le pouvoir. Les référents avec lesquels se comparent les personnes sont susceptibles de varier selon le moment et selon leurs caractéristiques. Ces référents peuvent être des personnes

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CHAPITRE 1

qui occupent un même poste ou des postes diérents dans la même entreprise ou dans d’autres entreprises. Un employé peut aussi juger de sa rémunération par rapport à lui-même comme référent, en l’analysant sur la base de critères élaborés à partir de son cheminement professionnel, de sa rémunération passée, de ses attentes, etc. Ainsi, il peut percevoir sa rétribution comme plus ou moins équitable selon qu’il la compare avec celle qu’il recevait dans le passé, avec ses besoins individuels, avec les salaires des autres employés de l’entreprise, avec son rendement ou son ancienneté, avec le salaire attribué ailleurs pour un emploi analogue au sien, avec la performance de son entreprise, avec les lois adoptées dans son pays ou ailleurs et avec la manière dont sa rémunération est déterminée et gérée.

REGARD SUR LA PRATIQUE Dans les faits, qu’en est-il du ratio contribution-rétribution ? Une étude menée en 2007 par le Workforce Institute montre qu’au cours des six mois précédents 61 % des employés sondés ont vu leurs responsabilités et exigences de travail augmenter, mais que seulement 44 % ont reçu une augmentation pendant cette période, alors que 8 % ont subi une baisse par rapport à

l’année précédente. Cela signie que les employés assumaient davantage de responsabilités et travaillaient un plus grand nombre d’heures, ce qui créait une plus grande pression sur leur vie personnelle ou familiale, avec un résultat qui n’était pas clair, ou qui était indirect tout au plus.

Source : Extrait traduit et adapté de Maroney (2008, p. 48).

À la lumière de ce qui précède, il faut reconnaître que l’équité dans le domaine de la rémunération s’avère fondamentalement une question de perception, qui varie d’une personne à l’autre et qui peut être abordée selon divers critères et référents. La complexité de ce sentiment de justice se reète dans les principes d’équité sur lesquels repose le modèle de la gestion de la rémunération retenu dans ce livre : l’équité légale, l’équité externe, l’équité interne, l’équité individuelle et l’équité collective. Ci-après, nous décrirons succinctement ces diérents principes d’équité ainsi que les pratiques et les techniques que les professionnels de la rémunération utilisent pour optimiser le respect de ces principes. Évidemment, les prochains chapitres permettront d’approfondir ces divers principes ainsi que leurs méthodes et outils respectifs.

L’équité légale ou le respect des lois Comme toutes les autres activités de gestion des ressources humaines, la gestion de la rémunération des employés est circonscrite par des lois et des règlements que les employeurs doivent respecter (voir le chapitre 3). La Loi sur les normes du travail, qui balise le salaire minimum, les vacances et les congés, est une loi avec laquelle on se familiarise vite au Québec ; cependant, il existe bien d’autres lois. Bien que toutes les entreprises doivent respecter les lois en vigueur, l’ampleur de ce dé varie d’une entreprise à l’autre et d’un pays à l’autre. En eet, certaines lois contraignent plus ou moins la gestion de la rémunération des entreprises en fonction de leurs caractéristiques : leur nature (entreprise privée ou publique, taille de l’entreprise, etc.), la composition de la main-d’œuvre (syndiquée ou non, etc.), les types d’emplois (emplois de bureau, de production, etc.), et ainsi de suite. Selon qu’une entreprise est de compétence provinciale ou de compétence fédérale, des lois particulières — notamment la Loi sur les normes du travail et le Code canadien du travail — seront applicables. Les pays ont aussi des lois diérentes. Par exemple, il existe au Canada des lois visant l’équité entre la rémunération oerte aux emplois à prédominance féminine et la rémunération oerte

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

aux emplois à prédominance masculine au sein des organisations. Les lois évoluent aussi dans les divers pays. C’est le cas pour les lois sur la divulgation de la rémunération des dirigeants d’entreprise qui ont été adoptées par de nombreux pays au l des années. La particularité de l’équité légale repose sur le fait que les employeurs n’ont pas le choix de s’y conformer ou non. L’équité légale est au-dessus de toutes les autres formes d’équité. Ainsi, un employeur ne peut décider d’orir moins que le salaire minimum à un employé sous prétexte que la contribution au travail de ce dernier est moins importante que celle du titulaire d’un autre emploi payé au taux minimum. Par ailleurs, l’équité interne, ou toute autre forme d’équité, ne peut permettre de déroger aux lois. Les lois xent les préalables minimaux que tous les employeurs doivent respecter en matière de gestion de la rémunération.

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Pour en savoir plus sur les lois et les règlements que les employeurs doivent respecter ainsi que les lois du travail à travers le monde

L’équité externe L’analyse de l’équité externe consiste à examiner la rémunération qu’ore une organisation pour des emplois en relation avec la rémunération qu’orent d’autres organisations (le marché) pour des emplois similaires. La politique de compétitivité adoptée par une organisation peut porter sur le taux de salaire et d’autres composantes de son ore de rémunération. Généralement, une entreprise s’assure de la compétitivité de la rémunération en faisant sa propre enquête de rémunération ou en s’appuyant sur des enquêtes (maison ou préétablies) eectuées par d’autres organisations ou associations. Ce principe fera l’objet du chapitre 4.

Pour en savoir plus sur quelques entreprises de consultation en rémunération

L’équité interne La recherche de l’équité interne consiste à s’assurer qu’au sein d’une organisation les emplois comportant des exigences semblables sont rémunérés de façon équivalente. Pour s’assurer de l’équité interne, les professionnels de la rémunération peuvent s’appuyer sur l’analyse, la description et l’évaluation des emplois en vue d’établir une structure salariale. L’analyse et la description d’un emploi correspondent au processus de collecte, de documentation et d’analyse des données permettant de décrire un emploi. La description d’un emploi comprend les rôles et les responsabilités liés à un emploi, les compétences requises ainsi que le contexte ou les conditions de travail. Le processus d’évaluation des emplois vise à déterminer la valeur relative d’un ensemble d’emplois an de constituer des diérentiels de salaires en conséquence. Il s’agit d’abord de mesurer la valeur ou l’importance relative des emplois (et non des titulaires des emplois) à l’intérieur de l’organisation en comparant leurs exigences relatives et leur apport à la réalisation des objectifs de l’organisation, puis d’établir une hiérarchie des emplois à l’intérieur de l’organisation sur cette base. Jusqu’à quel point, par exemple, les exigences du travail d’un analyste-programmeur se comparent-elles avec celles du travail d’un directeur des achats et avec celles du travail d’un conseiller en relations du travail ? Dans un objectif de cohérence interne, les salaires seront ainsi proportionnels aux exigences des emplois au sein d’une organisation. Une structure salariale représente les diérences dans les taux de salaires pour des emplois ou des classes d’emplois de valeur inégale ou non équivalente. Elle peut contenir des échelles salariales dont les balises permettent de reconnaître les contributions individuelles (par exemple, l’ancienneté, le rendement, les compétences) des titulaires occupant un même emploi ou des emplois appartenant à une même classe d’emplois. Ce principe fera l’objet des chapitres 5 et 6.

L’équité individuelle ou la justice distributive sur le plan individuel Une politique de rémunération relative aux contributions individuelles des employés indique dans quelle mesure une organisation accorde de l’importance à certaines

Évaluation des emplois (job evaluation) Hiérarchisation des emplois dans une organisation en fonction de leurs exigences relatives, de façon à accorder des salaires de base proportionnels à ces exigences.

Politique de rémunération (compensation policy) Ensemble de valeurs, de normes, de pratiques et de principes orientant la gestion de la rémunération et pouvant être énoncé ociellement (c’est-à-dire par écrit) ou non.

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CHAPITRE 1

Équité individuelle (individual equity) Ampleur avec laquelle les titulaires d’un même emploi estiment que leur rémunération tient compte de leur contribution individuelle mesurée par leurs années de service, leur performance, leurs compétences, leur expérience ou leur potentiel.

Équité collective (collective equity) Ampleur avec laquelle un employé perçoit un lien entre sa rémunération et la performance de son unité ou de son organisation.

caractéristiques des employés, comme leur rendement, leurs années de service, leurs compétences ou leur expérience. Un système de rémunération tient compte de l’équité individuelle lorsque la rémunération des titulaires occupant un même emploi dans l’entreprise varie en fonction de ces types de critères (années de service, rendement, compétences ou expérience des personnes). Ainsi, on tient compte des contributions individuelles lorsqu’on gère les salaires des titulaires à l’intérieur d’échelles (ou de fourchettes) salariales comportant un taux minimal et un taux maximal, et lorsqu’on accorde d’autres formes de reconnaissance — telles des primes, des commissions, des actions ou des options d’achat d’actions — en fonction des années de service, du rendement, des compétences ou de l’expérience des employés. Ce principe fera l’objet du chapitre 7. Toutefois, le rapport contribution-rétribution peut aussi être considéré sous un angle collectif : est-ce que le groupe ou l’organisation au sein duquel un employé travaille traite bien les employés au regard de leurs contributions ? Est-ce que les améliorations de la performance que ces employés engendrent pour l’organisation leur protent aussi comme groupe d’employés ? Un système de rémunération tient compte de l’équité collective lorsque la rémunération des employés varie en fonction de leur contribution au succès de l’entreprise ou de l’une de ses unités. On considère les contributions collectives lorsqu’on rend les employés admissibles à un ou plusieurs régimes collectifs de rémunération variable, à court terme (participation aux bénéces, partage des gains de productivité, primes d’équipe, etc.) ou à long terme (achat d’actions, octroi d’actions, options d’achat d’actions, etc.). Ce principe, qui fera l’objet du chapitre 8, traduit l’importance que l’organisation accorde à certains indicateurs de rendement d’une unité, d’une division ou de l’organisation (bénéces, chire d’aaires, taux de rejets, etc.). Ce principe d’équité collective peut et doit aussi être considéré sur le plan sociétal et même mondial. D’ailleurs, nombre d’économistes et de dirigeants à la tête d’organismes économiques sonnent l’alarme face au fait que les travailleurs moyens ne protent pas de la croissance économique dans les pays industrialisés, de la même manière que la croissance des pays industrialisés se fait au détriment d’autres pays qui sont dans la misère.

À qui prote la croissance ? Selon Lawrence Mishel, président de l’Economic Policy Institute à Washington, entre 1973 et 2011, «la productivité a augmenté d’environ 80 % alors que les salaires et les avantages de l’employé médian ont augmenté de près de 11 %, et ce, essentiellement lors de la période 1995-2000. Par conséquent, en dehors de ces années, il n’y a presque pas eu d’augmentations de salaire, mais il y a eu une croissance substantielle de la productivité. Au cours des dernières années, poursuit-il, nous avons observé un phénomène historique de bénéces élevés en parallèle avec un chômage élevé et une faible croissance des salaires pour presque tous les groupes de travailleurs. Les politiques économiques au cours des 30 dernières années ont donc été un échec pour les travailleurs alors qu’elles ont été une réussite à l’égard de ce qu’elles visaient : rendre les organisations meilleures. Ainsi, le riche devient plus riche et les autres travailleurs sont incapables de participer pleinement aux gains de l’économie. Il cite l’exemple d’Apple qui paie ses étudiants diplômés du collège dans ses magasins entre 12 $ et 14 $ l’heure alors que l’entreprise génère tellement d’argent qu’elle ne sait plus quoi en faire. Plusieurs organisations ont une performance extraordinaire, mais cela ne semble pas se traduire par des conditions de rémunération plus élevées pour leurs employés.» Source : Extrait traduit et adapté de Knowledge & Wharton (2013).

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

1.4

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Les incidences de la gestion de la rémunération

La gestion de la rémunération est importante parce qu’elle a des incidences sur les plans sociétal, organisationnel et individuel. Le tableau 1.2 présente ces incidences sur les objectifs et les attentes des diérentes parties prenantes. TABLEAU 1.2

L’importance de gérer la rémunération du point de vue des parties prenantes

Parties prenantes Pour la société : les citoyens, les consom­ mateurs, les investisseurs, les actionnaires, les membres des conseils d’administration et les gouvernements

Objectifs et attentes

• Favoriser le plein emploi au sein de la population tout en sauvegardant la compétitivité des organisations.

• Obtenir le respect des normes, des règlements et des lois en accord avec les valeurs sociales.

• Faire progresser le niveau de vie et contrôler l’ampleur de la polarisation des richesses.

• Contrer la pénurie de la main­d’œuvre et les surplus de main­d’œuvre. • Éviter un excès de rémunération variable se répercutant sur une baisse de la qualité des produits ou des services, des crises nancières, des fraudes, des pots­de­vin, des com­ portements dysfonctionnels, etc. • Éviter une trop grande augmentation de la rémunération qui entraînerait une hausse des prix des produits et des services et une baisse de la valeur des actions, etc. Pour les organisations

• Favoriser l’attraction, l’assiduité, la délisation, la motivation, la mobilisation et l’engagement du personnel.

• Améliorer les attitudes au travail : mobilisation, satisfaction et motivation au travail, engagement dans le travail et dans l’organisation, etc.

• Améliorer les perceptions d’équité, de justice, de compétence, de reconnaissance, etc. • Favoriser l’acceptation d’une promotion ou d’une mutation. • Obtenir un meilleur rendement des investissements ou un meilleur rapport coûts­bénéces.

• Améliorer la performance, la productivité, la compétitivité et le développement des aaires (nouveaux marchés, clients, partenariats).

• Améliorer leur image d’employeur de choix. • Faciliter le changement et le développement organisationnels. • Sauvegarder la satisfaction et les perceptions de justice ou d’équité du personnel et éviter ou limiter la syndicalisation de leur personnel.

• Respecter les lois. • Promouvoir un climat favorable à l’intégrité et à l’éthique limitant l’adoption de comportements dysfonctionnels ou frauduleux.

Pour les individus

• Favoriser l’adoption de comportements de «bons citoyens organisationnels». • Renforcer leur marque d’employeur ou la culture et les valeurs organisationnelles. • Assurer des conditions matérielles et physiques de vie (logement, nourriture, habillement, etc.).

• Inuencer leurs sentiments, leurs attitudes et leurs perceptions sous divers aspects : sécurité, contrôle sur leur vie, autonomie, indépendance, pouvoir, prestige, statut, réalisation de soi, motivation, équité, justice, succès, accomplissement, estime de soi, compétence, reconnaissance, sens donné à la vie, impression d’une plus grande compétence, dés à relever, plaisir, sentiment de reconnaissance.

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CHAPITRE 1

1.4.1 Les incidences sur la société

Pour en savoir plus sur le scandale d’Enron

Sur le plan sociétal, le partage des richesses, et donc de la rémunération, a des incidences importantes. La polarisation accrue des richesses dans les sociétés — caractérisée par un écart croissant entre les riches et les pauvres — entraîne bien des problèmes éthiques, sociaux et organisationnels. Pensons aux riches qui vivent dans leurs villas surveillées par des caméras et, à côté d’eux, les pauvres — toujours plus nombreux — qui en viennent parfois à recourir aux émeutes et aux soulèvements dans l’espoir de faire cesser l’injustice. Chercheur de réputation internationale et professeur à l’université de la Californie, Jared Diamond (2005) décrit comment les comportements et les décisions des élites sont déterminants dans le succès ou l’eondrement d’une société humaine. Son analyse de civilisations qui ont disparu alors qu’elles semblaient au faîte de leur puissance indique que leurs élites politiques, religieuses ou d’aaires bénéciaient directement de pratiques nuisibles à la société et à l’environnement tout en n’étant pas tenues de rendre compte de leurs actions envers le bien commun. L’histoire et les faits le démontrent : la rémunération des dirigeants a une portée qui dépasse la gouvernance des entreprises ; elle interpelle la société dans son ensemble. Aux yeux des consommateurs, la manière dont la rémunération des employés a un eet non seulement sur les prix, mais aussi sur la qualité des biens et des services oerts par les organisations inuence les actions et les décisions des personnes. Il sut de songer aux consommateurs qui tendent à percevoir les augmentations de salaire comme contraires à leurs propres intérêts. Il en est de même pour les citoyens qui estiment que les améliorations apportées aux conditions de rémunération, de retraite ou aux avantages sociaux des employés du secteur public entraînent une hausse des taxes et des impôts et une baisse de l’admissibilité à divers programmes sociaux. La gestion de la rémunération a aussi des incidences sur les actionnaires et les conseils d’administration des organisations. Par exemple, selon les indicateurs de performance privilégiés par leurs régimes de rémunération variable, certains dirigeants peuvent, dans une certaine mesure, inciter les employés à frauder, à adopter des comportements non éthiques, illégaux, dysfonctionnels, etc. Des organisations comme Enron ont fait l’objet de scandales liés à la fraude entre autres parce qu’elles y accordaient une importance disproportionnée à un seul indicateur de la performance nancière à court terme (la valeur de l’action, les bénéces) en y associant des récompenses excessivement élevées. Les nombreux scandales nanciers qui ont marqué le début des années 2000 (par exemple, WorldCom, Vivendi) ont d’ailleurs entraîné l’adoption de lois et de règlements, entre autres sur la rémunération des membres des équipes de direction et des membres des conseils d’administration (par exemple, les lois Sarbanes-Oxley, en 2002, et Dodd-Frank, en 2010, aux États-Unis, et la Loi sur les nouvelles régulations économiques, en 2001, en France) étant donné que celle-ci avait été un facteur déterminant de ces fraudes. Pour les actionnaires, une rémunération excessive des dirigeants peut s’avérer un détournement de ce qu’il leur revient à eux comme à d’autres parties prenantes, tout autant que cela peut nuire à la réputation de l’organisation et communiquer des informations négatives sur les marchés boursiers. La crise économique et nancière mondiale de 2008 a été aussi en partie due à des modes de rémunération incitant le personnel des grandes banques de plusieurs pays à accorder des prêts de manière non viable à long terme. Plus près de nous, au Québec, la commission Charbonneau a montré que des modes de rémunération, des pots-de-vin, entre des sociétés d’ingénierie, des élus et des membres de la maa ont entraîné nombre d’escroqueries et de fraudes.

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

1.4.2 Les incidences sur les organisations Comme cela est indiqué dans la partie droite du modèle (voir la gure 1.2, à la page 13), la gestion de la rémunération au sein des organisations est importante parce qu’elle a des incidences sur la productivité et le climat des sociétés, la performance des organisations, les indicateurs clés de la qualité de la GRH (le taux de rotation, les griefs, etc.), les attitudes, les comportements et les résultats au travail des employés, de même que sur les liens que les organisations entretiennent avec l’environnement externe, à savoir les consommateurs, le public et les investisseurs. Cette sous-section vise à décrire ces incidences. Tant le marché économique des produits et des services que le marché de l’emploi font de la gestion de la rémunération une activité clé pour les entreprises an qu’elles puissent livrer une meilleure concurrence.

Les incidences sur la performance organisationnelle

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Un fossé qui se creuse… L’économiste Joseph Stiglitz (2012, p. 3), lauréat du prix Nobel d’économie en 2001, s’exprime en ces termes dans son livre intitulé e Price of the Inequality : How Today’s Divided Society Endangers Our Future : «Si les riches étaient devenus plus riches et si les membres des classes moyennes et inférieures s’étaient aussi enrichies, cela aurait été une bonne chose, surtout si les eorts de ceux qui sont en haut avaient été essentiels au succès des autres. […] Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Les membres de la classe moyenne américaine ont senti qu’ils souraient depuis longtemps, et ils avaient raison. Pendant les trois décennies qui ont précédé la crise, leur revenu n’a pas augmenté. De fait, le revenu du travailleur mâle typique à temps plein a stagné pendant un tiers de siècle. La crise a créé des inégalités encore pires sous divers angles, outre le taux de sansemploi plus élevé, la perte des maisons et la stagnation des salaires. Les riches avaient plus à perdre en termes de valeur boursière, mais ils ont récupéré leurs pertes assez bien et rapidement. En fait, les gains du “rétablissement” depuis la récession ont proté aux Américains les plus riches : le 1 % des Américains les plus riches a accaparé de 93 % des revenus additionnels créés aux États-Unis en 2010 comparativement à 2009. Presque tout ce que possèdent les pauvres et la classe moyenne se trouve dans l’habitation. Comme le prix moyen des maisons a chuté de plus du tiers entre 2006 et la n de 2011, une grande proportion d’Américains — ceux qui ont des hypothèques importantes — ont vu leur richesse s’envoler. Au sommet, les PDG [présidents-directeurs généraux] ont réussi de manière remarquable à maintenir leur rémunération élevée ; après une légère baisse en 2008, le ratio de la rémunération annuelle des PDG comparée avec la rémunération du travailleur moyen est revenu, en 2010, à ce qu’il était avant la crise, soit 243 pour 1.»

Le marché nord-américain et même mondial des produits et des services est marqué par une compétition plus vive et une croissance économique modérée et plus incertaine. Aussi, dans la mesure où les entreprises disposent des mêmes ressources (capitaux, moyens de production, moyens de mise en marché, etc.), la diérence entre le succès et l’échec se situe de plus en plus dans la gestion des ressources humaines, notamment dans la gestion de leur rémunération. En eet, dans ce contexte, les dirigeants d’entreprise sont souvent préoccupés par la réduction de leurs coûts de production, par l’amélioration de leur productivité et par l’augmentation de la qualité de leurs produits et services. Évidemment, la gestion de la rémunération a un eet sur les coûts et la compétitivité de l’entreprise. Si les coûts de la main-d’œuvre en tant que partie des coûts totaux d’exploitation varient beaucoup d’une entreprise et d’une industrie à l’autre, ils peuvent représenter plus de 50 % des frais totaux dans le secteur privé et plus de 80 % dans le secteur public. Aussi, le fait d’accorder une augmentation de salaire aux employés accroît non seulement la masse salariale, mais aussi le coût de certains avantages sociaux à court et à long terme. Vu les importantes incidences économiques à long terme des décisions en matière de rémunération et leur caractère dicilement réversible, il devient crucial de prendre ces décisions judicieusement et avec soin. L’entreprise doit toutefois se méer du réexe par lequel elle chercherait à diminuer les coûts de la main-d’œuvre ou à se bâtir un avantage concurrentiel à long terme en réduisant ces coûts ; elle doit plutôt tenter d’améliorer la qualité et le caractère innovant de ses produits et services en gérant véritablement les diverses composantes de la rémunération globale.

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CHAPITRE 1

Les incidences sur l’attraction, la délisation et la mobilisation du personnel Par ailleurs, dans un contexte de concurrence accrue sur le marché de l’emploi, la gestion de la rémunération globale peut aider les organisations à attirer, à déliser et à mobiliser leur personnel. En eet, la gestion de la rémunération globale — un aspect important d’une marque d’employeur — inue aussi sur le prol des candidats (par exemple, les besoins et les attentes) que l’organisation parvient à attirer, à retenir et à mobiliser. Selon la manière dont les organisations gèrent la rémunération globale, elles inciteront des prols diérents de personnes à soumettre ou à ne pas soumettre leur candidature pour pourvoir leurs postes et à accepter ou à ne pas accepter une ore d’emploi. De telles pratiques pousseront aussi divers prols d’employés à conserver leur emploi ou à le quitter. Par exemple, plus la rémunération versée tient compte du rendement individuel des employés, moins les employés à haut rendement sont susceptibles de quitter l’entreprise. Songeons aussi au cas d’une organisation qui, en changeant son mode de rémunération variable, voit certains employés protester, et même quitter l’organisation, ces derniers ne se reconnaissant plus dans les valeurs véhiculées par le nouveau mode de rémunération.

REGARD SUR LA PRATIQUE Les eets des programmes de récompenses sur la rotation Une enquête menée auprès des membres de l’Association WorldatWork montre que leurs eorts en matière de gestion des récompenses pour améliorer l’engagement du personnel ont entre autres réduit la rotation du personnel et les plaintes relativement à l’iniquité interne, amélioré la culture et le climat de travail ainsi que la coopération et le rendement.

Le taux de rotation est coûteux, représentant entre 50 % et 150 % du salaire d’un employé. Pour une organisation qui compte 2 000 employés et qui a un taux de rotation de 5 %, cela se traduit par un coût de 4 millions de dollars (en supposant un salaire moyen de 40 000 $).

Source : Extrait traduit et adapté de Bremen et McMullen (2010a, p. 21-24).

Pour en savoir plus sur l’estimation des coûts de la rotation dans divers emplois ou postes

De fait, la manière de gérer la rémunération a des répercussions importantes sur les attitudes, les comportements et la performance de la majorité des employés d’une organisation. Les diérentes composantes de la rémunération totale ou les manières de gérer celles-ci peuvent contribuer à expliquer des attitudes et des comportements semblables parmi le personnel, et ce, à maintes égards, ainsi que l’indique l’encadré 1.3. Notons que la gestion de la rémunération constitue un levier important d’établissement et de renforcement d’une culture ou de valeurs de gestion. Puisque les diérents régimes de rémunération sont porteurs de messages particuliers, les dirigeants peuvent inuencer la culture organisationnelle en s’assurant d’adopter des modes de rémunération qui traduisent les valeurs désirées. Par exemple, en orant de bas salaires assortis à l’octroi de primes ou de commissions élevées selon le rendement individuel, les dirigeants favorisent une culture individualiste et de prise de risques. À l’inverse, la présence d’un régime collectif de primes d’équipe s’accorde mieux avec un climat de collaboration et une culture participative. De la même manière, en adoptant des pratiques favorables à la conciliation travail-famille et des horaires de travail plus exibles ou en donnant aux

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

ENCADRÉ 1.3

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Des exemples de sujets, d’attitudes, de comportements et de décisions des employés susceptibles d’être inuencés par la gestion de la rémunération

La motivation à améliorer leur performance de même que la qualité des produits et des services qui sont oerts. La recherche ou l’acceptation d’une promotion, d’une mutation dans une autre unité d’aaires de l’organisation, d’une expatriation, etc. Le désir de se perfectionner, de se développer, de devenir plus polyvalents. Les insatisfactions, les perceptions de justice et la volonté de se syndiquer. Le nombre de journées d’absence, de congés de maladie et d’invalidité, de retards au travail. Le nombre de griefs et de grèves. Le nombre et la gravité des accidents du travail. Le stress, le bien-être ainsi que le nombre et la gravité des épuisements professionnels. La volonté de faire des heures supplémentaires. Le désir de s’engager dans le travail ou envers l’organisation, ou au contraire de se retirer psychologiquement. La volonté de joindre les rangs d’une organisation. La volonté de rester au service d’une organisation (le taux de rotation). Le désir de prendre leur retraite. La volonté d’accepter une promotion ou une mutation (à l’intérieur de l’organisation ou dans une autre unité d’aaires). L’adoption de comportements conformes à l’éthique et au professionnalisme. La qualité du travail et des services oerts. La volonté de coopérer et d’agir comme de bons citoyens organisationnels. La volonté d’innover et de se montrer créatifs. La motivation à travailler en équipe ou à collaborer ou, au contraire, à entrer en compétition ou à surpasser leurs collègues. Les pressions à la hausse ou à la baisse des pairs sur la performance.

employés la possibilité d’« acheter » des jours de vacances, de prendre une année sabbatique, de s’abonner à un club d’entraînement physique à un tarif privilégié, etc., une organisation lance des signaux sur les valeurs ou la culture de gestion.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie des signaux Selon la théorie des signaux (Spence, 1974), les politiques, les régimes et les conditions de rémunération d’une organisation signalent aux employés d’une entreprise, et aux candidats qui y postulent un emploi, les comportements et les résultats qui sont valorisés par les dirigeants. Par conséquent, la gestion de la rémunération est cruciale parce qu’elle inuence le prol des candidats qu’une entreprise recrute ainsi que les attitudes et les comportements des employés en place. En eet, selon la rémunération globale que les organisations orent, elles inciteront certains prols de personnes à soumettre leur candidature pour occuper leurs postes ou à accepter une ore d’emploi. De même, elles amèneront diérents prols d’employés à rester à leur service ou à les quitter. Par exemple, plus la rémunération versée tient compte du rendement individuel des employés, moins les employés ayant un rendement élevé sont susceptibles de quitter l’organisation.

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CHAPITRE 1

Il importe alors pour les dirigeants de se poser des questions comme celles-ci : « Les messages véhiculés par nos régimes ou programmes de rémunération sont-ils ceux que nous désirons transmettre ? », « Les programmes de rémunération communiquent-ils ecacement ces messages ? » En eet, les mesures de performance faisant l’objet du suivi et de l’évaluation des personnes et, encore plus, celles qui font l’objet de la rémunération variable (que ce soient la satisfaction des clients, la valeur des actions, la croissance des ventes ou la part du marché) en disent beaucoup plus sur les valeurs et les priorités des dirigeants que leurs discours. Cela explique d’ailleurs pourquoi de nombreux employés ne croient pas que leurs dirigeants sont sérieux dans leur volonté de changement tant qu’ils ne perçoivent pas que ces derniers modient en conséquence les modes d’évaluation et de rémunération des personnes. Finalement, la gestion de la rémunération, notamment de la rémunération variable, est de nature à entraîner des comportements de bons citoyens ou, à l’inverse, des comportements dysfonctionnels allant à l’encontre des intérêts à long terme de l’organisation, comme l’illustrent les exemples tirés d’entreprises réelles contenus dans l’encadré 1.4.

ENCADRÉ 1.4

Des comportements inappropriés d’entreprises engendrés par leur régime de rémunération

Le cas de Sears Dans le but d’augmenter sa part de marché, la division des centres de services à l’automobiliste de Sears (États-Unis) avait établi un système de rémunération incitative basée sur le montant de la facturation de chaque unité d’exploitation. Dans un contexte où la majorité des clients sont peu en mesure d’estimer la pertinence des réparations eectuées, l’existence de cette incitation a tellement motivé les employés à maximiser le montant de leurs services que l’entreprise a été reconnue coupable d’avoir facturé à ses clients des réparations et des pièces ctives totalisant plusieurs millions de dollars.

Le cas d’IBM An d’inciter ses programmeurs à être plus ecaces, IBM les récompensait en tenant compte du nombre de lignes de codes de programmation. Après plusieurs années, la société a constaté que leurs programmes informatiques étaient plus longs et écrits de manière moins ecace que ceux des concurrents.

Le cas de Géant Vert La société voulait améliorer la qualité de ses légumes en conserve. Pour ce faire, elle a décidé d’octroyer une prime à tous les employés en fonction du nombre de parties d’insectes qu’ils pouvaient retirer de la chaîne de production. Le régime a d’abord paru une réussite étant donné que des centaines de parties d’insectes ont été retournées, ce qui a donné lieu à l’octroi de primes élevées. Toutefois, le problème était que la plupart des parties d’insectes rapportées après l’adoption du régime venaient de la cour ou du jardin du domicile des employés, là où il était bien plus facile de les trouver que sur la chaîne de mise en conserve.

Le cas de Bausch and Lomb Bausch and Lomb, une société de fabrication de verres de contact et de lunettes, avait instauré un régime de rémunération fortement lié à la réalisation des objectifs mensuels et saisonniers pour son personnel de vente. An d’atteindre leurs objectifs et d’être mieux payés, les représentants ont adopté diverses stratégies qui ont nui à la société. Ainsi, ils oraient des escomptes de n de mois tellement importants aux clients que ces derniers en sont venus à attendre ce moment pour passer leurs commandes ; ils proposaient des conditions de paiement diéré excessivement généreuses ; ils menaçaient d’abandonner des distributeurs si ceux-ci n’achetaient pas assez de produits ; enn, ils livraient des produits aux clients même si ceux-ci ne les avaient pas commandés. Sources : Extraits traduits et adaptés de St-Onge et Magnan (2011, p. 28) ; Long (2010, p. 3) ; Maremont (1995, p. 82).

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

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1.4.3 Les incidences sur les personnes Sur le plan individuel, la rémunération représente souvent la principale source de revenu des employés et l’une des plus importantes rétributions retirées de leur échange avec l’organisation. Si l’argent ne fait pas le bonheur, il permet de mieux supporter le malheur en nous procurant la possibilité de nous orir des biens, des soins et des petits plaisirs. N’est-il pas vrai que les sociétés et les personnes les plus riches ont une espérance de vie supérieure ? En plus d’inuencer le bien-être économique des personnes, la rémunération qu’elles reçoivent détermine directement et indirectement leurs attitudes dans la vie à travers les informations qu’elle transmet. En Amérique du Nord, bon nombre de femmes et d’hommes travaillent non seulement en vue d’obtenir l’argent pour se nourrir et se loger, mais aussi an d’entretenir des sentiments de sécurité, de contrôle de leur vie, d’autonomie, de pouvoir, de prestige, de réalisation de soi, de succès, d’estime de soi, de compétence et de reconnaissance. Comme la satisfaction envers la rémunération est souvent un but que recherchent les employeurs, il importe d’en comprendre les principaux déterminants. L’encadré 1.5 présente une synthèse des critères de satisfaction des employés à l’égard de leur rémunération proposés par Robert Heneman, professeur à l’université de l’Ohio. ENCADRÉ 1.5

Les critères permettant de comprendre la satisfaction des employés à l’égard de la rémunération

1. «Quel est le montant de l’augmentation de ma rémunération ?» ■ Valeur de l’augmentation de la rémunération objective ainsi que celle perçue comme requise pour modier les attitudes et les comportements. ■ Valeur de l’augmentation de la rémunération comparativement : – à la rémunération totale et à l’impôt sur le revenu ; – à la rémunération oerte aux autres employés ; – à l’augmentation du coût de la vie ; – au salaire de base. 2. «Quelles sont les possibilités d’améliorer ma rémunération ?» ■ Admissibilité à un régime de participation à la propriété (actionnariat). ■ Possibilité de recevoir des primes. ■ Potentiel de gains totaux. ■ Augmentation : – salariale annuelle prévue ; – de la rémunération associée à une promotion ; – de la rémunération liée aux années de service. 3. «Sous quelles formes vais-je obtenir une augmentation de ma rémunération ?» ■ Montant total de l’augmentation de la rémunération : – en comparaison du salaire de base ; – reçu comme prime, sous la forme de temps non travaillé ou d’une participation à la propriété (actionnariat). 4. «Combien me coûtera l’augmentation de ma rémunération en ce qui a trait au temps, aux eorts, à la diculté et au temps non consacré aux loisirs ?» ■ Réduction du salaire de base. ■ Changements du montant de l’augmentation de la rémunération. ■ Eorts supplémentaires au travail requis.

26

CHAPITRE 1

ENCADRÉ 1.5

Les critères permettant de comprendre la satisfaction des employés à l’égard de la rémunération (suite)

Nombre d’heures de travail plus élevé. ■ Diculté du travail. ■ Acquisition de nouvelles habiletés. 5. «Quelle inuence ai-je sur les indicateurs de performance liés au versement de l’augmentation de ma rémunération ?» ■ Capacité d’inuer sur les normes de performance. ■ Aide des autres dans la réalisation des objectifs de travail. ■ Ressources et temps pour faire le travail. ■ Indicateurs de performance sous son contrôle. ■ Inuence de l’équipe, de l’organisation ou de l’économie sur sa performance. ■ Compréhension des indicateurs de performance. ■ Habiletés à contrôler son travail. 6. «Quelles règles dois-je respecter pour recevoir une augmentation de ma rémunération ?» ■ Capacité d’aider à établir : – les règles d’augmentation de la rémunération ; – les indicateurs de performance. ■ Respect des règles balisant l’augmentation de la rémunération : disponibilité des informations, compréhension, communication, complexité, etc. ■ Fréquence des versements. ■

Source : Traduit et adapté de Heneman, Greenberger et F (2002, p. 68-69).

Suis-je payé susamment ? Selon Terry Sattereld, directeur de la rémunération à Alliance Data, la réponse à cette question dépend de nombreux facteurs, dont certains ne dépendent pas des employeurs. Une personne, en raison de son passé sur le plan nancier ou familial, de ses aspirations de carrière et même du quartier où elle demeure, peut voir un niveau particulier de salaire de manière diérente d’une autre personne. Qu’un employé vienne d’un milieu pauvre ou qu’il soit né dans l’abondance, ce n’est pas quelque chose que l’employeur peut considérer au moment où il détermine les salaires ; pourtant, le passé socioéconomique joue un rôle important dans la satisfaction de l’employé envers son salaire. Source : Extrait traduit et adapté de Sattereld (2008, p. 48).

1.5

Pour en savoir plus sur la gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle

La gestion de la rémunération comme domaine d’expertise professionnelle

Au cours du dernier siècle, l’importance et la complexité de la gestion de la rémunération se sont considérablement accrues, ce qui a créé une pression pour améliorer les compétences des professionnels de la rémunération. Pensons aux nombreux changements qui se sont produits récemment, tels que la multiplication des lois, l’accroissement des exigences sur le plan de la gouvernance, l’augmentation des responsabilités des professionnels ou l’essor de la gestion de la rémunération à l’international.

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

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UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie des parties prenantes Selon la théorie des parties prenantes (stakeholders theory) (Freeman, 1984), à l’intérieur comme à l’extérieur des organisations, on trouve divers groupes ayant leurs intérêts et leurs attentes propres. Ainsi, les cadres, les professionnels et les dirigeants devraient considérer ce fait lorsqu’ils prennent des décisions stratégiques parce que cela aura des eets sur la qualité du processus de décision et sur l’acceptation de ces décisions. Un responsable des ressources humaines, tel que le premier responsable de la rémunération, doit tenir compte des attentes multiples et possiblement conictuelles de divers groupes en matière de gestion du personnel, comme celles des syndicats, des cadres, des dirigeants, des clients, du personnel de production ou des employés de bureau.

En raison des incidences qu’ont les décisions en matière de rémunération sur les coûts, sur la performance des entreprises et sur le rendement des employés, il s’avère aujourd’hui plus important que jamais de se doter de spécialistes de la rémunération compétents qui soient capables de faire plus avec moins de ressources. Aussi, compte tenu du caractère stratégique de leurs dossiers, les enquêtes montrent que les compétences, les responsabilités et les rôles, à caractère autant technique que stratégique, des professionnels de la rémunération se sont accrus et que ceux-ci ont maintenant des interactions plus grandes avec les membres de la direction à la manière d’experts externes. Ils traitent ainsi avec le directeur des nances ou de la comptabilité, les membres du conseil d’administration, le responsable des aaires légales et l’expert scaliste. Il importe désormais de comprendre et de parler le langage nancier, et de démontrer les eets des projets de rémunération sur les indicateurs de la performance organisationnelle ou sur le rendement de l’investissement de leurs programmes tout en s’assurant qu’ils respectent les lois et les exigences sur le plan de la gouvernance qui varie d’une région à l’autre (Ellig, 2008 ; WorldatWork, 2005). Pour être en mesure de jouer un rôle stratégique, le premier responsable de la rémunération doit relever d’un vice-président ou d’un directeur des ressources humaines qui se rapporte directement au président-directeur général et qui participe au processus de planication stratégique de la direction. De plus, la position hiérarchique et le titre du poste du premier responsable des ressources humaines Vers un rôle de véritable partenaire stratégique ont une importance stratégique et symbolique, comme J. Ritchie, vice-président corporatif de la rémunération, c’est souvent le cas pour les responsables des nances, des avantages et des opérations RH chez Microsoft, estime de la production ou du marketing. En eet, le fait que le qu’«il est nécessaire d’avoir plus d’experts en rémunération premier responsable des ressources humaines ne relève qui adoptent une vision globale et intégrée et moins d’expas directement du PDG (mais plutôt d’un autre dirigeant, perts en chiriers Excel. Être capable de collaborer, d’avoir comme le contrôleur) perpétue l’idée selon laquelle le rôle une bonne connaissance des aaires et des personnes, d’exercer une inuence sur le déroulement des aaires, de ce premier responsable des ressources humaines est tout cela est appelé à devenir des compétences clés pour uniquement administratif, ce qui nie son rôle stratégique et, la profession.» Selon Cathy Peen, vice-présidente rémudu coup, celui du premier responsable de la rémunération nération globale et bénéces chez Marriott Vacation, dans la grande entreprise (St-Onge et al., 2013). «les professionnels de la rémunération doivent participer En termes de compétences, une enquête réalisée par à la conception des programmes et non uniquement à l’association WorldatWork auprès de 3 800 professionnels l’exécution des décisions déjà prises ; il leur faut aller vers cela de la rémunération (dont 81 % étaient membres de cette en étant plus prédictifs et moins réactifs». association) montre que les compétences jugées les plus critiques pour réussir dans leur travail sont les suivantes : Source : Extrait traduit de Larson (2012, p. 20).

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CHAPITRE 1

les habiletés analytiques, la communication verbale et écrite, la compréhension des aaires de l’entreprise, l’inuence et la persuasion, la consultation avec la capacité d’endosser les décisions prises et la pensée stratégique (Flores-Reed, 2008 ; Kovac, 2009). Plus de 60 % des répondants détenaient au moins une accréditation professionnelle, le plus souvent celle de professionnel agréé en rémunération (certied compensation professional, CCP) de WorldatWork et, ensuite, celle de professionnel émérite en gestion des ressources humaines (senior professional in human resources management) accordée par la Society for Human Resource Management (SRHM). L’obtention du titre de professionnel agréé en rémunération ou CCP (voir l’encadré 1.6) permet aux professionnels d’améliorer non seulement leurs connaissances, mais aussi leurs possibilités d’emploi et de carrière étant donné qu’un nombre croissant d’employeurs exigent qu’un candidat possède une accréditation. Depuis le début des années 1990, signe de l’importance accrue de la spécialisation en rémunération, le nombre de membres de cette association a fortement augmenté. Cette enquête révèle aussi que 93 % des répondants ont un baccalauréat et que 40 % des répondants qui détiennent une maîtrise ont une maîtrise en administration (82 % ayant soit un baccalauréat ou une maîtrise). Aussi, 93 % des répondants ont de l’expérience en rémunération et avantages sociaux, 64 % dans d’autres activités de GRH. Plusieurs répondants disent qu’ils ont des expériences de travail en nance, en services aux clients, en opérations et en vente. Pour progresser dans une carrière en gestion de la rémunération (allant d’un poste d’un niveau débutant à un niveau intermédiaire puis à un niveau supérieur), l’enquête montre que le cumul d’expériences dans d’autres fonctions que la GRH, notamment en nance, mais aussi en relation client et en gestion de projets, représente clairement un actif utile. Pour terminer, comme c’est le cas pour les experts ou professionnels spécialisés dans les autres domaines de la GRH, le travail des professionnels de la rémunération varie selon la taille de l’entreprise, le secteur et les catégories de personnel. Ainsi, dans les petites entreprises, ce sont souvent les PDG qui prennent les décisions stratégiques et il est fréquent que l’aspect opérationnel — comme la gestion des salaires — soit coné à une société sous-traitante. Dans la grande entreprise, les experts en rémunération peuvent être nombreux et aectés à des domaines variés — salaires, rémunération variable, avantages sociaux, retraite, etc. —, celle-ci courant cependant le risque de pratiquer une gestion en silo. ENCADRÉ 1.6

L’association professionnelle WorldatWork

Fondée en 1955 aux États-Unis, l’association professionnelle WorldatWork (www.worldatwork.org) vise l’avancement des connaissances sous tous les aspects de la rémunération, des avantages sociaux, de l’équilibre travail-vie personnelle et de la rémunération globale. Elle compte plus de 65 000 membres et abonnés à travers le monde et 95 % des sociétés du Fortune 500 emploient un de ses membres. Les services oerts par l’association incluent, entre autres, la réalisation de sondages et de recherches dans le domaine, la publication de journaux et de revues traitant de rémunération (par exemple, WorldatWork Journal, Workspan), la présentation de conférences et un programme de cours permettant d’obtenir six types d’accréditation : ■ professionnel agréé en rémunération (certied compensation professional, CCP) ; ■ professionnel agréé en avantages sociaux (certied benets professional, CBP) ; ■ professionnel agréé en travail-vie personnelle (work-life certied professional, WLCP) ; ■ professionnel agréé en rémunération globale (global remuneration professional, GRP) ; ■ professionnel agréé en rémunération du personnel de vente (certied sales compensation professional, CSCP) ; ■ professionnel agréé en rémunération des dirigeants (certied executive compensation professional, CECP). Source : [En ligne], www.worldatwork.org/home/html/society_home.jsp (2013).

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

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Quelques compétences clés pour les professionnels de la gestion de la rémunération Selon Bill Coleman (2007, p. 69), vice-président principal chez Salary.com, un professionnel de la gestion de la rémunération gagne à développer les habiletés et les compétences suivantes pour se faciliter la tâche : ■ S’inscrire dans le même courant de pensée que le vice-président nance et le président de manière à mieux démontrer le lien entre la rémunération et les mesures de la performance organisationnelle. ■ Devenir un expert en gestion du changement an de faire évoluer la gestion des composantes de la rémunération avec les objectifs et la stratégie d’aaires en obtenant l’appui des dirigeants et en communiquant aux employés la raison d’être de ces changements. ■ Équilibrer la prise en compte de ce que les autres organisations font sur le plan de la rémunération et de ce que les diérentes catégories de personnel de l’organisation à laquelle ils appartiennent veulent comme conditions. ■ Communiquer de façon ecace et continue les pratiques de rémunération au personnel verbalement, par écrit et sur le Web, an que tout le monde partage la même vision et la même compréhension.

Combien gagnent les professionnels de la rémunération ? Il existe diverses sources, dont celles qui font une synthèse de la rémunération que les professionnels communiquent, et d’autres sources, comme dans la rubrique ci-dessous, qui donnent des résultats d’enquêtes menées auprès d’employeurs.

Pour en savoir plus sur les niveaux de salaires attribués à divers emplois au Canada et sur la rémunération de divers emplois au Québec et au Canada de même que pour accéder à un répertoire des enquêtes salariales gratuites et payantes

REGARD SUR LA PRATIQUE Au Canada, combien les professionnels de la rémunération gagnent-ils ? L’analyste en rémunération (poste de débutant) Il est responsable de la gestion des programmes de rémunération de l’entreprise, évalue et analyse les données salariales, détermine les échelles salariales et réalise des enquêtes de rémunération ou participe à celles-ci. Il eectue également des évaluations d’emplois et peut siéger à des comités d’évaluation des emplois.

Ce poste requiert un diplôme de baccalauréat dans un domaine connexe et deux ans ou moins d’expérience pertinente. Le salaire annuel médian d’un analyste débutant en rémunération est illustré dans la gure ci-dessous.

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CHAPITRE 1

Le gestionnaire de la rémunération Il conçoit, planie et met en œuvre des programmes de rémunération, des politiques et des procédures au sein d’entreprises. De plus, il assure le positionnement souhaité de l’entreprise sur le marché et l’atteinte des objectifs en matière de rémunération, en plus de réaliser des enquêtes de rémunération ou de participer à celles-ci. Il veille aussi à ce que le programme de rémunération renforce la capacité de l’organisation d’attirer et de conserver ses employés.

Ce poste requiert un diplôme de baccalauréat dans un domaine connexe et au moins sept années d’expérience pertinente. Le salaire annuel médian d’un gestionnaire de la rémunération est illustré dans la gure ci-dessous.

Le directeur de la rémunération Il assure la conception globale, la mise en œuvre, la communication et l’administration de programmes de rémunération au sein des organisations. Il veille également à ce que les programmes de rémunération soutiennent les objectifs stratégiques de l’entreprise et répondent à toutes les exigences légales.

Ce poste requiert un diplôme de baccalauréat dans le domaine de spécialité et un minimum de 10 années d’expérience pertinente. Le salaire annuel médian d’un directeur de la rémunération est illustré dans la gure ci-dessous.

Source : Extraits traduits et adaptés de Salary.com (2013).

Conclusion Selon une perspective contextuelle (que certains qualient de « congurationnelle » ou de « contingente »), la gestion de la rémunération ne s’établit pas dans l’abstrait ; elle est plutôt le reet de personnes, d’environnements et d’époques. Peu importe la façon dont une organisation gère sa rémunération, cette gestion correspond à un choix eectué parmi un ensemble d’options. Devant un problème de coût de la main-d’œuvre excessif, par exemple, un certain nombre de mesures peuvent être appliquées : accorder des primes

La gestion de la rémunération : dénitions, importance et modèle

en fonction du rendement individuel ou collectif au lieu de reconnaître le rendement par l’entremise des salaires, réduire les augmentations de salaire, etc. Par ailleurs, une gestion ecace de la rémunération ne repose pas sur le choix d’une action ou l’utilisation d’une technique dans l’absolu. Elle dépend plutôt de l’utilisation d’une technique ou de l’implantation d’un régime particulier de rémunération qui tient compte des objectifs de rémunération et des contraintes de l’entreprise, ainsi que du contexte dans lequel elle évolue. On peut alors parler de « congurations ecaces » ou d’« adéquation » entre diverses pratiques et le contexte. En eet, une bonne gestion de la rémunération donne de l’importance au fait que les objectifs, les stratégies, les politiques et les techniques de rémunération soient mutuellement cohérents, intégrés à la gestion stratégique de l’entreprise et adaptés à son environnement tant externe qu’interne.

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LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA

La rémunération Par Marc Chartrand, CRHA, sociétaire chez PCI Perrault Conseil inc. Le pouvoir motivationnel de l’argent Par Jacques Forest, CRHA, Ph. D., professeur, Département d’organisation et ressources humaines, ESG-UQÀM Justice, équité et engagement : constats et recommandations Par Jérôme Côté, CRHA, chef de pratique, Rémunération, Hay Group

QUESTIONS DE RÉVISION

1. La gestion de la rémunération a beaucoup évolué au cours du dernier siècle en 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

Amérique du Nord. Commentez les principaux changements qui ont marqué la gestion de la rémunération. Quelles sont les composantes de la rémunération globale ? Pourquoi dit-on qu’il n’existe pas une manière idéale et unique de gérer la rémunération pour toutes les organisations ? Quels sont les principaux objectifs liés à la rémunération ? Commentez la nécessité de faire un compromis en la matière. Pourquoi est-il important de déterminer des objectifs en matière de gestion de la rémunération ? «L’équité est une question de perception.» Commentez cette armation à la lumière de la prémisse de la traditionnelle théorie de l’équité et de la notion de «référents». Quels sont les principes d’équité que l’on peut chercher à respecter en matière de gestion de la rémunération ? Associez les principales pratiques ou techniques à chacun de ces principes. Pourquoi est-il important de gérer adéquatement la rémunération des employés ? Pourquoi dit-on que la gestion de la rémunération globale peut aider les organisations à attirer, à déliser et à mobiliser leur personnel ? Un ami songe à faire carrière comme professionnel de la rémunération. Que pouvezvous lui dire au sujet des compétences requises, des possibilités de développement de carrière, etc. ?

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CHAPITRE 1

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. « En matière de rémunération, il vaut mieux privilégier l’adoption des meilleures pratiques, parce qu’elles ont fait leurs preuves. Ainsi, on ne risque pas de se tromper.» Commentez cet énoncé. 2. «De faibles coûts de la main-d’œuvre constituent un important facteur de compétitivité à long terme.» Commentez cette assertion.

CHAPITRE

2

La rémunération globale : enjeux et stratégie

PLAN DU CHAPITRE

2.1 La dénition de «rémunération globale» ou «récompenses totales» 2.2 Les incidences du contexte sur la gestion de la rémunération 2.3 Les raisons d’élaborer une stratégie de rémunération globale

2.4 Déterminer les dés et les enjeux liés à la gestion de la rémunération globale 2.5 Les principes d’une bonne stratégie de rémunération globale 2.6 Les conditions de succès d’une stratégie de rémunération globale

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Dénir la stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales. • Traiter de l’inuence des caractéristiques de l’environnement externe, • • • •

des caractéristiques organisationnelles et des caractéristiques des emplois et de leurs titulaires sur la gestion de la rémunération. Expliquer les raisons d’élaborer une stratégie de rémunération globale. Déterminer les dés et les enjeux associés à la gestion de la rémunération globale. Décrire les principes d’alignement, de diérenciation et de valeur ajoutée que doit respecter la gestion d’une stratégie de rémunération globale. Présenter les conditions de succès d’une stratégie de rémunération globale.

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CHAPITRE 2

M I S E E N S I T U AT I O N

Déterminer et communiquer les récompenses liées à sa marque d’employeur : le cas de McDonald’s Lorsque McDonald’s demanda à ses employés s’ils étaient satisfaits des récompenses qu’elle leur orait, 80 % d’entre eux donnèrent une réponse positive. Lorsque cet employeur posa la même question à ses clients, les réponses obtenues furent nettement moins positives : seulement 30 % à 40 % d’entre eux percevaient l’environnement de travail de façon positive. L’ajout, en 2003, dans le Merriam-Webster de l’expression «McJob» — dénie comme un emploi peu rémunéré et sans avenir — a certainement contribué à alimenter ce problème de perception. An d’améliorer son image, l’entreprise déploya des eorts à l’échelle mondiale pour déterminer les récompenses qui amènent un changement favorable chez ses employés et pour les communiquer sur le marché externe. McDonald’s sonda plus de 9 000 employés travaillant dans 57 pays. Elle demanda d’abord aux employés situés dans 13 pays ce qu’ils aimaient le plus dans le fait de travailler pour McDonald’s. Elle valida ensuite les résultats auprès des employés de 44 autres pays. L’entreprise constata que son avantage concurrentiel sur le plan de l’emploi repose sur trois forces, désignées comme les 3 F, soit : 1. Famille et amis : un milieu où se trouvent des personnes avec lesquelles on travaille et entretient des relations. 2. Flexibilité : des horaires et un contenu de travail souples et variés permettant un meilleur équilibre travail-vie personnelle. 3. Futur : un bon endroit pour commencer à travailler et acquérir des compétences qui seront utiles ailleurs dans la suite de sa carrière. Après avoir découvert ses forces, McDonald’s mit au point une stratégie de communication à l’intention de ses employés potentiels. Le message était simple : les 3 F sont des éléments de diérenciation qui se traduisent en satisfaction au travail pour ses employés. Pour communiquer

son message, McDonald’s chercha à obtenir l’adhésion des dirigeants d’entreprise et des gestionnaires ainsi que des propriétaires et des exploitants de ses 33 000 commerces autour du globe en déployant une stratégie de communication fondée sur l’approche en cascade : elle cibla d’abord les membres de la direction et les chefs fonctionnels lors de rencontres de direction, puis les franchisés à l’occasion du congrès mondial biennal et, nalement, les employés à travers des mémos qu’elle leur envoya. La stratégie de communication de l’entreprise donnait des exemples d’actions possibles pour mettre en œuvre sa proposition de valeur dans l’ensemble des restaurants tout en décentralisant ses messages par marché géographique. Une telle façon de procéder permit à McDonald’s d’obtenir l’engagement de ses parties prenantes et de bénécier de la voix de ses employés, les plus grands défenseurs de sa marque. L’encadré à la page suivante illustre diérentes actions réalisées par McDonald’s pour se distinguer localement sur le plan des 3 F. Le processus de dénition de sa marque d’employeur permit à McDonald’s de déterminer les récompenses reconnues comme des atouts par les employés et d’en tirer parti. Dans ses annonces d’emplois et ses entretiens d’embauche, elle insiste sur ces points auprès des candidats potentiels. Elle rappelle aussi ces atouts pendant les premières semaines de travail des employés, une période où le risque de départ est plus élevé. Cette démarche à l’égard de son image entraîna bien des retombées positives pour cette entreprise. D’abord, elle reçut un nombre accru de candidatures pour pourvoir ses postes. Ensuite, son taux de rotation global de personnel baissa, variant de 60 % à 70 %, alors que la moyenne de l’industrie s’élevait à 125 %. Enn, en 2011, McDonald’s se classa au huitième rang dans la liste des meilleures entreprises multinationales pour lesquelles travailler produite par le Great Place to Work Institute.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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Famille et amis 1. Aux Émirats arabes unis, l’entreprise organise le McDonald’s Spectacular Festival qui souligne l’apport de 20 nationalités. Ce festival multiculturel réunit tous les salariés pour une célébration de quatre jours des fêtes qu’on trouve dans leurs diérents pays. 2. Au Canada, l’entreprise organise les National People Days où les diérents marchés locaux désignent une semaine de l’année où sont célébrés les directeurs de restaurants et les membres de leurs équipes et où sont accordées des marques de reconnaissance (par exemple, la nomination de l’équipier de l’année et l’attribution de bourses d’études). Flexibilié 1. Au Royaume-Uni, McDonald’s a développé un portail d’engagement sur le Web appelé OurLounge (qui sera bientôt introduit en Irlande et en Russie) qui met en relation les 85 000 employés (équipiers et gestionnaires) de McDonald’s au Royaume-Uni et leur permet notamment d’accéder à leurs horaires de travail de la maison, de se réserver certaines périodes pour leur usage personnel et de changer leurs quarts de travail. 2. Le McPasseport de l’Union européenne met à prot la exibilité et la mobilité rendues possibles entre les pays en orant aux membres des équipes la possibilité de se déplacer d’un restaurant McDonald’s à l’autre à l’intérieur des diérents pays. Futur 1. Au Mexique, les gestionnaires peuvent suivre des cours en ligne subventionnés à l’Universidad TecVirtual (nancés à 50 % par McDonald’s) menant à l’obtention d’un baccalauréat. 2. À Singapour, le University Accredited Program permet aux gestionnaires d’obtenir un baccalauréat en gestion des aaires en 21 mois. On leur accorde du temps pour étudier durant les heures de travail et on leur ore des horaires de travail exibles.

Questions 1. À la lumière de cette mise en situation, quelles sont les facettes de la rémunération totale ou les conditions de travail privilégiées par les employés actuels et à venir de McDonald’s ? 2. Sur la base de votre connaissance des restaurants McDonald’s dans le monde, présentez les multiples changements qui

se produisent dans ses environnements externe et interne et qui la pressent de revoir constamment son ore de produits et de services ainsi que la gestion de son personnel, incluant sa politique de rémunération. 3. Citez d’autres entreprises qui doivent relever le dé de revoir leur marque d’employeur. Connaissez-vous des cas de réussite ? des cas d’échec ? Expliquez votre réponse.

Source : Extrait traduit et adapté de Newman et al. (2012, p. 22-24).

L

es entreprises ne fonctionnent pas en vase clos et elles se distinguent les unes des autres. Aussi, leurs politiques en matière de gestion de la rémunération et les dés qu’elles doivent relever sont fonction de diverses caractéristiques de leur environnement interne et de leur environnement externe. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le modèle de gestion de la rémunération retenu dans le présent ouvrage met en avant une gestion contingente de la rémunération, soit une gestion qui varie selon les multiples caractéristiques du contexte ou de la situation. Dans ce chapitre, tout d’abord nous dénissons la stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales. Ensuite, nous présentons les incidences du contexte sur la gestion de la rémunération et nous soulevons les principales caractéristiques de l’environnement externe, de l’environnement interne ainsi que des emplois et des employés qui exercent une inuence sur la gestion de la rémunération. Notons que, tout au long du chapitre, nous reviendrons sur l’importance d’adopter des pratiques de rémunération qui s’accordent avec les situations particulières, étant donné qu’il n’existe pas de solution unique idéale. Certains de ces facteurs seront approfondis dans le chapitre 11, qui

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CHAPITRE 2

traite de la gestion de la rémunération dans diérents contextes et de la rémunération de catégories particulières de personnel. Par la suite, nous examinons les raisons d’élaborer une véritable stratégie de rémunération globale dans les milieux des aaires actuels et futurs. Puis, nous analysons les dés et les enjeux rattachés à la gestion de la rémunération globale. Ensuite, nous étudions les principes guidant l’élaboration d’une stratégie de rémunération globale, à savoir les principes d’alignement, de diérenciation et de valeur ajoutée que ce type de gestion doit prendre en compte. Enn, nous insistons sur les conditions de succès que requiert une implantation réussie d’une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales.

2.1

La dénition de « rémunération globale » ou « récompenses totales »

Dans bien des pays industrialisés, les organisations disent avoir de la diculté à recruter, à retenir et à mobiliser leur personnel. Évidemment, le problème peut être plus ou moins critique selon leurs secteurs d’activité et selon la catégorie de personnel ou les postes. Les résultats d’une enquête, résumés dans le tableau 2.1, tracent sous forme de pourcentage le portrait des entreprises canadiennes ayant du mal à attirer et à déliser diérentes catégories de personnel. TABLEAU 2.1

La diculté à attirer et à déliser diérentes catégories de personnel Entreprises ayant de la diculté à attirer du personnel

Entreprises ayant de la diculté à déliser son personnel

Employés ayant des compétences clés

57 %

39 %

Employés ayant un rendement supérieur

43 %

31 %

Tous les employés

20 %

11 %

Catégories de personnel

Source : Bergeron et Raikes (2011, p. 5).

Rémunération globale ou récompense totale (total rewards) Ensemble des conditions de travail qu’ore une organisation, notamment la rémunération directe, les avantages sociaux, les possibilités d’avancement et les récompenses.

Une approche qui vise à faciliter l’attraction, la délisation et l’engagement des employés, approche de plus en plus adoptée et prônée, consiste à élaborer et à implanter une stratégie de rémunération globale, que nous qualions aussi dans cet ouvrage de stratégie de récompenses totales (voir la gure 1.1, à la page 8, qui regroupe les composantes de la rémunération globale). Depuis le début des années 2000, le concept de « récompenses totales » est souvent mis en avant par les experts en ressources humaines, les consultants et les associations professionnelles en tant qu’approche permettant d’élaborer une stratégie de rémunération. Une stratégie de récompenses totales (ou de rémunération globale) implique de considérer tous les aspects de l’expérience du travail qui ont une valeur pour les employés an d’attirer, de retenir et de motiver ces derniers (voir la revue de Giancola, 2008a). On peut alors parler d’une approche holistique du capital humain et des composantes de la rémunération. En d’autres termes, le concept de « récompenses totales » englobe « tout ce que les employés valorisent dans leur relation d’emploi » (WorldatWork, 2007, p. 4 ; traduction libre), c’est-à-dire aussi bien les récompenses transactionnelles que les récompenses relationnelles. Sur le plan transactionnel, tous les employés s’attendent à ce que leurs

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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employeurs leur orent des salaires et des avantages compétitifs ; c’est le prix d’entrée dans le monde de la rémunération. Sur le plan relationnel, il importe d’orir au personnel un ensemble de composantes qui répond à des besoins émotionnels, ensemble qu’il sera dicile, voire impossible, pour les concurrents de reproduire (O’Neal, 2005). Une stratégie de récompenses totales peut être désignée par diverses expressions selon les auteurs et les praticiens. Ainsi, certains évoquent la « proposition de valeur d’emploi » que les employeurs font à leur personnel, la « marque d’employeur », le « style de vie » ou l’« expérience de travail ou des employés » — en parallèle avec le terme « expérience client » qu’on rencontre en marketing — an d’être un employeur de choix (Bremen et McMullen, 2010b ; Coco et Brereton, 2012 ; Hill et Tande, 2006). Au l des années, l’association des professionnels en rémunération WorldatWork, comme de nombreuses sociétés-conseils en rémunération (Mercer, Hay Group, Sibson Consulting, Towers Watson, etc.) et des auteurs ont établi une typologie d’aspects de la relation d’emploi ou de récompenses valorisés par les employés. Le tableau 2.2 présente une synthèse non exhaustive de ces travaux. TABLEAU 2.2

Quelques composantes de la stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales

Récompenses pécuniaires

• Salaire • Primes ou alloca-

Avantages

• Retraite • Assurances diverses • Programmes d’aide

Développement et carrière

• Possibilités de

développement tions versées pour • Possibilités de divers risques ou carrière et d’assistance divers conditions de tra• Gestion du • Vacances vail (n de semaine, développement • Gratications sur appel, etc.) • Gestion de la diverses (par • Primes ou autres performance exemple, compte de incitations versées frais, escomptes, club • Gestion des carrières en fonction de d’aaires ou d’entraî- • Gestion de la relève divers régimes ou nement physique) et de la succession programmes (par • Pratiques de concilia• Mutations et mobiexemple, régimes tion travail-famille lité du personnel de rémunération • Sécurité d’emploi • Flexibilité des chemivariable basée sur • Allocations diverses nements et des prola performance individuelle, • Programmes d’achat gressions de carrière d’équipe ou de d’actions • Rétroaction, coaching, l’organisation, mentorat, tutorat • Services sur les prime de rétention, lieux de l’entreprise • Programmes ou d’attraction) (nettoyage, services pratiques de recon• Etc. bancaires, etc.) naissance • Etc. • Etc.

Contenu du travail

• Dés professionnels • Variété du travail • Sens du travail • Qualité de la supervision • Autonomie, liberté • Pouvoir • Prise de décision • Sécurité • Flexibilité des conditions et des horaires de travail • Occasions de s’engager dans la communauté • Etc.

En somme, une stratégie de récompenses totales est une expression de la philosophie de gestion des ressources humaines d’une organisation à l’égard des avantages qu’elle ore. À titre d’exemples, l’encadré 2.1 à la page suivante liste des énoncés que privilégient des entreprises ayant mis au point une stratégie de récompenses totales. La stratégie de récompenses totales est donc un élément de la stratégie de ressources humaines qui, lorsqu’elle est alignée sur la stratégie d’aaires, facilite l’atteinte des objectifs organisationnels en renforçant les comportements requis pour faire avancer l’organisation.

Contexte du travail

• Culture et valeurs de gestion

• Relations et climat de travail

• Organisation du travail • Prestige ou réputation de l’organisation • Qualité du leadership et du personnel (collègues, subordonnés) • Engagement dans la communauté, développement durable, responsabilité sociale • Bien-être, santé et sécurité • Reconnaissance, communication et participation du personnel • Code vestimentaire • Outils de travail • Confort des lieux • Etc.

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CHAPITRE 2

Le tableau 2.3 montre comment une chaîne de magasins de détail a procédé à l’alignement entre sa stratégie d’aaires, sa stratégie de ressources humaines et ses récompenses totales an d’orir un meilleur service aux clients, comme élément de sa stratégie d’aaires, et d’augmenter ses revenus et ses bénéces. ENCADRÉ 2.1 ■

■ ■

■ ■



Des exemples d’énoncés liés à une stratégie claire et distinctive de récompenses totales

«An de ne pas accentuer les diérences de statuts, nous évitons d’octroyer des gratications ou tout autre symbole de statut qui ne sont pas en lien avec les besoins d’aaires. » «Nous veillons à utiliser les bénéces comme un élément distinctif clé dans notre programme de rémunération.» «Nous visons à nous distinguer dans le recrutement et la délisation du personnel en mettant l’accent sur les possibilités que nous orons, particulièrement sous la forme de la rémunération variable, du développement et des possibilités de carrière. Nous accordons des salaires et des avantages compétitifs, mais nous ne cherchons pas à nous distinguer sur ces éléments de la rémunération totale.» «Nous sommes alignés sur le marché, et la compétitivité est jugée plus importante que l’équité interne.» «Nous cherchons à accroître notre réputation en tant qu’organisation qui favorise le développement professionnel. Nous donnons aux employés des possibilités de développement personnel, d’amélioration des compétences, d’avancement de la carrière et de sécurité d’emploi. Les employés ont la responsabilité de leur croissance professionnelle avec l’aide de leur superviseur. Ils sont encouragés à adopter une approche proactive pour planier et développer leur carrière. Les cadres qui développent leurs employés seront reconnus et récompensés, alors que ceux qui ne les développeront pas adéquatement recevront du coaching et, au besoin, seront remplacés.» «Pour aider les employés à gérer les exigences de leur travail et celles de leur vie personnelle, nous créons un environnement ouvert aux aménagements de travail exibles, adoptons des comportements de leadership qui appuient le personnel au cours des périodes exigeantes pour eux et analysons sur une base continue le contenu du travail et des emplois an de nous assurer qu’ils bénécient d’un équilibre travail-famille.»

Source : Extrait traduit de WorldatWork (2007, p. 26).

TABLEAU 2.3

Un exemple d’alignement entre stratégie d’aaires, stratégie de ressources humaines et stratégie de récompenses totales

Stratégie d’aaires

Stratégie de ressources humaines

• Fournir un meilleur

• Attirer les employés des magasins

service aux clients.

• Garder les magasins ouverts lorsque les clients veulent magasiner.

• Orir des produits uniques à des prix raisonnables.

parmi les clients actuels de la chaîne de magasins et les embaucher an que leur loyauté comme clients se transforme en loyauté comme employés.

Stratégie de récompenses totales

• Orir les salaires et les avantages au taux courant pratiqué dans les localités an que l’entreprise soit compétitive. • Adopter un programme d’incitations basées sur la performance d’équipe de chaque magasin où la satisfaction des clients est mesurée par une enquête menée auprès d’eux. • Orir des escomptes aux employés an de les inciter à continuer de faire des achats dans les magasins et de promouvoir des relations positives parmi le personnel.

• Augmenter la main-d’œuvre à temps • Proposer des aménagements de travail exibles partiel pour répondre aux besoins durant les périodes de pointe, les ns de semaine, en soirée.

incluant plus d’horaires à temps partiel. • Compter sur l’embauche de retraités et d’étudiants pour répondre aux besoins durant les périodes de pointe, les ns de semaine, en soirée.

• Embaucher des personnes sans expé- • Donner de la formation en vente et sur les produits. rience et leur donner des possibilités de développement.

Source : Adapté et traduit de Kaplan (2007, p. 17-18).

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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De nombreux dirigeants et spécialistes des ressources humaines croiront à raison que cette recommandation de prendre en considération tous les aspects de l’environnement de travail oerts aux employés est fort semblable à la recommandation traditionnelle d’adopter une stratégie globale de gestion des ressources humaines ou encore à la recommandation plus récente de déterminer la proposition de valeur de l’organisation ou sa marque d’employeur. Depuis longtemps déjà, beaucoup d’organisations, comme General Electric, Procter & Gamble et L’Oréal, attirent et gèrent leur personnel en misant sur des atouts non pécuniaires comme le développement, la réputation de l’employeur ou le climat de travail. Cela a d’ailleurs toujours été le cas pour les organismes sans but lucratif.

2.2

Les incidences du contexte sur la gestion de la rémunération

Aujourd’hui, les consultants et les ordres professionnels sensibilisent de plus en plus les experts en rémunération à reconnaître davantage l’importance des facteurs autres que pécuniaires dans l’élaboration d’une stratégie de récompenses totales. En conséquence, les experts en rémunération doivent étendre leurs compétences, détenir plus de ressources et de pouvoir an d’intervenir sur l’ensemble des conditions de travail des employés. Pour cela, il faut qu’ils connaissent bien les diérents types d’environnements qui inuent sur la gestion de la rémunération globale. Cette section vise à montrer l’inuence des caractéristiques de l’environnement externe, de l’organisation ainsi que des emplois et des employés sur la gestion des diverses composantes de la rémunération.

2.2.1 L’inuence de l’environnement externe De nombreuses caractéristiques environnementales exercent une inuence sur la gestion de la rémunération. Cette sous-section traite de l’inuence des caractéristiques environnementales suivantes : l’état de l’ore et de la demande sur le marché du travail, l’environnement législatif, les environnements économique et concurrentiel, les environnements social et culturel de même que l’environnement démographique.

L’ore et la demande sur le marché du travail Les salaires versés aux employés sont en partie liés à la disponibilité de la main-d’œuvre et aux postes à pouvoir sur le marché du travail. Cela constitue l’essence de la théorie économique classique de l’ore et de la demande de travail, qui sera expliquée plus à fond dans le chapitre 4. Si les postes sont peu nombreux et que le réservoir d’employés proposant leurs services s’avère important, les salaires diminueront. À l’opposé, si les postes sont nombreux et qu’il y ait une pénurie de main-d’œuvre, les salaires augmenteront.

L’environnement législatif Étant donné que les valeurs d’une société évoluent, cela entraîne inévitablement certaines répercussions sur sa législation. Au cours des 25 dernières années, les lois canadiennes fédérales et provinciales ayant trait aux diérences de rémunération basées sur le sexe ont évolué. Au chapitre des avantages sociaux, les valeurs et la législation ont également

Ce qui fonctionne est ce qui s’accorde Selon le très reconnu consultant américain Robert Greene, «ce qui fonctionne est ce qui s’accorde» représente un principe qui devrait être pris au sérieux. Ce qui s’accorde avec la mission, la culture, les réalités interne et externe, la stratégie et la structure est ce qui a le plus de chances d’être ecace. Par conséquent, il importe d’évaluer les caractéristiques du contexte dans lequel une stratégie de rémunération sera implantée et gérée pour ensuite décider ce qui s’accorde avec ce contexte. Peu importe que vous copiiez ou innoviez, il faut que ce que vous faites s’accorde avec le contexte et les objectifs. Vous contrerez ainsi le biais selon lequel une chose est toujours meilleure qu’une autre.» Source : Extrait traduit de Greene (2009a, p. 64).

40

CHAPITRE 2

beaucoup changé ces dernières années, notamment les conditions d’admissibilité aux régimes, qui ont été appliquées à une plus grande proportion de la main-d’œuvre et de la population. Par exemple, au Québec, aux ns de la gestion des avantages sociaux, la dénition du « conjoint » a été étendue aux personnes de même sexe en juin 1996 (conformément à la Charte des droits et libertés de la personne) et aux personnes engagées dans une union civile en 2000. L’encadré 2.2 liste quelques dispositions d’un ensemble de lois ou de règlements qui balisent, au Canada, la gestion de la rémunération tant au niveau provincial qu’au niveau fédéral.

REGARD SUR LA PRATIQUE Quelques carrières d’avenir Quelque 80 des 130 programmes de formation les plus prometteurs en 2013 sont issus des études professionnelles et techniques (DEP et DEC), soit près des deux tiers, selon le tout dernier Bilan des perspectives du marché du travail 2013 de Jobboom dévoilé le 29 janvier 2013. «Le déséquilibre entre l’ore et la demande est saisissant dans plusieurs de ces programmes de formation cruciaux pour l’économie du Québec, et souvent de façon récurrente depuis nombre d’années, soutient Patricia Richard, directrice générale de l’information de Jobboom […]. La situation est telle que, faute de diplômés, les entreprises sont parfois contraintes de recruter des travailleurs à l’étranger an d’assurer leur croissance», poursuit-elle.

Parmi la sélection des formations de Jobboom en 2013, plusieurs DEP orent aussi des salaires hebdomadaires alléchants, comme Forage et dynamitage (1 610 $), Conduite de grues (1 601 $) ou Extraction de minerai (1 387 $). Au collégial, les programmes Technologie minérale (spécialisation en exploitation) (1 025 $), Acupuncture (829 $) et Technologie de l’électronique industrielle (839 $) font également bonne gure. Ces salaires hebdomadaires se comparent très bien à ceux que reçoivent certains diplômés universitaires, comme les enseignants au secondaire (802 $), les physiothérapeutes (908 $) ou les criminologues (797 $).

Source : Extrait adapté de Jobboom (2013, p. 1-3).

Devant des changements démographiques et sociologiques semblables, les États réagissent diéremment à travers les lois, les règlements, les mesures scales et incitatives qu’ils adopteront et les pressions qu’ils exerceront sur les organisations pour favoriser le bien-être de la population. On peut distinguer les États non interventionnistes (comme les États-Unis, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal et la Grèce) qui laissent en grande partie à l’initiative privée le soin de résoudre ces problèmes, les États faiblement interventionnistes (comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg) et les États interventionnistes (comme les pays scandinaves, la France et à un degré moindre le Canada). Ainsi, tandis que la présence des femmes sur le marché du travail est élevée à bien des endroits, le Canada s’avère le pays le plus interventionniste avec ses lois provinciales visant à favoriser l’équité salariale entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine de valeur équivalente dans le secteur public ou le secteur privé. Alors que la main-d’œuvre est vieillissante dans de nombreux pays développés, la France a imposé légalement, en 2009, aux entreprises comptant 50 salariés et plus de négocier un accord d’entreprise ou d’élaborer un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés, au plus tard le 1er janvier 2010, sous peine d’une pénalité de 1 % de la masse salariale pour chaque mois de retard (voir la rubrique « Le coin de la loi »). Le fait que le marché du travail soit fortement réglementé en France explique pourquoi on y trouve relativement peu de mouvements de personnel entre les organisations. Un pays comme le Mexique

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force depuis longtemps déjà les employeurs à respecter un code du travail très complet dont les dispositions balisent des aspects comme les heures supplémentaires (nombre et fréquence), les primes de Noël et de vacances, le remboursement de certains dépenses éducatives, sociales et culturelles ou le partage des bénéces avec les employés (Des Roberts, 1995a, 1995b).

ENCADRÉ 2.2 ■













■ ■ ■

Des exemples de législations balisant la gestion de la rémunération

Protection des droits des personnes (Charte canadienne des droits et libertés au niveau fédéral et Charte des droits et libertés de la personne au Québec) et non-discrimination dans la détermination des conditions de travail (incluant la rémunération) sur la base du sexe, de l’âge, de la race, etc. Syndicalisation, négociation et administration des conventions collectives au niveau fédéral et dans chaque province (par exemple, Code du travail au Québec) en relation avec la gestion des conditions de travail, incluant la rémunération, dans les milieux syndiqués Élimination de la discrimination dans la rémunération des hommes et des femmes (par exemple, Loi sur l’équité salariale au Québec et Loi canadienne sur les droits de la personne au niveau fédéral) Rémunération des employés intervenant dans la gestion de la santé et de la sécurité et rémunération des accidentés du travail (au Québec, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles) Conditions de travail (Loi sur les normes du travail au Québec ou Employment Standards Acts dans les autres provinces canadiennes) à divers égards : salaire minimum, heures d’une semaine normale de travail, paiement des heures supplémentaires, vacances, jours fériés, âge minimal pour travailler, primes de séparation, traitement de catégories particulières de personnel (domestiques, gardiens, employés à pourboire, cadres et dirigeants, etc.) Détermination des impôts des particuliers (par exemple, salariés versus travailleurs autonomes, avantages imposables, contributions et déductions) et des organisations (par exemple, contributions obligatoires et déductions possibles) Divulgation de la rémunération des dirigeants des sociétés dont les actions sont négociées à la Bourse (règlement 638 au niveau fédéral) Gestion des régimes de retraite des employeurs Gestion des régimes collectifs de rémunération (par exemple, participation diérée aux bénéces) Mesures ou politiques scales visant à inciter à l’adoption de certains modes ou pratiques de rémunération globale en échange d’allégements scaux (par exemple, régimes collectifs de rémunération variable). Aussi, selon leur traitement scal, les employeurs vont décider de la nature et du montant des récompenses octroyées dans le cadre de leurs programmes de reconnaissance ou de gratications (perks).

LE COIN DE LA LOI

La Loi de nancement de la sécurité sociale de 2009 visant à favoriser l’intégration professionnelle des salariés âgés en France

Depuis le 1er janvier 2010, les entreprises de 50 salariés ou plus ont l’obligation de xer un objectif chiré de maintien en emploi pour les salariés de 55 ans et plus, ou un objectif chiré de recrutement pour les salariés âgés de 50 ans et plus. Ces accords et ces plans doivent préciser une série de dispositions favorables au maintien en emploi et au recrutement des salariés âgés, portant sur au moins trois des six domaines précisés par la loi (avec des objectifs chirés et des Source : Extrait de Poilpot-Rocaboy et al. (2013, p. 8).

indicateurs de mesure). Ces domaines sont : 1) le recrutement des salariés âgés ; 2) l’anticipation de l’évolution des carrières professionnelles ; 3) l’amélioration des conditions de travail et la prévention des situations de pénibilité ; 4) le développement des compétences et des qualications et l’accès à la formation ; 5) l’aménagement des ns de carrière et de la transition entre activité et retraite ; 6) la transmission des savoirs et des compétences et le développement du tutorat.

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CHAPITRE 2

Pour en savoir plus sur l’environnement légal du travail et sur les législations, les règlements et les organismes qui balisent la gestion de la rémunération

Même à l’intérieur d’un pays, des diérences de lois entre des provinces doivent aussi être prises en compte. Au Canada, par exemple, les exigences de la Loi sur l’équité salariale — ayant pour objet de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systématique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d’emplois à prédominance féminine — ne sont pas les mêmes au Québec et en Ontario. Aussi, l’employeur qui a un établissement dans les deux provinces doit satisfaire à des exigences légales particulières pour établir et assurer le maintien de l’équité salariale au sein de chacun de ses établissements. Finalement, pour ce qui est des sociétés multinationales, il est également essentiel qu’elles respectent les lois régissant les impôts et les conditions de travail des pays où elles opèrent. Les lois sont diérentes d’un pays à l’autre et peuvent même entrer en conit (pensons au traitement réservé aux femmes et aux minorités dans diérents pays).

Les environnements économique et concurrentiel En raison de la meilleure santé économique et du coût de la vie plus élevé dans les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, les employés de ces provinces gagnent depuis des années un salaire moyen supérieur à celui des employés des autres provinces canadiennes. Au cours des dernières années, toutefois, à cause de la dynamique créée par la forte activité de l’industrie pétrolière, l’Alberta semble avoir au moins rejoint ces dernières provinces. Cette situation complique la gestion de la rémunération au sein des sociétés ayant des unités d’aaires dans des provinces canadiennes dont la santé économique varie grandement. L’analyse des pressions économiques sur la gestion de la rémunération amène l’employeur à se poser de nombreuses questions, comme les suivantes : jusqu’à quel point la situation nancière de l’entreprise — et donc sa capacité d’orir de meilleures conditions de rémunération — est-elle inuencée par la situation économique de la région ? Les taux d’intérêt, la valeur du dollar et la demande de biens et de services sont-ils favorables à la situation nancière de l’entreprise à court terme ? Quelles conditions économiques peuton prévoir pour les mois ou les années à venir ? Quelles sont les incidences du contexte économique sur la gestion de la rémunération ? Vu le phénomène de la mondialisation des marchés, certaines entreprises canadiennes ont de plus en plus de diculté à rester compétitives. Plusieurs pays en voie de développement allient une technologie de pointe, une main-d’œuvre qualiée et des salaires peu élevés. Avec la concurrence de plus en plus forte que se livrent des pays comme la Chine, l’Inde et le Mexique, où le salaire moyen des travailleurs peut être de 10 à 12 fois inférieur au salaire moyen oert au Canada, les entreprises canadiennes ont un énorme dé à relever pour pouvoir rester compétitives. Dans ce contexte d’un libre-échange mondial, les entreprises canadiennes n’ont pas vraiment le choix : elles doivent réduire leurs coûts ou accroître leur productivité. En eet, les entreprises sont de moins en moins en mesure de transmettre une hausse des coûts de la main-d’œuvre aux consommateurs. Ces pressions économiques et concurrentielles ont poussé certaines entreprises nordaméricaines à accorder une plus grande importance à la portion variable de la rémunération qu’à la portion xe.

Les environnements social et culturel On ne peut gérer la rémunération des employés sans considérer la culture nationale, c’est-à-dire les valeurs, les normes et les croyances partagées par les habitants d’un pays. En fait, la manière de gérer la rémunération au sein des entreprises est inuencée par les valeurs de la société tout autant que la manière de gérer la rémunération inuence ou maintient les valeurs sociétales.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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Les liens entre les cultures des sociétés et la perception d’équité ou de justice en matière de gestion de la rémunération sont multiples et variés. Ainsi, en Amérique du Nord, les régimes de rémunération basée sur la contribution individuelle à court terme sont bien plus fréquents qu’en France. Dans ce pays, les salaires de base peuvent varier de façon importante pour les titulaires d’un même poste selon qu’ils sont diplômés d’une école plus ou moins prestigieuse (les « grandes écoles »). En France, on utilise plus l’expression « gestion des compétences » que l’expression « gestion de la performance ». Dans nombre de secteurs et d’organisations, les diplômés des grandes écoles sont présumés avoir une bonne performance à vie quels que soient leurs responsabilités et leurs postes. Pour certains, l’idée même d’évaluer la performance ou les compétences d’un diplômé d’une grande école n’a pas de sens. Dans certains pays, comme le Japon et la Corée du Sud, les salaires des employés sont déterminés en fonction non pas de la nature de leur travail, mais de leur niveau de scolarité et de leur ancienneté ou loyauté. Au Japon, les modes de rémunération récompensent davantage les besoins des employés et des membres de leur famille. En Inde, les conditions de travail de bien des citoyens restent encore liées au système des castes même si cela est illégal depuis 1976. Enn, comparativement aux pays d’Europe et d’Asie, les pays d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud établissent davantage une diérence entre la rémunération des dirigeants d’une entreprise et celle de ses employés. Conformément aux travaux d’Hofstede (1980) sur les cultures nationales, les pays qui valorisent plus les diérences de pouvoir, comme les pays arabes, le Mexique et l’Espagne, auront tendance à adopter des modes de rémunération symbolisant des diérences de statuts, alors que les pays qui prônent plus l’égalité, comme l’Australie, la Suède, la Suisse, la Norvège ou les Pays-Bas, privilégieront des modes de rémunération qui ne favorisent pas d’importants écarts entre les catégories de personnel et les régimes collectifs de rémunération variable.

L’environnement démographique Le prol de la main-d’œuvre canadienne a beaucoup changé au cours des dernières décennies. Pour s’en convaincre, il sut de penser à la féminisation de la main-d’œuvre, au nombre de plus en plus élevé de familles monoparentales, à l’augmentation du nombre de couples à deux carrières, à la scolarisation accrue de la main-d’œuvre, au vieillissement de la population ou au nombre croissant d’employés qui travaillent à temps partiel ou sur une base contractuelle. Plus scolarisée et plus diversiée, la main-d’œuvre d’aujourd’hui a des besoins ou des attentes plus variés et exige davantage d’informations sur les multiples composantes de la rémunération totale et leur gestion, ce qui augmente l’importance de la communication à ces sujets. L’entreprise doit aussi faire en sorte que ses modes de rémunération soient plus exibles et plus personnalisés, an de mieux répondre aux besoins particuliers de sa nouvelle main-d’œuvre. Ainsi, un nombre croissant d’employeurs adoptent des pratiques facilitant la conciliation travail-famille en ce qui a trait aux services de garde et à l’aide aux soins de la famille, aux congés, aux horaires de travail, etc. Cette plus grande exibilité, si elle comporte des atouts, entraîne également un dé important sur le plan des perceptions d’équité parmi le personnel : alors que tous étaient traités de la même manière, ils sont désormais traités diéremment sur la base de leurs besoins et de leurs caractéristiques personnelles.

2.2.2 L’inuence des caractéristiques organisationnelles De nombreuses caractéristiques organisationnelles inuencent la gestion de la rémunération. Dans cette sous-section, nous décrirons les incidences des caractéristiques organisationnelles suivantes : les secteurs d’activité économique et industrielle (l’état de la concurrence

Pour en savoir plus sur le monde du travail au Québec et au Canada

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CHAPITRE 2

et de la demande ainsi que la proportion des coûts de la main-d’œuvre dans les coûts d’exploitation) ; les secteurs privé et public ; la taille et le cycle de vie des organisations ; la situation nancière ; la localisation ; les stratégies d’aaires ; les diérentes activités de gestion (les modes traditionnels de gestion de la rémunération, les autres activités de gestion du personnel de même que les valeurs de gestion et la culture de l’organisation) ; l’organisation du travail (le statut de l’emploi et la présence de syndicats) ; et, enn, l’utilisation des diérentes technologies.

Les secteurs d’activité économique et industrielle En occupant un même emploi, une personne gagnera un salaire différent selon qu’elle travaille dans une industrie plutôt que dans une autre. Selon Milkovich et ses collaborateurs (2011), certaines enquêtes longitudinales indiquent que l’effet du type de secteur d’activité ou de l’industrie sur les conditions de rémunération des employés est demeuré stable au cours des années : les industries qui payaient mieux il y a 70 ans figurent encore aujourd’hui parmi celles qui accordent les meilleures conditions de rémunération ; l’inverse est aussi vrai. Ainsi, les salaires et les augmentations de salaires versés aux employés de diverses industries — notamment ceux du textile, de la chaussure, du meuble, de l’hôtellerie, de la restauration, du commerce de détail et les organismes à but non lucratif — sont beaucoup plus bas que ceux qui sont accordés aux employés des secteurs des mines, de la pétrochimie, des produits pharmaceutiques, du tabac, de la métallurgie, des transports, des communications et des ressources naturelles. Par ailleurs, le fait qu’une importante entreprise manufacturière soit presque le seul employeur dans une petite municipalité lui donne un plus grand pouvoir discrétionnaire pour établir ses modes de rémunération qu’une entreprise de service de la même région qui fait face à une forte concurrence sur le marché de l’emploi. La première entreprise n’entre en concurrence avec aucun employeur pour recruter et retenir ses employés. Ainsi, au-delà d’un certain seuil de rémunération, les employés ne quitteront pas leur région pour aller travailler pour un autre employeur. À moins que cette entreprise ne soit très importante et, conséquemment, qu’elle n’attire des personnes de l’extérieur, une augmentation de la rémunération ne lui permettrait pas d’améliorer la quantité et la qualité des candidats qu’elle attire pour pourvoir certains de ses postes, puisque l’ore de travail est limitée aux employés de la région. De plus, il est possible que, au sein d’une grande société ou d’un conglomérat, des unités d’aaires œuvrant dans diérentes industries (par exemple, les ascenseurs, l’air conditionné, l’aviation) adoptent des stratégies d’aaires et de rémunération très diérentes. Toutefois, dans la mesure où des unités d’aaires se trouvent dans une même industrie et où la société mère veut encourager les échanges de compétences et la standardisation des valeurs de gestion entre les unités d’aaires localisées à l’étranger, de très grandes diérences en matière de gestion de la rémunération peuvent être néfastes. La gestion de la rémunération dans un contexte international ayant ses particularités, nous en traiterons dans le chapitre 11. Il faut aussi reconnaître que même à l’intérieur d’une industrie, comme celle du commerce au détail, les salaires moyens oerts pour des postes semblables varient. Notons également que l’impact d’un changement du salaire minimum obligatoire sur le coût de la main-d’œuvre d’une entreprise sera plus ou moins important selon le secteur d’activité. Ainsi, une augmentation du salaire minimum risque de n’avoir aucun eet sur le coût de la main-d’œuvre dans les secteurs de la pétrochimie et des produits pharmaceutiques, puisque les salaires qu’on y verse sont beaucoup plus élevés que le taux minimal. Par contre, une hausse du salaire minimum augmente substantiellement les

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coûts d’exploitation dans les secteurs du commerce de détail et de la restauration rapide, puisqu’une proportion importante des employés y travaille au taux minimal.

REGARD SUR LA PRATIQUE Les eets « boule de neige » d’une hausse du salaire minimum La Direction de la recherche et de l’innovation en milieu de travail du ministère du Travail du Québec a mené une étude pour estimer l’impact global de la hausse du salaire minimum de mai 2010 (passant 9,00 $ à 9,50 $) sur l’ensemble des salaires au Québec. La notion d’impact global considère deux eets, soit l’eet direct, qui résulte de l’augmentation du taux horaire des salariés qui sont payés au nouveau salaire minimum, et l’eet indirect, qualié d’«eet d’émulation», qui consiste en une augmentation du salaire horaire des salariés dont la rémunération est égale ou supérieure au

nouveau salaire minimum que les employeurs accordent pour des raisons d’équité, d’attraction et de délisation, de motivation du personnel ou encore de respect des clauses d’une convention collective. En 2010, l’eet direct de la hausse du salaire minimum a été évalué à 89,8 millions de dollars et concernait 159 700 salariés. L’eet indirect a été estimé à 200,8 millions de dollars et touchait 569 100 salariés. L’impact global avait donc touché près de 729 000 salariés et s’élevait à près de 291 millions de dollars.

Source : Extrait adapté de Boivin (2012, p. 1).

L’état de la concurrence et les coûts de la main-d’œuvre

La capacité de payer d’une organisation — estimée en fonction de sa productivité et de ses prots actuels et prévus — limite les conditions de rémunération qu’elle peut orir à ses employés, et ce, particulièrement lorsque surviennent des périodes de récession. Cette capacité de payer est liée à la possibilité, pour l’organisation, d’intégrer les augmentations de salaires aux prix de ses produits ou services, laquelle est fonction de l’état de la concurrence dans son secteur d’activité et de l’état de la demande de ses produits ou services. Comment peut-on expliquer les eets de l’industrie sur les taux de salaires ? Des facteurs comme l’état de la concurrence et de la demande ainsi que la proportion des coûts de la main-d’œuvre dans les coûts totaux d’exploitation permettent de mieux comprendre ce phénomène. Ainsi, plus la concurrence est vive, plus la demande des produits ou des services de l’entreprise est faible, et moins celle-ci peut transmettre des augmentations de salaires aux clients en haussant le prix de ses produits ou services, puisque cette façon de faire réduirait ses ventes et, conséquemment, ses revenus. À l’inverse, moins la concurrence est forte, plus la demande de produits ou de services est élevée, et plus les entreprises peuvent se permettre d’adopter une politique de rémunération qui les placera à la tête du marché en transmettant la facture à leurs clients. Par conséquent, si l’état de l’ore de main-d’œuvre xe le taux minimal de salaire permettant d’attirer et de retenir les employés compétents, l’état de la demande de produits ou de services, ou encore l’ampleur de la concurrence dans le secteur d’activité, détermine le taux maximal de salaire qu’une entreprise peut se permettre d’orir (Gunderson et Riddell, 1993). En résumé, les entreprises œuvrant dans des secteurs marqués par une concurrence très vive cherchent rarement à devancer le marché en matière de rémunération pour ne pas trop hausser les coûts de leur main-d’œuvre et rester compétitives. C’est le cas des entreprises de services où les coûts de la main-d’œuvre peuvent représenter plus de 50 % des coûts d’exploitation. Au mieux, ces entreprises tenteront d’accompagner le marché an de pouvoir recruter et retenir un personnel qualié. Au cours des dernières années, les législations et les changements économiques — comme la valeur du dollar canadien — ont grandement agi sur l’état de la concurrence

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CHAPITRE 2

et, par conséquent, sur les possibilités pour les entreprises d’intégrer des augmentations de salaires aux prix des produits ou des services.

Les secteurs privé et public Selon qu’un employé travaille dans le secteur privé ou dans le secteur public, cela aura aussi des incidences sur les modes de gestion de la rémunération. Le chapitre 11 expliquera davantage les particularités du secteur public et ses eets sur la gestion de la rémunération. Mentionnons que plusieurs de ces particularités peuvent aussi caractériser certaines entreprises de grande taille et dotées de lourdes structures hiérarchiques. Selon les résultats d’un rapport produit par l’Institut de la statistique du Québec (2012, p. 9), le salaire des employés de l’administration québécoise montre un retard de 11,2 % par rapport à celui des autres salariés québécois dans l’ensemble des emplois repères. Ce décalage salarial entre les salariés de l’administration publique québécoise et l’ensemble des autres salariés peut s’expliquer par la valeur de leur sécurité d’emploi. Selon cette perspective, il n’y a pas de « retard salarial » du secteur public québécois par rapport au secteur privé, mais plutôt une « diérence compensatoire » : au l des années, les salariés du secteur public ont implicitement troqué une rémunération inférieure à celle que gagnaient leurs homologues du secteur privé contre une plus grande sécurité. La sécurité d’emploi oerte aux employés permanents recouvre un ensemble de privilèges, dont la garantie de ne pas être congédiés faute de travail, le droit au placement prioritaire dans des postes vacants et le maintien de leur traitement en cas de suppression de postes. De plus, les conventions collectives accordent aux employés dont le poste a été supprimé ou cédé le droit de refuser, à certaines conditions, une autre aectation si le poste se trouve à l’extérieur de leur catégorie d’emplois ou de leur unité administrative ou s’il est situé à plus de 50 kilomètres de leur port d’attache.

La taille et le cycle de vie des organisations Au Canada comme aux États-Unis, les études conrment depuis longtemps que la taille des entreprises, mesurée par le chire d’aaires ou le nombre d’employés, a un eet positif sur les taux de rémunération et sur la générosité des avantages sociaux (Julien, 1997 ; Evans et Leighton, 1989). Comparativement aux petites organisations, les grandes organisations ont tendance à verser de meilleurs salaires, même lorsqu’elles appartiennent au même secteur d’activité économique ou qu’elles entrent en concurrence sur un marché. Les organisations de petite taille qui, dans de nombreux cas, sont moins capables de devancer le marché sur le plan de la rémunération (xe et variable) pourront tout de même attirer et conserver une main-d’œuvre de grande qualité en mettant l’accent sur la formation et le perfectionnement au travail, en orant d’excellentes possibilités de promotions, des dés stimulants, un aménagement exible des horaires, etc. La taille des entreprises a une incidence non seulement sur les montants oerts, mais aussi sur la manière de gérer la rémunération du personnel. Le cycle de vie — un concept lié à la taille — peut avoir des répercussions sur la gestion de la rémunération, comme l’indique l’encadré 2.3. Dans les petites entreprises, ce sont les dirigeants et les cadres qui gèrent la rémunération du personnel sans qu’on y trouve de professionnel de la rémunération. À ce jour, les écrits corroborent l’idée que plus une entreprise est petite, plus ses dirigeants s’appuient sur le taux du marché (Garand, 1993) pour gérer leur rémunération, mais aussi sur les caractéristiques individuelles des employés — comme leurs besoins, leur ancienneté ou leur rendement — de manière plus ou moins formelle. Étant donné que dans les petites organisations, la contribution de chacun est plutôt unique (un directeur des ventes, un ingénieur, etc.), il est plus dicile de faire preuve de cohérence et plus facile de négocier

La rémunération globale : enjeux et stratégie

ENCADRÉ 2.3

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L’inuence du cycle de vie de l’organisation

1. Le stade de croissance ■ Besoin d’argent pour nancer l’expansion, les infrastructures et les dépenses de recherche et développement (R&D) ■ Prédominance de l’équité externe sur l’équité interne : besoin d’attirer des employés qualiés aux postes clés ■ Recours aux régimes de rémunération variable à long terme (options d’achat d’actions, options d’achat d’actions ctives, etc.) pour retenir les employés clés (potentiel d’enrichissement à long terme sans débours à court terme) ■ Octroi minimal d’avantages sociaux 2. Le stade de maturité ■ Recherche de l’ecience : minimisation des coûts et maintien ou augmentation des parts du marché ■ Politique de rémunération privilégiée : accompagner le marché ■ Préoccupation pour l’équité interne, la gestion des carrières et la reconnaissance des contributions individuelles (compétences et rendement) 3. Le stade de déclin ■ Réduction des dépenses de rémunération ou adoption de pratiques diérenciées ou innovatrices de rémunération alignées sur des initiatives de redressement

les ententes de rémunération au cas par cas jusqu’à ce que la taille nécessite de mettre de l’ordre dans le chaos au moyen de normes plus standardisées et ocielles qui seront réclamées par certains et craintes par d’autres. Le dé sera alors de trouver un équilibre entre la standardisation (souvent associée à la bureaucratie) et la exibilité. Aussi, plus la taille d’une entreprise s’accroît, plus cette dernière doit ocialiser sa gestion de la rémunération, an de réduire divers problèmes d’iniquité, et plus les exigences légales qu’elle doit respecter sont élevées. Par exemple, la Loi sur l’équité salariale du Québec xe des exigences diérentes en fonction de la taille des entreprises. Nous verrons toutefois que cette loi, même si cela n’était pas son but, a incité et même forcé nombre d’organisations de petite taille à gérer de manière plus ocielle et professionnelle leur rémunération, ce qui est dans l’intérêt tout autant des employés que des employeurs. Nous reviendrons sur le contenu de cette loi dans le chapitre 5. Compte tenu du nombre important de petites et moyennes entreprises (PME) dans de nombreuses économies, dont la nôtre, le chapitre 11, qui abordera la gestion de la rémunération dans diérents contextes, y consacrera une section.

La situation nancière La situation nancière de l’entreprise a inévitablement un impact sur la valeur de la rémunération accordée et sur la nature des programmes de rémunération. En eet, les organisations dont la capacité de payer est supérieure tendent à orir des conditions de rémunération plus avantageuses. La situation nancière dicte aussi le type de régime de rémunération variable choisi, de même qu’elle détermine le succès que ce régime obtiendra. Par exemple, certaines entreprises ont implanté des programmes d’actionnariat an d’éviter de devoir fermer leurs portes. D’autres entreprises abandonnent leurs régimes de participation aux bénéces lorsqu’elles éprouvent des problèmes nanciers parce qu’il est dicile de motiver le personnel avec un régime qui ne paie pas année après année.

La localisation La localisation des organisations ou de leurs unités d’aaires a également un eet sur les montants de rémunération versés (combien ?) et les modes de rémunération adoptés (comment ?). Sur les plans international, national et provincial, les disparités en matière de salaire, de rémunération directe et d’avantages sociaux pour un emploi similaire peuvent

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CHAPITRE 2

être importantes. Ainsi, on tend à orir de meilleurs salaires à Montréal que dans le reste du Québec. Une entreprise dont certaines unités d’aaires se situent loin des grands centres urbains peut, notamment, verser des primes d’éloignement en plus du salaire (c’est le cas pour les entreprises qui exercent leurs activités dans le nord de la Colombie-Britannique, de l’Ontario ou du Québec) ou intégrées au salaire (c’est le cas pour les entreprises minières dont les principales activités s’exercent dans des régions éloignées). Par ailleurs, les lois de l’impôt des diérents pays ont une grande inuence sur la gestion de la rémunération au sein des unités d’aaires d’une société. Ainsi, le système de taxation du Canada limite de façon importante la mutation de professionnels, de cadres et de dirigeants entre les États-Unis et le Canada compte tenu des coûts potentiels additionnels qu’elle entraîne ; pour qu’un Américain muté au Canada (par exemple, à Toronto, à Montréal ou à Calgary) maintienne son niveau de vie, son employeur doit lui accorder une hausse substantielle de rémunération an de compenser la hausse d’impôts à assumer.

Les stratégies d’aaires Toutes les organisations déploient des stratégies d’aaires et des stratégies de rémunération, que ces stratégies soient préétablies de manière délibérée ou qu’elles découlent des décisions prises antérieurement. Selon une perspective stratégique, les entreprises doivent adopter des politiques et des pratiques de rémunération cohérentes par rapport à leurs diverses stratégies d’aaires, que ces dernières soient planiées ou émergentes. En eet, les programmes de gestion de la rémunération sont des outils de communication, de coordination et de mobilisation qui peuvent aider l’entreprise à atteindre ses objectifs d’aaires. À titre d’illustration, on peut s’attendre — et des études le conrment — à ce que, comparées aux entreprises qui poursuivent une stratégie de réduction des coûts, celles qui adoptent une stratégie de diérenciation ou d’innovation aient des pratiques de rémunération qui dièrent (voir le tableau 2.4). Pensons à Nike et à sa stratégie de diérenciation, à Walmart et à sa stratégie de réduction des coûts ou encore à IKEA et à sa stratégie orientée vers les clients. Toutefois, en pratique, de nombreuses organisations se distinguent par un type de stratégie seulement, quelle que soit la typologie retenue. Comme l’ont mis en avant Milkovich et ses collaborateurs (2011), Lincoln Electric et Southwest Airlines s’appuient surtout sur une stratégie de leadership en matière de coûts tout en payant leurs employés bien au-delà de ce qu’ore le marché (par exemple, avec des régimes de participation aux bénéces et des régimes d’options d’achat d’actions) lorsque la performance est bonne. La société SAS Institute poursuit une stratégie d’innovation et de satisfaction des clients en mettant peu l’accent sur la rémunération basée sur la performance. En somme, si les théoriciens prescrivent de tenir compte de la stratégie, la pratique laisse une marge de manœuvre aux experts pour faire des choix de rémunération qui non seulement s’alignent sur la stratégie, mais aussi distinguent les organisations et ont une réelle valeur ajoutée. Nous reviendrons plus loin sur ces derniers points.

Les diérentes activités de gestion Par ailleurs, la stratégie de rémunération des employés doit également s’aligner sur les stratégies des autres fonctions de l’entreprise. Ainsi, des employeurs qui optent pour une stratégie de production de masse au moindre coût ou pour une stratégie de marketing visant les personnes à faible et à moyen revenu peuvent tendre à adopter une politique de rémunération consistant à être à la remorque du marché ou, au mieux, à accompagner le marché. Par exemple, des employeurs comme Nike et Reebok orent des services et des

La rémunération globale : enjeux et stratégie

TABLEAU 2.4

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Lier la rémunération à la stratégie d’aaires

Stratégie d’aaires Diérenciation

Réponse d’aaires

• Favorise le leadership • Favorise l’engagequant au développement de nouveaux produits ou services • Réduit le temps du cycle de fabrication des produits et le temps de réponse aux tendances du marché

Réduction des coûts

ment envers des personnes agiles, qui prennent des risques et qui sont innovatrices

• Ore des salaires incitatifs et des avantages sociaux très compétitifs

• Recherche davantage la exibilité que le contrôle

• Récompense l’innovation dans les produits et les processus aux descriptions et à l’évaluation des emplois (équité interne), privilégiant les descriptions d’emplois exibles ou génériques • Accorde relativement plus d’importance à la reconnaissance des contributions individuelles et collectives (l’équité individuelle et l’équité collective)

avec moins

• Exerce un suivi sur les coûts de la maind’œuvre

• Augmente la rémunération variable alignée sur l’accroissement de la productivité

• Adopte des systèmes de contrôle et de description du travail précis pour contrôler la manière dont le travail est eectué

• Propose des solutions • Enchante les clients, aux consommateurs ou aux segments de consommateurs ciblés • S’exécute avec rapidité sur le marché

Systèmes de rémunération

• Accorde relativement moins d’importance

• Maximise l’excellence • Permet de faire plus ou l’ecience opérationnelle • Recherche des solutions ecaces sur le plan des coûts

Orientation client

Alignement sur les ressources humaines

dépasse leurs attentes

• Ore des incitations liées à la satisfaction des consommateurs

• Valorise les emplois et les habiletés de relations avec les clients

Sources : Tableau compilé sur la base des écrits suivants : Arthur (1992, p. 488-506) ; Gerhart et Rynes (2003, p. 165-166) ; Milkovich et al. (2011) ; Montemayor (1996, p. 889-908).

salaires minimaux à leurs employés ; d’autres employeurs, comme Marriott, orent de bas salaires mais de bons services (par exemple, la conciliation travail-famille, des cours d’anglais et des cours de gestion du budget) ; d’autres encore, comme Medtronic, orent à la fois des salaires et des services élevés (Milkovich et al., 2011). De la même manière, des commerçants qui optent pour une stratégie de vente à bas prix à une clientèle d’adolescentes ou pour une stratégie de vente de produits de luxe visant les personnes ayant un revenu élevé vont certainement se distinguer sur le plan de la rémunération de leur personnel de vente. Dans le premier cas, un commerçant tendra à réduire les salaires en pourvoyant ses postes au moyen d’une main-d’œuvre jeune, à temps partiel et changeante, qu’il pourra rémunérer à commission an de maximiser les ventes. Dans le second cas, un commerçant devra recruter un personnel d’expérience qu’il rémunérera surtout en fonction d’un bon salaire xe an de retenir les employés qui sont appréciés pour leur expertise et qui orent des services personnalisés sans presser indûment les clients d’acheter.

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CHAPITRE 2

Les modes traditionnels de gestion de la rémunération

La manière dont une organisation a traditionnellement géré sa rémunération constitue une contrainte, puisqu’elle justie certaines valeurs qu’adoptent les employés. De fait, une grande partie de la culture d’une organisation peut être attribuée à ses politiques de rémunération antérieures. Il est également important de considérer les modes de rémunération traditionnels, car les employés risqueraient de percevoir comme inacceptables ou inéquitables des changements qui se produiraient trop fréquemment en cette matière. Par exemple, même s’il peut dorénavant être plus approprié de reconnaître le rendement des employés à l’aide de primes plutôt qu’à l’aide d’augmentations de salaires, cette façon de faire risque de constituer un changement inacceptable ou inéquitable à leurs yeux. De même, malgré le fait que les nouveaux modes d’organisation du travail et de structure organisationnelle requièrent plus de exibilité, de polyvalence et d’autonomie de la part du personnel, il faut un certain temps pour amener le personnel à accepter des modes de rémunération plus adaptés aux contextes (la rémunération des équipes, le salaire selon les compétences, la réduction des classes d’emplois, etc.). En fait, la façon de récompenser et de rémunérer les employés représente l’un des meilleurs moyens d’apprécier les valeurs, les croyances et la philosophie d’une entreprise. Le diagnostic des caractéristiques des systèmes de gestion de la rémunération est d’ailleurs essentiel si l’on veut estimer la compatibilité des cultures des entreprises qui participent à des transactions de fusions ou d’acquisitions.

Les autres activités de gestion du personnel Une approche synergique en matière de gestion de la rémunération permet de répondre à des questions comme celle-ci : y a-t-il une cohérence entre les pratiques de rémunération et les autres pratiques de gestion des ressources humaines, de marketing, de production, etc. ? Les politiques et les pratiques de rémunération doivent également s’harmoniser avec les autres activités de gestion des ressources humaines (GRH). Par exemple, le succès d’une politique de rémunération visant à reconnaître le rendement des employés exige que l’activité d’évaluation du rendement soit gérée de façon appropriée et qu’elle soit bien comprise par le personnel. En outre, le recours accru à la rémunération du rendement individuel et collectif au moyen de divers régimes de rémunération variable amène de plus en plus d’entreprises à adopter une politique salariale qui égale le marché ou qui est à sa remorque. De même, un régime de rémunération basée sur les compétences des employés nécessite qu’une organisation élabore, implante et gère des programmes de formation de manière ecace et équitable, et ce, an que les employés aient accès à une formation appropriée. De plus, l’adoption d’une politique de promotion interne doit être renforcée par une politique de rémunération qui prévoit des écarts susants entre les titulaires d’emplois comportant des niveaux de responsabilités diérents. Notons aussi que lorsqu’une entreprise ore des salaires élevés dans le but de pouvoir compter sur une main-d’œuvre de qualité, elle doit également, pour atteindre son objectif, eectuer une sélection minutieuse des candidats retenus parmi le plus grand réservoir de candidats attirés.

Les valeurs de gestion et la culture de l’organisation

La culture d’une organisation correspond aux valeurs, aux croyances et aux actions qui sont partagées, qui se sont développées au sein de l’organisation et qui guident les comportements des employés. Il s’agit en quelque sorte de la personnalité de l’organisation. La culture a des incidences sur le système de rémunération, tout comme elle est inuencée par le système de rémunération en place, puisqu’une composante clé de la culture est son système de récompenses qui reète les valeurs de l’organisation, les actions attendues et les renforcements oerts aux employés pour atteindre certains résultats (Kerr et Slocum, 2005 ; Young, 2000).

La rémunération globale : enjeux et stratégie

La stratégie de rémunération totale, en soi, est un outil de communication, de coordination et de mobilisation qui peut aider l’entreprise à atteindre ses objectifs. Si les dirigeants sont sensibilisés aux conséquences des diverses options en matière de rémunération, ils peuvent agir sur la culture organisationnelle et s’assurer de promouvoir les valeurs désirées. En implantant, par exemple, un régime de primes reconnaissant le rendement individuel, ils favoriseront une culture individualiste, alors qu’en adoptant un régime de primes d’équipe ils susciteront un climat de collaboration. Certains employeurs préconisent une philosophie d’engagement mutuel, selon laquelle ils adoptent des pratiques de gestion à haut rendement — notamment de meilleures conditions de rémunération et une rémunération plus variable — en échange de la qualité, de l’innovation, d’un bon service à la clientèle et des compétences que les employés leur orent (Kochan et Osterman, 1994 ; Pfeer, 1994, 1998b). Une étude montre que, comparativement aux unités d’aaires dont la philosophie de gestion est fondée sur le contrôle, celles qui prônent une philosophie axée sur l’engagement du personnel versent des salaires plus élevés (la diérence étant de 19 %), recourent davantage au travail d’équipe et aux groupes de travail, accordent plus de formation, possèdent une main-d’œuvre plus spécialisée et s’appuient sur une structure davantage décentralisée (Arthur, 1994). Les dirigeants d’entreprise doivent alors se poser des questions comme celles-ci : « Les messages véhiculés par nos régimes de rémunération sont-ils ceux que nous désirons transmettre ? » « Les régimes et les modes de gestion de la rémunération utilisés portentils ecacement ces messages ? » En eet, les mesures de rendement mises en avant par des régimes de rémunération — telles que la satisfaction des clients, la valeur des actions, la croissance des ventes et les parts du marché — révèlent les valeurs et les priorités des dirigeants. Cela explique d’ailleurs pourquoi de nombreux employés ne prennent pas au sérieux leurs dirigeants quant aux valeurs qu’ils expriment, s’ils ne perçoivent pas que les modes de rémunération ou de reconnaissance sont cohérents avec leurs discours. Les études de Cameron et Quinn (1999, 2006) indiquent comment les diérents types de cultures peuvent inuencer la gestion de la rémunération. En pratique, il est rare que les organisations adoptent un type « pur » de ces cultures. Celles-ci comportent plutôt un mélange de caractéristiques de ces diérents types de cultures, tout en pouvant avoir une majorité de caractéristiques d’une culture, auquel cas on parle alors de « culture dominante ». De fait, la culture d’une organisation peut être attribuable en grande partie à ses politiques antérieures de gestion de la performance. Aussi, la façon dont une organisation a traditionnellement géré la rémunération est de nature à constituer un frein au changement étant donné qu’elle inuence la culture et les valeurs qu’adoptent les employés. Ainsi, même s’il peut être plus approprié dorénavant de reconnaître et d’évaluer la performance des employés par l’entremise d’un nouvel outil ou sur la base de nouveaux critères, il est nécessaire de bien gérer le changement qui peut être perçu comme menaçant, inacceptable ou inéquitable.

L’organisation du travail Un environnement plus ouvert, instable et imprévisible contraint les entreprises à s’adapter, à réagir et à agir avec davantage de rapidité et d’ecacité. C’est pourquoi l’organisation du travail a fait une place croissante à l’autonomie et à la responsabilisation des personnes (à travers, par exemple, les groupes semi-autonomes ou les équipes de travail autogérées) de même qu’à un allégement des structures ou des niveaux hiérarchiques. Ainsi, les gratications et les avantages distinguant les employés des diérents niveaux hiérarchiques tendent à être moins fréquents. Ce faisant, les évaluations de la performance des cadres et des employés, et ultimement leurs augmentations de salaires au mérite, sont de plus en

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Pour en savoir plus sur les liens entre la culture de gestion et la gestion de la rémunération, consulter le tableau 2.1W.

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CHAPITRE 2

plus fonction de leurs habiletés de travail en équipe, de coaching, de collaboration, etc. Par ailleurs, les aaires se déroulent davantage au sein d’un village global avec l’ore de travail qui change de localisation dans le monde pour tirer prot d’une main-d’œuvre moins chère et pour combler des manques d’expertise.

Le statut d’emploi

Dans le contexte qui vient d’être décrit, il faut revoir les modes traditionnels de gestion des ressources humaines — notamment le mode de gestion de la rémunération qui favorisait la rigidité et la spécialisation des employés — de manière à les rendre plus exibles et plus polyvalents. On doit alors envisager la rémunération selon les compétences, les bandes salariales élargies, le rendement des équipes, et ainsi de suite. Dans ce nouvel environnement, on a aussi de plus en plus recours à des régimes de rémunération variable comme la participation aux bénéces, l’actionnariat ou le partage des gains de productivité. Certaines études conrment d’ailleurs le fait que les entreprises qui adoptent des modes de travail caractérisés par des équipes de travail, une gestion participative et la recherche de la exibilité tendent davantage à adopter des régimes de rémunération variable, à rémunérer l’acquisition de compétences et à gérer leurs salaires avec plus de transparence (voir Chênevert et Tremblay, 2002, et la recension de Sire et Tremblay, 2000). L’organisation du travail est aussi le résultat de choix qui sont faits à l’égard de la relation d’emploi, laquelle peut être qualiée de typique ou d’atypique, la référence en la matière étant un emploi traditionnel, c’est-à-dire un emploi permanent comportant un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet avec un horaire régulier, où le travail s’eectue essentiellement chez l’employeur. Aujourd’hui, les pressions économiques et concurrentielles ont conduit les organisations à adopter simultanément diverses relations d’emploi avec leur personnel, lesquelles varient en fonction de la durée du travail (temps complet ou temps partiel), de l’horaire de travail (régulier ou variable), de la nature du contrat de travail (indéterminée, déterminée ou contrat de service) et du lieu de travail (chez l’employeur ou en d’autres lieux) (Bourhis et Wils, 2001). Cette nouvelle approche a des répercussions sur la gestion du personnel telles que l’organisation des heures supplémentaires, le partage du temps de travail ou le recours aux mises à pied, aux rappels, aux contrats à durée déterminée et aux employés occasionnels. Elle nécessite ainsi une remise en question des façons de faire traditionnelles en ce qui concerne la gestion de la rémunération (par exemple, l’admissibilité aux avantages sociaux, la détermination des taux de rémunération). Dorénavant, des employés occupant un même poste pour un même employeur peuvent être rémunérés de façons diérentes selon qu’ils sont des employés réguliers, des remplaçants (suppléants), des contractuels, et ainsi de suite.

La présence de syndicats Comparativement aux entreprises dans lesquelles les syndicats ne sont pas implantés, celles qui comportent au moins un syndicat ont une gestion de la rémunération qui tend à comporter les caractéristiques suivantes : • On tient à ocialiser (à mettre par écrit) et à uniformiser davantage les conditions de rémunération des employés. • On détermine les salaires plus en fonction du marché, des classes d’emplois, des années de service ou du coût de la vie et moins en fonction du rendement individuel. • On verse de meilleurs salaires et avantages sociaux (assurance, retraite, congés). • On adopte des structures salariales qui protent davantage aux titulaires des emplois de la base qu’aux titulaires des emplois de plus haut niveau. Par ailleurs, les organisations (pensons à la société IBM) où il n’y a pas de syndicat — et qui veulent que cette situation demeure — orent souvent des conditions de travail (des avantages sociaux, des salaires, la sécurité d’emploi, etc.) qui sont aussi alléchantes, voire plus, que celles qu’orent les entreprises concurrentes où il y a un syndicat.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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Devant ces multiples pressions, les syndicats doivent jongler depuis près de 20 ans avec deux rôles fort diérents, soit un rôle défensif, visant la protection des salaires et des avantages sociaux, des conditions de retraite et des emplois, et un rôle proactif, visant la promotion de nouvelles possibilités d’emploi et la participation des travailleurs au processus décisionnel (Kumar et al., 1998). Contraints par le contexte économique et la concurrence internationale ainsi que par les pressions des employeurs et de certains de leurs membres, les syndicats se montrent plus ouverts à l’égard des nouveaux modes ou composantes de gestion de la rémunération, ou encore se voient obligés de faire Et si le discours sur la concertation patronalecertaines concessions salariales. Ainsi, de nombreux syndicale menaçait la paix industrielle ? syndicats (comme ceux de l’industrie manufacturière) ont En se basant sur les données du ministère du Travail du dû collaborer à l’implantation de nouvelles approches de Québec, la professeure Mélanie Laroche, de l’École des travail (telles que des équipes de travail ou des régimes de relations industrielles de l’Université de Montréal, a analysé partage des gains de productivité) et accepter des concesl’évolution des dispositions conventionnelles entre deux sions salariales comme sur le plan des avantages sociaux périodes de référence (1988-1991 et 2006-2009), sur et de la retraite (notamment en passant d’un régime plus de 15 ans. Elle constate que, «outre la question à prestations déterminées à un régime à cotisations du développement des compétences de la main-d’œuvre, déterminées). Toutefois, il importe que les employeurs les ententes conventionnelles n’intègrent pas les ingrédients ne protent pas du contexte de pouvoir qui penche de essentiels au maintien d’un contrat social plus coopératif leur côté depuis plusieurs années pour exploiter les entre les parties. Si les employeurs ont réussi à intégrer davantage de exibilité dans les conventions collectives, travailleurs (par la suppression d’emplois, la réduction les travailleurs et les syndicats n’ont pas été en mesure de la participation aux gains, etc.) ; sinon, cela menacera de négocier en retour des contreparties signicatives sur inévitablement la paix industrielle. Pour être durable à le plan de la sécurité des emplois ou du partage des gains long terme, une concertation patronale-syndicale doit de productivité. Les compromis négociés sont alors suscepaméliorer la productivité et la compétitivité des entreprises tibles de fragiliser la paix industrielle pourtant si désirée et en même temps proter aux travailleurs syndiqués par les parties.» dans une proportion et à un rythme semblables. Nous reviendrons dans le chapitre 11 sur l’importance de la Source : Extrait de Laroche (2013, p. 1). syndicalisation dans la gestion de la rémunération.

L’utilisation des diérentes technologies Les diérentes technologies utilisées, qu’il s’agisse de technologies de la production, de l’information ou des opérations, inuencent aussi les modes de gestion de la rémunération. Ainsi, une étude montre que, comparées aux usines ayant un système de production de masse, les usines ayant un système de production exible recourent davantage aux régimes de rémunération basée sur la performance organisationnelle (MacDue, 1995). Une autre étude (Dunlop et Weil, 1996) indique que presque toutes les unités qui ont conservé un système de production à la chaîne utilisent un régime de rémunération à la pièce, alors que celles qui mettent en œuvre des systèmes modulaires adoptent davantage les régimes de rémunération basée sur la performance organisationnelle et, dans une moindre mesure, les régimes de rémunération basée sur le rendement individuel. Comme nous l’avons mentionné auparavant, les industries qui font davantage appel aux technologies de pointe (par exemple, les industries pétrolière et pharmaceutique) tendent à orir de meilleures conditions de rémunération que les secteurs qui s’appuient plus sur le personnel (comme les secteurs de l’éducation et des soins de santé). Par ailleurs, l’introduction de nouvelles technologies dans une même industrie ou un même emploi inuence aussi les taux de salaires. Par exemple, le lecteur optique a réduit les exigences de l’emploi des caissiers dans les commerces de détail, ce qui contribue à expliquer la baisse de leurs salaires au cours des 20 dernières années (Budd et McCall, 2001). Dans la grande distribution, l’emploi de caissier est principalement occupé par des femmes et

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CHAPITRE 2

Pour en savoir plus sur le recours aux technologies de l’information dans les organisations

se caractérise à la fois par un travail à temps partiel, des conditions de travail pénibles (une station debout prolongée) et une faible rémunération. Toutefois, des travaux récents révèlent qu’il faudrait revaloriser les salaires an d’inciter les caissières à accompagner la transition technologique vers la robotisation des caisses. Cela permettrait de reconnaître les exigences accrues que la robotisation entraîne pour ce qui est des rapports interpersonnels, de la surveillance et de la multiplicité des tâches (Amadou et Vignon, 2013). En eet, les caisses automatisées obligent les caissières à en faire plus sur les plans de l’accueil du client, de la formation pour apprendre à maîtriser les nouveaux automates et du contrôle pour lutter contre le vol rendu plus aisé par le recours aux nouvelles technologies. Comme l’automatisation des caisses permet de réduire la masse salariale totale, une seule employée pouvant gérer au moins quatre caisses automatisées, une bonication de leur rémunération est rendue possible, pour ne pas dire obligatoire, au Québec, en vue du respect des exigences de la Loi sur l’équité salariale (voir le chapitre 5). Finalement, les nouvelles technologies continuent de révolutionner le travail en ce qui a trait non seulement à l’automatisation du travail, mais aussi à sa virtualisation, de sorte que de plus en plus de cadres travaillent de leur domicile ou de bureaux satellites à l’extérieur des grandes villes. Cette situation a nécessairement des incidences sur le suivi et l’évaluation de leur performance au travail (évaluation davantage orientée vers les résultats et l’atteinte d’objectifs étant donné que les comportements sont dicilement évaluables), et donc sur la gestion des programmes de rémunération variable et sur la gestion des promotions (Taskin et Tremblay, 2010).

2.2.3 L’inuence des caractéristiques des emplois et des employés La gestion de la rémunération peut aussi varier selon les caractéristiques des emplois et de leurs titulaires.

Les compétences des employés ou le capital humain La nature, l’ampleur et la rareté des compétences des employés, ainsi que leur expertise et les exigences de leur travail, peuvent contribuer à expliquer le fait que les catégories de personnel les mieux rémunérées dans le monde soient les professionnels renommés du divertissement (artistes, athlètes, acteurs, mannequins, musiciens, etc.), les entrepreneurs, les dirigeants, les professionnels et une certaine catégorie de représentants de commerce.

Les besoins et les attentes des employés Force est de reconnaître que les besoins et les attentes varient selon les catégories de personnel : techniciens, vendeurs, dirigeants, cadres, personnel scientique, employés de production, employés de bureau, etc. Pour cette raison, de nombreuses organisations adoptent des stratégies de rémunération diérentes selon leurs catégories de personnel.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie du capital humain Selon la théorie du capital humain (Becker, 1975), la valeur pécuniaire des habiletés et des compétences d’une personne est fonction du temps, des ressources et des dépenses que leur acquisition a nécessités. Par conséquent, il faudrait accorder une rémunération plus avantageuse aux employés qui ont acquis un capital humain important, soit une expérience, des compétences et un niveau de scolarité supérieurs.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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Ainsi, dans une même entreprise, les représentants commerciaux peuvent être rémunérés en grande partie à commission, les professionnels et les cadres, en fonction de leur rendement, alors que les salaires des employés de production peuvent varier suivant leurs années de service. Une étude montre que, pour le personnel d’encadrement, des modes de rémunération qui reconnaissent les compétences et le rendement individuels entraînent les eets les plus prometteurs sur les perceptions d’équité, sur l’engagement envers l’organisation et sur l’intention de rester au service de son employeur actuel. Quant aux autres employés, les pratiques de rémunération qui reconnaissent le rendement collectif tout en tenant compte de la valeur relative de leur emploi sur le marché et dans leur organisation paraissent être celles qui ont les incidences les plus positives (Howard et Dougherty, 2004).

Les caractéristiques démographiques du personnel La gestion de la rémunération subit aussi l’inuence de certaines caractéristiques démographiques du personnel, notamment le sexe et l’âge des employés, puisqu’elles ont un impact sur leurs besoins et leurs attentes en matière de conditions de travail. En général, les employés plus âgés sont davantage préoccupés par leur retraite, alors que les plus jeunes désirent obtenir davantage d’argent ou un appui en matière de conciliation travail-famille. Depuis quelque temps, nombre d’entreprises révisent leur gestion des avantages sociaux pour adapter ceux-ci au nouveau prol de leur personnel. Par exemple, pensons aux régimes d’avantages sociaux exibles et évolutifs qui permettent aux employés de choisir, parmi diérents types, modules ou plans d’avantages sociaux, celui qui leur convient le mieux (généralement, ce choix doit être refait tous les deux ans), et de modier leurs choix au cours de leur vie professionnelle. Pensons également à la exibilité des aménagements du temps de travail que plusieurs organisations accordent à leur personnel an de faciliter la conciliation travail-famille. Il est toutefois permis de mettre en doute la prétendue diérence d’attentes entre le personnel des diverses générations. Une enquête menée par deux consultantes (Leaf et Ryan, 2010) montre plutôt que la priorité accordée aux récompenses (rémunération directe, avantages sociaux, conciliation travail-famille, développement, reconnaissance) varie, certes, mais bien plus en fonction du cycle de vie ou du fait que le conjoint ait un emploi ou non qu’en fonction de l’âge ou de la génération. Ainsi, les employés expérimentés (souvent plus âgés) valorisent en particulier les avantages sociaux, alors que les employés ayant moins d’expérience (souvent plus jeunes et ayant des enfants en bas âge) se préoccupent en particulier de l’équilibre travail-famille et des possibilités de développement. Pour les employés dont le conjoint ne travaille pas, les avantages sociaux prennent la plus grande importance. Globalement, les hommes préfèrent la rémunération directe, alors que les femmes recherchent en premier lieu la conciliation travail-famille. Au Québec, une étude réalisée par Tania Saba (voir la rubrique « Parole d’expert », à la page suivante) conrme également que les attentes des employés sont nettement moins fonction de l’appartenance générationnelle que d’autres caractéristiques personnelles ou individuelles (par exemple, le stade de carrière, l’expertise, la catégorie d’emplois, les valeurs). En outre, les attentes des employés peuvent changer temporairement selon leur situation économique. La crise économique ou nancière des années 2008-2009, qui d’ailleurs sévit encore dans bien des pays, incite certainement les jeunes comme les moins jeunes à valoriser « le pain et le beurre » comme composantes de la rémunération, soit le salaire, les avantages sociaux et la sécurité d’emploi.

Le statut du personnel Une organisation peut aussi varier ses objectifs et ses pratiques de rémunération suivant le statut de son personnel, qu’il soit régulier, à temps partiel, saisonnier ou contractuel. Par exemple, elle peut vouloir accorder à ses employés réguliers une rémunération directe et

Équilibre travail-famille (work and family balance) Style de vie qui permet d’éviter que le travail empiète sur sa vie personnelle.

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CHAPITRE 2

indirecte compétitive et de l’avancement et un développement intéressants. De même, elle peut choisir de donner des Se méer des généralisations sur les prétendues salaires à la tête du marché, des avantages sociaux minimaux diérences générationnelles ou une bonne formation de sa main-d’œuvre ponctuelle ou L’étude de la professeure Tania Saba, de l’Université de contractuelle. Également, elle peut chercher à attribuer des Montréal, montre que les personnes de toutes les catégosalaires et des avantages sociaux à la remorque du marché ries d’âge expriment des attentes semblables en termes de à son personnel à temps partiel ou à ses télétravailleurs, stabilité d’emploi, d’autonomie et de reconnaissance. «Si et leur orir des pratiques de conciliation travail-famille. les jeunes ont des attentes plus élevées en matière d’équiToutefois, il faut faire preuve de prudence et analyser les libre travail-famille ou d’avancement de carrière, cela ne répercussions de ces pratiques sur les perceptions d’équité veut pas dire que les employés appartenant aux catégories an que celles-ci ne deviennent pas négatives. Lorsqu’une d’âge plus élevées ne recherchent pas la satisfaction de entreprise embauche davantage de contractuels et d’employés ces besoins. Les jeunes s’attendront à une certaine exibià temps partiel, les employés à temps plein peuvent craindre lité dans leur horaire de travail pour étudier ou élever de pour leur sécurité d’emploi. Ou encore, il faut anticiper jeunes enfants. Par ailleurs, les personnes en mi-carrière désireront jouir de cette exibilité pour s’occuper de leurs que les employés réguliers à temps plein ressentiront et adolescents, de leurs parents et pour avoir du temps de exprimeront des insatisfactions s’ils perçoivent que les loisir», souligne-t-elle. Selon cette chercheure, plutôt contractuels sont mieux payés ou réalisent les mandats qu’être fonction des générations, les recherches montrent les plus intéressants. Chose certaine, l’entreprise doit être que les besoins ou les attentes des personnes varient suren mesure de justier auprès de ses employés réguliers tout selon : la diérence de traitement en faisant état de l’ore et de la ■ leur cycle de carrière : début, milieu et n de carrière ; demande de ces expertises sur le marché de l’emploi et de ■ leur niveau de scolarité ou leur expertise : les eml’accès à des compétences clés que cela permet. ployés plus instruits et ayant une expertise peuvent Depuis quelques années, il est question d’offrir des exprimer plus d’attentes et négocier davantage leurs récompenses exibles an d’aider les employeurs à « se conditions de travail ; vendre » pour attirer et déliser leurs employés. Selon cette ■ leur catégorie d’emplois ou leur secteur d’activité : par formule, chaque employé décide d’établir, dans une certaine exemple, les fonctionnaires expriment plus d’attentes mesure, la répartition de sa rémunération totale. Il peut sur le plan de la sécurité d’emploi que les employés du échanger une somme d’argent contre des jours de vacances commerce de détail ; supplémentaires ou aecter une partie des primes de ren■ leurs caractéristiques individuelles : notamment dement à des activités de perfectionnement. Des résultats les valeurs et les traits de personnalité, qui inuencent d’études conrment que, selon leurs traits de personnalité, grandement leurs attentes. certaines personnes trouvent plus attrayants et importants En somme, «les bonnes pratiques étendues à l’ensemble certains types de récompenses au travail (par exemple, la des employés évitent le risque de rompre l’équité dans le rémunération variable, le salaire, les avantages sociaux, les traitement des individus et nivellent les diérences attribuables à la diversité d’âge des employés». relations de travail, les possibilités de carrière, le prestige) (voir Clugston et al., 2000 ; Vandenberghe et al., 2008). Source : Extrait de Saba (2009, p. 35-36). Bien entendu, la valeur accordée par les employés à chaque composante de la rémunération (le salaire, les avantages sociaux, etc.) est fonction de son utilité dans la satisfaction de leurs besoins, lesquels varient selon leurs caractéristiques (l’âge, le sexe, la qualication, les valeurs, les traits de personnalité, etc.) et leur stade de carrière. Toutefois, comme le précisent Rynes et ses collaborateurs (2002), des études montrent que si les personnes sont portées à « déclarer » qu’elles accordent moins d’importance aux salaires que « les autres », elles tendent toutes à attribuer plus de poids aux considérations salariales qu’à d’autres facteurs lorsqu’elles doivent prendre des décisions relatives à l’emploi (par exemple, le choix de joindre tel ou tel employeur ou d’accepter telle ou telle ore d’emploi ou encore de quitter son employeur pour un autre). Cette attitude relève peut-être d’un souci de désirabilité sociale (culturellement ou socialement, il est mal vu de dire que l’argent est une priorité) ou d’un manque de connaissance de soi et de ses propres valeurs.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie des dispositions personnelles Selon la théorie des dispositions personnelles, les personnes sont prédisposées à percevoir et à évaluer de façon plus ou moins constructive leur environnement et à agir en conséquence (Weiss et Adler, 1984). Les dispositions personnelles sont des tendances naturelles qui colorent la majorité des comportements et des attitudes des individus, telles que l’optimisme, la ténacité, la vivacité, l’extroversion, la conance en soi, la exibilité ou l’estime de soi. Selon Bell et Staw (1989), l’eet des dispositions personnelles serait plus susceptible d’être conrmé dans des situations où les personnes jouissent d’une certaine latitude dans leurs décisions et leurs comportements, ce qui semble le cas de la décision de postuler pour un emploi et de joindre une organisation. En matière d’embauche, le modèle «Attraction/sélection/attrition» (Schneider et Smith, 1994) pose d’ailleurs que les candidats préfèrent joindre les organisations et occuper les emplois qui orent des récompenses et des conditions de travail dont ils pensent qu’ils correspondent à leurs caractéristiques personnelles.

2.3

Les raisons d’élaborer une stratégie de rémunération globale

L’élargissement de la conception de la rémunération au cours des dernières années repose sur plusieurs raisons : la diérenciation et la compétitivité sur le marché de l’emploi, qui favorisent l’attraction, la délisation et l’engagement du personnel ; l’amélioration de l’ecience et de la cohérence de l’utilisation des ressources et, ultimement, des bénéces de l’entreprise ; la exibilité de la proposition de valeur oerte aux employés ; enn, les sources de la mobilisation du personnel, de la prévention des conits ou des résistances aux changements.

2.3.1 Les facteurs d’attraction, de délisation et d’engagement du personnel L’attraction de candidats qualiés et la délisation des employés productifs représentent des dés de plus en plus cruciaux pour les employeurs en raison des changements démographiques et sociologiques qui accentuent la pénurie de main-d’œuvre tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Puisque les salaires, les primes et les avantages sociaux sont faciles à imiter, ce sont les composantes plus intangibles de la rémunération totale, comme les possibilités d’avancement ou les pratiques favorables à la conciliation travail-famille, qui diérencieront véritablement la proposition de valeur que font les employeurs sur le marché de l’emploi.

REGARD SUR LA PRATIQUE Ce que les études montrent Les recherches montrent que la rotation et les départs du personnel, dont on estime qu’ils représentent entre 50 % et 150 % du salaire, sont très coûteux (Hillmer et al., 2004 ; Waldman et al., 2004). Ainsi, pour une organisation

qui compte 1 000 employés ayant un salaire moyen de 40 000 $ et un taux de rotation de 5 %, ce coût s’élève à 2 millions de dollars.

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58

CHAPITRE 2

Pour les organisations, le fait de communiquer clairement une stratégie de récompenses totales leur permet d’acquérir un avantage concurrentiel sur le marché de l’emploi. Ce faisant, elles peuvent montrer la valeur totale des récompenses qu’elles orent non seulement aux candidats, mais aussi à leurs employés actuels, ce qui réduit du coup les départs volontaires des meilleurs talents et les coûts directs et indirects qu’ils entraînent. Pour les employés et les candidats aux postes, une stratégie de récompenses totales qui est communiquée les aide à décider si une organisation s’avère un bon endroit pour travailler. Une enquête menée auprès de plus de 50 000 employés en Amérique du Nord et en Europe révèle que les récompenses qui favorisent l’attraction, la délisation et l’engagement au travail Dans l’entreprise de haute technologie dièrent ; il importe donc d’en tenir compte dans la gestion des récompenses Google, un environnement de travail totales. Une telle prise en compte de l’ensemble des besoins des employés attrayant est un avantage concurrentiel d’une stratégie de récompenses totales dans la gestion de la rémunération satisfait les employés, qui rendent par alignée sur la marque d’employeur. le fait même l’organisation capable de mieux satisfaire ses clients et contribuent ainsi à la santé nancière de celle-ci. Le tableau 2.5 illustre les cinq principaux facteurs favorisant l’attraction, la délisation et l’engagement des employés nord-américains et européens. TABLEAU 2.5

Les cinq principaux facteurs d’attraction, de délisation et d’engagement des employés nord-américains et européens Attraction

Fidélisation

Engagement

Avantage concurrentiel sur le plan des soins de santé

Possibilités d’avancement dans la carrière

Cadres supérieurs préoccupés par le bien-être du personnel

Salaire de base compétitif

Fidélisation des employés de haut calibre

Dés au travail

Équilibre travail-famille

Environnement de travail en général

Pouvoir de prendre des décisions

Conditions de retraite compétitives

Développement des compétences

Orientation client

Possibilités d’avancement dans la carrière

Accès aux ressources pour réaliser le travail

Possibilités d’avancement dans la carrière

Source : Traduit de O’Neal (2005, p. 23).

Image de marque d’employeur (employer brand) Notoriété et caractéristiques que l’on attribue à une organisation en tant qu’employeur.

Pour en savoir plus sur Microsoft et SAS Institute

Dans les industries les plus marquées par la rareté de main-d’œuvre, comme celles des technologies de l’information (TI), l’élaboration d’une stratégie de récompenses totales alignée sur la marque d’employeur devient un avantage concurrentiel. Pourtant, si nombre d’organisations travaillent depuis des années à bâtir une image de marque de leurs produits an d’attirer et de déliser des consommateurs, elles sont moins nombreuses à tenter de se bâtir une image de marque d’employeur cohérente facilitant le recrutement et la délisation des talents. Le tableau 2.6 compare Microsoft et SAS Institute, deux sociétés œuvrant dans l’industrie du logiciel qui sont reconnues comme étant parmi les 100 meilleures entreprises où travailler. Comme employeurs de choix, ces deux sociétés orent un ensemble de conditions de travail attrayantes. Même si elles n’ont aucune diculté à recruter du personnel, rares sont les candidats qui vont postuler un emploi auprès de ces deux sociétés. Pourquoi ? Elles ont des marques d’employeur distinctes qui s’expriment par des stratégies de récompenses totales ou de rémunération globale distinctes qui leur permettent d’attirer un plus grand nombre de candidats dont les valeurs sont cohérentes avec leur

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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culture organisationnelle, de sélectionner les candidats parmi un plus grand réservoir et de mieux retenir leurs employés parce qu’ils savent davantage à quoi s’attendre en se joignant à ces entreprises. Celles-ci optent donc pour une gestion ciblée leur permettant de se démarquer favorablement à l’égard de certaines composantes de la rémunération globale bien choisies et en lien avec leurs stratégies et leur culture de gestion. TABLEAU 2.6

Une comparaison des stratégies de rémunération globale de Microsoft et SAS Institute Microsoft

Marque d’employeur

• Elle valorise la richesse personnelle, l’innova-

tion, la compétitivité et les longues heures de famille. La rémunération totale appuie la conciliation travail. La rémunération totale, qui est importravail-famille tout en étant compétitive sur le marché. tante, met l’accent sur l’équité par rapport au • Elle met en avant un partage des bénéces de l’orgamarché, sur les accomplissements individuels et nisation et valorise une culture égalitaire. sur les récompenses basées sur la performance.

Importance de • La rémunération pécuniaire est un aspect la rémunération très important dans la stratégie de la rémunération globale. Équité interne

SAS Institute

• Elle prône la liberté, l’esprit d’équipe, les loisirs et la

• La rémunération pécuniaire appuie la stratégie de la rémunération globale.

• Elle utilise le salaire pour appuyer la

• Elle utilise le salaire pour appuyer la exibilité dans

exibilité dans l’organisation du travail et les promotions. • Les diérences sur le plan des salaires s’avèrent plus importantes et sont vues comme une récompense pour une performance supérieure.

l’organisation du travail et les promotions. • Les diérences sur le plan des salaires s’avèrent moins importantes, conformément à sa philosophie ; son énoncé «Tout le monde fait partie de la famille SAS» valorise l’égalité du traitement plutôt que les diérences de statuts.

Équité externe • La compétitivité de la rémunération est de ou compétitivité première importance. La société cherche à égaler le marché (45e percentile) sur le plan salarial ou à se situer légèrement au-dessus du marché (65e percentile).

Équité individuelle et collective

• Elle utilise abondamment les récompenses

Gestion

• Elle recourt fortement aux TI pour gérer

• Elle livre davantage concurrence sur la base des avantages orientés vers la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, notamment en orant une garderie gratuite en milieu de travail, des subventions à des écoles privées pour les enfants des employés, les services de médecins ainsi que divers endroits récréatifs sur les lieux de travail. • Elle encourage son personnel à ne travailler que 35 heures par semaine.

• Elle utilise peu les primes ou les incitations sur pour reconnaître les performances indivila base de la performance individuelle, suivant duelles et organisationnelles. son approche égalitaire. • Elle ore des incitations sous forme de régimes • Elle n’ore pas à ses employés d’incitations sous d’octroi d’actions ainsi que d’options d’achat forme d’actions. d’actions (quoique dans une moins large mesure • Elle gère un régime collectif de participation aux que par le passé dans le second cas). Le nombre bénéces. d’actions ou d’options d’achat d’actions versées aux employés est déterminé subjectivement et varie beaucoup selon les employés, les niveaux hiérarchiques et les secteurs. la rémunération. • Elle ore plus de choix dans la gestion des avantages sociaux et du régime de retraite (régimes exibles).

• Elle recourt fortement aux TI pour gérer la rémunération.

Sources : Synthèse compilée sur la base des écrits suivants : Carrig et Wright (2006, p. 54) ; Gerhart et Rynes (2003, p. 165-166) ; Milkovich et al. (2011, p. 36, 49 et 641).

60

CHAPITRE 2

Pour qu’une marque d’employeur soit ecace, elle doit remplir les conditions suivantes (St-Onge et al., 2013) : • Elle est cohérente : la marque d’employeur s’harmonise avec l’image externe et le marketing de l’organisation. • Elle est exhaustive : la marque d’employeur porte sur toutes les facettes de l’environnement de travail ou sur toutes les composantes de la stratégie de rémunération globale. • Elle est attrayante : les employés actuels et potentiels recherchent la marque d’employeur. • Elle est distincte : la marque d’employeur est dicile à imiter par les concurrents. • Elle est réelle, visible, observable : les composantes de la rémunération globale témoignent de la marque d’employeur. • Elle est optimale : la marque d’employeur répond aux besoins ou aux attentes des diverses parties prenantes (les employeurs, les employés, les clients, les investisseurs, etc.).

2.3.2 L’amélioration de l’ecience et de la cohérence de l’utilisation des ressources Une stratégie de rémunération globale exige de l’entreprise qu’elle ait une meilleure compréhension des préférences des employés et qu’elle revoie ou réalloue en conséquence les investissements (il ne s’agit pas d’augmenter les sommes) dans les diérentes composantes de la rémunération globale. En dénissant la rémunération de manière large, l’entreprise peut mieux reconnaître et cibler les composantes qui lui permettront d’optimiser les retombées des ressources investies aux yeux de ses diérents segments d’employés. On parle alors d’une optimisation ou d’un meilleur contrôle de l’aectation des coûts. Par exemple, un employeur peut décider de mettre l’accent sur les horaires de travail exibles et la conciliation travail-famille plutôt que d’orir d’autres avantages plus coûteux. De fait, un cadre de référence ou une perspective de récompenses totales ou de rémunération globale aide à mieux gérer les investissements totaux dans les ressources humaines, incluant les composantes liées à l’environnement ou aux conditions de travail. Cette exibilité permet aux employeurs de proposer des récompenses dont le coût est raisonnable et que les employés jugeront attrayantes et ayant une valeur appropriée en échange de leurs contributions. Finalement, une préoccupation pour l’élaboration d’une stratégie de récompenses totales a l’avantage d’orir une vue intégrée et exhaustive des diérentes récompenses. Cette stratégie a pour eet d’améliorer la cohérence et l’ecacité de la gestion en relation avec la stratégie d’aaires et la stratégie de ressources humaines, et elle sert de guide aux professionnels des ressources humaines pour la mise au point et la révision des programmes. Cette cohérence entre les diverses composantes de la rémunération globale ainsi qu’avec les autres pratiques de gestion des ressources humaines (par exemple, la sélection) et avec les autres fonctions de gestion réduira du coup les conits ou les incohérences et permettra d’optimiser l’ecacité de l’ensemble. De cette manière, les professionnels des ressources humaines pourront continuer d’aider les dirigeants à réaliser la stratégie d’aaires. Par exemple, si une stratégie de récompenses totales cible l’esprit d’équipe comme une valeur au cœur de la stratégie d’aaires et des valeurs de gestion, il serait inadéquat de recourir essentiellement à des récompenses qui reconnaissent les exploits individuels, puisque de ce fait on encouragerait des comportements allant à l’encontre des valeurs de l’organisation et du succès de sa stratégie d’aaires. Aussi, cette stratégie permet de décider quels programmes ou quelles récompenses sont appropriés pour les besoins de l’organisation et de justier l’acceptation ou le refus de certaines demandes émanant des employés et des dirigeants.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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REGARD SUR LA PRATIQUE Relever les dés de la gestion des ressources humaines en Inde Bien que 8 % des personnes dans le monde ayant moins de 25 ans vivent en Inde, bon nombre d’entre elles n’ont pas le niveau de scolarité nécessaire pour pourvoir les postes oerts par les entreprises du pays. Aussi, quoique les universités forment environ 350 000 ingénieurs par année, seulement 25 % d’entre eux sont jugés employables. Quelle en est la raison ? Il y a trop peu de standards à respecter dans le système éducatif et bien des programmes d’études ne satisfont pas aux standards de la plupart des grandes organisations et des sociétés internationales implantées en Inde. Pour éviter le départ d’employés clés chez les concurrents qui font du maraudage, les organisations sont contraintes à orir des

augmentations de salaires et des avantages sociaux pouvant atteindre 15 % par année. Cette tendance, qui se révèle de plus en plus intenable pour les organisations, réduit les avantages économiques de l’Inde. Que faut-il faire dans cette situation ? Une solution consisterait pour les entreprises implantées en Inde à se tourner vers une stratégie de récompenses totales en misant non seulement sur les salaires, mais surtout sur d’autres aspects valorisés par les jeunes recrues, comme le développement, la carrière et les avantages sociaux. Cela permettrait à ces entreprises de se diérencier davantage et de retenir les meilleurs talents.

Source : Extrait d’Alagananda (2010, p. 47 et 50).

2.3.3 La exibilité de la proposition de valeur faite aux employés Étant donné que le personnel des organisations est de plus en plus diversié, une dénition large de la rémunération permet de mieux répondre aux nombreux besoins et attentes des multiples catégories ou segments de personnel (les employés plus âgés, les employés plus jeunes, les parents, etc.) en leur faisant une ore d’une valeur particulière ou individualisée où ils pourront davantage choisir leur horaire de travail, leur lieu de travail et la manière de travailler. Ce « paradigme des carrières » dans la gestion de la rémunération globale vise à fournir des choix de carrière exible tout au long de la vie professionnelle des employés en reconnaissant qu’une approche de carrière doit mener à des ajustements si l’on veut répondre aux besoins et aux attentes qui changent tout au long de la carrière des employés (Linkow, 2006). Par exemple, une entreprise dont une bonne partie du personnel se trouve à 10 ans de la retraite alors qu’une autre partie est composée d’employés qui commencent leur carrière devrait proposer une stratégie de récompenses totales diérente de celle d’une entreprise dont la plupart des employés en sont à la mi-carrière. De la même manière, comme l’environnement externe et l’environnement interne changent plus rapidement, la proposition de valeur qui est faite aux employés peut être adaptée davantage au nouveau contexte dans lequel se trouve le personnel.

2.3.4 Les sources de la mobilisation du personnel, de la prévention des conits et des résistances aux changements Des composantes de la rémunération globale alignées adéquatement sur les priorités d’aaires et les valeurs de gestion communiquent les résultats et les façons de faire qui sont valorisés. Cela incite les employés à s’intéresser aux objectifs d’aaires et facilite leur engagement ou leur mobilisation. Par ailleurs, le fait d’élaborer une stratégie de rémunération globale en tenant compte des besoins du personnel — ce qui est à la base de cette approche — permet d’appréhender ou de prévenir les résistances aux changements que peuvent entraîner certaines modications dans la gestion des composantes de la rémunération totale.

62

CHAPITRE 2

2.4

Déterminer les dés et les enjeux liés à la gestion de la rémunération globale

L’adoption d’une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales est importante, car elle permet à une organisation d’indiquer comment elle se distingue des autres. Ainsi, les employés d’une organisation pourront dire : « Chez nous, on recherche des employés qui ont telle et telle valeur, alors que dans l’entreprise XYZ, cela se passe comme ceci et comme cela. » Quoique la plupart des dirigeants se montrent d’accord avec l’idée d’une stratégie de récompenses totales, un moins grand nombre la mettent en pratique. À ce jour, quelques consultants en rémunération ont formulé des conseils pour faciliter l’élaboration d’une telle stratégie (par exemple, Hill et Tande, 2006 ; Graham et al., 2005 ; Kaplan, 2005, 2007). Cette section fait une synthèse de ces conseils.

2.4.1 Comprendre le modèle d’aaires de l’organisation Pour élaborer une stratégie de rémunération globale, il faut d’abord et avant tout bien comprendre les mécanismes internes de l’organisation et ses facteurs de succès. Voici des questions que les dirigeants doivent se poser : • Quelles sont la mission, la vision et les valeurs de l’organisation ? • Quels sont les dés environnementaux les plus pressants ? • Quelle est la stratégie d’aaires ? • Quelles sont les forces, les faiblesses, les occasions et les menaces ? • De quelle façon les clients agissent-ils sur les aaires ? Quelles sont les caractéristiques des clients d’aujourd’hui ? de demain ? • Quelles caractéristiques les employés doivent-ils et devront-ils avoir pour servir les clients actuels et futurs ? Comment combler l’écart entre leurs caractéristiques actuelles et les caractéristiques nécessaires ?

2.4.2 Solidier la stratégie de ressources humaines appuyant la stratégie d’aaires Pour établir la stratégie de rémunération globale, c’est-à-dire la proposition de valeur, Hill et Tande (2006, p. 20-21) suggèrent de se demander ce qu’il faudrait dire ou faire pour attirer et retenir des employés dans le cas où l’organisation devrait les payer 20 % de moins que sur le marché. Pour la plupart des organisations, les programmes de rémunération ne sont pas susants pour attirer, retenir et motiver les employés. Il importe donc d’analyser les données du marché et les meilleures pratiques, puis de se demander en quoi l’organisation se démarque vraiment. Pour trouver des éléments de réponse, ces auteurs proposent de se poser les sous-questions suivantes : • « Comment nos récompenses — autres que la rémunération directe — se distinguentelles ? » Voici des exemples : McDonald’s ore un congé sabbatique de 3 mois après 10 ans de service. La Fondation Levi Strauss fait un don de 500 $ à toutes les organisations communautaires dans lesquelles un employé s’engage activement au cours de l’année. • « En quoi notre gestion des employés est-elle meilleure que celle des autres entreprises ? » Voici des exemples : Boeing gère son personnel en fonction d’une politique d’« absence de messager » par laquelle les membres des équipes doivent résoudre leur problème sur-le-champ et sont dissuadés de chercher un gestionnaire pour le résoudre. Whole Foods Market gère ses rayons d’épicerie, de boulangerie et de production avec des équipes de travail autogérées.

La rémunération globale : enjeux et stratégie



« Qu’est-ce qui rend notre culture particulière ou diérente ? Voici des exemples : Starbucks met en place une culture inclusive en accordant à ses employés à temps partiel tous les avantages et les options d’achat d’actions dont protent les employés à temps plein. Ben & Jerry’s donne 1 % de ses prots à des programmes qui appuient la paix.

En tentant de répondre à de telles questions, les dirigeants constateront probablement que si certains programmes de GRH sont moins robustes que ceux d’autres organisations qui entrent en concurrence pour obtenir les mêmes talents, d’autres programmes sont plus concurrentiels et permettent à l’entreprise de mieux se distinguer. L’important est de s’assurer que les programmes de rémunération totale en place et les messages communiqués reètent les besoins et les préférences des groupes d’employés clés de l’entreprise. Il s’agit alors, sur la base d’un inventaire des pratiques actuelles, de renforcer la stratégie de ressources humaines appuyant la stratégie d’aaires. Voici des exemples : Des dirigeants peuvent observer que les salaires de base oerts dans l’entreprise sont nettement à la remorque du marché en raison de plusieurs années de gel de salaires ou d’un budget d’augmentations de salaires moins important que celui oert par le marché. Toutefois, ces dirigeants peuvent en arriver à la conclusion que leurs programmes de retraite sont supérieurs à ceux du marché, que leurs programmes de développement des carrières sont d’avant-garde et que la réputation de ces programmes est plus solide que celle des programmes de plusieurs autres organisations avec lesquelles ils se comparent. Ils chercheront alors à mettre l’accent sur leurs meilleurs programmes en insistant sur leur préoccupation pour l’avenir et pour le succès à long terme des employés de même que sur la chance de travailler pour une organisation ayant une grande notoriété. Une autre organisation peut découvrir l’inverse, à savoir que ses taux de salaires sont à la tête du marché, mais que ses programmes de retraite, de développement des carrières et sa réputation d’entreprise sont inférieurs à ceux d’autres entreprises. Elle peut alors mettre l’accent sur les salaires en tant que signe de stabilité et de sécurité sur un marché incertain. L’analyse eectuée par ces deux entreprises est exacte et le message qu’elles lancent paraît attrayant à certains groupes de personnes. (Bremen et McMullen, 2010a, p. 23-24) Ainsi, l’élaboration d’une stratégie de rémunération totale requiert de faire un inventaire exhaustif des programmes ou des récompenses déjà en place et de mesurer l’ecacité de chacun d’eux selon leur lien avec la stratégie d’aaires. On peut réaliser un tel inventaire des composantes clés en consultant le personnel, ou en demandant, par exemple, aux cadres de faire une liste des cinq programmes ou récompenses qui leur semblent les plus importants, les plus ecaces ou les plus adaptés à la stratégie d’aaires et une autre liste des cinq programmes ou récompenses qui leur semblent les moins importants, les moins ecaces ou les moins adaptés à la stratégie d’aaires.

2.4.3 Clarier les choix stratégiques inhérents à la stratégie de rémunération globale Quelles récompenses permettent à l’entreprise d’attirer, de retenir et de motiver les meilleurs talents ? Sur quelles récompenses misera-t-elle ou quelles récompenses devra-t-elle délaisser ? Le portefeuille de récompenses ou de composantes clés établi ou ciblé à cette étape doit respecter les principes d’alignement, de diérenciation et de valeur ajoutée. La sous-section suivante explique ces principes. Le tableau 2.7 à la page suivante résume les principaux choix en matière de rémunération que les dirigeants doivent faire en connaissance de cause parce que ces choix sont susceptibles d’inuencer la réussite des organisations. Pour pouvoir retenir une stratégie

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CHAPITRE 2

de rémunération, les dirigeants doivent entre autres déterminer les personnes avec lesquelles des employés seront comparés pour évaluer leur rémunération (référents) ainsi que les formes de rétribution qu’ils privilégient. D’une organisation à l’autre et même d’une catégorie d’emplois à l’autre, l’importance relative accordée aux divers principes d’équité (individuelle, interne, externe, etc.) varie. Toutefois, soulignons qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie de rémunération globale en soi. De fait, un même système de rémunération peut s’avérer un succès dans une organisation et se solder par un échec dans une autre. TABLEAU 2.7

Quelques questions importantes en matière de gestion de la rémunération Rémunérer …

Reconnaître …

• en fonction des responsabilités

• la performance, l’ancienneté, les

que comporte l’emploi ou des compétences des titulaires ? • en privilégiant l’équité interne ou l’équité externe ? l’équité individuelle ou l’équité collective ? • en étant à la remorque du marché, en égalant le marché ou en étant à la tête du marché ? • en s’appuyant sur une approche traditionnelle ou sur une approche contemporaine de l’évaluation des emplois ? • selon un ratio faible ou un ratio élevé de rémunération xe / rémunération variable ? • en déterminant l’importance relative des composantes de la rémunération totale : salaire, rémunération variable, avantages sociaux et conditions de travail ? • selon le marché des emplois ou selon l’industrie ? • en fonction du marché régional, provincial, national ou international ? • en accentuant les diérences hiérarchiques (statuts) ou en privilégiant une approche égalitaire ? • en misant davantage sur des récompenses non pécuniaires ou en misant davantage sur des récompenses pécuniaires pour attirer, déliser et mobiliser le personnel ?

compétences ou les responsabilités ? • la performance individuelle ou la performance collective ? • la performance de l’entreprise dans son ensemble ou la performance d’une unité d’aaires ? • la performance à court terme ou la performance à long terme ? • la performance par des primes égales ou par des primes diérant selon le niveau hiérarchique ? • la performance par des rétributions de nature pécuniaire ou par des rétributions de nature non pécuniaire ? • la performance par l’entremise des salaires ou par l’entremise de montants forfaitaires ? • la performance en s’appuyant sur une mesure quantitative ou en s’appuyant sur une mesure qualitative ? • les contributions plus ou moins fréquemment ? • la collaboration ou la compétition ? • la prise de risques ou l’aversion pour le risque ? • la créativité ou le respect des règles ?

Gérer la rémunération globale …

• de manière ocielle ou de manière non ocielle ?

• de manière uniforme ou de manière diérenciée selon les employés, les unités d’aaires, les régions, etc. ? • de manière centralisée ou de manière décentralisée ? • de manière transparente (ouverte) ou de manière secrète ? • de manière simple ou de manière complexe ? • de manière exible (souple, au cas par cas) ou rigide (standardisée) ? • de manière participative ou de manière autocratique ? • en conférant du pouvoir aux cadres ou bien aux professionnels de la rémunération ? • soi-même ou en recourant à la sous-traitance ? • de manière manuelle ou traditionnelle ou bien en exploitant les nouvelles technologies de l’information et de la communication ainsi que les réseaux sociaux ? • en privilégiant la réalisation d’un objectif particulier (par exemple, attirer des employés, les retenir, réduire les coûts, reconnaître la contribution des employés, inciter ceux-ci à changer ou à adopter certains comportements, partager les risques) ? • d’une façon qui dière peu ou qui dière grandement selon le niveau hiérarchique ou la catégorie d’emplois des employés ?

La rémunération globale : enjeux et stratégie

2.4.4 Analyser les incidences potentielles de la stratégie de rémunération globale Il est évidemment important d’analyser les incidences de la stratégie de rémunération globale sur les coûts, les clients et les employés an que le projet soit accepté et appuyé par la direction. Le prochain dé sera alors d’implanter cette stratégie, ce qui devient une aaire de gestion du changement. Nous traiterons de cet aspect dans le chapitre 3.

2.5

Les principes d’une bonne stratégie de rémunération globale

Comment déterminer si une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales procure réellement un avantage concurrentiel qui peut se maintenir dans le temps ? Milkovich et ses collaborateurs (2011) proposent de recourir aux trois tests suivants : cette stratégie est-elle alignée ? Est-ce qu’elle diérencie l’organisation ? Est-ce qu’elle ajoute de la valeur ?

2.5.1 Le principe d’alignement Pour être ecace, une stratégie de rémunération globale doit tenir compte du principe de base de l’alignement optimal sur les éléments suivants : la stratégie et les valeurs de gestion de l’organisation ; les attentes et les besoins des clients et des consommateurs ; les attentes et les besoins des employés ; les autres activités de GRH ; les autres fonctions de gestion ; enn, les changements dans l’environnement externe (voir la gure 2.1). FIGURE 2.1

Le principe d’alignement sur une stratégie de rémunération totale

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CHAPITRE 2

L’alignement sur la stratégie et les valeurs de gestion de l’organisation L’objectif de l’alignement est de faire en sorte que la manière de gérer les diverses composantes de la rémunération soit cohérente, intégrée et conforme aux objectifs et à la Alignement vertical stratégie d’aaires de l’entreprise ainsi qu’à ses valeurs de gestion. C’est ce qu’on appelle (vertical alignment) l’alignement vertical. Arrimage entre la gestion Une enquête de la société Watson Wyatt Worldwide (Sejen, 2006) montre que 86 % des de la rémunération et organisations hautement performantes (celles ayant un rendement total oert aux actionles priorités d’aaires de naires de 117 % sur une période de trois ans) disent que leurs programmes de rémunération l’organisation, sa stratégie, sont à tout le moins modérément ecaces sur le plan de l’alignement, comparativement ses objectifs d’aaires, ses à près de la moitié (47 %) des organisations moins performantes (celles ayant un rendevaleurs de gestion et ses ment total oert aux actionnaires de 26 % sur une période de trois ans). Les organisations facteurs clés de succès. hautement performantes ont aussi davantage tendance à rapporter que leurs régimes de rémunération sont liés à la stratégie d’aaires (61 %) et qu’ils encouragent une culture et des comportements désirés (44 %), comparativement L’alignement sur la stratégie d’aaires : aux organisations moins performantes (respectivement un impératif ! 37 % et 24 %). Michael Graham, conseiller en rémunération, rapporte Ces résultats sont semblables à ceux obtenus par une «le cas d’une organisation qui a adopté une stratégie visant enquête menée par le Groupe Hay (Scott et al., 2007) auprès à faire vivre à ses clients une expérience de service intégrée. de près de 500 professionnels des ressources humaines L’organisation combina ses 10 produits et ses 3 équipes ou de la rémunération, qui montre que les principales de vente an d’alléger son ore. Toutefois, la gestion de la rémunération de son personnel de vente, de son per­ caractéristiques d’une stratégie de rémunération globale sonnel de service et de son personnel d’appui aux ventes ne ecace sont, premièrement, les attributs des programmes supportait pas l’approche de collaboration. Au contraire, couverts (surtout la rémunération de la performance, mais les modes de rémunération respectifs étaient incohérents et aussi la diérenciation, la exibilité et les mesures), deuxièmotivaient toutes ces personnes à ne pas travailler ensemble. mement, leur communication auprès du personnel et, Il est important de pouvoir compter sur de bons systèmes troisièmement, leur alignement sur les objectifs, la stratégie, de rémunération, mais leurs liens avec la stratégie d’aaires la culture, les valeurs de l’organisation de même que l’aliest essentiel.» gnement ou la cohérence entre les diverses composantes de la rémunération globale. Source : Extrait traduit de Graham et al. (2005, p. 34).

L’alignement sur les attentes et les besoins des clients et des consommateurs Une entreprise existe pour ses clients. Une stratégie de récompenses totales doit donc reéter les besoins des clients, notamment les catégories de clients qui sont au cœur de la valeur de l’entreprise. Quels seront les clients de l’avenir ? Quel sera leur prol en termes d’âge, de nationalité, de niveau de scolarité ? Comment cela inuencera-t-il leurs attentes ? Quels produits et services ces clients voudront-ils recevoir ? Comment faudra-t-il les attirer et les déliser ? Une stratégie de récompenses totales doit être cohérente avec la marque des produits et des services. En somme, il faut que les employés et les consommateurs sentent réellement que l’entreprise se distingue d’une manière cohérente, la marque des produits et des services étant arrimée à la marque d’employeur, et ce, en harmonie avec la stratégie et les valeurs de l’organisation. Cet alignement entre les clients et la stratégie d’aaires requiert une bonne compréhension des activités qui créent de la valeur pour l’entreprise et des catégories ou segments d’employés qui contribuent à ce processus de création de valeur. Cette analyse peut demander d’adopter une stratégie de récompenses particulière pour un groupe ou un segment d’employés en particulier, comme les consultants au sein d’une sociétéconseil, le personnel de vente, ou encore les employés aectés à l’entretien dans les parcs d’attractions de Walt Disney (voir la rubrique « Parole d’expert »).

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L’alignement sur les attentes et les besoins des employés

Une stratégie de rémunération globale Des récompenses auront les eets escomptés si elles sont sur mesure : le cas Walt Disney signicatives pour les employés et qu’elles inuencent leur Suivant l’analyse des universitaires John Bouderau et sentiment d’appartenance envers l’organisation. Car une straPeter Ramstad (2007), reprise par Denis Chênevert (2009), tégie de récompenses totales doit aussi répondre aux besoins professeur à HEC Montréal, lorsque la société Walt Disney a des employés, notamment les catégories de personnel qui reconnu dans les commis au balayage la source première du sont au cœur de la mission de l’entreprise. Quels seront service à la clientèle et de la relation client (la satisfaction les employés de l’avenir ? Quel sera leur prol en termes des visiteurs), elle s’est empressée de former ses balayeurs d’âge, de nationalité, de niveau de scolarité ? Comment cela an qu’ils puissent répondre aux questions des visiteurs inuencera-t-il leurs attentes ? Qu’est-ce que l’entreprise (connaissance du parc d’attractions, apprentissage des langues, écoute active, etc.) et mieux exploiter leur latitude devra leur orir pour les attirer, les mobiliser et les retenir ? Il d’action. Elle a aussi cherché pour le poste de balayeur des sera alors nécessaire de segmenter les diérentes catégories candidats possédant des compétences relationnelles et de personnel ou de leur orir des expériences de travail des valeurs liées au service à la clientèle. Dans le même ordre particulières, et ce, an de les attirer, de les déliser et de d’idées, l’entreprise a revu les indicateurs de performance les mobiliser le plus ecacement possible. Les catégories ou an de considérer la propreté des lieux, mais surtout la segments de personnel font référence aux employés âgés, satisfaction de la clientèle. Enn, elle a adopté un salaire aux employés ayant des compétences rares, aux employés de base plus attrayant et des mécanismes de récompense ayant moins de cinq années d’expérience dans l’entreprise, pertinents de manière à attirer, à mobiliser et à déliser ces aux titulaires des postes se trouvant au cœur des aaires acteurs clés dans la performance de Walt Disney. (par exemple, des conseillers pour une société-conseil), etc. Par exemple, puisque les employés âgés ressentent moins le besoin d’être visibles au bureau étant donné que leurs aspirations de carrière ou de promotions sont réduites, le télétravail peut constituer un outil d’aménagement d’une n de carrière à proposer (et non à imposer). Une enquête montre ainsi que plus de 85 % des travailleurs âgés de plus de 55 ans se disent favorables au télétravail (Tremblay et al., 2008). En pratique, toutefois, il semble y avoir du chemin à faire à cet égard. En eet, selon une enquête réalisée par la société Watson Wyatt Worldwide (Sejen, 2006), seulement 38 % des organisations consultent leurs employés et s’appuient sur leurs commentaires et leurs besoins pour élaborer leurs programmes de rémunération totale.

L’alignement sur les autres activités de gestion des ressources humaines Par ailleurs, l’entreprise doit s’assurer de la cohérence entre la gestion de la rémunération et les critères servant à prendre les décisions de sélection, de promotion et de développement du personnel. C’est ce que l’on appelle l’alignement horizontal. Par exemple, les comportements attendus à l’égard de la rémunération de la performance doivent aussi être pris en compte au moment de la sélection des employés et de leur socialisation. D’autre part, il faut accorder les promotions aux employés qui adoptent des comportements cohérents avec les valeurs de gestion ou mis en avant par le programme de gestion de la performance et de la rémunération. Étant donné l’importance des liens entre le programme et les autres activités de GRH, les responsables d’autres activités de GRH au sein des grandes entreprises doivent veiller à ce que les outils et les décisions prises dans leur secteur (formation, rémunération, sélection, etc.) appuient ce programme. Bien sûr, la chose est plus facile à dire qu’à faire et, en pratique, on déplore le fait que les diérentes activités soient gérées en silo.

L’alignement sur les autres fonctions de gestion Les diverses composantes de la rémunération globale doivent être gérées de manière cohérente avec les décisions et les actions qui sont prises à la tête des autres fonctions de gestion dans l’organisation, comme le marketing. Ainsi, la société Southwest Airlines

Alignement horizontal (horizontal alignment) Cohérence entre la gestion de la rémunération et les autres activités de gestion des ressources humaines de même qu’avec les autres fonctions de gestion de l’organisation.

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CHAPITRE 2

a mis sur pied une campagne publicitaire intitulée Vous êtes libre de voyager partout au pays qui communique aux clients la liberté dans l’expérience du voyage en orant divers choix (les bas prix, le grand nombre de villes desservies, la non-obligation de réserver longtemps à l’avance, etc.). Elle a aussi créé un site intranet qui transmet aux employés le même message de liberté comme expérience d’emploi en leur permettant de faire des choix en matière d’avantages sociaux et de conditions de travail (Carrig et Wright, 2006, p. 58).

Est-ce que les bottines suivent les babines ? Selon Mark Hudson, directeur de la rémunération et de la performance chez BP, «comme consultant et gestionnaire, j’ai vu très peu d’entreprises gérer leurs récompenses totales de manière holistique. […] Les contraintes organisationnelles et en matière de ressources humaines sont le principal problème éprouvé. Vous devez être lié très étroitement aux experts dans le développement de la carrière et la gestion des talents. Si vous établissez une stratégie, vous devez amener les syndicats et toutes les parties prenantes à adhérer à sa substance et à bien la communiquer. La clé se trouve dans le fait de vivre ce que vous dites que vous faites : cela alimente la conance parmi le personnel. Dans bien des cas, les organisations parlent aux employés de récompenses totales ou de récompenses, mais quand vient le temps de passer à l’action, on observe un grand écart.» Source : Extrait traduit de WorldatWork (2008a, p. 58).

L’alignement sur les changements dans l’environnement externe Comme nous l’avons indiqué au début de ce chapitre, les organisations ne vivent pas en vase clos, et des changements environnementaux, notamment dans l’industrie et parmi la concurrence, peuvent forcer une organisation à modier plus ou moins rapidement et profondément sa stratégie de récompenses totales an qu’elle puisse rester concurrentielle ou survivre. La rubrique suivante décrit comment cela a été le cas pour la société IBM. En somme, il n’est pas aisé de viser l’ensemble de ces alignements en même temps, puisque l’un d’entre eux peut entrer en conit avec un autre. Ainsi, une gestion réactive est susceptible d’amener une organisation à réviser ses régimes de rémunération en

REGARD SUR LA PRATIQUE Quand l’environnement change, la stratégie et la rémunération changent aussi Pendant des années, IBM a accordé une grande importance à l’alignement interne. Son système d’évaluation des emplois précis, sa prise de décision alignée clairement sur la hiérarchie, ses avantages sur le plan de la conciliation travail-famille et sa politique consistant à ne pas faire de mises à pied l’ont bien servie alors que la société dominait le marché. Toutefois, ces façons de faire traditionnelles ne se sont pas avérées assez exibles pour s’adapter aux changements environnementaux. Aujourd’hui, devant faire face à un nouveau marché et à de Source : Extrait traduit et adapté de Milkovich et al. (2011, p. 142).

fortes pressions concurrentielles, IBM adopte une stratégie orientée sur la croissance et les nouveaux segments de marché porteurs de l’industrie des TI. La société a ainsi changé ses pratiques de rémunération en conséquence en réduisant le nombre de niveaux hiérarchiques, en redénissant ses emplois de manière qu’ils soient plus exibles, en recourant davantage à la rémunération basée sur la performance et en surveillant de près ses coûts.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

examinant une seule problématique — comme les raisons pour lesquelles les employés quittent l’organisation —, de sorte que les régimes qui seront adoptés tiendront certes compte des attentes ou des insatisfactions des employés, mais ils seront moins alignés sur sa stratégie et sa culture de gestion. C’est pourquoi l’optimisation des alignements s’avère importante. Une telle perspective implique aussi de la part de l’organisation une certaine exibilité an qu’elle puisse apporter des modications selon les changements de conditions, mais en gardant en vue les divers types d’alignements. La rémunération n’est pas une science mais un art, et l’œuvre n’est jamais achevée !

2.5.2 Le principe de diérenciation En plus d’être alignée sur les caractéristiques de l’environnement interne et de l’environnement externe, une stratégie de rémunération globale doit se diérencier des stratégies des concurrents de façon à ce qu’elle soit dicilement imitable ou reproduite. Quoique les sociétés Microsoft et SAS Institute (voir le tableau 2.6, à la page 59) valorisent une culture de la performance, leurs stratégies de rémunération globale se distinguent au point qu’il devient impossible pour Microsoft de copier l’atout de la conciliation travailfamille qui diérencie SAS Institute et, pour SAS Institute, de reprendre l’atout d’une forte rémunération variable à court et à long terme qui distingue Microsoft.

2.5.3 Le principe de valeur ajoutée En plus d’être alignée sur les caractéristiques de l’environnement interne et de l’environnement externe et de se diérencier de celle des concurrents, une stratégie de rémunération globale doit ajouter de la valeur et contribuer ultimement à améliorer la performance de l’entreprise. Pour déterminer la valeur ajoutée d’une stratégie de rémunération ou pour la mesurer, il est nécessaire d’adopter une perspective de gestion de la valeur ajoutée (value-based management) dans la gestion de la performance organisationnelle. Une telle approche exige une compréhension approfondie des facteurs ou des conducteurs (drivers) de valeurs au sein de l’entreprise. Koller (1994, p. 94) a montré que, dans une société de télécommunication, de modestes améliorations dans le ratio superviseur/employés et dans le temps que les employés consacrent à la clientèle ont des impacts importants sur la valeur de l’entreprise. Ainsi, une légère diminution du ratio nombre de superviseurs / nombre d’employés a un eet très important sur la performance de l’entreprise sans baisser la qualité du service. De même, étant donné qu’une légère amélioration du temps par employé consacré aux appels a de fortes répercussions sur la performance organisationnelle, il importait de surveiller de près l’emploi du temps rémunéré de ce personnel : appels, formation, pauses, vacances, absences, etc. Bien entendu, il faut mesurer ces répercussions dans une perspective à long terme et sur la base de divers indicateurs tant nanciers que non nanciers, comme la satisfaction des clients ou l’engagement des employés. Ainsi, lorsqu’une organisation perçoit qu’elle est forcée de faire une volte-face stratégique pour survivre, elle doit revoir en conséquence sa stratégie de GRH et sa stratégie de rémunération globale sans égard au fait qu’elle puisse avoir satisfait au principe d’alignement jusqu’à maintenant. Il importe alors qu’elle se diérencie autrement an de créer de la valeur. De la même manière, lorsqu’une organisation perçoit que sa stratégie d’affaires est bonne mais que, an de progresser, elle doit être mieux implantée, elle doit revoir en conséquence sa stratégie de GRH et sa stratégie de rémunération globale an de mieux les mettre en œuvre et de mieux les communiquer à l’interne comme à l’externe.

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CHAPITRE 2

Elle doit alors resserrer les alignements entre la stratégie d’aaires, la stratégie de GRH et la stratégie de rémunération globale et mieux les communiquer an de créer de la valeur et de tirer davantage son épingle du jeu vis-à-vis de la concurrence.

2.6

Les conditions de succès d’une stratégie de rémunération globale

Une stratégie de rémunération globale n’est pas une panacée et ne résout pas tous les problèmes. Ainsi, elle doit être élaborée et implantée par des dirigeants qui communiquent des valeurs partagées et qui mettent en place une culture de gestion forte au lieu de se fonder sur des règles, des politiques, des programmes et des procédures de gestion des ressources humaines, notamment en matière de rémunération.

2.6.1 Un appui concret de la direction Une stratégie d’aaires, une culture et des valeurs claires, partagées et communiquées par les dirigeants qui appuient concrètement l’importance d’une stratégie de rémunération globale sont des conditions essentielles à la réussite de cette stratégie. Il est en eet dicile d’adopter une stratégie de rémunération si la stratégie, la culture et les valeurs de l’organisation ne sont pas dénies avec précision par les dirigeants et si ces derniers la gèrent en réaction aux pressions de l’environnement ou ne visent pas d’objectifs d’aaires particuliers. Dans bien des organisations, on se rend vite compte que la culture et la stratégie d’aaires ne sont pas clairement dénies et discutées ; les responsables de la rémunération n’ont alors qu’une vague idée de ce qu’elles sont (Mercer, 2007). Il en est de même lorsque la stratégie et les valeurs de gestion ne sont dénies et connues que par un petit nombre de cadres supérieurs — ou par le PDG seul qui dirige de manière autocratique — qui ne veulent pas les partager avec les employés par peur, prétendument, de perdre un avantage concurrentiel. C’est aussi le cas lorsque chaque membre de l’équipe de direction a sa propre idée de ce que sont la stratégie et les valeurs de gestion et qu’aucun consensus n’émerge et ne peut être transmis par les mécanismes de gestion. Par ailleurs, certains dirigeants ne perçoivent pas la rémunération comme un outil stratégique et ne reconnaissent pas l’importance Les nouveaux régimes de rémunération : de prendre les décisions de rémunération en optimisant une béquille à un piètre leadership ? le principe d’alignement vu dans ce chapitre. Dans des Selon Jonathan Trevor, professeur à l’Université de entreprises, enn, on résiste à apporter des changements Cambridge, «des comportements productifs sont davanaux modes de rémunération et à aligner ceux-ci sur la stratage garantis lorsque le leadership est ecace, qu’on fait tégie émergente parce que cela va à l’encontre des intérêts appel à la communauté et que les emplois sont conçus personnels de certaines personnes ou de certains groupes. comme intrinsèquement signicatifs. Peut-être que l’attrait pour les régimes de rémunération contemporains D’autres dirigeants, comme les responsables de la repose sur le fait qu’ils semblent agir comme une solution rémunération, ne savent pas vraiment quels messages des magique qui peut nous éviter de nous attaquer au dé du programmes de rémunération particuliers transmettent leadership. En réalité, la rémunération n’est pas un substitut aux employés. Pour comprendre ces messages, il est essenpour un piètre leadership, ou une béquille pour supporter tiel de considérer les objectifs du programme au-delà de des leaders faibles. L’alignement sur un but est plus sûr, l’administration. Giancola (2008b) cite comme exemple comme il l’a toujours été, car il fournit une vision claire de les bandes salariales élargies qu’on peut adopter pour progrès positifs qui font appel à notre meilleure nature.» répondre à deux objectifs : réduire la lourdeur administrative des structures salariales et reéter une organisation Source : Extrait traduit de Trevor (2013, p. 27).

La rémunération globale : enjeux et stratégie

moins hiérarchisée. Ce dernier objectif a un impact culturel plus important, puisqu’il limite les possibilités d’avancement et modie la relation d’emploi. En gardant en tête l’impact sur la culture, les professionnels des ressources humaines seront en mesure de mieux ajuster et communiquer les liens entre les modes de rémunération, la stratégie d’aaires et la culture. Pour reconnaître une culture de gestion, il est possible d’utiliser plusieurs méthodes : le groupe de travail, la revue de l’histoire, de la mission et des énoncés de valeurs des dirigeants de l’organisation dans le temps (rapports de gestion, discours, etc.), les groupes de discussion menés par un consultant interne ou externe, les entrevues avec des employés, surtout ceux de premier niveau car ils représentent le meilleur test d’une culture forte, etc.

2.6.2 L’importance d’une bonne communication Une stratégie de rémunération globale ne fonctionne que si les employés actuels et potentiels la perçoivent et la comprennent. Malheureusement, c’est là où le bât blesse. En plus des résultats d’une enquête menée par Towers Watson présentés dans le tableau 2.8, des enquêtes réalisées par les sociétés Watson Wyatt Worldwide et WorldatWork montrent que près de 20 % des organisations disent qu’elles sont en train de mettre au point une philosophie de récompenses totales et que sur les 70 % des employeurs qui disent avoir mis au point une telle philosophie, seulement le tiers estiment qu’ils la communiquent eectivement ou très ecacement aux employés, seulement la moitié pensent que ces derniers comprennent peu ou ne comprennent pas du tout leur stratégie et 60 % jugent que leurs eorts de communication sont inecaces ou marginalement ecaces (Sejen, 2006 ; Bremen et McMullen, 2010a ; WorldatWork, 2008a). TABLEAU 2.8

La mise en œuvre et la communication de la stratégie de récompenses totales Énoncé

Pourcentage des organisations en accord avec l’énoncé

Notre organisation réussit à bien communiquer sa proposition de valeur à l’employé.

38 %

La proposition de valeur faite à l’employé s’harmonise bien avec l’image de marque, soit ce que l’entreprise représente sur le marché.

53 %

Notre organisation a su mettre en œuvre la proposition de valeur faite à l’employé.

44 %

Source : Bergeron et Raikes (2011, p. 13).

En somme, de nombreuses organisations, si elles ne sont pas au stade d’élaborer une stratégie de rémunération globale, sont au stade de l’implanter et de la communiquer. Le chapitre 3 insistera sur l’élaboration, l’implantation et la communication d’une stratégie de rémunération globale aux employés actuels, mais aussi aux personnes de l’extérieur de l’organisation. Pour le moment, disons qu’un des grands dés dans la communication de cette stratégie est d’identier le ou les responsables des messages à véhiculer parce que cette stratégie porte sur toute la proposition de valeur et qu’elle implique nombre de parties : l’équipe des experts en rémunération, le directeur des communications, l’équipe de la dotation et la direction.

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CHAPITRE 2

2.6.3 Des spécialistes de la rémunération compétents et convaincants Réduire le rôle de la rémunération dans la proposition de valeur faite aux employés ne signie pas réduire le rôle des professionnels de la rémunération, mais le modier. Il importe alors que les experts en rémunération fassent preuve d’ouverture en acceptant de se remettre en question an de travailler en équipe. Il s’agit aussi de se pencher sur des aspects plus diciles que les récompenses pécuniaires et sous lesquels ils ont moins de contrôle et de collaborer plus étroitement avec les cadres, les autres spécialistes de la GRH et les experts des autres fonctions comme le marketing et la nance. Par exemple, le fait pour les professionnels de travailler sur la gestion de la performance et le développement des carrières, comme composantes de la rémunération globale, exige de collaborer plus avec les cadres parce que ces derniers les contrôlent davantage. Il s’agit aussi de briser des barrières et le travail en silo qui est en place dans de nombreuses organisations : les experts en développement organisationnel sont responsables de l’activité X, ceux en sélection, de l’activité Y, ceux en rémunération, de l’activité Z, et ainsi de suite. Ces dés peuvent se révéler énormes étant donné que chaque spécialisation compte ses experts et comporte ses pouvoirs et ses responsabilités. Notons que dans les milieux syndiqués, il est plus facile de commencer par examiner les composantes autres que celles liées à la rémunération, car elles sont moins balisées. Par ailleurs, ainsi que le note Giancola (2008a), certains experts en ressources humaines peuvent croire que cette approche relève d’une mode, sachant qu’il est facile de dire que l’on utilise une approche de récompenses totales mais qu’il est beaucoup plus dicile de se distinguer vraiment sur cette base. Une entreprise peut se vanter, par exemple, de proposer des horaires exibles sans réellement proposer une culture favorable à la conciliation travail-famille, une autre peut faire valoir le recours de la part des dirigeants aux lettres de remerciement sans qu’il existe un véritable programme de reconnaissance, etc. En somme, les nombreux écarts observés entre le discours et la pratique peuvent rendre sceptiques des dirigeants et des professionnels. Le chapitre 3 traite des conditions à respecter dans la gestion de la rémunération, allant de l’élaboration de la stratégie à l’évaluation de ses retombées. De fait, si les concepts de « récompenses totales », de « stratégie de GRH », de « proposition de valeur » ou d’« expérience des employés » ont un sens, ils font probablement face à des résistances aux changements plus grandes parmi les experts en ressources humaines eux-mêmes au moment de leur application et nettement moins grandes parmi la direction ou les autres fonctions de gestion. Tout changement apporté aux manières de faire a des eets sur les responsabilités et les pouvoirs, et l’on peut facilement avancer, parce qu’on éprouve des craintes, que la façon traditionnelle de faire reste optimale. En outre, en élargissant la philosophie de la rémunération, il faut moins mettre l’accent sur les taux de salaires et les taux sur le marché et se soucier davantage d’orir aux employés un environnement de travail attrayant et un travail revêtant un sens. En somme, les professionnels des ressources humaines, dont les experts en ressources humaines, doivent assimiler la notion de récompenses totales ou celle de proposition de valeur an d’inciter les cadres et les dirigeants à les adopter et à les appuyer et à réajuster leurs actions et décisions en conséquence.

La rémunération globale : enjeux et stratégie

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Conclusion Dans ce chapitre, nous avons décrit le contexte entourant le modèle de gestion stratégique de la rémunération globale ou des récompenses totales retenu dans cet ouvrage. En outre, nous avons expliqué qu’une gestion ecace des composantes de la rémunération globale implique l’établissement d’une cohérence entre, d’une part, la gestion des composantes de la rémunération globale et, d’autre part, les caractéristiques de l’environnement, de l’organisation, des emplois et des employés. Ensuite, quoique le titre de cet ouvrage soit Gestion de la rémunération, il importe de considérer la rémunération dans une perspective globale, incluant tous les aspects de l’environnement de travail valorisés par les employés. Nous avons constaté que la gestion de la rémunération est l’art de maintenir un équilibre optimal entre divers objectifs qui peuvent s’avérer conictuels, dont les suivants : • Individualiser ou particulariser la gestion de la rémunération d’un groupe ou d’une catégorie d’employés (par exemple, le personnel de recherche et développement, les vendeurs) tout en préservant les perceptions de justice et d’équité parmi le personnel. • Orir une rémunération compétitive pour attirer et retenir les meilleurs talents tout en contrôlant les coûts. • Adopter des programmes de rémunération simples tout en respectant des exigences légales de plus en plus complexes et nombreuses et tout en répondant à des besoins et à des attentes particuliers de divers segments ou catégories de personnel. • Inciter le personnel à faire les eorts nécessaires en vue d’atteindre des résultats sans les inciter à prendre des moyens ou à adopter des comportements contraires à l’éthique, incorrects ou nuisibles à la performance à long terme de l’organisation. • Inciter le personnel à se dépasser tout en préservant un esprit de collaboration et d’entraide. • Inciter le personnel à se préoccuper de la quantité (résultats), mais aussi de la qualité et du service. • Etc. Certes, il est plus dicile de mettre en application une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales que de théoriser à son sujet. Ainsi, il serait souhaitable que les professionnels des ressources humaines (ceux de la dotation, du développement organisationnel, de la rémunération, etc.) et les membres de l’équipe de direction parviennent à considérer de manière globale et intégrée l’ensemble de leurs actions. Après le dé consistant à dénir une stratégie de rémunération globale vient un dé encore plus grand, celui d’implanter cette stratégie et de la gérer adéquatement. Le chapitre 3 insiste sur les considérations pratiques du processus de planication, d’implantation et d’évaluation des programmes de rémunération.

LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA

La rémunération stratégique : réalité ou utopie ? Par Marc Chartrand, CRHA, associé chez PCI Perrault Conseil inc. La planication stratégique d’aaires Par Richard Blain, CRHA, directeur associé, SECOR Les prochaines pratiques d’excellence en rémunération Par Jérôme Côté, CRHA, chef de pratique, Rémunération, Hay Group

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CHAPITRE 2

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Qu’est-ce qu’une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales ? 2.

3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

Énumérez certaines de ses composantes. De quelle manière l’environnement externe des entreprises peut-il inuencer la gestion de la rémunération ? Décrivez les incidences des diérentes pressions de l’environnement externe (par exemple, les pressions économiques ou sociologiques) sur la gestion de la rémunération. Quelles caractéristiques des entreprises inuencent la gestion de la rémunération ? Commentez leurs eets respectifs sur la gestion de la rémunération. Quelles caractéristiques des emplois et des employés ont des incidences sur la gestion de la rémunération ? Décrivez leurs incidences potentielles sur la gestion de la rémunération. Pour quelles raisons une entreprise aurait-elle intérêt à élaborer une stratégie de rémunération globale ? Quels préalables les marques d’employeur doivent-elles respecter pour être ecaces ? Que devrait faire un dirigeant qui souhaite élaborer une stratégie de rémunération globale au sein de son organisation ? Comment peut-on déterminer si une stratégie de rémunération globale procure un avantage concurrentiel qui pourra se maintenir dans le temps ? Décrivez les diérents types d’alignements qu’une organisation gagne à optimiser en matière de rémunération globale. Quelles sont les conditions de succès d’une stratégie de rémunération globale ou de récompenses totales ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. « Les entreprises dans lesquelles un syndicat est implanté oriront toujours de meilleurs salaires et avantages sociaux à l’ensemble de leurs employés.» Commentez cette armation. 2. Présentez les caractéristiques de la marque d’employeur d’une entreprise de votre choix en précisant les raisons pour lesquelles vous désireriez joindre les rangs de cet employeur. Vous pourrez trouver des éléments de réponse en consultant la rubrique «Carrières» du site Web de nombreuses entreprises.

CHAPITRE

3

L’implantation des programmes de rémunération globale

PLAN DU CHAPITRE

3.1 La démarche d’implantation des programmes de rémunération globale et les principes sous-jacents 3.2 Les étapes de l’implantation des programmes de rémunération globale 3.3 Les conditions d’une implantation ou d’une révision réussie des programmes de rémunération

3.4 L’application des programmes de rémunération globale 3.5 Le partage des rôles et de l’autorité en matière de gestion de la rémunération 3.6 L’impartition des activités de gestion de la rémunération

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Expliquer l’importance des principes de justice et d’éthique en matière de gestion de la rémunération globale.

• Traiter des conditions à respecter au cours des diérentes étapes de l’implantation • • • • •

des programmes de rémunération globale. Faire ressortir l’importance de la participation, de la consultation et de la formation des cadres et des employés en matière de gestion de la rémunération. Explorer les divers aspects de la communication de la rémunération. Expliquer l’importance de la philosophie de la rémunération et les caractéristiques du manuel d’employés et des politiques de rémunération. Traiter du partage des rôles et de l’autorité en matière de gestion de la rémunération. Exposer les dés de l’impartition en matière de gestion de la rémunération.

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CHAPITRE 3

M I S E E N S I T U AT I O N

Une philosophie de la rémunération : le compas permettant aux professionnels des ressources humaines d’établir la direction de leur stratégie et de leur programme de rémunération Une philosophie est le point de départ, et non pas la destination. Elle doit avoir un lien avec la stratégie d’aaires et la mission de l’organisation. Pour constater ce fait dans l’action, considérons ce que disent les deux entreprises suivantes quant à la place qu’occupe la rémunération basée sur la performance dans leur philosophie de la rémunération. En tant que fabricant d’outils d’application très rentables, l’entreprise A possède une puissante marque reconnue. Les clients préfèrent ses produits à ceux de la concurrence malgré leurs coûts plus élevés. Cette entreprise fabrique des produits de qualité supérieure qu’elle vend à un prix plus élevé que ses concurrents. Cette philosophie d’aaires s’applique aussi à ses employés. L’entreprise embauche les personnes les plus qualiées et les rémunère mieux que la concurrence à travers un régime d’intéressement qui s’appuie sur la performance de l’entreprise plutôt que sur la performance individuelle. Les primes cibles sont compétitives, mais le pourcentage de gains maximal est largement supérieur à ce qu’orent les concurrents. Lorsque l’entreprise fait bonne gure, cela se traduit par l’octroi de primes supérieures à ce qui est oert ailleurs sur le marché. Pour l’entreprise A, la rémunération au rendement se traduit par une rémunération supérieure pour des ventes supérieures et par une rémunération moyenne pour des ventes moyennes. Elle reconnaît la performance individuelle à travers les promotions et les augmentations de salaires au mérite et, par conséquent, davantage par le salaire. L’entreprise B fabrique des outils d’application bon marché. Elle dépense moins dans la fabrication de ses produits que la concurrence et elle transmet ses économies à ses clients. Sa marque n’est pas reconnue par la plupart des consommateurs, mais ses produits sont habituellement les moins chers. Les consommateurs sont conscients qu’en achetant les outils de cette entreprise ils sacrient la qualité mais obtiennent le meilleur prix. Cette entreprise embauche de bons candidats, mais les meilleurs candidats lui préfèrent les concurrents parce que le contrôle qu’elle exerce sur ses Source : Extrait traduit de Kelley (2006, p. 26).

coûts se traduit également dans les salaires et le régime d’intéressement. Les primes cibles sont compétitives, mais le pourcentage de versement maximal se situe sous le marché. Son régime collectif de rémunération est basé sur les coûts globaux de l’entreprise : meilleur est le contrôle des coûts, meilleur est le gain. Pour l’entreprise B, la rémunération au rendement se traduit par un salaire plus élevé pour des coûts réduits. L’entreprise A comme l’entreprise B croient en la rémunération au rendement, mais de manière diérente. Leur industrie et leur stratégie concurrentielle de base aident à déterminer leur politique de rémunération. Une bonne politique de rémunération reète la philosophie d’aaires, et non l’inverse. Alors, quelle entreprise a la bonne philosophie de la rémunération ? Peut-être les deux. Pour chaque organisation, l’important est la manière dont sa philosophie s’adapte à chaque phase du cycle de vie de l’entreprise. C’est en comprenant comment l’entreprise évolue et prospère que les professionnels de la rémunération verront se dessiner une stratégie. Beaucoup d’entreprises expriment ce message dans une déclaration de mission. Mais toutes les entreprises ont une stratégie, une façon propre de faire des aaires et un ensemble de croyances de base. Le travail du professionnel de la rémunération est de s’assurer que la philosophie de la rémunération reète bien la philosophie de l’entreprise.

Questions 1. Trouvez des organisations œuvrant au sein d’industries diérentes qui ont une philosophie ou une stratégie de gestion nettement distinctes. Expliquez en quoi cela inuence leur façon de gérer la rémunération de leur personnel. 2. Trouvez ensuite des organisations qui œuvrent au sein du même secteur d’activité économique et dont les stratégies et les cultures sont distinctes. Indiquez comment cela se répercute sur la façon dont elles gèrent la rémunération globale de leur personnel.

L’implantation des programmes de rémunération globale

L

e chapitre 2 a traité de l’élaboration d’une stratégie de rémunération globale. Dans ce chapitre, il est question de l’implantation de cette stratégie de rémunération ainsi que des changements de stratégie en matière de rémunération que les organisations peuvent opérer. Très souvent, les organisations se soucient de concevoir et de développer des projets impressionnants ou sophistiqués. Pourtant, ce qui compte sur le plan des résultats, c’est avant tout la qualité de l’implantation et de la gestion de ces projets. Cela fait l’objet de ce chapitre. Tout d’abord, nous présentons la démarche d’implantation des programmes de rémunération globale (l’élaboration, l’implantation, la gestion, l’évaluation et la révision des programmes de rémunération) et les principes sous-jacents à cette implantation. Nous traitons des principes de justice (distributive, du processus et interpersonnelle ou interactionnelle) et de leurs implications tout au long de ce processus de gestion de la rémunération. Nous insistons aussi sur l’éthique comme principe de base et ses liens avec la gestion de la rémunération de même que sur les responsabilités de veille des professionnels de la GRH en matière de fraude, de malversations et d’abus. Par la suite, nous décrivons les diérentes étapes de l’implantation d’un programme de rémunération globale en mettant l’accent sur les préalables en ce qui concerne la gestion de la rémunération, tels que l’importance de repérer les problèmes propres à l’organisation avant d’intervenir, de faire participer les diérents acteurs de l’organisation an de répondre à leurs besoins et de susciter leur engagement, de recourir avec sagesse et prudence au balisage externe de manière à respecter les caractéristiques du contexte organisationnel. Puis, nous traitons de l’importance de bien planier les changements relatifs à la rémunération en tenant compte des résistances inévitables qu’ils entraînent. Nous nous penchons sur la formation et la communication en matière de rémunération, deux facettes sur lesquelles les enquêtes menées auprès des organisations révèlent des malaises et suggèrent des améliorations à réaliser. Pour le personnel — surtout les cadres hiérarchiques —, il importe de comprendre les programmes de rémunération pour endosser les responsabilités qui leur reviennent et les communiquer de façon able à leurs employés. Encore ici, ces leçons qui peuvent paraître tenir de l’évidence font souvent défaut dans les pratiques quotidiennes de la gestion de la rémunération au sein des organisations de tous les secteurs d’activité. Avec les avancées des nouvelles technologies de l’information et à l’ère des réseaux sociaux et du Web 2.0, nous voyons aussi comment la communication dans le domaine de la rémunération doit être remise en question, ce qui ébranle bien des croyances et suscite des craintes ou des résistances légitimes. Par ailleurs, dès que l’on veut professionnaliser et standardiser la gestion de la rémunération, il est nécessaire de dénir une philosophie de la rémunération, d’en déterminer les composantes dans le manuel d’employés et de préciser des politiques de rémunération. Il faut alors comprendre ces divers concepts, mais surtout en connaître les atouts, les limites et les règles de gestion à respecter. Puis, nous montrons que la gestion de la rémunération est une activité dont les responsabilités et l’autorité sont partagées entre divers acteurs : les dirigeants, les cadres, les employés, les syndicats, les professionnels des ressources humaines, les conseillers externes et les sous-traitants. Il faut donc que tous ces acteurs comprennent et respectent les responsabilités ainsi que l’autorité respectives (par exemple, hiérarchique, de conseil, fonctionnelle) de chacun. Au quotidien, bien des embûches, des problèmes, des inecacités et des échecs peuvent être évités lorsque les diverses responsabilités deviennent claires pour tout le monde. Finalement, nous abordons l’impartition de la gestion d’une ou de plusieurs composantes de la rémunération et nous constatons que la sous-traitance comporte des avantages, mais aussi des limites et des dés. Il est nécessaire d’en cerner les contours et de mieux comprendre les règles à respecter pour optimiser les retombées positives de l’impartition.

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78

CHAPITRE 3

3.1

La démarche d’implantation des programmes de rémunération globale et les principes sous-jacents

Dès le départ, il est essentiel de constater que l’activité de gestion de la rémunération est présente dans toutes les organisations. En eet, aucune organisation — à l’exception des institutions religieuses (et même là) ou des organismes de bénévoles — ne fait travailler des employés sans les rémunérer. Ainsi, il ne s’agit pas de se poser la question d’adopter ou non des programmes de rémunération, mais de savoir quels programmes adopter et comment les gérer de manière optimale. Aux ns de ce chapitre, nous considérons une vue d’ensemble de la gestion des programmes de rémunération globale, afin de donner des conseils ou de traiter des conditions à respecter en ce qui concerne l’élaboration, l’implantation, la gestion, l’évaluation et la révision des programmes ou de la stratégie de rémunération des organisations (voir la gure 3.1). Comme l’illustre le modèle de cet ouvrage, selon une perspective contingente ou contextuelle, il faut gérer la rémunération en tenant compte de la situation. Dans la présente section, nous observerons qu’une gestion ecace de la rémunération requiert un climat ou un contexte organisationnel exempt de problèmes majeurs, le recours à des programmes et à des outils pertinents et alignés sur les besoins des employés, et surtout des cadres compétents qui s’approprient les modes de gestion de la rémunération. Plus concrètement, des programmes de rémunération variable ne mobiliseront pas le personnel au sein d’une entreprise dont la direction est déciente ou absente. Ils ne seront pas aussi ecaces s’ils se fondent sur des mesures de la performance inadéquates ou s’ils ne sont pas compris ou appuyés par les cadres. Une enquête menée par l’association WorldatWork, l’université Loyola, à Chicago, et le Groupe Hay montre que les professionnels de la rémunération ont tendance à établir un partenariat avec les cadres hiérarchiques et les professionnels de la nance en ce qui concerne la gestion des programmes de rémunération. Ainsi que le résume la gure 3.2 à la page 80, dans la fonction rémunération, les professionnels des ressources humaines semblent davantage être tenus pour responsables de la conception des composantes (comparativement à leur gestion et à leur contrôle), surtout celles touchant la philosophie, la mise au point de politiques, la comparaison avec le marché et l’établissement de structures salariales. Les cadres et les dirigeants, pour leur part, tendent à jouer un rôle plus actif dans la conception des programmes de reconnaissance et de rémunération variable. La gestion des composantes de la rémunération paraît soit partagée avec les professionnels des ressources humaines et les experts en rémunération ou être sous la responsabilité directe des cadres et des professionnels de la nance. Finalement, les professionnels des ressources humaines et ceux de la rémunération exercent surtout un rôle conseil en ce qui a trait au suivi et au contrôle des dépenses des diverses composantes de la rémunération (par exemple, le salaire, la rémunération variable, la reconnaissance). Ce chapitre examine chacune des étapes de la gestion des programmes de rémunération en général. Évidemment, l’implantation d’un programme de retraite ou d’un régime de rémunération au mérite, comme un régime d’achat d’actions, comporte des particularités qui seront abordées au l des prochains chapitres. Toutefois, quel que soit le programme visé, certaines conditions clés doivent être respectées.

L’implantation des programmes de rémunération globale

FIGURE 3.1

Les démarches d’élaboration, d’implantation, de gestion, d’évaluation et de révision des programmes de rémunération

3.1.1 Les principes de justice dans la gestion de la rémunération Une stratégie de rémunération doit être conçue et gérée conformément aux principes d’équité et de justice organisationnelle, soit la justice distributive, la justice du processus et la justice interpersonnelle ou interactionnelle. Notons que tout ce que nous déclarons ici au sujet de la justice au sein des organisations prend son assise sur des études menées en droit à l’égard des décisions légales. Nous n’avons donc rien inventé ; nous avons simplement vérié si ces études pouvaient s’appliquer aux décisions de gestion. Selon les théoriciens du droit, les réactions d’une personne à l’égard d’une décision prise par une instance (jury, juge, tribunal, etc.) dépendent non seulement du résultat ou de la décision prise (le quoi), mais aussi des procédures

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CHAPITRE 3

FIGURE 3.2

Le rôle des professionnels des ressources humaines en matière de rémunération

Source : Compilé, traduit et adapté de Manny et al. (2006, p. 30-31).

L’implantation des programmes de rémunération globale

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adoptées (le comment, soit la justice du processus ou procedural justice) pour en arriver à cette décision et de la manière dont cette décision est communiquée et expliquée à la personne (ibault et Walker, 1975). Les recherches réalisées dans le domaine juridique montrent que les verdicts émanant de procédures tenant compte de la participation des personnes (par exemple, le droit de parole, la consultation, l’information) étaient perçus comme plus justes et étaient mieux acceptés que les verdicts identiques où la participation des personnes n’était pas sollicitée (par exemple, Deutsch, 1975 ; Lind et Tyler, 1988 ; voir la revue de Greenberg, 1990, qui a introduit cette notion dans le domaine de la gestion ou de l’organisation). À l’égard de la gestion de la rémunération, cela signie qu’il est crucial de prendre en considération les diverses perceptions de justice du personnel. Les théoriciens relèvent souvent trois dimensions relatives à la perception de justice : la justice distributive, la justice du processus et la justice interpersonnelle ou interactionnelle (voir la revue de Morin et al., 2007). Le tableau 3.1 énumère certains liens entre ces formes de justice et la gestion de la rémunération.

La justice distributive La justice distributive s’intéresse au caractère équitable des résultats (le quoi et le combien) découlant des décisions prises au sein des organisations. La théorie de l’équité d’Adams (1965) (voir le chapitre 1 à la page 15), qui s’appuie sur le ratio contribution-rétribution

TABLEAU 3.1

Les formes de justice organisationnelle et leurs déterminants potentiels Forme de justice et sa dénition

Justice distributive Le montant : combien ?

Le caractère juste ou équitable du salaire • Lien entre la valeur des emplois et les salaires ou d’une augmentation de salaire compte • Lien entre la cote de performance de l’employé tenu des contributions de la personne et la récompense (augmentation de salaire, prime) telles que son niveau de scolarité, son • Informations communiquées sur la gestion de expérience ou son rendement la rémunération

Justice du processus Le caractère juste ou équitable du Les moyens : comment ? processus de gestion de la rémuné­ ration (le comment ou les moyens pour ce qui est des outils, des règles, des méthodes ou des processus)

Justice interpersonnelle ou interactionnelle Les interactions : comment ?

Exemples de facteurs inuençant la perception de justice envers la gestion de la rémunération

• Participation ou consultation des cadres et des employés à l’égard de la gestion des diverses composantes de la rémunération • Documentation sur les processus de gestion de la rémunération et le contenu des emplois • Possibilité de révision et d’appel • Application uniforme des politiques de rémunération • Pertinence des critères d’évaluation des emplois, d’évaluation de la performance individuelle et organisationnelle, etc.

Le caractère juste ou équitable de • Explication des modes de gestion de la rémunération la relation et des communications • Préoccupation pour les intérêts et les besoins entre le superviseur et le subordonné de l’employé (le comment sur le plan interpersonnel) • Qualité des communications sur la rémunération • Prise en compte des attentes et des besoins des employés • Traitement honnête et intègre • Rétroaction régulière, pertinente et constructive

Source : Adapté de Morin et al. (2007, p. 172).

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CHAPITRE 3

d’autres individus appelés « référents », est à la base du concept de « justice distributive » avancé par Greenberg (1990) à l’égard de toutes les décisions de gestion. En eet, les perceptions de justice envers toutes les décisions prises dans les organisations reposent en partie sur le résultat ou le « quoi » qui a été décidé. Relativement à la rémunération, cela signie que plus une composante de la rémunération est généreuse, plus les personnes ont tendance à la percevoir comme juste, et vice versa. À ce jour, un courant de recherches majeur a conrmé l’importance de l’eet de la justice distributive sur les perceptions de justice chez les acteurs en milieu organisationnel.

La justice du processus Alors que la justice distributive se concentre sur la décision prise (les résultats, le quoi ou le combien), la justice du processus fait référence aux perceptions d’équité à l’égard des procédures et des politiques de gestion (le comment) qui ont amené la prise de décision. Appliquée à la rémunération, la justice du processus de gestion consiste à s’assurer que les décisions et les activités de gestion de la rémunération sont établies de façon équitable et perçues comme telles par les employés. Il s’agit non seulement de savoir si la rémunération est susante (combien ?), mais aussi de se demander si, aux yeux des employés, les décisions liées à la rémunération sont justes et si les régimes de rémunération sont perçus comme gérés équitablement (comment ?). Plus précisément, Leventhal (1980) propose six règles à respecter pour optimiser les perceptions de justice du processus. Ainsi, les procédures doivent être cohérentes ou uniformes pour tous les acteurs, sans biais, précises, faciles à corriger en cas d’erreur, représentatives de toutes les personnes concernées par les décisions (prise en compte de leurs opinions) et, enn, basées sur des standards d’éthique.

La justice interpersonnelle ou interactionnelle La justice interpersonnelle ou interactionnelle renvoie à la mise en valeur du respect et de la dignité au cours du traitement des personnes en s’appuyant sur la prémisse que l’employé demande à être traité de façon juste, c’est-à-dire de façon respectueuse et polie, et qu’il désire recevoir des explications sur des décisions qui sont prises. Il évaluera alors les informations qui lui sont fournies sous divers angles : l’ampleur des informations, leur nature (par exemple, leur précision, leur pertinence), la source qui les communique, les personnes cibles, etc. La justice interpersonnelle peut être envisagée comme une composante de la justice du processus. Par contre, pour plusieurs auteurs et selon des résultats de recherches, les perceptions de justice du processus qu’ont les employés seraient liées davantage à leurs perceptions d’équité à l’égard de l’organisation, alors que leurs perceptions de justice interpersonnelle seraient associées davantage aux comportements du superviseur et à la qualité de la relation superviseur-subordonné (voir la revue de Morin et al., 2007). Quoi qu’il en soit, retenons que les personnes ne jugent pas seulement les moyens qu’on met en œuvre pour prendre une décision, mais aussi la manière dont cette décision est communiquée et expliquée. De là vient l’importance de la communication de la rémunération émanant de l’organisation, du service des ressources humaines et des superviseurs immédiats (et donc de la formation de ces derniers an qu’ils aient la compétence pour donner des explications). Nous reviendrons sur ce sujet dans ce chapitre et tout au long de l’ouvrage.

Les liens entre les principes de justice et la satisfaction envers la rémunération Depuis plus de quatre décennies, les recherches font ressortir l’importance des diverses formes de justice — distributive, du processus et interactionnelle — en matière de rémunération (voir les revues de Heneman, 1985 ; Miceli et Lane, 1991 ; Heneman et Judge, 2000). Récemment, des recherches conrmaient que les diverses perceptions de justice ont un eet sur la satisfaction

L’implantation des programmes de rémunération globale

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des employés envers le salaire de base (voir la méta-analyse de Williamset al., 2006) et d’autres composantes de la rémunération, comme l’augmentation de salaire, les avantages sociaux et la structure salariale (voir les études de Jawahar et Stone, 2011 ; Till et Karren, 2011). Les études universitaires comme les enquêtes menées par les consultants conrment depuis des années les incidences de la communication et de la formation sur les attitudes des employés envers diverses décisions de rémunération. Par exemple, les faits suivants ont été démontrés : • Des dirigeants peuvent réduire les eets négatifs d’une réduction ou d’un gel des salaires sur les attitudes et les comportements des employés s’ils en expliquent les raisons de manière juste et respectueuse (Rynes et al., 2002). • La participation à la conception d’un système de rémunération au mérite est associée à la perception de justice salariale (par exemple, Bullock, 1983). Pour analyser le risque que le système de gestion de la rémunération soit perçu comme injuste ou inéquitable, on peut se poser les questions suivantes : jusqu’à quel point l’organisation communique-t-elle de l’information aux employés en matière de rémunération ? Fait-elle participer les employés à la détermination des changements à apporter à ses politiques et à ses pratiques de rémunération ? Si oui, quels employés interviennent dans l’établissement des changements et dans quelle mesure ? Les employés sont-ils consultés ? L’organisation tient-elle compte de leurs besoins, attentes ou valeurs ? Si oui, qui participe, de quelle façon et jusqu’à quel point ? Les employés comprennent-ils la manière dont les diérentes composantes de la rémunération sont gérées ? Les cadres sont-ils formés pour assumer adéquatement leurs responsabilités à l’égard des décisions relatives à la détermination des cotes de performance et des augmentations de salaires susceptibles d’y être liées ? Au vu de l’importance des perceptions de justice quant aux modes de gestion de la rémunération, nous y reviendrons plus en détail dans ce chapitre et tout au long de l’ouvrage. Aux ns de ce chapitre, rappelons-nous que la satisfaction des employés envers leur rémunération est fonction d’une série de questions que se posent les employés (voir le tableau 3.2). Certes, l’organisation a un rôle à jouer par rapport aux réponses à apporter à TABLEAU 3.2

La communication aux employés des questions clés à la base de leur satisfaction envers la rémunération

Combien suis-je payé ? Faible

Comment a-t-on déterminé Pourquoi suis-je payé ainsi ? combien je suis payé ? Degré d’inuence de l’organisation sur la satisfaction des employés Moyenne Élevée

La satisfaction ou la perception de justice envers la valeur du montant accordé aux yeux de l’employé n’est jamais absolue. Elle varie dans le temps parce qu’elle dépend des points de référence qu’il retient à un moment donné : les collègues, le salaire antérieur, les amis, les données sur le Web, le supérieur immédiat, les subordonnés, etc.

La satisfaction ou les perceptions de justice à l’égard des moyens pris pour décider : • les méthodes permettant de mesurer la valeur des emplois • les politiques d’augmentation de salaires • les programmes de rémunération variable • la gestion de la progression dans les échelles salariales • la consultation ou la participation des cadres et des employés • la communication respectueuse des moyens • etc.

Source : Traduit et adapté de Sattereld (2008, p. 48-49).

La compréhension des choix faits par l’organisation : • les choix quant au marché de comparaison (taille des organisations, industries, etc.) • le rôle et l’importance relative des diverses composantes de la rémunération globale • l’importance relative des diverses formes d’équité (externe, interne, individuelle, collective) • la gestion et la mesure des performances individuelles et collectives • etc.

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CHAPITRE 3

ces questions. Toutefois, sa capacité d’inuencer la satisfaction de chaque employé envers sa rémunération au moyen des réponses qu’elle ore varie beaucoup. En résumé, voici les principales règles à respecter pour favoriser les perceptions d’équité à l’endroit de tout processus de gestion de la rémunération : • Il faut uniformiser et ocialiser le plus possible le processus de gestion de la rémunération. • Il est nécessaire de s’assurer que le processus de gestion n’est pas arbitraire ou biaisé, qu’il ne favorise pas ou ne défavorise pas les intérêts de certaines personnes de manière systématique. • On doit communiquer et expliquer les modes de rémunération au personnel, c’est-àdire faire preuve de transparence. • Il est important d’orir des mécanismes d’appel permettant de réviser certaines décisions. • On doit faire participer les employés au processus de gestion. • Il est essentiel de respecter les lois. • Il faut former les employés (cadres ou non) an qu’ils aient les compétences pour exercer adéquatement les responsabilités que le processus de gestion de la rémunération leur accorde.

3.1.2 Les principes d’éthique en gestion de la rémunération Au cours des 15 dernières années, les fraudes et les problèmes d’intégrité au sein des organisations de toutes les tailles et de tous les secteurs d’activité font régulièrement la une des journaux. Quoique toutes les malversations ne soient pas causées par la gestion de la rémunération, on se rend compte qu’elles sont souvent très importantes dans ce domaine, surtout si l’on considère que la rémunération comporte de nombreuses composantes, tant pécuniaires que non pécuniaires. Aussi, des principes d’éthique explicites et clairs doivent guider la gestion de la rémunération.

Les intérêts des parties prenantes L’éthique relève des règles de la conscience, du bien et du mal, des intérêts de toutes les parties prenantes. Il s’agit donc bien davantage que de se comporter conformément à ce qu’on dit, de faire ce que prescrivent les lois ou de ne pas y contrevenir ou encore de respecter les politiques ou les règles de l’organisation. L’éthique signie qu’il faut se soucier des principes humains tenant compte des intérêts des autres. De nombreux dilemmes éthiques surviennent sans qu’il y ait un non-respect des lois (illégalité) ou des politiques de l’organisation. Pendant longtemps, l’esclavage a été légal. De fait, ce qui n’est pas conforme à l’éthique peut être légal et même balisé par des règles. Lorsque l’esclavage était légal, on balisait le traitement qu’il fallait accorder aux esclaves. La gestion de la rémunération, comme la gestion de toutes les autres activités de GRH, met en avant de multiples dilemmes éthiques, notamment ceux-ci : • Tolérer des comportements inadmissibles, illégaux et dysfonctionnels chez un employé parce qu’il obtient de bons résultats (contrats, ventes). • Ne pas respecter la condentialité des informations reçues ou transmises. • Fournir de fausses informations sur le personnel aux agences d’évaluation, d’accréditation, de certication, etc., ou encore falsier des données, détruire des documents ou signer des documents inexacts. • Utiliser son autorité pour demander des faveurs à certains membres du personnel ou forcer un employé à mentir pour sauver les apparences. • Accepter des cadeaux, des pots-de-vin ou fermer les yeux sur de tels agissements au sein de l’organisation et de la direction. • Intervenir dans un dossier alors qu’on est en conit d’intérêts sans le déclarer.

L’implantation des programmes de rémunération globale

• • •

Accorder des conditions de rémunération disproportionnées ou non justiables à des personnes an de les coopter, d’acheter leurs faveurs. Instaurer des régimes de rémunération variable octroyant d’importantes récompenses pour l’atteinte de résultats à court terme seulement ou incitant le personnel à adopter des comportements dysfonctionnels. Instaurer des régimes de rémunération très généreux basés sur la performance organisationnelle alors qu’il y a peu de contrôle sur la mesure des résultats (par exemple, des vérications, un contrôle interne), ce qui ouvre la porte à la falsication de données.

Une gestion éthique de la rémunération pour un professionnel des ressources humaines vise aussi à éviter certaines activités telles qu’une interprétation abusive des résultats d’une enquête, la sélection biaisée du marché de comparaison, la falsication des résultats de l’évaluation des emplois en vue de ne pas accorder d’augmentations de salaires au cours d’un exercice d’établissement ou de maintien de l’équité salariale ou encore le refus de rémunérer les heures supplémentaires selon les termes de la loi.

L’intégrité des professionnels des ressources humaines en matière de fraudes, de malversations et d’abus Le laisser-aller s’avère aussi un manquement à l’éthique, surtout pour un professionnel des ressources humaines. C’est le cas lorsque celui-ci n’exerce pas son autorité de conseil comme expert en ressources humaines pour informer la direction et les employés de la présence de facteurs donnant lieu à des fraudes. Il existe de nombreux écrits sur le sujet, que les professionnels des ressources humaines doivent non seulement connaître, mais également être en mesure d’en appliquer les recommandations. Dans certains cas, ne rien dire ou ne rien faire, c’est accepter l’inéquitable et y contribuer. Bien des PDG d’entreprise, scandaleusement payés, sont aidés de vice-présidents aux ressources humaines dont ils ont obtenu la complicité en les payant trop bien an qu’ils respectent la loi du silence et se montrent obéissants (les menottes dorées sont également observées chez les responsables des ressources humaines).

3.2

Les étapes de l’implantation des programmes de rémunération globale

L’implantation d’un programme de rémunération globale comprend l’étape du diagnostic des problèmes et des besoins, liés à la réalité de l’entreprise, celle de la planication et de l’élaboration du programme et celle de l’évaluation, du suivi et de la révision du programme qui doivent être faits régulièrement.

3.2.1 Le diagnostic préalable des problèmes et des besoins de l’organisation Certains dirigeants d’entreprise ou professionnels de la rémunération s’aventurent dans des courants de gestion à la mode qui orent souvent des solutions toutes faites ne constituant pas une véritable solution à leurs problèmes. Certains professionnels des ressources humaines se lancent même dans l’implantation successive de programmes dernier cri davantage pour bâtir leur réputation que pour répondre à des besoins d’aaires. D’autres procèdent à des changements majeurs en ce qui a trait à la rémunération alors que des modications modestes ou des changements sur des aspects non pécuniaires

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seraient plus adaptés à leur situation et permettraient d’accroître la performance de leur entreprise. Plutôt que d’augmenter sans cesse la rémunération ou le nombre de programmes de rémunération, l’organisation gagnerait souvent à investir dans l’embauche des personnes adéquates, la communication des indicateurs et l’amélioration des habiletés de leadership. Par ailleurs, si une organisation désire apporter des changements importants en matière de culture, il est recommandé de ne pas prendre la rémunération comme élément moteur de ces changements, car les risques d’échec sont trop élevés. En eet, il est beaucoup plus simple de théoriser sur des changements à faire par rapport à la rémunération que de les implanter. Les dirigeants ne peuvent compter uniquement sur le levier de la rémunération des employés pour réussir une volte-face stratégique ou pour modier la culture de leur entreprise. La rémunération n’est pas un conducteur (driver) de la performance individuelle et organisationnelle, elle ne peut et ne doit être qu’un facilitateur. Cela explique d’ailleurs pourquoi de nombreux employés doutent que leurs dirigeants soient sérieux dans leur volonté de changement jusqu’à ce qu’ils perçoivent que leurs modes de rémunération ou de reconnaissance peuvent s’en trouver modiés. De plus, il est possible que les employés perçoivent une dissonance entre, d’un côté, un message des dirigeants suivant lequel l’organisation valorise l’esprit d’entreprise et la prise de risques et, de l’autre, des modes de rémunération qui accordent plus d’importance aux avantages sociaux et à la retraite qu’à la rémunération variable. À l’instar de Pfeer et Sutton (2006b) qui recommandent aux conseils d’administration de ne pas chercher à recruter un excellent PDG (une vedette), mais plutôt d’éviter d’en choisir un mauvais, nous pourrions dire que l’important pour une organisation n’est pas tant d’établir tel ou tel programme ou politique de rémunération particulier que de veiller à ne pas adopter un mauvais programme ou une mauvaise politique de rémunération, qui entrerait en conit avec ses valeurs de gestion et sa stratégie et qui nuirait à la pérennité de l’entreprise. Pour employer une expression populaire, en matière de gestion de la rémunération, « il faut huiler lorsque ça grince ». Pour sa part, Trevor (2013) considère que la rémunération est comme la plomberie : elle ne devient importante que lorsqu’un problème se déclare. En d’autres termes, si les plaintes proviennent de quelques personnes seulement et que les conséquences négatives sont limitées, il faut conserver le mode de rémunération en vigueur et voir à mieux l’expliquer. Aussi, le point de départ d’un projet d’élaboration ou de révision d’un programme de rémunération repose sur la détermination du problème, des besoins et des attentes de la direction et du personnel en la matière. Généralement, on décide d’implanter ou de réviser un programme de rémunération lorsque l’on constate que son absence ou que les façons de faire actuelles causent du tort ou un malaise qui ne sont plus tolérables : une baisse de performance, des plaintes des clients, un absentéisme trop élevé, etc. On peut alors établir une comparaison entre, d’une part, les coûts des changements ou les obstacles à ceux-ci et, d’autre part, les bénéces des changements sur les plans nancier et humain. Par ailleurs, il est possible que le programme actuel ne nécessite pas de changements majeurs si l’on se rend compte que le problème est attribuable essentiellement au manque de compétences des cadres quant à sa gestion ou au faible lien entre la gestion de la rémunération et les autres activités de GRH, comme la gestion de la performance. Le tableau 3.3 montre que, selon le problème, la solution variera. Pour découvrir les problèmes et les besoins présents dans l’organisation, il est nécessaire de consulter la direction, les professionnels des ressources humaines, les cadres et les employés.

L’implantation des programmes de rémunération globale

TABLEAU 3.3

Des exemples de diagnostics des problèmes permettant de déterminer des changements à apporter dans la gestion de la rémunération

Type de changement Implanter ou réviser un programme de gestion de la rémunération

Exemples de problèmes visés par ce changement

• L’absence de programme ou le programme actuel cause du tort ou un malaise qui n’est plus tolérable.

• Le programme actuel : – n’est pas respecté ; – n’est pas utilisé ou est mal utilisé ; – n’est pas ou n’est plus adapté au contexte ; – n’est pas ou n’est plus aligné sur les objectifs, la stratégie d’aaires et les valeurs de gestion ; – s’appuie sur des critères et des politiques inappropriés, non adaptés aux catégories de personnel, non pertinents, complexes, engendrant des comportements contreproductifs, etc. ; – n’est plus supportable sur le plan des coûts.

Reconnaître la performance

• Les cadres ne distinguent pas et ne reconnaissent pas assez la performance individuelle ou ne sont pas motivés à le faire.

• Les budgets ne susent pas pour reconnaître de façon signicative les meilleurs employés.

• La rémunération variable est considérée comme un droit acquis. • Les meilleurs employés partent. • L’amélioration de la performance organisationnelle ne prote pas aux employés. • Le personnel est incité à décider et à agir d’une manière qui n’est pas dans l’intérêt à long terme de l’organisation. Former et communiquer en matière de gestion de la rémunération

• Les cadres : – ne se sentent pas responsables de la qualité de la gestion de la rémunération, notamment de la rémunération variable basée sur la performance individuelle ; – manquent de formation pour bien assumer leurs responsabilités relatives à la gestion de la performance ; – ne sont pas motivés à assumer leurs responsabilités de coaching au quotidien en ce qui concerne la gestion de la performance et l’explication des modes de rémunération. • Les employés : – ne se sentent pas responsables de leur performance ; – manquent d’information pour bien comprendre les modes de rémunération. • Le programme est mal appliqué ou mal géré (incohérences, iniquités, plaintes, incompréhensions, etc.).

Lier la rémunération aux autres • Le programme de rémunération n’est pas utilisé pour orienter la gestion des talents : activités de GRH (performance, succession et relève, cheminement de carrière, etc. cheminement de carrière, relève • Il y a incohérence ou contradiction entre les critères de rémunération de et succession, formation et la performance et les critères balisant d’autres activités de gestion des talents : développement, dotation — sélection, promotion, etc. sélection, promotion, mutation • Le programme de rémunération n’est pas adapté aux nouveaux modes —, organisation et aménaged’organisation du travail : équipe, télétravail, etc. ment du travail) • Le programme de rémunération est inadapté à la culture et aux valeurs des unités d’aaires présentes dans d’autres pays.

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CHAPITRE 3

3.2.2 La planication et l’élaboration des programmes de rémunération globale Les employés et les cadres, à titre d’utilisateurs ou de gestionnaires du programme de gestion de la rémunération, devraient être consultés pendant l’étape de la planication et de l’élaboration du programme, an d’optimiser son contenu et de favoriser la réceptivité à son égard parmi le personnel.

Faire participer et consulter le personnel à l’égard du processus

La mise sur pied de comités de projets favorise la participation et la consultation du personnel.

Trop souvent, les dirigeants d’entreprise et les responsables des ressources humaines ou de la rémunération négligent de faire participer plusieurs personnes à la gestion des programmes de rémunération parce qu’ils veulent économiser du temps et de l’argent ou qu’ils craignent qu’on leur adresse de nouvelles demandes par rapport à ces programmes. Selon une étude menée par le Groupe Hay, seulement 40 % des organisations sollicitent la participation de leurs cadres et 20 % sollicitent celle de leurs employés à la conception, à l’implantation et à l’évaluation de leurs programmes de rémunération ou de récompenses, alors que leur participation joue un rôle clé dans l’ecacité de ces programmes (McMullen, 2012 ; Scott et al., 2010). Pourtant, il est important d’adopter des programmes de rémunération globale qui tiennent compte de manière optimale des besoins des employés et des organisations. Pour cela, on doit consulter les employés et les cadres, par exemple à travers des entrevues, des groupes de discussion, des groupes de projets ou des sondages électroniques. Par contre, il faut se rappeler que le temps accordé (surtout de la part des superviseurs) à la participation des personnes permet d’éviter bien des problèmes et des résistances, souvent coûteux, au cours de l’implantation et de la gestion du programme de rémunération. Quand la direction demande aux employés d’exprimer leurs opinions et leurs attentes, elle leur transmet le message qu’elle se soucie de leurs idées et de leurs souhaits. Là-dessus, le processus de participation et de consultation qu’on utilise pour décider des résultats (la nature des régimes de rémunération, l’ampleur de la rémunération, etc.) favorise nettement l’acceptation des changements par les employés et permet aux cadres de s’approprier davantage les changements et de se sentir davantage responsables de la communication et de l’explication de ces changements à leur personnel. Pour élaborer ou réviser le programme, il est particulièrement utile de constituer des équipes de projets, que ce soit au moyen de comités de projets ou de groupes de discussion.

La mise sur pied de comités de projets

Un comité de projet peut être composé de quatre ou cinq personnes clés. Ce comité devrait être supervisé par une personne compétente sur les plans technique, stratégique et politique. Généralement, il s’agit du directeur de la fonction ressources humaines ou encore de l’activité « rémunération ou avantages sociaux », puisque c’est le personnel de son service qui sera chargé de la gestion administrative du programme. Dans la mesure du possible, le responsable des ressources humaines — et non ses adjoints — joue un rôle de première importance, car la démarche d’élaboration, d’implantation, de gestion, d’évaluation ou de révision d’un programme de rémunération, et encore plus de la stratégie de rémunération, requiert une expertise technique, stratégique et politique. En eet, il est essentiel de lier les programmes de rémunération aux priorités de l’organisation et de faire en sorte que les dirigeants et tous les utilisateurs les comprennent et les acceptent. En plus des responsables des ressources humaines et de la rémunération, ce comité de projet d’élaboration ou de révision majeure d’un programme de rémunération devrait inclure un dirigeant et un cadre supérieur an de symboliser l’appui de la direction. Le comité gagnerait également à faire appel à un conseiller interne ou à un consultant externe possédant une expertise en gestion de la rémunération. Un consultant externe permet d’interroger des éléments qui sont souvent tenus pour acquis par des membres de l’organisation.

L’implantation des programmes de rémunération globale

Sa présence peut aussi aider le responsable des ressources humaines ou de la rémunération, à la tête du comité, à faire cheminer les membres vers des façons de faire qui dérogent aux habitudes. Ce comité de projet, qui se rapporte à la direction, a le mandat de réaliser et d’implanter le projet selon les ressources mises à sa disposition (temps, budget, etc.). Dès le départ et tout le long du projet, le comité de projet doit recevoir l’appui manifeste des dirigeants et des cadres supérieurs. À cet égard, il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir du discours et des comportements des dirigeants. L’appui de ces derniers s’observe aussi à travers les ressources qu’ils voudront investir dans l’élaboration et la révision du programme de rémunération visé, ressources portant entre autres sur le temps, l’argent, les experts, les champions, l’ampleur et la fréquence des communications et des groupes de travail concernés.

La création de groupes de discussion

Par ailleurs, il est important de constituer des groupes de discussion composés de représentants des diérentes catégories de personnel visées pour procéder à l’élaboration ou à la révision de programmes de rémunération. Grâce à leur participation, les nouveaux programmes de rémunération ou les changements apportés aux programmes existants pourront être perçus comme valables, pertinents, etc. Chaque groupe de discussion peut compter de 8 à 12 employés possédant les caractéristiques suivantes : • Ils comprennent des personnes qui seront admissibles ou assujetties au programme en tant que gestionnaires et employés, un ou deux professionnels des ressources humaines, un conseiller externe et un ou plusieurs représentants syndicaux, s’il y a lieu. • Ils comprennent des membres qui ont une bonne connaissance des emplois et de l’organisation et qui sont jugés crédibles par leurs pairs. • Ils s’appuient sur un échantillon représentatif (quant au sexe, à l’âge, aux catégories d’emplois, aux années de service, au niveau hiérarchique, etc.) de la main-d’œuvre qui sera admissible au programme de rémunération visé.

Déterminer les objectifs visés par le nouveau programme ou sa révision Les organisations peuvent adopter un programme ou une démarche de gestion de la rémunération an d’atteindre divers objectifs, tels que les suivants : • Respecter les lois, notamment la Loi sur l’équité salariale. • Inciter le personnel à adopter des attitudes et des comportements contribuant à l’atteinte des objectifs de l’entreprise et à la réalisation de sa stratégie d’aaires (par exemple, encourager l’innovation et la créativité, favoriser la collaboration ou l’esprit d’équipe, promouvoir l’acquisition des compétences). • Mieux reconnaître les performances individuelles ou collectives. • Renforcer le lien entre la performance individuelle et la performance organisationnelle ainsi que la perception que le personnel a de ce lien. • Communiquer la mission, la vision, les objectifs et les valeurs de l’organisation. • Améliorer la performance selon divers indicateurs (par exemple, la qualité des produits et des services, la quantité produite, le service à la clientèle, la satisfaction des clients, les indicateurs nanciers, la valeur de l’action). • Faciliter le recrutement et déliser les meilleurs employés. • Favoriser l’assiduité du personnel. • Favoriser la sécurité nancière des employés à la retraite. • Aider les employés et les membres de leur famille à assumer le coût des aléas de la vie en ce qui a trait à la santé, aux accidents, etc. Selon le contexte, les employés concernés et le programme visé, les dirigeants pourront avoir diverses priorités en matière de gestion de la rémunération. Les objectifs poursuivis par le programme sont importants parce qu’ils servent de base pour analyser leur ecacité.

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CHAPITRE 3

Respecter le caractère distinctif de l’organisation pour créer de la valeur Une analyse des 500 organisations les plus admirées dans le monde de la liste de Fortune montre que ces organisations se tiennent au courant de ce qu’ore le marché, sans pour autant chercher à copier celui-ci (Wright, 1998). Elles veulent que leurs modes de gestion de la rémunération renforcent leur culture et leur stratégie d’aaires et qu’ils soient dicilement copiés par les autres. Il importe donc d’éviter une gestion essayant d’imiter les régimes ou les politiques de rémunération adoptés par des organisations reconnues ou par des concurrents ; il faut plutôt tenter de se bâtir une marque distinctive et concurrentielle sur le marché de l’emploi. Cependant, pour un trop grand nombre de dirigeants et de responsables des ressources humaines et de la rémunération, gérer la rémunération, c’est surtout se soucier d’accorder une rémunération compétitive, puisqu’il est relativement simple de copier les pratiques du marché. Les entreprises s’imitent les unes les autres et tendent à adopter les modes en matière de gestion, et ce, encore plus dans le domaine de la rémunération. Aussi, la popularité de certaines pratiques de rémunération (par exemple, la rémunération variable) est due moins à leur prétendu impact sur la performance des entreprises qu’au fait qu’elles sont oertes par d’autres organisations, souvent les plus prestigieuses, et qu’il devient dès lors dicile de ne pas suivre le courant. Ce faisant, de nombreux dirigeants et cadres recherchent davantage la légitimité que la performance. Par conséquent, beaucoup de programmes de rémunération ne sont pas alignés sur les sources de valeur de l’organisation (et donc sur sa performance), mais sur ce qui apparaît comme les meilleures pratiques à l’externe. Trevor et Brown (2012) ont trouvé une étroite conformité entre les pratiques de rémunération adoptées par sept grandes multinationales de biens de consommation. Toutes ces entreprises utilisent des régimes de rémunération variable basée sur les performances individuelles et collectives qu’elles gèrent toutefois diéremment, ce qui inuence la perception de leur ecacité de la part des cadres à l’extérieur du service des ressources humaines. Devant l’incertitude, les dirigeants qui décident des programmes de rémunération sont portés à reprendre ce qui se fait à l’externe en se disant que si c’est bon pour d’autres entreprises, c’est bon pour eux. Selon les termes d’un directeur de la rémunération : « C’est ce que tout le monde fait. C’est ce que vous devriez faire. La tendance est d’accorder une prime aux personnes ; que cela soit bon, mauvais ou sans eet n’a aucune importance » (Trevor, 2013, p. 24 ; traduction libre). Il est alors possible que des composantes de rémunération, qu’on met en avant en disant qu’elles appuient la stratégie et les valeurs, mais qui sont souvent une copie de ce que d’autres entreprises font dans l’industrie, nuisent en fait à l’alignement stratégique et détruisent plus de valeur qu’elles n’en créent (Trevor, 2011 ; Trevor et Brown, 2012).

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie institutionnelle Selon la théorie institutionnelle, les organisations adoptent des structures en réponse aux attentes ou aux pressions extérieures et an de démontrer leur légitimité vis-à-vis de la société. Cette tendance des organisations à la conformité, nommée « isomorphisme », est causée par des pressions qui émanent de trois principales sources : l’État à travers ses lois, les autres organisations (surtout celles qui sont perçues comme des modèles) et les organismes professionnels. Toutes ces pressions incitent fortement les organisations à adopter certaines façons de faire et à s’imiter pour accroître leur légitimité, sans pour autant qu’il y ait un lien évident avec la performance. Sources : Meyer et Rowan (1977) ; DiMaggio et Powell (1983).

L’implantation des programmes de rémunération globale

Tenir compte du contexte dans la conception ou la révision du programme

Bien des professionnels de la rémunération ont appris à leurs dépens qu’un programme ou un changement intéressant en matière de rémunération peut être torpillé par des employés et des cadres. Dans la deuxième section du chapitre 2, nous avons insisté sur l’importance du contexte dans la gestion de la rémunération ; il faut donc en tenir compte lorsqu’on conçoit, implante et gère un programme de rémunération. Les professionnels des ressources humaines doivent éviter de prendre le risque de trop se préoccuper des outils et de négliger le contexte organisationnel dans lequel on gère la rémunération, alors que ce dernier a un eet certain sur l’ecacité d’un programme de gestion de la rémunération. On peut reprocher aux professionnels de ne pas susamment se soucier des cadres, non seulement de leurs compétences, mais surtout de leur motivation à comprendre les modes de rémunération des membres de leur équipe. Nous reviendrons sur cet aspect plus loin dans le chapitre.

Planier la période et le mode d’implantation du programme Il est nécessaire d’élaborer et d’implanter un changement dans la gestion de la rémunération durant une période où le climat de travail est bon et qui n’est pas considérée comme la plus exigeante de l’année. Selon les organisations et les programmes à implanter ou à réviser, il peut aussi s’avérer préférable de tester un nouveau programme au sein d’une unité d’aaires, d’un service ou d’un groupe avant de l’étendre à l’ensemble de l’organisation. De même, selon le changement en vue, il peut être préférable d’instaurer progressivement le nouveau programme sur une période de deux à trois ans an que les cadres puissent être formés, que le processus soit mieux géré, que la réussite du projet soit assurée, etc. Pour de nombreux cadres, par exemple, les formulaires d’évaluation à remplir pour déterminer les augmentations de salaires ou les primes basées sur la performance des membres de leur équipe sont une source de frustration en raison de leur longueur, de leur complexité, de la non-pertinence, de la redondance ou de l’absence de certains critères, ou parce qu’ils engendrent des erreurs, des biais ou des manipulations dans les cotes de performance. Dans ce cas comme dans bien d’autres, les prétests permettent de recueillir les opinions des employés tant sur le contenu que sur le format du formulaire et des autres composantes du programme (par exemple, le temps accordé pour faire les évaluations, le lien avec les augmentations de salaires). Si l’organisation ne prévoit pas de prétest du programme, elle implantera alors le programme dans l’ensemble de l’organisation en précisant qu’il sera à l’essai et qu’elle y apportera éventuellement des changements an d’en optimiser le contenu.

3.2.3 L’évaluation, le suivi et la révision des programmes de rémunération sur une base régulière Comme nous l’avons vu jusqu’ici, il n’existe pas dans l’absolu de bons ou de mauvais programmes de gestion de la rémunération. De fait, un même programme peut s’avérer un succès dans une organisation et un échec dans une autre. Il est important de se rappeler qu’une fois ocialisé (mis par écrit) le programme ne devient pas une loi immuable. Curieusement, certains gestionnaires acceptent ou tolèrent des programmes et des politiques de gestion comme s’il était impossible de les modier. Au contraire, un programme doit être constamment peauné. Les professionnels des ressources humaines ont intérêt à introduire de légères améliorations au l du temps en ce qui concerne le contenu, la forme et la gestion d’un programme. En eet, à moins de revoir une caractéristique fondamentale du programme, de nombreux changements peuvent être apportés sans que l’approbation de la direction soit nécessaire. Ainsi, il n’y a nul besoin d’obtenir une approbation pour

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clarier une phrase, une directive ou donner des exemples. Par contre, les cadres et les employés aiment voir que leurs suggestions et leurs commentaires sont pris en compte par les professionnels des ressources humaines. En pratique, toutefois, il semble que les organisations ne font rien de très formel et de très objectif pour évaluer leur programme de rémunération, se contentant souvent de solliciter des opinions et des commentaires.

REGARD SUR LA PRATIQUE L’évaluation des programmes de rémunération : quelques données à l’appui Une enquête menée par l’association WorldatWork, la Chicago Compensation Association et le Groupe Hay montre que 66 % des organisations participantes évaluent l’ecacité de leurs programmes de gestion des salaires et 53 % évaluent leurs programmes de rémunération variable. Cependant, si on analyse les organisations répondantes membres de la liste des organisations les plus admirées, 81 % disent évaluer l’ecacité de leurs programmes de

gestion des salaires et leurs programmes de rémunération variable. Les critères comme les sources et les méthodes pour évaluer les programmes de rémunération varient grandement au sein des organisations. Cependant, la plupart procèdent à cette évaluation de manière informelle, et ce sont les sociétés les plus admirées qui recourent le plus à des méthodes formelles et à des critères d’évaluation objectifs.

Source : Traduit et adapté de Scott et al. (2006, p. 47-53).

Les indicateurs individuels et organisationnels de l’ecacité Les organisations peuvent utiliser de nombreux indicateurs de l’ecacité : le rendement des investissements, la satisfaction des clients, les bénéces, les parts du marché, le rendement de l’avoir des actionnaires, la performance individuelle, la qualité des produits ou des services, le coût de la main-d’œuvre, la rotation du personnel, le taux d’absentéisme, la satisfaction des employés, le respect des lois, et ainsi de suite. Dans les entreprises décentralisées géographiquement, la mesure de l’ecacité pourra même varier d’une division à l’autre. Il faut reconnaître qu’un système de rémunération mal géré est susceptible d’avoir d’importantes incidences négatives. Comme nous l’avons expliqué précédemment, la rémunération peut s’avérer un des meilleurs leviers à la disposition des employeurs pour inuencer les comportements et les résultats des employés au travail. Cependant, de nombreux dirigeants n’exploitent pas ce potentiel. Ils considèrent souvent la rémunération comme une source de coûts à réduire. D’autres dirigeants, qui gèrent sans beaucoup de soin leur système de rémunération, alimentent l’insatisfaction chez des employés ou, sans toujours s’en rendre compte, encouragent l’adoption par ces derniers de comportements contre-productifs ou encore de comportements souhaitables mais entraînant des conséquences indésirables.

Le respect des grands principes Il est possible d’évaluer l’ecacité d’un programme de rémunération en vériant s’il permet d’atteindre les objectifs préalablement xés, mais aussi en se laissant guider par les grands principes que nous avons explicités jusqu’ici, soit les principes d’équité, d’alignement, de diérenciation, de valeur ajoutée, de justice organisationnelle et d’éthique. Ainsi, les dirigeants doivent se demander si leurs modes de rémunération respectent ces grands principes. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le fait de concevoir la rémunération comme un levier de changement stratégique revient à considérer celle-ci comme un outil de mobilisation, de communication, de coordination et d’encadrement. Il s’agit

L’implantation des programmes de rémunération globale

alors pour les dirigeants d’entreprise de se poser des questions comme celles-ci : « Les messages véhiculés par nos régimes de rémunération sont-ils ceux que nous désirons véhiculer ? », « Les régimes de rémunération et les modes de gestion de la rémunération utilisés parviennent-ils à communiquer ecacement les messages désirés ? » En eet, les dirigeants peuvent inuer sur la culture organisationnelle en s’assurant d’adopter des modes de rémunération qui transmettent les valeurs désirées. Par exemple, en implantant un régime de primes reconnaissant la performance individuelle, ils sont susceptibles de favoriser une culture individualiste, alors qu’en adoptant un régime de primes d’équipe ils suscitent un climat de collaboration. Les mesures du rendement dans un régime de rémunération variable — comme la satisfaction des clients, la valeur des actions, la croissance des ventes et des parts du marché — peuvent communiquer les valeurs et les priorités de l’organisation. L’étude de Rocheleau et Renaud (2003) montre que la nature des politiques de gestion de l’absentéisme a un impact important sur le taux d’absence au travail des employés.

L’atteinte des objectifs préétablis Par ailleurs, les objectifs qui ont été xés pour le programme de gestion de la rémunération en réponse à la problématique à régler fournissent des critères d’évaluation de son ecacité. Par exemple, si une entreprise veut réduire le taux de rotation de ses informaticiens, elle doit mesurer les eets de ses pratiques de gestion de la rémunération sur cet indicateur. Si elle désire modier ses pratiques de rémunération en vue d’inciter son personnel de production à améliorer la qualité de son travail, elle peut mesurer l’ecacité de ses pratiques actuelles en analysant le nombre de retours, de rejets ou de plaintes. Selon les objectifs poursuivis, divers indicateurs de l’ecacité individuelle et organisationnelle peuvent être retenus : la productivité, le service à la clientèle, la satisfaction des clients, le nombre de rejets, etc. Alors que les prochains chapitres insisteront sur les approches permettant d’évaluer de manière précise diverses activités ou composantes de la rémunération (les budgets, les données d’enquêtes de rémunération, etc.), l’encadré 3.1 propose une liste de questions générales et fondamentales pour évaluer la gestion de la rémunération. ENCADRÉ 3.1

Quelques indicateurs permettant d’évaluer un programme de rémunération

Le programme de rémunération : ■ est géré de manière cohérente avec les autres activités de GRH et les autres composantes de la rémunération globale ; ■ est aligné sur la stratégie d’aaires, les autres fonctions de gestion (par exemple, le marketing, la production) ; ■ est aligné sur les caractéristiques de l’environnement externe sans être déterminé principalement par la concurrence, par les tendances dans l’industrie et par ce qui semble être les meilleures pratiques ; ■ transmet des messages uniformes, cohérents et clairs ; ■ est conçu et géré en conformité avec les intentions, les objectifs et les règles annoncés et établis par les responsables de la rémunération et les dirigeants ; ■ facilite l’attraction, la délisation, l’assiduité et la performance des compétences clés ; ■ contribue à bâtir un avantage concurrentiel, à diérencier l’entreprise ou à ajouter de la valeur ; ■ incite les employés à adopter des comportements productifs ayant des conséquences positives sur la performance ou l’image de l’entreprise ; ■ est compris ou apprécié des employés et des cadres ; ■ entraîne un bon rendement de l’investissement, réduit les coûts et apporte une valeur ajoutée.

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94

CHAPITRE 3

3.3

Les conditions d’une implantation ou d’une révision réussie des programmes de rémunération

La séquence de l’implantation d’un programme de rémunération et la stratégie de communication qui y est liée sont des éléments cruciaux pour assurer l’ecacité et la pérennité de ce programme.

3.3.1 Désamorcer les résistances aux changements Tout changement eectué dans un programme de rémunération globale entraîne des préoccupations et des craintes au sein du personnel que les professionnels des ressources humaines doivent savoir repérer. Les cadres jouent un rôle clé dans la réussite de l’implantation et de la gestion des programmes de rémunération pour diverses raisons (McMullen et al., 2009 ; Trevor, 2011) : • Ils sont en relation directe avec les employés, ils exercent au quotidien la plus grande inuence sur les messages que les employés reçoivent de leur employeur à propos de ce qui est valorisé dans l’organisation. • Les employés tendent à faire davantage conance aux informations données par leur supérieur que par les dirigeants ou les professionnels des ressources humaines. • Les cadres assument les premières responsabilités en matière de coaching, de développement, de reconnaissance du personnel, et donc de rémunération de la performance individuelle. • Ils s’eorcent de maintenir l’harmonie au sein de leurs équipes et de leurs unités. S’ils ne sont pas convaincus de la pertinence d’un changement en matière de rémunération ou s’ils pensent qu’un changement suscitera des conits ou nuira aux perceptions d’équité dans leurs équipes, ils sont en mesure de s’y opposer activement ou passivement et de le faire échouer. Rappelons que l’équité est une question de perception et que, dans un contexte de changements relatifs à la rémunération, les employés sont particulièrement portés à percevoir des décisions inéquitables, notamment lorsque les changements touchent au portefeuille, au statut et aux perceptions de justice, ce qui est le cas de nombreux changements qui concernent la rémunération. On parle alors de contrat psychologique (voir la rubrique « Une théorie d’intérêt »).

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT Le contrat psychologique Pour la plupart des employés, les termes et les conditions de l’échange contribution-reconnaissance ne sont pas précisés par écrit, faisant plutôt l’objet d’un contrat psychologique qui regroupe les croyances individuelles à l’égard de l’échange entre l’employé et son employeur. Ce contrat psychologique s’avère important étant donné qu’il porte sur la rétribution accordée en échange de la contribution, et donc sur la relation d’emploi. Les pratiques de rémunération en place contribuent grandement à alimenter ces croyances à la base de ce contrat souvent informel. La perception du non-respect d’un contrat psychologique explique, par exemple, pourquoi certains employés se sentent trompés lorsque des changements sont apportés à leurs conditions de travail, comme l’introduction de la rémunération incitative, l’augmentation de la contribution des employés à leurs avantages sociaux ou un processus de révision de la valeur des emplois. Source : Adapté de Rousseau et Ho (2000, p. 273-310).

L’implantation des programmes de rémunération globale

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Dans certains cas, des organisations qui ont changé leur mode de rémunération ont vu des employés protester et même démissionner, ces derniers contestant les nouvelles valeurs véhiculées par le mode de rémunération modié ou ne se reconnaissant plus dans ces valeurs. Le tableau 3.4 donne des exemples de changements risquant d’être problématiques. Il importe alors de former les cadres an qu’ils soient en mesure d’apaiser les doutes des employés et de répondre à leurs questions au moyen d’informations et d’explications claires. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin. TABLEAU 3.4

Des exemples de changements pouvant provoquer des résistances ou des préoccupations

Des exemples de changements

Des exemples de résistances à prévoir

Passer d’un salaire progressant sur la base de l’ancienneté à un salaire progressant sur la base du mérite.

Ce changement sera dicile surtout si le personnel en place est habitué depuis longtemps à un salaire versé selon l’ancienneté, qu’il trouve juste et approprié.

Passer d’un régime octroyant les augmentations de salaires selon la performance seulement à un régime tenant compte de la performance et de la position de l’employé dans son échelle salariale.

Un régime qui tient compte de la position dans l’échelle salariale accorde, pour une même performance, des augmentations de salaires moins généreuses aux employés dont le salaire est plus près du maximum, et vice versa. Il est donc probable que les employés les plus performants protesteront et voudront comprendre la logique de ce changement étant donné qu’ils ont été habitués à recevoir les plus fortes augmentations de salaires à ce jour.

Ajouter ou modier des critères d’évaluation de la performance individuelle servant à établir les augmentations de salaires au mérite ou les primes au mérite.

Un tel changement entraînera des résistances chez les cadres et les employés étant donné que cela change les règles du jeu. Si certains voient le changement d’un œil positif, d’autres perçoivent que les indicateurs du passé leur étaient plus favorables.

Si les changements apportés sont importants à l’égard d’un programme de rémunération, il ne faut pas sous-estimer les tensions qu’ils causeront et les ressources qu’ils nécessiteront. Pour optimiser les chances de succès de ces changements, il est indispensable d’appréhender les réactions des personnes. Ce diagnostic des préoccupations ou des inquiétudes est nécessaire si l’on veut planier des réponses adéquates, établir un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes touchées par le changement (les employés, les supérieurs immédiats, les dirigeants, le conseil d’administration, les syndicats, etc.), intervenir adéquatement auprès d’elles et, ainsi, accroître la compréhension, la volonté et l’attrait du changement au sein des divers groupes visés (Bareil, 2009). Tout au long de l’implantation des changements en matière de rémunération, l’organisation doit mener une campagne de communication qui cherchera à atteindre autant le cœur que la tête des employés. Tous les employés doivent comprendre en quoi les touchent le nouveau programme de rémunération ou les changements apportés au programme existant. Il est souhaitable de prévoir les craintes an de pouvoir orir un message rassurant, convaincant et enthousiasmant. Dès l’implantation des changements, il faut former les acteurs clés, soit les cadres, les employés et les professionnels des ressources humaines. Toutefois, les instigateurs des changements à apporter aux régimes de rémunération doivent se méer du réexe de blâmer toutes les personnes qui résistent aux changements de diverses façons (par des questions, par la négation d’un problème, par le refus d’adhérer aux changements) et d’y voir une menace. Qui dit changements dit résistances aux changements, surtout pour ce qui est de la rémunération. On ne peut passer à côté d’eux, il faut les prévoir et préparer les réponses aux questions qui seront posées à ce sujet. Il faut aussi reconnaître que certains changements — demandés par le siège social, la direction

96

CHAPITRE 3

ou une autre instance — ne sont pas justiés sur la base d’une analyse exhaustive du pour et du contre. Dans ce dernier cas, cela peut être une très bonne chose d’abandonner l’idée d’implanter un certain programme de rémunération, de le modier ou de le reporter (Ford et Ford, 2009).

3.3.2 Établir une bonne communication des programmes au sein de l’organisation Les perceptions des personnes peuvent s’appuyer sur des messages communiqués ociellement ou résulter d’une interprétation des messages transmis de façon informelle par l’organisation. Il n’existe pas de politiques ni de pratiques de rémunération complètement cachées ; il n’y a que des politiques et des pratiques dont le contenu est transmis ou bien de façon ocielle, ou bien de façon informelle. Dans l’un et l’autre cas, rien ne permet d’assurer que les employés connaissent et comprennent la réalité que veut exprimer la direction de l’organisation. Historiquement, la rémunération est un sujet tabou. Au-delà de la détermination d’une stratégie, Depuis quelques années cependant, en raison de leur son implantation niveau de scolarité accru, les employés exigent de plus en En Angleterre, les recherches réalisées par le consultant plus d’informations et d’explications sur la gestion de leur Duncan Brown, de PricewaterhouseCoopers, et Stephen J. rémunération. Avec les nouvelles technologies, la direcPerkins, professeur à London Metropolitan University, les tion doit se rendre compte que les employés consultent amènent à donner le conseil suivant : Il faut «considérer de nombreux sites Web donnant des informations sur la non seulement les possibilités mais aussi les risques liés à rémunération, des publications gouvernementales, des ordres l’adoption d’une stratégie de rémunération traditionnelle professionnels ainsi que leurs amis et leurs collègues. Faute descendante (top-down) et alignée sur la stratégie. Ces risques sont les suivants : une trop grande importance d’une aide pour apprécier ces données, ils utiliseront quand accordée à la planication au détriment de la pratique même ces sources pour se faire une idée sur la justesse de et des processus ; des ressources massives investies dans leur rémunération et, dans le cas des professionnels et des la conception plutôt que dans la livraison ; une préoccupacadres, pour aller négocier une augmentation de salaire tion trop marquée pour les attentes des professionnels des auprès de leur supérieur. Les employeurs ont donc tout ressources humaines et des conseils d’administration au intérêt à prendre les devants en justiant leurs choix en détriment de celles des cadres et des employés ; le recours matière de rémunération et en expliquant en quoi ces choix excessif aux concepts plutôt qu’à la communication.» se distinguent ou se rapprochent de tels ou tels marchés de référence. Source : Traduit de Brown et Perkins (2007, p. 84).

Le manque fréquent de communication sur la rémunération Il arrive souvent que les organisations investissent beaucoup de temps, d’argent et d’expertise pour élaborer et mettre en place des programmes de rémunération plus ou moins complexes. Paradoxalement, une fois ces programmes déterminés et implantés, elles consacrent trop peu d’eorts et d’argent à la communication à leur sujet et au suivi de leur mise en œuvre. Alors que de nombreux dirigeants présument que les employés comprennent pourquoi ils sont rémunérés comme ils le sont, les enquêtes menées par des sociétés-conseils — comme Towers Watson, Mercer, le Groupe Hay — révèlent que ce n’est pas le cas (Fournier, 2000 ; McMullen, 2012 ; Newsline, 2002, 2003). Pour bien des employés, la rémunération est un sujet tabou et ils peuvent considérer comme un sacrilège ou comme une menace pour leur image le fait de poser des questions sur un sujet qui touche leurs intérêts. Pourtant, selon des études, il serait dans l’intérêt des organisations de devancer ces questions, surtout en ce qui concerne les cadres dont les connaissances et la communication en matière de gestion de la rémunération sont souvent faibles. Ainsi, selon une enquête réalisée par le Groupe Hay, plus des deux tiers des organisations estiment ecace la communication de leurs

L’implantation des programmes de rémunération globale

programmes de rémunération, et ce pourcentage est le même parmi les organisations les plus admirées du magazine Fortune (McMullen, 2012). Cette enquête révèle que si la plupart des employeurs croient avoir une philosophie de la rémunération, seulement 62 % d’entre eux ont documenté celle-ci, ce qui rend sa communication ardue. En outre, cela permet de comprendre pourquoi seulement 33 % et 35 % d’entre eux estiment que leurs employés comprennent respectivement leur philosophie de la rémunération et le fonctionnement de leurs programmes de rémunération (voir le tableau 3.5). TABLEAU 3.5

Le pourcentage d’employés comprenant les diverses facettes de la gestion de la rémunération au sein d’une organisation* Certains employés (jusqu’à 40 %)

La moitié des employés (de 41 % à 60 %)

La plupart des employés (61 % et plus)

Les principes directeurs du programme de rémunération

42 %

23 %

35 %

La manière dont le programme de rémunération est lié aux résultats de l’entreprise

43 %

22 %

36 %

Les raisons pour lesquelles certains employés sont admissibles à un programme de rémunération alors que d’autres ne le sont pas

46 %

20 %

33 %

Les principes et la logique sous-tendant la conception du programme de rémunération de base

49 %

27 %

24 %

La raison d’être des montants cibles ou des minimums et maximums

59 %

22 %

20 %

Les principes et la logique sous-tendant la conception du programme de rémunération variable

50 %

24 %

27 %

Les raisons pour lesquelles l’organisation sélectionne les mesures de performance utilisées pour les programmes de rémunération variable

45 %

22 %

33 %

Les principes et la logique sous-tendant la conception du programme d’avantages sociaux

44 %

26 %

30 %

La manière dont les diérentes composantes de la rémunération (salaire de base, rémunération variable et avantages sociaux) ont été établies

70 %

17 %

13 %

* Les pourcentages étant arrondis, il est possible que leur somme ne totalise pas 100 %. N = 394. Source : Traduit de Scott et al. (2008, p. 10).

De nombreuses raisons peuvent inciter des dirigeants et des cadres à communiquer peu d’informations en matière de rémunération, notamment celles-ci : • Les régimes de rémunération ne sont pas structurés et gérés de façon appropriée et uniformisée, et leur divulgation risque d’entraîner de la confusion et de la dissension parmi les employés. L’exigence d’ouverture nécessite une meilleure gestion de la rémunération, sinon les incohérences et les iniquités feront vite l’objet de questions. • Certains dirigeants peuvent craindre que la communication de renseignements suscite des questions qui requièrent des explications convaincantes.

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98

CHAPITRE 3



Le caractère secret du régime de rémunération s’inscrit dans la culture de l’entreprise et la vision des dirigeants. Notons que dans certains pays, comme les États-Unis et le Canada, la rémunération semble généralement moins un sujet tabou que dans d’autres pays, comme la France.

La compréhension du programme de rémunération et la perception de son équité par les employés Quelle que soit la qualité de la gestion de la rémunération, cette gestion ne sera ecace que dans la mesure où les cadres et les employés la comprennent et la jugent équitable. En eet, pour qu’un élément de la rémunération ait un eet sur les comportements et les attitudes des employés, il faut avant tout que ces derniers lui reconnaissent une certaine pertinence. Par ailleurs, les gens agissent selon leurs perceptions, lesquelles sont liées à ce qu’on leur communique. La communication associée à la rémunération crée une compréhension et transmet une signication à ce sujet. La communication est importante tant pour les employés que pour les employeurs, et ce, pour diverses raisons (Rogers et al., 2003). En ce qui a trait aux employés, la communication leur donne la possibilité de prendre connaissance de la manière dont ils sont rémunérés à La perception est la réalité Selon les consultants Rena Rash et Mark Szypko, du Kenexa des moments appropriés, de clarier leurs attentes et d’accroître leur intérêt à l’endroit des composantes de la High Performance Institute, «les pratiques de rémunération peuvent être intellectuellement complexes et chargées rémunération globale, de décider de joindre les rangs de l’entreprise ou de rester à son service ou encore d’accepter d’émotions. Les attitudes et les sentiments des employés une promotion. En outre, la communication permet de à l’égard de leur rémunération et de son équité sont aussi importants que la réalité. […] Si la perception est la réalité, s’assurer que les employés sont conscients de la variété il est nécessaire de bâtir un environnement dans lequel et de la valeur des composantes de la rémunération qui les employés perçoivent qu’ils sont payés de manière leur sont oertes, qu’ils comprennent la gestion des divers juste. […] Prendre le parti de la transparence permet aux régimes de rémunération (le salaire au mérite, le régime praticiens de la rémunération de relever le dé consistant de primes, les avantages sociaux, etc.). De cette façon, à élaborer des programmes de rémunération équitable et ils feront des liens entre leurs modes de rémunération et concurrentiels favorisant la conance entre les cadres l’eet visé sur leurs comportements et sur leurs eorts, et les employés.» et ils entretiendront moins d’attentes vaines et de Source : Extrait traduit de Rasch et Szypko (2013, p. 73). fausses perceptions.

REGARD SUR LA PRATIQUE Des études conrmant que la communication compte Des enquêtes menées par Watson Wyatt Worldwide entre 2004 et 2006 révèlent les faits suivants : • Les organisations qui ont les communications les plus ecaces présentaient un rendement total pour les investisseurs de 57 % plus élevé et une valeur boursière plus élevée entre 2000 et 2004 que les organisations dont les communications sont moins ecaces. • Les organisations qui ont des communications ecaces connaissent un niveau d’engagement de leur personnel Source : Extrait traduit de Vallas (2006, p. 25-26).



4,5 fois plus élevé et un taux de rotation plus bas de 20 % que les organisations dont les communications ne sont pas ecaces. Les employés qui ont un régime d’avantages sociaux inférieur à la moyenne mais qui est bien communiqué sont plus satisfaits que les employés qui bénécient d’un régime d’avantages sociaux plus généreux mais qui est mal communiqué.

L’implantation des programmes de rémunération globale

Pour ce qui est des employeurs, la communication concernant la rémunération globale aide les régimes de rémunération à atteindre leurs objectifs, contribue à réduire les exigences administratives et permet de se conformer aux exigences légales (par exemple à celles de la Loi sur l’équité salariale en matière d’information). Elle favorise également le changement de comportements et d’attitudes chez les employés. De même, elle améliore la gestion des composantes de la rémunération, la compréhension de celles-ci et la capacité de répondre aux questions des employés. Enn, elle renforce la philosophie, la culture et les valeurs de l’organisation.

La communication des messages clés et des caractéristiques distinctives Comme la rémunération transmet de puissants messages à propos des choix de l’organisation, la façon de traiter ces messages devient une priorité de gestion. Toutefois, dans le domaine de la communication, la règle n’est pas tant de « communiquer, communiquer et communiquer » que de « bien communiquer les bonnes choses de la bonne manière ». Il faut se méer d’une surcharge d’informations, car les employés ne seront alors plus en mesure de trouver rapidement les renseignements qu’ils cherchent. De nombreuses organisations décident de mettre sur le portail (intranet) de l’organisation tous les détails techniques, que la plupart des employés ne comprennent pas et dont ils peuvent même se méer ; elles gagneraient à rendre ces informations disponibles au moyen d’hyperliens seulement. Une communication inadéquate en matière de rémunération peut entraîner de la confusion, alimenter des rumeurs, de fausses perceptions et des attentes, hausser les coûts d’administration et s’avérer, tout compte fait, plus néfaste que l’absence de communication. Pour cette raison, il importe de relever avec soin les caractéristiques distinctives de la rémunération globale (et des changements envisagés, s’il y a lieu) et de les expliquer aux employés. En somme, il faut s’attarder à communiquer un « sens » plutôt que des techniques. Comme l’indique l’encadré 3.2 à la page suivante, la communication doit porter sur l’ensemble des composantes de la rémunération globale et son contenu doit être adapté à l’auditoire visé, soit les dirigeants, les cadres et les employés. En ce qui a trait aux dirigeants, il faut insister sur les liens entre la gestion de la rémunération globale et les valeurs ainsi que la stratégie. Pour ce qui est des cadres, on mettra l’accent sur la façon dont la rémunération inuence les comportements et les attitudes au travail et on leur fournira une liste de réponses à des questions souvent posées par les employés. Enn, dans le cas des employés, on peut expliquer les principaux objectifs justiant les décisions clés qui balisent la gestion des composantes de leur rémunération. Aussi, avant de lancer un message portant sur la rémunération, le responsable des ressources humaines aurait intérêt à tester la compréhension de ce message auprès des employés ou du groupe d’employés visés an d’apporter des changements appropriés tant sur le plan du contenu que sur celui de la forme. Une telle stratégie de communication de la rémunération globale aide l’entreprise à atteindre plusieurs objectifs, dont les suivants : véhiculer auprès des employés une vision claire des objectifs d’aaires, appuyer la culture organisationnelle, faciliter le recrutement et la sélection du personnel en divulguant l’ensemble des conditions de travail oertes, rationaliser les processus administratifs et alléger les structures hiérarchiques. De façon prioritaire, il faut faire ressortir clairement et continuellement les liens existant entre, d’une part, les facteurs de succès et les valeurs de l’organisation et, d’autre part, les modes de rémunération globale qui sont privilégiés. Il doit absolument

99

100

CHAPITRE 3

ENCADRÉ 3.2

La communication des composantes de la rémunération aux dirigeants, aux cadres et aux employés

Composantes de la rémunération globale ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■

Description et évaluation des emplois Données concernant la rémunération sur le marché Structure salariale et gestion des salaires Régimes individuels et collectifs de rémunération variable Programme de gestion de la performance et de reconnaissance Régimes d’avantages et de retraite Autres avantages non pécuniaires : pratiques de conciliation travail-famille, contenu du travail, possibilités de carrière, etc.

Nature des informations à transmettre au groupe visé Dirigeants ■ Priorité : expliquer les liens entre, d’une part, la rémunération et, d’autre part, la stratégie et les valeurs ainsi que les répercussions stratégiques du régime de rémunération. ■ Les composantes de la rémunération sont expliquées de manière générale. Cadres ■ Priorité : décrire les liens entre la gestion des salaires, de la performance et de la rémunération variable et leur inuence sur les attitudes et les comportements des employés ainsi que l’importance des perceptions de justice interpersonnelle sur laquelle ces composantes de la gestion ont un eet prioritaire. ■ Les choix fondamentaux et les composantes de la rémunération sont expliqués en détail. Employés ■ Priorité : communiquer les choix stratégiques en matière de rémunération et la justice du processus de gestion de la rémunération. ■ Les choix fondamentaux portant sur la rémunération sont expliqués et les composantes de la rémunération sont décrites, particulièrement celles qui ont trait à la rémunération variable. Sources : Inspiré et adapté de Rubino (1992, p. 20) et de StOnge (2004, p. 21).

y avoir une cohérence explicite entre les discours des dirigeants et leurs choix à l’égard des politiques et des pratiques de rémunération. Il se peut que certains employés ne soient pas d’accord avec cette logique et ces résultats, mais du moins ils conviendront aisément que leur rémunération est fonction d’autre chose que des désirs ou des biais des superviseurs. Les dirigeants doivent aussi expliquer comment les modes de rémunération, et tout changement important apporté à cet égard, sont rattachés à la stratégie et à la culture de gestion et, dans la mesure du possible, comment ils se distinguent de ceux que choisissent les entreprises concurrentes. Lorsque les dirigeants adoptent et gèrent des régimes de rémunération ou des composantes de la rémunération globale qui entretiennent des rapports étroits avec les priorités d’aaires et que ces rapports sont communiqués aux employés, il y a plus de chances que ces régimes ou ces composantes soient cohérents, ecaces et perçus comme équitables et pertinents par tout le personnel. Pour terminer, notons que la communication varie selon les composantes visées, soit les salaires, les avantages sociaux, la retraite, etc. Aussi, tout au long de cet ouvrage, nous traiterons de la communication de composantes particulières de la rémunération, lesquelles seront approfondies dans les prochains chapitres.

101

L’implantation des programmes de rémunération globale

3.3.3 Utiliser des moyens de communication adaptés Selon les composantes de la rémunération visées, les employés veulent et doivent recevoir l’information nécessaire. Pour communiquer les politiques et les techniques de rémunération, les dirigeants peuvent utiliser de nombreux moyens, comme l’audiovisuel (transparents, vidéos, téléconférences, etc.), l’imprimerie (brochures, documents, notes de service, manuels, etc.), les relations (rencontres individuelles ou de groupe, réunions, etc.) et l’électronique (courriels, intranet).

La fréquence et l’ecacité de la communication Une étude menée au début des années 2000 auprès de 6 000 cadres et employés travaillant dans 26 grandes organisations localisées aux États-Unis et au Canada montre que les cadres et les employés jugent que les sources traditionnelles d’information en matière de rémunération (par exemple, l’accueil des employés, le manuel de politiques, les vidéos, la formation en classe ou les documents) sont inecaces, que la communication en face-àface avec le superviseur est la source la plus ecace et que l’intranet et les sites Web sont modérément ecaces et complètent à faibles coûts les autres modes d’information (Mulvey et al., 2002, p. 29, 38, 41-42). Ces résultats semblent toujours pertinents à la lumière d’une étude plus récente réalisée auprès des membres de l’association WorldatWork qui visait, entre autres, à évaluer l’ecacité de diverses méthodes pour communiquer certaines composantes de la stratégie de rémunération. Le tableau 3.6 en présente une synthèse.

TABLEAU 3.6

L’utilisation et l’ecacité de diverses méthodes de communication des composantes de la rémunération* Utilisation de la méthode

Méthode non ecace

Méthode peu ecace

Méthode ecace

Méthode très ecace

Déclarations de la rémunération individualisée ou de la rémunération globale envoyées aux employés

67 %

3%

12 %

35 %

50 %

Rencontres dirigées par le service des ressources humaines ou des professionnels de la rémunération

78 %

3%

15 %

45 %

38 %

Rencontres dirigées par la direction

71 %

4%

26 %

40 %

29 %

Courriel ou lettre du supérieur immédiat, du service des ressources humaines ou de la direction

82 %

5%

26 %

43 %

26 %

Documents imprimés (bulletins, brochures, dépliants, etc.)

70 %

6%

29 %

43 %

22 %

Sites intranet ou Internet, CD, DVD ou information numérique

66 %

10 %

31 %

38 %

21 %

Tableaux d’achage ou autres types d’achage (non électronique) sur le lieu de travail

41 %

29 %

42 %

24 %

5%

Blogues et babillards électroniques où un employé peut réagir à des déclarations publiées par d’autres personnes

25 %

34 %

44 %

19 %

3%

* Les pourcentages étant arrondis, il est possible que leur somme ne totalise pas 100 %. N = 394. Source : Traduit et adapté de Scott et al. (2008, p. 11-16).

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CHAPITRE 3

Force est de constater qu’à ce jour on est encore très loin d’avoir épuisé toutes les possibilités de la technologie pour gérer la rémunération du personnel, car les gens sont Pour en savoir plus sur le limités par leurs habitudes et leur capacité d’adaptation. Par ailleurs, les nouvelles techrecours aux technologies nologies, même si elles permettent d’économiser du temps et de l’argent en ce qui touche de l’information dans les à la communication de la rémunération, ne dispensent pas de la nécessité de consulter organisations les employés de manière directe et personnalisée ou en petits groupes. Ici encore, les caractéristiques des destinataires doivent être considérées : le recours accru aux moyens électroniques pour communiquer des composantes de la rémunération nécessite un S’attaquer aux résistances à l’égard personnel susamment familier avec ces médias pour que de l’informatisation de la GRH ceux-ci soient appréciés et utilisés. Selon Romain Charbonneau, CRIA, qui cumule des années d’expérience en GRH, «dans beaucoup d’entreprises, les L’intranet et les centres de services enjeux relatifs à l’informatisation des activités de GRH De nombreux employeurs mettent de l’information sur sont à l’ordre du jour de la direction. Ce qui manque, l’intranet, gèrent de manière électronique l’adhésion aux c’est la capacité de la fonction “ressources humaines” régimes d’avantages sociaux, privilégient le recours au de se remettre en question et de se repositionner. Pour courriel pour ce qui est des demandes d’informations ou un ajustement de salaire, par exemple, les gens sont habide la communication de leurs choix en matière d’avantages tués à ce que deux ou trois signatures soient nécessaires. sociaux (libre-service), et ainsi de suite. Ils ne voient pas comment les choses peuvent être faites L’intranet peut aussi être utilisé pour transmettre des autrement. Pourtant, la technologie permet aujourd’hui à n’importe quel gestionnaire de service d’accéder aux dosrenseignements sur une variété de composantes de la rémusiers de ses employés et d’eectuer un ajustement salarial nération et donner aux employés un relevé personnalisé selon des paramètres déterminés et dans le respect de son de leur rémunération globale et de la valeur pécuniaire de budget. […] Si, pour gérer des achats de plusieurs millions leurs conditions de travail. Cette méthode consiste en une de dollars, on accepte de faire aaire par voie électronique, présentation synthétique et individualisée du contenu des je ne vois pas pourquoi il serait nécessaire qu’une augmendiérents régimes oerts, des droits de l’employé, des coûts tation de salaire de 1 $ l’heure soit faite manuellement.» pour l’employeur et pour l’employé de chacun des régimes ainsi que de la valeur du temps chômé par la personne. Il Source : Extrait de Boucher (2007, p. 26-28). est alors possible pour l’employé de visualiser rapidement l’ensemble de sa rémunération et ses diverses composantes, ce qui l’incite par le fait même à demeurer dans l’entreprise. En présentant le coût des régimes, ce relevé favorise une prise de conscience des dépenses (des investissements) totales de l’employeur pour chacun de ses employés. Certains employeurs utilisent des numéros 1-800, le réseau Internet ou une technologie interactive de réponse vocale pour communiquer de l’information aux employés et pour leur permettre de faire des simulations, d’enregistrer leurs choix ou leurs changements (notamment en ce qui concerne les avantages sociaux), d’obtenir des précisions, etc. Certains employeurs (ou les compagnies d’assurances avec lesquelles ils font aaire) orent, par exemple, un centre de services où l’employé peut appeler pour obtenir des renseignements. Système d’information de gestion des ressources Les systèmes d’information de gestion humaines ou SIRH (human resources informa- des ressources humaines : atouts et limites tion system ou HRIS) Les systèmes d’information de gestion des ressources humaines (SIRH) majeurs, Ensemble de ressources comme PeopleSoft et SAP (voir l’encadré 3.3), permettent de colliger, d’intégrer, d’anatechnologiques (essentiellyser et de synthétiser une quantité colossale et diversifiée de données en matière lement des logiciels ou des de gestion des ressources humaines et de gestion de la rémunération. Grâce à ces progiciels) qui permettent nouvelles technologies, il est possible non seulement de communiquer (par des textes, de recueillir, de trier, des tableaux, des diagrammes, des images) les diverses composantes de la rémunération, d’analyser et de diuser mais aussi d’administrer celles-ci de manière cohérente et ecace, par la tenue des dossiers des informations relatives des employés, le calcul des primes de rémunération variable, la facturation des aux ressources humaines.

L’implantation des programmes de rémunération globale

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primes d’assurances, l’administration des cotisations prélevées sur les salaires pour les régimes d’assurances, le calcul des avantages imposables, les rapports de gestion, les clauses de conventions collectives, etc.

ENCADRÉ 3.3 ■ ■ ■





■ ■ ■ ■









Des exemples de fournisseurs de progiciels utilisés en ressources humaines

ADP Canada (système intégré de ressources humaines : paie, horaires et présences), www.adp.ca Algo Design (système intégré de ressources humaines : paie, temps et horaires), www.algodesign.com Banque Nationale Groupe nancier (gestion de la paie, ressources humaines), www.bnc.ca/bnc/cda/productfamily/0,2664,divId-2_langId-2_navCode-14837,00.html Ceridian Canada (Dayforce HCM : solution intégrée, horaires, temps, ressources humaines, avantages sociaux, paie), www.ceridian.ca/fr/solutions/dayforce-hcm/index.html D.L.G.L. (V.I.P. : système Web intégré, ressources humaines, paie, temps et horaires), www.dlgl.com Exagon (SOFE RH : progiciel intégré, paie), www.exagon.ca Horarius (gestion des horaires et feuille de temps), http://horarius.net Kronos Mobile Solutions (gestion des eectifs, saisie du temps et horaires), www.kronos.ca/fr/ Services de paie et de ressources humaines Desjardins (gestion de la paie, ressources humaines), www.desjardins.com/ fr/entreprises/solutions/paie/ SuccessFactors (entreprise du groupe SAP) (applications infonuagiques Cloud, ressources humaines, rémunération variable), www.successfactors.com/fr_fr.html Tandem RH (solution ressources humaines, temps, recrutement, évaluation des compétences), www.tandemrh.com Umana (Carver Technologies) (logiciel de gestion des ressources humaines, paie et gestion du temps intégré), www.umana.ca/accueil.php Workday (applications infonuagiques Cloud, ressources humaines, paie), www.workday.com/fr/

Par ailleurs, l’informatisation des processus de GRH à l’interne permet aux professionnels des ressources humaines de gagner du temps, de prendre plus rapidement des décisions (par exemple, le tri de curriculum vitæ sur la base de critères préétablis) et de mieux connaître et suivre le prol de leur personnel et divers indicateurs de GRH, et donc de prévenir et de résoudre des problématiques de GRH (par exemple, l’insusance de la relève, le manque de compétences, les départs volontaires). Grâce aux nouvelles technologies, l’employeur peut aussi évaluer les conséquences de divers scénarios (au moyen de logiciels de simulation) en matière de coûts, tant pour l’ensemble des employés que pour une catégorie de personnel, un groupe d’employés ou un employé en particulier. En eet, on a accès directement et rapidement au dossier de chaque employé, qui peut être mis à jour électroniquement par les professionnels des ressources humaines, les cadres ou les employés eux-mêmes. Toutefois, il faut savoir que le recours à ces technologies exige non seulement de l’argent, mais également du temps et des expertises. Ainsi que l’a fait ressortir Steve Larson (2005), de la société WorldatWork, les possibilités de ces systèmes sont immenses, mais elles sont souvent inexploitées par les organisations en raison des trois facteurs suivants : la mise à jour des systèmes, l’intégration des systèmes et les rapports d’analyses. La plupart des sociétés déplorent le fait que les mises à jour de leurs applications de base accaparent les experts et grèvent les budgets, ce qui empêche de proter des potentialités de ces applications. De plus, bien des organisations disposent de systèmes Web pour diverses activités de GRH (rémunération variable, gestion de la performance, etc.),

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CHAPITRE 3

ce qui augmente les coûts et rend dicile la consolidation des données. Finalement, ces systèmes fournissent une quantité énorme de données que les organisations sont souvent incapables d’analyser faute de compétences techniques. Comme l’indiquent St-Onge et ses collaborateurs (2013), il faut considérer les avantages et les coûts des choix en la matière non seulement au point de vue nancier, mais aussi aux points de vue du personnel et des clients. Par ailleurs, les fournisseurs de services dièrent les uns des autres, et il faut se méer des coûteuses mises à jour de logiciels de même que des consultants qui, une fois l’implantation de leur logiciel de GRH eectuée, laissent l’organisation cliente en plan, sans assurer de suivi ou de maintenance. Il importe aussi de tenir compte des besoins réels de l’organisation. Un système intégré de GRH peut être très complet et orir des potentialités sophistiquées mais ne pas être utilisé par le personnel, qui préférerait avoir des outils plus simples et plus pertinents correspondant à ses besoins. L’informatisation — comme la sous-traitance à des experts externes dont il sera question un peu plus loin — ne constitue pas une solution à tous les problèmes ; elle doit s’inscrire dans des objectifs et une stratégie de GRH clairs et comporter des indicateurs clés pertinents. Informatiser des activités de GRH décientes ou des processus de GRH inutiles ou non pertinents non seulement s’avère coûteux, mais complique la découverte de ces lacunes, qui se trouvent maintenant dans le « système » et qui sont dorénavant perçues comme trop diciles et onéreuses à combler.

REGARD SUR LA PRATIQUE Le logiciel de GRH intégré et personnalisé de D.L.G.L. D.L.G.L. est une PME spécialisée en informatisation de la GRH localisée à Blainville, au Québec. Pour chacun de ses clients, D.L.G.L. développe, implante et entretient le logiciel V.I.P. qui s’utilise par libre-service en ligne à travers un portail des employés et des gestionnaires. Au Canada, le logiciel V.I.P. — un système intégré et individualisé — gère présentement environ un demi-million d’employés. D.L.G.L. vise les entreprises de grande taille comptant plus de 1 000 employés, son segment de marché. Ses concurrents de plus grande taille, comme Ceridian et ADP, ciblent un nombre élevé d’organisations de petite taille. Chez D.L.G.L., chaque client acquiert le logiciel générique V.I.P., qui est adapté et modélisé selon ses particularités. Devant les changements

technologiques et les besoins du marché qui évoluent, l’entreprise améliore et met à jour sur mesure le logiciel V.I.P. De plus, la maintenance du logiciel fait partie intégrante du service oert par la société. L’entreprise fait aussi en sorte que le partage des nouvelles fonctionnalités développées s’eectue entre clients regroupés dans un même bassin. Ainsi, si une fonctionnalité développée pour un client X peut servir à un client Y, ce dernier ne paiera que pour le temps d’adaptation à sa version. Lorsqu’une fonctionnalité peut être appliquée par tous les clients, D.L.G.L. paie les frais de R&D. Cette mise en commun de la R&D favorise un échange gagnant-gagnant entre les clients.

Source : Viau et St-Onge (2014).

Les sites Web et la communication vers l’externe Pour les candidats de l’extérieur, certains dirigeants utilisent aussi leur site Web an de présenter leur entreprise (la stratégie de l’entreprise, ses valeurs, sa culture, etc.) et de donner de l’information sur les composantes de la rémunération globale. Ces candidats peuvent ainsi apprécier rapidement le contenu et la valeur du régime de rémunération, ce qui favorisera leur attraction et leur décision d’accepter une ore d’emploi. Dans le cas des candidats de l’extérieur et des employés, un tel usage du site Web et de l’intranet permet également de réduire le nombre d’appels eectués auprès du personnel du service des ressources humaines pour obtenir des informations sur les conditions de travail.

L’implantation des programmes de rémunération globale

À l’ère du numérique, il importe d’intégrer dans les eorts de communication les réseaux sociaux. Ainsi, on peut exploiter les sites d’échanges (par exemple, LinkedIn, Facebook ou Twitter) pour rejoindre les candidats cibles et tweeter sur une page régulière an de communiquer les avantages de travailler pour l’entreprise, la marque d’employeur ou la stratégie de rémunération globale. On peut aussi se tourner vers YouTube pour y présenter les atouts de l’entreprise.

3.3.4 Les conditions du succès de la communication à l’égard de la rémunération Si l’on veut maximiser l’ecacité de la communication à l’égard des diverses facettes de la rémunération globale, il est nécessaire de respecter certaines conditions. Premièrement, avant de communiquer les divers aspects de la gestion de la rémunération aux employés, les dirigeants de l’entreprise doivent s’assurer de l’équité de la rémunération et compter sur un processus de communication solide. Sinon, la divulgation des informations révélera rapidement le caractère inadéquat des salaires qu’ils accordent ou de leur gestion, trahira des iniquités agrantes ou rendra évidente la diculté à expliquer les motifs de certaines décisions. Aussi, il convient de procéder à des analyses préalables, notamment des informations que l’organisation désire transmettre aux employés et celles que les employés veulent connaître relativement aux salaires. Une fois ces analyses eectuées, les dirigeants s’assureront du caractère adéquat et acceptable de la gestion des salaires dans l’organisation. Deuxièmement, les dirigeants doivent mettre en avant un programme de formation an de veiller à ce que les supérieurs hiérarchiques aient une bonne compréhension des pratiques de gestion des salaires de l’organisation. En eet, comme une partie importante de la communication en matière de salaires qui a lieu dans une organisation passe par les supérieurs hiérarchiques, ceux-ci doivent être en mesure de fournir des réponses adéquates à leurs subalternes plutôt que de les adresser aux spécialistes du service des ressources humaines. Le succès d’un tel programme de communication dépend d’abord et avant tout de la capacité des supérieurs hiérarchiques de l’expliquer à leurs subordonnés. Troisièmement, lorsqu’une organisation s’engage dans un processus de divulgation de l’information, elle doit être prête à répondre aux questions et aux objections des employés, lesquelles peuvent porter sur la façon dont les salaires sont déterminés, sur les personnes responsables des décisions, sur la relation entre les salaires oerts par l’organisation et les salaires oerts sur le marché, sur les diérences entre les salaires accordés à diérents emplois, sur la nature et le choix des avantages, etc. Quatrièmement, l’organisation doit réduire au minimum les contradictions et les incohérences entre les multiples sources de communication relativement à la rémunération. Voici quelques exemples d’incohérences qu’on observe fréquemment entre le discours et les pratiques de rémunération en place : • Un dirigeant déclare qu’il « paye pour la performance », alors que les augmentations de salaires au mérite varient seulement de 2,5 % à 4,5 % comparativement à une augmentation de l’indice des prix à la consommation de 3 %, que le programme d’évaluation de la performance est jugé peu valide par les cadres, que ces derniers n’ont pas reçu la formation qui leur permettrait de reconnaître les performances et qu’on ne gère pas de régimes incitatifs. • Un dirigeant dit qu’il « valorise la progression de carrière », alors que la structure salariale prévoit des écarts salariaux entre deux niveaux hiérarchiques voisins inférieurs à 10 %. • Un dirigeant arme qu’il « ore une rémunération compétitive », alors que des enquêtes salariales sont rarement menées et que les structures salariales sont très peu ajustées étant donné qu’on estime que les départs volontaires ne constituent pas un problème.

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CHAPITRE 3



Un dirigeant indique qu’il « privilégie l’équité interne et l’équité salariale », alors qu’en pratique bien des cas sont gérés comme des exceptions échappant aux balises d’une classication des emplois qui, elle, n’est pas régulièrement mise à jour.

Cinquièmement, dans la mesure où les dirigeants d’une organisation veulent communiquer certaines politiques et pratiques de rémunération, ils doivent : • rédiger un ou des documents ociels décrivant les objectifs de la rémunération poursuivis ainsi que les principales caractéristiques des pratiques qui en découlent ; • tenir des réunions d’information et de formation avec les cadres an de leur expliquer les objectifs de la rémunération recherchés ainsi que les pratiques à adopter, de manière qu’ils puissent les communiquer et les expliquer à leurs subalternes — il ne faut pas négliger le fait que la communication à propos de la rémunération passe d’abord par les cadres dans une organisation ; • faire en sorte qu’une ou plusieurs personnes compétentes et responsables puissent fournir aux cadres et aux employés les précisions requises.

LE COIN DE LA LOI

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Au Canada, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques présente les règles que doivent respecter les organisations du secteur privé au moment de la collecte, de l’utilisation et de la communication des renseignements personnels. Le Québec a également, depuis 1994, sa propre Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. De telles lois ont des incidences sur la gestion de la rémunération, notamment sur la gestion des avantages sociaux. Pour

certains employeurs ou fournisseurs de services d’avantages sociaux, cela signie qu’ils doivent, d’une part, obtenir un avis ou un consentement des employés pour pouvoir accéder ou donner accès à des données sur les employés et, d’autre part, obtenir des ententes sur les informations qu’ils devront échanger pour être en mesure de gérer les régimes. Ces lois exigent de bien analyser les besoins et les pratiques en matière de collecte, de conservation et de communication des données personnelles sur les employés.

Sources : Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (2014).

3.3.5 Rechercher l’équilibre entre la standardisation et la exibilité de la gestion des ressources humaines Rousseau (2005) dénit les ententes idiosyncratiques (deals) comme des ententes personnalisées, volontaires et non uniformes qui sont négociées entre des personnes et leurs employeurs selon des termes qui bénécient à chaque partie. Aucune organisation ne peut eectivement faire de gestion sans conclure des ententes et déroger quelque peu à certaines politiques et règles ocielles. Comme l’indique Greene (2007), après que les dirigeants et les professionnels des ressources humaines se sont entendus sur des politiques et des programmes ayant trait à l’embauche, à la rémunération, à la retraite, etc., la situation se corse. Ainsi, des cadres commencent à déler dans les bureaux du service des ressources humaines pour plaider leur cause, laquelle nécessite un traitement diérent de celui prévu par la politique pour pouvoir attirer, mobiliser et retenir une ressource clé ; il peut s’agir d’une augmentation de salaire plus généreuse que celle prescrite, d’une possibilité de travailler à domicile, d’un horaire exible, d’une technologie plus ecace, d’un plus grand bureau, et ainsi de suite. Si c’est le cas, ils ne manqueront pas de dire qu’ils ont appris que tel traitement a été accordé à d’autres cadres et que, pour cette raison, il devrait aussi leur être accordé. Selon Greene, de telles situations

L’implantation des programmes de rémunération globale

peuvent sembler désagréables à gérer, mais il y a pire. En eet, les cadres auraient pu négocier ces ententes sans en informer les professionnels des ressources humaines, ou encore les cadres et les professionnels auraient pu convenir ensemble de ce qu’il est optimal de faire au cas par cas. Étant donné que des ententes particulières sont inévitables, il faut bien juger de leur à-propos et de leur nature avec les cadres. Il est possible qu’un cadre croie un candidat ou un employé qui arme que les concurrents orent des conditions supérieures à celles que consent l’entreprise. Il est aussi possible que la politique ou la règle actuelle soit incomprise ou qu’elle soit jugée inappropriée ou désuète par un cadre ou un employé ; reste alors au professionnel des ressources humaines à en démontrer la pertinence. De même, il se peut que les cadres soient incapables d’analyser une entente particulière ou de prévoir les eets négatifs de celle-ci sur les autres employés, les autres cadres, les clients, etc. Il est donc essentiel que les professionnels des ressources humaines et les experts en rémunération n’alimentent pas une culture où les règles comptent plus que les principes et l’intérêt des parties. C’est pourtant là où le bât blesse dans bien des organisations ! On y constate nombre de frustrations ainsi que d’attitudes irrespectueuses à l’endroit du personnel en raison d’une application standardisée des règles et des politiques qui ne prennent pas les personnes en considération. Les politiques existent certainement pour encadrer la très grande majorité des décisions an d’assurer l’équité du traitement. Par contre, dans certains cas, des ententes particulières ou des accommodements sont requis et donneront de meilleurs résultats pour toutes les parties prenantes. Si le travail du professionnel des ressources humaines est de s’en tenir strictement à l’application des règles et des politiques sans tenir compte des cas particuliers, qui se présentent inévitablement, pourquoi une organisation paye-t-elle pour une expertise ? Ne devrait-on pas s’attendre de la part d’un expert à ce qu’il fasse preuve de jugement dans les décisions touchant son domaine de compétences ? Et si le gros bon sens amène un professionnel à ne pas appliquer une politique dans de nombreux cas ? Eh bien, cela signie que la politique n’a plus sa place et qu’il faut mettre tout en œuvre pour l’abandonner ou la modier. Évidemment, les politiques et les règles sont adoptées pour être respectées. Certaines d’entre elles peuvent être inexibles parce qu’elles relèvent de la loi. Aussi, la majorité des employés et des cadres doivent percevoir que les politiques et les règles en vigueur sont presque toujours suivies de manière à sauvegarder un sentiment d’équité et à éviter des plaintes pour favoritisme. Toutefois, le personnel est en mesure de comprendre que des adaptations ou des accommodements peuvent être consentis en raison des forces du marché de l’emploi, des besoins de l’organisation, etc. Par exemple, à la n des années 1990, lorsque la bulle technologique a éclaté, de nombreuses organisations ont ajusté pour deux ou trois ans leurs échelles salariales ou permis des primes d’embauche aux informaticiens an d’être en mesure de les attirer et de les retenir. Lorsque le marché s’est rétabli, elles ont progressivement mis n à la surévaluation articielle de ces emplois, qui ne se justiait plus par le marché, an de maintenir l’équité interne. La Loi sur l’équité salariale prévoit d’ailleurs qu’en réponse à une pénurie de main-d’œuvre il est possible de ne pas prendre en compte certains écarts salariaux, dans la mesure où les employeurs peuvent démontrer que cette dérogation s’avère nécessaire. La pertinence de se distancer d’une politique ou d’une règle reste une question d’analyse coûts-bénéces tant aux yeux de l’organisation qu’à ceux de l’employé. Cette analyse peut prendre en considération des facteurs comme l’importance du poste occupé par l’employé, son expertise, sa performance, l’ampleur et la variété des incidences d’un départ de l’organisation, les risques de poursuites, etc. Nous reviendrons sur ces éléments dans le chapitre 9, où nous traiterons des atouts et des limites des incitations visant à attirer et à retenir certains employés. La gure 3.3 à la page suivante résume des aspects que les cadres et les responsables des ressources humaines doivent considérer pour décider de la pertinence

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CHAPITRE 3

FIGURE 3.3

Évaluer la pertinence, le contenu et la gestion des ententes particulières divergeant des politiques et des règles ocielles

Source : Traduit et adapté de Greene (2007, p. 75).

d’une entente particulière, de son contenu et de sa gestion, incluant sa communication, an d’optimiser le maintien du sentiment d’équité parmi le personnel. La question est complexe, mais une réexion avec les cadres et les employés sur ces divers aspects permettra de s’assurer qu’on prend la bonne décision, laquelle sera comprise et acceptée par les diverses parties prenantes (les employés, les cadres, la direction, les contribuables, les consommateurs, etc.).

3.4

L’application des programmes de rémunération globale

Les employés sont toujours rémunérés en échange de leur travail. Ce qui varie, c’est le caractère plus ou moins ociel (écrit) du processus de gestion de la rémunération. Ainsi, dans de nombreuses petites et moyennes entreprises, la gestion de la rémunération est plutôt ocieuse et consiste souvent à se borner à respecter les lois. Les lois ainsi que

L’implantation des programmes de rémunération globale

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les exigences de gestion pressent les dirigeants à adopter diverses politiques touchant la GRH, notamment une politique de rémunération, une politique de remboursement des dépenses et une politique visant à contrer le harcèlement. Toutefois, lorsque le nombre d’employés augmente, l’absence de formalisation peut engendrer des iniquités qui risquent d’entraîner des départs de personnel ou encore des menaces de syndicalisation. Il devient alors important de compter sur un processus qui s’appuie sur des politiques et des procédures écrites. D’ailleurs, très souvent, une des principales responsabilités d’un premier professionnel des ressources humaines embauché par une petite entreprise ou le premier mandat en matière de GRH donné à un consultant externe par une petite entreprise consiste à préparer un manuel de l’employé. Le manuel de l’employé — un document que les entreprises peuvent qualier de « guide », de « cahier », etc. — permet à tout le personnel de mieux connaître l’entreprise et ses attentes, mais surtout ses conditions de travail, dont celles régissant sa rémunération. Cette section traite de l’ocialisation de la rémunération à travers l’expression d’une philosophie, d’un manuel d’employés et de politiques.

3.4.1 La philosophie de la rémunération Une philosophie est un ensemble de croyances et de principes qui expliquent les actions et les pratiques qui, dans le domaine de la gestion de la rémunération, répond aux questions suivantes (Kelley, 2006, p. 25) : « Dans quels buts gérer la rémunération ? », « Comment établir tous les éléments d’un programme de rémunération ? », « Quels programmes revêtent un sens pour l’organisation ? » Ainsi, les principes mis en avant visent à aider toutes les personnes qui lisent cette politique à comprendre divers choix stratégiques, soit le positionnement de l’organisation sur le marché, la pertinence de diérencier les salaires et, le cas échéant, sur quelle base — la performance, les compétences, l’ancienneté —, la prédominance de la rémunération xe ou l’importance de la rémunération variable. De fait, une philosophie de la rémunération n’est pas simplement un positionnement par rapport au marché — du type « Nous payons au 50e percentile » —, mais l’expression des croyances de l’équipe de direction en la matière, puisque c’est elle qui a l’autorité hiérarchique pour l’accepter et la faire évoluer. Le contenu de cette politique doit être lié à la stratégie d’aaires et à la mission de l’organisation, comme cela a été décrit à travers les cas des entreprises A et B dans la mise en situation de ce chapitre. Il doit donc être exhaustif an d’aider les professionnels des ressources humaines à gérer l’ensemble des composantes de la rémunération globale. Les conseils d’administration et les dirigeants d’entreprise, tout autant que les responsables de la rémunération, sont de plus en plus appelés à communiquer et à justier leurs taux et leurs pratiques de rémunération. S’il existe une philosophie écrite sur le sujet, il est

REGARD SUR LA PRATIQUE La fréquence de la philosophie de la rémunération dans les organisations Selon une enquête menée par WorldatWork (2012), 93 % des organisations auraient une philosophie de la rémunération. Parmi celles-ci, 67 % auraient une philosophie écrite, alors que pour 26 %, cette philosophie serait informelle ou non écrite. Pour 43 % des employeurs, l’ensemble ou la plupart des employés ne comprennent pas la philosophie de la rémunération de Source : WorldatWork (2012, p. 38).

l’entreprise, et ce, indépendamment de leur secteur d’activité. Cependant, si l’on considère seulement les organisations qui ont une politique de rémunération écrite ou ocielle, elles estiment à plus de 80 % que l’ensemble ou la plupart de leurs employés comprennent leur philosophie de la rémunération et disent ne pas connaître un taux de rotation élevé (soit supérieur à 21 %).

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CHAPITRE 3

plus aisé pour tous de répondre à cette attente et de le faire de manière cohérente, similaire et alignée sur les besoins particuliers de l’organisation. Une politique bien exprimée peut aussi aider tout le personnel, les cadres comme les non-cadres, à comprendre les intentions et les croyances des dirigeants en matière de rémunération et les raisons pour lesquelles certains programmes sont en place. Comment mettre au point cette politique ? Évidemment, il n’y a pas de formule idéale, les formules variant selon les contextes et les organisations. Toutefois, le tableau 3.7 propose des conseils relatifs à certains aspects à considérer dans l’établissement d’une philosophie de la rémunération. TABLEAU 3.7

Qui devrait élaborer une philosophie de la rémunération ?

Équipe de direction • Elle mène des entretiens individuels avec chacun des membres de la direction an de les amener à s’engager. • Elle indique quels membres de la direction sont consultés en vue de l’élaboration ou de la révision de la philosophie de la rémunération. • Elle compile les avis et recherche un consensus sur la version nale de la philosophie de la rémunération. Groupes d’employés de divers secteurs

• L’organisation consulte et fait participer des groupes d’employés en

Marché du travail externe

• L’organisation considère les philosophies de la rémunération

communiquant clairement les objectifs et les attentes du processus d’établissement ou de révision de la philosophie de la rémunération. • Elle met sur pied diérents groupes de discussion an d’obtenir des avis diversiés et de qualité. • Elle utilise un questionnaire en ligne pour obtenir des informations plus quantiables mais moins approfondies. • Elle recueille des informations auprès des employés à haut rendement et s’assure de la représentativité démographique des groupes consultés. d’autres organisations présentant des similitudes avec elle.

• L’organisation examine les résultats des enquêtes portant sur les attentes de certaines catégories de personnel si elle a des problèmes de recrutement ou de délisation par rapport à ces dernières. Source : Traduit de Kelley (2006, p. 27).

3.4.2 Le manuel de l’employé : contenu, importance et conditions de succès Le manuel de l’employé1 comprend diverses parties dont le contenu est propre à chaque entreprise selon ses particularités et ses volontés. Une première partie présente globalement l’entreprise, tandis qu’une deuxième partie expose les conditions de travail, dont celles liées à la rémunération, conditions qui doivent minimalement se conformer aux lois (mais qui les complètent ou les bonient très souvent) et aux conventions collectives en vigueur, s’il y a lieu. Une troisième partie énumère les politiques de l’entreprise qui balisent divers aspects de la GRH dont la gestion des diverses composantes de la rémunération du personnel. Dans certains cas, une autre partie peut comporter des règlements relatifs à la santé et à la sécurité, la description de comités de travail ainsi qu’une copie du programme ou du formulaire d’évaluation de la performance. 1. Cette sous-section s’appuie sur des extraits adaptés du chapitre 1 de St-Onge et ses collaborateurs (2013).

L’implantation des programmes de rémunération globale

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Le manuel de l’employé, généralement élaboré et mis à jour par les professionnels des ressources humaines, comporte divers atouts ou utilités. Il fait en sorte que tous — la direction, les spécialistes du service des ressources humaines, les cadres et les subordonnés — aient une même source d’information sur ces diérents sujets. Le fait de connaître et d’appliquer les mêmes règles assure une gestion transparente et équitable du personnel. Un tel manuel favorise l’intégration, le sentiment d’appartenance et d’engagement du personnel, les perceptions de justice et d’équité. Le manuel de l’employé permet aux professionnels des ressources humaines d’économiser du temps, de l’énergie et des coûts dans l’exercice de leur rôle, car les employés trouveront souvent des réponses à leurs questions en le consultant directement (dans un format papier ou sur l’intranet de l’entreprise), tandis que les professionnels trouveront des réponses aux questions des employés et des cadres en consultant le manuel et en les y renvoyant. Étant donné que le manuel précise les conditions de travail et les responsabilités de chacun (organigramme), il améliore les communications, réduit les risques de conits et facilite l’acceptation des politiques et des pratiques. En outre, pour être utile, le manuel de l’employé doit satisfaire aux conditions suivantes : • Il doit être rédigé de manière claire et précise an de minimiser les problèmes d’interprétation. • Son contenu doit être raisonnable, non abusif, non discriminatoire et éviter l’arbitraire. • Les cadres et les dirigeants doivent l’appliquer de manière uniforme, objective et constante. • Il doit être transmis à tous les membres du personnel. • Il doit préciser les conséquences liées au non-respect de son contenu.

LE COIN DE LA LOI

La Loi sur les normes du travail : le plancher des conditions de travail

Le rôle de la Loi sur les normes du travail est de protéger les salariés en imposant des normes à l’égard de diverses conditions minimales de travail au Québec, comme le salaire minimum, la durée de la semaine de travail ou les congés. Un employeur a l’obligation tout au moins de respecter les normes prescrites par cette loi, mais il peut orir des conditions de travail plus avantageuses à ses employés. S’il contrevient à la loi, il s’expose à des amendes ou à des poursuites. En somme, la Loi sur les normes du travail est un peu comme la convention collective des employés

non syndiqués ; tous les employeurs doivent orir minimalement les conditions prescrites, et toute clause d’un contrat de travail qui y contrevient est considérée comme nulle. Pour nombre de petits employeurs dans certaines industries (par exemple, le commerce de détail, les usines, les entreprises de services), c’est essentiellement cette loi qui donne des balises sur les salaires ou sur certains aspects de la rémunération (par exemple, les vacances et les congés, les heures supplémentaires) d’une bonne partie du personnel.

3.4.3 Les politiques de rémunération : importance et caractéristiques Comme nous l’avons vu, le manuel de l’employé2 présente, entre autres, les politiques de GRH, dont une ou plusieurs politiques de rémunération. Une politique est un guide général de pensée qui oriente et dénit les limites de la prise de décision. Certaines politiques visent à orienter les décisions non seulement en accord avec les valeurs de l’organisation, mais aussi en fonction de l’évolution des lois, des organismes de réglementation ou encore 2. Cette sous-section s’appuie sur des extraits adaptés du chapitre 1 de St-Onge et ses collaborateurs (2013).

112

CHAPITRE 3

des technologies. Par exemple, depuis 2004, les organisations doivent adopter et gérer une politique contre le harcèlement psychologique en vertu de la Loi sur les normes du travail. De plus en plus d’entreprises adoptent des politiques balisant l’usage des outils informatiques sur les lieux du travail. Très souvent, par contre, les politiques correspondent à des énoncés fondamentaux communiquant les attitudes, les intentions, les objectifs ou les préférences des dirigeants d’entreprise en ce qui a trait aux conduites acceptables ou approuvées dans le domaine de la GRH, notamment la rémunération. En voici des exemples : • À compétence égale, on privilégie les candidats issus de l’entreprise par rapport aux candidats issus de l’extérieur, lorsqu’il s’agit de pourvoir des postes. • La performance de tous les employés doit être évaluée au moins une fois par année ; celle des nouveaux employés doit être évaluée périodiquement. • Les salaires et les avantages sociaux accordés aux employés sont comparables à ceux qu’ore le marché. • Le salaire des cadres est basé sur leur rendement annuel. De fait, les énoncés de politiques ne correspondent pas à des règles strictes (par exemple, le temps accordé à la pause-café ou les endroits où il est permis de fumer), ni à des énoncés généraux de conduite (par exemple, « Les employés doivent être loyaux » ou « Les employés doivent être bien rémunérés »). En réalité, les politiques servent à baliser les décisions de l’ensemble du personnel. Compte tenu de l’importance des politiques, les superviseurs doivent bien les comprendre et apprendre à les interpréter et à les appliquer de manière uniforme et constante. Généralement, les cadres tendent à se montrer réfractaires à tout ce qui réduit leur pouvoir de décision en matière de supervision (ce qu’entraînent les politiques de GRH) parce que ce sont eux qui, nalement, sont tenus pour responsables de la performance de leurs subordonnés. C’est d’ailleurs pourquoi ils expriment souvent à l’égard des politiques et des programmes de GRH des plaintes ou des reproches de ce genre : « Les membres du service des ressources humaines mènent l’entreprise » ou encore « On n’a pas à nous dire ce que nous avons à faire ». Toutefois, lorsque aucune politique n’oriente les décisions d’embauche, de promotion, de rémunération, de discipline ou autres, les cadres risquent de ne pas trop savoir quoi faire, d’avoir besoin de beaucoup de temps pour prendre des décisions relatives au personnel ou de prendre ces décisions de façon incohérente ou inéquitable. Ainsi, l’adoption d’une politique disciplinaire permet d’éviter que, dans des cas similaires d’insubordination, un premier cadre congédie un employé, un deuxième lui donne un avertissement verbal et un troisième lui impose une suspension d’une semaine. De fait, même si le personnel est syndiqué, toutes les organisations ont intérêt à adopter des politiques de GRH qui compléteront le contenu de la convention collective. En somme, les politiques de GRH s’avèrent importantes pour plusieurs raisons, résumées dans l’encadré 3.4. Tout comme dans le cas du manuel de l’employé, les politiques de GRH — de la même manière que les politiques particulières à la gestion de la rémunération — sont utiles dans la mesure où elles respectent certaines conditions : • Elles doivent correspondre à des énoncés généraux qui limitent le pouvoir décisionnel des cadres en matière de GRH sans le leur enlever. Par exemple, une politique de promotion interne force les cadres à privilégier, à compétence égale, des candidats issus de l’organisation, mais elle ne les oblige pas à embaucher tel ou tel candidat. • Elles doivent être cohérentes par rapport aux politiques régissant les autres fonctions de gestion, comme les politiques de marketing ou de production. Ainsi, si les

L’implantation des programmes de rémunération globale

ENCADRÉ 3.4 ■













• •

113

Les avantages des politiques de gestion des ressources humaines

Permettre à la direction de l’organisation de déléguer davantage de décisions liées à la GRH — incluant la rémunération — tout en donnant des balises à respecter qu’elle a elle-même établies. Réduire l’incertitude ainsi que le temps nécessaire pour prendre diverses décisions de GRH — en matière, par exemple, de rémunération, d’embauche, de discipline — en établissant des normes claires. Assurer l’équité, la transparence et la prévisibilité des décisions de GRH — dont celles relatives à la rémunération — en réduisant les risques de favoritisme, de partialité ou d’arbitraire, ou encore les incohérences dans la prise de décision des superviseurs et des dirigeants. Faire connaître les droits et les obligations (responsabilités) de tous et chacun sur la base de critères validés et connus ociellement. Délimiter les aspects sur lesquels d’autres intervenants (comme les professionnels des ressources humaines, les contrôleurs) ont une autorité fonctionnelle, c’est-à-dire le pouvoir d’imposer aux superviseurs l’application de règles, de programmes ou de processus de gestion, qu’il s’agisse d’une grille d’augmentations de salaires à respecter, d’un formulaire d’évaluation de la performance, et ainsi de suite. Servir de base à l’élaboration de programmes, de méthodes et de règles de gestion. Par exemple, une politique de rémunération au mérite entraîne l’adoption d’un programme d’évaluation de la performance. Permettre à l’employeur de mieux défendre ses décisions de GRH en cas de litiges, de plaintes ou de poursuites.

politiques de marketing d’une entreprise consistent à orir des services de qualité supérieure à prix élevé à des consommateurs dont le revenu est élevé, une politique de GRH cohérente consistera à orir des salaires supérieurs à ceux du marché et à accorder de la formation, de façon à attirer et à conserver un personnel qualié. Elles doivent correspondre à des moyens permettant d’appuyer la stratégie d’aaires et les valeurs organisationnelles. Elles doivent être révisées, abandonnées, précisées ou clariées sur une base régulière.

Les deux derniers points sont importants. Les politiques de gestion, incluant les politiques de rémunération, ne sont pas une n en soi. Les dirigeants d’entreprise ne remettent pas assez souvent en question la pertinence de leurs politiques alors que les dés ou la stratégie de leur entreprise ont beaucoup changé. Dans la mesure où des politiques de GRH, et donc de rémunération, ne favorisent pas la réalisation des objectifs de l’entreprise, celle-ci doit les éliminer. En plus d’être chargés de veiller à ce que les politiques de GRH soient respectées, les professionnels des ressources humaines ont le devoir de sonder leur utilité et leur pertinence. Ils doivent également s’assurer que les politiques s’harmonisent au discours des dirigeants et aux valeurs organisationnelles.

3.5

Le partage des rôles et de l’autorité en matière de gestion de la rémunération

Comme nous l’avons vu précédemment, la gestion de la rémunération est présente dans toutes les organisations et s’exerce aux diérents niveaux hiérarchiques et dans les divers secteurs de l’organisation. Se pose alors le problème du partage des responsabilités et des pouvoirs (les types d’autorité) dans ce domaine entre les acteurs internes, notamment les dirigeants, les cadres et les professionnels des ressources humaines ou les spécialistes de la rémunération dans la plus grande entreprise. En raison du partenariat qui doit s’établir

114

CHAPITRE 3

entre les dirigeants, les cadres, les syndicats et les professionnels des ressources humaines, il est essentiel que tous ces intervenants comprennent et communiquent les aspects de leur autorité respective au moment de la prise de décision portant sur la rémunération. Plus précisément, ils doivent distinguer les types d’autorité — hiérarchique, de conseil et fonctionnelle — qu’ils possèdent respectivement et les respecter.

Pour en savoir plus sur les multiples lois qui balisent les décisions et les actions des employeurs à l’égard de diverses composantes de la rémunération

TABLEAU 3.8

3.5.1 Le partage des responsabilités entre les divers acteurs de l’organisation La gestion de la rémunération est une activité où le partage des responsabilités entre divers acteurs — le gouvernement, les dirigeants, les professionnels des ressources humaines, les syndicats, etc. — est particulièrement important (voir le tableau 3.8).

Les dirigeants La rémunération, une activité clé de gérance, requiert des dirigeants qu’ils se montrent capables de faire des choix importants qui exerceront une inuence sur les attitudes, les comportements et les résultats des employés. Pensons, par exemple, au fait de tenir compte de l’ancienneté plutôt que de la performance dans la détermination des salaires,

Le partage des responsabilités en matière de gestion de la rémunération

Acteurs Gouvernement

Types de responsabilités

• Baliser ou encadrer la gestion de la rémunération par l’entremise de multiples lois et règlements.

Dirigeants

• Dénir et communiquer une stratégie de rémunération globale et des politiques de rémunération qui soient optimales aux yeux des diverses parties prenantes : actionnaires et propriétaires, clients et employés. • Encourager les cadres à mieux faire valoir l’ensemble des composantes de la rémunération (pécuniaires et non pécuniaires) auprès de leurs employés. • S’assurer que la mise en œuvre des programmes de rémunération n’est pas faite par les professionnels des ressources humaines uniquement, mais avec la participation des cadres, des employés et des syndicats (s’il y a lieu). • S’assurer que les professionnels des ressources humaines apportent l’aide et les informations dont les cadres et les employés ont besoin pour comprendre les modes de rémunération et les expliquer. • S’assurer que les professionnels des ressources humaines proposent et gèrent une stratégie et des programmes de rémunération qui optimisent le respect des divers principes clés : le respect des lois, l’équité, l’alignement, la diérenciation, la valeur ajoutée, la justice et l’éthique.

Conseil d’administration

• Déterminer les conditions de rémunération des dirigeants et, dans le cas du président du conseil, être en mesure d’expliquer aux instances extérieures (les médias, les organismes de règlementation, etc.) les décisions prises à cet égard. • S’assurer que l’équipe de direction propose et gère une stratégie et des programmes de rémunération qui optimisent le respect des divers principes clés : le respect des lois, l’équité, l’alignement, la diérenciation, la valeur ajoutée, la justice et l’éthique.

Cadres

• S’assurer de bien comprendre, de respecter, d’expliquer et d’appliquer les choix stratégiques en matière de rémunération faits par la direction ou négociés avec les syndicats, s’il y a lieu. • Participer à l’élaboration, à l’implantation, à la gestion et à la révision des composantes de la rémunération.

L’implantation des programmes de rémunération globale

TABLEAU 3.8

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Le partage des responsabilités en matière de gestion de la rémunération (suite)

Acteurs

Types de responsabilités

Professionnels des ressources • Élaborer, implanter et gérer des politiques et des pratiques de rémunération ecientes humaines ou spécialistes de et alignées sur le contexte, les valeurs et la stratégie d’aaires de l’organisation. la rémunération • Former, conseiller, faire participer et soutenir le personnel au regard de la gestion des diverses composantes de la rémunération. • Travailler étroitement avec les cadres pour les aider à comprendre, à communiquer et à gérer la rémunération, à adopter une vision globale de la rémunération et à mieux évaluer et reconnaître la performance du personnel. • Mener des enquêtes de rémunération ou des sondages de satisfaction à l’égard de diverses composantes de la rémunération, colliger et analyser des données sur la rémunération. • Constituer ou piloter des comités de travail sur la gestion des diverses composantes de la rémunération. • Communiquer régulièrement et par divers moyens des informations sur la gestion de la rémunération (par exemple, la stratégie de rémunération globale, la justication des augmentations de salaires annuelles, les avantages sociaux et le régime de retraite). Syndicats

• Mener des enquêtes de rémunération, colliger et analyser des données sur la rémunération. • Participer à des comités de travail sur la gestion de la rémunération. • Négocier les conditions de rémunération du personnel syndiqué.

Employés

• Comprendre et respecter les politiques, les pratiques et les règles à la base de la gestion des diverses composantes de la rémunération. • Exprimer leurs attentes et leur satisfaction à l’égard des diverses composantes de la rémunération et de leur gestion. • Participer à des comités de travail, à des sondages, à des groupes de discussion, etc., sur la gestion de la rémunération.

Sous-traitants

• Comprendre le contexte de l’organisation, analyser les besoins de celle-ci et lui proposer des solutions adaptées, ecientes et conformes à l’éthique.

• Respecter leurs engagements et proposer des indicateurs d’ecacité et en exercer le suivi et apporter des correctifs ou des changements avec le client. Source : Adapté de StOnge et al. (2013, p. 262-263).

à l’adoption d’un régime de primes reconnaissant la performance individuelle plutôt que la performance de l’organisation ou encore au caractère plus ou moins transparent de la gestion des composantes de la rémunération. S’ils ont accepté d’implanter des régimes de rémunération basée sur la performance individuelle, ils doivent également s’assurer que les résultats des évaluations faites par les cadres sont utiles et considérés dans les décisions ayant trait à la rémunération variable. En relation avec la gestion de la rémunération, les dirigeants doivent déterminer et communiquer la vision, les valeurs de gestion ainsi que la stratégie et les objectifs d’aaires de l’entreprise, et s’assurer de leur alignement sur les programmes et les composantes de la stratégie de rémunération globale. De même, ils doivent appuyer manifestement cette stratégie de rémunération globale ainsi que les autres programmes ou politiques qui y sont connexes (comme les politiques de rémunération variable, d’absentéisme) en veillant à leur cohérence et en y consacrant les ressources nécessaires, c’est-à-dire l’argent, les ressources humaines, le temps, les techniques adéquates et la formation du personnel. Enn, ils doivent établir un climat d’intégrité dans la gestion de toutes les composantes de la rémunération globale.

116

CHAPITRE 3

Comme le ton vient d’en haut, il importe que les dirigeants exigent que les professionnels des ressources humaines agissent en partenariat avec les cadres et les employés (et les syndicats, s’il y a lieu) dans l’élaboration de la stratégie et des programmes de rémunération et qu’ils leur orent les informations et la formation requises pour faire en sorte que les dépenses en rémunération soient un investissement réel davantage qu’un coût.

Les cadres En ce qui concerne les cadres, ils doivent être disposés à participer à l’élaboration, à l’implantation, à la gestion et à la révision des programmes de rémunération. Il faut qu’ils gèrent la performance de leurs subordonnés jour après jour selon un processus continu (attentes, suivi, évaluation, reconnaissance, développement, contrôle). En outre, les cadres doivent appuyer les employés dans leur travail et dans leur développement et leur exprimer de la reconnaissance. Si les responsabilités des cadres sont cruciales, il semble qu’elles gagneraient à être beaucoup mieux assumées. Des études menées par le Groupe Hay auprès des sociétés les plus admirées listées dans le magazine Fortune conrment qu’elles tendent à considérer leurs cadres comme jouant un rôle primordial dans la diusion de l’information sur les programmes de rémunération auprès du personnel (McMullen et al., 2009). En eet, comme nous l’avons mentionné précédemment, les employés paraissent donner plus de valeur à l’information transmise par leurs supérieurs immédiats qu’à celle venant des dirigeants et des professionnels des ressources humaines relativement à la rémunération. Paradoxalement, les mêmes travaux montrent que les organisations sont conscientes qu’elles doivent faire participer et former davantage les cadres en matière de gestion de la rémunération pour les raisons suivantes : • Seulement 40 % des organisations sondées croient que leurs cadres expliquent de façon ecace les programmes de rémunération à leurs subordonnés. • Seulement 35 % des organisations estiment que leurs cadres communiquent ecacement à leurs employés les liens entre leur travail et les résultats d’aaires. • Seulement 28 % des organisations jugent que leurs cadres gèrent ecacement le lien entre la rémunération et le rendement de leurs subordonnés.

Les employés Les employés doivent accepter de participer à la conception et à la révision des divers programmes ou régimes de rémunération. Par ailleurs, ils doivent préciser et transmettre leurs attentes quant au développement de carrière. Ils solliciteront de manière proactive une rétroaction sur leur contribution. Il est important que les employés agissent conformément aux politiques et au code de conduite de leur employeur. Il leur appartient de connaître leurs obligations et leurs droits comme salariés. Les employés pourront entreprendre une démarche de recours interne (appel) s’ils perçoivent une injustice ou une iniquité quant à leur traitement.

Les syndicats Les syndicats doivent sensibiliser les employés au contenu de la convention collective lié à la gestion de la rémunération et à leurs droits et responsabilités. Ils collaboreront avec les employés à la conception, à l’implantation et à la communication des mesures et des politiques rattachées à la gestion de la rémunération. Les syndicats doivent s’assurer que le processus de gestion de la rémunération au sein de l’entreprise est géré équitablement, respecte la loi et est dèle à la convention collective. Pour cela, il faut que les mesures de gestion de la rémunération soient appliquées uniformément et équitablement. De même, les syndicats doivent défendre leurs membres en déposant des griefs, au besoin.

L’implantation des programmes de rémunération globale

À l’égard d’un personnel syndiqué, nous verrons dans le chapitre 11 que les clauses de rémunération sont un aspect important à négocier avec le syndicat. Celui-ci doit manifester son engagement, car il accorde une grande importance à la justice du processus de gestion des composantes de la rémunération.

Les professionnels des ressources humaines ou de la rémunération Les professionnels des ressources humaines ont la responsabilité de mettre en place des programmes, des politiques et des mesures de gestion de la rémunération conformément aux lois et au contexte organisationnel et de les gérer équitablement. Cela comprend, par exemple, des politiques de gestion de l’assiduité, de rémunération au mérite, de positionnement salarial et d’équité salariale. En plus de concevoir, d’implanter et de gérer un programme de gestion de la rémunération en respectant les divers principes (équité, respect des lois, alignement, diérenciation, valeur ajoutée, justice et éthique), les professionnels des ressources humaines doivent communiquer les programmes et les politiques de rémunération aux employés et aux cadres. Les résultats indiqués précédemment quant au manque de compétences, d’information et de compréhension des cadres et des employés en matière de rémunération devraient inciter les professionnels des ressources humaines ou de la rémunération à changer leurs façons de faire. Ils pourraient ainsi travailler plus étroitement avec les cadres pour les aider à comprendre, à communiquer et à gérer la rémunération, à adopter une vision globale de la rémunération de même qu’à mieux évaluer et reconnaître la performance du personnel. En somme, si ces professionnels sont responsables de l’élaboration, de l’implantation et du respect des politiques et des programmes régissant la gestion des diverses composantes de la rémunération, ce sont les dirigeants et les cadres hiérarchiques qui doivent répondre de leur ecacité, de leur intégrité et de leur crédibilité. Aussi, an que les pratiques de rémunération soient appréciées par les employés, la consultation de ces derniers s’avère essentielle ainsi qu’une meilleure communication des pratiques de rémunération et des outils connexes (une grille d’augmentations de salaires, un formulaire, une politique d’assiduité au travail, etc.). La participation des employés peut se traduire par leur engagement dans des comités, dans l’évaluation de leur emploi, dans des sondages de satisfaction sur la valeur de diverses composantes de leur rémunération (par exemple, les avantages sociaux) et sur les règles pour gérer celles-ci. En résumé, tous les membres de l’organisation, et surtout les dirigeants, les cadres et les professionnels des ressources humaines, doivent reconnaître l’importance du partenariat à assumer quant à la gestion de la rémunération et faire montre de respect à l’égard des autres parties pour ce qui est des responsabilités et des pouvoirs relatifs qu’elles détiennent en la matière. Cela reste un dé constant qu’il n’est pas toujours facile de relever dans la pratique étant donné les divers types d’autorité que tous et chacun exercent. Sans prétendre résoudre ces tensions, ces diérents acteurs doivent à tout le moins comprendre la nature de leur autorité et leurs rôles respectifs.

3.5.2 Le partage des diérents types d’autorité et des pouvoirs en gestion des ressources humaines On distingue trois types d’autorité à l’égard de la gestion des ressources humaines, soit l’autorité hiérarchique, l’autorité de conseil et l’autorité fonctionnelle. Nous décrivons ces diérents pouvoirs dans cette sous-section.

L’autorité hiérarchique Les personnes ayant une autorité hiérarchique peuvent donner des ordres à leurs subordonnés et s’attendre à ce que ces ordres soient exécutés. Au même titre que le directeur

117

118

CHAPITRE 3

Autorité hiérarchique (hierarchical authority) Autorité exercée par des personnes qui peuvent donner des ordres à leurs subordonnés et s’attendre à ce que ces ordres soient suivis.

du marketing, le directeur du service des ressources humaines est responsable du travail de nombreuses personnes et possède une autorité hiérarchique sur ses subordonnés. Ce type d’autorité est aussi associé régulièrement au pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires et, au besoin, de congédier des employés. Précisons que les professionnels de la rémunération, comme les autres professionnels des ressources humaines — qu’ils soient vice-présidents, directeurs ou experts —, ne détiennent pas une autorité hiérarchique sur les cadres et les employés de toute l’organisation. Ils ne peuvent leur donner des directives dans leur travail et agir comme s’ils étaient leurs superviseurs. L’autorité hiérarchique d’un cadre du service des ressources humaines peut seulement s’exercer sur les employés qu’il supervise, s’il y a lieu, dans ce service. Ainsi, il est vrai qu’un directeur de la rémunération dans une grande organisation aura une autorité hiérarchique sur les membres de son équipe composée de commis, de secrétaires, de spécialistes, etc. Toutefois, dans un environnement où l’on gère un programme de primes basées sur la performance individuelle ou encore un programme de reconnaissance des contributions individuelles, il appartient aux cadres d’apprécier les performances ou les contributions des membres de leurs équipes. L’expert en rémunération peut certes les conseiller ou les former de façon qu’ils évaluent bien le personnel et lui communiquent adéquatement leurs appréciations, mais il ne possède pas pour autant une autorité hiérarchique.

L’autorité de conseil Autorité de conseil (authority to advise) Autorité exercée par des personnes qui ont des connaissances spécialisées et reconnues et qui ont la légitimité pour donner des conseils dans le champ de leurs compétences.

Autorité fonctionnelle ( functional authority) Autorité qui confère le pouvoir d’intervenir dans une unité administrative autre que la sienne, d’y analyser des situations et de formuler des directives, lesquelles doivent être suivies comme s’il s’agissait d’ordres provenant de cadres détenant une autorité hiérarchique.

L’autorité de conseil est accordée aux professionnels des ressources humaines qui peuvent conseiller les cadres au cours de leur prise de décision en ce qui concerne la supervision ou les divers aspects de la GRH. Cependant, la plupart du temps, les cadres ne sont pas obligés de suivre leurs recommandations, car les professionnels n’ont pas d’autorité hiérarchique sur eux. Comme, au quotidien, l’action des professionnels des ressources humaines, et donc du spécialiste de la rémunération, relève surtout d’une autorité de conseil, ils devraient posséder des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être importants an d’apparaître crédibles aux yeux des cadres. De plus, cela leur permettrait d’aider les dirigeants et les cadres à relever les dés actuels et futurs relativement aux ressources humaines. Par ailleurs, étant donné que les professionnels des ressources humaines ou de la rémunération n’ont pas d’autorité sur les dirigeants et les employés, ils ne peuvent pas leur ordonner de suivre leurs avis. Ils ne possèdent qu’un pouvoir d’inuence. Il importe donc que les responsables des ressources humaines ou de la rémunération aient une bonne habileté à « vendre » leurs idées ou à persuader les supérieurs hiérarchiques de la nécessité d’un programme ou d’un changement an d’obtenir leur appui. Un programme ou un service oert par le service des ressources humaines n’est valable que si les « clients » — la direction et les cadres — l’appuient (« l’achètent ») en pensant que cela répondra à leurs besoins.

L’autorité fonctionnelle Les professionnels des ressources humaines ne devraient faire appel à l’autorité fonctionnelle que dans des cas exceptionnels, découlant, par exemple, de déciences dans l’application de politiques ou de programmes approuvés par les dirigeants de l’organisation, ou encore dans le respect de lois. Cette autorité est indispensable aux professionnels pour qu’ils puissent s’assurer que les politiques, les programmes de GRH et les lois sont appliqués par l’ensemble des cadres. La situation des professionnels des ressources humaines en matière d’autorité de conseil et d’autorité fonctionnelle n’est pas toujours claire tant à leurs propres yeux qu’aux yeux des cadres et des dirigeants. Il peut alors se produire des conits ou des abus d’autorité ou de pouvoir de la part de l’un des acteurs sur une problématique liée à la GRH. An de prévenir la fréquence et l’importance de ces conits, il faut bien comprendre ces notions

L’implantation des programmes de rémunération globale

d’autorité et respecter les responsabilités respectives des acteurs de la GRH. Certes, une direction d’entreprise qui donne manifestement très peu d’autorité fonctionnelle à son directeur des ressources humaines et à son directeur de la rémunération les empêchera dans les faits d’assumer pleinement leurs responsabilités, faute de pouvoir. Une telle situation incitera d’ailleurs bien des professionnels des ressources humaines à quitter une entreprise pour une autre, dans laquelle ils sentiront qu’ils auront un plus grand rôle à jouer et qu’ils obtiendront le pouvoir pour jouer ce rôle avec succès tout en étant respectés par la direction, les cadres hiérarchiques, les employés et le syndicat, s’il y a lieu. Comme l’autorité fonctionnelle est souvent à l’origine des conits entre les cadres et les professionnels des ressources humaines, dont les spécialistes de la rémunération, il est essentiel de bien la comprendre et la communiquer. Voici quelques exemples d’applications auxquelles elle donne lieu. Au jour le jour, les professionnels des ressources humaines ou de la rémunération détiennent une certaine autorité fonctionnelle sur l’application des politiques de GRH, des règles de la convention collective ou du manuel de l’employé. C’est comme si la direction, en ayant approuvé ces règles et ces politiques de GRH écrites, rendait ces professionnels responsables de l’application des clauses touchant la rémunération, les vacances, etc., et leur attribuait une autorité fonctionnelle à cet égard. De plus, lorsque les dirigeants d’une entreprise ont adopté une politique de rémunération au mérite, le professionnel a, en vertu de son autorité fonctionnelle, le droit d’exercer une pression sur un cadre pour que celui-ci lui transmette son appréciation de la performance des membres de son équipe. De même, lorsque des dirigeants adoptent un programme d’équité salariale en vertu de la loi, le professionnel a le droit d’exiger des cadres qu’ils le respectent et satisfassent aux exigences de la loi.

3.6

L’impartition des activités de gestion de la rémunération

Devant la complexité et le nombre croissant de lois et de régimes de rémunération, l’augmentation des coûts des investissements dans la technologie qui permettra d’administrer les composantes de la rémunération et la rareté des spécialistes de la rémunération sur le marché, certains services des ressources humaines conent à des tiers une partie plus ou moins importante de leurs activités de gestion de la rémunération. Parmi celles-ci, on peut citer la production de la paie, l’administration et le calcul des avantages sociaux, l’interface et la communication avec les employés ou la mise au point et la comptabilisation des régimes. Ainsi, ADP Canada, le plus important fournisseur de services d’impartition du Canada, aide plus de 50 000 entreprises en traitant la paie d’un Canadien sur quatre travaillant dans le secteur privé. Au-delà de la paie, qui s’avère une des activités de rémunération les plus externalisées en Amérique du Nord et en Europe (Quélin, 2005), de nombreuses activités de gestion de la rémunération peuvent être imparties : la gestion des salaires, des avantages sociaux et des régimes de retraite, l’évaluation des emplois, les enquêtes de salaires sur le marché, l’analyse de la compétitivité des structures salariales, etc. Avec l’arrivée de grands fournisseurs de solutions technologiques intégrées, l’impartition des activités de GRH, dont la rémunération, s’inscrit dans un vaste mouvement vers l’impartition de toutes les autres fonctions de gestion de l’organisation, dont la production et la nance. Il faut reconnaître que les développements des technologies de l’information et de la communication, qui sont considérables, rendent dorénavant possible une gestion plus intégrée et globale de multiples activités de GRH, voire de toutes les activités.

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Convention collective (collective agreement) Entente relative aux rapports et aux conditions de travail signée entre les parties patronale et syndicale d’une organisation.

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CHAPITRE 3

3.6.1 Les atouts de l’impartition En raison du nombre d’employés, des exigences légales, de la dispersion géographique des unités d’aaires au pays ou à l’international, de la complexication de la GRH qui requiert une plus grande expertise, de plus en plus d’organisations se tournent vers l’impartition de leurs activités, souvent en commençant par la gestion des salaires dans le prolongement de la gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite.

L’amélioration de l’ecience et des pratiques Selon une étude effectuée par PricewaterhouseCoopers et ADP Canada (Canada NewsWire, 2012), les entreprises qui impartissent leurs services de gestion de la paie, des heures et des présences, des ressources humaines et d’administration de la santé et des avantages sociaux dépensent en moyenne 27 % moins que celles qui utilisent une approche ou une méthode à l’interne. En outre, il apparaît que les organisations qui font aaire avec un seul fournisseur de services d’impartition pour intégrer la paie, les heures et les présences dépensent en moyenne 43 % moins que si elles faisaient appel à une méthode manuelle ou non intégrée. En impartissant certaines activités, l’entreprise vise à réaliser celles-ci mieux, plus rapidement et à un moindre coût que si elle les exécutait elle-même. Il faut savoir que la technologie (par exemple, un site intranet ou un centre d’appels), les capitaux et l’expertise qui sont nécessaires pour accomplir un bon nombre de ces activités sont très onéreux pour une entreprise, alors qu’un prestataire de services peut orir ceux-ci à un meilleur coût en raison des économies d’échelle. Au-delà de la réduction des coûts, les organisations peuvent voir dans l’impartition une occasion d’améliorer l’ecience de leurs opérations et d’avoir accès à de meilleures pratiques et technologies.

L’augmentation des ressources consacrées aux aspects stratégiques Certaines tâches administratives plus ou moins routinières pourront être déléguées à une ressource externe qui les eectuera de manière plus systématique et plus spécialisée (grâce à une grande expertise sur les plans légal, technologique, etc.) et livrera ainsi de meilleures solutions tout en permettant à l’entreprise de diminuer ses investissements en gestion des ressources humaines. Ce faisant, les professionnels pourront se consacrer à d’autres activités à long terme ou de nature plus stratégique, telles que l’analyse des besoins, la conception de nouveaux produits et services, la mise au point de stratégies, de politiques ou d’une philosophie.

L’optimisation du succès des changements et la réduction des coûts On peut aussi penser que l’impartition permet de s’adapter aux changements environnementaux d’une manière plus exible et plus rapide que si les solutions à ces changements venaient de l’intérieur de l’organisation. En eet, une organisation peut considérer qu’une relation avec un expert externe s’avère une manière moins coûteuse et plus rapide d’atteindre les objectifs visés que de le faire par elle-même avec ses ressources internes étant donné que ce partenaire est davantage en mesure de fournir des fonctionnalités plus faciles à comprendre et requérant moins de temps de formation.

L’amélioration de l’ecience et la réduction des duplications dans les organisations ayant des unités à l’international Les organisations dont la structure est décentralisée doivent relever un énorme dé consistant à intégrer et à coordonner leurs activités, tout en évitant les redondances. L’impartition peut sembler la meilleure voie pour relever ce dé et pour standardiser davantage les processus de gestion entre les unités ou les divisions.

L’implantation des programmes de rémunération globale

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Une concurrence et un développement meilleurs Les organisations, quelle que soit leur taille, gèrent souvent des processus tout aussi complexes que les très grandes entreprises parce qu’elles font face à des réglementations similaires. Aussi, nombre de PME ont des activités à l’international et sont en concurrence avec des entreprises de grande taille qui recourent à des processus informatisés très sophistiqués. Sachant que les organisations de plus petite taille n’ont pas les expertises à l’interne ni de temps à consacrer à la gestion de ces processus complexes, la soustraitance peut s’avérer pour elles une option raisonnable an d’être compétitives et de se développer mieux et plus rapidement. Malgré les atouts de l’impartition que permettent les nouvelles technologies de l’information, il reste du chemin à faire, surtout chez les PME. En eet, un sondage réalisé en 2006 par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) du Québec montre que près d’une entreprise sur trois (le pourcentage étant plus élevé parmi les PME) ne recourt pas à une solution technologique ou informatique en GRH, faisant encore tout en mode manuel (Boucher, 2007). Tout indique qu’il y a un changement de mentalité à opérer, de nouvelles compétences à développer parmi les professionnels des ressources humaines ou des considérations budgétaires à réévaluer.

Sous-traitance (outsourcing) Forme d’externalisation des activités d’une organisation par laquelle un donneur d’ordre cone à une entreprise assujettie une partie de ses activités d’exploitation, d’entretien ou d’administration.

REGARD SUR LA PRATIQUE L’automatisation : la quête de l’ecience Larry Streur est le directeur des ressources humaines de Derby Lane, une société opérant un circuit de courses de lévriers à St. Petersburg, en Floride. Larry passait entre 10 et 15 heures par semaine à corriger manuellement la comptabilisation des heures non travaillées (vacances et congés de maladie) des 250 employés à temps plein et des 390 employés à temps partiel durant la saison des courses. Il a rompu un contrat avec l’entreprise qui lui fournissait les services de paie : « Avant que je ne stoppe le tout, les concepteurs de logiciels du service de la paie ont travaillé près de 18 mois sans trouver une application qui aurait permis de changer la méthode utilisée pour compiler le temps rémunéré mais non travaillé.» Larry a décidé de se doter d’un système qui gérerait à la fois la paie et les avantages sociaux. Il souhaite

ainsi acquérir un système intégré qui soit convivial, qui puisse être géré et modié facilement à l’interne, qui permette d’intégrer les obligations de reddition des comptes en vertu des lois scales et de produire les rapports de gestion. Ce système devrait aussi permettre de tenir à jour les présences et les absences et être susamment exible pour appuyer la gestion des régimes d’avantages sociaux. De cette manière, il serait possible de faire l’économie d’environ 40 heures de travail qui sont actuellement consacrées à la paie. Comme il l’explique : «On vise un ratio d’une personne au service des ressources humaines pour 100 employés, ratio qui ne peut être atteint que si l’entreprise dispose d’un progiciel permettant d’automatiser des activités liées à la paie et aux avantages sociaux.»

Source : Traduit et adapté de Cangemi (2006, p. 58).

3.6.2 Les limites de l’impartition Toutefois, plusieurs limites sont associées à l’impartition, lesquelles doivent être surmontées le plus rapidement possible.

La dépendance accrue par rapport aux partenaires externes L’impartition entraîne le dé de la perte de maîtrise (des coûts, de la qualité, etc.) et de la dépendance par rapport à un prestataire qui peut échouer, ne pas respecter ses obligations, ne pas satisfaire aux exigences préétablies dans le contrat, éprouver des problèmes techniques ou économiques majeurs, hausser ses coûts de manière inattendue, etc. Notons que, une fois que l’entreprise a commencé à impartir des activités de gestion de la rémunération,

122

CHAPITRE 3

il est dicile de revenir en arrière, puisque les prestataires exigent souvent la signature d’un contrat s’échelonnant sur 5 à 10 ans. Pour limiter les risques de cette dépendance, l’organisation doit pouvoir compter sur des gestionnaires capables de négocier des contrats avec les prestataires. Ces gestionnaires devront exercer un suivi adéquat et signer des ententes précises pouvant être modiées ou résiliées selon l’évolution de la situation.

Les problèmes potentiels de condentialité et de qualité du service L’impartition pose le dé de la condentialité des informations concernant les employés, le plan d’aaires de la société, etc. De plus, elle peut engendrer de la confusion parmi le personnel, qui ne sait plus trop vers qui se tourner, en faisant intervenir un plus grand nombre de participants dans une transaction et en augmentant le risque que la direction perde de vue les attentes et les besoins des employés étant donné qu’elle a moins de contacts directs avec eux. D’autre part, comme les organisations préfèrent impartir leurs activités auprès de grandes sociétés de services de moins en moins nombreuses, il y a un risque que les services oerts tendent à être uniformes et ne répondent pas aux particularités des organisations. Ajoutons que les activités sujettes à l’impartition sont souvent associées à une perte ou, du moins, à la non-acquisition de compétences et de savoir-faire particuliers à l’intérieur de l’organisation. Cette dernière, qui se e à un ou quelques prestataires de services, risque alors de ne plus comprendre ses propres systèmes, de ne plus maîtriser la situation et de ne plus gérer ecacement l’ensemble des composantes de la rémunération.

Les possibles incidences négatives sur les coûts et le climat de travail Finalement, il est possible que les économies d’échelle soient moindres si l’on fait aaire avec plusieurs sous-traitants. Parmi les sociétés qui impartissent plusieurs activités, seulement 8 % tentent de consolider les activités imparties auprès d’un seul prestataire de services (Canadian News, 2005). Sans aller jusqu’à coner toutes les activités à un seul fournisseur, et courir les risques que cela entraîne, il faut veiller à ce que les fournisseurs ne soient pas trop nombreux de manière que la gestion des relations de sous-traitance soit plus simple et moins coûteuse. De plus, étant donné que la décision d’impartir des activités peut avoir des eets sur le maintien, la création et l’abolition de postes au sein de l’entreprise de même que sur la mobilisation et la conservation des employés, cela est de nature à nuire aux relations de travail si l’impartition est gérée de façon inappropriée.

3.6.3 Les conditions de succès de l’impartition La décision d’impartir certaines activités de gestion de la rémunération n’est pas simple et elle doit être mûrie. De nombreux critères doivent être pris en considération, en plus de l’économie d’argent à court terme, soit la qualité et la rapidité des services, les attentes et les réactions des employés, les coûts à long terme, la nature des règles contractuelles, la abilité technologique et économique du prestataire de services, la taille et les capacités technologiques de l’organisation ainsi que la complexité et l’importance stratégique de ses modes de rémunération. La recherche montre que les grandes organisations tendent à croire qu’elles peuvent gérer plus ecacement les salaires et les avantages sociaux à l’intérieur de l’organisation parce qu’elles réalisent plus d’économies d’échelle que les organisations de petite taille (Harrison, 1996). En pratique, les organisations sous-traitent seulement une partie de leurs activités de gestion de la rémunération sur une base temporaire, ponctuelle ou régulière. Il semble y avoir moins de risques lorsque l’organisation sous-traite le travail qu’elle ne peut pas faire adéquatement ou qu’elle recourt à un sous-traitant pour réaliser

L’implantation des programmes de rémunération globale

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des travaux ponctuels qui exigent l’embauche d’experts dont les services ne s’avéreront plus nécessaires dans l’avenir. Une enquête menée par la société Accenture (Newsline, 2004) auprès de 500 organisations faisant appel à la sous-traitance depuis au moins deux ans indique que, pour assurer le succès de l’impartition, il faut respecter les préalables suivants : • Déterminer des résultats d’aaires pour mesurer la performance de l’impartition quant aux bénéces, à la rapidité des services, etc. • Traiter avec un partenaire d’aaires, et non seulement avec un fournisseur de services. Ce partenaire doit posséder une expertise et de l’expérience, orir des prix compétitifs, proposer des services exibles, connaître l’industrie et inspirer conance. • Viser les principaux objectifs (la réduction des coûts, l’amélioration des processus, etc.) et les activités clés qui ont une réelle valeur ajoutée pour l’organisation. • Voir dans l’impartition une relation d’aaires à établir et non uniquement un contrat à signer. • Aligner les résultats de l’impartition sur les objectifs et les dés d’aaires et chercher à améliorer l’ecacité de l’impartition. • Établir des mécanismes de gouvernance pour gérer et suivre les relations avec les sous-traitants. • Désigner une personne qui sera ociellement responsable de la supervision des activités et des contrats de sous-traitance.

Conclusion Dans ce chapitre, nous avons insisté sur le fait de concevoir de bons programmes de rémunération, mais surtout de savoir les implanter et les gérer an d’optimiser leurs retombées positives et les perceptions d’équité et de justice du personnel à leur égard. Pour cela, les dirigeants doivent exposer leur stratégie de rémunération globale de manière que leurs cadres et leurs employés la comprennent et l’adoptent. L’organisation doit présenter sa stratégie d’aaires et les liens existant entre celle-ci et ses programmes de rémunération globale. Il est particulièrement important que le discours des dirigeants soit cohérent avec leurs politiques et leurs pratiques réelles de rémunération et que tout changement apporté à celles-ci soit géré avec soin. Par ailleurs, l’entreprise doit s’assurer que ses cadres sont adéquatement formés à expliquer les pratiques de rémunération aux employés, puisque ce sont les cadres qui ont des interactions quotidiennes avec le personnel. En outre, il est essentiel de consulter le personnel et de gérer minutieusement l’impartition de la gestion de la rémunération et d’exploiter à bon escient les LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA technologies de l’information. Pour qu’une gestion de la rémunération soit équitable, il importe aussi d’en baliser ociellement les pourtours par une philosophie, des politiques ou un manuel de l’employé. La communication de la rémunération, c’est payant ! De même, il faut délimiter les pouvoirs et l’autorité des Par Daniel Dumas, directeur, communication, Morneau divers acteurs en la matière, notamment ceux des cadres Sobeco et des professionnels des ressources humaines. La communication organisationnelle Alors que les trois premiers chapitres avaient une portée Par Michel Maletto, CRHA, conseiller, développement générale, le chapitre 4 se penchera sur la gestion d’une activité organisationnel, Maletto et Associés de la gestion de la rémunération, soit les enquêtes de rémuCas d’entreprises : D.L.G.L. nération et le principe d’équité externe ou de compétitivité Par Jacques Guénette, président, D.L.G.L. qu’elles visent à promouvoir.

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CHAPITRE 3

QUESTIONS DE RÉVISION

1. À quoi fait référence le principe de justice du processus et quelles règles devrait-on 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14.

respecter an d’optimiser les perceptions à son endroit ? Donnez des exemples de facteurs inuençant cette perception de justice envers la gestion de la rémunération. Quelles sont les étapes de la conception (ou de la révision) et de l’implantation d’un programme de rémunération ? Pour chacune de ces étapes, précisez les tâches qui s’y rattachent. L’élaboration d’un programme ecace repose sur le diagnostic des problèmes et des besoins. À quels types de changements ce diagnostic peut-il conduire ? Associez à chaque type de changements un exemple de problème pouvant être relevé. Pourquoi est-il important de consulter et de faire participer les cadres et les employés en matière de gestion de la rémunération ? Au cours de la planication et de l’élaboration d’un programme de rémunération, quelles caractéristiques devrait-on considérer au moment de sélectionner les membres d’un groupe de discussion ? Pourquoi dit-on que les cadres jouent un rôle clé dans la réussite de l’implantation et de la gestion des programmes de rémunération ? Quels éléments permettent d’évaluer l’ecacité d’un programme de rémunération ? Sur quels aspects la formation oerte aux cadres en matière de rémunération devraitelle porter ? Résumez les résultats des recherches concernant la communication liée à la gestion de la rémunération, puis discutez les conditions à respecter pour en maximiser l’ecacité. Pourquoi est-il utile de recourir aux nouvelles technologies en matière de communication de la rémunération ? Pourquoi est-il important de déterminer une politique en ce qui concerne la gestion de la rémunération ? Quels acteurs au sein de l’organisation participent à la gestion de la rémunération ? Précisez les responsabilités de chacun d’eux. De façon générale, de quel type d’autorité l’action des spécialistes de la rémunération relève-t-elle ? Quelle incidence cela a-t-il sur les compétences attendues de ces professionnels ? Quels sont les atouts et les limites d’une impartition accrue des activités de gestion de la rémunération ? Nommez des critères à considérer lorsqu’on doit prendre des décisions à cet égard.

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. «Quoi que nous fassions, les employés seront toujours insatisfaits à l’égard de leur rémunération. Le seul moyen de les contenter serait de les payer davantage, mais nous n’en avons pas les moyens.» Commentez cet énoncé. 2. La direction de votre entreprise, qui est consciente de l’importance de bien communiquer la rémunération globale à ses employés, vous demande de la conseiller en la matière. Que lui répondez-vous ? Quelle méthode ou quelles méthodes de communication allez-vous privilégier ? Pourquoi ?

CHAPITRE

4

La gestion des enquêtes de rémunération

PLAN DU CHAPITRE

4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6

L’équité externe : dénition et importance Les grandes politiques de l’équité externe Les sources d’information sur la rémunération Les objectifs de l’enquête de rémunération La portée et l’étendue des enquêtes de rémunération La détermination du marché d’employeurs de référence 4.7 La sélection des enquêtes de rémunération

4.8 Les méthodes d’enquête de rémunération 4.9 La collecte des données sur la rémunération auprès du marché de référence 4.10 L’analyse des données de l’enquête de rémunération 4.11 Les dés des enquêtes de rémunération 4.12 Quelques conseils sur la gestion des enquêtes de rémunération 4.13 L’octroi d’incitations favorisant l’équité externe

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Dénir l’équité externe et comprendre l’importance de la compétitivité de la rémunération.

• Présenter les grandes politiques de l’équité externe. • Présenter les sources d’information sur la rémunération et montrer l’utilité • • • • • • • • • •

des enquêtes de rémunération. Décrire les objectifs de l’enquête de rémunération. Examiner la portée et l’étendue des enquêtes de rémunération. Expliquer la détermination du marché d’employeurs de référence. Décrire la sélection des enquêtes de rémunération. Décrire les méthodes d’enquête de rémunération. Expliquer la collecte des données sur la rémunération auprès du marché de référence. Expliquer l’analyse des données de l’enquête de rémunération. Traiter des dés des enquêtes de rémunération. Présenter des conseils sur la conduite d’enquêtes de rémunération. Traiter des octrois d’incitations favorisant l’équité externe an d’attirer et de déliser le personnel.

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CHAPITRE 4

M I S E E N S I T U AT I O N

La révision du processus d’enquête de rémunération chez Transtel inc. La société Transtel inc. ore des services de télécommunications en Amérique du Nord. Elle fournit des services à des millions de clients d’aaires et de clients résidentiels, principalement au Canada, mais également aux États-Unis et outre-mer. La concurrence vive qui anime la majorité des secteurs d’aaires de Transtel fait que son personnel doit constamment acquérir de nouvelles compétences et orir un service professionnel à des prix compétitifs. Ce contexte d’aaires a des répercussions sur l’organisation du travail et sur l’ensemble des activités de gestion des ressources humaines. Dernièrement, de nouvelles pratiques de rémunération axées sur les objectifs d’aaires ont été mises en place de manière que chaque division soit responsable de sa contribution aux résultats globaux de l’entreprise. Par ailleurs, des programmes de rémunération variable tant pour les employés non cadres que pour les cadres ont été adoptés. Le nouveau contexte d’aaires a également amené la direction de Transtel à constituer un comité ayant pour mandat d’examiner et d’évaluer le processus d’enquête sur la rémunération et de formuler des recommandations. Ce comité a constaté qu’à elle seule la division des ressources humaines participe à plus de 50 enquêtes sur la rémunération. Compte tenu de la taille et de la structure de Transtel, d’autres groupes ou unités participent aussi à d’autres enquêtes ponctuelles. En somme, c’est un peu le chaos. Il n’y a pas de processus uniformisé et coordonné en la matière. Selon le comité, les enquêtes sur la rémunération devraient viser les quatre buts suivants : évaluer la compétitivité de la rémunération par rapport au marché cible ; valider les structures salariales ; servir d’intrant à la gestion d’autres activités de gestion des ressources humaines ; servir d’intrant lors des négociations des diérents contrats de travail. Comme les utilisateurs potentiels des résultats de ces enquêtes sont nombreux, il est important que les données soient précises de manière à laisser le moins de place possible à l’interprétation. Le comité a formulé les recommandations suivantes en ce qui concerne la gestion des enquêtes sur la rémunération : • Intégrer toutes les activités relatives aux enquêtes sur la rémunération sous une seule entité administrative. • Constituer et maintenir à jour une banque de données sur la rémunération unique et intégrée. • Établir des règles de participation aux diérentes enquêtes sur la rémunération. • Conclure des alliances avec d’autres entreprises en matière de partage de l’information sur la rémunération.

• Optimiser les moyens de communication des résultats des enquêtes sur la rémunération.

• Renseigner le personnel sur le contenu des enquêtes sur la rémunération. Le comité est d’avis que la méthode d’enquête doit être revue en tenant compte des considérations suivantes : 1. L’information. Selon le comité, pour être en mesure de faire des comparaisons valables au chapitre de la rémunération, il faut recueillir de l’information non seulement sur les salaires, mais aussi sur le mode de rémunération et sur différents aspects liés à la gestion de la rémunération, soit : • Des informations détaillées sur : le salaire de base, la structure salariale (minimum, point milieu, maximum), les critères de progression correspondants aux échelles salariales, la durée de la semaine de travail et le montant des primes annuelles. • Des informations générales sur : la date d’échéance des conventions collectives, le montant et le moment des rajustements salariaux, les classes et les échelles salariales, les statuts des emplois, la rémunération variable et les avantages oerts. 2. Le marché de référence. Historiquement, Transtel inc. comparait les salaires de la majorité des emplois avec les salaires d’un groupe de grandes entreprises de diérents secteurs d’activité économique à travers le Canada. En fait, ces entreprises étaient les meilleurs «payeurs» dans leur secteur respectif. Selon le comité, ce groupe de référence doit être revu à la lumière de deux nouveaux critères : appartenir aux secteurs des télécommunications ou de la haute technologie (75 % des entreprises recensées) ; avoir des stratégies d’aaires et des cultures de gestion similaires (25 % des organisations recensées). 3. Les emplois repères. Le comité propose de sélectionner les emplois repères sur lesquels recueillir des données sur le marché en fonction des cinq critères suivants : • Les emplois repères doivent avoir des rôles et des responsabilités clairement dénis. • Ils doivent être faciles à apparier. • Ils doivent couvrir toutes les classes salariales. • Ils doivent représenter une grande proportion des emplois. • Ils doivent inclure des emplois jugés critiques (hot skills ou hot jobs).

La gestion des enquêtes de rémunération

4. La conduite de l’enquête sur la rémunération. Le comité estime qu’il y a lieu de s’interroger sur les points suivants : devrait-on faire nos propres enquêtes ? Devrait-on coner à des rmes de consultants en rémunération l’exécution des enquêtes ? Devrait-on examiner la possibilité d’établir des partenariats avec d’autres entreprises pour éviter le double emploi et la prolifération des demandes d’informations venant de tous côtés ? Ces questions ne peuvent être tranchées, mais il y a gros à parier que la centralisation des activités liées au processus d’enquête permettrait d’en améliorer l’ecacité. 5. L’organisation et l’analyse des informations recueillies. La présentation des résultats doit être soignée pour assurer la crédibilité du processus d’enquête sur la rémunération. Par ailleurs, on doit être en mesure d’évaluer les répercussions

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de la nouvelle méthode d’enquête sur les résultats. Il est donc recommandé de combiner d’abord l’ancienne et la nouvelle méthodologie an de pouvoir mesurer l’écart séparant les résultats obtenus au moyen de l’une et de l’autre. Le cas échéant, il importera de faire une large place à la communication des résultats et des raisons qui justient les changements apportés à la politique de rémunération.

Questions 1. À la lecture de cette mise en situation, que retenez-vous à propos des multiples exigences ou dés pour une organisation de s’assurer de la compétitivité de la rémunération oerte à son personnel ? 2. Commentez les recommandations du comité de travail chez Transtel inc.

Source : Extrait adapté de Giroux (1999a). Reproduit avec la permission du Centre de cas HEC Montréal.

L’

analyse de l’équité externe consiste à apprécier la rémunération que d’autres organisations (le marché) orent pour des emplois similaires. Dans ce chapitre, nous traitons d’abord de l’importance de s’assurer de la compétitivité de la rémunération. Aucun employeur ne gère la rémunération de son personnel en ignorant le marché, surtout dans le contexte démographique et dans celui du marché de l’emploi actuels. Nous présentons ensuite les grandes politiques de l’équité externe que peuvent adopter les organisations, soit celles d’égaler le marché, de le devancer, d’être à sa remorque ou encore d’appliquer une politique hybride ou de diérenciation. Puis, nous traitons des sources d’information à consulter qui existent sur le marché, c’est-à-dire la collecte d’informations à eectuer. Ensuite, nous examinons les objectifs de l’enquête de rémunération. Nous examinons également la portée et l’étendue des enquêtes de rémunération, la détermination du marché d’employeurs de référence, la sélection des enquêtes de rémunération, avant de décrire les méthodes d’enquête de rémunération. De même, nous nous penchons sur la collecte des données sur la rémunération et sur l’analyse de celles-ci. Ensuite, après avoir examiné les dés liés à la conduite des enquêtes de rémunération, nous donnons des conseils sur la gestion de celles-ci. Finalement, nous traitons de l’octroi de certaines incitations qui favorisent l’équité externe qu’un nombre croissant d’entreprises adopte pour faciliter l’attraction et la délisation de leur personnel ou d’une partie de leur personnel, notamment les primes liées à l’attraction, à la délisation et au recrutement. Nous verrons qu’il faut gérer avec soin ces ajouts aux composantes de la rémunération an d’optimiser leur ecacité et de minimiser leurs incidences négatives sur les comportements ou les attitudes du personnel.

4.1

L’équité externe : dénition et importance

L’analyse de la compétitivité ou de l’équité externe consiste à s’assurer que l’organisation ore une rémunération comparable à celle qu’accordent les autres organisations pour des emplois analogues.

Équité externe (external equity) Rémunération oerte par une entreprise qui est comparable à celle que d’autres organisations octroient pour des emplois semblables.

128

CHAPITRE 4

4.1.1 La dénition de l’équité externe

Pour en savoir plus sur l’équité externe

En principe, lorsqu’une organisation se soucie du principe de l’équité externe, cela signie qu’elle cherche à faire en sorte que ses employés estiment qu’ils reçoivent une rémunération compétitive lorsqu’ils la comparent avec celle qui est oerte aux employés d’autres organisations qui occupent des emplois comparables (référents externes). Il existe un état d’iniquité externe lorsqu’un employé perçoit que le ratio de ses contributions et rétributions n’est pas égal à celui des titulaires d’un emploi semblable travaillant pour une autre organisation. En pratique, toutefois, compte tenu de la multiplicité accrue des composantes de la rémunération (le salaire, les primes, les avantages sociaux, etc.), l’équité externe de la rémunération est plus complexe à atteindre et à maintenir. En outre, l’organisation doit s’assurer d’orir une rémunération globale ou totale compétitive par rapport à la rémunération globale ou totale oerte pour des emplois similaires sur le marché.

4.1.2 Les facteurs favorisant ou limitant l’importance de l’équité externe Au Québec, et encore plus dans les provinces de l’Ouest canadien, depuis plusieurs années, les taux de chômage sont faibles, ce qui veut dire, en pratique, la présence d’un plein emploi. Le prol démographique vieillissant de la main-d’œuvre et un manque de compétences particulières ont pour eet que des employeurs sont constamment à la recherche de candidats pour pourvoir certains de leurs postes spécialisés. Dans ce contexte, le rapport de force ou le pouvoir d’inuence penche davantage du côté des candidats qui ont de meilleures perspectives d’emploi, alors que les employeurs rivalisent pour améliorer leurs conditions de travail ou encore diminuent les exigences pour pourvoir leurs postes. Notons que l’ajustement des conditions de rémunération pour suivre le marché entraîne des déplacements de personnel sur le marché sans augmenter le nombre des candidats qualiés disponibles, du moins à court terme. Par exemple, une mine localisée en Abitibi peut dicilement pourvoir un poste de mineur en embauchant un commis comptable de Trois-Rivières qui se cherche un emploi. Dans ce contexte, on voit même des employeurs de l’Alberta venir tenir des foires de l’emploi à Montréal et dans les Maritimes ou encore des conseillers en placement inviter des programmeurs Java de la région de Québec à un déjeuner collectif au cours duquel ils leur vantent les possibilités de travail au sein de telles ou telles sociétés. Pour des employeurs aux prises avec des pénuries de personnel, l’alignement sur le marché de l’emploi est un facteur d’ination sur toutes les composantes de la rémunération totale. On parle non seulement d’augmentations de salaires, de primes de recrutement ou de primes de délisation données sur une base régulière, mais aussi de cheminement de carrière, de formation interne, de conciliation travail-vie personnelle, d’usage d’un véhicule, de voyages en avion, de exibilité des horaires, de semaine réduite, de journées de congé supplémentaires, etc. L’adoption d’une rémunération totale plus ou moins compétitive sur le marché a des incidences importantes. En ce qui concerne les employés, la compétitivité de la rémunération peut inuencer leurs attitudes et leurs comportements, comme leur intention de joindre un employeur, de quitter leur employeur ou de se syndiquer. Pour les employeurs, une rémunération compétitive inuence leur capacité d’attraction et de conservation du personnel, les coûts de la main-d’œuvre, et donc leur compétitivité sur le marché des produits et des services. Sur le plan théorique, de nombreux auteurs, souvent des économistes, ont mis en avant certaines prémisses an de mieux comprendre les eets du marché sur les conditions de rémunération. Certaines de ces théories d’intérêt sont regroupées dans la rubrique suivante.

La gestion des enquêtes de rémunération

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT Des théories ayant des implications sur la compétitivité de la rémunération 1. Selon le modèle économique de l’ore et de la demande de travail sur le marché, la demande de travail correspond au nombre et aux exigences des emplois oerts sur le marché du travail, alors que l’ore de travail correspond au nombre et aux compétences des employés proposant leurs services sur le marché de l’emploi. La gure ci-dessous montre la façon dont l’état de la demande et de l’ore de travail détermine le taux de salaire pour un type particulier d’emploi sur un marché donné. La courbe de la demande de travail (Dt), dont la pente va vers le bas (descendante), indique que les employeurs veulent engager plus d’employés dans des emplois orant de bas taux de salaires. La courbe de l’ore de travail (Ot), dont la pente va vers le haut (ascendante), indique que plus les taux de salaires oerts par les employeurs sont élevés pour des emplois, plus les travailleurs désirent les occuper.

La relation entre l’ore et la demande de travail et le salaire de la main-d’œuvre

L’hypothèse de ce modèle est que le salaire qui «achète» et «vend» le travail sur le marché correspond au point S1, soit l’intersection des courbes de l’ore et de la demande. À un taux de salaire supérieur à Ss, il y a plus de travailleurs disponibles que de postes à pourvoir par les employeurs, ce qui entraîne une baisse du salaire. À un taux de salaire inférieur à Si, il y a plus de postes à pourvoir que de travailleurs disposés à les occuper, ce qui provoque une hausse de salaire. Ce modèle repose sur cinq hypothèses associées à la compétition parfaite (Kaufman, 1986) : 1) Les employeurs cherchent à maximiser leurs bénéces et les travailleurs veulent maximiser leur rémunération. 2) Les employeurs et les employés ont une connaissance parfaite des salaires et des possibilités d’emploi sur le marché. 3) Les employés sont semblables en ce qui concerne les habiletés et le rendement, et les postes oerts sont semblables quant aux conditions de travail et aux attributs non pécuniaires. 4) Le marché du travail est composé d’une multitude d’employeurs et d’employés et chaque employeur ou employé a une inuence négligeable sur le marché. Il n’y a pas de collusion entre les employeurs pour déterminer les salaires et les employés ne sont pas syndiqués. 5) Tous les postes sur le marché du travail sont ouverts à la compétition et il n’existe pas de barrière institutionnelle à la mobilité des employés. Évidemment, ces hypothèses sont irréalistes et simplistes : la mobilité a un coût, les informations dont disposent les employeurs et les employés ne sont pas nécessairement exactes, les employés peuvent être syndiqués, toutes les entreprises ne cherchent pas à maximiser leurs bénéces (par exemple, certaines désirent davantage augmenter leurs parts du marché ou leur valeur boursière), etc. Aussi, les économistes reconnaissent que les forces de l’ore et de la demande de travail ne déterminent pas un taux unique de salaire par poste, mais plutôt une distribution des salaires entre un salaire inférieur (Si) et un salaire supérieur (Ss) à l’intérieur de laquelle l’employeur a le choix de situer sa propre politique de rémunération.

129

130

CHAPITRE 4

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT (suite) 2. Selon la théorie de l’ecience des salaires (Krueger et Summers, 1987), le fait d’accorder un taux de salaire supérieur à celui du marché augmente l’ecacité des organisations et réduit leurs coûts du personnel. Cela permettrait d’attirer un plus grand nombre de candidats compétents, motivés, engagés et ayant un meilleur rendement, de réduire la rotation du personnel et les besoins en supervision et d’inciter le personnel à mieux travailler. 3. Selon la théorie du diérentiel compensatoire (Mahoney, 1979), des employeurs doivent accorder de meilleures conditions de rémunération an de compenser les inconvénients liés aux postes, à l’organisation ou à l’industrie. 4. Selon la théorie de la dépendance à l’égard des ressources (Pfeer et Salancik, 1978 ; Balkin et Bannister, 1993), l’équité externe est particulièrement importante pour le personnel qui détient des compétences rares ou stratégiques pour leur employeur, qui possède une vaste expérience et apporte des ressources (par exemple, des relations, des expertises) ou génère les revenus de l’organisation. Certes, l’équité externe est importante. Toutefois, son importance en comparaison de celle accordée aux autres formes d’équité varie selon les employeurs, les catégories de personnel et les composantes de la rémunération. Comme nous le verrons plus loin, l’importance de l’équité externe pour un employeur est fonction du marché « réel » de l’emploi pour les titulaires des emplois. Ainsi, l’équité externe a peu d’importance pour une petite ou moyenne entreprise (PME) manufacturière implantée dans une petite ville et qui emploie une bonne partie de la population locale, des employés peu susceptibles de trouver ailleurs dans la localité un emploi aussi satisfaisant. De plus, la préoccupation au sujet de la compétitivité de la rémunération versée peut être moins grande pour les organisations qui valorisent une politique de promotion interne, et qui pourvoient la majorité de leurs emplois (autres que les postes d’entrée) en exploitant la mobilité interne de leur personnel sur la base de leur expérience (promotions, mutations, etc.). Finalement, la compétitivité de la rémunération directe (versée en argent) peut aussi être jugée moins importante au sein d’une organisation qui ore des avantages indirects et intangibles plus nombreux, comme la exibilité des horaires, la sécurité d’emploi ou les possibilités de carrière.

4.2

Les grandes politiques de l’équité externe

Traditionnellement, les organisations se situent par rapport au marché selon trois grandes positions : égaler le marché, le devancer ou être à sa remorque. En pratique, toutefois, peu d’organisations adoptent une politique unique et uniforme en matière de rémunération pour l’ensemble de leur personnel, pour l’ensemble des composantes de la rémunération totale et pour toutes leurs unités d’aaires ; elles optent plutôt pour une politique mixte (voir le tableau 4.1). Dans cette section, nous présentons les divers facteurs de diérenciation ainsi que les trois grandes politiques qu’une organisation peut adopter à l’égard de la rémunération de certains groupes d’emplois ou d’unités ou encore de composantes de la rémunération.

4.2.1 Adopter une politique de rémunération diérenciée Une politique diérenciée (appelée aussi « mixte » ou « hybride ») en matière de rémunération varie selon divers facteurs, comme les caractéristiques des emplois, les caractéristiques des unités d’aaires et les composantes de la rémunération globale.

La gestion des enquêtes de rémunération

TABLEAU 4.1

131

Des exemples de politiques de rémunération par rapport au marché basées sur une augmentation du marché de 4 % par année

Au niveau du marché

À la tête du marché

À la remorque du marché

Politique mixte

Au début de l’année, les salaires sont établis selon la valeur qu’ils atteindront dans six mois (+ 2 %). Au cours des six premiers mois, ils seront supérieurs à ceux du marché, alors que, au cours des six derniers mois, ils seront inférieurs à ceux du marché.

Au début de l’année, les salaires sont établis selon la valeur qu’ils atteindront à la n de l’année (+ 4 %). Au cours de l’année, ils seront supérieurs à ceux du marché jusqu’au prochain ajustement de la structure salariale le 1er janvier.

Au début de l’année, les salaires sont xés de manière à être égaux à ceux du marché. Au cours de l’année, ils seront inférieurs à ceux du marché jusqu’au prochain ajustement de la structure salariale le 1er janvier (4 %).

Selon les catégories de personnel ou les composantes de la rémunération, la gestion des salaires varie.

Les caractéristiques des emplois : niveau, catégorie ou famille Une politique de rémunération peut aussi diérer selon le niveau hiérarchique des emplois. Par exemple, une entreprise peut choisir d’être à la tête du marché pour les cadres supérieurs et d’égaler le marché pour les autres catégories de personnel. En eet, pour les dirigeants d’entreprise, l’équité externe constitue un principe primordial pris en compte dans la détermination de leur rémunération. À l’inverse, dans le cas d’emplois uniques dans une organisation — par exemple, l’emploi de spécialistes du traitement des eaux dans une municipalité — pour lesquels il n’existe pas de barème sur le marché, l’équité interne prend une plus grande importance. Leur rémunération est alors fonction essentiellement de la valeur relative de leurs exigences en comparaison des autres emplois de la municipalité. Une politique de rémunération peut aussi varier selon les catégories de personnel ou de la famille d’emplois, notamment le personnel de vente, les employés de production, les spécialistes de l’informatique, les employés de bureau ou le personnel cadre et professionnel. Par exemple, une organisation peut se situer à la fois : • dans le troisième quart du marché (les trois quarts des employeurs payant le moins et le quart payant le plus) pour les titulaires occupant les emplois clés pour le succès de l’organisation ; • à la médiane du marché (la moitié des employeurs payant le plus et la moitié des employeurs payant le moins) pour les titulaires d’un autre groupe d’emplois moins critiques quant à son succès ; • dans le premier quart du marché (le quart des employeurs payant le moins et les trois quarts payant le plus) pour un troisième groupe d’emplois où les postes sont facilement pourvus sur le marché local.

Les caractéristiques des unités d’aaires La politique de rémunération d’une entreprise peut aussi varier en fonction de la localisation de ses unités d’aaires, de l’ampleur de la concurrence à laquelle elle fait face dans une région donnée, du coût de la vie dans cette région, de la mobilité particulière de ses habitants, etc. C’est le cas pour une entreprise qui décide d’ajuster ses salaires en fonction des villes, des provinces ou des pays où elle implante ses diverses unités d’aaires. En outre, il est permis de penser que les salaires versés pour des emplois comparables dans le secteur manufacturier varient considérablement entre les grands centres urbains et les zones urbaines de taille moyenne. Ainsi, des écarts peuvent atteindre 25 % entre les endroits les plus payants, comme Fort McMurray, en Alberta, et les endroits les moins payants, comme dans les provinces de l’Atlantique. Dans ce contexte, tout employeur

132

CHAPITRE 4

doit faire des choix, soit décider de rémunérer ses employés selon la moyenne nationale pour des raisons de simplicité et d’équité au sein des unités de l’entreprise ou bien tenir compte des diérences régionales de manière à s’adapter au marché local et à mieux cibler ses investissements au pays.

Les composantes de la rémunération Une organisation peut avoir une politique de compétitivité diérente pour chacune des composantes de la rémunération (voir la gure 4.1). Ainsi, il est possible qu’une organisation ait du retard à l’égard des salaires tout en étant dans le peloton de tête en matière

FIGURE 4.1

La répartition de la rémunération globale parmi trois catégories de personnel d’une PME en technologie de l’information

Source : Fafard (2006, p. 4).

La gestion des enquêtes de rémunération

133

de rémunération variable (primes, commissions, etc.), ou encore qu’elle ore une rémunération variable moins importante mais de généreux avantages sociaux. La fréquence accrue des régimes de rémunération variable indique que de plus en plus d’employeurs délaissent leur politique traditionnelle consistant à être à la tête du marché sur le plan des salaires pour adopter une politique résidant dans l’octroi de salaires égaux ou inférieurs à ceux du marché jumelée avec une politique visant à être un chef de le sur le plan de la rémunération variable. De plus en plus, avec l’augmentation des formes de rémunération tangibles et intangibles, le dé des dirigeants consiste à adopter une ou des politiques de rémunération totale qui soient cohérentes avec leur stratégie d’aaires, leurs valeurs de gestion, leurs autres activités de gestion, leur capacité de payer et la présence de facteurs compensatoires comme la sécurité d’emploi, les horaires de travail ou les perspectives de carrière. Par exemple, comparativement à une politique de salaires égalant ceux du marché sans rémunération variable mais comportant de généreux avantages sociaux, une politique de salaires inférieurs à ceux du marché jumelée avec d’importantes primes de rendement envoie des signaux diérents aux employés actuels et permet d’attirer des candidats diérents.

4.2.2 Égaler le marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux À l’égard de la composante « salaire », une organisation est au diapason du marché lorsqu’elle présente un écart d’environ 5 % par rapport au taux du marché. La plupart des entreprises arment orir une politique de salaires égalant ceux du marché parce qu’adopter une telle politique comporte moins de risques sur le plan des coûts. Comme cette politique n’a ni avantages ni inconvénients particuliers au point de vue de la rémunération, les employeurs qui l’adoptent doivent souvent établir des politiques plus dynamiques en ce qui concerne d’autres facettes de la gestion des ressources humaines ou d’autres conditions de travail pour être en mesure d’attirer et de conserver leurs meilleurs employés.

La politique de rémunération et la capacité de payer Même le fait d’orir une rémunération égale à la moyenne du marché peut s’avérer un dé pour une organisation dont les coûts de la main-d’œuvre représentent un pourcentage élevé de ses coûts d’exploitation, surtout si elle est en concurrence avec une entreprise dont les frais d’exploitation sont fortement axés sur les infrastructures ou le capital. Par exemple, une banque dont les coûts d’exploitation du personnel s’élèvent à 70 % n’a pas la même latitude qu’une ranerie de pétrole dont 1 % de ses coûts est aecté aux salaires et aux avantages sociaux. Pour les emplois qui se trouvent dans ces deux organisations — comme les emplois de bureau —, la banque ne peut pas livrer une concurrence sur la base de la rémunération. La capacité de payer est un facteur important à considérer dans le choix de sa politique de rémunération. Source : Extrait traduit et adapté de Greene (2010b, p. 40).

4.2.3 Être à la tête du marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux Si une organisation ore des salaires supérieurs à ceux du marché et que l’écart dépasse un taux de 5 %, on estime que sa politique consiste à être à la tête du marché.

Le prol des organisations et des emplois associés à une politique de rémunération à la tête du marché Les organisations qui privilégient une politique de rémunération visant à être à la tête du marché pour l’ensemble de leur personnel ont souvent des caractéristiques communes. Certaines catégories d’emplois sont également associées à une telle politique et font qu’une organisation est plus susceptible de les rémunérer avantageusement. L’encadré 4.1 à la page suivante liste les caractéristiques des organisations et des emplois susceptibles d’être associés à cette politique.

134

CHAPITRE 4

ENCADRÉ 4.1

Les caractéristiques des organisations et des emplois dans le cadre d’une politique visant à être à la tête du marché

Caractéristiques des organisations ■





■ ■









Ces entreprises assument des frais d’exploitation liés davantage aux immobilisations (capital intensive) qu’à la main-d’œuvre (people intensive), comme celles appartenant aux secteurs des ressources naturelles, de l’acier et de la pétrochimie. Elles sont de grande taille, ont une certaine notoriété ou veulent construire et maintenir une image de bon payeur ou d’employeur de choix. Elles peuvent assez facilement intégrer une augmentation des coûts de la main-d’œuvre au prix des biens et des services qu’elles orent. Pensons, par exemple, aux sociétés des industries des ressources naturelles et du pétrole, de l’informatique et pharmaceutique. Elles ont une bonne situation nancière. Elles comptent de nombreux emplois diciles à pourvoir (chercheurs, ingénieurs, programmeurs) parce qu’ils nécessitent des compétences poussées. Elles se préoccupent de la satisfaction des employés à l’égard des salaires étant donné que les coûts de recrutement et de rotation sont élevés en raison des budgets importants investis en formation. Elles veulent réduire un problème de rotation du personnel ou encore elles valorisent la conservation du personnel ou jugent que la stabilité du personnel est importante pour les clients et pour la qualité des services oerts. Elles veulent compenser leur performance historique fortement cyclique ayant pour eet que les possibilités d’emplois qu’elles orent sont volatiles ou plus risquées (comme dans le secteur des ressources naturelles). Elles veulent pallier le fait qu’elles se trouvent dans une industrie faisant l’objet de critiques sur le plan social et sur celui de la santé (par exemple, les industries du tabac et des jeux).

Caractéristiques des emplois ■



Ces entreprises doivent et veulent orir de meilleures conditions pour des emplois qui exigent des compétences particulières ou qui sont au cœur de la performance organisationnelle. C’est le cas, par exemple : – du personnel qualié ou aux compétences rares (ingénieurs, programmeurs, pharmaciens, conseillers ou consultants, etc.) qui tend à se montrer plus loyal envers sa profession qu’envers son employeur ; – du personnel technique (peintres, plombiers, etc.) qu’on trouve plus dicilement sur le marché de l’emploi ; – des vedettes du domaine du sport ou de celui des arts dont les sociétés commanditent les exploits ou qu’elles recrutent pour annoncer leurs produits et leurs services ; – des cadres supérieurs ou dirigeants d’entreprise ou encore des conseillers ou consultants clés ou vedettes au sein de grandes sociétés de consultation ; – de certains représentants commerciaux qui non seulement amènent «le pain et le beurre» (leur relation avec le client étant critique pour la conclusion d’une vente), mais savent ce que les concurrents orent (leur emploi étant aux frontières de l’entreprise) et n’hésitent pas à utiliser cette information pour renégocier leur propre rémunération ; – de certains employés expatriés ayant des expertises ou des expériences qu’il faut attirer et garder en poste à l’étranger. Ces entreprises doivent ou veulent compenser les inconvénients liés à des emplois, à leur organisation ou à leur industrie. C’est le cas, par exemple : – des emplois moins bien perçus socialement ou entachés de préjugés ou de stigmates sociaux (comme les éboueurs), caractérisés par une faible sécurité d’emploi (comme les professionnels des sociétés de courtage), où les chances de réussir sont faibles (sportifs professionnels, courtiers d’assurances, etc.), comportent des inconvénients (comme la saleté, l’obligation de voyager ou les risques pour la santé et la sécurité) ou ont un statut d’emploi moins prévisible et orant moins d’avantages sur le plan des assurances et de la retraite (comme les employés contractuels) ; – des emplois faits dans des conditions risquées ou en régions éloignées comme dans les mines, dans la construction d’autoroutes ou de gratte-ciel, dans une unité d’aaires localisée dans une région marquée par une instabilité politique, une guerre, etc.

La gestion des enquêtes de rémunération

On constate que non seulement les compétences requises pour occuper des emplois, mais aussi les conditions de travail à assumer (les horaires, l’obligation de voyager, les conditions d’hygiène, etc.) inuencent les taux de rémunération que l’organisation doit verser pour attirer et retenir le personnel nécessaire. Ainsi, il est possible qu’un emploi d’éboueur ait une valeur égale à celui de commis à la paie, mais que l’éboueur soit beaucoup mieux payé parce qu’il est plus dicile d’attirer des candidats pour ce poste que pour celui de commis à la paie. De nombreux employeurs accordent des primes à des titulaires d’un même emploi an de compenser certains inconvénients. Pensons aux primes de nuit pour le personnel inrmier ou aux primes de combat pour le personnel militaire. D’autres facteurs justient la formulation de politiques et de pratiques de rémunération distinctes pour les diverses catégories de personnel, notamment le fait qu’il y ait un syndicat ou non, l’importance de la catégorie de personnel quant au nombre d’employés ou quant à sa contribution au succès de l’entreprise. Ainsi, le spécialiste principal de la rémunération d’une société orant des conseils en rémunération sera sûrement mieux payé que le directeur de la rémunération d’une organisation appartenant à un autre secteur, puisque le premier a un rôle plus stratégique et se trouve au cœur des aaires. De plus, la présence croissante du personnel contingent a des eets directs sur la gestion de la rémunération, entre autres sur l’importance des salaires et des avantages sociaux versés. Les diérences à l’égard du traitement accordé au personnel contingent font d’ailleurs l’objet de plaintes de plus en plus nombreuses au sujet d’iniquités.

Les incidences d’une politique de rémunération à la tête du marché Une politique de rémunération visant à être à la tête du marché — surtout si elle s’applique à un plus grand pourcentage du personnel — augmente les coûts d’exploitation d’une organisation et réduit sa rentabilité. Cet eet négatif sur la compétitivité des organisations sera d’autant plus prononcé que les coûts de la main-d’œuvre représentent un pourcentage élevé des coûts d’exploitation. Toutefois, plusieurs raisons peuvent inciter un employeur à verser à ses employés une rémunération supérieure à celle du marché. Cela permet d’attirer et de retenir des employés plus compétents et performants, de créer une relation ou un contrat d’échange où les employés se sentent, en retour, obligés de s’engager davantage dans leur travail an de mériter ou de conserver leurs avantages sur le plan de la rémunération. Finalement, certains employeurs décident ou sont forcés d’accorder de meilleures conditions de rémunération à des employés an de compenser les inconvénients associés à leurs postes, à leur organisation ou à leur industrie (voir l’encadré 4.1). À ce jour, quelques chercheurs ont analysé les incidences de l’ore de salaires élevés. En général, les études tendent à conrmer le fait que des salaires élevés ont des eets positifs sur la facilité à attirer de meilleurs employés et des eets négatifs sur le taux de postes vacants, le temps de formation des nouveaux employés, la rotation du personnel (surtout pour des employés au même niveau) et l’absentéisme (voir la revue de Milkovich et al., 2011 ; Riddell, 2011). Toutefois, même au sein des entreprises reconnues pour être de bons payeurs (comme les industries pharmaceutique et pétrochimique), les études ne conrment pas que l’ore de salaires élevés augmente ultimement la performance des sociétés. Peu d’études corroborent l’idée que le versement de salaires supérieurs à ceux du marché incite les employés à faire plus d’eorts et à améliorer leur rendement an de dissiper le malaise d’être surpayés. En outre, l’étude de Gardner et ses collaborateurs (2004) montre que l’octroi de salaires supérieurs à ceux du marché améliore l’estime personnelle des employés (signe qu’ils sont importants pour l’employeur) ainsi que leur rendement et leurs comportements au travail. Par ailleurs, les études révèlent que la plupart des personnes qui se sentent initialement surpayées sont plutôt portées à réviser rapidement à la

135

Personnel contingent (contingent, contractual ou part time sta ) Personnel qui travaille sur une base temporaire, contractuelle ou à temps partiel.

136

CHAPITRE 4

hausse la perception qu’elles ont de la valeur de leurs contributions (leurs compétences, leurs eorts, leur rendement, etc.) pour en venir à considérer leur rémunération comme une juste rétribution (Gerhart et Rynes, 2003). Chose certaine, comme une politique de rémunération visant à devancer le marché permet d’attirer un plus grand nombre d’employés et de les retenir — quels que soient leurs compétences et leur rendement —, une organisation qui décide d’adopter une telle politique doit s’assurer de la qualité de son processus de sélection an d’être en mesure de découvrir et d’embaucher les meilleurs candidats. Par ailleurs, le gain d’ecacité résultant du fait, pour une entreprise, de pouvoir compter sur des employés plus compétents et plus motivés est également fonction de la qualité d’autres facteurs contextuels, comme le contenu du travail, la culture de gestion et la supervision.

4.2.4 Être à la remorque du marché pour tous les emplois ou certains d’entre eux En ce qui concerne la composante « salaire », une organisation se trouve à la remorque du marché lorsque les salaires qu’elle ore à ses employés sont inférieurs à ceux du marché et que l’écart est supérieur à 5 %.

Le prol des organisations et des emplois associés à une politique de rémunération à la remorque du marché Le prol des organisations qui décident d’être à la remorque du marché — sans nécessairement l’admettre publiquement — est présenté dans l’encadré 4.2. En outre, certaines entreprises orent une politique de rémunération inférieure à celle du marché an de mieux traverser une période nancière dicile ou de réduire leurs coûts de la main-d’œuvre, ou encore parce que d’autres conditions de travail compensent le « manque à gagner » aux yeux des employés. Par exemple, certaines petites entreprises du secteur de la haute technologie qui sont incapables d’orir des conditions de rémunération équivalentes à celles des grandes sociétés concurrentes attirent leurs employés en leur proposant des options d’achat d’actions, un mode de rémunération qui permettra éventuellement aux employés de s’enrichir lorsque l’entreprise s’inscrira à la Bourse.

Les incidences d’une politique de rémunération à la remorque du marché Si elle permet d’abaisser les coûts du personnel, une rémunération qui est à la remorque du marché peut rendre plus diciles le recrutement et la conservation du personnel, inciter des employés à se syndiquer ou à réduire leur engagement dans leur travail. Bien ENCADRÉ 4.2









Les caractéristiques des organisations dans le cadre d’une politique visant à être à la remorque du marché

Ces organisations perçoivent que le coût de la rotation de leur personnel est faible, que les emplois visés sont faciles à pourvoir étant donné qu’il y a une grande disponibilité de candidats. Elles ont à assumer des coûts du personnel représentant une proportion importante de leurs coûts totaux d’exploitation (people intensive). Pensons aux entreprises des secteurs de l’hôtellerie, du textile, de la chaussure et de l’enseignement. Elles peuvent limiter l’insatisfaction de leurs employés en ce qui a trait à leur salaire par l’entremise d’autres conditions de travail qui compensent le manque à gagner aux yeux des employés, notamment des horaires de travail exibles, des possibilités de promotion alléchantes, une localisation recherchée ou des gains à plus long terme. Elles traversent une période nancière dicile.

La gestion des enquêtes de rémunération

entendu, l’eet négatif de cette politique sur le recrutement et la délisation des employés sera plus prononcé dans la mesure où il existe d’importantes variations dans les conditions de rémunération oertes pour les postes visés sur le marché du travail. Si certaines recherches semblent confirmer qu’une politique consistant à se situer à la remorque du marché réduit la capacité d’une entreprise d’attirer les meilleurs employés, son eet positif sur la rotation du personnel n’est toutefois pas évident (Lee et Mowday, 1987 ; Noe et al., 1988). Il est possible qu’une organisation qui ore ce qui correspond à un « minimum acceptable » ne voie pas d’incidences sur le recrutement de son personnel si d’autres conditions de travail ont un eet compensatoire. Parmi celles-ci, mentionnons le climat de travail, les pratiques de conciliation travail-famille, les possibilités de carrière, la sécurité d’emploi, les possibilités de transport et le temps requis pour se rendre au travail.

4.3

Les sources d’information sur la rémunération

137

L’importance de la stratégie de communication de la rémunération Selon Normand Fafard, CRHA, associé, ressources humaines et rémunération chez Normandin Beaudry, il n’est évidemment jamais agréable de communiquer un gel des salaires ou un ajustement des structures salariales inférieur au taux d’ination. Toutefois, une communication honnête et crédible permet à l’organisation de traverser une crise avec un plus haut niveau de mobilisation des employés qu’une stratégie du silence. À l’opposé, de très bonnes nouvelles transmises de façon négligée peuvent provoquer des eets négatifs, semer la confusion, alimenter les rumeurs et créer une perception d’iniquité. Cependant, il importe d’adopter une stratégie de communication bien ancrée dans la réalité de l’organisation et de doser la transparence en prenant en compte plusieurs facteurs propres à chaque organisation. La sagesse professionnelle porte à croire que «trop, c’est comme pas assez». Source : Extrait adapté de Fafard (2008, p. 2).

Pour s’assurer de la compétitivité de la rémunération oerte à leurs emplois, les experts en rémunération ont de nombreuses sources à leur disposition. Ils peuvent prendre connaissance des résultats des enquêtes annuelles réalisées auprès d’employeurs an de connaître les augmentations de salaires prévues pour l’année suivante selon les catégories de personnel, le secteur d’activité, la taille de l’organisation, etc. Il leur est possible aussi de consulter des résultats d’enquêtes de rémunération gratuites ou moyennant des coûts, de participer à des enquêtes en échange de résultats ou de mener leur propre enquête de rémunération.

4.3.1 Les prévisions annuelles en matière d’augmentations de salaires Les employeurs peuvent consulter annuellement certains résultats d’enquêtes de planication des salaires, publiées dans la section « Aaires » des journaux, qui présentent les prévisions en matière d’augmentations de salaires pour l’année à venir. Ces prévisions proviennent d’enquêtes menées par des organismes privés (par exemple, le Conference Board du Canada, les entreprises de consultants) ou publics (par exemple, Ressources humaines et Développement des compétences Canada) auprès de certaines catégories d’entreprises (du secteur public, du secteur privé, etc.) ou d’emplois (de bureau, de cadres, de professionnels, etc.). Certaines sociétés-conseils refusent toutefois de publier de telles prévisions an de ne pas contribuer à accélérer l’ination des salaires, alors que d’autres limitent la diusion de celles-ci aux participants à leur enquête an de réduire les risques d’une mauvaise interprétation associée à une présentation qui ne rend pas compte des circonstances de l’enquête. À Montréal, chaque automne, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) présente, lors d’une journée de la rémunération, une synthèse des prévisions en matière salariale qu’ont établies diverses sociétés-conseils à la suite d’une enquête menée

138

CHAPITRE 4

au cours de l’été auprès d’un échantillon d’organisations. On y expose, par secteur d’activité, les moyennes d’augmentations annuelles de salaires prévues pour diverses catégories de personnel, et ce, tant au Québec qu’au Canada.

4.3.2 Les enquêtes préétablies faites par des tierces parties

Pour en savoir plus sur les grandes sources d’enquêtes ou d’information sur la rémunération, consulter l’encadré 4.1W.

Les données d’enquêtes de rémunération sont disponibles à divers prix et sur plusieurs supports autres que le traditionnel support papier : le support PDF, le support électronique, le Web. Ces informations sur la rémunération sont généralement obtenues auprès de professionnels des ressources humaines qui participent à des enquêtes préétablies faites par des tierces parties (comme les sociétés-conseils ou les associations professionnelles) ou à des enquêtes maison que des employeurs ont préparées eux-mêmes ou qu’ils ont fait faire par un consultant (par exemple, une enquête pour une industrie, une enquête locale). Toutefois, les nouveaux outils de communication permettent l’accès à des données sur la rémunération recueillies auprès de personnes qui acceptent de participer à des enquêtes sur le Web. Parmi les tierces parties qui eectuent des enquêtes préétablies, on trouve les organismes gouvernementaux, les associations professionnelles, d’aaires ou industrielles et les sociétés-conseils. En général, ces organismes présentent leurs données de rémunération sur des cédéroms ou sur un support papier. Plusieurs d’entre eux fournissent l’accès à des données ou communiquent les résultats d’enquêtes par l’entremise d’un site Web. Pour les employeurs, il s’avère plus facile et moins coûteux de considérer des enquêtes faites par des tierces parties. Habituellement, les employeurs qui participent à de telles enquêtes de rémunération préétablies peuvent avoir accès aux résultats en échange du temps qu’ils accordent pour répondre à ces enquêtes. Bien entendu, les employeurs obtiendront des résultats plus facilement et plus rapidement de cette manière que s’ils conçoivent et mènent eux-mêmes une enquête maison. En contrepartie, une enquête préétablie conduite par une tierce partie risque de ne pas porter sur des emplois qui intéressent un employeur, de ne pas s’appuyer sur un échantillon de participants pertinent pour un employeur, de ne pas fournir d’informations sur des composantes de la rémunération dont se préoccupe un employeur, et ainsi de suite. Par ailleurs, comme la banque de données est souvent anonyme, l’employeur qui consulte des enquêtes préétablies n’a pas la possibilité de retirer uniquement les informations provenant de concurrents qui lui paraissent pertinents. Toutefois, moyennant des frais additionnels et le respect de certains critères (comme le nombre minimal de participants), il est parfois possible d’obtenir des extraits sélectionnés.

4.3.3 Les enquêtes maison Au lieu de consulter des enquêtes préétablies réalisées par des tierces parties, un employeur peut faire sa propre enquête maison ou demander à une tierce partie d’eectuer une enquête maison qui lui permettra de connaître la rémunération pour certains emplois sur le marché. Les enquêtes maison correspondent aux enquêtes particulières conduites par les employeurs ou par des sociétés-conseils à la demande de clients. On procède souvent à de telles enquêtes pour colliger des informations sur la rémunération accordée à des emplois en recherche et développement ou en informatique (hot skills ou hot jobs). Les enquêtes maison comportent certains avantages. En eet, l’employeur qui mène une enquête maison ou qui demande à un consultant d’en réaliser une pour lui détermine les emplois repères, fait son propre appariement des emplois, choisit les organisations qui participeront à l’enquête et peut s’assurer du professionnalisme et de l’impartialité de l’enquête. À l’inverse, ces enquêtes comportent des inconvénients, lesquels sont toutefois

La gestion des enquêtes de rémunération

139

moins importants lorsque les employeurs font faire des enquêtes maison par une sociétéconseil en rémunération. Ainsi, l’employeur qui eectue une enquête maison est susceptible de connaître les problèmes suivants : • Il n’a peut-être pas les compétences nécessaires pour procéder à cette enquête. • Il risque de voir les titulaires des emplois visés par l’enquête remettre en question l’impartialité des résultats. • Il doit assumer la totalité des coûts d’une enquête, lesquels sont élevés. • Il risque d’obtenir un faible taux de participation, car les employeurs sollicités manquent de temps et peuvent avoir des doutes quant au respect de la condentialité. Aussi, il lui faut favoriser leur participation en leur promettant de préparer et de leur transmettre une synthèse des résultats.

4.3.4 Les données sur le Web Grâce aux nouvelles technologies de l’information, les employés et les employeurs peuvent maintenant accéder rapidement sur le Web à une foule de données concernant la rémunération. Que faut-il penser de cette abondance d’informations ? Pour pouvoir mesurer la valeur des données accessibles sur un site Web, il est important de clarier la nature et l’objectif du site, les caractéristiques des participants ou des visiteurs et la raison pour laquelle ces données sur la rémunération sont publiées. S’agit-il d’un organisme traditionnel (par exemple, une société-conseil, un organisme professionnel) qui utilise le Web comme média supplémentaire pour proposer ses produits ? S’agit-il plutôt d’un site non traditionnel qui demande aux visiteurs de remplir un questionnaire an de maintenir à jour une banque de données ? Ou encore s’agit-il d’un site qui amasse des données des petites annonces ou d’autres sites Web (par exemple, des données gouvernementales sur la rémunération) pour les revendre comme si c’étaient des données à jour ? Ensuite, il faut se demander qui sont les clients du site. Les sites dont les clients sont des personnes orent des données sur le salaire versé à un emploi qui intéressent le visiteur sur une base ponctuelle. Ces sites ne maintiennent pas de relation avec leur clientèle. Pour un certain coût, on peut connaître le salaire moyen accordé à un emploi, sans toutefois rien apprendre sur les autres composantes de la rémunération qui permettraient d’interpréter les résultats. De tels sites portent souvent sur des données recueillies auprès de personnes. Les sites dont les clients sont des employeurs ne se bornent pas à fournir des informations sur le salaire et la rémunération totale en espèces. Ils donnent aussi des informations sur la façon dont les données sont colligées, sur l’échantillon des employeurs participants, etc.

REGARD SUR LA PRATIQUE La consultation de sources d’information en matière de rémunération : des données à l’appui Près de 90 % des organisations disent établir leur rémunération en considérant des enquêtes menées par des tiers (dont la grande majorité, 70 % , celles sollicitant des informations auprès des experts en rémunération et non auprès des titulaires des emplois), 30 % d’entre elles se tournent vers des consultants pour demander leur avis sur la rémunération à verser. En outre, entre 14 % et 20 % des organisations consultent d’autres sources, comme Source : Extrait traduit et adapté de Culpepper and Associates, Inc. (2011).

les enquêtes de sources gouvernementales, les entrevues de sélection, les recruteurs, les annonces de postes et les circulaires d’information des organisations. Pour analyser les données, près de 80 % des organisations utilisent un chirier ou un tableur électronique (par exemple, Excel) et seulement un tiers, surtout les grandes organisations, recourent à des logiciels ou à des outils Web d’une société de rémunération ou de fournisseurs de logiciels.

140

CHAPITRE 4

4.3.5 Les enquêtes de rémunération Enquête de rémunération (compensation survey) Outil qui consiste à colliger des informations sur la rémunération oerte pour des emplois sur le marché du travail.

TABLEAU 4.2

Bien qu’elles ne permettent pas de déterminer à elles seules la valeur des diverses composantes de la rémunération totale, les enquêtes de rémunération demeurent un outil important à considérer.

L’information colligée Par le passé, les enquêtes de rémunération ont surtout été utilisées par les organisations de grande taille pour la détermination des salaires et des augmentations de salaires des employés. On parlait alors d’« enquêtes salariales ». Aujourd’hui, l’expression « enquête de rémunération » décrit davantage la majorité des enquêtes qui étendent la demande d’information aux primes, aux avantages sociaux et aux gratications (voir le tableau 4.2). Les salaires et les informations recueillies à cet égard (les salaires de base, les points « mini-milieu-maxi », l’étendue des échelles salariales, les temps de progression dans les échelles salariales, etc.) ne constituent qu’une partie de la rémunération, l’autre partie étant composée des avantages sociaux (les congés, les vacances, etc.), des conditions de travail (comme les horaires de travail), des primes annuelles (la prime cible, la prime maximum, la prime moyenne, etc.). Ainsi, il est fort diérent de gagner 1 200 $ pour 33 heures de travail par semaine, en disposant de 15 jours de congés payés et de 4 semaines de vacances par année, ainsi que d’un régime de retraite payé à 75 % par l’employeur, et de gagner 1 200 $ pour 38 heures de travail par semaine, en ayant 12 jours de congés payés et 2 semaines de vacances par année, et en ne bénéciant d’aucun régime de retraite.

Les incitations à court terme par catégorie de personnel et selon la taille de l’organisation Direction %

N*

Cadres %

N

%

N

Professionnels Bureau, Opérations, (autres que administration, production, ventes) emplois techniques service % N % N % N

Professionnels (ventes)

1-499 employés Salaire et prime

93 % 132 93 % 133

69 %

98

79 %

113

69 %

99

45 %

58

Prime cible (médiane)

30 %

82 18 %

89

20 %

56

10 %

81

7%

72

5%

35

Prime maximum (médiane)

41 %

77 25 %

81

25 %

50

15 %

72

10 %

62

8%

33

Prime eective en 2012 en pourcentage du salaire de base (médiane)

27 % 102 15 % 114

16 %

70

10 %

96

6%

82

5%

36

Salaire et prime

98 % 121 96 % 119

69 %

85

81 %

101

67 %

83

53 %

62

Prime cible (médiane)

35 %

81 15 %

80

15 %

39

10 %

64

6%

51

5%

33

Prime maximum (médiane)

60 %

73 30 %

74

28 %

36

15 %

60

10 %

49

9%

32

Prime eective en 2012 en pourcentage du salaire de base (médiane)

36 %

79 16 %

81

15 %

39

10 %

66

6%

51

5%

34

1 000-4 999 employés

* N = nombre. Source : Adapté de Mercer (2013, p. 35).

La gestion des enquêtes de rémunération

L’encadré 4.3 présente la liste des renseignements généralement recueillis lors d’une enquête de rémunération. Évidemment, la nature des informations colligées par une entreprise varie en fonction de ses objectifs, de sa taille, de son secteur d’activité économique, de la catégorie ou du niveau hiérarchique des emplois sondés, etc.

Les étapes du processus d’enquête de rémunération Le processus d’enquête de rémunération repose sur les étapes suivantes : la détermination des objectifs et de l’étendue de l’enquête, le choix de la méthode d’enquête, la détermination des sources d’information, la collecte des données ainsi que l’analyse et la présentation des résultats de l’enquête (voir l’encadré 4.4, à la page suivante). Nous décrirons plus en détail ces diérentes étapes dans les sections 4.4 à 4.10. ENCADRÉ 4.3

L’information colligée lors des enquêtes de rémunération

1. Information sur les organisations sondées ■ Secteur d’activité économique ■ Localisation ■ Nombre d’employés permanents et à temps plein ■ Chire d’aaires ■ Pourcentage d’employés syndiqués par catégorie de personnel 2. Information sur la rémunération directe ■ Base de salaire : horaire, hebdomadaire, annuel ■ Nombre d’employés par emploi ■ Échelle des salaires : salaire minimum, point milieu (point de contrôle, maximum normal), salaire maximum au mérite ■ Salaire versé : salaire minimum payé, salaire maximum payé et moyenne pondérée des salaires versés ■ Augmentations de salaires en fonction du rendement individuel, des années de service (en combien de temps passe-t-on du minimum au maximum de l’échelle ?), du coût de la vie, etc. ■ Montant des primes : prime cible, prime maximum possible, primes versées ■ Nombre d’employés admissibles à une prime et ayant reçu une prime ■ Rémunération des heures supplémentaires : après une journée normale, après une semaine normale, samedis et dimanches, jours fériés 3. Information sur les conditions de travail, les avantages sociaux et le régime de retraite ■ Nombre d’heures de travail hebdomadaire ■ Nombre de jours fériés payés ■ Congés au-delà des exigences légales (durée) : naissance ou adoption, décès (famille immédiate ou autres), mariage (personnel, membre de la famille), congés pour des raisons personnelles, etc. ■ Vacances annuelles : nombre de jours selon le nombre d’années de service ■ Avantages sociaux et régime de retraite : assurance vie de groupe, assurance invalidité de longue durée, assurance invalidité de courte durée, assurance accident, assurance maladie, assurance médicaments, assurance dentaire, etc., contribution des employés, contribution de l’employeur ■ Étendue de l’enquête : emploi ou famille d’emplois, organisations

141

142

CHAPITRE 4

ENCADRÉ 4.4

Les cinq étapes du processus d’enquête de rémunération

1. Objectifs et étendue de l’enquête de rémunération ■ Emplois ou familles d’emplois visés, marché de référence 2. Méthode d’enquête de rémunération ■ Méthode d’appariement des emplois repères, d’appariement des groupes professionnels ou fonctionnels, d’appariement par l’évaluation des emplois 3. Sources d’information ■ Tierce partie (par exemple, les gouvernements, les organismes privés ou les consultants) ou enquête maison (par exemple, l’organisation elle-même ou une société-conseil) 4. Modes de collecte des données sur la rémunération ■ Questionnaire envoyé par la poste ou par voie électronique, entretien téléphonique, entrevue en personne, etc. 5. Analyse et présentation des résultats de l’enquête de rémunération ■ Actualisation et pondération, mesures de tendance centrale, mesures de distribution, indice de compétitivité, présentation des résultats

REGARD SUR LA PRATIQUE Réduire ses coûts de la main-d’œuvre en période de crise économique En 2009, lors de la crise économique, et ce, surtout dans les • la réduction ou le gel des primes ou des dépenses secteurs manufacturier, des transports, des communications et de la haute technologie, la plupart des organisations ont pris diverses mesures pour réduire leurs coûts de la main-d’œuvre : • le gel des salaires ; • le gel de l’embauche ou la réduction des eectifs permanents ou temporaires ou encore de la durée de la semaine de travail ;

de voyage ;

• la diérenciation accrue entre les cotes de performance et la rémunération variable des employés.

Source : Extrait adapté de St-Onge (2009, p. 7).

4.4

Les objectifs de l’enquête de rémunération

Les entreprises peuvent eectuer des enquêtes de rémunération pour diverses raisons. Elles doivent donc déterminer les objectifs de l’enquête de rémunération, c’est-à-dire les informations qu’elles souhaitent obtenir (voir l’encadré 4.5). Par ailleurs, les raisons de procéder à des enquêtes de rémunération sont susceptibles de varier selon les acteurs-utilisateurs. Ainsi, les experts en relations du travail veulent connaître les conditions de rémunération oertes sur le marché an de mieux se préparer aux négociations de conventions collectives. Les experts en nance peuvent souhaiter rationaliser les coûts de la main-d’œuvre, tandis que les professionnels des ressources humaines voudront peut-être s’assurer que le départ de certains employés n’est pas causé par une rémunération non compétitive.

La gestion des enquêtes de rémunération

ENCADRÉ 4.5 ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■

■ ■

143

Quelques raisons d’eectuer des enquêtes de rémunération

Pour valider ou réviser la structure salariale actuelle Pour ajuster les salaires de base Pour déterminer les budgets d’augmentations de salaires ou de primes Pour évaluer la compétitivité de la rémunération par rapport au marché cible Pour se préparer aux négociations de conventions collectives Pour contrôler ou réduire les coûts de la main-d’œuvre Pour savoir quoi et combien orir à un candidat an de l’attirer Pour savoir quoi et combien orir au personnel clé an de le retenir Pour valider les évaluations des emplois Pour analyser certains problèmes d’attraction ou de rotation du personnel Pour estimer les coûts de la main-d’œuvre des concurrents Pour réduire les conits internes et réfuter les plaintes en matière d’iniquités Pour réduire les dicultés de recrutement et de conservation du personnel clé Pour déterminer les diverses composantes de la rémunération totale Pour communiquer aux employés la préoccupation de la direction quant à l’équité et son souci d’avoir une gestion transparente Pour aider à déterminer la classe d’emplois d’un nouveau poste Pour mettre à jour la structure salariale après une longue période de gel des salaires

4.5

La portée et l’étendue des enquêtes de rémunération

Le type d’enquête de rémunération peut varier grandement selon le nombre et la diversité des emplois couverts tout comme selon la précision et les détails des informations colligées. Évidemment, plus on sollicite de détails sur des emplois précis, plus l’enquête est coûteuse en argent et en temps à investir pour l’élaborer, la mettre en œuvre, l’analyser et en synthétiser les résultats.

4.5.1 Les enquêtes à portée générale ou à portée particulière L’entreprise veut-elle colliger des informations pour tous les emplois ou pour un certain nombre d’emplois seulement ? Une enquête de rémunération peut avoir une portée générale ou une portée particulière. Une enquête de rémunération à portée générale vise à recueillir des informations de base sur les conditions de rémunération oertes à plusieurs grandes familles d’emplois qui peuvent être spéciques d’une industrie ou se trouver dans diérentes industries. Les enquêtes à portée générale visent habituellement les buts suivants : mettre à jour la structure salariale, diérencier les salaires accordés aux emplois, connaître les composantes de la rémunération totale versée pour les emplois, déterminer des augmentations de salaires. Les grandes organisations peuvent eectuer ou consulter des enquêtes générales de rémunération sur une base régulière de trois ans. Une enquête à portée particulière ou ciblée s’eectue souvent sur une base ponctuelle pour des groupes fonctionnels (par exemple, les ingénieurs, les employés du service des nances) ou un groupe particulier (par exemple, les dirigeants, les représentants

Structure salariale (pay structure) Ensemble de règles et de procédures balisant ociellement la détermination et la gestion des salaires versés aux titulaires de certains emplois ou au personnel aecté à certains postes de travail.

144

CHAPITRE 4

commerciaux) et collige des informations détaillées. Elle s’applique à des emplois particuliers comme les suivants : • des emplois nouvellement créés ; • des emplois où les postes sont diciles à pourvoir (par exemple, programmeur, pharmacien) ; • des emplois où il est dicile de retenir les titulaires ou qui sont marqués par un taux de rotation élevé ; • des emplois où les titulaires expriment de l’insatisfaction envers leurs conditions de rémunération ; • des emplois où les titulaires présentent un problème de rendement ou de comportement ; • des emplois dont il est dicile d’apprécier la rémunération à l’aide d’une enquête générale ou d’une méthode courante d’évaluation des emplois.

4.5.2 L’étendue et la spécicité des enquêtes On peut aussi distinguer le caractère générique et le caractère spécique d’une enquête de rémunération. Plus une enquête couvre des emplois variés, plus elle est étendue et plus elle est approfondie, plus elle demande des informations précises sur des emplois. Comme l’illustre la gure 4.2, une enquête peut cibler un large groupe fonctionnel, comme les ingénieurs en informatique (sofware) ou des fonctions précises à l’intérieur de ce groupe, comme les ingénieurs d’applications ou les ingénieurs de systèmes d’exploitation. On peut alors parler de l’étendue ou de la profondeur des enquêtes de rémunération. FIGURE 4.2

Une illustration de l’étendue d’une enquête de rémunération pour des emplois en informatique

Plus générique

Plus spécique

Degré de spécicité habituellement utilisé dans une enquête de référence

Degré de spécicité habituellement utilisé dans une enquête portant sur une seule fonction

• Ingénieur en matériel informatique (hardware) • Ingénieur réseau • Ingénieur CAO (conception assistée par ordinateur) • Ingénieur mécanicien Architecture ouverte

Linux

Ingénierie des systèmes Unix d’exploitation

Ingénierie

• Ingénieur en logiciels

Ingénierie de systèmes Ingénierie des systèmes d’exploitation spéciques — d’exploitation

AIX Apple OS X Tiger HP-UX Solaris

Ingénierie de systèmes d’exploitation Windows

Windows Windows NT Vista/XP Serveur Windows

Ingénieur d’applications Source : Traduit de Cardinal (2012, p. 31).

La gestion des enquêtes de rémunération

4.6

145

La détermination du marché d’employeurs de référence

Auprès de quels organisations ou marchés l’enquête de rémunération sera-t-elle eectuée ? Les employeurs veulent savoir ce que d’autres employeurs accordent sur leur marché pour pouvoir ajuster leurs ores de rémunération. Mais quel est donc leur marché ? La détermination du marché de référence de l’enquête de rémunération consiste à délimiter l’étendue géographique de l’enquête et à choisir les organisations à sonder en prenant en considération divers facteurs (l’industrie, la taille, la mobilité des titulaires des emplois visés par l’enquête, etc.). Chaque organisation doit déterminer quels critères parmi les précédents désignent le mieux la concurrence et établir si cette dernière change selon les catégories d’emplois. En eet, une organisation peut fort bien conclure que diérentes catégories de personnel ont divers marchés de référence. Le tableau 4.3 donne un exemple de philosophie de rémunération diérenciée par famille d’emplois, leur marché de référence et leur positionnement ciblé en matière de rémunération en espèces. Selon Claude Leroux, consultant en rémunération, la détermination du marché approprié est fonction, jusqu’à un certain point, de l’objectif poursuivi. Si un employeur veut démontrer que les salaires oerts sont compétitifs, il voudra connaître les salaires dans les entreprises de sa région, de son secteur d’activité, de la même taille ou dans les entreprises qui présentent une combinaison quelconque des critères qui précèdent. S’il veut orir une rémunération attrayante, il doit spécier les prols d’employés qu’il veut attirer et les employeurs avec lesquels il est en concurrence pour embaucher ce prol d’employés. Cela comporte de nombreuses possibilités, comme celles-ci : • Un employeur du secteur privé peut être en concurrence avec des entreprises du secteur public. • Un employeur de petite taille peut perdre des employés au prot de la grande entreprise. TABLEAU 4.3

Emplois

• Personnel de bureau

• Techniques • Professionnels • Gestionnaires

Un exemple de philosophie de rémunération diérenciée au sein d’une organisation Philosophie de rémunération* Marché de référence Positionnement cible au sein du marché de référence

• Marché local • Toutes industries confondues • Entreprises de toutes tailles • Marché provincial • Pour les emplois spéciques à l’industrie : même industrie

• Sinon, toutes industries confondues • Entreprises de toutes tailles (techniques) / de taille comparable (autres niveaux)

• Cadres supérieurs • Marché national • Pour les emplois spéciques à l’industrie : même industrie

• Sinon, toutes industries confondues • Entreprises de taille comparable

• 50e percentile : salaires / rémunération totale en espèces Emplois de vente : • 50e percentile : salaires • 75e percentile : rémunération totale en espèces • Autres familles d’emplois : • 60e percentile : salaires / rémunération totale en espèces

• 60e percentile : salaires • 75e percentile : rémunération totale en espèces • 90e percentile : rémunération directe

* Cet exemple ne présente qu’une portion d’une philosophie de rémunération, soit celle traitant des salaires et de la rémunération variable, et exclut les autres composantes de la rémunération globale, dont les avantages sociaux et les régimes de retraite. Source : Khlat (2012a, p. 6).

146

CHAPITRE 4

• •

Un employeur de grande taille peut voir ses employés de talent fonder leur propre entreprise. Un employeur établi au Québec peut voir des titulaires de certains postes (par exemple, le poste d’inrmière) émigrer vers d’autres provinces ou d’autres pays.

Le marché de référence peut être déni par le secteur d’activité, par le marché géographique potentiel de l’emploi ou par le marché réel pour lequel les employés quittent l’entreprise.

4.6.1 Les critères de référence : secteur d’activité, type et taille de l’organisation Certaines compétences sont propres à une industrie ou à un type d’organisation. Les employeurs peuvent décider de comparer la rémunération qu’ils orent avec celle qu’orent des concurrents sur le marché des produits ou des services, c’est-à-dire des organisations du même secteur d’activité économique ou des organisations semblables. Plus précisément, ils chercheront à se comparer avec des organisations de même taille dans leur industrie. Cela se produit lorsque la mobilité des titulaires de certains emplois est surtout de nature intra-industrielle ou intrasectorielle. Par exemple, un ingénieur en télécommunications, un technicien en radiologie ou un professeur ne peuvent travailler que dans certains secteurs d’activité. En général, on tient compte des salaires oerts par des concurrents dans l’industrie pour des emplois de professionnels et de cadres. On peut aussi vouloir se comparer avec des organisations de même taille, mesurée par le chire d’aaires ou le nombre d’employés, dans une même industrie ou dans des industries particulières. En ce qui concerne les cadres supérieurs, on compare souvent les conditions de rémunération oertes par les organisations de même taille dans l’industrie.

4.6.2 Le marché potentiel géographique de l’emploi Pour juger de la compétitivité de la rémunération oerte, les employeurs peuvent comparer celle-ci avec la rémunération qu’accordent des entreprises sur le marché de l’emploi qui se font concurrence pour attirer et conserver les titulaires des emplois. Ce marché de référence est privilégié pour des titulaires d’emplois qui peuvent postuler un emploi ou quitter leur emploi an d’occuper un poste semblable au sein d’organisations diérentes dans diverses industries, comme c’est le cas pour des employés de bureau (par exemple, les secrétaires, les commis comptables) et de production. En somme, ici, la mobilité potentielle des employés sert à délimiter géographiquement un marché de référence. Pour les emplois de bureau ou les emplois de production non spécialisés, le marché est essentiellement local. Pour certains emplois de professionnels ou de cadres, le marché peut correspondre à une province, à un pays ou au monde entier. En général, plus un emploi est spécialisé et de niveau hiérarchique élevé, plus le marché géographique de cet emploi est grand. Ainsi, une institution nancière peut, par exemple, retenir successivement un marché local, régional ou national pour pourvoir des postes de bureau, de professionnels ou de direction.

4.6.3 Le marché réel des employeurs concurrents pour l’emploi Même si la mobilité potentielle d’un cadre est nationale, la mobilité réelle des cadres d’une entreprise en particulier peut se limiter à une région. C’est le cas pour les cadres qui travaillent pour un employeur important établi dans une petite localité. Dans cette situation, la conduite d’une enquête ayant une portée nationale mènerait à une surestimation des salaires si les salaires oerts dans la région sont moins élevés, ou à une sous-estimation des salaires si les salaires oerts dans la région sont plus élevés. Par exemple, un employeur qui utilise un progiciel de gestion intégré et qui veut savoir combien le marché paie pour

La gestion des enquêtes de rémunération

147

un expert en informatique désirera connaître ce que les organisations possédant aussi un progiciel de gestion intégré paient pour leurs experts en informatique. Lorsqu’un employeur considère la mobilité réelle de son propre personnel pour déterminer géographiquement le marché de référence, il doit se poser les questions suivantes : sur quel marché l’organisation recrute-t-elle le personnel visé ? Quels médias (locaux, régionaux, nationaux, internationaux) utilise-t-elle pour recruter le personnel ? Pour qui les employés visés quittent-ils l’organisation ? Au prot de quel marché l’organisation perd-elle le personnel visé ? Sur quel marché l’organisation accepte-t-elle de faire face à la concurrence pour obtenir ce personnel ? L’étendue géographique de l’enquête dépend alors du marché réel de l’emploi où une organisation fait du recrutement ou perd des employés. De nombreux facteurs inuencent le marché réel de l’emploi. Avec le phénomène du vieillissement de la population, on peut comprendre que des employés dont l’âge moyen tourne autour de 50 ans sont moins portés à changer d’emploi. Les couples à deux carrières sont aussi plus limités au point de vue de la mobilité. La mobilité eective des employés est également fonction de critères tels que le prix des maisons et des logements, le coût de la vie, les taux d’intérêt ou la qualité de la vie. Par ailleurs, avec les nouvelles technologies de l’information, des titulaires de certains emplois peuvent changer d’employeur sans devoir changer de lieu de résidence, ou encore des employeurs considèrent leur marché de l’emploi sur une base internationale (par exemple, des employés en Inde assurant le service à la clientèle d’une société de service américaine ou canadienne). En dénitive, dans de nombreux cas, la diculté pour une entreprise consiste davantage à déterminer le marché de référence qu’à se comparer avec celui-ci. Pour un employeur, le problème relève également du fait que des titulaires de certains postes peuvent décider de se comparer avec un référent externe diérent de celui qu’il retient pour décider de la rémunération de ces postes. Aussi, et comme le démontre la mise en situation en début de chapitre, il est important que l’employeur explique et justie le choix des référents avec lesquels il compare la rémunération pour en évaluer la compétitivité. Le tableau 4.4 synthétise certains compromis associés à diérents types d’enquêtes de rémunération selon l’étendue de l’enquête et les groupes d’employés visés.

TABLEAU 4.4

Les compromis à analyser lors du choix d’un type d’enquête Marché de référence

Groupe d’employés

Marché cible

• Inclut généralement : • Se concentre sur salariés, personnel de soutien, superviseurs, professionnels, gestionnaires • Inclut potentiellement : niveau d’entrée, dirigeants

un sous-ensemble salariés, personnel de particulier de soutien, superviseurs, la population : professionnels, gestionnaires groupe d’employés • Inclut potentiellement : (représentants, niveau d’entrée, dirigeants dirigeants, etc.) exerçant une fonction

Domaine • Étendue : large • Étendue : étroite Fonctionnel • Couvre un très large • Couvre les foncéventail de domaines tions à l’intérieur fonctionnels et comde la population prend généralement choisie chaque grande fonc• Profondeur : tion d’une organisation détaillée • Profondeur : faible Source : Traduit de Cardinal (2012, p. 34).

Secteur d’activité

• Inclut généralement :

• Étendue : étroite • Couvre des fonctions spéci-

Région géographique

• Inclut généralement : salariés, personnel de soutien, superviseurs, professionnels, gestionnaires

• Étendue : large ou étroite • Peut porter sur un secteur

ques d’un secteur d’activité ; d’activité particulier ou une où les niveaux de rémunérafonction à l’intérieur d’une tion pour une fonction plus région géographique ou avoir commune sont propres au une étendue analogue à celle secteur d’activité ciblé de l’enquête de référence • Profondeur : faible à • Profondeur : faible à détaillée détaillée

148

CHAPITRE 4

4.7

Pour en savoir plus sur l’utilisation des enquêtes de rémunération

La sélection des enquêtes de rémunération

Même si l’on se réfère souvent au « taux du marché » pour expliquer les décisions en matière de rémunération, il faut reconnaître qu’il n’existe pas un taux du marché unique. De fait, il y a autant de taux du marché que de marchés. Il faut se rappeler que les enquêtes de rémunération ne reètent pas les conditions de rémunération de l’ensemble de la population visée, mais plutôt celles des employeurs qui ont participé à ces enquêtes. En raison des limites inhérentes à toutes les enquêtes, il est souvent nécessaire de retenir plusieurs enquêtes et de bien les sélectionner.

4.7.1 L’importance de recourir à plus d’une source d’information Un employeur peut analyser les résultats de plusieurs enquêtes de rémunération menées à divers moments et selon diérentes normes. Si une enquête montre que plus de 80 % des entreprises utilisent au moins deux enquêtes pour chaque emploi repère, de toute évidence ce nombre est fonction de la valeur ajoutée de cette information additionnelle en comparaison des coûts que cela entraîne (Weinberger, 2013). Par ailleurs, on doit aussi prendre en compte le fait que le personnel est susceptible d’apporter d’autres chires provenant d’autres enquêtes qu’il faudra considérer. Quoique la qualité d’une source soit plus importante que le nombre de sources, il peut s’avérer important de s’appuyer sur plus d’une source pour maintes raisons : vérier la abilité des données, pallier les limites des diverses sources d’enquête, se comparer avec un plus grand nombre d’entreprises avec lesquelles l’entreprise souhaite se comparer, tenir compte des avis ou des propositions du personnel ou du syndicat, etc. Ainsi, les données sur la rémunération peuvent provenir de diverses sources, chacune comportant des atouts et des limites.

4.7.2 Les critères de sélection des enquêtes de rémunération Les enquêtes de rémunération donnent une indication ou un cadre de référence sur l’étendue des salaires oerts pour un emploi ; elles ne fournissent pas un montant exact et précis. Si les diverses enquêtes donnent lieu à diérents résultats, l’entreprise doit-elle présenter uniquement celles qui conrment la position qu’elle veut faire valoir ? Les enquêtes de rémunération n’ont pas pour but de recueillir des renseignements auprès d’un groupe particulier d’employeurs (ceux qui ont la réputation de mieux payer ou de payer moins, de payer à un certain taux, etc.). Elles visent à obtenir des indications sur l’état général de la rémunération dans les organisations avec lesquelles l’entreprise entre en concurrence pour un emploi donné. Pour sélectionner avec soin les enquêtes, il faut analyser et interroger le processus d’enquête et les données qu’il a permis de recueillir. Les chires qu’on y trouve n’ont de valeur que dans la mesure où le marché examiné est pertinent, où les appariements d’emplois sont eectués correctement, où la méthode d’enquête est bien utilisée et où les résultats sont analysés et interprétés adéquatement. Par conséquent, pour apprécier la valeur de l’enquête de rémunération et de ses résultats, il faut connaître les caractéristiques de l’échantillon des employeurs participants et les particularités de la méthodologie adoptée, qui devrait être jointe à l’enquête. Avec la multiplication des sources dans les réseaux sociaux, il faut se montrer prudent à l’égard des données d’enquêtes oertes gratuitement sur le Web et s’assurer de la délité et de la validité des données. En somme, selon les ressources dont dispose l’entreprise (temps, compétences, budget, information), le choix des enquêtes sera fonction des informations qu’elle possède sur les points suivants : • le nombre et la variété des emplois couverts ; • le nombre, le type, la taille et la localisation des employeurs participants ; • la méthodologie, le déroulement ou le processus de l’enquête ;

La gestion des enquêtes de rémunération

• • • • • •

149

les modes ou la qualité des appariements ; l’âge des données colligées (le plus à jour possible) ; les composantes de la rémunération prises en compte et la manière dont elles sont prises en compte ; les types de données et de statistiques fournies (salaire horaire, moyennes, médiane, percentiles, quartiles, rémunération totale, échelles salariales, taux de abilité, etc.) ; les préférences des parties prenantes (direction, personnel, syndicat, etc.) ; etc.

Par exemple, ce ne sont pas tous les responsables des enquêtes de rémunération qui ramènent sur une base horaire les salaires fournis par les organisations participantes. Pourtant, il est très diérent de gagner 550 $ pour 40 heures de travail par semaine et 550 $ pour 35 heures de travail par semaine. On comprend donc pourquoi un syndicat représentant des employés qui travaillent 37,5 heures par semaine préconise les salaires horaires si les employés des autres entreprises du marché de référence travaillent généralement 35 heures par semaine. Par ailleurs, lorsque les salaires et les avantages sociaux sont analysés séparément, il peut être trompeur de tirer des conclusions à partir de l’une ou l’autre de ces composantes. En eet, une organisation peut se situer en deçà du marché pour ce qui est des salaires et au-delà du marché pour ce qui est des avantages sociaux, ou l’inverse. Aussi, il importe de considérer la précision des données colligées sur les échelles salariales ou encore les primes versées (minimum, cible, maximum). Par exemple, on mentionne le minimum de l’échelle, le maximum de l’échelle (on indique ce taux s’il y a un taux unique) et le salaire « hors échelle » (ce montant correspond à un taux supérieur au maximum de l’échelle, si cela s’applique au titulaire ou à l’un des titulaires, sinon il correspond au taux maximum de l’échelle). Finalement, des enquêtes (annuelles, triennales, etc.) faites ponctuellement par le même organisme présentent aussi un problème de comparaison des résultats. Ainsi, il devient dicile de savoir si les changements dans les données d’un même type d’enquête menée à deux moments diérents reètent l’évolution des salaires sur le marché entre ces deux dates ou s’ils s’expliquent par le fait que le nombre et la nature des employeurs participants n’étaient pas les mêmes pour les deux enquêtes. Les diérences entre les résultats de deux enquêtes successives doivent être interprétées à la lumière des modications qui se sont produites dans les entreprises participantes ou dans les caractéristiques des emplois touchés.

LE COIN DE LA LOI

Les enquêtes de rémunération et la violation des lois antitrust

En 1994, dans l’aaire United States c. Utah Society for Heathcare Human Resources Administration, on alléguait que les hôpitaux de l’Utah ont échangé de façon irrégulière des informations relatives au salaire des inrmières dans une enquête de rémunération. La poursuite, première aaire civile à lier les enquêtes de rémunération à la violation des lois antitrust, et l’enquête devant jury qui s’en est suivie ont amené le ministère de la Justice et la Federal Trade Commission (FTC) à émettre des lignes directrices sur le bon usage des enquêtes de rémunération, dont l’application fut universelle. Selon ces lignes directrices, les enquêtes de rémunération doivent être réalisées, analysées Source : Extrait traduit et adapté de Buchanan (s.d.).

et diusées par un tiers. Dans une autre poursuite intentée en 2001 contre un consortium de 14 entreprises pétrolières, la Cour d’appel a donné raison à la poursuite parce que les entreprises avaient elles-mêmes compilé le rapport d’enquête de rémunération plutôt que d’utiliser les services d’un tiers. Cette décision ainsi que les lignes directrices précisent que l’enquête de rémunération doit provenir d’une entité indépendante ne possédant aucun intérêt dans l’information ou l’analyse du rapport. Une telle entité pourrait être, par exemple, une association professionnelle, une société-conseil ou une entreprise spécialisée dans les enquêtes de rémunération.

150

CHAPITRE 4

4.8

Les méthodes d’enquête de rémunération

Il existe trois grandes méthodes d’enquête de rémunération : l’appariement des emplois repères, l’appariement des groupes professionnels ou fonctionnels et l’appariement par l’évaluation des emplois.

4.8.1 L’appariement des emplois repères Même si une enquête de rémunération porte sur une ou plusieurs familles d’emplois (par exemple, les emplois de cadres, de production, de bureau), elle ne colligera pas de données de rémunération pour tous les emplois de la famille ou des familles d’emplois, sinon l’enquête s’avérerait longue et ardue, à la fois pour la personne qui l’eectue et pour les organisations participantes. De plus, cela soulève des problèmes de comparaison parce qu’il est rare de trouver au sein de deux entreprises — même dans celles d’un même secteur industriel et de même taille — des titres d’emplois identiques ou semblables correspondant au même contenu. En pratique, une enquête de rémunération porte souvent sur un nombre restreint d’emplois dont le contenu est potentiellement identique d’une organisation à l’autre. On détermine ces emplois, que l’on qualie de « repères » ou « clés », en tenant compte des divers critères listés dans l’encadré 4.6. Par exemple, des emplois dont le contenu est stable, déni, assez typique, comportent divers niveaux d’exigences ou un grand nombre de postes. Pour les organisations sondées, cette méthode d’enquête de rémunération consiste à comparer le contenu des emplois repères présentés dans l’enquête avec le contenu de leurs propres emplois et à estimer le degré de similitude entre ces emplois. En d’autres termes, pour un employeur, il s’agit d’analyser la correspondance entre la description d’un emploi eectuée dans une enquête et le contenu réel d’un emploi comparable au sein de son organisation sur la base de diverses caractéristiques : les tâches, les responsabilités, le prol d’exigences, le niveau hiérarchique, le nombre d’employés supervisés, le budget à gérer, etc. Comme les données d’une enquête sont souvent amassées au moyen d’un questionnaire, on présente rarement les descriptions complètes des emplois repères aux employeurs participant à l’enquête. Dans certains cas, on ne révèle d’ailleurs que le titre des emplois sans donner d’aperçu de leur contenu. Plus fréquemment, on ore une description sommaire de ENCADRÉ 4.6

Les caractéristiques des emplois repères

Les emplois repères… ■ sont jugés importants parce qu’ils regroupent un grand nombre d’employés ou qu’ils sont au cœur de la mission de l’entreprise ; ■ sont représentatifs de l’ensemble des emplois de l’entreprise (représentativité horizontale et verticale) quant aux niveaux et aux types de responsabilités, et à l’importance de la rémunération versée ; ■ ont un contenu (rôles, responsabilités, activités) plutôt uniforme, stable, bien déni et connu de tous ; ■ sont courants et existent dans les autres entreprises ; ■ sont jugés par les syndicats et la direction comme étant des emplois clés ; ■ sont perçus comme correctement payés sur le marché ; ■ sont faciles à apparier avec d’autres emplois ; ■ correspondent à des emplois clés, stratégiques ou présentant des dés en matière de recrutement, de conservation et de satisfaction des titulaires.

La gestion des enquêtes de rémunération

l’emploi (voir l’encadré 4.7) ainsi qu’un organigramme. En eet, pour un même emploi, des écarts de salaires importants (de plus de 50 %) peuvent être observés dans des organisations pour un même poste selon le niveau hiérarchique de son titulaire. Certains questionnaires d’enquête exposent, après chaque description sommaire de l’emploi, des caractéristiques des titulaires de l’emploi (expérience, formation, etc.). D’autres enquêtes demandent aux participants d’indiquer si l’emploi décrit dans le questionnaire comporte des responsabilités équivalentes, inférieures ou supérieures à celles qui sont liées à un emploi semblable dans leur organisation an d’obtenir un indicateur de la qualité de l’appariement. En somme, l’appariement des emplois d’une entreprise et de ceux qui sont décrits dans une enquête de rémunération s’avère un processus subjectif. Deux postes, même à l’intérieur d’une organisation, ne comporteront jamais de responsabilités identiques étant donné que celles-ci deviennent inévitablement un reet de leur titulaire. Aussi, il faut bien comprendre que l’objectif de l’appariement n’est pas tant l’exactitude ou la précision que la pertinence.

151

Pour en savoir plus sur d’autres d’exemples de descriptions sommaires d’emplois, consulter l’encadré 4.2W.

4.8.2 L’appariement des groupes professionnels ou fonctionnels L’appariement des groupes professionnels ou fonctionnels consiste à amasser des informations sur tous les emplois d’un groupe professionnel ou fonctionnel, tels que les emplois de bureau, les emplois de production ou les postes d’ingénieurs. Cette méthode permet d’obtenir des informations assez précises dans la mesure où les données recueillies sur la rémunération sont analysées et présentées selon le secteur d’activité économique et la taille des entreprises participantes. Les participants à ce type d’enquête doivent souvent fournir des renseignements sur le niveau hiérarchique et le nombre de titulaires occupant les emplois visés. Les organismes gouvernementaux (comme Statistique Canada) et certaines associations professionnelles utilisent cette méthode d’enquête de rémunération. Dans ce dernier cas, citons l’enquête salariale sur les emplois d’ingénieurs menée dans les provinces canadiennes, qui propose un appariement des emplois d’ingénieurs en fonction non seulement des responsabilités, mais aussi d’autres facteurs comme l’expérience de travail depuis l’obtention du dernier diplôme universitaire, la spécialisation et le type de diplôme

ENCADRÉ 4.7

Une description sommaire de l’emploi d’acheteur présentée dans des questionnaires d’enquêtes de rémunération

Identie, recherche et évalue les fournisseurs tout en répondant aux normes organisationnelles de prix, de qualité, de délais et de abilité de l’approvisionnement. Reconnaît et évalue les ventes, les campagnes de promotion et autres possibilités d’achat à prix réduit. Évalue les produits des fournisseurs an d’assurer la conformité aux spécications et de s’assurer que ces produits répondent aux normes de qualité de l’organisation. Analyse et évalue les soumissions, les appels d’ores, les propositions des fournisseurs ; négocie les prix et les conditions de livraison et conclut les achats (dans les limites de son autorité) selon des termes qui sont dans le meilleur intérêt de l’organisation. Interprète les requêtes d’inventaire, les délais de production, les requêtes d’achat, les commandes et autres documents an de coordonner les activités de vente avec la demande actuelle et prévue des biens et des matériaux de l’organisation. Surveille la qualité et les délais de livraison des matériaux et des biens fournis ; eectue le suivi de l’état des commandes avec les fournisseurs an d’assurer la livraison dans les délais et partage la mise à jour des commandes avec les clients internes. Compte habituellement de deux à quatre années d’expérience. Relève en général du superviseur des achats ou du directeur des achats. Source : Extrait traduit de Mercer (2013, p. 18).

152

CHAPITRE 4

Pour en savoir plus sur les enquêtes de rémunération et l’appariement des groupes professionnels

(baccalauréat, maîtrise, doctorat, postdoctorat). De telles enquêtes sont réalisées plus souvent auprès des professionnels visés, qui doivent fournir les informations demandées, qu’auprès des employeurs.

4.8.3 L’appariement par l’évaluation des emplois L’appariement par l’évaluation des emplois est une méthode qu’on peut utiliser dans deux contextes. Premièrement, il est possible d’y recourir auprès d’employeurs qui adoptent le même système d’évaluation des emplois. Par exemple, la société-conseil Hay eectue des enquêtes auprès de ses clients, qui utilisent tous le système d’évaluation des emplois qu’elle commercialise. De cette manière, l’appariement des emplois est assez précis étant donné que ces derniers sont évalués avec la même méthode. Cependant, tout système d’évaluation des emplois, qu’il soit commun ou non, est essentiellement subjectif (voir le chapitre 5). Par ailleurs, si les employeurs participant à l’enquête peuvent donner des informations sur la rémunération versée pour un emploi X d’une certaine valeur (soit un certain nombre de points selon le système Hay), cela ne leur permet pas de savoir quelle est la rémunération de cet emploi sur le marché. Ainsi, l’employeur qui fait l’enquête connaîtra le salaire que les entreprises participantes versent pour des emplois ayant une valeur semblable, quant au nombre de points, à celle d’un contrôleur d’usine, mais cela ne lui permet pas de savoir combien un contrôleur d’usine gagne sur le marché. De plus, cette méthode exige que l’évaluation des emplois des organisations participantes soit à jour, ce qui est rarement le cas. Enn, cette approche limite le marché de référence aux employeurs qui utilisent le même système d’évaluation des emplois. Deuxièmement, la méthode d’appariement par l’évaluation des emplois peut être utilisée auprès d’employeurs adoptant diérents systèmes d’évaluation des emplois. L’organisation eectuant l’enquête cherche à obtenir des informations (par exemple, la description d’emplois) sur les emplois visés, pour ensuite pouvoir les examiner avec son propre système d’évaluation des emplois. La qualité de l’appariement dépend alors de la qualité des descriptions d’emplois transmises par les organisations sondées, de l’objectivité des personnes qui évaluent les emplois sur la base de ce document et, surtout pour les emplois de cadres, de la structure de leur organisation. Quoique cette méthode ore un appariement précis des emplois, elle est rarement adoptée parce qu’elle requiert trop de temps et d’argent.

4.9

La collecte des données sur la rémunération auprès du marché de référence

Qu’un employeur fasse lui-même une enquête de rémunération ou qu’il recoure aux services de consultants pour mener cette enquête, il doit déterminer la méthode de collecte des informations, soit l’enquête par questionnaire papier ou électronique ou l’enquête par téléphone ou au cours d’un entretien personnel.

4.9.1 L’enquête par questionnaire papier ou électronique Le questionnaire — qui peut prendre une multitude de formes — représente la méthode de collecte d’informations la plus utilisée par la plupart des organismes publics, des organismes privés et des sociétés-conseils. Le plus souvent, ces sociétés-conseils colligent, sur une base continue, régulière ou ponctuelle, des données sur la rémunération de diverses catégories de personnel en demandant aux entreprises de remplir un questionnaire sur support papier ou par voie électronique. Pour assurer la condentialité et la sécurité des informations transmises électroniquement par les employeurs, un mot de passe et une plage de temps sont attribués aux participants.

La gestion des enquêtes de rémunération

Selon les besoins et les préférences des participants, les employeurs participants peuvent avoir la possibilité de répondre (ou d’être aidés à répondre) à l’enquête lors d’un entretien téléphonique ou d’une entrevue avec un conseiller de la société de consultation. Étant donné que de tels questionnaires sont susceptibles d’être remplis par des participants qui s’avèrent plus ou moins compétents et motivés et qui ont plus ou moins de temps à y consacrer, le fait de leur orir de l’aide permettra d’accroître le taux de participation aux enquêtes, d’améliorer la abilité des informations recueillies et d’obtenir les réponses plus rapidement. Comparativement aux autres méthodes de collecte des informations, le questionnaire permet d’obtenir des renseignements auprès d’un grand nombre d’employeurs à un coût moindre. Les avantages du questionnaire sont toutefois fonction de certaines caractéristiques : le questionnaire est-il transmis sur support papier aux employeurs participants ou fait-il l’objet d’un entretien téléphonique avec eux ? Une lettre d’information accompagne-t-elle le questionnaire ? Les questions sont-elles de type fermé ou de type ouvert ? Les participants peuvent-ils recevoir un sommaire des résultats ? Et ainsi de suite. Avant de soumettre un questionnaire, sur support papier mais de plus en plus souvent informatisé, à des employeurs participants, il faut s’assurer qu’il comporte des questions précises, de type fermé et en nombre raisonnable. De même, il doit solliciter des données de nature simple et éviter de demander des informations sur des concepts sujets à interprétation sans qu’une description claire en soit donnée. Se basant sur une revue des écrits, le tableau 4.5 présente une synthèse des principaux problèmes auxquels les participants se heurtent lorsqu’ils remplissent une enquête de rémunération en ligne, problèmes qui les frustrent, les incitent à ne pas répondre ou à répondre de manière moins able (voir, par exemple, Cardinal, 2012).

TABLEAU 4.5

Les principaux problèmes éprouvés par les répondants à des enquêtes de rémunération en ligne et leurs voies de solution Problèmes

Solutions

Enquête trop longue à remplir et impossibilité de répondre par étapes

• Prévoir une enquête d’une longueur raisonnable. Moins le temps requis pour

Navigation dicile ou inexible

• Permettre de ne pas répondre à une section ou à des questions qui ne

répondre à l’enquête est long, plus le taux de réponses et la précision des réponses seront élevés. • Dans le cas d’une enquête longue, préciser le temps requis et permettre d’y répondre par étapes à diérents moments (les réponses étant sauvegardées). • Tâcher d’orir des choix de réponses s’appuyant sur les résultats des enquêtes passées et de réduire les espaces de réponse en blanc. s’appliquent pas. • Éviter les blocages liés à des questions restées sans réponses. • Donner des choix de réponses valides et complets permettant aux participants d’indiquer leur réalité.

Questions mal formulées, ne donnant • Formuler des questions courtes, précises, non sujettes à interprétation et pas l’espace pour y répondre ou exigeant une réponse seulement. auxquelles il est trop dicile de • Poser un nombre limité de questions ouvertes en fournissant un espace répondre susant (nombre de mots) pour y répondre. • Poser des questions auxquelles les répondants peuvent répondre et orir des choix de réponses potentiels. Une technologie qui ne permet pas d’indiquer la réponse précise

• Permettre aux répondants de donner des réponses précises.

153

154

CHAPITRE 4

4.9.2 L’enquête par téléphone ou au cours d’un entretien personnel La collecte des données peut aussi se faire de manière interpersonnelle directe, soit au moyen d’un entretien téléphonique ou d’un entretien en face à face. L’entretien téléphonique est surtout utilisé pour la collecte d’informations sur la rémunération du personnel de production, d’entretien et de bureau. Cette méthode convient lorsque les employeurs se connaissent et que les emplois ciblés par l’enquête sont particuliers, peu nombreux et facilement repérables. Même si l’on utilise peu l’entretien pour colliger des informations sur la rémunération des emplois, cette méthode présente plusieurs atouts. D’abord, un intervieweur compétent et doté de bonnes descriptions d’emplois peut s’assurer de la comparabilité des emplois, obtenir des précisions sur les données recueillies, réduire les problèmes d’interprétation et amasser plus d’informations sur la rémunération totale et les conditions de travail. Par ailleurs, les coûts associés à l’entretien dans une enquête de rémunération peuvent être réduits si l’on fait alterner son usage avec la conversation téléphonique ou le questionnaire sur papier. Finalement, l’entretien peut permettre de valider les données que les participants ont communiquées par écrit.

4.10

L’analyse des données de l’enquête de rémunération

Pour que les données d’une enquête soient valables, il faut s’assurer qu’elle a été menée auprès de 8 à 10 employeurs au minimum. Il est également important de considérer la précision et l’exhaustivité des données. Par exemple, si l’on ne dispose que des données sur les minimums et les maximums des échelles salariales des emplois, il sera impossible de calculer certaines statistiques (comme la moyenne pondérée modiée des salaires). Pour en savoir plus sur les En complément à la lecture de cette section, le lecteur est invité à consulter sur le site résultats d’une enquête Web, à titre d’exemple, les résultats réels d’une enquête à l’égard de l’emploi de « contrôde rémunération pour leur de la société mère » : les composantes de la rémunération (par exemple, les salaires, l’emploi de «Contrôleur de les primes, l’utilisation d’une automobile) ainsi que la nature et la gestion des échelles de la société mère», consulter salaires. Ces informations sont données en fonction de caractéristiques organisationnelles l’encadré 4.3W. comme le secteur d’activité, le type de propriété, les ventes, la valeur de l’actif et le budget d’exploitation. Certaines enquêtes de rémunération menées au moyen d’Internet permettent aux employeurs participants d’accéder aux résultats des enquêtes. Ainsi, ils peuvent retirer leurs propres données pour voir les incidences sur les résultats, refaire des calculs en éliminant des données extrêmes ou en ne retenant que les entreprises d’une certaine taille ou qui comportent ou non un syndicat. Certaines sociétés-conseils orent leur propre logiciel qui permet aux participants d’eectuer des analyses sur les données des enquêtes en respectant des critères de condentialité. Des entreprises utilisent des logiciels d’analyse statistique comme SAS ou SPSS, alors que d’autres organisations se limitent aux Les données d’enquêtes de rémunération doivent potentialités qu’ore Excel pour mener leurs analyses être analysées avec soin. (très souvent des analyses de régression multiple).

La gestion des enquêtes de rémunération

155

L’analyse des données recueillies dans une enquête de rémunération requiert la connaissance de techniques, de méthodes, de ratios et de statistiques comme les suivants : l’actualisation et la pondération des résultats, les mesures de tendance centrale, les mesures de distribution et les indices de compétitivité.

4.10.1 L’actualisation, la pondération et l’agrégation des résultats An de pouvoir comparer les données sur la rémunération d’un emploi ou des emplois provenant de trois ou quatre sources d’enquêtes de rémunération dont les données ont été amassées à des moments diérents, il est nécessaire de faire les opérations suivantes : • actualiser les données de toutes les enquêtes à une date précise en fonction de divers critères (par exemple, l’augmentation de l’indice des prix à la consommation ou IPC) ; • pondérer le poids relatif qu’il faut donner à chacune de ces enquêtes selon divers critères (par exemple, la qualité de l’appariement, le nombre d’observations, le marché de référence privilégié ou indirect) ; • calculer une donnée agrégée ou composée sur la rémunération de l’emploi ou des emplois. Le tableau 4.6 et l’encadré 4.8 montrent comment calculer le taux composé du marché, actualisé à une même date, qui pourrait être une simple moyenne des taux du marché de chaque enquête, ou encore un taux du marché qui est pondéré par le nombre de titulaires, par la taille de l’organisation, la qualité des appariements de l’enquête, etc.

TABLEAU 4.6

Un exemple d’actualisation du calcul d’un taux composé du marché pour un emploi

Enquête

Date des données

Taux du marché

Pourcentages d’actualisation

Salaire actualisé

Poids

Salaire actualisé pondéré

A

Janvier 2013

77 997 $

2%

79 557 $

40 %

31 823 $

B

Février 2013

75 453 $

1,67 %

76 713 $

30 %

23 014 $

C

Octobre 2013

73 197 $

3,2 %

75 539 $

30 %

22 662 $

Taux de salaire composé du marché (actualisé en juillet 2013) = 77 499 $

ENCADRÉ 4.8

Des exemples d’actualisation et de pondération des données des enquêtes de rémunération

A) Actualisation des données des enquêtes Votre organisation adopte une politique qui consiste à être successivement à la tête et à la remorque du marché au cours de l’année. L’année scale débute en janvier. En supposant une augmentation annuelle de 3 % en 2013 et de 4 % en 2014, pour actualiser un taux du marché de 32 100 $ en septembre 2013 (date de l’enquête), au mois de juillet 2014 vous devez eectuer les étapes suivantes : Calculer le pourcentage d’actualisation de 2013 (4 mois) : 4/12 × 3 % = 1,0 % (ou un facteur de 1,01)

Calculer le pourcentage d’actualisation de 2014 (6 mois) : 6/12 × 4 % = 2,0 % (ou un facteur de 1,02)

156

CHAPITRE 4

ENCADRÉ 4.8

Des exemples d’actualisation et de pondération des données des enquêtes de rémunération (suite)

Utiliser ces pourcentages comme facteurs multiplicatifs pour compiler un facteur ou un pourcentage global d’actualisation : 1,01 × 1,02 = 1,030 2 (ou 3,02 %)

Multiplier le taux du marché par ce facteur global d’actualisation : 32 100 $ × 1,030 2 = 33 069,42 $ Par conséquent, le taux du marché de 32 100 $ en septembre 2013 équivaudra à un taux du marché de 33 069,42 $ en juillet 2014. B) Pondération des données des enquêtes Enquête

Taux du marché

Pondération

Taux pondéré du marché

A

37 450 $

25 %

37 450 $ × 0,25 = 9 363 $

B

36 112,50 $

50 %

36 112,50 $ × 0,50 = 18 056 $

C

32 635 $

25 %

32 635 $ × 0,25 = 8 159 $

Taux composé du marché : 9 363 $ + 18 056 $ + 8 159 $ = 35 578 $ C) Actualisation et pondération des données pour un emploi Enquête

Date

Taux du marché

Actualisation

Taux du marché actualisé

Pondération

Taux pondéré du marché

A

Août 2013

45 136 $

4,00 %

46 941 $

40 %

18 777 $

B

Septembre 2013

47 605 $

3,33 %

49 190 $

30 %

14 758 $

C

Octobre 2013

46 042 $

5,82 %

48 722 $

30 %

14 617 $

Taux composé du marché en juillet 2013 : 18 777 $ + 14 758 $ + 14 617 $ = 48 152 $ Source : Traduit, adapté et mis à jour de Bjorndal et Ison (1991, p. 11-13).

Par ailleurs, comment doit-on traiter les emplois diciles à apparier avec les emplois recensés dans une enquête ? La plupart des organisations comptent des emplois qui ne sont pas faciles à apparier. Prenons le cas d’un emploi qui combine des caractéristiques ou des exigences de deux emplois dont les données sur la rémunération sont présentées dans l’enquête. Il est alors possible de déterminer le poids relatif des deux emplois (par exemple, 20/80, 50/50, 40/60) selon divers indicateurs (par exemple, le temps alloué aux activités de chaque emploi, les exigences de chaque emploi) pour calculer le salaire du marché de cet emploi. Par ailleurs, la rémunération à verser à des emplois qui ne sont pas recensés dans une enquête ou pour lesquels il n’y a pas de données provenant du marché peut aussi découler d’un processus de comparaison avec les responsabilités et la rémunération associées à des emplois repères, préférablement de la même famille d’emplois. Nous observons ici que, pour protéger le pouvoir d’achat des employés contre l’érosion de leurs salaires causée par l’ination ou pour rassurer les employés en signant une convention

La gestion des enquêtes de rémunération

collective d’une certaine durée, les parties syndicale et patronale doivent aussi s’entendre sur des clauses relatives à l’indexation des salaires selon l’indice des prix à la consommation. On parle alors d’« indemnité de vie chère » ou IVC (cost-of-living allowance ou COLA).

4.10.2 Les mesures de tendance centrale : moyenne, médiane et mode Quel que soit le marché de référence, les enquêtes révèlent souvent que les salaires versés pour un même emploi varient. Plusieurs raisons expliquent ce fait : la valeur interne d’un même emploi qui change selon les organisations, la culture organisationnelle, les tendances dans l’industrie, la localisation, des diérences organisationnelles dans les responsabilités assignées aux titulaires de l’emploi, etc. Compte tenu de cette dispersion, l’analyse des données d’une enquête exige que l’on calcule divers indicateurs de tendance centrale, notamment diérentes mesures de moyenne (simple, pondérée, modiée), la médiane et le mode.

La moyenne pondérée ou non pondérée La moyenne correspond à la somme des chires fournis par chaque employeur participant à l’enquête, divisée par le nombre d’employeurs participants. Cet indicateur, qui est utilisé fréquemment, s’avère facile à comprendre. Par contre, comme la moyenne est inuencée par les valeurs extrêmes, elle peut mener à des conclusions erronées. Pour limiter ce biais, il s’agit de retirer les chires extrêmes d’une distribution dans le calcul de la moyenne parce qu’ils résultent probablement d’un mauvais appariement des emplois plutôt que des diérences réelles de salaires. Cette décision dépend de la nature de l’emploi : pour un emploi de production ou pour un emploi d’entretien, un écart de plus de 50 % dans le montant du salaire peut représenter un appariement suspect, alors qu’une telle diérence est fréquente pour un emploi de cadre. Le salaire moyen est calculé sur la base de données qui varient souvent du simple au double, voire davantage. L’encadré 4.9 illustre les calculs des diverses moyennes et des indicateurs de tendance centrale pour un emploi X. ENCADRÉ 4.9

Le calcul de quelques indicateurs statistiques sur les données des enquêtes de rémunération

A) Illustration : calcul de diverses moyennes pour l’emploi X Société

Salaires eectifs moyens

Nombre d’employés

Total des salaires

A

550 $

15

8 250 $

B

600 $

7

4 200 $

C

620 $

3

1 860 $

D

725 $

6

4 350 $

E

800 $

20

16 000 $

F

850 $

32

27 200 $

G

765 $

16

12 240 $

H

760 $

8

6 080 $

I

610 $

10

6 100 $

6 280 $

117

86 280 $

Total

157

158

CHAPITRE 4

ENCADRÉ 4.9

Le calcul de quelques indicateurs statistiques sur les données des enquêtes de rémunération (suite)

Moyenne : 6 280 $/9 = 697,78 $ Moyenne pondérée : 86 280 $/117 = 737,44 $ Moyenne pondérée modiée en éliminant les données de la société F : 1. Total des salaires eectifs : 86 280 $ – 27 200 $ = 59 080 $ 2. Nombre d’employés : 117 – 32 = 85 3. Moyenne pondérée modiée : 59 080 $/85 = 695,06 $ Moyenne pondérée modiée en diminuant l’eet de la société F : 1. Nombre moyen d’employés par société : 117/9 = 13 2. Surplus relatif d’employés dans la société F : 32 – 13 = 19 3. Diminution de l’eet du nombre d’employés dans la société F (valeur arbitraire de la diminution, 75 % de surplus relatif d’employés) : 75 % × 19 = 14 4. Nouveau nombre d’employés utilisés pour la société F : 32 – 14 = 18 5. Calcul de la nouvelle moyenne pondérée modiée : Nouveau total des salaires : 70 980 $ [86 280 – (18 × 850)] Nouveau total du nombre d’employés : 103 [117 – (32 – 18)] Nouvelle moyenne pondérée modiée : 70 980 $/103 = 689,13 $ B) Illustration : calcul d’indicateurs de tendance centrale pour l’emploi X Société

Nombre de titulaires

Salaire individuel

Ordre décroissant des salaires

A

2

32 000 $ 34 100 $

5 2

B

3

30 000 $ 29 000 $ 28 800 $

9 12 13

C

1

35 500 $

1

D

2

29 800 $ 30 200 $

10 8

E

1

28 000 $

15

F

1

28 500 $

14

G

2

31 000 $ 30 400 $

6 7

H

1

33 900 $

3

I

1

33 800 $

4

J

1

29 100 $

11

Présentation des résultats – Emploi X Nombre de sociétés Nombre de titulaires Salaire

10

15

Quartile 1

Médiane

Quartile 3

29 000

30 200

33 800

La gestion des enquêtes de rémunération

159

Le calcul d’une moyenne pondérée implique que les données sur la rémunération divulguées par chaque employeur participant à l’enquête sont pondérées selon le nombre de titulaires occupant l’emploi (voir le tableau 4.7 ). De cette façon, les employeurs qui embauchent un plus grand nombre de titulaires pour un emploi inueront davantage sur la moyenne des salaires pour cet emploi. Pour calculer la moyenne, on peut ainsi retirer l’eet d’une organisation en soustrayant son nombre d’employés du nombre total des employés des employeurs ayant participé à l’enquête. Cela peut s’avérer pertinent pour un employeur qui verse un salaire relativement plus élevé (ou plus bas) pour un emploi et qui embauche un grand nombre de titulaires pour cet emploi. TABLEAU 4.7

Un exemple de calcul de taux de salaires du marché

A) Taux de salaires du marché non pondérés Enquête

Nombre d’employeurs

Nombre d’employés

Salaire de base

1

56

60

52 500 $

2

47

55

58 100 $

3

33

35

60 400 $ Total : 171 000 $ Moyenne : 57 000 $ (171 000 $/3)

B) Taux de salaires du marché pondérés par le nombre d’employés Enquête

Nombre d’employeurs

Nombre d’employés

Salaire de base

Salaire de base pondéré

1

56

60

52 500 $

3 150 000

2

47

55

58 100 $

3 195 500

3

33

35

60 400 $

2 114 000

Total : 150

8 459 500 $ Moyenne pondérée : 56 397 $ (8 459 500 $/150)

Source : Traduit, adapté et mis à jour de WorldatWork (2002, p. 35).

La médiane La médiane correspond à la valeur située au milieu d’une distribution de données, soit la valeur au-delà et en deçà de laquelle on trouve 50 % des données, ou encore la valeur qui sépare une série de données en deux parties égales. La médiane correspond donc au 50ecentile ou au 2e quartile. Elle est souvent considérée comme la meilleure estimation du salaire « typique » ou « courant » (de la tendance centrale) versé pour un emploi étant donné qu’elle réduit les eets des valeurs extrêmes dans une distribution. La médiane comporte aussi des limites. L’employeur a un peu plus de diculté à faire accepter la médiane comme balise lors des négociations, puisque le syndicat, surtout au sein des organisations ayant une certaine notoriété, préférera se situer au premier, au deuxième ou au troisième rang sur le marché. Par ailleurs, une liste comportant un nombre impair de données peut mener à des diérences de résultats importantes. Prenons le cas d’une enquête qui montre sept taux mensuels pour un emploi (3 000 $, 3 100 $, 3 110 $, 3 125 $,

160

CHAPITRE 4

5 600 $, 5 800 $, 5 900 $) ; la médiane est de 3 125 $ alors que la moyenne est de 4 234 $ (Greene, 2009a). Avec trois données dans les 3 000 $ et trois données près de 6 000 $, il semble y avoir une grande disparité des salaires mensuels sur le marché dont les causes peuvent être nombreuses : une description d’emploi trop vague, une prise en compte des niveaux hiérarchiques de cet emploi, un échantillon composé de petites et grandes entreprises, etc. Selon l’examen de ces causes, il faut prendre une décision sur ce qui est le meilleur taux du marché pour l’entreprise en considérant l’échantillon qui lui ressemble. Notons toutefois que la moyenne est généralement plus élevée que la médiane (entre 3 % et 5 % dans les grands échantillons, selon Greene, 2009a) étant donné que la distribution ne suit pas une courbe normale et que les plus haut taux de salaires se distinguent davantage de la moyenne ou de la médiane que les plus bas taux de salaires. En conclusion, même si l’on estime que la médiane représente la mesure la plus appropriée et doit constituer le point de départ des analyses, il importe de considérer divers éléments avant de recommander un alignement sur la médiane, notamment (St-Laurent et Aoun, 2013) : • les caractéristiques des entreprises participantes à l’enquête ; • le positionnement actuel des pratiques de l’organisation par rapport à la médiane alignée sur les politiques ; • la rotation du personnel ; • les prévisions d’embauche ; • les autres composantes de la rémunération globale ; • le positionnement de l’entreprise en termes de rang ; • le cycle de vie de l’organisation.

Le mode Le mode correspond au montant de rémunération le plus fréquemment versé au sein de la population d’employeurs sondés. Dans le domaine de la rémunération, il arrive souvent que la moyenne soit quelque peu supérieure (de 3 % à 5 %) à la médiane, laquelle est ellemême supérieure au mode. Une diérence importante entre la valeur de la moyenne et celle de la médiane peut signier que quelques entreprises isolées présentent des valeurs extrêmes (dont les chires sont très élevés ou très bas).

4.10.3 Les mesures de distribution : quartiles, percentiles et histogrammes L’étendue des données d’une enquête correspond à l’écart entre la donnée la plus petite et la donnée la plus grande d’une distribution. Elle permet de se faire une idée de la dispersion dans les données. Le rang d’un employeur correspond à la position du salaire qu’il verse par rapport aux salaires versés par les autres employeurs participant à l’enquête lorsque les données sont rangées de la plus élevée à la plus faible. Par exemple, un employeur peut vouloir verser un salaire équivalent à la médiane du marché et une rémunération totale en espèces au 75e centile. Si certaines organisations retiennent la médiane (dans une plus large mesure) ou la moyenne comme balise pour se comparer avec le marché, bon nombre d’entre elles préfèrent utiliser un quartile ou un percentile xe (par exemple, le troisième quartile ou le 75e percentile), une fourchette de percentiles (entre 40 % et 60 % percentile) ou encore un écart par rapport à la moyenne ou à la médiane (par exemple, plus ou moins 10 %). Le rang centile représente la valeur à laquelle X % des données sont inférieures. Par exemple, le 75e centile est le point où 75 % des données (présentées par ordre) de l’enquête sont inférieures. Le 50e centile correspond à la médiane. Dans une distribution de données présentées par ordre décroissant, le premier décile est le point au-dessus duquel on trouve

La gestion des enquêtes de rémunération

90 % des observations et au-dessous duquel on trouve 10 % de celles-ci. Le neuvième décile consiste dans la situation contraire, où 10 % des salaires observés sont au-dessus de ce point et 90 %, en dessous de lui. Les quartiles divisent une distribution de données en quarts, alors que les percentiles la divisent en 100 parts et les déciles, en 10 parts. Le quartile constitue une autre façon de considérer la distribution des données en la présentant en sous-groupes, par exemple au 75e centile et au 25e centile. Le premier quartile (Q1 ou P25) d’une distribution par ordre décroissant correspond au point où 75 % des observations sont au-dessus et 25 % en dessous, alors que ces chires sont inversés dans le cas du troisième quartile (Q3 ou P75). Les quartiles permettent aux employeurs de déterminer l’écart interquartile — soit le rangement entre le premier et le troisième quartile — et notamment un écart du milieu du deuxième quartile comme indicateur de compétitivité. Une autre mesure plus visuelle de la distribution de données consiste à les représenter sous forme d’histogramme (voir la gure 4.3). L’histogramme permet de voir la nature de cette distribution. Ainsi, les données suivent-elles une distribution normale ? Se trouve-t-on en face d’une distribution bimodale indiquant qu’il existe deux taux de salaires ? Si oui, s’agit-il de deux emplois ? de deux niveaux ? d’organisations de tailles diérentes ? Voilà autant de questions que permet de poser une représentation par histogramme. FIGURE 4.3

La représentation des résultats d’une enquête salariale par histogramme

Les mesures de distribution comme balise de comparaison comportent aussi des limites. D’abord, d’une année à l’autre, le positionnement d’une organisation varie selon les changements dans la composition de l’échantillon des entreprises participantes qui peuvent être importants. Par ailleurs, il est possible que cette balise soit plus dicile à communiquer aux employés que la moyenne ou la médiane.

161

162

CHAPITRE 4

4.10.4 Les indices de compétitivité Certains employeurs calculent des indices de compétitivité par emploi ou par famille d’emplois. Ces indices permettent de comparer la compétitivité relative des salaires qu’ils versent aux titulaires de différents emplois (ou de différentes familles d’emplois) par rapport au taux du marché. On obtient un indice de compétitivité par emploi en divisant la moyenne des salaires versés par emploi par le taux du marché de cet emploi. De même, on obtient un indice de compétitivité par famille d’emplois en divisant la somme des indices de compétitivité des emplois par le nombre d’emplois dans la famille. Le tableau 4.8 montre que, globalement, les titulaires des emplois en comptabilité sont traités de manière équivalente à celle des titulaires des emplois en informatique, puisque les indices globaux de compétitivité de leurs salaires sont semblables, soit de 1,00 et 0,98 respectivement. Par ailleurs, les données sur les salaires peuvent être présentées de diverses façons. À titre d’exemple, le tableau 4.9 donne des informations sur la rémunération oerte par TABLEAU 4.8

Le calcul de l’indice de compétitivité* pour des emplois en comptabilité et en informatique

A) Emplois en comptabilité Classe d’emplois

Titre de l’emploi

Nombre de titulaires

Moyenne des salaires

Taux du marché

Indice de compétitivité

1

A

10

53 000 $

54 000 $

0,98

2

B

6

57 000 $

57 500 $

0,99

3

C

3

63 500 $

63 000 $

1,01

5

D

1

71 000 $

71 000 $

1,00

6

E

1

81 000 $

78 000 $

1,04

Indice global de compétitivité pour les emplois en comptabilité : (0,98 + 0,99 + 1,01 + 1,00 + 1,04) / 5 = 1,00 ou 100 % B) Emplois en informatique Classe d’emplois

Titre de l’emploi

Nombre de titulaires

Moyenne des salaires

Taux du marché

Indice de compétitivité

1

A

6

62 000 $

67 500 $

0,92

2

B

4

64 000 $

66 500 $

0,96

4

C

2

71 000 $

73 000 $

0,97

5

D

1

79 000 $

77 500 $

1,02

6

E

1

88 500 $

87 000 $

1,02

Indice global de compétitivité pour les emplois en informatique : (0,92 + 0,96 + 0,97 + 1,02 + 1,02) / 5 = 0,98 ou 98 % Indice global moyen de compétitivité pour les deux groupes d’emplois : 1,00 + 0,98 = 1,98 / 2 = 0,99 ou 99 % * On utilise couramment l’expression «ratio comparatif» à l’égard du marché.

La gestion des enquêtes de rémunération

TABLEAU 4.9

163

La rémunération versée par la société A par rapport à la rémunération versée sur le marché : le cas de l’emploi «Adjoint – soutien administratif»

Données sur la rémunération (pondérées par participant)

Données du marché Nombre Nombre Moyenne de parti- de titu(1) cipants laires ( $)

Société A

Q1 ( $)

Médiane (2) ( $)

Q3 (3) ( $)

Indices de compétitivité

Nombre Moyenne Ratio Ratio Ratio de titu(4) (4) (1) (4) (2) (4) (3) laires ( $) ( %) ( %) ( %)

Rémunération en espèces Salaire de base

12

275

23,48

21,86

22,88

24,68

804

24,00

1,02

1,05

0,97

Prime versée

6

190

3,41

2,73

3,32

5,21

804

2,70

0,79

0,81

0,52

Rémunération totale en espèces

12

275

25,13

22,91

23,98

25,38

804

26,70

1,06

1,11

1,05

Minimum

13

265

19,72

18,23

19,72

20,84

804

14,79

0,75

0,75

0,71

Point de contrôle / maximum normal

13

265

23,60

22,32

23,15

25,01

804

23,75

1,01

1,03

0,95

Maximum mérite

9

104

27,50

25,20

27,07

29,55

Échelle salariale

la société A, sur la rémunération versée par l’ensemble des employeurs qui ont participé à l’enquête et sur l’indice de compétitivité de la société A, soit sa position par rapport au marché ou aux autres employeurs participants. Pour déterminer si l’organisation paye eectivement ce que sa politique de rémunération vise, il faut considérer les ratios comparatifs aux divers niveaux de l’organisation, des services et des catégories de personnel. Tout en reconnaissant que la comparaison avec le marché n’est pas une science exacte, Khlat (2012a) propose d’interpréter les ratios comparatifs en termes de positionnement par rapport à la politique de l’organisation sur le marché (cible) de la manière présentée dans le tableau 4.10. TABLEAU 4.10 L’interprétation des ratios comparatifs en termes de

positionnement par rapport à la politique sur le marché Ratio comparatif en % (en point en comparaison de 1)

Positionnement au marché

Moins de 80 % (moins de 0,80)

Signicativement en dessous de la cible

80 % à 90 % (entre 0,80 et 0,90)

En dessous de la cible

90 % à 95 % (entre 0,90 et 0,95)

Au niveau de la cible

95 % à 105 % (entre 0,95 et 1,05)

Sur la cible

105 % à 110 % (entre 1,05 et 1,10)

Au niveau de la cible

110 % à 120 % (entre 1,10 et 1,20)

Au-dessus de la cible

Plus de 120 % (plus de 1,20)

Signicativement au-dessus de la cible

Source : Khlat (2012a, p. 15).

164

CHAPITRE 4

4.10.5 Les courbes de maturité Pour certaines catégories de personnel — notamment les avocats, les ingénieurs et les comptables —, les associations professionnelles prescrivent un taux de rémunération lié au nombre d’années d’expérience depuis l’obtention du diplôme. De telles enquêtes qualiées d’« enquêtes de maturité » présentent le lien entre le salaire qu’on trouve sur le marché et l’expérience du candidat depuis l’obtention d’un diplôme professionnel. La gure 4.4 illustre cette relation pour des ingénieurs possédant un baccalauréat et n’occupant pas un poste de cadre au sein d’entreprises se situant au 10e, au 50e et au 90e centile (partie A). L’organisation peut comparer le salaire de ses employés avec ceux du modèle qui ont une expérience similaire, an d’estimer leur compétitivité (partie B).

FIGURE 4.4

Le recours au modèle de la courbe de maturité pour évaluer la compétitivité de la rémunération oerte aux ingénieurs d’une société

A) Modèle de la courbe de maturité s’appliquant à des ingénieurs titulaires d’un baccalauréat et n’occupant pas un poste de cadre

B) Comparaison du salaire oert aux ingénieurs d’une organisation avec le modèle de la courbe de maturité s’appliquant à des ingénieurs

* Données ctives

La gestion des enquêtes de rémunération

4.10.6 Les mesures de relations par des régressions multiples Certaines sociétés-conseils appliquent des modèles statistiques de régression multiple an d’analyser jusqu’à quel point la rémunération (souvent le salaire ou la rémunération totale en espèces) de certaines catégories de personnel (surtout les emplois des cadres supérieurs des entreprises) peut être expliquée par diverses variables : ancienneté dans le poste, ancienneté dans la classe, performance, niveau hiérarchique, etc. Ainsi, on peut légitimement s’attendre à un lien entre la rémunération totale en espèces et les cotes de performance dans une organisation recourant à des régimes de rémunération variable. Recourir à de telles analyses de régression peut aussi s’avérer intéressant pour estimer la présence de biais sexistes, raciaux ou liés à l’âge dans la gestion des diverses composantes de la rémunération ou dans la gestion des carrières. Par exemple, des enquêtes sur la rémunération des cadres supérieurs menées par des sociétés-conseils colligent souvent des données sur les caractéristiques de l’organisation participante (comme la taille, l’industrie), des postes (comme les responsabilités budgétaires, le nombre d’employés supervisés, le niveau hiérarchique par rapport au poste de président) et des titulaires (comme le niveau de scolarité, l’âge, les années de service dans le poste). Ainsi, une société-conseil constate que l’équation de régression suivante reète bien l’inuence relative que divers facteurs exercent sur le salaire d’un cadre en comptabilité : 12 000 $ + (2,73 × nombre d’employés dans l’entreprise) – (8,309 × nombre de niveaux hiérarchiques le séparant du président) + (6,214 × complexité du travail) + (150 × âge) = salaire Chaque coecient de la régression indique l’eet de la variable indépendante (l’âge, le nombre d’employés, etc.) sur le salaire (variable dépendante) d’un titulaire occupant un poste semblable sur le marché. Pour utiliser cette équation dans l’évaluation de la compétitivité du salaire d’un cadre en particulier, il faut y introduire les valeurs des variables indépendantes. Supposons que le superviseur en comptabilité travaille dans une organisation comptant 10 000 employés, qu’il occupe un poste situé à deux niveaux hiérarchiques du président, que son emploi se trouve au quatrième niveau de complexité (selon la dénition de l’enquête) et qu’il ait 40 ans. Le salaire moyen sur le marché serait le suivant : 12 000 $ + (2,73 × 10 000) – (8,309 × 2) + (6,214 × 4) + (150 × 40) = 53 538 $ À titre d’illustration, la gure 4.5 à la page suivante présente des données sur la rémunération sous la forme d’une régression multiple. Une telle formule de régression permet d’estimer les salaires payés selon la valeur exacte d’une caractéristique, ici le chire d’aaires d’une organisation.

4.10.7 La qualité de l’appariement des emplois et les autres analyses possibles An d’estimer s’il y a eu des problèmes d’appariement des emplois, on peut aussi calculer le ratio de salaires minimums par emploi (soit le salaire minimum le plus élevé divisé par le salaire minimum le plus bas) ainsi que le ratio de salaires maximums par emploi (soit le salaire maximum le plus élevé divisé par le salaire maximum le moins élevé). Par exemple, si les ratios de salaires minimums ou maximums sont supérieurs à 2 pour des emplois de production et d’entretien, il se peut que des appariements d’emplois soient douteux et que des salaires de la distribution soient versés pour des emplois diérents. Certaines enquêtes fournissent d’ailleurs aux usagers des indications sur la qualité (élevée, moyenne ou faible) des appariements des emplois. Pour mieux observer la distribution des salaires au sein de l’échantillon des employeurs participant à une enquête, on peut calculer la moyenne des salaires minimums et la moyenne

165

166

CHAPITRE 4

FIGURE 4.5

Les liens entre le salaire et la rémunération totale versés pour un emploi X en fonction du chire d’aaires des organisations

des salaires maximums des échelles de salaires de chaque emploi. Lorsque des données d’enquêtes paraissent surprenantes à la lumière des données des années antérieures, il peut être important de les valider auprès de la société responsable de l’enquête an de les comprendre. Ainsi, un changement dans la nature et le nombre des participants à une enquête est susceptible d’avoir un impact majeur sur les résultats.

4.11

Les dés des enquêtes de rémunération

Les enquêtes de rémunération s’avèrent des outils importants, mais qui comportent toutefois des limites. Leur gestion ou leur utilisation est associée à de nombreux dés plus ou moins diciles à relever, dés que nous exposerons maintenant.

4.11.1 S’assurer de la qualité de l’appariement des emplois La qualité de l’appariement des emplois reste un dé réel en ce qui concerne l’enquête de rémunération. Ce dé est particulièrement présent dans les enquêtes préétablies (« nationales »). Les sociétés-conseils n’ont pas toujours la possibilité d’eectuer une validation exhaustive des résultats auprès des participants dans le cas des enquêtes préétablies. Avec les nouveaux modes d’organisation du travail (le travail d’équipe, la réduction des niveaux hiérarchiques, etc.) et les fréquents changements dans l’attribution des tâches, nombre d’organisations adoptent désormais des descriptions dites « génériques » des emplois qui énumèrent les principales responsabilités des titulaires des emplois sans décrire leurs tâches et leurs activités particulières. Dans ce contexte, les personnes chargées de

La gestion des enquêtes de rémunération

remplir les enquêtes de rémunération sont de plus en plus susceptibles de ne pas être au courant des modications apportées au travail et deviennent plus dépendantes des cadres qui doivent les en tenir informées. Par conséquent, les appariements d’emplois risquent d’être de moins en moins ables et de plus en plus temporaires. Faute de pouvoir s’assurer adéquatement de l’équité externe, certains employeurs sont tentés d’ignorer le marché et de privilégier l’équité interne de leurs salaires.

4.11.2 S’assurer de la qualité des réponses des employeurs aux enquêtes de rémunération Depuis quelques années, de plus en plus d’employeurs demandent à des consultants d’eectuer des enquêtes maison parce qu’ils ne disposent ni de l’expertise ni des ressources susantes pour le faire eux-mêmes. Parallèlement, les sociétés-conseils font face de plus en plus à une situation paradoxale : si un plus grand nombre d’employeurs sont prêts à payer pour obtenir des informations sur les taux de rémunération oerts pour des emplois sur le marché, ils sont également plus réticents à participer à des enquêtes et à attribuer des ressources (du personnel et du temps) à cette activité.

4.11.3 S’assurer de la compétitivité des composantes de la rémunération totale L’importance croissante de la rémunération variable (par exemple, la rémunération à long terme, comme les options d’achat d’actions) et l’octroi d’avantages sociaux (par exemple, l’accès à une garderie) de plus en plus diversiés complexient les comparaisons concernant la rémunération globale, qui inclut les conditions de travail. Il en va de même pour des facteurs tels que le climat de travail, les possibilités de promotion et de formation ou la qualité de la vie oerte dans une ville. Ainsi, les employés considèrent ces nombreuses composantes lorsqu’ils comparent leurs conditions de travail avec celles qui sont oertes à d’autres employés occupant des emplois semblables sur le marché du travail. De fait, compte tenu de la variété des composantes de la rémunération totale, l’analyse de la position relative d’un employeur « facteur par facteur » ne permet pas d’estimer la réelle compétitivité de la rémunération totale qu’il ore et de juger de la cohérence des conditions de travail par rapport à ses valeurs et à ses objectifs d’aaires. Dans ce contexte, il est logique de prôner la conduite d’enquêtes colligeant des informations sur l’ensemble des composantes de la rémunération versée aux titulaires des emplois ciblés. Cette recommandation comporte toutefois des inconvénients pour les entreprises participantes et pour l’organisation qui recueille les données. En eet, les entreprises participantes amassent rarement des informations sur la rémunération variable et les avantages sociaux. En outre, elles ne tiennent pas souvent compte des conditions de travail, comme le climat organisationnel ou les possibilités de promotions. Par ailleurs, la collecte d’informations sur des composantes autres que le salaire exige beaucoup de temps. En pratique, il est souvent dicile d’estimer la valeur de ces facteurs. Par exemple, si un employé aime pouvoir faire du ski à 25 kilomètres de son lieu de résidence, un autre peut être indiérent quant à la distance à parcourir. De plus, comment peut-on comparer la valeur de l’accès à des pentes de ski avec celle de la possibilité de fréquenter un cinéma diérent toutes les semaines ? Par ailleurs, même si les grandes entreprises accordent généralement des salaires plus élevés que ceux des PME, ces dernières peuvent orir des avantages compensatoires quant aux responsabilités, au climat de travail, etc., qui sont diciles à apprécier au point de vue pécuniaire. Enn, comme les questionnaires portant sur la rémunération totale sont souvent longs à remplir, les organisations sont plus enclines à refuser d’y participer ou à les remplir de manière incomplète

167

168

CHAPITRE 4

ou sans le soin requis. Ainsi, le taux de participation des organisations sollicitées risque d’être faible et les résultats, peu représentatifs du marché. Rappelons que les requêtes eectuées auprès des employeurs pour qu’ils participent à des enquêtes de rémunération sont nombreuses et que le personnel qualié, compétent et motivé à le faire est plus rare. Parallèlement, l’élaboration et l’analyse des enquêtes comportant de multiples composantes sont plus coûteuses pour les organisations ou les organismes qui les mènent. Par ailleurs, la collecte d’informations sur les multiples composantes de la rémunération risque d’entraîner un biais dans la composition de l’échantillon d’organisations participantes, car les organisations traditionnelles, qui ont des systèmes de rémunération plus simples comportant moins de composantes et des emplois plus communs, sont davantage portées à répondre aux enquêtes, car leur participation en est simpliée. De fait, les rares enquêtes colligeant des données sur les diverses composantes de la rémunération totale sont dans la plupart des cas eectuées pour le compte d’un employeur et à l’égard d’une catégorie particulière d’emplois. Par conséquent, il devient dicile de comparer les résultats de ces enquêtes « exhaustives » vu leurs particularités quant aux données colligées, aux échantillons de participants, aux emplois ciblés, etc.

4.11.4 Apprécier la compétitivité des salaires dans un contexte de bandes salariales élargies ou de salaires basés sur les compétences

Compétence clé (key competency) Compétence fonda­ mentale pour la réussite d’une activité ou l’atteinte d’un objectif d’aaires.

Au sein de certaines organisations, la gestion des salaires repose désormais sur des bandes salariales élargies où les salaires sont xés en fonction non pas des emplois, mais des attributs individuels des employés, comme leurs compétences et leurs habiletés (voir le chapitre 6). Ainsi, dans une entreprise œuvrant en recherche et développement, il se peut qu’il n’y ait qu’un titre d’emploi pour tout le personnel professionnel, soit « membre de l’équipe technique », ou seulement deux ou trois niveaux d’emplois ayant des titres comme « membre expert de l’équipe technique » ou « membre de l’équipe technique ». En pratique, dans un contexte de « bandes salariales élargies » ou de « salaires basés sur les compétences », les employeurs doivent se contenter d’informations imprécises pour estimer la compétitivité de la rémunération qu’ils orent. En eet, comme ces entreprises peuvent dicilement faire l’appariement entre le travail de leurs employés (qui est propre à chaque entreprise) et les emplois clés (ou repères) standardisés des enquêtes, la participation aux enquêtes ainsi que les données résultant de celles-ci ne sont plus pertinentes pour elles. Comment ces entreprises peuvent-elles s’assurer de la compétitivité de leurs salaires dans la mesure où elles appliquent une logique individuelle de compétences des employés (équité individuelle) — et non pas une logique de valeur des responsabilités des emplois (équité interne) — pour déterminer les salaires ? Plus précisément, comment peuvent-elles répondre à une enquête qui demande le montant du « point milieu » des échelles de salaires des emplois, alors qu’elles ont adopté un système de bandes salariales élargies où le point milieu des bandes n’a pas la même signication ? Certaines sociétés-conseils élaborent des enquêtes dites « de compétences », qui permettront de prédire le salaire des titulaires à partir d’équations de régression où les compétences correspondent aux variables indépendantes (par exemple, les habiletés de communication, l’adaptabilité, les habiletés interpersonnelles, la résolution de problèmes) plutôt qu’à partir d’un prol de l’emploi (voir le tableau 4.11). L’adoption de telles enquêtes basées sur les compétences exige toutefois que les employeurs sollicités s’entendent sur le nombre, la nature, la dénition et les niveaux de leurs compétences clés, ce qui n’est pas le cas. De plus, le taux de réponses à ce type d’enquêtes risque d’être trop faible parce

La gestion des enquêtes de rémunération

169

TABLEAU 4.11 Une comparaison entre l’enquête de rémunération basée sur les caractéristiques

des emplois et l’enquête de rémunération basée sur les compétences des employés Processus d’enquête Dénition des éléments comparés

Rémunération selon les caractéristiques des emplois Appariement des emplois en fonction de leurs exigences, responsabilités et tâches

Rémunération selon les compétences des employés Appariement entre les employés et des modèles de rôles, d’habiletés et de compétences

Responsabilités et exigences Principalement sous la responsabilité des du processus de collecte professionnels de la rémunération, qui des données déterminent parfois l’appariement (notamment pour les enquêtes sur des emplois spécialisés)

Responsabilité partagée entre le professionnel de la rémunération et les cadres

Nature des données

Données portant sur des prols de compétences au sein d’entreprises sélectionnées parce que leurs employés ont des prols de compétences semblables : appariement des individus

Données portant sur des emplois occupés dans un grand nombre d’entreprises : appariement des emplois

qu’elles sont plus fastidieuses à remplir et que les employeurs sollicités hésitent à partager de telles informations entre eux étant donné qu’ils peuvent se concurrencer.

4.11.5 Arrimer la rémunération totale oerte aux attentes des employés et des candidats Le souci de la compétitivité presse les employeurs à se comparer davantage pour s’imiter les uns les autres que pour offrir au personnel ce qu’il désire vraiment. Il apparaît toutefois nécessaire de sonder les attentes du personnel an de mieux connaître ce qu’il veut, aujourd’hui mais aussi dans un avenir rapproché, tout autant que ce que veulent ou voudront les candidats sur le marché du travail (voir la gure 4.6, à la page suivante). Cela reste un dé majeur. On fait appel aux enquêtes de rémunération an de prendre des décisions en matière de rémunération qui orienteront l’avenir, alors que ces enquêtes présentent des données qui reètent les façons de faire actuelles. Les employeurs doivent analyser les données des enquêtes en tenant compte de l’évolution prévue ou attendue des modes de gestion de la rémunération au sein de leurs entreprises.

4.11.6 Reconnaître le caractère subjectif et politique du processus d’enquête Les employeurs ont trop souvent conance dans les enquêtes de rémunération parce qu’elles présentent des données chirées qu’ils croient « objectives ». En réalité, la valeur des données d’une enquête de rémunération dépend de facteurs sur lesquels on a, dans bien des cas, peu de prise : la personne qui demande les informations, la personne qui fournit les informations et la façon dont ces informations sont colligées et analysées. Compte tenu des multiples impondérables liés au processus d’enquête (l’appariement des emplois, les compétences des participants, etc.), il ne paraît pas pertinent de présenter les résultats des enquêtes avec une précision de deux chires après la virgule. Il s’avère aussi plus prudent de considérer qu’une rémunération est compétitive dans la mesure où elle ne s’éloigne pas de plus de 5 % (dans un sens ou dans l’autre) des résultats des enquêtes. En matière d’enquêtes de rémunération, il y a toujours un compromis à faire entre, d’une part, la précision et le caractère exhaustif des données recueillies et, d’autre part, la

170

CHAPITRE 4

FIGURE 4.6

Le dé d’arrimer l’ore de rémunération aux besoins des employés actuels et recherchés d’aujourd’hui et de demain

Source : Leroux (2007, p. 2).

longueur du questionnaire et la diculté à le remplir. Est-il préférable d’établir un questionnaire moins précis mais entraînant un taux de réponses élevé ou un questionnaire long et précis qui sera, au mieux, rempli par un faible nombre des entreprises ciblées ? Ainsi, certains employeurs prônent le calcul du salaire selon une estimation du « coût du temps travaillé » qui tient compte des heures de travail hebdomadaire, des vacances, des congés payés et des pauses. Si cette dernière estimation est plus précise, elle s’avère toutefois plus dicile à compiler, puisque la majorité des employeurs ne la calculent pas. Comme la plupart des entreprises n’ont ni les moyens ni le temps d’eectuer des enquêtes pour tous leurs emplois, elles se contentent souvent de recueillir des données sur la rémunération d’un certain nombre d’emplois repères ou clés. En utilisant la méthode d’appariement des emplois, les employeurs posent l’hypothèse que les données colligées à l’égard des emplois repères sont non seulement valides, mais également pertinentes pour apprécier la rémunération accordée à d’autres emplois dont les exigences sont semblables à celles des emplois repères. Cette prémisse est contestable, puisque la rémunération versée

La gestion des enquêtes de rémunération

pour un emploi repère sur le marché est fonction non seulement de ses exigences, mais également d’autres facteurs, tels que le secteur industriel, la localisation et la capacité de payer des organisations participant à l’enquête. Selon toute vraisemblance, ces facteurs ne sont pas les mêmes pour un emploi repère et pour les autres emplois de la même famille ayant des exigences semblables. On observe aussi que les compétences de la personne mandatée pour faire une enquête de rémunération, ses préférences ainsi que le temps et l’argent dont elle dispose inuenceront ses décisions quant au prol et à la taille de l’échantillon des employeurs sondés, des données recueillies et des analyses des résultats eectuées. Une étude (Viswesvaran et Barrick, 1992) montre que les spécialistes de la rémunération choisissent les entreprises de leur marché de référence selon l’importance qu’ils accordent à divers facteurs : le fait qu’il y ait ou non un syndicat dans l’organisation, la méthode de collecte des données, la perception qu’ils ont à l’égard de la qualité de l’appariement des emplois, la similitude de l’industrie, la localisation, la taille, les politiques d’embauche, la source d’enquête, les données sur les salaires, etc. Par conséquent, le « taux du marché » des enquêtes est fonction des préférences, des habitudes et des expériences des personnes qui ont participé à la détermination des employeurs faisant partie du marché de référence. En dénitive, toutes les étapes du processus d’enquête de rémunération sont associées à des choix à caractère politique qui servent plus ou moins les intérêts de divers intervenants comme les employeurs, les syndicats et les employés. Ainsi, il faut comprendre qu’il n’y a pas un marché comme tel, mais plutôt un choix du marché. Dans ces conditions, on comprend pourquoi certains syndicats et employeurs peuvent diverger d’opinions sur la délimitation géographique du marché de référence, les organisations à sonder (leur taille, la présence d’un syndicat, etc.), le choix des emplois repères, les indicateurs de tendance centrale à privilégier, etc. L’idée qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux chires comporte une part de vérité : certaines personnes, plus ou moins consciemment, manipulent les données et les interprètent de manière erronée.

4.11.7 Reconnaître l’existence de conits entre l’équité externe et les autres principes d’équité Selon une perspective économique, l’équité externe est le principe important à considérer dans la détermination des salaires. Toutefois, comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 1, un employeur doit aussi s’assurer de respecter d’autres principes d’équité, soit l’équité interne, l’équité individuelle, l’équité collective, les lois et la justice des processus de gestion. Par conséquent, prise isolément, l’enquête de rémunération ou le marché s’avère une balise incomplète et limitée pour optimiser les perceptions d’équité envers la rémunération.

Les problèmes d’équité interne Un processus d’enquête de rémunération ne tient pas compte de l’équité interne, soit l’importance de considérer la valeur relative des emplois au sein d’une organisation pour l’établissement des salaires qui y seront associés. Par conséquent, les politiques de rémunération diérenciées selon les catégories de personnel doivent s’aligner sur les priorités d’aaires et respecter certaines perceptions en ce qui a trait à l’équité interne parmi le personnel. Durant les périodes de rareté de certaines compétences clés, la nécessité de pourvoir des emplois à n’importe quelles conditions de rémunération peut d’ailleurs entraîner divers problèmes d’équité interne. Par exemple, si un employeur privilégie la valeur sur le marché, le titulaire d’un emploi très important pour le succès de son organisation — par exemple,

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172

CHAPITRE 4

un spécialiste de la rémunération au sein d’une société-conseil en rémunération — pourrait être moins bien payé que le titulaire d’un emploi moins critique pour le succès de l’organisation mais mieux payé sur le marché — comme un programmeur. En orant une rémunération trop élevée dès l’embauche, une organisation se retrouve avec des coûts du personnel supérieurs dès que la pénurie disparaît, en plus de subir les plaintes d’autres employés concernant l’équité interne. Ainsi, une politique consistant à être à la tête du marché pour une catégorie de personnel peut obliger plus ou moins rapidement l’employeur à augmenter le salaire d’autres employés an d’éviter des plaintes, voire des départs. Le respect de l’équité externe pose un dé lorsque celle-ci entraîne des changements substantiellement diérents de ce que prévoit la structure salariale de l’entreprise (nous reviendrons sur ce point dans le chapitre 6). Également, si une organisation tente d’être à la tête du marché uniquement pour pourvoir ses postes d’entrée sans ajuster les salaires de ses autres emplois, les titulaires de ces derniers emplois se plaindront d’une iniquité. Certains d’entre eux (surtout les plus compétents) pourront même quitter l’entreprise. C’est ce qui arrive dans des universités qui haussent considérablement l’ore de salaires pour recruter de nouveaux professeurs dans certaines disciplines, alors qu’elles n’accordent qu’une faible augmentation de salaire aux professeurs en place. Par ailleurs, une hausse des salaires pour contrer la rotation du personnel risque souvent d’apporter un remède qui ne s’attaque pas aux causes réelles du départ des employés (un mauvais climat de travail, l’hostilité de collègues de travail, une tâche peu stimulante, etc.). En eet, la diculté à retenir des candidats résulte plus fréquemment d’une mauvaise gestion que d’un problème de rémunération. Nous reviendrons sur ce sujet dans la dernière section du chapitre.

Comment négocier votre rémunération Essayez d’obtenir une information factuelle sur la rémunération oerte pour des postes analogues au vôtre en consultant la section «Carrières» des quotidiens et les sites d’emplois (Jobboom, Workopolis, etc.), propose Jérôme Côté, chef de pratique, Rémunération, chez Hay Group. Plus vous constatez que votre prol est demandé, plus votre pouvoir de négociation augmente. L’Institut de la statistique du Québec (www.stat.gouv.qc.ca) mène une étude annuelle sur la rémunération oerte pour un certain nombre d’emplois au sein d’entreprises comptant 200 employés ou plus. Des sites comme www.salaryscale.com peuvent aussi vous aider, mais les montants énoncés pour un poste donné dépendent de la qualité de l’information fournie par les titulaires participants. Il en va de même pour quelques associations ou ordres professionnels qui mènent une enquête de rémunération auprès de leurs membres. Ensuite, déterminez l’élément que vous voulez négocier. Si vous avez les compétences recherchées et une certaine expérience, les employeurs ont une marge de manœuvre sur le plan du salaire allant de 5 % à 15 %, à moins que le salaire exigé ne se situe déjà très haut dans l’échelle salariale. Si vous êtes le seul titulaire du poste, l’employeur sera aussi plus exible, car il n’a pas à tenir compte d’autres titulaires et de l’équité interne. Les primes, elles, sont assez diciles à négocier, car leur niveau cible est généralement déterminé pour une catégorie d’emplois et non pour un poste. Pensez aussi à négocier les conditions de travail comme les vacances annuelles, le télétravail, la cotisation annuelle à un ordre professionnel, la formation, la participation à un congrès professionnel annuel, un appareil cellulaire, un ordinateur portable, un bureau près d’une fenêtre, l’ore de temps chômé (et possiblement payé) an de faire du bénévolat, etc. Source : Extrait adapté de Côté (2010b, p. 2).

La gestion des enquêtes de rémunération

La perpétuation de diérentes formes de discrimination Le caractère rétrospectif des données d’enquêtes peut aussi contribuer à perpétuer certaines formes de discrimination sur le marché. Ce fait explique la réserve des organismes chargés de l’application des lois sur l’équité salariale à l’égard des enquêtes de rémunération et leur préférence pour l’évaluation des emplois en vue de l’établissement des salaires versés pour des emplois (voir le chapitre 5). De plus, il est loin d’être établi ou admis que la valeur relative des emplois correspond à leur taux relatif de rémunération sur le marché. D’ailleurs, là où il existe une loi proactive en matière d’équité salariale, comme en Ontario et au Québec, il est obligatoire de tenir compte de l’équité interne, soit des exigences relatives des emplois au sein d’un établissement, dans la détermination de leur rémunération. Dans la mesure où une catégo rie d’emplois à prédominance féminine est jugée de valeur équivalente à une autre catégorie d’emplois à prédominance masculine, une entreprise doit leur verser une rémunération égale. Dans ce contexte légal, le fait de s’assurer de l’équité externe de certains emplois peut aussi poser un dé particulier si celle-ci entraîne une hausse de la rémunération à verser à des emplois à prédominance féminine de valeur égale.

Les perceptions d’iniquité entre les unités d’aaires Un employeur dont l’entreprise comprend des unités d’aaires décentralisées géographiquement et qui retient uniquement le critère du marché pour déterminer la rémunération pourrait être amené à orir des salaires diérents pour des emplois identiques selon la localisation de l’unité d’aaires et le taux du marché local. De tels diérentiels de rémunération sont susceptibles d’entraîner des problèmes de perceptions d’iniquité parmi les employés des diérentes unités, et ce, surtout si la mobilité du personnel entre les unités d’aaires est valorisée et fréquente.

Les perceptions d’iniquité sur le plan individuel Pour certaines catégories de personnel — comme les vedettes du monde du sport et de celui des arts —, la rémunération est moins fonction de ce qui est oert sur le marché — comme on y trouve une variance extrême — que des exploits, des succès ou de la popularité de chaque personne (équité individuelle). Cela explique pourquoi les salaires des joueurs d’une même équipe de hockey varient énormément. La rémunération de Céline Dion, comme chanteuse, ne s’établit pas en tenant compte de ce qui est oert aux autres chanteurs sur le marché dans le monde.

4.11.8 Apprécier la compétitivité de la rémunération versée aux titulaires des emplois à temps partiel et atypiques Compte tenu de l’augmentation du nombre d’employés à temps partiel ou d’employés engagés sur une base contractuelle, les entreprises ressentent le besoin d’obtenir plus d’informations à l’égard de leur rémunération. Le dé consistant à estimer la compétitivité de la rémunération de cette catégorie de main-d’œuvre est appelé à prendre de l’importance dans l’avenir. En conclusion, les enquêtes de rémunération ne constituent qu’un résumé des tendances et des pratiques en matière de rémunération sur le marché pour des emplois donnés. La multitude de facteurs qui interviennent dans la détermination de la rémunération, et que nous avons revus dans les chapitres précédents (par exemple, les valeurs, la stratégie et la performance de l’organisation), ne sont pas considérés dans les résultats d’enquêtes.

173

174

CHAPITRE 4

4.12

Quelques conseils sur la gestion des enquêtes de rémunération

Le fait que le processus d’enquête de rémunération ait inévitablement un caractère subjectif, car il implique des choix à faire, ne justie pas qu’il soit mené sans rigueur et sans professionnalisme. Au contraire, cela permet de comprendre pourquoi il est important de respecter des conditions qui rendront utiles les enquêtes de rémunération et de prendre en considération les réactions des divers intervenants à leur sujet. Cette section présente des recommandations à l’égard des enquêtes de rémunération.

4.12.1 Ocialiser le processus d’enquête et de participation à des enquêtes Trop souvent, la recherche d’informations sur la rémunération se fait de manière informelle ou non ocielle. On amasse alors des renseignements d’une façon approximative ou à la pièce, au hasard des rencontres ou des ores d’emplois apparaissant dans les journaux, dans les périodiques ou sur des sites Web. Quoiqu’il soit possible de dégager certaines indications de ces informations, il y a de fortes chances pour qu’elles s’avèrent erronées, puisqu’elles sont souvent incomplètes. Par conséquent, une application hâtive des résultats de telles sources risquerait de créer plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait (comme un sentiment d’iniquité et d’insatisfaction, des coûts de la main-d’œuvre excessifs, un taux de rotation du personnel trop élevé). Compte tenu de leurs ressources limitées, les employeurs doivent se montrer sélectifs par rapport aux enquêtes de rémunération dont ils font usage ou auxquelles ils acceptent de participer et se préoccuper de la qualité et de la pertinence de ces enquêtes. An que l’argent investi dans cette activité soit utilisé le mieux possible, ils doivent établir des politiques et des règles à l’égard du marché de référence, de la politique de rémunération, de la participation aux enquêtes ou du partenariat avec d’autres entreprises du secteur pour mener des enquêtes. Cela permettra d’éviter une répétition inutile du travail et de maximiser le ratio coûts-bénéces ou la valeur ajoutée des enquêtes. Finalement, au-delà de l’ocialisation du processus d’enquête, l’entreprise doit s’assurer que les personnes chargées de remplir et d’interpréter les enquêtes sont compétentes, qu’elles ont susamment de temps pour réaliser avec minutie cette activité et qu’elles possèdent une très bonne connaissance des emplois et de l’organisation. De plus, elles ne doivent pas hésiter à privilégier les questionnaires d’enquêtes qui orent une aide dans l’établissement des emplois étant donné que cela contribue à la qualité des données et rendra ces personnes plus aptes à examiner les résultats.

4.12.2 Faire participer le personnel et l’informer sur le processus d’enquête Il arrive très souvent que les enquêtes de rémunération soient eectuées à la demande des employeurs et en fonction de leurs points de comparaison ou de référence. Toutefois, il se peut fort bien que les référents des employés soient diérents de ceux de la direction. Si tel est le cas, les résultats sont moins susceptibles d’être acceptés par les employés (justice du processus). Le fait de consulter le personnel an de déterminer les entreprises de référence peut permettre à celui-ci de mieux comprendre et accepter les résultats des enquêtes. De plus en plus d’entreprises adoptent cette politique de transparence à l’égard d’un personnel plus instruit et dicile à retenir. Une façon de se prémunir contre la perte de conance et le sentiment d’iniquité par rapport à la rémunération consiste à informer

La gestion des enquêtes de rémunération

175

régulièrement les employés à ce sujet. Les employeurs gagneraient à être davantage transparents et proactifs dans la conduite des enquêtes de rémunération. Par exemple, ils peuvent renseigner les employés sur les aspects suivants : • la philosophie de rémunération totale ou encore la situation sur le marché, au regard de multiples composantes : salaire, incitations, avantages sociaux, formation, etc. Par exemple, une performance individuelle qui répond aux attentes peut mener à une rémunération en espèces égale à la médiane du marché, alors que si elle dépasse les attentes, elle peut dépasser le 90e percentile du marché. L’importance relative des diverses composantes doit être communiquée pour être appréciée justement par le personnel ; • les valeurs ou les facteurs jugés importants dans la détermination de la rémunération totale (la créativité, le rendement, la loyauté, etc.) ; • les efforts déployés régulièrement pour colliger des Mieux communiquer la rémunération informations valides sur la rémunération d’emplois pour mobiliser le personnel Selon Marc Chartrand, sociétaire chez PCI Perrault Conseil, similaires auprès de sources compétentes pour assurer pour que l’employeur démontre à ses employés qu’ils sont bien la compétitivité de leur rémunération ; • le marché de référence ou le groupe de comparaison traités sur le plan de la rémunération, il doit avoir une gestion rigoureuse et structurée, être de bonne foi, en plus d’être transainsi que les entreprises le composant et les raisons de parent et de déployer des eorts en matière de communicace choix ; tion de la rémunération. Bien que cette attitude soit exigeante • les résultats des enquêtes considérées ; l’employeur, elle permet de montrer à la très grande • la prise en compte des résultats des enquêtes dans la pour majorité de ses employés que leur rémunération est concurmise à jour des échelles de salaires (point de contrôle) et rentielle, ce qui s’avère une base solide pour les mobiliser. dans la détermination des salaires, des augmentations de salaires et des autres composantes de la rémunération. Source : Extrait adapté de Chartrand (2008, p. 33).

REGARD SUR LA PRATIQUE Les perceptions ne sont pas la réalité Un sondage mené auprès d’employés révèle que la satisfaction envers l’organisation est nettement moindre que par le passé. Des entrevues plus approfondies auprès du personnel indiquent que le personnel se perçoit comme substantiellement moins bien rémunéré que le marché. Certains employés envisagent même la syndicalisation.

L’analyse permet toutefois de constater que les employés considèrent surtout leur salaire sans penser aux primes et aux avantages. L’organisation a alors entrepris un projet de communication par divers moyens pour leur montrer comment leur rémunération globale est compétitive.

Source : Extrait traduit de Werner (2009, p. 68).

4.12.3 Trouver l’équilibre entre l’équité interne et l’équité externe Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, une stratégie de rémunération globale ecace vise à être équitable à l’interne, compétitive avec l’externe, gérée équitablement et acceptée aux yeux du personnel. Elle doit également être respectueuse des lois et tenir compte de la capacité de payer de l’organisation. De même, elle doit s’aligner sur les valeurs et les priorités de l’organisation, tout en reconnaissant les contributions et la performance organisationnelle. Or, le problème est qu’il arrive souvent que certaines de ces caractéristiques entrent en conit les unes avec les autres et qu’il faille trouver le compromis ou l’équilibre optimal.

176

CHAPITRE 4

Réconcilier l’équité interne et l’équité externe est un défi que les professionnels de la rémunération doivent relever fréquemment. Le tableau 4.12 constitue un outil pour déterminer l’équilibre optimal entre l’équité interne et l’équité externe à tous les niveaux : au niveau organisationnel, si une stratégie similaire est retenue pour tous les employés ; au niveau des familles d’emplois, si l’on utilise des stratégies différentes selon les occupations ; et au niveau individuel, si l’organisation veut établir une différenciation sur cette base.

TABLEAU 4.12 La manière de déterminer l’équilibre entre l’équité interne et l’équité externe

Caractéristiques

Priorité à l’équité interne

Priorité à l’équité externe

Nature des compétences professionnelles et des connaissances • Vitesse du changement dans les qualications • Degré d’interdépendance avec le travail des autres employés • Durée probable du rôle

Compétences et connaissances propres à l’organisation • Changement lent, sur de longues périodes • Degré élevé, coopération nécessaire

Compétences et connaissances qui se transmettent entre les organisations • Changement rapide et fréquent

• Emplois stables, à long terme

• Travail par projets, d’une durée

• Incidence élevée

variable • Incidence faible

• Approvisionnement susant

• Pénurie

• Capacité faible

• Capacité élevée

Nature de la longévité de la maind’œuvre ; aspirations de carrière • Taux de rotation • Valeur pour retenir la main-d’œuvre • Orientation culturelle

Service de longue durée ; prévision d’une carrière au sein de l’organisation • Taux faible • Valeur élevée • Orientation collectiviste • Importantes variations possibles dans la rémunération selon le niveau au sein de l’organisation

Service de courte durée ; évaluation constante des options • Taux élevé • Valeur faible • Orientation individualiste • Attentes d’une relation plus égalitaire en termes de rémunération

Dotation et philosophie de développement organisationnel

Embauche sur la base du potentiel ; développement des talents à l’interne ; ore de promotions à l’interne

Recrutement visant à répondre aux besoins actuels ; remplacement du personnel lorsqu’il n’est plus requis

• Incidence du travail sur l’unité ou l’organisation • Ore et demande sur le marché de l’emploi • Capacité de déterminer les taux du marché à travers des enquêtes et des recherches

• Degré faible, actions indépendantes

Source : Traduit de Greene (2010a, p. 54).

Prenons l’exemple d’une entreprise manufacturière ayant de vieilles machineries sophistiquées, que seuls certains employés d’entretien d’expérience (par un savoir-faire particulier acquis sur le tas) peuvent réparer et tenir à jour. L’entreprise est alors fortement dépendante du savoir de ces employés, savoir qui se transmet par tutorat entre les employés d’expérience et les plus jeunes. Dans ce contexte, il est possible qu’elle paie ses employés d’entretien des machines autant que ses ingénieurs étant donné qu’ils sont au cœur de sa réussite, et malgré le fait que des enquêtes de rémunération ne prescrivent pas de leur orir autant. L’équité interne, dans ce contexte, a plus de poids que l’équité externe dans la détermination des salaires.

La gestion des enquêtes de rémunération

À l’opposé, une organisation dans le secteur de la gestion de projets à l’international se trouve continuellement en situation d’embauche de personnel sur une base contractuelle. Dans ce contexte, sa main-d’œuvre est en perpétuel mouvement, elle est surtout attirée par les dés, elle est moins préoccupée par l’équité interne que par la valeur de la rémunération sur le marché parce qu’elle peut travailler à contrat pour d’autres entreprises. L’entreprise peut alors se voir forcée d’orir une rémunération plus élevée que ne l’exige la valeur des responsabilités assumées (équité interne) an d’attirer et de retenir les meilleurs talents (équité externe). En somme, l’équilibre optimal entre l’équité interne et l’équité externe varie selon les organisations, les catégories de personnel et même entre les titulaires d’un poste en particulier. Il n’existe pas de règle standard.

4.13

L’octroi d’incitations favorisant l’équité externe

En vertu de la théorie de l’ore et de la demande, lorsqu’il y a moins de candidats que d’emplois à pourvoir sur le marché, les employeurs payent davantage les employés qui ont le prol recherché, et ce, jusqu’à ce que l’échelle salariale prévue ne permette plus d’attirer et de retenir les candidats les plus intéressants. Dans un contexte de pénurie et de rareté de certaines compétences clés ou de vieillissement des employés (et donc de départs plus nombreux à la retraite), certaines organisations doivent adopter des pratiques particulières de gestion de la rémunération globale pour attirer et déliser les meilleurs talents. Le tableau 4.13 à la page suivante liste les principales stratégies de rémunération pécuniaires qui sont adoptées par les entreprises pour attirer et retenir les talents rares. La stratégie la plus répandue consiste à donner une augmentation de salaire jusqu’à la zone maximum des échelles salariales. Toutefois, après un certain temps, les employés ont atteint le maximum de leur échelle et il faut envisager d’autres options. Plusieurs organisations accordent divers types de primes (de rareté, de signature, de délisation, de localisation, de recrutement, d’étape, etc.) qui, très souvent, n’inuent pas sur le coût des avantages sociaux et des régimes de retraite. Depuis quelques années, des organisations ayant des unités localisées à Calgary, à Edmonton et à Fort McMurray, dans l’Ouest canadien, orent des primes de localisation pour y attirer et y retenir leur personnel. Une enquête montre que, lorsque de telles incitations sont utilisées pour attirer et retenir le personnel, les organisations y recourent le plus fréquemment pour les catégories de personnel suivantes : le personnel d’ingénierie, des technologies de l’information, des nances, des ventes, des opérations et du marketing. Toutefois, elles y font appel moins fréquemment pour le personnel de bureau ou du service à la clientèle (Mercer, 2013). Les montants versés peuvent varier beaucoup selon les entreprises, les niveaux hiérarchiques et l’expertise des employés visés.

4.13.1 Les primes liées à l’attraction Il existe plusieurs types de primes liées à l’attraction. Ainsi, une prime de signature vise à inciter le candidat convoité à joindre l’organisation, surtout lorsque cette décision implique une relocalisation. Cette prime peut aussi servir à compenser une prime de performance ou autre que le candidat aurait obtenue en restant au service de son employeur. L’entreprise peut également décider de verser une prime pour attirer des candidats dont les compétences sont rares et recherchées par de nombreux employeurs (par exemple, un ingénieur d’expérience) ou encore pour des postes qui sont diciles à pourvoir alors

177

Meilleurs talents (best talents) Employés qui présentent un potentiel élevé laissant penser qu’ils seront les dirigeants de demain.

178

CHAPITRE 4

TABLEAU 4.13 Une stratégie de rémunération pour attirer et retenir les employés

(N = 221 ; pourcentages basés sur les entreprises canadiennes ayant rapporté au moins une stratégie) Ocielle

Cas par cas

Les deux

Total

Ajustement (hausse) du salaire

6

52

6

64

Primes de signature

4

47

1

52

Primes de rétention

7

36

2

45

Primes de référence

32

8

1

40

Primes d’étapes

6

18

1

24

Octrois d’options d’achat d’actions

5

11

2

18

Primes de compétences rares et critiques

5

10

1

16

Primes de délisation

1

10

0

10

Autres

5

3

0

8

Les autres stratégies de rémunération incluent : • Primes de marché, de localisation • Création de sous-ensembles de fourchettes salariales • Bonication des avantages (vacances, compte de bien-être) • Formation et aide aux études Note : En raison des arrondissements, le total ne correspond pas forcément à la somme exacte. Source : Traduit de Stewart (2012a, p. 18).

qu’ils sont au cœur de sa mission (par exemple, un généticien pour une entreprise de biotechnologie). La plupart des organisations accordent une prime variant de 5 % à 15 % du salaire de base (Sayed, 2009) pour une durée préétablie dans le contrat, généralement de trois ans. À la n de cette période, une autre enquête de rémunération peut mener à prolonger la prime, à l’augmenter ou à l’annuler. Dans ce dernier cas, il importe d’indiquer clairement que la pénurie est disparue et de ne pas trop craindre de voir l’employé quitter l’entreprise, puisque les salaires auront baissé partout. Une prime de référence vise à inciter les employés actuels d’une organisation à attirer des candidats pour pourvoir des postes jugés critiques pour celle-ci. Pensons à des inrmières dans des centres hospitaliers ou à des agents dans un centre d’appels. La rubrique « Regard sur la pratique » qui suit montre comment un tel programme peut être mis en œuvre au sein d’une entreprise, alors que le tableau 4.14 présente quelques données relatives aux montants de primes de référence octroyés pour pourvoir des postes de cadres ou de non-cadres.

REGARD SUR LA PRATIQUE La prime de référence : le cas de gure de Desjardins Au service Accès D du Mouvement Desjardins, l’attraction de candidats pour pourvoir les postes des centres de contact avec la clientèle (centres d’appels) présente un dé particulier parce que ce secteur est en croissance et que le taux de rotation du personnel est très élevé. An de relever ce dé, Accès D rend les employés de ses centres de contact Source : Extrait adapté de Dahan et St-Onge (2011, p. 13).

avec la clientèle admissibles à un programme de primes de référence qui verse une première prime de 400 $ à un employé qui a recommandé une personne qu’Accès D a embauchée et qui a réussi sa formation initiale, puis une seconde prime de 400 $ à ce même employé dans la mesure où la personne recommandée est toujours en poste après six mois.

La gestion des enquêtes de rémunération

179

TABLEAU 4.14 Les primes de référence octroyées pour pourvoir des postes de cadres ou de non cadres

Valeur de la prime de référence

Référence pour un poste de cadre (N = 642)

Référence pour un poste de non-cadre (N = 646)

Aucune

52 %

48 %

Moins de 1 000 $

15 %

24 %

1 000 $-2 499 $

22 %

21 %

2 500 $-4 999 $

8%

5%

5 000 $-9 999 $

2%

1%

10 000 $ et plus

1%

0%

Source : Traduit de Mercer (2013, p. 36).

4.13.2 Les primes de rétention ou de réalisation de projet Une prime de rétention vise à retenir les talents rares dont la perte a des impacts négatifs ou des personnes clés qui aideront à traverser des périodes critiques comme une restructuration d’entreprise, notamment une fusion ou une acquisition. Le montant versé comme prime de rétention correspond souvent à un pourcentage du salaire de base, sinon il peut s’agir d’un montant à la discrétion du supérieur immédiat ou d’un montant préétabli. La même enquête révèle que cette prime est plus souvent versée de manière ponctuelle ou ad hoc, quoique certaines organisations la versent à intervalles réguliers ou sous forme d’un montant progressif dans le temps. Dans ce dernier cas, on parle alors de prime d’étape de projet. Cette pratique est courante, par exemple, pour rémunérer les ingénieurs en chef de projets majeurs à l’international. Le candidat sait alors dès le début d’un projet qu’il percevra une prime à diverses étapes du projet, et ce, jusqu’à la n de celui-ci. Chercher à réduire la rotation du personnel implique toutefois de bien diagnostiquer la situation sur une base documentée avant de retenir la rémunération comme moyen d’action. Les causes d’une rotation élevée peuvent être multiples. Il peut s’agir d’un processus de recrutement inadéquat, d’une organisation du travail déciente, de perspectives de carrière incertaines ou d’une rémunération insusante (voir l’encadré 4.10 à la page suivante). La rémunération directe et indirecte représente une autre cause possible, mais probablement pas la plus importante. Une méta-analyse réalisée par Williams et ses collaborateurs (2006) sur 203 études menées sur une période de 35 ans montre que la satisfaction à l’égard du salaire est corrélée modérément avec l’intention de quitter l’entreprise et faiblement avec la rotation volontaire et l’absentéisme. An d’apporter un remède à la situation, il est nécessaire d’analyser le début de la chaîne et de bien s’assurer d’embaucher dès le départ des employés qui s’accordent avec la culture de l’organisation et qui endossent ses valeurs. Par exemple, la culture de la société Google valorise les emplois excitants, autonomes et créateurs ainsi que l’intrapreneuriat. Cet environnement risque de ne pas convenir à un candidat qui cherche un emploi de 9 à 5, voire de nuire à sa performance et à sa délisation. Un salaire, des primes et des avantages sociaux ne suront pas à le faire adhérer aux valeurs de l’entreprise et ne changeront pas ses attentes profondes.

4.13.3 Les ententes idiosyncratiques entre superviseurs et employés Les conditions de travail, notamment celles concernant les incitations et la rémunération, sont souvent balisées par des politiques ocielles que tous doivent respecter. Cependant, aucune organisation ne peut éviter complètement la pratique des ententes au cas par cas, personnalisées ou idiosyncratiques entre des cadres et leurs employés.

180

CHAPITRE 4

ENCADRÉ 4.10

Quelques questions clés pour poser un diagnostic en cas de rotation du personnel

Analyse des coûts de la rotation ■ ■

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Combien d’employés quittent l’organisation ? (taux en comparaison de celui de la concurrence) Quels employés quittent l’organisation ? Y a-t-il des caractéristiques individuelles communes ? (performance, sexe, âge, ancienneté, etc.) Où ces départs se produisent-ils dans l’organisation ? (secteurs, localisation, segment d’aaires, catégories d’emplois, etc.) Quand cela arrive-t-il ? (par exemple, événement saisonnier, ancienneté moyenne, etc.) Quels sont les impacts nanciers et humains directs et indirects ? Quels sont les impacts de la rotation sur les relations d’aaires et les clients internes et externes ? sur l’embauche et la formation des remplaçants ? Au prot de qui les employés quittent-ils l’organisation ? (concurrents directs ou autres) Etc. Pourquoi les employés quittent-ils l’organisation et leur poste ? (entrevue de départ) L’organisation attire-t-elle et embauche-t-elle les bonnes personnes ? Que pensent les employés de la stratégie de rémunération totale de l’organisation ? Quels attributs et qualités dénissent une excellente performance ? Les employés performants reçoivent-ils le type et le montant des récompenses qu’ils valorisent le plus ? Parmi les causes que contrôle l’organisation, lesquelles réclament une solution urgente ?

Source : Traduit et adapté de Panchal et Masson (2008, p. 46-47).

Les raisons pour lesquelles les cadres veulent des ententes idiosyncratiques De nombreuses raisons peuvent inciter les cadres à déroger à une politique (Greene, 2010a). D’une part, un employé peut exercer une pression et exprimer des attentes particulières (par exemple, un salaire plus élevé, un horaire exible, des vacances plus longues, un budget plus élevé) qu’ils jugent légitimes après avoir reçu une meilleure ore d’une autre entreprise, après avoir découvert qu’il n’est pas payé équitablement comparativement à un collègue ou à des données d’enquêtes ou étant donné qu’il doit assumer des dépenses supplémentaires dans sa vie personnelle. D’autre part, les cadres peuvent conclure des ententes particulières parce qu’ils ne comprennent pas la raison d’être d’une politique, qu’ils n’analysent pas les conséquences de cette entente ou qu’ils sont convaincus que la politique est inadéquate ou mal gérée. Pour mieux encadrer ce type de situations, il est indispensable d’informer et de former le personnel.

Les contextes pressant les cadres à vouloir conclure des ententes idiosyncratiques Un cadre peut être tenté de conclure une entente particulière dans diverses situations (Greene, 2010a). Plus il est dicile de pourvoir un poste et de retenir un candidat, plus le candidat pourra imposer des conditions (par exemple, un meilleur salaire, une rémunération variable plus élevée) que le cadre jugera légitime. Plus le potentiel et la performance d’un candidat sont exceptionnels, plus ses exigences particulières en matière de récompense seront considérées comme acceptables par un cadre. Avec le vieillissement de la population et les nombreux départs à la retraite, certains employés d’expérience demandent des ententes particulières (touchant, par exemple, l’horaire de travail, le salaire ou les avantages sociaux) pour accepter de continuer à travailler.

Comment gérer ecacement les ententes idiosyncratiques ? Le traitement des demandes de dérogation aux politiques et aux pratiques établies de la part des cadres déplaît souvent aux professionnels des ressources humaines. Mais comme l’indique Greene (2010a), il y a pire : les cadres pourraient conclure des ententes qu’ils

La gestion des enquêtes de rémunération

estiment appropriées sans en informer les professionnels des ressources humaines ou leurs superviseurs. Par ailleurs, certains contextes sont susceptibles de nécessiter des ententes au cas par cas ou des ententes visant une catégorie de personnel entière. Pensons aux experts en informatique, lors de la bulle informatique de la n des années 1990, qui ont incité de nombreuses organisations à ocialiser des ententes particulières. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3 (voir la gure 3.3, à la page 108), le fait d’accepter ou non de faire une entente particulière repose sur une analyse de ses coûts et de ses bénéces à l’égard de diverses parties prenantes (les organisations, les employés, les collègues, les clients, etc.). Une meilleure appréciation du contexte permettra aussi d’améliorer la cohérence et la qualité des ententes qui auront été prises. Il sera alors plus facile de les justier et de les faire accepter par le personnel. En eet, le personnel peut comprendre que des facteurs liés au marché du travail ou aux aaires justient des écarts temporaires, surtout si ces écarts sont ponctuels et mûrement rééchis. Prenons le cas des primes de rétention, qui doivent être gérées avec soin. En eet, il n’est pas toujours facile de déterminer s’il faut verser ces primes et encore moins s’il faut adopter une politique ocielle en la matière, plutôt que de décider d’une prime et de son montant au cas par cas. En outre, il faut se méer d’octroyer rapidement une prime de rétention ponctuelle aux professionnels et aux cadres qui menacent de quitter l’entreprise ou qui disent qu’ils pourraient gagner beaucoup plus dans une autre entreprise, une autre province, un autre pays, etc. Chaque cas mérite qu’on se pose de nombreuses questions, dont les suivantes : • Jusqu’à quel point l’employé (son expertise, sa performance, etc.) exerce-t-il une inuence déterminante sur le succès de l’organisation ? Un expert en rémunération qui travaille pour une société-conseil qui donne des services en rémunération a un emploi plus critique qu’un expert en rémunération qui travaille au sein d’une entreprise dans un autre secteur (par exemple, dans le secteur manufacturier). • Le fait de ne pas accorder de prime à un employé aura quelles incidences sur sa performance future, sur son engagement, etc. ? Quel est le risque réel pour l’organisation de perdre cet employé ? • Quelles sont les conséquences négatives du départ d’un employé sur les clients, les bénéces, les pairs, etc. ? • Pendant combien de temps est-il important de retenir cet employé ? • D’autres récompenses non pécuniaires sauraient-elles retenir plus ecacement l’employé ? • D’autres conditions de travail incitent-elles l’employé à quitter l’entreprises (par exemple, le climat de travail, le superviseur, les équipements) ? • Si l’on accorde une prime à un employé, quel eet cela aura-t-il sur ses collègues ? • Y a-t-il des incidences sur le plan légal à considérer ? • Quel est le rapport coûts-bénéces lié au fait de verser une prime ou une augmentation de salaire ? ou au fait d’établir une politique ocielle ? Nombre d’employés ou de membres d’une catégorie de personnel peuvent réclamer de meilleures conditions. Avec l’abondance de données sur la rémunération qu’on trouve notamment sur le Web, un employé pourrait facilement découvrir un résultat qui justierait l’obtention d’une prime. Toutefois, il est possible que la perception de cet employé soit biaisée, et il faut se rappeler qu’il est dans son intérêt de tenir ce discours. Cependant, quel est le risque véritable de perdre cet employé ? Quel est le taux de rotation ? Quelles seraient les conséquences négatives de ce départ sur les clients, les bénéces, etc. ? Il arrive que le départ d’un cadre, même s’il n’était pas souhaitable ou prévu, ne soit pas aussi dévastateur qu’on le craignait et qu’il permette d’apporter des changements et d’orir des occasions à une relève compétente. Mais si l’entreprise décide de retenir ce cadre, pendant combien de temps serait-il important de le retenir et quel mécanisme avertira l’entreprise du respect de cette durée précise ?

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CHAPITRE 4

Par ailleurs, quelles sont les attentes de l’employé qui menace de quitter l’entreprise ? Est-ce que des récompenses non pécuniaires pourraient davantage le retenir ? En relation avec le concept de rémunération totale, de nombreuses organisations recourent à des pratiques de rémunération non pécuniaires pour attirer et retenir des compétences clés, notamment en orant des horaires de travail ou des aménagements de travail exibles, des vacances supplémentaires ou une aide à la relocalisation (déménagement), en boniant les gratications (perks) ou les allocations de demandes de développement. Est-ce que l’employé qui menace de partir veut relever davantage de dés, obtenir une plus grande reconnaissance, etc. ? La gure 4.7 énumère les raisons pour lesquelles les meilleurs talents quittent une organisation ainsi que les approches utilisées le plus fréquemment pour les retenir. On constate que les mesures pécuniaires sont une des nombreuses raisons FIGURE 4.7

Les meilleurs talents : pourquoi quittent-ils l’organisation et comment les retenir ?

La gestion des enquêtes de rémunération

FIGURE 4.7

Les meilleurs talents : pourquoi quittent-ils l’organisation et comment les retenir ? (suite)

Source : Traduit de Scott et al. (2012, p. 64 et 66).

possibles — et souvent une raison importante — de quitter l’organisation et s’avèrent un des moyens de retenir des employés. Dans le même esprit, est-ce que d’autres conditions de travail incitent cet employé à quitter l’organisation ? Ce pourrait être un mauvais climat de travail, une relation dicile avec son supérieur immédiat, un événement qui l’a atteint dans sa dignité, etc. Dans un tel cas, une prime ou une augmentation de salaire ne réglerait pas le problème. Il faut donc analyser la situation et interroger l’employé en question. Si la plupart des employés quittent l’organisation pour des raisons autres que l’argent (par exemple, des possibilités d’avancement limitées, une insatisfaction envers le management ou un manque de reconnaissance), alors la rémunération ne doit pas être le principal véhicule de rétention du personnel. De plus, les dirigeants, les cadres et les employés devraient cesser de croire au mythe selon lequel la principale raison pour laquelle un employé quitte l’organisation réside dans une rémunération insusante. Comme le dit le théoricien de la motivation Abraham Maslow : « Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous allez voir chaque problème comme un clou. » Notons que les collègues d’un employé qui laisse son emploi ont intérêt à alimenter une rumeur voulant que celui-ci ait quitté l’organisation en vue d’accroître sa rémunération. De cette façon, ils essaieront d’obtenir une bonication de leur propre

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CHAPITRE 4

rémunération. Pourtant, il arrive souvent qu’un événement ponctuel désagréable (une crise ou un choc) amène un employé à vouloir quitter l’organisation, mais, comme tout être raisonnable, il attendra et cherchera l’emploi qui le rémunérera autant, voire davantage, avant de quitter le poste dont il s’est déjà retiré psychologiquement. L’être humain est bien plus complexe qu’une machine… heureusement. Finalement, quel est le rapport coûts-bénéces sur les plans nancier et humain pour l’organisation qui verse une prime ou une augmentation de salaire à un employé ou à une catégorie de personnel ? De même, quel est ce rapport coûts-bénéces lié à l’adoption d’un programme formel de rétention du personnel ? Il est nécessaire de mesurer les eets que sont susceptibles d’entraîner l’octroi de primes ou d’une augmentation de salaire ou encore l’implantation d’un programme, car ces eets peuvent être pernicieux. Pensons à une grande société informatique ou encore à une université dont les programmes indiquent aux informaticiens et aux professeurs qu’ils peuvent obtenir une augmentation de salaire au-delà de leur structure salariale seulement s’ils reçoivent une ore d’emploi formelle d’un autre employeur. Ici, la prémisse est que les meilleurs employés sont ceux que les autres employeurs viennent solliciter. En réalité, bon nombre d’informaticiens et de professeurs ont décidé de poser leur candidature auprès d’autres employeurs, sans avoir l’intention de partir, seulement pour obtenir une ore d’emploi qui leur donnerait droit à une augmentation ou à une prime au sein de leur organisation. Bien entendu, les individus qui agissent ainsi ne sont pas toujours les meilleurs employés. En fait, les meilleurs talents s’attendent souvent à ce que les employeurs sachent reconnaître leur valeur avant même de se voir orir un poste ou sans qu’ils aient à jouer le jeu de chercher un emploi ailleurs, ce qui fait perdre du temps à beaucoup de gens. Il s’agit là d’incidences pernicieuses d’un programme de rémunération voulant justement satisfaire les meilleurs employés. Les paradoxes de la sorte sont fréquents en matière de rémunération, et nous en verrons plusieurs autres dans cet ouvrage.

REGARD SUR LA PRATIQUE Lorsque la rétention des employés se réalise par des moyens autres que la rémunération Cas 1 Un leader dans le domaine de la distribution de produits technologiques s’apprêtait à augmenter sa force de vente de 30 % (1 200 nouvelles embauches). Pour ces employés en contact avec la clientèle, l’entreprise enregistrait déjà un taux de rotation de 42 %, la majorité des employés partant au cours des six premiers mois suivant leur entrée en poste. Les coûts associés à cette rotation étaient estimés à 50 000 $ par directeur de compte, pour un total de 30 millions de dollars. Une équipe, formée de consultants externes et de professionnels des ressources humaines de l’entreprise, s’est penchée sur les causes de la rotation et a découvert la principale raison des départs : une mauvaise adéquation entre la personne et Source : Extrait traduit de Panchal et Masson (2008, p. 48).

l’emploi. L’équipe a alors révisé les sources de recrutement et le processus de sélection de manière à optimiser l’harmonie entre les nouvelles recrues et les exigences de l’emploi. Pour ce faire, elle a évalué les compétences et l’expérience requises pour réussir dans le poste, élargi le réservoir de candidats potentiels sur la base des résultats de l’analyse, mis au point une évaluation de la sélection en fonction des compétences clés du poste, élaboré plusieurs descriptions réalistes de postes pour s’assurer que les candidats ont une bonne compréhension des tâches et des responsabilités et, enn, fait participer les cadres au processus de sélection en les rendant responsables de la rétention des recrues.

La gestion des enquêtes de rémunération

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REGARD SUR LA PRATIQUE (suite) La mise en œuvre de ce processus simplié a permis à l’entreprise d’atteindre ses objectifs de recrutement et de réduire son taux de rotation de 9 % par rapport à celui de 2006 et de 17 % par rapport au taux enregistré en 2005. Le coût total de la rotation a ainsi été réduit de moitié, passant de 30 à 15 millions de dollars.

Cas 2 Une importante entreprise du secteur des technologies des communications sans fil (ayant une main-d’œuvre globale d’environ 15 000 employés) a établi un partenariat avec la société-conseil Hay Group an d’optimiser les eorts investis dans la rétention de son personnel. L’entreprise, ayant observé une hausse importante du taux de rotation de ses employés comptant entre une et deux années de service, cherchait à réduire le nombre des départs touchant ce segment particulier de sa main-d’œuvre. Une enquête par téléphone a d’abord été réalisée auprès d’anciens employés ayant quitté l’entreprise au cours des 18 derniers mois sur une base volontaire. Les entrevues cherchaient à recueillir de l’information sur l’expérience vécue par ces derniers au sein de l’entreprise, sur les raisons ayant motivé leur départ et sur leur perception actuelle de l’entreprise. Une étude plus approfondie sur la rétention, réunissant des données de

diverses sources (employés actuels, anciens employés, analyses de tendances), a ensuite été réalisée. Elle a permis de dresser une liste de recommandations portant sur les six principaux facteurs de rétention désignés comme des aspects fondamentaux de l’image de marque d’employeur de l’organisation. Ces facteurs sont les possibilités de développement, la rémunération totale, un environnement de travail stimulant, une gestion et un leadership de qualité, la gestion de la performance et l’alignement sur les objectifs organisationnels. Avec ces informations en main, l’entreprise a lancé les initiatives suivantes afin de favoriser la rétention de ses employés clés : • Une initiative de planication du développement pour préparer les cadres à aborder des questions relatives à la gestion des carrières avec leurs employés sur une base continue. Il s’agissait d’outiller et de responsabiliser les employés an qu’ils gèrent ecacement leur carrière au sein de l’entreprise. • Des séances organisées pour permettre aux employés de diverses divisions de discuter des projets et des produits novateurs. • La création du programme 52 semaines dans notre entreprise an de favoriser une meilleure compréhension des valeurs des fondateurs de l’entreprise et des facteurs qui rendent la culture organisationnelle unique.

Source : Traduit de Werhane et Royal (2009, p. 40).

Conclusion Dans ce chapitre, nous avons d’abord mis en lumière l’importance de la compétitivité de la rémunération des employés d’une organisation. Nous avons ensuite traité des diverses politiques de rémunération et des démarches que les entreprises peuvent adopter pour s’assurer de la compétitivité de leur rémunération. LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA Ce chapitre a montré qu’il n’existe pas de réponses objectives aux questions se posant quant à la rémunération accordée sur le marché. Aussi, il est possible d’apprécier la qualité d’une enquête de rémunération en examinant les La signication de l’argent choix faits en relation avec divers critères pertinents, avec Par Jacques Forest, CRHA, psychologue, professeur, des façons de faire ou des normes courantes et traditionchercheur, ESG UQÀM nelles. L’enquête doit également respecter certaines règles La contre-proposition salariale : entre mal nécessaire ou normes qui régissent les analyses statistiques. Finalement, et décision d’aaires il faut se soucier d’autres types d’équité lorsque l’on gère la Par Jérôme Côté, CRHA, alors qu’il était conseiller rémunération du personnel. Le chapitre 5 porte sur l’analyse principal, Le Groupe Hay Limitée et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale.

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CHAPITRE 4

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Qu’est-ce que le principe de l’équité externe ou de la compétitivité dans le domaine 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

de la gestion de la rémunération ? Pourquoi les employeurs doivent-ils se préoccuper de ce principe au regard de la rémunération qu’ils orent ? Les entreprises peuvent adopter diérentes politiques en matière de compétitivité des salaires. Décrivez ces politiques et commentez-les (avantages, limites, conditions de succès, prémisses théoriques, etc.). Quelles sources les experts en rémunération peuvent-ils considérer pour s’assurer de la compétitivité de la rémunération oerte ? Quels objectifs doit poursuivre une entreprise qui veut mener et consulter des enquêtes de rémunération ? Indiquez la pertinence, l’importance et l’utilité des enquêtes de rémunération dans la détermination et la gestion de la rémunération. À partir de quels critères importants une entreprise peut-elle déterminer le marché de référence avec lequel elle comparera la rémunération oerte à son personnel ou à une catégorie de son personnel ? Distinguez et commentez les diérentes méthodes d’enquête de rémunération. Quelles approches permettent de colliger des données sur la rémunération ? Traitez des principaux dés auxquels les employeurs font face lorsque vient le temps de s’assurer de la compétitivité de la rémunération à travers le processus d’enquête de rémunération. Quelles recommandations peut-on faire aux employeurs qui désirent mener des enquêtes de rémunération ou considérer des données d’enquêtes pour prendre des décisions en matière de rémunération ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. Nommez des organisations qui adoptent une politique de rémunération à la remorque du marché et des organisations qui adoptent une politique de rémunération à la tête du marché. Justiez vos choix et expliquez les conditions de succès des politiques de ces organisations. 2. «La rémunération pécuniaire est le seul véhicule de rétention du personnel. Pour garder ses meilleurs talents et rester dans la course, l’entreprise doit être prête à mettre la main dans ses poches.» Commentez cette armation.

CHAPITRE

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L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

PLAN DU CHAPITRE

5.1 Le respect du principe de l’équité interne dans la gestion des salaires 5.2 Les structures salariales basées sur les exigences relatives des emplois 5.3 L’inégalité de la rémunération selon le sexe : ampleur et causes 5.4 Le respect des lois canadiennes luttant contre la discrimination basée sur le sexe 5.5 La Loi sur l’équité salariale du Québec 5.6 Les processus d’établissement et de maintien de l’équité salariale

5.7 Les conditions de succès de l’exercice d’équité salariale et de l’évaluation du maintien de l’équité salariale 5.8 L’analyse et la description des emplois 5.9 L’évaluation des emplois : importance et méthodes 5.10 Les approches utilisées par la méthode des points et facteurs : la grille et le questionnaire 5.11 La gestion du processus d’évaluation des emplois

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Traiter du respect de l’équité interne dans la gestion de la rémunération au sein • • • • • • • • •

de l’organisation. Présenter des structures salariales basées sur la valeur relative des exigences des emplois. Expliquer les causes des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Diérencier les modèles législatifs réactif et proactif en matière de discrimination basée sur le sexe dans la gestion de la rémunération. Présenter la Loi sur l’équité salariale au Québec et exposer les avantages et les inconvénients d’une législation proactive. Décrire les processus d’établissement et de maintien de l’équité salariale. Présenter les conditions de succès de l’exercice d’équité salariale et de l’évaluation du maintien de l’équité salariale. Distinguer les diérentes méthodes d’analyse et d’évaluation des emplois. Décrire les deux principales approches utilisées par la méthode d’évaluation des points et facteurs. Examiner certaines facettes de la gestion du processus d’évaluation des emplois.

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CHAPITRE 5

M I S E E N S I T U AT I O N

Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? Malgré les progrès remarquables que les femmes ont réalisés en matière de scolarisation, elles continuent d’acher un revenu de travail inférieur à celui des hommes. En 2011, le salaire horaire moyen des femmes qui travaillaient à temps plein au Canada représentait 87 % de celui des hommes. Au Québec, ce ratio était de 90 %. On doit se réjouir du fait que l’écart salarial entre les sexes se soit atténué au cours des récentes décennies, mais pourquoi un écart persiste-t-il ? Quatre grands constats se dégagent des résultats d’une recherche eectuée à partir de données d’enquêtes de Statistique Canada accumulées au cours des 10 dernières années, dont l’accès a été donné par le Réseau canadien des Centres de données de recherche1. Premier constat : les choix de carrières des femmes contribueraient de façon importante aux écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Malgré des percées récentes dans des domaines plus traditionnellement masculins, les femmes sont trop peu nombreuses à choisir des parcours professionnels plus payants. Elles continuent d’être concentrées dans un éventail plus restreint de professions et de secteurs d’activité que les hommes et forment la majorité des travailleurs qui occupent les emplois les moins bien payés et les postes subalternes. En particulier, la forte concentration des femmes dans le secteur de la santé serait un facteur clé expliquant les écarts salariaux entre les sexes au Canada. Deuxième constat : l’hypothèse voulant que les femmes s’intéressent davantage que les hommes aux aspects non pécuniaires des emplois bénécie d’un certain soutien empirique. Si l’importance de ce facteur est reconnue d’un point de vue statistique, sa contribution aux écarts salariaux demeure faible comparée à la portion des écarts imputable à la ségrégation des choix professionnels. Est-ce que les femmes préfèrent des professions ou des secteurs d’activité qui leur donnent plus de exibilité, quitte à être moins bien payées ? Ou est-ce plutôt que les femmes sont prêtes à accepter des salaires plus bas si c’est là la seule façon de concilier leurs rôles de mère et de travailleuse ? La nuance est importante, mais les analyses empiriques ne nous permettent pas de trancher. Troisième constat : les femmes qui ont des enfants gagnent moins que les femmes qui n’en ont pas. Cette «pénalité du bébé» est un phénomène bien documenté d’un point de vue

empirique. En 2012, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) publiait des données comparatives montrant que le coût de la maternité en termes de baisse de salaires demeure très élevé au sein des pays de l’OCDE. Parmi les personnes âgées de 25 à 44 ans qui travaillaient à temps plein, l’écart salarial entre les sexes pour les travailleurs et travailleuses sans enfant se situait à 7 % pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Pour ceux et celles qui avaient au moins un enfant âgé de 15 ans ou moins, l’écart grimpait de plus de 15 points de pourcentage, pour atteindre 22 %. Au Canada, cet écart atteint 30 %, et il faut en moyenne sept ans pour qu’une mère qui retourne au travail après un congé de maternité ne soit plus pénalisée sur le plan de la rémunération. Quatrième constat : moins de la moitié des écarts salariaux observés s’explique par les caractéristiques productives diérentes des femmes et des hommes, comme le domaine d’études ou la profession, le secteur d’activité, le nombre d’années d’expérience ou le nombre d’heures travaillées. Ce seraient plutôt les diérences dans les rendements que les femmes et les hommes tirent de leurs caractéristiques professionnelles qui donnent lieu aux écarts que nous observons, ce qui suggère que des pratiques discriminatoires envers les femmes pourraient sévir dans certains milieux de travail. Même si les barrières légales à l’embauche des femmes et autres pratiques discriminatoires sont illégales, des préjugés plus ou moins cachés semblent inuencer les pratiques organisationnelles. Les femmes, même celles qui détiennent des diplômes d’études supérieures, occupent souvent des postes subalternes et bénécient moins de chances d’avancement. Il est dicile toutefois de documenter au moyen d’analyses statistiques l’existence de préjugés et de stéréotypes liés au sexe en milieu de travail, et surtout de cerner leur rôle dans les inégalités salariales.

Questions 1. Les constats exprimés dans ce texte vous surprennent-ils ? Pourquoi ? 2. Que pensez-vous des initiatives légales mises en avant au Québec pour contrer les inégalités de la rémunération entre hommes et femmes ? 3. Quelles actions pourraient être prises, au sein d’une organisation, an de favoriser un traitement égal entre hommes et femmes ?

Sources : Extraits adaptés de Vincent (2013a, 2013b).

1. Pour prendre connaissance d’une entrevue réalisée avec l’auteure, voir [En ligne], www.rcinet.ca/fr/2013/10/03/pourquoi-les-femmes-gagnent-elles-moins-que-les-hommes.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

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C

omme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le modèle de gestion de la rémunération présenté dans cet ouvrage met en avant le principe de l’équité interne. Dans un premier temps, nous rappelons dans ce chapitre l’importance du principe de l’équité interne ou de la cohérence interne dans l’établissement de la rémunération versée aux emplois que l’on trouve au sein d’une organisation. Cette préoccupation pour l’équité interne vise à établir et à maintenir des structures salariales basées sur la valeur relative des exigences des emplois, c’est-à-dire à s’assurer que, dans une organisation, on ore des salaires équivalents pour des emplois ayant des responsabilités de valeur équivalente et des salaires diérents pour des emplois ayant des responsabilités de valeur diérente. Ensuite, nous traitons de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et de ses causes, ce qui nous aidera à comprendre l’intervention de l’État en la matière. Nous décrivons dans leurs grandes lignes les lois canadiennes et résumons le contenu de la Loi sur l’équité salariale, de type proactif, que la province de Québec a adoptée en 1996 et révisée en 2009. Cette loi oblige les employeurs à entreprendre un exercice visant à garantir que les catégories d’emplois à prédominance féminine sont rémunérées comme les catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente et à faire ensuite l’évaluation périodique du maintien de l’équité salariale. Puis, nous exposons les avantages et les inconvénients d’une telle législation de nature proactive en matière d’équité salariale qui est présente ailleurs au pays comme à l’étranger. Par la suite, nous insistons sur les processus d’établissement de l’équité salariale et de son maintien dans le temps selon les dispositions de la Loi sur l’équité salariale que les employeurs doivent respecter dans le cadre de la gestion de la rémunération accordée à tous leurs emplois. Dans ce contexte, nous voyons les conditions de succès d’un exercice d’équité salariale et de l’évaluation du maintien de l’équité salariale. Pour cela, nous examinons comment les employeurs gagnent à s’assurer de l’absence de biais sexiste dans l’analyse, la description et l’évaluation de tous leurs emplois. Puis, nous étudions les diérentes méthodes d’évaluation des emplois utilisées, et plus particulièrement la méthode des points et facteurs, et les approches qu’il est possible d’utiliser (grille et questionnaire d’évaluation). Nous terminons ce chapitre par une revue de la gestion du processus d’évaluation des emplois.

5.1

Le respect du principe de l’équité interne dans la gestion des salaires

Si elle veut optimiser les perceptions d’équité interne, une organisation doit s’assurer d’orir une rémunération équivalente pour des emplois de même valeur et une rémunération diérente pour des emplois de valeur diérente. Cette forme d’équité doit toujours être considérée quoique certains facteurs contextuels puissent la rendre plus ou moins critique ou importante en comparaison des autres types d’équité à sauvegarder, comme l’équité externe, l’équité individuelle ou l’équité collective. Pour favoriser cette perception d’équité interne, il importe de s’appuyer sur diverses pratiques de gestion.

5.1.1 La dénition de l’équité interne Lorsqu’une organisation se préoccupe de respecter le principe de l’équité interne, elle vise à faire en sorte que les titulaires d’emplois diérents dans une entreprise estiment qu’ils reçoivent une rémunération proportionnelle aux exigences de leur emploi respectif. Ainsi, les emplois comportant des exigences semblables sont rétribués par un salaire semblable

Équité interne (internal equity) Ampleur avec laquelle un employé perçoit que les salaires versés sont équivalents pour des emplois de même valeur et qu’ils sont diérents pour des emplois de valeur inégale.

190

CHAPITRE 5

et les emplois comportant des exigences diérentes, par un salaire proportionnellement diérent. Il existe un état d’iniquité interne lorsque les titulaires d’un emploi perçoivent que le ratio de leur contribution et de leur rétribution n’est pas égal au ratio des titulaires d’un ou de plusieurs emplois qui leur servent de référents dans l’organisation. En somme, l’équité interne concerne la cohérence de la rémunération versée pour diérents emplois dans l’organisation (et non la cohérence de la rémunération versée aux diérents titulaires occupant un même emploi, ce qui est plutôt l’objet de l’équité individuelle). Une rémunération plus avantageuse doit être accordée aux titulaires des emplois qui ont davantage investi en eux-mêmes (expérience, compétences, niveau de scolarité, etc.) pour être aptes à occuper un emploi dont les responsabilités comportent plus d’exigences.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie de l’équité et la théorie du capital humain Deux théories permettent de mieux comprendre l’importance de l’équité interne ou de la cohérence interne dans les salaires versés pour les divers emplois dans une organisation. D’abord, selon la théorie de l’équité (Adams, 1963), une personne compare sa contribution et sa rétribution (ratio) avec celles d’une autre personne, considérée comme point de repère ou référent. Ensuite, la théorie du capital humain (Becker, 1975) stipule que la valeur pécuniaire des habiletés et des compétences d’une personne est fonction du temps, des ressources et des dépenses exigés pour que celle-ci les acquière.

5.1.2 Les facteurs inuençant l’importance de l’équité interne Toute entreprise doit se soucier de l’équité interne ou de la cohérence des conditions relatives de rémunération qu’elle ore aux titulaires de ses diérents emplois. Toutefois, l’importance de l’équité interne pour une entreprise — tant de manière absolue que de manière relative par rapport à l’importance des autres formes d’équité (externe, individuelle, etc.) — dépend aussi de plusieurs facteurs contextuels comme l’environnement de l’entreprise, sa taille et sa structure, sa stratégie d’aaires, sa philosophie de gestion, l’organisation du travail et la technologie, la catégorie de personnel, les emplois et les pressions syndicales. En outre, la valeur d’un emploi est bien entendu fonction du type d’organisation ou du secteur d’activité auquel elle appartient. Ainsi, un expert-comptable tient un rôle plus important dans la réalisation des objectifs d’aaires s’il occupe un poste d’associé dans un cabinet d’experts-comptables que s’il occupe un poste de contrôleur dans une entreprise manufacturière. Selon les emplois visés, le principe de l’équité interne apparaît toutefois comme plus ou moins pertinent dans la détermination des salaires. En eet, comment pourrait-on apprécier l’élégance et la grâce d’un mannequin ou la rapidité des réexes d’un coureur automobile au moyen de l’évaluation d’un emploi ? Dans ces cas, les caractéristiques de la personne et la loi de l’ore et de la demande sur le marché ont relativement plus de poids dans la détermination du salaire. À l’inverse, la préoccupation à l’égard de l’équité interne semble importante pour les titulaires des emplois qui ne sont pas en contact avec les employés d’autres entreprises, dont la rotation est peu élevée (par exemple, les employés de bureau, de production et d’entretien) et pour lesquels le marché présente peu de balises (par exemple, les techniciens responsables de la qualité de l’eau dans les municipalités).

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

191

Finalement, l’importance de l’équité interne n’est pas non plus étrangère au marché réel de l’emploi des travailleurs en cause. Ainsi, l’équité interne s’avère davantage cruciale pour les organisations qui adoptent une politique de promotion ou de recrutement interne, c’est-à-dire qui pourvoient leurs emplois d’entrée en embauchant des personnes de l’extérieur et leurs autres emplois en faisant appel à la mobilité interne de leur personnel (promotions, mutations, etc.). C’est également le cas pour le secteur public : comme les employés qui travaillent pour le gouvernement tendent à demeurer avec cet employeur, ils sont portés à comparer leurs salaires entre eux plutôt qu’avec ceux qui sont oerts aux employés du secteur privé (dans une certaine mesure, bien entendu).

5.1.3 Les pratiques visant à s’assurer de l’équité interne La recherche de l’équité interne ou de la cohérence interne suppose diérentes pratiques de rémunération : l’analyse des emplois, la description d’emplois (optionnelle), l’évaluation des emplois, l’établissement d’une structure des emplois et l’élaboration d’une structure salariale (voir l’encadré 5.1). ENCADRÉ 5.1 ■









Les pratiques visant à assurer l’équité interne des salaires dans une organisation

Analyse des emplois : processus qui permet de recueillir systématiquement de l’information sur les emplois, soit leurs responsabilités, leurs activités, leurs rôles, leurs compétences, etc. Description d’emplois et de leurs exigences : document qui décrit le contenu de l’emploi en matière de responsabilités, de tâches, d’activités, de compétences, de rôles, etc. Évaluation des emplois : processus qui permet de hiérarchiser les emplois en fonction de la valeur relative de leurs exigences ou de leur importance pour le succès de l’organisation. Établissement d’une structure des emplois : hiérarchie ou classication des emplois en fonction de la valeur relative de leurs exigences, de leurs responsabilités, de leurs activités, de leurs compétences, de leurs rôles, etc. ; résultat du processus d’évaluation des emplois. Élaboration et mise à jour d’une structure salariale visant à déterminer et à gérer les salaires : étendue des taux de salaires versés pour diérents emplois au sein d’une organisation selon la valeur relative de leurs exigences.

5.2

Les structures salariales basées sur les exigences relatives des emplois

Ultimement, l’organisation doit veiller à ce que sa structure salariale respecte le principe de l’équité interne ou de la cohérence interne en orant des salaires proportionnels aux exigences relatives des emplois. Dans cette section, nous illustrerons une structure salariale, traiterons de ses incidences et commenterons le nombre de structures salariales au sein d’une organisation.

5.2.1 Une illustration d’une structure salariale Traditionnellement et encore aujourd’hui dans la majorité des organisations, la structure salariale présente les salaires associés à diérents emplois au sein d’une organisation en fonction de la valeur relative de leurs exigences : plus les emplois comportent des responsabilités élevées, plus leur salaire est élevé. Une structure salariale est à la fois le résultat des décisions antérieures d’une organisation en matière de gestion des salaires et un guide visant à baliser les décisions actuelles et futures en la matière.

192

CHAPITRE 5

La gure 5.1 illustre une structure salariale typique, qui constitue le résultat vers lequel tendent les activités décrites dans ce chapitre, soit l’analyse, la description et l’évaluation des emplois. Nous reviendrons sur cette représentation d’une structure salariale typique an de dénir ses composantes clés (par exemple, les classes d’emplois, l’échelle salariale) et d’approfondir comment on élabore et gère les structures salariales. FIGURE 5.1

La représentation d’une structure salariale et de ses composantes clés

Source : St-Onge et al. (2013).

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

5.2.2 Les incidences des caractéristiques d’une structure salariale Une structure salariale s’avère importante parce qu’elle a un eet sur les attitudes des employés, comme leur satisfaction et leurs perceptions de justice envers les salaires, leur motivation à accepter des promotions ou encore à acquérir des compétences. Elle inuence aussi les comportements des employés, qu’il s’agisse de leur adhésion à un syndicat, de leur attraction pour une organisation, de leur délité à celle-ci, du fait de quitter l’organisation, etc. Par exemple, plus une structure salariale est plate ou peu abrupte — c’est-à-dire qu’elle propose moins de diérences de salaires entre les classes d’emplois —, moins les employés seront portés à accepter des promotions, et plus ils tenteront de faire réviser la valeur de leur emploi aussitôt qu’on leur attribuera des responsabilités supplémentaires. De fait, et c’est sur cet aspect que ce chapitre ainsi que le chapitre 6 insistent, les structures salariales doivent être élaborées de manière à inciter les employés à adopter des comportements et des attitudes qui aideront les entreprises à atteindre leurs objectifs d’aaires et à être jugées comme justes par les employés. Au Canada, les employeurs doivent veiller à respecter des lois — qui varient selon les provinces — visant à s’assurer de l’absence de biais dans l’évaluation des catégories d’emplois à prédominance féminine et des catégories d’emplois à prédominance masculine au sein d’une même entreprise.

5.2.3 Des structures salariales respectueuses des lois visant à contrer la discrimination De façon traditionnelle (et c’est encore le cas aujourd’hui dans les pays où il n’existe pas de législation proactive en matière d’équité salariale), les employeurs ont géré les salaires des emplois de nature semblable en familles d’emplois (job clusters). Ils estimaient que l’évaluation relative de l’ensemble des emplois d’une organisation était trop dicile parce que les emplois présentent beaucoup de diérences. En procédant ainsi, les employeurs établissaient souvent autant de méthodes d’évaluation des emplois que de familles d’emplois, c’est-à-dire des regroupements d’emplois susamment semblables pour être comparés sur la base d’un ensemble de caractéristiques communes et d’un marché de l’emploi similaire. Cette façon de faire les menait à établir le même nombre de structures salariales que de familles d’emplois dans leur organisation. Par exemple, on trouvait une structure salariale pour les emplois de production, une pour les emplois de cadres et de professionnels, une pour les emplois de bureau, une pour le personnel de production et d’entretien et une pour le personnel de vente. En somme, tant que les organisations estiment la valeur relative des emplois par familles d’emplois (perspective intrafamille d’emplois), elles maintiennent l’équité entre les emplois d’une même famille sans toutefois se préoccuper de l’équité relative des salaires versés pour les emplois de diérentes familles d’emplois (perspective interfamilles d’emplois). De fait, le message était le suivant : « Nous veillons à nous assurer que les salaires accordés aux divers emplois d’une famille d’emplois donnée (comme le personnel de bureau) dans l’organisation sont proportionnels à la valeur relative de leurs exigences. » Par contre, dans ce contexte, les employeurs ne comparent pas les exigences relatives des emplois et les salaires relatifs accordés aux emplois de cette famille (comme le personnel de bureau) avec ceux d’une autre famille (comme le personnel de production) sous prétexte que les familles d’emplois sont composées d’emplois trop diérents et trop diciles à comparer, ou encore par simple habitude ou eet de la tradition, cela ayant toujours été géré de cette façon et jugé équitable ainsi. Idéalement, toutefois, l’évaluation des emplois devrait hiérarchiser tous les emplois de l’entreprise en fonction de la valeur relative de leurs exigences an d’assurer la cohérence

193

194

CHAPITRE 5

Équité salariale (pay equity) Rémunération accordée à des emplois à prédominance féminine de valeur X équivalant à celle accordée à des emplois à prédominance masculine de même valeur ou de valeur équivalente.

entre les salaires versés pour tous les emplois dans l’organisation. En eet, pour juger de l’équité de leur salaire au sein d’une entreprise, les titulaires des emplois de bureau peuvent tout aussi bien comparer leur ratio « exigences de l’emploi – salaire reçu » avec celui des emplois de production. Ainsi, même si les résultats d’une évaluation des emplois peuvent sembler logiques, cohérents et équitables à l’intérieur d’une famille d’emplois, rien n’assure, a priori, qu’il en est ainsi entre les emplois de diérentes familles d’emplois. En ce sens, la multiplication des structures salariales par familles d’emplois au sein d’une organisation, tout en facilitant les comparaisons entre les emplois à l’intérieur de chaque famille d’emplois (équité intrafamille), peut augmenter les risques d’iniquité quant à la rémunération versée aux emplois des diérentes familles d’emplois dans l’organisation (iniquité interfamilles). Depuis le début des années 1990, au sein des organisations de toutes tailles, on a tendance à réduire le nombre de structures salariales an de simplier la gestion et de réduire les biais dans l’établissement des salaires. Une recommandation ou une demande des défenseurs de la lutte contre la discrimination salariale fondée sur le sexe est d’ailleurs de prescrire aux employeurs de minimalement comparer tous les emplois dans l’entreprise en vue d’établir une seule structure salariale permettant réellement de rémunérer tous les emplois en fonction de leur valeur relative, un préalable au respect véritable de l’équité interne. Nous verrons plus loin que la Loi sur l’équité salariale du Québec ne s’intéresse pas au respect de l’équité interne dans la rémunération versée par les employeurs à l’ensemble de leurs emplois, cette question étant du ressort de l’employeur. La préoccupation du législateur se limite à forcer les employeurs à établir l’équité salariale seulement entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente au sein de leur entreprise. Toutes les autres catégories d’emplois (ou emplois) « neutres » — où le nombre de femmes et d’hommes est à peu près égal — sont exclues de la loi.

5.3

L’inégalité de la rémunération selon le sexe : ampleur et causes

On estime l’inégalité salariale liée au sexe en comparant les gains moyens ou médians des femmes et des hommes, idéalement sur une base horaire — plutôt qu’hebdomadaire, mensuelle ou annuelle — an d’exclure l’eet de la durée du travail (Baker et Drolet, 2010). En eet, au Canada, si l’on compare les gains annuels de tous les travailleurs, l’écart est de 36 %. Si l’on compare les gains des travailleurs à temps complet seulement, l’écart est de 29 %. Enn, si l’on compare les taux horaires, il est de 15 %. De multiples facteurs expliquent les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. On peut les regrouper comme ceci : • les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des femmes ; • les préjugés et les stéréotypes envers les travailleuses et leurs emplois ; • les pratiques traditionnelles de l’État, des employeurs, des syndicats et des experts en rémunération.

5.3.1 Les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des femmes L’écart des gains de rémunération entre les hommes et les femmes, qui est au désavantage de ces dernières, est en partie dû à des facteurs démographiques et professionnels qui caractérisent celles-ci, notamment (Chicha, 2011) :

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

• • • • • • • • •

Elles occupent des emplois moins rémunérés. Elles occupent moins les postes de niveau hiérarchique supérieur. Elles possèdent moins d’années d’expérience parce qu’elles quittent plus souvent et plus longtemps le marché du travail pour des raisons familiales ou autres. Elles travaillent moins à temps plein et sont plus susceptibles d’avoir un emploi temporaire. Elles sont plus susceptibles de s’absenter pour prendre soin de leurs proches. Elles travaillent plus pour des organisations de petite taille qui orent des conditions de rémunération moins avantageuses. Elles étudient dans des disciplines menant à des emplois moins bien rémunérés. Elles occupent des emplois requérant moins de compétences et de responsabilités. Elles sont moins syndiquées.

À la n des années 1990, des chercheurs montraient que près de 70 % à 80 % des écarts salariaux entre les hommes et les femmes s’expliquaient par les diérences suivantes : les hommes tendent à travailler pour des employeurs ayant des caractéristiques distinctes (la taille, l’industrie, etc.) ; ils occupent des postes ayant des exigences diérentes ; ils adoptent des comportements diérents au travail (l’absentéisme, la rotation, le rendement, etc.) ; ils ont des prols de compétences diérents (le niveau de scolarité, l’ancienneté, la qualication professionnelle, etc.) ; ils sont représentés diéremment par les syndicats (Haberfeld et al., 1998 ; Gunderson, 1985 ; Robb, 1987 ; Sorensen, 1994). Selon eux, le reste de cet écart, soit de 20 % à 30 %, était attribuable à la discrimination systémique en emploi, et à l’intérieur de cette proportion, seulement de 5 % à 10 % de l’écart serait dû à la discrimination systémique dans la gestion des salaires. D’après les résultats de la recherche de 2013 présentée dans la mise en situation en début de chapitre, il apparaît que la ségrégation professionnelle des femmes dans les métiers et les professions qui se situent encore aujourd’hui dans le prolongement de leur rôle traditionnel de mère et d’épouse (par exemple, enseignement, soins aux personnes, coiure) persiste toujours. Aussi, les personnes qui privilégient l’équité en emploi, laquelle vise l’intégration et la promotion des femmes dans les emplois plus masculins et mieux rémunérés, croient qu’une présence accrue des femmes dans ces derniers emplois va entraîner une hausse de leur rémunération, et donc contribuer à réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Pour certains, ce sont les femmes qui sont victimes de leurs choix de carrières, qui préfèrent des conditions de travail non pécuniaires plutôt que la rémunération ou qui sont forcées de les préférer (exibilité) pour concilier travail et famille, etc. Toutefois, encore aujourd’hui, même après avoir contrôlé ces diverses caractéristiques sociodémographiques et professionnelles — la nature des emplois, la taille des établissements, le taux de syndicalisation, les compétences des emplois, le champ d’études, la durée de l’emploi, le niveau de scolarité, l’âge, etc. —, les enquêtes montrent qu’un écart substantiel défavorisant les femmes subsiste en matière de rémunération (voir la revue de Chicha, 2011).

5.3.2 Les préjugés et les stéréotypes envers les travailleuses et leurs emplois Même si la discrimination basée sur le sexe est illégale depuis longtemps, il semble que le milieu de travail tend encore à accorder moins de promotions, de possibilités de formation et même à évaluer plus sévèrement le rendement des femmes et les exigences de leurs emplois (voir la revue de Vincent, 2013a). Les préjugés et les stéréotypes inuencent encore les décisions des cadres et des dirigeants envers le personnel, dont celle de la valeur accordée aux postes et aux responsabilités qu’elles assument, et donc à la rémunération qu’elles méritent.

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196

CHAPITRE 5

Préjugé (prejudice) Opinion préconçue, positive ou négative, à l’endroit d’une personne ou d’une chose ; idée toute faite, souvent inculquée par le milieu, l’éducation ou les valeurs. Stéréotype (stereotype) Tendance à attribuer des comportements particuliers à une personne en raison de son appartenance à un groupe.

Pendant longtemps, la société a reposé sur la division sexuelle des rôles. D’une part, les femmes devaient être rapidement mères au foyer ou, si elles travaillaient, avoir un revenu « d’appoint ». D’autre part, les hommes devaient assumer un rôle de pourvoyeurs et gagner un salaire susant pour assumer leurs responsabilités de soutien de famille. Bien que les femmes aient intégré le marché du travail à un rythme accéléré au cours des dernières décennies, bien des préjugés et stéréotypes persistent à l’égard de la valeur de leurs emplois, de leurs compétences, de leur motivation, etc. On a longtemps présumé qu’elles étaient moins engagées dans leur travail et envers leur employeur qu’envers leurs tâches domestiques et leur famille. Rappelons que, jusqu’en 1955, les femmes qui travaillaient pour le gouvernement du Canada étaient d’ailleurs obligées de démissionner lorsqu’elles se mariaient. Selon un préjugé répandu, les compétences liées aux emplois surtout occupés par des femmes (patience, attention aux personnes sourantes et dépendantes, aptitudes aux relations interpersonnelles et à la communication, etc.) ne seraient pas acquises avec l’apprentissage ou l’expérience, mais seraient plutôt innées ou naturellement féminines ; elles sont donc sous-estimées ou ignorées. En eet, elles y eectuent des tâches semblables à celles qu’elles réalisent dans l’univers domestique et familial, comme la garde et l’éducation des enfants, les soins aux personnes, l’entretien ménager ou les travaux légers. En plus, on tend encore à tenir pour acquis que les emplois féminins sont peu exigeants sur le plan des eorts physiques et qu’ils comportent des conditions de travail plutôt agréables et un niveau de responsabilites moindre (voir l’encadré 5.2). En raison de stéréotypes, les emplois féminins sont souvent vus comme peu exigeants et comportant peu de responsabilités. Les stéréotypes sur les forces et les faiblesses des femmes persistent et alimentent la ségrégation professionnelle (Chicha, 2011). D’une part, les femmes sont présumées avoir diverses qualités qui les prédisposent à des professions : le souci d’autrui (par exemple, inrmière, médecin, assistante sociale, gardienne d’enfants, enseignante), des talents et de l’expérience sur le plan domestique (par exemple, employée de maison, aide domestique, cuisinière, serveuse, coieuse) ainsi que des habiletés manuelles ou de la minutie (par exemple, couturière, couseuse, secrétaire). D’autre part, les femmes sont présumées avoir diverses limites qui les empêchent d’intégrer des professions : le manque d’autorité ou de leadership (par exemple, directeur, cadre, président), de force physique (par exemple, travailleur manuel, employé de la construction) et d’habiletés dans les mathématiques et les sciences (par exemple, chimiste, mathématicien, architecte). ENCADRÉ 5.2 ■



Deux exemples de sous-évaluation des emplois féminins

Dans un emploi de secrétaire-réceptionniste, on pourrait sous-évaluer, ou oublier, la capacité d’écoute et d’empathie ainsi que la patience nécessaire pour transiger avec une clientèle mécontente ou des personnes impatientes, alors que les mêmes capacités seraient prises en considération dans l’emploi masculin d’agent de recouvrement. Dans l’évaluation d’un emploi de caissière, on pourrait sous-évaluer les eorts physiques demandés par l’obligation de soulever continuellement des poids légers, alors que dans l’évaluation d’un emploi masculin de manutentionnaire, on aurait pris en considération le fait de soulever des poids lourds, même occasionnellement.

Source : Extrait de CES (2014b, p. 7).

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

197

5.3.3 Les pratiques traditionnelles de l’État, des employeurs, des syndicats et des experts en rémunération L’histoire et ses normes sociales et culturelles ont évidemment teinté les façons de penser, d’agir et de gérer traditionnellement, menant à ce que l’on appelle la discrimination systémique. Par le passé, l’État a favorisé la discrimination de la rémunération basée sur le sexe en adoptant, entre autres, une loi sur le salaire minimum selon laquelle le travail des femmes était égal aux deux tiers du travail des hommes (OCDE, 1991). Aussi, pendant longtemps, l’État a s’est servi d’un guide de classication des emplois dans le secteur public — le Dictionnaire des professions — qui accordait peu de considération aux exigences des emplois féminins, contribuant ainsi à leur sous-évaluation et à leur sous-rémunération (Sorensen, 1994 ; Chicha, 2006). L’État a opté pour une position ambivalente : il prône le principe de l’équité salariale en adoptant une loi, mais il en bloque l’application par crainte de ses impacts nanciers étant donné que bon nombre des emplois du secteur public sont à prédominance féminine (Chicha, 2011)3. Historiquement, les syndicats ont davantage représenté et protégé les emplois à prédominance masculine (comme les cols bleus) que les emplois à prédominance féminine (comme les employées de bureau). Les femmes pouvaient donc moins compter sur les syndicats pour défendre leurs intérêts, ces derniers étant plus enclins à défendre les intérêts de la majorité de leurs membres, souvent des hommes qui étaient les pourvoyeurs principaux (notamment en valorisant les caractéristiques et en haussant la rémunération des emplois à prédominance masculine). Par ailleurs, les unités d’accréditation sont historiquement liées à la ségrégation professionnelle : les emplois de bureau, à prédominance féminine, et les emplois de production, à prédominance masculine, faisant partie d’unités d’accréditation distinctes ayant des pouvoirs de négociation fort diérents. En outre, les employeurs et les syndicats ont pendant longtemps convenu de conditions de rémunération diérentes pour des hommes et des femmes occupant des emplois identiques ou similaires. Rappelons que, en 1966, le Conseil du travail du Canada et, en 1976, l’Organisation internationale du travail demandaient aux employeurs et aux syndicats de ne plus faire de discrimination dans la gestion des taux horaires de salaires, des avantages sociaux et des listes d’ancienneté des hommes et des femmes occupant les mêmes postes. Cela a notamment eu pour eet que l’on a adopté des échelles salariales plus longues pour les emplois féminins que pour les emplois masculins. Traditionnellement, les concepteurs des systèmes d’évaluation des emplois — tant les professionnels de la rémunération que les consultants — ont également contribué au maintien et au renforcement des inégalités des gains entre les femmes et les hommes. Ainsi, la pratique de la détermination des salaires selon les « salaires du marché » perpétue les inégalités présentes sur le marché. Historiquement, les salaires versés sur le marché pour les emplois ont représenté aussi une source potentielle de biais dans l’évaluation 2. CES (2014b, p. 6). 3. En outre, la Loi sur l’équité salariale adoptée au Québec en 1996 comprenait un régime principal et un régime préférentiel. Ce dernier visait les programmes de relativité salariale ou d’équité salariale dans les secteurs public et parapublic pendant les années 1980 et 1990. Les ententes en vertu du régime préférentiel ont corrigé les salaires de plusieurs emplois à prépondérance féminine sans respecter nécessairement les principes de l’équité salariale. En 2004, ce chapitre a été jugé inconstitutionnel par la Cour supérieure. Chicha (2011) décrit l’impact négatif majeur que cela a eu sur la mise en œuvre de la loi au Québec.

Discrimination systémique (systemic discrimination) Forme de discrimination qui relève d’un système, d’un ordre établi provenant de pratiques volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts salariaux entre les emplois traditionnellement occupés par les hommes et ceux traditionnellement occupés par les femmes2.

198

CHAPITRE 5

des emplois (Grams et Schwab, 1985 ; Schwab et Grams, 1985 ; Mount et Ellis, 1985 ; Bergeron, 1990 ; Rynes et al., 1989). À titre d’illustration, Grams et Schwab ont montré que la connaissance du salaire versé sur le marché pour des emplois explique jusqu’à 40 % de la variation des résultats de l’évaluation de ses exigences. On tombe alors dans un cercle vicieux : un emploi est jugé moins exigeant parce qu’il est moins bien payé et on lui accorde un salaire moins élevé parce qu’il est jugé moins exigeant. Notons que les méthodes traditionnelles d’évaluation des emplois, élaborées entre le milieu des années 1930 et le milieu des années 1960, reposaient sur le système de valeurs dominantes de l’époque qui avantageait le travail masculin (biais conscients et inconscients) et ignorait, sousestimait ou reconnaissait peu les caractéristiques propres au travail féminin qui était moins fréquent et valorisé à l’époque.

5.4

Le respect des lois canadiennes luttant contre la discrimination basée sur le sexe

Au Canada, la législation visant à contrer la discrimination basée sur le sexe dans les décisions en matière de rémunération s’est élaborée en plusieurs étapes au l des années. On reconnaît deux modèles : le modèle réactif et le modèle proactif.

5.4.1 Le modèle réactif : le plaignant doit prouver la culpabilité de l’employeur Le modèle réactif s’est construit en trois étapes correspondant à des lois traditionnelles, dites « réactives », qui adoptent comme prémisse que la discrimination (volontaire ou intentionnelle) constitue l’exception et qu’il faut que le plaignant prouve que l’employeur a exercé une discrimination. À la première étape, on a prôné le principe du « salaire égal pour un travail égal ». Au fédéral, la première loi sur l’égalité salariale pour les femmes a été votée en 1956, mais elle a été abrogée par la suite. Si certaines provinces canadiennes ont eu un tel type de législation pendant quelque temps, toutes comptent maintenant sur une loi qui relève d’une des étapes subséquentes. À la deuxième étape, on a proposé « un salaire égal pour un travail similaire ». On préconise ici qu’un travail similaire, par exemple un emploi de concierge et un emploi de « femme » de ménage, soient payés de manière égale. Cette étape a été franchie en 1970 avec l’adoption du Code canadien du travail et a été appliquée par la plupart des provinces au cours des années suivantes. La troisième étape reposait sur le principe du « salaire égal pour un travail équivalent ou de valeur égale ». Il est alors possible de comparer des emplois de nature diérente, tels que ceux de secrétaire et de chaueur de camion, et de s’attendre à ce que le même salaire soit oert s’ils sont jugés de valeur équivalente. Ce droit de recevoir un salaire égal pour un travail équivalent est présent dans les lois balisant les droits de la personne depuis 1977. Au Québec, ce droit est également présent depuis 1975, puisqu’il a été consacré par l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui stipule que « tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit. Il n’y a pas de discrimination si une diérence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou les heures supplémentaires, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel. »

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

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Toutefois, la portée des trois étapes décrites à la page précédente est relativement limitée étant donné que peu d’employés qui se croient victimes de discrimination vont réellement porter plainte (individuellement ou collectivement), faute d’avoir les ressources de temps, d’argent et de courage pour faire la preuve de la culpabilité d’un employeur qui est présumé innocent.

REGARD SUR LA PRATIQUE L’

des États-Unis

Aux États-Unis, l’Equal Pay Act, adoptée en 1963, reste la loi toujours en vigueur et elle prône un salaire égal pour un travail égal. Aussi, il est actuellement légal d’exercer une discrimination sur une femme dans la détermination de son salaire si son travail n’est pas précisément identique au travail réalisé par un homme. Selon James Brennan, de l’Economic Research Institute aux États-Unis, citer «le

marché» comme une excuse pour ne pas adopter une loi protégeant «un salaire égal pour un travail équivalent» est incorrect. Il y avait aussi de bonnes justications économiques de l’esclavage et du travail des enfants. La discrimination de la rémunération basée sur le sexe n’est pas diérente ; elle est mauvaise. Aussi, le fait qu’elle soit économiquement rentable est non pertinent.

Source : Extrait traduit et adapté de Weatherhead et al. (2010).

5.4.2 Le modèle proactif : l’employeur doit démontrer sa non-culpabilité La Loi sur l’équité salariale, qui a un caractère proactif, oblige les employeurs à examiner leurs pratiques de rémunération an de contrer la discrimination systémique — très subtile et non intentionnelle — suivant laquelle divers aspects du travail des femmes ne sont pas considérés à leur juste valeur dans leur rémunération pour des raisons historiques, économiques et culturelles, ce qui contribue à l’écart de rémunération entre les emplois féminins et les emplois masculins. Plus précisément, la loi oblige les employeurs à comparer les emplois à prédominance féminine et masculine dans leur entreprise et à rendre égales la rémunération des emplois à prédominance féminine et celle des emplois à prédominance masculine de même valeur ou de valeur équivalente. Selon les provinces, ces lois proactives peuvent s’appliquer aux employeurs du secteur public seulement ou aux employeurs des secteurs privé et public. En 1996, le Québec est la sixième province canadienne à adopter le modèle proactif après le Manitoba (1985), l’Ontario (1988), la Nouvelle-Écosse (1988), l’Île-du-Prince-Édouard (1988) et le NouveauBrunswick (1990). Seules les lois proactives du Québec et de l’Ontario concernent tous les employeurs du secteur public et les employeurs du secteur privé comptant au moins 10 employés. Les lois proactives des autres provinces canadiennes s’appliquent seulement au secteur public et, dans plusieurs cas, au secteur parapublic. Finalement, en 2009, le gouvernement fédéral a adopté une loi à l’égard de ses fonctionnaires qu’il qualie de « proactive » parce qu’elle fait de l’équité salariale un enjeu qui doit être discuté à la table de négociations plutôt que de la protéger comme un droit de la personne (voir la rubrique « Le coin de la loi », à la page suivante). Estimant que l’actuel processus devant la Commission canadienne des droits de la personne était long et coûteux, le principal employeur au Canada a adopté une loi qui enlève notamment à ses employés le droit de déposer des plaintes en matière d’équité salariale auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, les litiges devant dorénavant être tranchés par la Commission des relations du travail (dans la fonction publique) an d’éliminer les recours aux tribunaux. Les syndicats se voient aussi frappés par l’interdiction de représenter leurs

200

CHAPITRE 5

Pour en savoir plus sur la loi adoptée par le gouverne­ ment fédéral et sur la riposte de l’Alliance de la fonction publique du Canada

LE COIN DE LA LOI

membres s’ils désirent porter plainte pour discrimination salariale auprès de la CRT. L’Alliance de la fonction publique du Canada, appuyée par plusieurs autres syndicats, a intenté une procédure judiciaire pour contester cette loi devant les tribunaux et porter plainte contre le gouvernement fédéral à la Commission de la condition de la femme de l’Organisation des Nations unies en réclamant (comme bien d’autres acteurs) que cette mesure législative soit remplacée par une loi sur l’équité salariale véritablement proactive (AFPC, 2013).

L’évolution de l’équité salariale au fédéral

1977 La Loi canadienne sur les droits de la personne entre en vigueur et selon le premier alinéa de l’article 11 : «Constitue un acte discriminatoire le fait pour l’employeur d’instaurer ou de pratiquer la disparité salariale entre les hommes et les femmes qui exécutent, dans le même établissement, des fonctions équivalentes.» 1978 La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) émet l’Ordonnance de 1978 sur la parité salariale qui donne des précisions sur les facteurs à prendre en compte pour mesurer la valeur du travail (par exemple, compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail) et qui énonce des facteurs raisonnables pouvant justifier des écarts de rémunération entre hommes et femmes (par exemple, évaluations de rendement, ancien­ neté, blocage des postes, affectation de réadaptation, rétrogradation, réductions salariales appliquées progres­ sivement, postes de formation temporaires). 1982 La CCDP modie l’Ordonnance an d’y intégrer des motifs de défense additionnels pour l’application des écarts de rémunération entre hommes et femmes, notamment la pénurie de main­d’œuvre interne et le reclassement de postes. 1986 La CCDP émet une autre ordonnance qui renferme des dispositions complémentaires portant notamment sur l’évaluation du travail, la méthode d’évaluation, la dénition du mot « employé» et les facteurs raisonnables pouvant justier des écarts de rémunération. 1985 L’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés entre en vigueur. Elle énonce ceci : « La loi ne fait

acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même béné­ ce de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déciences mentales ou physiques». 2004 Le Groupe de travail sur l’équité salariale présente un rapport intitulé L’équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental aux ministres de la Justice et du Travail. Le Groupe de travail constate que le régime prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne est un échec et recommande, entre autres, de remplacer le modèle existant d’équité salariale reposant sur des plaintes par une nouvelle loi distincte et proactive en matière d’équité salariale qui ferait de l’équité salariale un droit fondamental de la personne et d’obliger tous les employeurs à élaborer et à mettre en œuvre un plan d’équité salariale. 2009 Le gouvernement adopte la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, enchâssée dans la Loi d’exécution du budget. Cette loi soumet l’équité salariale à la négociation collective et au marché. Advenant que l’équité salariale ne soit pas réalisée ainsi, les employées peuvent présenter une plainte à la Commission des relations du travail dans la fonction publique, mais sans le soutien de leur syndicat. La loi impose aussi des amendes pouvant atteindre 50 000 $ aux syndicats qui encouragent un de leurs membres à déposer une plainte.

Source : Extrait adapté de Coalition pour l’équité salariale (2014).

Pour en savoir plus sur la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public

En conclusion, malgré le fait que certaines lois provinciales au Canada se réfèrent au même principe (qui consiste à assurer un salaire égal pour un travail similaire, équivalent ou de valeur égale, ou à rechercher l’équité salariale par l’entremise d’une loi de nature proactive), elles ne prescrivent pas nécessairement les mêmes moyens, processus ou règles pour veiller à l’application du principe (par exemple, l’établissement d’un plan, la mise sur pied de comités d’équité salariale, la xation d’échéances, la communication, le versement des ajustements). Aussi, il appartient aux employeurs de consulter les sites des organismes législatifs visés pour connaître les particularités de chaque province canadienne en la matière.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

5.5

201

La Loi sur l’équité salariale du Québec

Comme nous venons de le voir, tant au Québec qu’au Canada, comme d’ailleurs dans d’autres pays, la discrimination de la rémunération fondée sur le sexe est interdite depuis plusieurs décennies en vertu de diverses lois balisant les droits de la personne.

5.5.1 L’objectif et le champ d’application de la loi Au Québec, la Commission de l’équité salariale est responsable de l’application de la Loi sur l’équité salariale. Cette Commission doit entendre et régler toute demande relative à ce sujet et les décisions peuvent être portées en appel à la Commission des relations du travail. En 2006, soit 10 ans après l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, paraissait le rapport du ministre du Travail (CES, 2006). Dans la foulée des conclusions de ce rapport, en 2009, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité le projet de loi 25 ou Loi modiant la Loi sur l’équité salariale. Cette dernière loi proposait Depuis plusieurs décennies, la discrimination de la rémunérades mesures transitoires et nales accordant un délai tion fondée sur le sexe est interdite en vertu de diverses lois. de grâce aux entreprises retardataires qui n’avaient pas respecté les délais prescrits de réalisation de l’équité salariale initialement prévus (articles 46 et suivants de la loi). L’objectif de cette loi reste « de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois dans les catégories d’emplois à prédominance féminine » (article 1). Pour ce faire, la Loi vise la reconnaissance de tous les aspects du travail des femmes qui sont souvent ignorés ou sous-évalués, et donc non rémunérés à leur juste valeur. Selon la loi, tous les employeurs qui comptent 10 personnes salariées ou plus doivent réaliser un exercice d’équité salariale et en évaluer périodiquement le maintien. L’entreprise qui atteint une moyenne de 10 personnes salariées au cours d’une année civile devient Pour en savoir plus sur assujettie à la loi dès l’année suivante. Les entreprises qui comptent moins de 10 personnes la Loi sur l’équité salariale salariées doivent respecter le type d’équité salariale prôné par la Charte des droits et du Québec et sur la libertés de la personne (article 19). Cette loi provinciale ne s’applique pas aux entreprises Loi modiant la Loi sur du Québec qui relèvent de la compétence fédérale, comme les banques et les entreprises de l’équité salariale du Québec télécommunications. Au sens de la loi, une entreprise correspond à « l’ensemble des activités, composantes ou moyens qui s’agencent et se complètent pour former une organisation autonome et fonctionnelle » (CES, 2014b, p. 10) ayant une nalité propre et indépendante, notamment sur les plans administratif, juridique et organisationnel. Selon cette loi, est un employeur quiconque fait exécuter un travail par un salarié (article 4). Un même employeur, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une organisation, peut être à la tête de plusieurs entreprises. Selon la loi, est un salarié toute personne physique qui s’oblige à exécuter un travail moyennant rémunération, sous la direction ou le contrôle d’un employeur, sauf des exceptions précises (par exemple, certains étudiants, stagiaires, cadres supérieurs, policiers et pompiers, participants à un programme d’aide à l’emploi, certains travailleurs autonomes) (article 8). Les personnes salariées travaillent selon divers horaires (temps plein, temps partiel) ou statuts (par exemple, occasionnel, régulier, saisonnier, temporaire) et peuvent être des personnes salariées absentes pour diverses raisons (par exemple, maladie, maternité,

202

CHAPITRE 5

accident du travail). Les personnes salariées au sein d’une entreprise qui travaillent de manière générale et continue à l’extérieur du Québec ne devraient pas être comptabilisées dans l’établissement de la taille de l’entreprise.

5.5.2 Les avantages et les inconvénients d’une législation proactive La plupart des acteurs des milieux économiques — employeurs, consultants et employés — reconnaissent la légitimité du droit à l’équité salariale, selon un modèle traditionnel basé sur les plaintes. Toutefois, beaucoup de résistances, d’oppositions et de débats portent encore sur le caractère proactif de la loi, et notamment sur son contenu qui oblige les employeurs à entreprendre un exercice pour établir (et pour maintenir dans certains cas, comme au Québec) l’équité salariale selon un échéancier précis et des critères de mise en œuvre imposés. Tous veulent s’en tenir au modèle traditionnel. Ils ne croient pas que les bénéces du modèle proactif en matière d’équité salariale soient supérieurs à ses coûts ou que le modèle proactif réduise substantiellement, par rapport au modèle traditionnel, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Le tableau 5.1 présente une TABLEAU 5.1

Une synthèse des avantages et des inconvénients d’une législation proactive en matière d’équité salariale Avantages

• Une loi proactive en matière d’équité salariale fait évoluer les sociétés. • Elle est nécessaire, car l’expérience montre qu’un système basé sur les plaintes ne corrige pas les injustices dans l’appréciation de la valeur des emplois des femmes et que les employeurs ne changeront pas leurs façons de procéder s’ils ne sont pas forcés de le faire. • Elle complète une loi sur l’équité en emploi qui, elle, vise une représentation équitable des groupes protégés. • Elle est requise parce que les femmes peuvent traditionnellement moins compter sur les syndicats pour défendre leurs intérêts. • Elle n’entraîne pas une hausse substantielle des coûts étant donné que seuls les emplois à prédominance féminine peuvent recevoir des ajustements salariaux et que le versement des ajustements salariaux peut s’étaler sur plusieurs années. • Elle favorise la satisfaction et les perceptions d’équité des femmes à l’égard de leur rémunération, ce qui évite des coûts liés à leur syndicalisation et améliore leur productivité. • Elle force les entreprises à réviser, à rationaliser, à uniformiser et à communiquer leurs modes de rémunération pour le bénéce de tout leur personnel. • Elle pallie les limites du modèle légal traditionnel basé sur le dépôt de plaintes qui s’avère inecace (peu de plaintes sont déposées), entraîne de longs délais et des coûts exorbitants pour la population et s’avère surtout protable aux avocats.

Inconvénients

• Une loi proactive en matière d’équité salariale fait évoluer les sociétés.

• Elle constitue une ingérence dans les relations entre patrons et syndicats.

• Elle n’est pas requise parce que, dans bien des pays, les entreprises ont une obligation d’équité à respecter en fonction de chartes de droits. • Elle ne corrige pas l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes étant donné que cet écart relève de nombreux autres facteurs que la discrimination directe, indirecte ou systémique dans l’évaluation du travail féminin. • Elle impose un exercice technique coûteux, complexe et obscur risquant de faire perdre de vue l’objectif recherché et de voir le processus soumis à des pressions politiques et à des manipulations pour contourner ses exigences. • Elle entraîne une hausse non seulement des coûts du personnel, mais aussi des coûts liés à la mise au point d’exercices d’équité salariale (par exemple, embauche d’experts, comités). • Elle ne mène pas à une saine gestion de la rémunération de l’ensemble du personnel parce qu’elle vise seulement les titulaires des catégories d’emplois à prédominance féminine. • Elle ne s’applique pas ou peut dicilement s’appliquer aux entreprises qui n’embauchent que des femmes. • Elle ne réduit pas les écarts de rémunération entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine entre les entreprises, ni au sein des petites entreprises ou encore, dans bien des cas, au sein des entreprises du secteur privé, car les lois visent principalement les employés du secteur public.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

203

synthèse des avantages et des inconvénients traditionnels les plus fréquemment attribués à une loi proactive en matière d’équité salariale (England, 1992 ; Paul, 1993). La question des eets d’une loi proactive sur la réduction réelle de l’écart entre les gains des hommes et ceux des femmes et sur l’augmentation des coûts de la main-d’œuvre et des coûts de gestion se trouve au cœur du débat. Après avoir fait une analyse de l’expérience québécoise, Chicha (2011) conclut que cette loi a eu une incidence positive très nette sur les salaires de nombreux emplois à prédominance féminine et que ces ajustements n’auraient certainement pas été obtenus dans un tel nombre et dans un tel laps de temps si le système avait été basé exclusivement sur le système du dépôt de plaintes par la voie judiciaire.

REGARD SUR LA PRATIQUE L’équité salariale en pratique La municipalité de Drummondville a appliqué le principe de l’équité salariale en comparant des emplois à prédominance masculine avec des postes à prédominance féminine. Parmi les critères retenus gurent la scolarité, l’expérience, la responsabilité, la force physique. Résultat de cette analyse : «Cela a permis de se rendre compte qu’il n’y avait pas d’iniquité quant au sexe», commente le directeur général de la ville, Claude Proulx.

Dans le secteur privé, l’entreprise Provigo, qui compte plus de 20 000 employés au Québec et en Ontario, a, elle aussi, décidé d’appliquer ce principe et a obtenu des résultats satisfaisants. «Notre entreprise a toujours travaillé pour que l’ore salariale soit transparente, équitable et intéressante. C’est un élément de rétention du personnel, qui peut conduire d’autres personnes à venir travailler chez nous», commente Josée Bédard, directrice des aaires corporatives de l’entreprise.

Source : Extrait de Radio-Canada (2009).

Pour d’autres personnes, une loi proactive soumettrait les entreprises à une contrainte par rapport aux autres provinces ou pays qui n’y sont pas assujettis, puisqu’elle augmente les coûts de la main-d’œuvre. Pour les petites et moyennes entreprises (PME), ce handicap peut même devenir une question de survie. En raison des incidences d’une telle loi sur les coûts de la rémunération et de la gestion de la rémunération, certains observateurs estiment qu’elle a un eet net très peu positif pour les femmes, voire négatif, puisqu’elle pourrait inciter des employeurs à abolir des postes à prédominance féminine de diverses façons (par la réorganisation du travail, par la sous-traitance, par l’informatisation, etc.) pour éviter ou amoindrir la hausse des coûts. Toutefois, et ainsi que l’exprime un expert (Trépanier, 2013), le législateur n’a certainement pas promulgué la Loi sur l’équité salariale pour compromettre la viabilité des entreprises ou nuire à leur productivité et à leur compétitivité. Cette loi vient simplement inuer sur le processus de détermination de la rémunération des employés de manière que les employeurs remplissent leur obligation en matière d’équité, et non se substituer aux employeurs et déterminer comment leurs emplois doivent être rémunérés. En 2006, le rapport du ministre du Travail du Québec sur la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale (CES, 2006) observait que 62 % des entreprises privées étaient engagées dans la mise en œuvre de la loi et que, selon la taille des entreprises, l’impact sur la masse salariale et les ajustements moyens versés aux catégories d’emplois à prédominance féminine étaient loin d’être exorbitants (voir le tableau 5.2, à la page suivante). Il appert que pour près de 20 % des entreprises ayant terminé leur exercice d’équité salariale, ce dernier n’avait entraîné aucun coût (outre les ajustements salariaux) et que pour près de 40 % des entreprises, les coûts avaient varié de 1 000 $ à 5 000 $. De fait, seules 26 % des entreprises comptant plus de 100 personnes salariées disaient avoir assumé des coûts de gestion supérieurs à 10 000 $.

204

CHAPITRE 5

Certes, une loi proactive en matière d’équité salariale a une portée limitée parce qu’elle n’élimine pas vraiment les diérences de rémunération dues à l’industrie, à la concentration des femmes dans certaines industries (« ghettos féminins ») et à la discrimination en emploi. En eet, la législation en matière d’équité salariale vise à réduire les écarts de rémunération entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine au sein de la même entreprise, et non entre les entreprises. Les documents d’information, diusés par certaines centrales syndicales, dans lesquels on prétend que la loi réduira les écarts salariaux entre le gardien de zoo et l’éducatrice d’enfants d’âge préscolaire sont inexacts, puisque ces emplois s’exerceront nécessairement chez deux employeurs diérents. De fait, le modèle proactif présume que l’équité en emploi et l’équité salariale se complètent pour lutter contre la discrimination systémique basée sur le sexe dans la gestion de la rémunération (voir l’encadré 5.3). Par ailleurs, comme la plupart des employeurs gèrent déjà une méthode d’évaluation des emplois, une loi proactive ne les contraint qu’à revoir leur processus an de réduire au minimum les biais sexistes. Ce faisant, une telle loi force les entreprises à réviser, à rationaliser, à uniformiser et à communiquer leurs modes de rémunération au bénéce de tous les employés. Par conséquent, l’application d’un exercice d’équité salariale peut proter aux titulaires des emplois à prédominance masculine. En eet, étant donné que certaines exigences traditionnellement jugées féminines, comme la motricité ne, sont aujourd’hui requises dans bon nombre d’emplois de production à prédominance masculine

TABLEAU 5.2

Les incidences de l’exercice d’équité salariale dans les entreprises privées 10 à 49 personnes salariées

50 à 99 personnes salariées

100 personnes salariées et plus

Augmentation de la masse salariale

0,7 %

0,7 %

1,2 %

Ajustements moyens aux catégories d’emplois à prédominance féminine

6,8 %

5,9 %

6,4 %

Source : Adapté de CES (2006, p. 75 et 79).

ENCADRÉ 5.3

La complémentarité de l’équité salariale et de l’équité en emploi pour réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes

Équité salariale ■ L’équité salariale s’attaque à la sous-évaluation des exigences des emplois à prédominance féminine, an de réduire l’écart historique entre la rémunération accordée aux femmes et la rémunération accordée aux hommes. ■ Un exercice d’équité salariale vise à faire en sorte qu’au sein des entreprises, la rémunération accordée à des emplois à prédominance féminine de valeur X soit équivalente à la rémunération accordée à des emplois à prédominance masculine de valeur X et que des corrections soient apportées uniquement aux emplois à prédominance féminine. Équité en emploi ■ L’équité en emploi vise à permettre aux femmes, qui le désirent et qui en ont les aptitudes, d’avoir accès aux emplois où elles sont très peu représentées et qui sont mieux payés (cadres supérieurs, emplois de production et d’entretien, ingénieurs, informaticiens, plombiers, conducteurs de poids lourds, etc.) an de réduire les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. ■ Un programme d’accès à l’égalité vise la représentation équitable des membres de quatre groupes « protégés » — les femmes, les membres de diverses communautés ethniques, les Autochtones et les personnes handicapées — et la suppression de la discrimination dans le système d’emploi (recrutement, sélection, promotion, formation, mutation, etc.).

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

où l’on a dorénavant recours aux ordinateurs et aux appareils de haute technologie, tous les salariés ont intérêt à ce que cette exigence soit mieux reconnue dans l’évaluation des emplois. À la suite de consultations visant à examiner les répercussions de la loi ontarienne, Read (1996) conclut que la majorité des groupes consultés convenaient que l’équité salariale avait eu un eet bénéque. Celle-ci avait donné aux employeurs l’occasion de revoir systématiquement leurs pratiques et avait permis aux employés — aussi bien les hommes que les femmes — de participer au processus. Cela les a aidés à mieux comprendre les exigences des autres emplois de l’organisation et le fonctionnement du processus d’établissement des salaires. On reproche aussi au modèle proactif de forcer les employeurs à privilégier l’équité interne au détriment de l’équité externe dans la gestion de la rémunération, alors que les salaires oerts sur le marché peuvent être dicilement ignorés. Une loi proactive ne prend pas assez en considération le marché et compte trop sur l’évaluation des emplois, un processus subjectif, pour établir les salaires. Certains croient aussi que l’adoption d’un système unique pour évaluer tous les emplois d’une entreprise — ce que prône la loi proactive — n’est pas pertinente ni applicable en raison de la variété des emplois. Pour d’autres, le modèle proactif impose trop peu de directives sur la façon de procéder à l’évaluation des emplois et d’implanter l’exercice d’équité salariale. Ce ou a pour eet que le processus devient politique et ouvre la porte à bien des manipulations pour contourner le devoir de verser des ajustements signicatifs et pour réduire les coûts de ces derniers (McDonald et orton, 1998). L’augmentation des coûts serait un exercice futile ayant plus d’eets positifs sur l’embauche de spécialistes et de consultants que sur la réduction de la discrimination. On sait aussi que la portée des lois proactives est plus grande que prévu. Une loi proactive, en corrigeant certaines iniquités, en crée de nouvelles. En eet, la recherche de l’équité salariale entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine de valeur équivalente peut causer plus de problèmes d’insatisfaction à l’égard des salaires qu’elle n’en résout. Prenons le cas d’une entreprise où l’on trouve, entre autres, les emplois de réceptionnistes, de secrétaires de niveau 1 et de commis à la manutention, et où, à ce jour, les réceptionnistes et les secrétaires de niveau 1 se sont toujours comparées entre elles pour juger de l’équité de leurs salaires respectifs, salaires que leur employeur maintenait semblables. Si l’application de la loi amène cette entreprise à conclure que l’emploi de secrétaire de niveau 1, un emploi à prédominance féminine, est équivalent à l’emploi de commis à la manutention, un emploi à prédominance masculine mieux payé, l’employeur doit combler l’écart salarial entre ces deux emplois. Aux yeux des réceptionnistes, qui ont toujours reçu un salaire comparable à celui des secrétaires de niveau 1, ce soudain écart salarial entre elles et les secrétaires risque d’être considéré comme inéquitable étant donné qu’aucune modication n’a été apportée aux tâches de leurs emplois. Si de telles insatisfactions sont nombreuses, les dirigeants peuvent être tentés de revoir tout leur système de rémunération — incluant les salaires des emplois qui ne sont pas visés par l’exercice d’équité salariale — au cours des mois subséquents. En d’autres termes, les décisions prises à l’égard de l’évaluation et de la rémunération des catégories d’emplois à prédominance féminine — à la suite des résultats d’un exercice d’équité salariale imposé par la loi — sont susceptibles de créer des iniquités internes d’une ampleur telle qu’il peut s’avérer préférable ou nécessaire d’aller au-delà des exigences de la loi dès le début de l’exercice ou à plus ou moins court terme en révisant le rangement de tous les emplois (féminins, masculins et neutres) sur le plan de leurs exigences et sur celui de leur rémunération. En dénitive, lutter contre la discrimination de la rémunération basée sur le sexe, en allant au-delà du modèle traditionnel fondé sur les plaintes pour endosser un modèle proactif forçant les employeurs à éliminer la discrimination systémique, fait encore l’objet

205

206

CHAPITRE 5

d’un débat important dans de nombreux pays. Même au Canada, si des résistances se sont manifestées de bien des façons ces dernières années (Chicha, 2011), il faut reconnaître que les mentalités ont grandement évolué à ce sujet, mais qu’il importe de rester vigilant, car les valeurs de la compétitivité et du libre marché sont régulièrement mises dans la balance avec la valeur de l’égalité des travailleuses et leurs droits.

L’équité salariale au cœur de la stratégie des ressources humaines Selon Yves Trépanier (2013), alors vice-président principal chez Aon Hewitt (Montréal), il faut concevoir et gérer la rémunération dans le cadre de la stratégie des ressources humaines, ellemême tributaire de la stratégie globale de l’entreprise. L’équité salariale doit être une préoccupation comme, pour d’autres activités, la sécurité est une préoccupation. Il faut donc que les gestionnaires soient formés en matière d’équité salariale pour ne pas faire de gestes qui auraient des conséquences dans ce domaine. Ainsi, la réduction des heures de travail d’un groupe de salariés dans des emplois à prédominance masculine, sans une réduction équivalente de leur rémunération, peut faire apparaître un écart de rémunération par rapport aux emplois à prédominance féminine avec lesquels ils se comparaient.

5.6

Les processus d’établissement et de maintien de l’équité salariale

Avec son caractère proactif, la Loi sur l’équité salariale oblige les employeurs ayant 10 employés et plus à faire un exercice d’équité salariale. Cette section traite des obligations relatives à la réalisation d’un exercice d’équité salariale et d’un maintien de l’équité salariale en fonction de la mise à jour de la loi en 2009. Notons ici que la Commission de l’équité salariale (CES) du Québec administre les diverses dispositions de la loi et assiste les personnes ou les groupes visés dans leur exercice d’équité salariale et l’évaluation de son maintien, conformément à la loi. Au l des années et sur une base continue, la CES publie des documents de vulgarisation, des guides d’application de la loi et propose des outils divers sur son site Web. En outre, le lecteur a intérêt à considérer les « orientations » adoptées par la Commission communiquant sa position sur divers articles de la loi. Ces dernières doivent être lues et comprises comme étant des lignes directrices mises à jour pouvant servir à l’interprétation de la loi et à faciliter son application ainsi que la mise en œuvre de l’équité salariale au Québec. Sur son site, la CES résume aussi les diérentes étapes pour réaliser un exercice d’équité salariale et en évaluer le maintien sur la base d’un document intitulé Guide détaillé pour réaliser l’équité salariale et en évaluer le maintien (2014b). De plus, depuis quelques années, la CES a élaboré un Progiciel pour réaliser l’équité salariale et en évaluer le maintien. Ce progiciel (qui en est à la version 3.0) guide les entreprises dans la réalisation de l’équité salariale. S’il a été créé pour les entreprises comptant de 10 à 49 employés, des entreprises plus grandes qui n’ont pas un nombre trop élevé de catégories d’emplois peuvent s’y référer an de structurer leur exercice et d’appliquer des méthodes ou des outils proposés par la CES ou d’en adapter l’utilisation. Par exemple, on recourt à Excel pour évaluer les catégories d’emplois avec ses propres dénitions de sousfacteurs, et l’on continue l’exercice d’équité salariale à l’aide du progiciel qui consolidera toute l’information utilisée. La CES est aussi responsable du traitement des diérends et des plaintes des salariés et des employeurs ainsi que des enquêtes visant à favoriser un règlement entre les parties.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Tous peuvent donc aujourd’hui faire une recherche par mots clés sur les décisions rendues par la Commission à la suite de plaintes, de diérends et autres demandes sur le site de la Commission, sur celui de l’Institut canadien d’information juridique (CANLII) ou encore sur le site de la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ). Cette section vise à présenter les principaux articles de la Loi sur l’équité salariale, sans entrer dans les détails. Comme le site Web de la Commission de l’équité salariale est très bien fait et tenu à jour, le lecteur désireux d’en savoir plus pourra consulter ce site et des ouvrages sur le sujet.

207

Pour en savoir plus sur les ressources mises à disposition sur le site de la CES

5.6.1 Déterminer la période de référence de calcul de la taille de l’entreprise La Loi sur l’équité salariale délimite les obligations d’un employeur pour réaliser un exercice d’équité salariale en fonction de sa taille, qui doit être calculée pendant une période de référence particulière de 12 mois (voir le tableau 5.3). TABLEAU 5.3

La détermination de la période de référence pour calculer la taille de l’entreprise et connaître ses obligations d’employeurs

A) Le calcul de la taille de l’entreprise au cours de la période de référence correspondant au début des activités Début des activités

Période de référence

En activité au 21 novembre 1996

21 novembre 1996 au 20 novembre 1997

Entre le 21 novembre 1996 et le 12 mars 2004

12 mois commençant à la date où la première personne salariée est entrée au service de l’employeur

Entre le 13 mars 2004 et le 12 mars 2008 et dont la première personne salariée est entrée au service de l’employeur au plus tard le 12 mars 2008

12 mois commençant à la date où la première personne salariée est entrée au service de l’employeur

Après le 12 mars 2008 ou entreprises dont la première personne salariée est entrée au service de l’employeur après le 12 mars 2008

1er janvier au 31 décembre d’une même année civile

B) Résumé des obligations de l’employeur selon la taille de son entreprise 10 à 49 personnes salariées

50 à 99 personnes salariées

100 personnes salariées ou plus



Ne s’applique pas

Ne s’applique pas

Former un comité d’équité salariale

Facultatif

Facultatif



Réaliser un programme d’équité salariale

Facultatif





Réaliser un ou des achages dans l’entreprise







Évaluer le maintien de l’équité salariale dans l’entreprise tous les 5 ans







Réaliser l’achage de l’évaluation du maintien







Conserver pendant 5 ans les données ayant servi à la réalisation de l’exercice ou à l’évaluation du maintien et le contenu des achages







Obligations en vertu de la Loi sur l’équité salariale Réaliser une démarche pour déterminer les ajustements salariaux

Source : (CES, 2014b, p. 16 et 23).

208

CHAPITRE 5

En eet, selon la date de début de ses activités ou la date d’entrée en service de son premier salarié, l’employeur doit retenir la période de référence de 12 mois prévue à la loi pour calculer son nombre de personnes salariées (les obligations restent les mêmes, que le nombre de salariés augmente ou diminue par la suite). Dès qu’une entreprise atteint une moyenne de 10 personnes salariées ou plus pendant cette période, elle devient assujettie à la loi. Pour déterminer le nombre de personnes salariées, il faut additionner, pour chaque période de paie, le nombre de personnes salariées inscrites sur le registre de paie au cours des 12 mois de référence et diviser cette somme par le nombre de périodes de paie lors de cette période. L’employeur dont l’entreprise est établie au Québec et qui possède un ou des établissements à l’extérieur du Québec (par exemple, en Ontario) ne doit pas établir sa taille en comptabilisant les salariés de ces derniers établissements, car ils sont couverts par le droit local applicable (la loi ontarienne). Toutefois, il doit inclure dans le calcul de sa taille les personnes qui travaillent habituellement au Québec et qui sont aectées temporairement à l’extérieur du Québec, ou encore une personne salariée qui est appelée à travailler habituellement à l’extérieur du Québec (par exemple, un conseiller au service d’une entreprise implantée au Québec qui doit travailler dans diérents pays). Finalement, la date ou la période pendant laquelle l’entreprise était en activité ou a commencé ses activités délimite aussi le délai maximal qu’un employeur doit respecter pour réaliser un exercice d’équité salariale et payer des ajustements, s’il y a lieu (voir le Guide détaillé pour réaliser l’équité et en évaluer le maintien de la CES). Après qu’un exercice d’équité salariale a été complété ou que des ajustements salariaux ont été déterminés, l’employeur doit évaluer tous les cinq ans le maintien de l’équité salariale dans son entreprise (voir l’article 76.1 de la loi).

5.6.2 Déterminer le nombre d’exercices d’équité salariale et leur contenu Comme l’indique le tableau 5.3 à la page précédente, la loi ne demande pas aux entreprises comptant de 10 à 49 personnes salariées d’élaborer un exercice d’équité salariale, mais seulement de déterminer si des ajustements salariaux sont nécessaires (obligation de résultat uniquement) pour orir une rémunération équitable aux catégories d’emplois à prédominance féminine. Le législateur oblige toutes les entreprises comptant 50 employés et plus à élaborer un exercice d’équité salariale applicable à l’ensemble de leur entreprise (articles 10 et 31). Il s’agit de la prémisse ou de la règle de base : un exercice d’équité salariale doit être réalisé dans l’ensemble de l’entreprise tant par les employeurs comptant de 50 à 99 employés que par les employeurs ayant plus de 100 employés. Toutefois, les employeurs comptant 50 employés et plus peuvent être autorisés par la CES à réaliser un exercice distinct applicable à un ou à plusieurs établissements, si des disparités régionales le justient (articles 10 et 31). En eet, des facteurs sociaux, économiques, politiques, environnementaux ou autres (par exemple, la disponibilité de capitaux, de la main-d’œuvre, de réseaux de transport, de ressources, la localisation des marchés et les matières premières) sont susceptibles de créer des disparités salariales entres des établissements éloignés les uns des autres et peuvent constituer un motif valable pour que, à la demande de l’employeur, la CES autorise l’employeur à établir des exercices distincts pour ces établissements. Par ailleurs, la ou les demandes d’une ou des associations accréditées au sein d’une entreprise peuvent inuer aussi sur le nombre d’exercices. Pour les entreprises comptant de 50 à 99 salariés, la loi indique à l’article 32 que, à la demande d’une association accréditée qui représente des salariés de l’entreprise, l’employeur doit établir conjointement avec cette association un exercice d’équité salariale applicable à ces salariés dans l’ensemble de son entreprise. Pour les entreprises comptant plus de 100 employés, l’article 11 permet d’établir plus d’un exercice d’équité salariale chez un même employeur lorsqu’une association

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

accréditée qui représente des salariés de l’entreprise en fait la demande. L’employeur et une association accréditée qui en a fait la demande, conviennent alors de mettre sur pied un exercice distinct applicable aux salariés qu’ils représentent dans un ou plusieurs établissements de l’entreprise (voir le texte de loi pour plus de précisions). Les entreprises du secteur parapublic sont aussi traitées de manière distincte (article 11). La possibilité pour un employeur d’adopter plus d’un exercice d’équité salariale est considérée par plusieurs comme n’étant pas cohérente avec l’objectif de supprimer les écarts salariaux attribuables à la ségrégation professionnelle entre les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine (Chicha, 2011 ; David-McNeil et Sabourin, 1998). En eet, les unités d’accréditation reètent souvent une ségrégation des emplois basée sur le sexe (par exemple, le syndicat des employés de bureau, essentiellement des femmes, et le syndicat des cols bleus, essentiellement des hommes). Les syndicats masculins disposent traditionnellement d’un pouvoir de négociation plus fort, ce qui a justement contribué à créer les inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes. Dans ce contexte, la possibilité d’établir autant d’exercices d’équité salariale que d’aliations syndicales est susceptible de mener à la réalisation de plusieurs exercices d’équité salariale chez le même employeur avec un résultat indésirable et incohérent quant à l’esprit de la loi : celui d’accorder des ajustements réduits aux emplois du syndicat à majorité féminine qui doivent se comparer d’abord à l’intérieur de leur unité d’accréditation. Finalement, le législateur permet un certain partage ou une certaine collaboration entre plusieurs employeurs probablement pour faciliter l’exercice d’équité salariale et en réduire les coûts de gestion. En eet, à l’article 12, la loi autorise les entreprises à élaborer des modalités communes d’établissement d’un exercice d’équité salariale (par exemple, recourir aux mêmes outils d’évaluation ou experts) applicable à chacune d’elles dans la mesure où cela est fait avec l’accord de leurs comités d’équité salariale respectifs, le cas échéant. Depuis 2009, la loi permet aussi à un regroupement d’employeurs (ayant des caractéristiques similaires ou communes permettant l’application de la loi) de s’adresser à la Commission de l’équité salariale an d’être reconnu comme employeur d’une entreprise unique pour la réalisation d’un exercice d’équité salariale ou de l’évaluation de son maintien. Comme membre d’un regroupement, chaque employeur reste toutefois responsable du versement des ajustements salariaux de son entreprise. Cela peut s’avérer intéressant, par exemple, pour des employeurs membres d’une chaîne de pharmacies (comme Jean Coutu ou Pharmaprix) ou autres franchisés.

5.6.3 Déterminer la composition et les rôles des comités d’équité salariale Pour favoriser la participation des salariés à l’exercice d’équité salariale, la Loi sur l’équité salariale du Québec prévoit la formation d’un comité d’équité salariale. La loi est plus contraignante pour les employeurs qui comptent 100 salariés et plus, car ils ont l’obligation de créer un tel comité, alors que les entreprises de moindre importance peuvent former un tel comité si elles le désirent. Les membres du comité d’équité salariale sont désignés par l’association accréditée ou par l’ensemble des salariés s’il n’y a pas d’association accréditée. Le nombre de membres peut varier d’un minimum de 3 à un maximum de 18. Un tiers des membres représentent l’employeur et les deux autres tiers représentent les salariés. Par ailleurs, au moins la moitié des membres représentant les personnes salariées au sein du comité doivent être des femmes. Le choix des représentants des salariés doit aussi permettre une représentation des principales catégories d’emplois, tant des catégories d’emplois à prédominance féminine que des catégories d’emplois à prédominance masculine. Selon la loi, le pouvoir décisionnel est réparti également, puisque les représentants de l’employeur et des salariés qui font partie de ce comité détiennent respectivement un vote.

209

210

CHAPITRE 5

Si les représentants des salariés ne parviennent pas à une entente selon l’assentiment de la majorité, le pouvoir décisionnel revient à l’employeur. Les employeurs doivent fournir aux membres du comité d’équité salariale la formation requise an que ces derniers puissent assumer leurs rôles et s’absenter — sans perte de salaire — pour assister aux réunions du comité, pour participer aux activités de formation ou pour eectuer les tâches nécessaires en dehors des réunions du comité. Les employeurs doivent également fournir les informations nécessaires pour que les membres du comité puissent remplir leurs rôles, ces membres étant tenus à la condentialité sous peine de sanctions. Selon les étapes de l’élaboration de l’exercice d’équité salariale, le comité d’équité salariale assume un rôle décisionnel ou consultatif sur certains aspects de l’élaboration, ainsi que le résume l’encadré 5.4. Finalement, le chapitre III de la loi permet la constitution de comités sectoriels d’équité salariale représentant des associations d’employeurs, des regroupements régionaux ou des associations sectorielles paritaires pour élaborer des exercices d’équité salariale. Ces comités sectoriels peuvent regrouper des entreprises de tailles diérentes pour autant qu’elles aient des caractéristiques communes en ce qui concerne les produits ou les services, le marché, le processus de production ou les catégories d’emplois. Si ces comités sectoriels possèdent des atouts certains (par exemple, la réduction des coûts de gestion, le partage d’expertises), il semble qu’à ce jour on a observé la présence d’un petit nombre de ces comités, dans les secteurs suivants : l’habillement, le tourisme, la fabrication de portes, fenêtres, meubles et armoires, la pêche, l’Association des écoles juives du Québec, l’entretien des édices publics de la région de Montréal et les Centres de la petite enfance (Chicha, 2011).

5.6.4 Déterminer les catégories d’emplois et leur prédominance sexuelle Selon l’article 60 de la loi, « le comité d’équité salariale ou, à défaut, l’employeur doit comparer les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine, aux ns d’estimer les écarts salariaux entre elles ». L’unité de base sur laquelle repose un exercice d’équité salariale s’avère être les « catégories d’emplois », et non les postes, les emplois, les fonctions ou les familles d’emplois, qui sont les concepts traditionnels de la gestion de la rémunération dont il faut se distancer pour respecter l’idée qu’une catégorie, aux yeux du législateur, peut correspondre à un ou à plusieurs postes ou emplois. En eet, selon l’article 54 : « Aux ns d’identier les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine, doivent être regroupés les emplois, occupés par des salariés, qui ont les caractéristiques communes suivantes :

ENCADRÉ 5.4

Les rôles des comités d’équité salariale

1. Le rôle décisionnel au cours des étapes de l’élaboration d’un exercice d’équité salariale : ■ Détermination des catégories d’emplois à prédominance sexuelle ■ Choix de la méthode, des outils et de la manière d’évaluer ces catégories d’emplois ■ Évaluation de chaque catégorie d’emplois ■ Comparaison des catégories d’emplois à prédominance féminine avec les catégories d’emplois à prédominance masculine ■ Estimation des écarts de rémunération entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine ■ Calcul et achage des ajustements salariaux à accorder aux emplois à prédominance féminine 2. Le rôle consultatif : ■ Consultation du comité par l’employeur pour déterminer les modalités de versement des ajustements salariaux

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

211

1. des fonctions ou des responsabilités semblables ; 2. des qualications semblables ; 3. la même rémunération, soit un même taux ou une même échelle de salaire. La rémunération d’une catégorie d’emplois est le taux maximum de salaire ou le maximum de l’échelle de salaire des emplois qui y sont regroupés. Une catégorie d’emplois peut être constituée d’un seul emploi. » La CES (2014b, p. 49) propose un exemple de regroupement d’emplois en une catégorie. Un emploi de messager est occupé par deux personnes et un emploi de commissionnaire est tenu par une personne. Ces deux emplois ont les mêmes responsabilités, exigent la même qualication et orent la même rémunération. Il s’agit donc d’une seule catégorie d’emplois4. Une fois que les catégories d’emplois ont été bien délimitées dans l’entreprise, il faut déterminer si elles présentent des caractéristiques permettant d’estimer si elles sont à prédominance féminine ou masculine, ou si elles sont neutres, ces dernières n’étant pas incluses dans un exercice d’établissement de l’équité salariale ou de maintien de l’équité salariale. Selon l’article 55, « une catégorie d’emplois peut être considérée à prédominance féminine ou masculine dans l’un ou l’autre des cas suivants : 1. elle est couramment associée aux femmes ou aux hommes en raison de stéréotypes occupationnels ; 2. au moins 60 % des salariés qui occupent les emplois en cause sont du même sexe ; 3. l’écart entre le taux de représentation des femmes ou des hommes dans cette catégorie d’emplois et leur taux de représentation dans l’eectif total de l’employeur est jugé signicatif ; 4. l’évolution historique du taux de représentation des femmes ou des hommes dans cette catégorie d’emplois, au sein de l’entreprise, révèle qu’il s’agit d’une catégorie d’emplois à prédominance féminine ou masculine. » Pour déterminer la prédominance sexuelle d’une catégorie d’emplois, les employeurs doivent considérer ces quatre indicateurs de prédominance (tant quantitatifs et qualitatifs) qui sont d’égale importance et, pour trancher les cas ambigus, retenir l’indicateur ou les indicateurs qui correspondent le mieux à l’esprit ou à l’objectif de la loi (voir l’encadré 5.5). ENCADRÉ 5.5

La détermination de la prédominance des catégories d’emplois : quelques cas

1. Dans l’entreprise, la catégorie «téléphoniste» comporte deux postes occupés par deux hommes. Bien que composée à 100 % d’hommes, cette catégorie pourrait tout de même être considérée comme étant à prédominance féminine, puisqu’en vertu des stéréotypes occupationnels elle est couramment associée aux femmes. 2. Si deux postes de téléphonistes sont occupés par un homme et une femme, cette catégorie, malgré une proportion de 50 %, donc mixte, pourrait vraisemblablement être considérée en vertu des stéréotypes occupationnels comme étant à prédominance féminine. 3. Deux postes d’ingénieurs sont présentement occupés par des femmes. Cette catégorie d’emplois est à première vue à prédominance féminine. Or, une recherche historique dans l’entreprise pourrait conduire l’employeur à déterminer que cette catégorie est à prédominance masculine, étant donné que ces postes ont toujours été occupés par des hommes. 4. Si les femmes représentent 55 % de l’eectif d’une catégorie alors qu’elles ne forment que 5 % de l’eectif de l’entreprise, cette catégorie d’emplois pourrait être considérée comme étant à prédominance féminine. Source : Extrait de CES (2014b, p. 51).

4. Étant donné que cette étape s’avère cruciale, le lecteur est invité à consulter le site de la CES et d’autres ouvrages (par exemple, Chicha, 2011) pour y trouver des exemples et mieux comprendre comment déterminer les catégories d’emplois dans une entreprise.

212

CHAPITRE 5

Selon la loi, les catégories d’emplois à prédominance féminine sont celles qui pourraient recevoir des ajustements salariaux et les catégories d’emplois à prédominance masculine sont celles qui doivent servir de comparateurs. Mais examinons les cas suivants : • Que faire lorsqu’il n’y a pas de catégorie à prédominance féminine au sein de l’entreprise, et ce, après qu’on a bien considéré tous les indicateurs de prédominance ? L’exercice d’équité salariale se termine alors à cette étape et le comité d’équité salariale ou l’employeur doit seulement procéder à un achage indiquant qu’aucun ajustement salarial n’est requis. • Que faire lorsqu’il n’y a pas de catégorie à prédominance masculine dans un exercice d’équité salariale d’un employeur, et ce, après qu’on a bien considéré tous les indicateurs de prédominance ? L’article 52 de la loi prévoit cette situation (et limite du coup l’utilisation d’exercices distincts) en précisant que « lorsqu’il y a établissement de plus d’un programme d’équité salariale dans une entreprise et qu’aucune catégorie d’emplois à prédominance masculine n’a été identiée dans le cadre d’un programme, la comparaison des catégories d’emplois à prédominance féminine visées par ce programme doit être eectuée avec l’ensemble des catégories d’emplois à prédominance masculine de l’entreprise ». • Que faire lorsqu’il n’y a pas de catégorie à prédominance masculine dans l’entreprise d’un employeur, et ce, après qu’on a bien considéré tous les indicateurs de prédominance ? L’article 13 propose deux voies d’action. Le programme peut être établi : 1. conformément au Règlement sur l’équité salariale dans les entreprises où il n’existe pas de catégories d’emplois à prédominance masculine en comparant les catégories d’emplois à prédominance féminine avec deux catégories d’emplois à prédominance masculine ctives — contremaître et préposé à la maintenance — qui sont décrites de manière large an de pouvoir s’adapter à divers contextes d’entreprises et d’être évaluées par les outils mis au point par le comité d’équité salariale ou l’employeur de l’entreprise ; 2. en ayant recours à au moins deux catégories d’emplois à prédominance masculine présentes dans une entreprise possédant des caractéristiques analogues à celles de l’entreprise.

Pour en savoir plus sur le Règlement sur l’équité salariale dans les entreprises où il n’existe pas de catégories d’emplois à prédominance masculine

À l’article 13, la loi reconnaît donc que l’absence de comparateur dans l’entreprise ne doit pas être un prétexte pour ne pas réaliser un exercice d’équité salariale et qu’il importe de reconnaître les eets de la ségrégation par sexe dans les secteurs économiques et entre les entreprises de diérentes tailles sur l’écart salarial discriminatoire. Cet article s’applique aux petites entreprises et à de nombreuses entreprises dans les domaines de la vente au détail, des garderies, des services personnels, du tourisme, de la confection de vêtements et de certains services sociaux ou de santé (Chicha, 2011).

5.6.5 Choisir la méthode et les outils d’évaluation des catégories d’emplois En vertu de la loi, seules les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine doivent être évaluées et comparées. La loi ne prescrit le recours à aucune méthode en particulier pour évaluer des catégories d’emplois. Elle impose des balises d’ordre général selon lesquelles il faut utiliser et gérer les mêmes méthodes et outils avec tout autant de rigueur pour évaluer toutes les catégories d’emplois à prédominance féminine et masculine. Plus précisément, selon le législateur, la méthode d’évaluation retenue dans le cadre de l’établissement d’un exercice d’équité salariale doit respecter les critères suivants :

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• •

Tenir compte, pour chaque catégorie d’emplois, des quatre facteurs suivants : les qualications requises, les responsabilités assumées, les eorts requis et les conditions dans lesquelles le travail est eectué (article 57). Notons que les employeurs peuvent décomposer ces facteurs en sous-facteurs an de prendre en considération la diversité des emplois. Permettre une comparaison entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine (article 56, alinéa 1). Mettre en évidence tant les caractères propres aux catégories d’emplois à prédominance féminine que ceux propres aux catégories d’emplois à prédominance masculine (article 56, alinéa 2).

En dehors de cela, tout doit être décidé par le comité d’équité salariale ou, à défaut, par l’employeur qui choisira les outils et élaborera un processus d’évaluation des catégories d’emplois. Par la suite, il évaluera, suivant la méthode retenue, chaque catégorie d’emplois à prédominance féminine et chaque catégorie d’emplois à prédominance masculine, et il les comparera en vue d’estimer les écarts salariaux entre elles (articles 58 à 60). Toutefois, la CES (2014b) constate que la méthode des points et facteurs est généralement privilégiée pour évaluer les catégories d’emplois à prédominance sexuelle dans le cadre d’un exercice d’équité salariale en raison de son caractère neutre, analytique et systématique. Nous présenterons cette méthode d’évaluation des emplois plus loin dans ce chapitre.

5.6.6 Estimer la rémunération des catégories d’emplois à prédominance sexuelle L’estimation des écarts salariaux entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine consiste à comparer la rémunération qui, au sens de la loi, inclut le salaire et, s’ils ne sont pas également accessibles aux catégories d’emplois comparées, la rémunération exible ou variable et les avantages à valeur pécuniaire (articles 54, 65 et 66). L’article de la loi 54 dénit le salaire comme « le taux maximum de salaire ou le maximum de l’échelle de salaire des emplois qui y sont regroupés ». En sus du salaire, la Loi indique que la rémunération doit tenir compte de la rémunération exible qui « comprend, notamment, la rémunération basée sur les compétences, la rémunération basée sur le rendement et les primes d’intéressement liées à la performance de l’entreprise » (article 65). L’article 66 précise que les avantages à valeur pécuniaire comprennent, outre les indemnités et les primes : • les éléments du temps chômé et payé (par exemple, les congés de maladie, les congés sociaux et parentaux, les vacances et les jours fériés, les pauses ou les heures de repas ou tout autre élément de même nature) ; • les régimes de retraite et de prévoyance collective (par exemple, les caisses de retraite, les régimes d’assurance maladie ou invalidité et tout autre régime collectif ) ; • les avantages hors salaire, tels que le fait de fournir et d’entretenir des outils, des uniformes ou d’autres vêtements (sauf s’ils sont exigés en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ou s’ils sont requis par l’emploi), le stationnement, les allocations de repas, le fait de fournir des véhicules, le paiement de cotisations professionnelles, les congés payés pour études, le remboursement des droits de scolarité, les prêts à taux réduit ou toute autre forme d’avantage. Suivant la loi, les composantes à considérer dans le calcul de l’écart salarial sont donc variées et leur valeur pécuniaire peut être complexe à estimer pour les comités d’équité salariale et les employeurs. Par ailleurs, il faut non seulement considérer

213

214

CHAPITRE 5

la valeur de l’ensemble des composantes de la rémunération reçue, mais aussi les mettre en relation avec le temps de travail requis ou investi pour l’obtenir. An d’aider les employeurs, la CES (notamment le Guide détaillé) donne des informations sur la compilation des diverses composantes de la rémunération comme numérateur d’un ratio, tout autant que sur le calcul du dénominateur du temps de travail réel, le dénominateur de ce ratio, soit le nombre d’heures de l’horaire normal de travail par semaine multiplié par 52 semaines, duquel il faut soustraire les heures de congés fériés, de vacances annuelles, de pauses et de congés de maladie, sociaux, spéciaux ou autres. On détermine la formule de la valeur des composantes de la rémunération comme suit (CES, 2014b, p. 64) : Numérateur : Salaire + rémunération exible (bonis + primes) + valeur des avantages sociaux et particuliers Rémunération = Dénominateur : Nombre d’heures de l’horaire normal de travail – (vacances + congés + pauses) En outre, selon la CES (2014b), si une échelle salariale est basée sur les années de service, il faut retenir le maximum de l’échelle comme salaire et, s’il s’agit d’une échelle au mérite, il faut retenir le taux reconnu comme étant le « maximum normal » comme salaire. Elle donne aussi des guides dans la prise en compte des avantages sociaux et particuliers (par exemple, les assurances collectives, les régimes de retraite) et de la rémunération exible (par exemple, les pourboires, les commissions, les bonis, la rémunération à la pièce, la rémunération basée sur les compétences, les formules d’intéressement liées à la performance de l’entreprise) dans l’établissement de la rémunération d’une catégorie d’emplois. Ainsi, les primes ou les indemnités (primes de quart, de disponibilité, de chef d’équipe, de rappel au travail, d’heures supplémentaires, etc.) ne sont pas considérées dans la rémunération d’une catégorie d’emplois si elles servent à pallier un inconvénient ou une condition particulière de travail pour certains titulaires de la catégorie d’emplois. En ce qui a trait aux bonis, il s’agit du « boni cible », à savoir : le boni qu’on vise à payer si le rendement correspond aux attentes, ou encore du boni payé au cours d’une période de référence donnée et jugée représentative. Il faut également prendre en compte les conditions d’accès à la rémunération exible et aux avantages à valeur pécuniaire ; à ce sujet, des conseils sont oerts par la CES. En outre, quand on compare deux catégories d’emplois de même valeur mais qui n’ont pas accès à la même rémunération exible ou aux mêmes avantages à valeur pécuniaire, deux options sont possibles : rendre ces composantes également accessibles à ces deux catégories d’emplois ou estimer la valeur de la composante qui n’est pas accessible et l’ajouter à la rémunération de la catégorie d’emplois qui n’avait pas accès à cette composante.

5.6.7 Estimer l’écart de rémunération Selon l’article 61 de la loi, « l’estimation des écarts salariaux entre une catégorie d’emplois à prédominance féminine et une catégorie d’emplois à prédominance masculine peut être eectuée sur une base globale ou individuelle ou suivant toute autre méthode d’estimation des écarts salariaux prévue par le règlement de la Commission […] ». Selon l’article 62, l’estimation sur une base globale consiste à comparer chaque catégorie d’emplois à prédominance féminine avec la courbe salariale de l’ensemble des catégories d’emplois à prédominance masculine de l’entreprise ou de l’exercice d’équité salariale (déterminée souvent par la technique de la régression linéaire ou multiple). Par exemple, selon le graphique présenté dans la gure 5.2, il y a un écart

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

FIGURE 5.2

Une illustration d’un écart salarial entre la catégorie d’emplois à prédominance féminine A et la courbe salariale des catégories d’emplois à prédominance masculine

Source : CES (2014a, p. 73).

salarial entre la catégorie d’emplois à prédominance féminine A et la courbe salariale des catégories d’emplois à prédominance masculine. Selon l’article 63, si l’on peut déterminer pour chaque catégorie d’emplois à prédominance féminine la ou les catégories d’emplois à prédominance masculine devant servir de comparateurs, l’approche fondée sur l’estimation individuelle peut prendre deux formes (pour plus de détails, se référer au site de la CES) : • La comparaison par paires : lorsqu’il n’y a qu’une seule catégorie d’emplois à prédominance masculine de même valeur que la catégorie d’emplois à prédominance féminine, on compare leur rémunération pour estimer l’écart (voir un exemple dans le tableau 5.4, à la page suivante). • La comparaison avec un ensemble : si plusieurs catégories d’emplois à prédominance masculine sont de même valeur que la catégorie d’emplois à prédominance féminine, on utilise la rémunération moyenne pour estimer l’écart. Lorsque aucune catégorie d’emplois à prédominance masculine n’est de même valeur que la catégorie d’emplois à prédominance féminine, il est possible de faire une comparaison au moyen de la valeur proportionnelle en utilisant la catégorie d’emplois à prédominance masculine dont la valeur est la plus proche pour estimer proportionnellement l’écart. Par ailleurs, la loi reconnaît qu’une catégorie d’emplois à prédominance féminine puisse recevoir une rémunération inférieure à celle d’une catégorie d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente sans que cette situation soit considérée comme discriminatoire, si cet écart est dû aux facteurs suivants (article 67) : « 1) l’ancienneté, sauf si l’application de ce critère a des eets discriminatoires selon le sexe ; 2) une aectation à durée déterminée, notamment dans le cadre d’un programme de formation, d’apprentissage ou d’initiation au travail ;

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216

CHAPITRE 5

TABLEAU 5.4

Un exemple de comparaison individuelle de la rémunération entre des catégories d’emplois à prédominance féminine et masculine de valeur équivalente qui n’ont pas également accès à certaines composantes de la rémunération

Salaire Maximum Flexible Commissions Pourboires Bonis À la pièce Achats d’actions : Contribution de l’employeur Valeur des avantages Assurances Retraite Autres Uniformes non requis Outils Allocation automobile Frais de scolarité Autres Total annuel

Catégorie d’emplois à prédominance féminine

Catégorie d’emplois à prédominance masculine

26 000,00 $

29 952,00 $

1 000,00 $ 1 497,60 $

1 300,00 $

1 497,60 $

1 800,00 $ 1 800,00 $

1 200,00 $ 1 497,60 $ 300,00 $

100,00 $ 32 000,00 $

35 944,80 $

Heures normales annuelles Heures chômées et payées Congés fériés Vacances Congés de maladie Pauses Autres

1 950,0 h

2 080,0 h

–90,0 h –157,5 h –22,5 h –112,0 h

–96,0 h –160,0 h

Total – heures travaillées

1 568,0 h

1 710,0 h

Taux par heure travaillée

20,41 $

21,02 $

–114,0 h

Écart constaté : 0,61 $ Source : CES (2014b, p. 76).

3) la région dans laquelle la salariée occupe son emploi, sauf si l’application de ce critère a des eets discriminatoires selon le sexe ; 4) une pénurie de main-d’œuvre qualiée ; 5) le salaire d’une personne qui, à la suite d’un reclassement ou d’une rétrogradation, lui est temporairement appliqué pour éviter qu’elle soit désavantagée en raison de son intégration à un nouveau taux de salaire ou à une nouvelle échelle salariale, pourvu que l’écart entre son salaire et celui applicable aux salariés de sa catégorie d’emplois se résorbe à l’intérieur d’un délai raisonnable ;

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

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5.1) le salaire d’une personne handicapée qui lui est appliqué à la suite d’un accommodement particulier ; 6) l’absence d’avantages à valeur pécuniaire, justiée par le caractère temporaire, occasionnel ou saisonnier d’un emploi. » Comme nous l’avons vu précédemment, c’est le comité d’équité salariale ou, à défaut, l’employeur qui doit eectuer le calcul des ajustements visant à corriger un écart défavorisant une catégorie d’emplois à prédominance féminine. Pour corriger cet écart salarial, l’employeur doit bonier la rémunération de la catégorie d’emplois à prédominance féminine ; il ne peut le faire en diminuant la rémunération d’une ou de plusieurs catégories d’emplois à prédominance masculine. Finalement, l’employeur doit prévoir les modalités de versement des ajustements salariaux, après avoir consulté, selon le cas, le comité d’équité salariale ou l’association accréditée avec laquelle il a établi un exercice d’équité salariale. Le versement ou l’étalement de ces ajustements peut se calculer avec le Progiciel pour réaliser l’équité salariale et en évaluer le maintien proposé par la CES.

Le piège à éviter en matière de réajustements salariaux Selon Yves Trépanier (2013), alors vice-président principal chez Aon Hewitt (Montréal), l’exercice d’équité salariale a pu produire la curieuse situation où : la moitié des emplois masculins se retrouve sous la courbe et la moitié au-dessus ; la moitié des emplois féminins a été haussée à cette courbe (ajustements d’équité) et l’autre moitié demeure au-dessus. Si bien que l’on assiste à la demande d’ajustements à la hausse des emplois masculins demeurés sous la courbe. Or, ajuster à la hausse ces derniers aurait pour eet de faire augmenter la courbe, déclenchant un eet de cliquet. C’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber.

5.6.8 Évaluer le maintien de l’équité salariale Une évaluation du maintien de l’équité salariale vise à s’assurer que des écarts salariaux ne se recréent pas entre les catégories d’emplois à prédominance masculine et les catégories d’emplois à prédominance féminine de valeur équivalente afin que ces dernières catégories reçoivent toujours une rémunération au moins égale à celle des premières. L’article 76.1 de la loi prévoit que le maintien de l’équité salariale doit être évalué tous les cinq ans après que l’exercice d’équité salariale a été complété. Cela signie que l’achage des résultats de l’évaluation du maintien doit toujours être eectué à la même date, tous les cinq ans. Cette date dite « anniversaire » est celle à laquelle le nouvel achage de l’exercice d’équité salariale a été fait ou aurait dû être fait (voir dans la loi les délais d’exception xés selon la date de début des activités de l’entreprise). Cet achage doit informer les salariés de la démarche que l’organisation a suivie et rappeler leurs droits. Toutefois, selon l’article 76.2, la Loi laisse l’employeur décider, quelle que soit la taille de son entreprise, si le maintien est évalué : par lui seul, par un comité de maintien de l’équité salariale, ou conjointement par l’employeur et l’association accréditée. Si l’employeur décide de constituer un comité de maintien, il doit respecter toutes les règles de composition et de gestion (articles 17 à 30.1) qui s’appliquent au comité d’équité salariale. S’il procède conjointement avec l’association accréditée, il doit, en vertu de l’article 29, fournir l’information nécessaire à l’évaluation du maintien dont les membres sont tenus d’en assurer la condentialité. De la même manière que dans l’exercice d’établissement de l’équité salariale, des employeurs peuvent se regrouper et des comités sectoriels peuvent collaborer pour évaluer le maintien de l’équité salariale. Comme lors de l’établissement de l’équité salariale (dont nous parlerons un peu plus loin), la loi (article 76.4) impose aussi à l’employeur de procéder à des achages et de verser les ajustements salariaux, s’il y a lieu, dans les délais prescrits (article 76.5) et de conserver les renseignements utilisés pendant une période de cinq ans à la suite de l’achage (article 76.8). Selon l’article 76.6, comme

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CHAPITRE 5

dans le cadre d’un exercice d’équité salariale, « les ajustements versés aux catégories d’emplois à prédominance féminine sont réputés faire partie intégrante de la convention collective ou des conditions de travail applicables aux salariés qui occupent des emplois dans ces catégories ». Essentiellement, l’extrait précédent résume ce que la loi, mise à jour en 2009, prescrit pour l’évaluation du maintien de l’équité salariale. Rien d’autre n’est dit sur les moyens et les modalités que l’employeur doit retenir pour évaluer son maintien de l’équité salariale tous les cinq ans. Les employeurs peuvent donc adopter des façons de faire diérentes de celles choisies aux ns de l’exercice d’équité salariale ou de la dernière évaluation du maintien. Les avis au regard de ce silence ou de cette exibilité lors de l’évaluation du maintien de l’équité salariale divergent (par exemple, Chicha, 2011 ; Trépanier, 2013). D’une part, certains observateurs craignent que le manque de directives et de règles ouvre la porte à un retour des iniquités ou à une absence d’intervention sur des iniquités qui apparaîtront. D’autre part, des experts estiment « raisonnable » ce silence ou cette exibilité, le législateur reconnaissant qu’un coup de barre a été donné au préalable lors de l’exercice d’équité salariale. Dans ce contexte vague où les employeurs n’ont pas beaucoup d’obligations à respecter, les opinions sont susceptibles de varier grandement sur ce qui doit ou ne doit pas être fait. Le Guide détaillé pour réaliser l’équité salariale et en évaluer le maintien propose une façon d’évaluer le maintien de l’équité salariale (voir la gure 5.3) et fournit des conseils en la matière. De plus, la CES a adopté des orientations sur l’étape de l’évaluation du maintien an d’aider les employeurs (voir l’encadré 5.6). Le site de la CES permet de suivre les développements en la matière. Tout compte fait, si le nombre et la nature des événements susceptibles de créer de nouveaux écarts salariaux dictent ce qu’il est nécessaire de faire en matière d’évaluation du maintien de l’équité salariale selon la CES, il importe que les employeurs soient très attentifs à des changements particuliers. Plus précisément, on conseille aux employeurs de noter les changements externes et internes ci-dessous, puisqu’ils doivent les apprécier lors de l’évaluation du maintien pour vérier s’ils n’ont pas généré des écarts salariaux entre la rémunération des catégories d’emplois à prédominance féminine et celle des catégories d’emplois à prédominance masculine de même valeur. Une liste des événements ayant généré des ajustements doit d’ailleurs être indiquée dans l’achage des résultats de l’évaluation du maintien (CES, 2006, 2014b ; Chicha, 2011). Voici les changements éventuels à surveiller : • les augmentations de salaires, des modications apportées aux avantages à valeur pécuniaire et l’introduction de nouvelles formes de rémunération ; • la disparition ou l’apparition d’une ou de plusieurs catégories d’emplois ; • la modication des exigences (des tâches et du contenu des emplois) susceptible de changer la valeur ou la prédominance sexuelle d’une catégorie d’emplois ; • la modication de la rémunération d’une catégorie d’emplois à prédominance masculine ayant servi de comparateur lors de l’établissement de l’équité salariale ; • l’augmentation ou la réduction des eectifs de l’entreprise ; • des changements dans la composition du personnel ; • la fusion, la vente ou la cession d’une partie de l’entreprise ou de l’entreprise entière ; • la modication de la mission ou des activités de l’entreprise ; • la négociation et le renouvellement de conventions collectives ; • l’accréditation d’une nouvelle association représentant les salariés ; • la modication des lois du travail et du salaire minimum ; • l’aliénation ou la modication de la structure juridique de l’entreprise.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

FIGURE 5.3

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Une démarche pour évaluer le maintien de l’équité salariale

Démarche proposée L’employeur identie si une ou plusieurs évaluations du maintien de l’équité salariale sont requises au sein de son entreprise.

L’employeur détermine, pour chaque évaluation requise, si le maintien de l’équité salariale est évalué par lui seul, à l’aide d’un comité de maintien de l’équité salariale ou conjointement avec l’association accréditée.

Mettre en place le ou les comités de maintien de l’équité salariale, s’il y a lieu.

Identier les divers changements survenus dans l’entreprise depuis l’exercice d’équité salariale ou la dernière évaluation du maintien de l’équité salariale (par exemple, création de nouveaux emplois, modications aux emplois ou à leurs conditions, hausses salariales, etc.).

Vérier l’identication des catégories d’emplois et la détermination de leur prédominance sexuelle.

Identier, le cas échéant, les nouvelles catégories d’emplois et déterminer leur prédominance sexuelle.

S’assurer qu’il n’y a pas d’écarts salariaux entre les catégories féminines et les catégories masculines équivalentes à l’aide d’une méthode d’évaluation des emplois et d’une méthode d’estimation des écarts salariaux appropriées.

Identier, le cas échéant, les catégories féminines qui ont droit à des ajustements salariaux.

Identier, le cas échéant, le pourcentage ou le montant des ajustements salariaux à verser.

Aviser les personnes salariées de l’achage.

Acher les résultats pendant 60 jours.

Procéder à un nouvel achage pendant 60 jours.

Verser les ajustements salariaux, s’il y a lieu. Conserver pendant 5 ans les renseignements utilisés et le contenu de tout achage. Évaluer le maintien tous les 5 ans. Source : CES (2014b, p. 94).

ENCADRÉ 5.6

Les orientations de la Commission de l’équité salariale au regard de l’évaluation du maintien de l’équité salariale

1. Que faire si plusieurs exercices d’équité salariale ont été complétés dans une entreprise ? Dans ce cas, le maintien de l’équité est évalué de façon distincte pour chacun de ces programmes. De même, lorsqu’un programme général incluant des personnes non syndiquées et des personnes représentées par une association accréditée a été réalisé, il n’est pas possible de réaliser l’évaluation du maintien de façon séparée pour l’association accréditée et les personnes non syndiquées. Les périodes pour procéder à l’évaluation du maintien des exercices d’équité salariale sont diérentes si les programmes ont été complétés à des dates diérentes. L’employeur peut cependant choisir d’évaluer le maintien de l’équité salariale de plusieurs exercices ou de tous les exercices de son entreprise en même temps. Dans ce cas, il doit faire l’évaluation des programmes lorsque vient à échéance la première période d’évaluation de cinq ans parmi ces programmes.

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ENCADRÉ 5.6

Les orientations de la Commission de l’équité salariale au regard de l’évaluation du maintien de l’équité salariale (suite)

2. Comment faire l’évaluation du maintien de l’équité salariale ? Une évaluation suppose minimalement la vérication de la détermination des catégories d’emplois et de leur prédominance sexuelle. L’évaluation du maintien doit être exempte de discrimination fondée sur le sexe et être conforme aux bonnes pratiques en matière d’équité salariale. L’employeur doit également s’assurer que toutes les catégories d’emplois comparées sont ou ont été évaluées avec une même méthode d’évaluation et comparées avec un même mode d’estimation des écarts salariaux. Le nombre et la nature des événements susceptibles de créer de nouveaux écarts salariaux dictent ce qu’il est nécessaire de faire pour vérier si les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine de même valeur sont toujours rémunérées de façon égale pour un travail de valeur équivalente au moment de l’évaluation. Le salaire des catégories d’emplois à prédominance féminine utilisé aux ns de l’évaluation périodique est le salaire équitable, c’est-à-dire le salaire qui comprend l’ajustement salarial déterminé lors de l’exercice d’équité salariale. Si l’employeur a choisi d’étaler le paiement des ajustements salariaux et que des versements d’ajustements salariaux se trouvent encore en période d’étalement, le salaire équitable doit néanmoins être utilisé aux ns de comparaison entre des catégories féminines et masculines. Si un écart est constaté au moment de l’évaluation du maintien, il faut faire la correction immédiatement en ajoutant l’ajustement au salaire actuellement versé. 3. Des exemples de bonnes pratiques pour évaluer le maintien dans une entreprise : … où il n’y a toujours pas de catégories d’emplois à prédominance masculine : ■ Évaluer le maintien de l’équité salariale en recourant aux mêmes comparateurs externes (provenant du Règlement ou d’une autre entreprise) que ceux utilisés aux ns de l’exercice d’équité salariale. ■ Déterminer la rémunération d’une nouvelle catégorie féminine selon la courbe des catégories d’emplois à prédominance féminine en lien avec une logique salariale équitable. ■ Surveiller l’évolution du marché des entreprises similaires ayant des catégories masculines. … où il n’y a plus de catégories d’emplois à prédominance masculine : ■ Appliquer une politique de rémunération cohérente à l’égard des catégories à prédominance féminines de l’entreprise, pour autant que cette politique soit exempte de discrimination fondée sur le sexe. ■ Déterminer la rémunération d’une nouvelle catégorie féminine selon la courbe des catégories d’emplois à prédominance féminine en lien avec une logique salariale équitable. ■ Surveiller l’évolution du marché des entreprises similaires ayant des catégories masculines. Source : Extrait adapté de CES (2014a).

5.6.9 Procéder à l’achage des résultats de l’exercice d’équité salariale ou de l’évaluation du maintien de l’équité salariale Le législateur impose d’informer les salariés lors de l’exercice d’équité salariale (articles 75, 76 et 35) ou au terme de l’évaluation du maintien de l’équité salariale (article 76.4). Cet achage doit être daté et se faire dans des endroits visibles et facilement accessibles aux salariés. Les employeurs peuvent utiliser des supports faisant appel aux technologies. La loi balise clairement les avis à transmettre aux salariés pour les informer de l’achage, de sa durée, des moyens d’en prendre connaissance et de leurs droits et recours. Pour la réalisation de l’exercice d’équité salariale, la loi balise le nombre, le moment, le contenu (incluant les droits et recours des salariés et les délais pour les exercer ) et la durée de l’achage selon que les entreprises comptent de 10 à 49 salariés (un seul achage pour indiquer la valeur des ajustements salariaux, s’il y a lieu) ou plus de 50 salariés (deux achages : un premier ache les résultats disponibles après avoir déterminé les catégories d’emplois à prédominance sexuelle et décidé de la méthode, des outils et du processus d’évaluation, et un second présente l’ensemble des résultats de l’exercice d’équité salariale).

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Au terme de l’évaluation du maintien de l’équité salariale, la loi impose des conditions aussi précises en termes d’achage. Il est nécessaire de procéder à un achage en balisant le moment, sa durée (60 jours) et son contenu : le sommaire de la démarche retenue, la liste des événements ayant généré des ajustements ainsi que des catégories d’emplois à prédominance féminine qui ont eu droit à des ajustements et les droits et recours des salariés et les délais pour les exercer. Dans tous les cas d’achage précédents, l’employeur doit, dans les 30 jours suivant le 60e jour de l’achage, procéder à un nouvel achage d’une durée de 60 jours, qui doit être daté et préciser les modications apportées à la suite des observations reçues ou indiquer qu’aucune modication n’est nécessaire et rappeler, le cas échéant, les recours prévus à la loi ainsi que les délais pour les exercer.

5.7

Les conditions de succès de l’exercice d’équité salariale et de l’évaluation du maintien de l’équité salariale

Au Québec, des recherches visant à analyser les conditions de succès ou les perceptions de justice des employés quant à la mise en œuvre et aux résultats d’un exercice d’équité salariale conrment l’importance des préalables suivants (Boudreau, 2000 ; Cloutier, 2004), dont il faudrait vraisemblablement tenir compte lors d’une évaluation du maintien de l’équité salariale : • l’appui et l’engagement des dirigeants ; • le respect des règles de justice (par exemple, l’absence de biais, la participation des employés, les possibilités d’appel) ; • la communication avec le personnel ; • l’engagement, la consultation et la formation des intervenants, notamment les représentants des employés, des cadres et des membres du comité d’équité salariale ou de maintien de l’équité, et le recours à des conseillers externes servant de guides ; • un climat de travail marqué par le respect, la conance et l’honnêteté ; • une culture de gestion axée sur le partenariat et promulguant des valeurs de transparence. Insistons sur le fait que, dans le contexte de l’élaboration d’un exercice d’équité salariale, la participation des employés et l’information donnée à ceux-ci se révèlent cruciales pour favoriser l’acceptation des résultats, et l’on peut penser que ce sera le cas envers le processus de l’évaluation de son maintien. Au moment de la réalisation d’un exercice d’équité salariale, il s’avère important que la direction et le comité d’équité salariale communiquent rapidement, régulièrement, par divers moyens (verbalement, par écrit, lors de réunions, etc.), de manière transparente, cohérente et accessible pour les raisons suivantes (voir Saba, 2011) : • an de marquer la volonté de la direction de corriger, s’il y a lieu, la discrimination salariale ; • an de faire comprendre le contenu d’un exercice d’équité salariale, soit les concepts clés, les étapes et l’échéancier ; • an de gérer, de clarier et de limiter les attentes des employés et d’obtenir leur collaboration ; • an de prévoir les résistances, de minimiser les insatisfactions et les contestations et de répondre aux questions des employés ; • an d’expliquer et de justier les décisions prises lors de l’exercice d’équité salariale en vue de favoriser chez les employés la compréhension de celui-ci et l’acceptation de ses résultats.

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CHAPITRE 5

En plus des achages requis par la loi, l’employeur gagne à faire périodiquement le point lors d’un exercice d’établissement de l’équité salariale étant donné que cette démarche peut nécessiter quelques mois. Le suivi est susceptible de prendre la forme de rencontres, mais le recours au journal de l’entreprise peut se révéler susant. Par ailleurs, l’expérience montre qu’un plan de communication, au moment de la diusion des résultats d’un exercice d’équité salariale, doit mettre l’accent sur les points suivants, lesquels devraient être pertinents lors de l’évaluation du maintien de l’équité salariale : • L’évaluation des emplois ne constitue qu’un des éléments de la détermination des salaires qui permet de les hiérarchiser en matière d’exigences. • Elle porte sur les caractéristiques des emplois, et non sur celles des employés. • Le processus d’équité salariale et d’évaluation de son maintien n’entraîneront ni suppression d’emplois ni diminution de salaire et n’a pas pour eet d’augmenter le salaire de toutes les femmes, et encore moins celui de tous les employés.

5.8

L’analyse et la description des emplois

Nous avons vu que, aux ns de l’élaboration d’un exercice d’équité salariale ou des évaluations subséquentes de son maintien, le législateur ne s’intéresse qu’à l’égalité de la rémunération des catégories d’emplois à prédominance féminine avec la rémunération des catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur comparable dans une entreprise. La Loi sur l’équité salariale n’oblige les employeurs qu’à comparer la valeur de ces catégories, à estimer les écarts de rémunération entre elles et à corriger les écarts qui défavorisent les catégories d’emplois à prédominance féminine. Comme le précise l’article 51, pour y parvenir, « l’employeur doit s’assurer que chacun des éléments du programme d’équité salariale, ainsi que l’application de ces éléments, sont exempts de discrimination fondée sur le sexe ». Si le législateur oblige de faire l’exercice d’équité salariale, il ne se préoccupe pas du fait que les employeurs respectent ou non les principes d’équité interne, externe, individuelle ou collective. Pour les employeurs, l’établissement des structures salariales basées sur la valeur relative des exigences des emplois représente l’approche la plus courante parmi les approches visant à déterminer et à gérer les salaires des employés en Amérique du Nord conformément au principe de l’équité interne. En eet, depuis plusieurs décennies, les employeurs adoptent plus ou moins ociellement des méthodes d’analyse et d’évaluation des emplois an d’assurer que leurs modes de détermination des salaires respectent un principe d’équité interne selon lequel ils accordent à tous les emplois un salaire lié à leurs responsabilités respectives. Cette section sur l’analyse et la description des emplois ainsi que la section suivante sur l’évaluation des emplois permettront de décrire les façons de faire traditionnelles et contemporaines en matière d’équité interne en donnant des conseils qui vont au-delà de la loi. Même si la loi n’exige pas qu’on revoie tout le système de gestion des salaires, des employeurs peuvent être soucieux d’adopter des pratiques plus neutres ou qui réduisent les stéréotypes sexistes et les préjugés dans l’analyse, la description et l’évaluation de tous les emplois, et donc dans l’établissement et la gestion de leurs structures salariales. Les conseils ne correspondent donc pas à des obligations légales, ces dernières ayant été exprimées dans la loi. Ainsi, il appartient à chaque employeur de décider quels conseils mettre en pratique et jusqu’à quel point, étant donné que le législateur le laisse gérer l’équité interne et externe comme il l’entend (dans le respect, bien sûr, des autres lois en matière de rémunération).

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5.8.1 L’analyse des emplois : importance et approches Dans la mesure où les structures salariales reposent sur les exigences relatives des emplois, la première étape de leur établissement consiste à examiner ou à analyser les emplois et leurs exigences. L’analyse des emplois correspond à un processus systématique et formel visant à colliger des informations sur les caractéristiques des emplois et les compétences que des titulaires doivent posséder pour être en mesure d’assumer les responsabilités des emplois. Les caractéristiques (ou le prol) de l’emploi consistent dans les responsabilités, les devoirs, la nature des décisions prises par les titulaires, les tâches et les activités des titulaires, etc. Quant aux compétences (ou au prol des compétences ou de la qualication professionnelle) des titulaires d’un emploi, il s’agit des aptitudes, des habiletés, des connaissances, de l’expérience, etc., requises pour occuper un emploi. L’objectif le plus fréquemment poursuivi par un programme d’analyse des emplois a trait à la rémunération, notamment à l’évaluation et à la hiérarchisation des emplois en fonction de la valeur relative de leurs exigences. En eet, les emplois sont plus susceptibles d’être décrits, diérenciés et évalués de manière juste dans la mesure où l’on peut disposer d’informations précises à leur sujet. Par contre, ce processus d’analyse des emplois — qui mène souvent à la description de leur contenu et de la qualication requise pour les occuper — est à la base de bien d’autres pratiques de gestion des ressources humaines, notamment la dotation, la formation, l’évaluation du rendement et du potentiel ainsi que la gestion des carrières. Les renseignements portant sur le travail peuvent être fournis par les titulaires des emplois, par leurs supérieurs immédiats ou par des analystes, en fonction de la nature de l’emploi, de la qualité des informations désirées, du temps et de l’argent disponibles de même que de la méthode de collecte des informations utilisée. Par exemple, la direction d’une petite ou moyenne entreprise peut demander aux supérieurs immédiats de décrire les tâches des emplois de leurs subalternes. Une autre entreprise peut demander à ses employés de décrire leurs emplois et à leurs supérieurs immédiats d’apprécier leurs réponses. La direction d’une grande entreprise peut faire appel à des analystes de l’intérieur ou de l’extérieur de l’organisation. Les informations sur les emplois destinées à la gestion des salaires peuvent être recueillies au moyen de méthodes dites d’« analyse des emplois » telles que l’observation, le questionnaire ouvert ou fermé, l’entretien ou la consultation de sources externes d’information sur les emplois. Le choix d’une ou de plusieurs méthodes d’analyse des emplois est inuencé par l’organisation du travail, la culture de gestion, les ressources disponibles, l’échéancier de travail, etc.

L’entretien en personne ou par téléphone L’entretien consiste à colliger des informations sur un emploi auprès d’un certain nombre de titulaires d’un emploi, de certains supérieurs immédiats ou des clients que l’on rencontre ou que l’on interroge par téléphone. Cette méthode peut permettre d’apprécier des emplois très techniques ou complexes. Il est possible de conduire l’entretien avec les titulaires de l’emploi, à tour de rôle, ou avec plusieurs titulaires d’un emploi en même temps (groupe de discussion) an de gagner du temps et d’obtenir davantage de renseignements. Pour certains emplois en particulier, on peut aussi recueillir de l’information directement auprès de titulaires en les rencontrant ou au moyen d’un entretien téléphonique. De même, les entretiens peuvent être menés auprès des supérieurs immédiats des titulaires des emplois visés, ou de leurs clients internes ou externes, ce qui permet de vérier, de compléter ou de nuancer les informations qui ont été recueillies auprès des titulaires des emplois. Toutefois, le fait que le supérieur immédiat soit responsable du travail de ses subalternes ou que des personnes soient servies par

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CHAPITRE 5

Pour lire la liste de questions qui peuvent être posées lors d’un entretien visant à connaître le contenu d’un emploi, consulter l’encadré 5.1W.

des employés ne signie pas que les superviseurs et les clients connaissent véritablement toutes les tâches des employés. Comparativement au questionnaire, l’entretien entraîne moins de problèmes sémantiques, n’exige pas de l’analyste d’aptitude ou de motivation à la rédaction et permet à celui-ci de s’exprimer plus librement. Cependant, l’entretien risque de faire ressortir le travail qui devrait être fait plutôt que celui qui est réellement accompli. Finalement, l’entretien s’avère relativement chronophage aussi bien pour l’analyste que pour les participants.

Des notes ou un questionnaire ouvert Pour avoir accès à un questionnaire de type ouvert visant à analyser un emploi de cadre, consulter l’encadré 5.2W.

Il est possible d’obtenir par voie écrite des informations sur le contenu des emplois. Traditionnellement, on a demandé à des titulaires de certains emplois de remplir un journal de leurs tâches ou activités ou encore de noter ce qu’ils font. Cette méthode est appropriée pour des emplois dont les titulaires ont des habiletés d’écriture. On peut la retenir, par exemple, pour compléter une description d’un emploi de cadre dont il n’y a qu’un titulaire dans l’entreprise. On peut aussi distribuer aux titulaires des emplois un questionnaire comportant des questions ouvertes. Cette méthode s’applique mieux aux emplois de cadres ou de professionnels (ne comptant souvent qu’un titulaire) parce qu’ils sont plus susceptibles d’être volontaires et compétents pour communiquer leur travail par écrit. La principale limite du questionnaire ouvert a trait à l’interprétation des informations fournies par les participants. Bien que cette approche permette de colliger des informations riches et détaillées, certains aspects du questionnaire peuvent être oubliés ou, au contraire, trop détaillés selon les perceptions des répondants. En conséquence, le contenu des réponses sera très varié, rendant du coup la tâche de l’interprétation plus ardue. De fait, pour bien comprendre le sens des réponses oertes, il est souvent nécessaire de recourir à une autre méthode, comme l’entrevue, an de valider ou de clarier les propos colligés.

L’observation directe La méthode de l’observation directe sur les lieux du travail consiste à regarder un employé exécuter un travail en prenant des notes. L’observation peut être faite par une personne (l’analyste) ou encore à l’aide d’un enregistrement vidéo ou de données informatisées. Cette méthode est peu ecace pour des emplois dont les activités sont mentales, ayant un long cycle de travail, comportant des tâches peu fréquentes, qui impliquent des déplacements physiques ou qui est réalisé à distance. Elle convient surtout à certains emplois de production, car elle ne révèle de manière objective que ce qui est observable en permettant de compiler des informations sur la fréquence, la durée, le nombre, etc., de certains comportements ou activités. Les analystes peuvent aussi utiliser l’observation pour se sensibiliser à un emploi avant d’analyser son contenu par le recours à d’autres méthodes, comme le questionnaire ou l’entretien étant donné que les informations qu’elles donnent reposent sur les perceptions de l’observateur et non sur celles des employés observés.

La consultation de sources externes L’entreprise peut aussi consulter plusieurs banques de données publiques gratuites pour colliger de l’information sur le contenu générique de certains emplois ou professions (les tâches et les responsabilités habituellement assumées dans un emploi) et le prol de qualification requis pour les occuper. Parmi ces banques de données, mentionnons la Classication nationale des professions au Canada, l’Occupational Information Network (O*Net) aux États-Unis, l’International Standard Classication of Occupation

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

du Bureau international du travail, ou, en Europe, l’EuOccupations. Par ailleurs, plusieurs sites et des organismes accessibles sur le Web orent des informations sur des emplois. Certaines entreprises commercialisent d’ailleurs des logiciels contenant des descriptions de milliers d’emplois présentées sous diérents formats (court, long, résumé, etc.). Ces logiciels permettent aux organisations qui y font appel d’individualiser et de compléter leurs descriptions d’emplois en utilisant un processus interactif de questions et réponses. Certains ouvrages donnent aussi des exemples de descriptions pour des dizaines ou des centaines d’emplois (Plachy et Plachy, 1993). Des organismes externes (par exemple, les ordres professionnels) fournissent des descriptions générales d’emplois (et même des données sur leurs salaires) qui peuvent constituer un bon point de départ pour réaliser un travail d’analyse des emplois (surtout lors du démarrage d’une entreprise), valider des informations obtenues par d’autres méthodes ou les compléter.

5.8.2 La description des emplois et de leurs exigences Une description d’emploi est un document présentant les informations qu’a permis de colliger l’analyse d’un emploi. L’analyste procède à la description d’emploi en ayant en main les informations recueillies à l’aide d’une analyse des emplois eectuée suivant une ou plusieurs des méthodes qui ont été décrites précédemment. En plus des renseignements portant sur les tâches et les activités, ou encore sur les responsabilités et les résultats, une description d’emploi doit renfermer des informations sur les conditions de travail, les outils, les matériaux et les instruments utilisés. Il est aussi courant d’annexer à la description d’emploi un prol d’exigences listant les compétences (par exemple, l’expérience, le niveau de scolarité) que doivent posséder les candidats à un emploi. Le prol d’exigences ne fait généralement pas partie de la description d’emploi comme telle quoiqu’il soit très important dans un contexte d’évaluation des emplois parce qu’on y trouve des informations permettant d’estimer la valeur relative des exigences des emplois. Quel que soit le type de description d’emploi et de ses exigences — selon les tâches et les activités ou selon les responsabilités, les résultats ou les compétences —, elle porte ordinairement sur les emplois et non sur chacun des postes. Ainsi, s’il y a six postes de représentants à la clientèle dans une organisation, on analysera et on décrira souvent un seul emploi, celui de représentant à la clientèle. À des ns de rémunération ou d’exercice d’équité salariale et de son évaluation, il est essentiel de distinguer les concepts clés dénis dans l’encadré 5.7 à la page suivante au sens de la loi. L’encadré 5.8 à la page 227 présente le prol standard d’une description d’emploi ainsi que des conseils de rédaction ayant une portée générale. Les descriptions d’emplois des cadres et des professionnels s’étendent généralement sur une page et demie, celles d’un emploi de bureau, sur une ou deux pages et celles d’un emploi de production, sur une page. Par contre, on tend davantage à réduire qu’à augmenter cette longueur. En eet, des descriptions d’emplois très précises et détaillées peuvent inciter des employés à n’eectuer que le travail qui y est mentionné et à demander une révision de la valeur de leur emploi aussitôt qu’on exige d’eux des activités ou des tâches supplémentaires. Par exemple, la société General Motors classiait auparavant ses emplois en recourant à des titres comme « poseur de sièges avant », « poseur de sièges arrière » ou « poseur de portes », de sorte qu’un poseur de sièges arrière ne posait jamais de sièges avant (Katz, 1985). De telles descriptions détaillées sont peu adaptées aux changements qui surviennent fréquemment dans l’organisation du travail et dont la mise à jour demande trop de ressources (en matière de temps et d’argent).

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Pour en savoir plus sur les banques de données publiques gratuites colligeant de l’information sur le contenu générique de certains emplois ou professions

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CHAPITRE 5

ENCADRÉ 5.7

Une dénition de concepts clés utilisés dans le processus d’analyse, de description et d’évaluation des emplois

Poste Regroupement de devoirs, de tâches et de responsabilités nécessitant les services d’une personne. Dans une organisation, il existe au moins autant de postes qu’il y a de titulaires. Dans une succursale bancaire, par exemple, s’il y a 15 représentants à la clientèle, ils occupent 15 postes. De plus, certains postes peuvent être vacants. Un poste peut exister même s’il n’est pas occupé ; il est alors vacant. En fait, il existe autant de postes de représentants à la clientèle que de personnes exerçant cet emploi et de postes vacants. Emploi Groupe de postes de travail identiques quant à leurs tâches majeures et à leur importance ou encore qui exercent une même fonction. Dans une succursale bancaire, par exemple, l’emploi de représentant à la clientèle peut comprendre plusieurs postes. En général, on rédige une description d’emploi par emploi (ou fonction). Famille d’emplois Regroupement d’emplois traditionnellement établis aux ns de l’évaluation des emplois et de l’administration des salaires sur la base de la similarité de leurs exigences et de leur contenu en matière d’habiletés, de compétences, de conditions de travail, de prol de carrière, de tradition, etc. Il existe, par exemple, une famille d’emplois de production, une famille d’emplois de bureau, une famille d’emplois de cadres, etc. Profession ou métier Groupe d’emplois comportant des tâches semblables ou étroitement apparentées qui nécessitent des compétences, des connaissances et des capacités semblables. Dans la profession comptable, par exemple, il existe des emplois de véricateur interne, de contrôleur, de véricateur public, de comptable en prix de revient, de commis comptable, etc. De façon générale, on tend à réserver le concept de «métier» à l’exécution de tâches de nature manuelle et celui de «profession» à des emplois dont les tâches sont d’ordre intellectuel. Catégorie d’emplois Au sens de la Loi sur l’équité salariale du Québec, elle regroupe des emplois qui ont les caractéristiques suivantes : des fonctions et des responsabilités semblables, des qualications semblables, et la même rémunération, soit un même taux ou une même échelle salariale.

Pour en savoir plus sur la plus importante base de données de descriptions de postes basées sur les résultats

Pour en savoir plus sur les descriptions d’emplois, consulter l’encadré 5.3W.

On traite plutôt de plus en plus de descriptions d’emplois dites « génériques », portant sur un grand nombre d’emplois similaires et permettant des assignations de tâches plus exibles, plus variées et plus enrichissantes. En outre, pour des raisons de exibilité et de pertinence, de moins en moins d’organisations retiennent l’unité administrative comme niveau d’agrégation an de reconnaître, par exemple, que même si la secrétaire du service de la comptabilité accomplit un travail semblable à celui de la secrétaire du service du personnel, la nature de leurs tâches ou de leurs responsabilités respectives n’est pas identique. L’encadré 5.9 à la page 228 ore un exemple de description détaillée basée sur les tâches et les activités d’un emploi de bureau, qui donne en plus des informations utiles à l’évaluation des emplois. En eet, cette description, qui comporte une section bien développée sur les exigences de l’emploi, contient des informations sur les facteurs d’évaluation des catégories d’emplois privilégiés par la Loi sur l’équité salariale. Une fois les ébauches de descriptions rédigées, l’analyste des emplois doit les faire réviser par les titulaires des emplois si ce sont eux qui lui ont transmis l’information requise. Cette révision peut amener l’analyste à modier certains termes, à ajouter certaines tâches ou responsabilités ou encore à rayer certaines d’entre elles. Il peut ensuite soumettre les descriptions d’emplois aux supérieurs hiérarchiques des titulaires de ces emplois en vue d’obtenir leur approbation. Si ces derniers proposent des changements importants,

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

ENCADRÉ 5.8

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Le contenu standard d’une description d’emploi et les règles de rédaction

1. Les renseignements généraux ■ Titre de l’emploi Il doit être juste. Par exemple, le titre de «secrétaire administratif ou administrative» comporte généralement un plus grand nombre de décisions à prendre et, par conséquent, commande un salaire plus élevé que le titre de «secrétaire». Il faut s’assurer que le travail du titulaire implique réellement les responsabilités suggérées. Le titre doit être juste et ne pas constituer un artice visant à augmenter le prestige ou les responsabilités d’un emploi et à entraîner un salaire plus élevé. ■ Service, nombre de titulaires et lieu de l’emploi, le cas échéant Cette information peut se révéler utile pour situer la place d’un emploi dans l’ensemble de l’organisation lorsque ses unités sont dispersées géographiquement. ■ Titre de l’emploi du supérieur hiérarchique et des emplois qui relèvent de l’emploi Cette information précise les relations d’autorité entourant un emploi et situe celui-ci dans la structure de l’organisation. ■ Nombre de subordonnés Cette information indique l’ampleur des responsabilités de supervision. ■ Code de l’emploi Certaines organisations ont un système de codication des emplois ou adoptent celui d’autres entreprises de leur secteur d’activité économique ou de leur industrie. ■ Date de la rédaction Cette indication permet de s’assurer de l’exactitude de la description d’emploi, du besoin de la réviser, de la mettre à jour, etc. 2. Le sommaire de l’emploi ■ La façon suivante de commencer le sommaire de l’emploi se révèle pratique : « Sous la direction de…, le (titre de l’emploi) a la responsabilité de (nommer les principales tâches ou responsabilités).» ■ À la n du sommaire de l’emploi, on ajoute une phrase du type : « De plus, sur demande, il eectue toute autre tâche connexe pouvant relever de cet emploi.» Cette phrase indique que l’esprit doit primer la lettre, car il est impossible de prévoir toutes les situations susceptibles de survenir et d’avoir toujours le mot juste. S’il va de soi que le contenu implicite de cette phrase ne doit pas être trop vaste, il faut aussi éviter de l’interpréter d’une façon trop restrictive. 3. La description des responsabilités et des devoirs ■ La lecture de cette section doit permette à une personne qui n’est pas familière avec l’emploi d’en comprendre la nature, le contenu et la signication. Plus précisément, elle doit indiquer ce que fait le titulaire, comment et pourquoi il le fait. Les phrases doivent commencer par des verbes actifs conjugués au temps présent (par exemple, «Inspecte», «Trie», «Pèse»), l’expression «cet employé» étant implicite. ■ Selon la nature des emplois et de l’organisation du travail, cette section peut être formulée en fonction des tâches, des responsabilités, des comportements, des compétences, etc. Les renseignements peuvent y être présentés selon l’importance des tâches ou des responsabilités, selon l’ordre dans lequel le travail doit être eectué, selon le temps consacré par le titulaire à l’exécution des tâches ou des responsabilités ou selon la fréquence de l’activité (par exemple, quelquefois, régulières ou occasionnelles). ■ On peut indiquer le temps approximatif que l’on consacre à chaque obligation en pourcentage, en un nombre d’heures par jour ou selon leur fréquence (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle). ■ Il faut expliquer les termes techniques en décrivant les procédés, les appareils, les méthodes et les outils de travail utilisés ; pour cela, on se servira de mots faciles à comprendre. Le style de la narration doit être direct, concis et précis. On ne doit pas dire, par exemple, «Fait des poignées de bois» si le titulaire «Sculpte des poignées de bois». Il en va de même pour les expressions «Planie», «Dirige», «Coordonne», «Contrôle», «Supervise», etc., qui ne donnent pas une idée précise des responsabilités inhérentes à l’emploi. Il faut aussi être précis en ce qui concerne les quantités, les poids, les mesures et les fréquences. ■ Si une tâche est bien connue et établie, on peut écrire « Inscrit, conformément à la procédure établie, les recettes et les débours de la journée au grand livre», plutôt que de décrire cette tâche.

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CHAPITRE 5

ENCADRÉ 5.9

Une description détaillée de l’emploi de secrétaire administrative de niveau 1

Le sommaire Le titulaire du poste eectue, sous la supervision d’un cadre, une foule de tâches (soutien administratif et travail de bureau) pour le chef de service ou le chef de division. Cette personne doit entre autres rédiger des procès-verbaux, composer et dactylographier des documents administratifs, condentiels et juridiques, organiser des rendez-vous et des déplacements, et eectuer les tâches habituelles que l’on associe à un poste de secrétaire administrative. Elle pourrait aussi avoir à superviser une petite équipe de commis de bureau. Depuis combien de temps les tâches et la répartition du temps de travail sont-elles comme il est décrit plus bas ? 3 ans Les principales tâches et responsabilités 1. Entretenir des rapports avec des services, des divisions, des organismes externes, des comités, des conseils, etc., relativement à des aaires concernant le superviseur hiérarchique. 2. Rédiger des lettres, des notes de service, des rapports, des formulaires et d’autres documents à partir d’ébauches, de notes de travail et de notes sténographiques, puis les faire examiner et signer par le superviseur, conformément aux politiques du service ou de la division. 3. Rédiger des lettres simples et ordinaires pour le service ou la division. 4. Eectuer d’autres tâches de bureau (rédiger des procès-verbaux, des ordres du jour et d’autres documents pour les comités du service ou de la division). 5. Répondre aux demandes de renseignements adressées par téléphone ou en personne. Fournir des renseignements à des employés et au grand public, et les adresser à des personnes compétentes. 6. Créer et maintenir un système de classement ecace. 7. Organiser des réunions et des horaires pour le personnel du service ou de la division qui se déplace hors de la ville. 8. Faire en sorte qu’il y ait toujours susamment de fournitures, de meubles, d’appareils, etc., en préparant, en traitant et en vériant des ordres d’achat. Préparer des reçus, des factures, des demandes de déplacement, etc., se rapportant aux recettes perçues et aux états nanciers et aux budgets. Doit parfois gérer la petite caisse. 9. Tenir un registre du nombre d’heures travaillées par le personnel du service ou de la division. Doit s’occuper des feuilles de présence et calculer les heures supplémentaires et les avantages sociaux. Doit aussi s’occuper des documents nécessaires à la préparation de la paie. Préparer divers formulaires de mouvement de personnel et coordonner des tâches avec le Bureau des services au personnel, pour garantir l’observation des politiques et des marches à suivre. 10. Peut avoir à superviser des personnes subalternes à être la principale personne-ressource pour le personnel de bureau. Attribuer des tâches à des subordonnés et vérier le travail de ceux-ci. 11. Coordonner tous les détails associés à des activités spéciales, dont la conférence annuelle du personnel des ventes et les réunions trimestrielles de la division. 12. Eectuer d’autres tâches connexes qui lui sont attribuées. Les qualications et habiletés/compétences minimales 1. Avoir un diplôme d’études secondaires ou un diplôme équivalent, ainsi que quatre années d’expérience comme secrétaire ou commis de bureau. Une formation en administration de bureau pourrait être substituée à une année d’expérience si la matière du cours est jugée susante pour remplacer une année d’expérience. 2. Savoir très bien utiliser un ordinateur personnel et avoir une connaissance pratique des logiciels de classement, de traitement de texte, de calcul électronique, de gestion de bases de données et de courrier électronique. Pouvoir taper 60 mots à la minute. Être capable de rédiger des procès-verbaux d’une façon précise, ecace et rapide. Une connaissance de la sténographie et de la tachygraphie serait un atout. 3. Avoir une connaissance pratique de divers appareils de bureau ordinaires et de quelques appareils spéciques (calculatrice, copieur, télécopieur, etc.). 4. Avoir une connaissance pratique des méthodes de travail de bureau associées à un milieu informatisé et relié à un réseau informatique local. 5. Être capable d’organiser des rendez-vous, de concevoir et de tenir à jour un système de classement complexe, et de tenir des registres ordonnés.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

ENCADRÉ 5.9

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Une description détaillée de l’emploi de secrétaire administrative de niveau 1 (suite)

6. Être capable de bien s’entendre avec des collègues, des superviseurs et d’autres employés, des groupes de clients et le grand public. Être capable d’encadrer et de diriger du personnel subordonné. 7. Avoir un permis de conduire en règle. L’eort mental 1. Doit se concentrer mentalement et visuellement pour eectuer avec exactitude quatre ou cinq heures de travail informatisé par jour (entrée et mise en forme de données). 2. Doit écouter attentivement ce que demandent les clients, les supérieurs hiérarchiques, des particuliers, etc. 3. Doit faire plusieurs tâches à la fois et se reconcentrer après des interruptions. L’eort physique 1. Doit travailler au moyen d’un ordinateur et, par conséquent, répéter de nombreuses fois des gestes nécessitant une coordination entre les yeux et les mains, pendant quatre ou cinq heures par jour. 2. Doit lever et ranger tous les jours des fournitures de bureau (poids maximal de 30 livres). 3. Doit travailler assis pendant de longues périodes (jusqu’à cinq heures par jour), utilisant un ordinateur et d’autres appareils de bureau. Les conditions de travail 1. Doit travailler dans un espace conné (un poste de travail peu insonorisé, entouré d’une cloison d’une hauteur de quatre pieds). 2. Doit jongler avec des délais concomitants, malgré des interruptions fréquentes et des priorités divergentes. 3. Doit être en contact de temps à autre avec des collègues, des clients, etc. Doit occasionnellement prendre des appels de personnes contrariées ou en colère. 4. Doit être exposé à l’éblouissement d’un écran d’ordinateur, à de l’encre en poudre et à d’autres substances. 5. Doit lever des boîtes et courir le risque de se blesser au dos, aux pieds ou aux mains. Le genre de supervision reçue 1. Doit travailler sous les ordres du chef de service ou du chef de division. 2. Doit établir des priorités et achever des tâches attribuées conformément à des directives assez générales. Le supérieur hiérarchique vérie de temps à autre si des progrès sont réalisés. Le genre de supervision ou d’aide donnée 1. Peut avoir à superviser des commis de bureau ou à être la principale personne-ressource pour le personnel de secrétariat. 2. Doit attribuer des tâches et établir une échelle de priorités. 3. Doit examiner le travail du personnel subordonné. Source : Extrait de Commission de l’équité salariale de l’Ontario (2014).

il est recommandé que l’analyste en discute avec les titulaires an de valider le tout avec eux et de convenir de modications à apporter. Une fois que les supérieurs hiérarchiques ont accepté les descriptions, il revient à la direction d’approuver celles-ci. Par contre, une description d’emploi n’est jamais dénitive et devrait être mise à jour chaque fois qu’une partie ou l’ensemble du contenu d’un emploi change, ou lorsqu’une demande de mise à jour est faite par le titulaire ou par son supérieur hiérarchique.

5.8.3 Une analyse et une description des emplois respectant le principe de neutralité L’employeur gagne à se soucier de la neutralité du processus de collecte d’informations et de description de l’ensemble des emplois an de faciliter l’application de la loi. Pour

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CHAPITRE 5

cela, il importe que tous les emplois soient décrits en des termes comparables, précis, simples et non sexistes en ne minimisant pas ou en n’excluant pas certaines exigences des catégories d’emplois à prédominance féminine. En eet, le sexisme peut être présent lorsque des emplois occupés majoritairement par des hommes et des femmes sont décrits de façon diérente, avec des termes diérents ou porteurs de jugements de valeur (opinions et qualicatifs). Par exemple, un employeur inuence à la baisse l’évaluation d’un emploi à prédominance féminine dans les cas suivants (Commission de l’équité salariale de l’Ontario, 2013) : • Pour des tâches de supervision semblables pour un emploi à prédominance masculine et un emploi à prédominance féminine, on qualie le premier d’emploi de « gestion » et le second d’emploi de « coordination ». • Les emplois à prédominance masculine sont décrits de façon plus détaillée que ceux à prédominance féminine. • Certains aspects des emplois à prédominance féminine sont omis ou mal décrits. Par ailleurs, les questions — lors des entrevues ou de la passation des questionnaires — visant à obtenir de l’information sur les emplois doivent être claires et porter sur les emplois, et non sur leurs titulaires ; par exemple, on demande non pas le diplôme du titulaire, mais le niveau de scolarité requis pour l’accomplissement des tâches. En outre, il faut préciser la nature de l’équipement utilisé — qui est souvent tenu pour acquis ou négligé dans la description de certains emplois des catégories d’emplois à prédominance féminine —, comme tous les outils et équipements technologiques et informatiques pour les emplois de bureau et pour le personnel de soins. Compte tenu de l’ensemble de ces conditions de neutralité, le recours à un questionnaire fermé peut être jugé préférable, car il réduit les diérences dues au sexe dans l’expression du contenu d’un emploi. En eet, des recherches ont montré que les femmes ont tendance à décrire leurs tâches de manière succincte en utilisant des termes qui sous-estiment leurs responsabilités et qui sont plus imprécis (par exemple, « Coordonne ou supervise des personnes », « Gère des documents et assume des responsabilités de bureau ») en comparaison des hommes (par exemple, « Dirige ou gère du personnel », « Calibre la pression des FP 25 »). La Commission de l’équité salariale de l’Ontario (2013) recommande aussi de prendre en considération les conseils suivants lors de la rédaction ou de la mise à jour d’une description d’emploi an qu’elle soit plus valide et juste : • Se concentrer sur les faits sans surévaluer ou sous-évaluer les caractéristiques d’un emploi (obligations, tâches, connaissances, compétences). • Éviter dans la description des exigences de l’emploi les références générales à la personnalité, à l’intérêt, à l’intelligence ou au jugement. • Supprimer de la description les tâches et les responsabilités qui ne font plus partie de l’emploi ou qui sont prévues dans l’avenir. • Ajouter ou corriger des responsabilités ou des exigences dont on n’avait pas tenu compte par le passé, que l’on avait notées diéremment ou qu’il faut modier parce que le milieu de travail ou les exigences de l’emploi ont changé. • Ne pas considérer la qualication professionnelle (compétences, niveau de scolarité ou expérience) qu’un titulaire d’emploi possède ou peut acquérir sans que cela soit exigé par son emploi. • S’assurer de ne pas modifier ou rédiger une description d’emploi sur la base d’un titulaire qui n’assume pas les responsabilités ou n’exerce pas l’autorité (à la baisse ou à la hausse) qui relèvent de son emploi en clarifiant cela avec le supérieur immédiat.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

5.9

L’évaluation des emplois : importance et méthodes

Un processus ociel d’évaluation des emplois correspond à un processus systématique visant à dénir la valeur relative des emplois au sein d’une organisation. Plus précisément, l’évaluation des emplois permet de hiérarchiser les emplois d’une organisation selon la valeur relative de leurs exigences (la structure des emplois), an d’accorder aux employés des salaires proportionnels à ces exigences ou cohérents par rapport à ces dernières (la structure salariale). En somme, l’évaluation des emplois permet de jauger la contribution relative des emplois au succès de l’organisation en examinant la valeur ou l’importance relative des exigences de ces emplois, et non la contribution des titulaires de ces emplois (qui fait plutôt l’objet de l’évaluation du rendement ou de leurs compétences). Le processus de comparaison et de hiérarchisation des emplois a uniquement pour but d’indiquer quels emplois doivent être rémunérés à des taux semblables et lesquels doivent être rémunérés à des taux diérents. L’objectif de ce processus consiste à accorder aux employés des salaires proportionnels aux exigences de leurs emplois, et non à déterminer des salaires individuels ou des écarts précis entre les salaires. Il ne faut donc pas confondre l’évaluation des emplois avec la détermination des salaires qui y sont associés. En eet, même si la valeur relative des exigences des emplois d’une organisation constitue un critère pertinent et majeur de la détermination des salaires (l’équité interne), d’autres types d’équité doivent être envisagés, notamment l’importance du marché (l’équité externe) et des caractéristiques individuelles (l’équité individuelle). Entre les années 1920 et 1950, le processus d’évaluation des emplois a gagné en popularité parce qu’il donnait la possibilité aux organisations de réduire le pouvoir discrétionnaire des cadres en matière de détermination des salaires en centralisant la gestion des salaires dans le service des ressources humaines. Cette centralisation permettait non seulement d’abaisser les coûts de gestion, mais aussi de réparer des injustices et de diminuer le favoritisme et les iniquités dans la détermination des salaires des employés. Alors que, par le passé, toutes les décisions en matière salariale étaient prises unilatéralement par la direction, on a vu apparaître et se répandre des comités de rémunération dans les milieux non seulement syndiqués, mais aussi non syndiqués. Si rien n’est parfait, il reste qu’un processus d’évaluation des emplois permet de réduire le chaos, l’incohérence, l’arbitraire, l’iniquité et les biais dans la gestion de salaires pour y introduire plus d’ordre, de cohérence, de critères de décision et d’équité. De fait, Quaid (1993) a probablement en partie raison de conclure qu’un processus d’évaluation des emplois est un rituel institutionnel qui permet de traduire ou de justier un système de valeurs dans un processus qui, autrement, s’avérerait très dicile à gérer. Aussi, il y a de bonnes raisons de croire que ce processus va rester, et ce, d’autant plus qu’il est inhérent au respect de la Loi sur l’équité salariale et qu’il constitue un préalable au maintien d’un système neutre de gestion des salaires. Évidemment, toutes les méthodes d’évaluation des emplois, à travers le choix des facteurs ou des valeurs sur lesquels elles reposent, peuvent servir de levier pour appuyer des changements culturels dans l’organisation (par exemple, la réduction des barrières dressées par le pouvoir hiérarchique), tout comme elles peuvent représenter un frein aux changements culturels lorsqu’elles renforcent les valeurs traditionnelles et qu’elles ne sont pas adaptées à la nouvelle réalité. L’ecacité d’un tel processus est fonction du respect d’un certain nombre de préalables clés (voir l’encadré 5.10, à la page suivante) que la présence d’une loi proactive n’empêche aucunement de respecter parce qu’ils sont sous le contrôle des dirigeants et des professionnels de la rémunération.

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CHAPITRE 5

ENCADRÉ 5.10 ■

■ ■ ■ ■ ■

■ ■







Les conditions de succès du processus d’évaluation des emplois

Le processus d’évaluation des emplois devrait être géré de manière assez exible an qu’il puisse s’adapter aux changements survenant dans le contexte et l’organisation du travail. Il ne devrait pas servir à accentuer des hiérarchies d’emplois. Il devrait reéter le contenu plus exible et plus changeant des emplois d’aujourd’hui. Il devrait prendre en considération l’importance accrue accordée au travail d’équipe. Il ne devrait pas s’appuyer sur des descriptions d’emplois très détaillées et contraignantes. Il ne devrait pas entraîner l’organisation dans un processus trop coûteux en ce qui concerne les étapes, les contraintes, les expertises et le temps consacré à la gestion. Il devrait être assez simple à appliquer de manière à faciliter la prise de décision. Il devrait fournir un cadre ociel d’opérations permettant de porter des jugements cohérents et respectueux des exigences des lois qui visent à éliminer la discrimination dans l’évaluation des catégories d’emplois à prédominance sexuelle. Il devrait être révisé à la lumière des changements qui se produisent dans le travail, les valeurs, la culture, les exigences d’aaires, le climat de travail, les lois, etc. Il devrait être géré de manière transparente an que tous les employés touchés comprennent comment il est appliqué et comment son application a des eets sur eux. Il devrait être accepté et perçu comme équitable en optimisant la participation des employés et de leurs représentants à son élaboration et à sa gestion.

Source : Traduit et adapté d’Armstrong et Baron (1996).

On peut classer les méthodes traditionnelles d’évaluation des emplois selon qu’elles sont globales ou analytiques. D’une part, les méthodes globales ou non analytiques d’évaluation des emplois comparent ou analysent les emplois dans leur ensemble et non facette par facette. Elles comprennent la méthode de comparaison avec le marché et la méthode de rangement des emplois. D’autre part, les méthodes analytiques comprennent la méthode de classication des emplois et la méthode des points et facteurs, lesquelles analysent facette par facette la valeur relative des emplois. Cette section traite succinctement de diverses méthodes d’évaluation des emplois. La section 5.10 insistera sur la variété des applications de la méthode des points et facteurs parce qu’elle est la plus fréquemment utilisée.

5.9.1 La méthode de comparaison avec le marché La méthode de comparaison avec le marché mesure la valeur relative des exigences des emplois repères au sein d’une organisation en considérant leur rémunération respective sur le marché et en rangeant ces emplois, les uns par rapport aux autres, selon leur taux de rémunération sur le marché.

La dénition de la méthode Suivant cette méthode, on eectue une ou plusieurs enquêtes de rémunération pour établir la valeur des emplois visés sur le marché. Ensuite, on peut déterminer la valeur des emplois — pour lesquels il n’y a pas de données sur le marché — en les comparant avec la valeur des autres emplois pour lesquels une valeur sur le marché a été déterminée. Il s’agit d’une méthode non analytique selon laquelle les emplois sont comparés avec des emplois repères que l’on présume être correctement classés. Les emplois sont alors rangés comme étant du même groupe ou de la même classe que celui de l’emploi repère avec lequel ils sont jugés globalement comparables. En somme, cette méthode privilégie l’équité externe pour établir l’équité interne.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Les avantages de la méthode Aux États-Unis, la comparaison avec le marché reste une méthode assez fréquente de détermination des salaires parce qu’elle est simple, souple, facile à comprendre et d’application rapide lorsqu’un nombre restreint d’emplois doivent être évalués. Une étude a d’ailleurs montré que le taux du marché est un meilleur déterminant des taux de salaires des emplois que la valeur en points de leurs exigences (Rynes et al., 1989).

Les limites de la méthode Toutefois, la méthode de comparaison avec le marché comporte plusieurs limites. La hiérarchie des emplois établie à partir d’enquêtes de rémunération repose très souvent sur l’ordre des salaires sur le marché, alors que ceux-ci ne constituent qu’une composante de la rémunération. De plus, cette méthode ne tient pas compte des particularités des entreprises : s’il est ardu de trouver un emploi identique dans une autre organisation, on peut imaginer combien il est dicile de trouver un tel emploi dans une entreprise où les conditions de travail sont identiques. Par ailleurs, lorsque certains emplois sont propres à une organisation, ils n’existent pas sur le marché ; leur évaluation à l’aide de la méthode de comparaison avec le marché est alors impossible. Ensuite, pour des emplois soumis aux aléas des pénuries et des surplus de main-d’œuvre, cette approche peut impliquer d’importants changements de salaires sur une courte période. En outre, comme la valeur d’un emploi sur le marché ne reète pas toujours l’équité interne, car elle est fonction des éléments valorisés par d’autres entreprises, une détermination des salaires fondée seulement sur le taux du marché peut amener certains employés à déposer des plaintes en matière d’iniquité. Enn, étant donné qu’on estime que cette méthode perpétue inévitablement les biais sexistes existant sur le marché du travail, elle est proscrite par les lois visant à contrer les biais dans l’évaluation des catégories d’emplois à prédominance féminine. Aujourd’hui, au Canada comme aux États-Unis, en raison de l’évolution des mentalités et des façons de faire (alignées sur les lois proactives en matière d’équité salariale dans certains pays), la comparaison avec le marché n’est plus considérée comme une méthode d’évaluation des emplois exempte de biais ou permettant d’assurer l’équité interne. On lui reconnaît certes un rôle pour assurer l’équité externe, mais celle-ci ne peut se substituer à l’équité interne, les perceptions de l’une et l’autre devant être optimisées.

5.9.2 La méthode de rangement des emplois La méthode de rangement des emplois consiste à situer les emplois les uns par rapport aux autres selon l’importance relative de leurs exigences considérées de façon globale (à partir de descriptions d’emplois, s’il y a lieu).

La dénition de la méthode Pour eectuer ce rangement des emplois, les membres du comité d’évaluation des emplois peuvent utiliser l’une ou l’autre des techniques suivantes : • Le rangement global général. Les membres du comité (d’abord individuellement, puis en comité, ou directement en comité) rangent les emplois selon la valeur relative de leurs exigences, de l’emploi le plus exigeant à l’emploi le moins exigeant. Cette façon de procéder risque d’être compliquée, longue et imprécise dès que le nombre d’emplois est supérieur à 15. • Le rangement global alternatif. Les membres du comité (d’abord individuellement, puis en comité, ou directement en comité) déterminent l’emploi le plus exigeant, puis l’emploi le moins exigeant, et recommencent ce processus jusqu’à ce que tous les emplois aient été rangés.

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CHAPITRE 5

• •

Le rangement global par paires. Les membres du comité (d’abord individuellement, puis en comité, ou directement en comité) comparent systématiquement les emplois les uns avec les autres en vue de déterminer, pour chaque paire possible, l’emploi le plus exigeant. Le rangement diérencié ou pondéré (général, alternatif ou par paires). Les membres du comité (d’abord individuellement, puis en comité, ou directement en comité) procèdent au rangement des emplois en utilisant plusieurs critères d’exigences. Dans ce cas, le rangement se fait selon chaque critère et le rang d’un emploi correspond à la moyenne des rangs obtenus pour les diérents critères. Si l’on accorde plus ou moins d’importance à un critère, cette technique ressemble à la méthode des points et facteurs, que nous verrons plus loin.

Les avantages de la méthode La méthode de rangement des emplois, qui est simple et facile à comprendre, est surtout utilisée au sein des organisations de petite taille. Peu coûteuse à implanter, elle peut aussi servir à valider les résultats obtenus au moyen d’une autre méthode d’évaluation des emplois. De même, cette méthode peut être présentée initialement aux membres d’un comité d’évaluation an qu’ils prennent conscience de ses limites et qu’ils comprennent les atouts d’une autre méthode.

Les limites de la méthode La méthode de rangement des emplois est relativement longue à appliquer lorsqu’il y a de nombreux emplois à évaluer. De plus, les emplois risquent d’être classés à partir d’une opinion globale incomplète ou biaisée étant donné que les critères permettant d’apprécier la valeur relative des emplois ne sont ni précisés ni pondérés. Cette méthode est plus sujette à entraîner des biais liés aux salaires versés pour les emplois et aux caractéristiques de leurs titulaires (notamment leur sexe). En outre, elle limite les échanges d’informations précises et peut rendre dicile l’obtention d’un consensus chez les membres du comité d’évaluation des emplois, car chacun adopte ses propres critères. Par ailleurs, comme le rangement ne donne aucune information sur l’ampleur de la diérence de valeur entre deux emplois (par exemple, l’écart de valeur entre le 14e et le 15e emploi peut être beaucoup plus grand que l’écart entre le 3 e et le 4e emploi), il est peu utile à l’établissement d’une structure salariale. De plus, cette méthode manque de exibilité : lorsqu’on crée un nouvel emploi ou qu’on modie le contenu d’un emploi existant, il faut reprendre entièrement le processus de rangement des emplois et les évaluer les uns par rapport aux autres.

5.9.3 La méthode de classication des emplois Une autre méthode d’évaluation des emplois assez fréquemment utilisée, surtout dans le secteur public, est celle de la classication des emplois. Cette sous-section la décrit et présente ses avantages et ses inconvénients.

La dénition de la méthode La méthode de classication des emplois consiste à apparier le contenu d’une description d’emploi avec le texte décrivant les exigences d’une classe d’emplois qui s’en rapproche le plus. Par exemple, la classe d’emplois 1 peut se lire ainsi : « Travail simple, très répétitif, accompli sous une direction étroite, nécessitant peu de formation, peu de responsabilités ou peu d’initiative », et la classe d’emplois 5 peut être présentée de la façon suivante : « Travail complexe et varié eectué sous une direction générale. Haut niveau d’habiletés requis. L’employé est responsable de l’équipement et de la sécurité ; il doit régulièrement faire preuve de beaucoup d’initiative. » Le nombre de classes d’emplois varie généralement de quatre à huit. Le fait que cette méthode soit basée sur une description écrite de

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

235

certaines exigences particulières des emplois explique pourquoi on la qualie de méthode « analytique » de type « qualitatif ».

Les avantages de la méthode Une méthode de classication des emplois permet de comparer systématiquement un grand nombre d’emplois pouvant appartenir à des familles d’emplois diérentes. Pour cette raison, au Canada comme aux États-Unis, la gestion des salaires des emplois dans le secteur public s’appuie sur un système dans lequel les emplois sont associés à des classes (ou « grades ») d’emplois. Cette méthode a l’avantage d’être simple à comprendre. De plus, lors de la création de nouveaux emplois ou de la modication d’emplois existants, on n’a pas à recommencer tout le processus d’évaluation des emplois ; il s’agit uniquement de revoir le classement de l’emploi créé ou modié. Par exemple, la General Schedule (GS), établie en 1949, permet d’évaluer plus de la moitié des emplois du gouvernement fédéral américain en fonction de 18 classes (de GS-1 à GS-18).

Les limites de la méthode Par contre, la détermination et la dénition des classes requièrent une connaissance très poussée des emplois et une grande capacité de synthèse. La qualité de cette méthode repose en fait sur le contenu du texte permettant de décrire les diérentes classes d’emplois et de les distinguer entre elles. Dans la mesure où la plupart des emplois, leur organisation du travail et les outils de travail ont changé, le dé consiste à revoir au complet le système de classication des emplois, processus qui peut s’avérer dicile à implanter, particulièrement dans le secteur public.

5.9.4 La méthode des points et facteurs La méthode des points et facteurs, souvent qualiée simplement de « méthode des points », nécessite de retenir des facteurs d’évaluation dont on évalue le degré de présence et auxquels on attribue des points, chaque emploi étant évalué par l’addition des points qu’il obtient pour chaque facteur.

La dénition de la méthode Les facteurs d’évaluation des emplois correspondent aux exigences relatives des emplois qu’une organisation valorise et veut reconnaître par les salaires qu’elle verse. Autrement dit, ils représentent les raisons pour lesquelles certains emplois sont plus exigeants que d’autres et ils sont à la base de la hiérarchisation des emplois suivant leur valeur. À l’égard de l’évaluation de ses emplois à des ns d’équité interne, l’entreprise peut adopter les facteurs qu’elles jugent pertinents pour ses besoins et les pondérer en fonction de l’importance relative qu’elle leur attribue selon divers critères. Toutefois, dans un contexte où l’entreprise se trouve dans une société qui a une loi proactive en matière d’équité salariale ou qui interdit la discrimination dans la détermination de la rémunération fondée sur le sexe, il peut être préférable en vue de l’évaluation de l’équité interne de tenir compte des quatre facteurs imposés par la Loi sur l’équité salariale, d’autant plus que cela n’est pas limitatif, car ces facteurs peuvent tous être subdivisés en autant de sous-facteurs que l’on veut. À titre d’illustration, le tableau 5.5 à la page suivante liste des sous-facteurs parmi lesquels les organisations peuvent choisir pour dénir les quatre facteurs prescrits par la réglementation en matière d’équité salariale aux ns de l’établissement de l’équité salariale. Selon la CES (2014b, p. 59), le poids accordé par les organisations aux quatre facteurs prescrits dans leur exercice d’équité salariale varie de façon générale entre les bornes ci-dessous : • la qualication requise : de 20 % à 35 % ; • les responsabilités assumées : de 25 % à 30 % ;

Pour en savoir plus sur la méthode de classication des emplois

236

CHAPITRE 5

• •

les eorts requis : de 20 % à 40 % ; les conditions dans lesquelles le travail est eectué : de 5 % à 15 %.

La méthode des points mesure le degré de présence de chacun des facteurs d’évaluation retenu sur une échelle de niveaux de présence. De plus, elle accorde une importance et un poids diérents à chacun des facteurs et sous-facteurs qui sera estimé par des points. Selon cette méthode, la valeur relative des emplois — par conséquent, leur position dans la structure des emplois — est déterminée par le total des points obtenus à la suite de leur évaluation. À cause de la décomposition des emplois en diérentes facettes, cette approche constitue une technique analytique, et en raison des valeurs numériques dont elle fait usage, elle constitue une technique quantitative. TABLEAU 5.5

Des exemples de sous-facteurs associés aux quatre facteurs d’évaluation des emplois prescrits légalement

Facteurs requis par la loi Exemples de sous-facteurs pris en considération Qualication requise

• Formation ou niveau de scolarité • Expérience • Connaissances professionnelles • Connaissance des produits ou des services • Durée d’adaptation ou d’entraînement • Coordination et dextérité • Compétences intellectuelles • Compétences interpersonnelles • Compétences ou habiletés de communication (verbale, écrite, langues étrangères)

Responsabilités assumées

• Responsabilité du bien-être ou de la sécurité de personnes (autres que les employés)

• Responsabilité des ressources nancières • Responsabilité des ressources matérielles et informationnelles

• Responsabilité de la supervision, de la direction, de la coordination d’employés

• Responsabilité de la planication, de l’organisation et du développement Eorts requis

• Eorts émotionnels • Eorts mentaux : complexité des tâches,

• Capacités d’analyse • Connaissance du contexte organisationnel • Habiletés analytiques • Habiletés interpersonnelles • Habiletés manuelles et motrices • Habiletés sensorielles • Habiletés interpersonnelles • Habiletés physiques • Initiative et autonomie • Polyvalence • Résolution de problèmes • Décisions et actions • Contacts (public, clients, consommateurs) • Condentialité des informations • Coordination • Élaboration de politiques d’entreprise • Équipement et machinerie • Obligation de rendre compte • Qualité des produits ou des services • Communications • Exigences physiques (complexité, continuité,

intensité, caractère répétitif) initiative et jugement, concentration et • Exigences intellectuelles (complexité, attention sensorielle, caractère répétitif, stress continuité, intensité, caractère répétitif) • Eorts physiques : mouvements, positions • Interactions avec des personnes diciles contraignantes, fatigue • Volume de travail Conditions de travail

• Environnements physique et psychologique • Risques ou dangers : accidents, santé • Travail de nuit et de n de semaine • Horaires de travail variables • Déplacements

• Agressivité des personnes • Imprévisibilité des conditions de travail • Interruptions constantes • Monotonie • Saleté • Stress lié à la multitude de demandes • Rythme de travail, pression exercée par la surcharge

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Après la méthode de comparaison avec le marché, la méthode des points et facteurs représente la méthode d’évaluation des emplois la plus utilisée en Amérique du Nord. On y fait appel surtout dans les moyennes et les grandes entreprises. Quoique cette méthode ne soit pas obligatoire, les exigences contenues dans la Loi sur l’équité salariale — notamment demandant qu’on tienne compte de quatre facteurs d’évaluation — favorisent son adoption. Toutefois, ce n’est pas parce qu’une organisation choisit ces quatre facteurs qu’elle respecte nécessairement la loi. L’aspect plus ou moins discriminatoire d’un facteur repose fondamentalement sur la dénition qu’on lui donne. Certains facteurs d’évaluation doivent être considérés de façon particulière an que le processus d’évaluation ne soit pas biaisé en faveur de l’un ou de l’autre sexe. On pense, par exemple, à l’expérience et aux conditions de travail. Étant donné qu’on présume souvent que l’expérience nécessaire pour occuper des emplois à prédominance féminine (préposées à l’entretien, préposées aux malades) s’acquiert à la maison ou à l’école (ou pire, l’expérience est nulle puisque les habiletés ciblées sont jugées innées), on tend à estimer que ces emplois nécessitent moins d’expérience sur le marché du travail que les emplois à prédominance masculine. En ce qui concerne les conditions de travail, un emploi de secrétaire peut être coté comme requérant un eort « de très léger à léger », alors qu’un eort « de léger à modéré » est attribué à l’emploi de conducteur de camion. Il faut alors se poser la question suivante : le fait de tenir le volant d’un véhicule requiert-il vraiment plus d’eort physique que le fait de taper sur un clavier ? Une telle interrogation nécessite que l’on reconsidère la signication communément et historiquement accordée au facteur « exigences physiques », qui privilégie le déploiement d’une force physique brute et ignore la fatigue qui résulte de l’exécution d’une tâche nécessitant une force physique peu importante mais continue. La question devient alors celle-ci : est-il toujours vrai que l’eort important mais peu fréquent est plus fatigant que l’eort léger mais continu ? Certaines dénitions de facteurs peuvent privilégier les emplois à prédominance masculine et ne pas prendre en considération certaines exigences davantage associées aux emplois à prédominance féminine (voir l’encadré 5.11). D’autres ouvrages traitent de ces biais et en donnent un plus grand nombre d’exemples (CES, 2014b ; Chicha, 2011).

ENCADRÉ 5.11

237

Pour en savoir plus sur les caractéristiques féminines associées aux quatre facteurs d’évaluation des emplois souvent négligées

Des exemples de discrimination fondée sur le sexe dans le choix et la dénition des facteurs d’évaluation des emplois

A) Exemples de discrimination fondée sur le sexe dans la dénition des facteurs Relations humaines ■ Ne pas inclure les habiletés requises pour travailler avec des personnes autres que les personnes supervisées (par exemple, ne pas tenir compte des habiletés en matière de relations humaines pour le personnel inrmier) ■ Eort physique ■ Mettre l’accent sur le poids des objets à soulever sans considérer la fréquence de l’eort ■ Conditions de travail ■ Considérer la présence évidente de la saleté entourant l’emploi (comme celui de mécanicien) plutôt que la responsabilité de nettoyer (par exemple, pour le personnel d’entretien ménager ou pour le per­ sonnel inrmier)

B) Exemples d’exigences ou de sous­facteurs favorisant les emplois féminins qui sont souvent ignorés Qualications requises ■ Dextérité ■ Exploitation et entretien d’équipements de bureau ■ Rédaction de lettres pour d’autres personnes, relecture et correction du travail de tiers ■ Gestion de documents ■ Gestion des plaintes (par exemple, chez les commis des magasins) ■ Coordination de plusieurs activités ■ Précision ■ Organisation de l’information ■ Attention aux détails ■ Compétence en dactylographie

238

CHAPITRE 5

ENCADRÉ 5.11

Des exemples de discrimination fondée sur le sexe dans le choix et la dénition des facteurs d’évaluation des emplois (suite)

Eorts requis ■ Adaptation aux nouvelles technologies ■ Exécution de tâches exigeant une bonne coordination à la fois visuelle et manuelle ■ Concentration visuelle ■ Prestation simultanée de nombreux services à l’intention de plusieurs personnes ou unités ■ Fréquence de gestes comme se lever et porter des objets ou soulever des personnes (par exemple, dans le travail en garderie) ■ Eort psychique ■ Stress lié au travail dans une aire ouverte ou surpeuplée ■ Stress lié au soin des personnes malades, agressives ou mourantes Responsabilités assumées ■ Formation et orientation du personnel nouvellement embauché ■ Coordination d’horaires pour de nombreuses personnes ■ Soins à prodiguer à des malades, à des enfants, à des personnes âgées, etc. ■ Communication avec les clients et le public (clients internes et externes), relations publiques ■ Gestion de situations inattendues et nouvelles ■ Planication de réunions ou de rendez-vous ■ Relations humaines Conditions de travail ■ Communication avec des personnes en colère ou troublées ■ Risques d’abus verbaux et physiques de la part de clients ou de patients perturbés ■ Exposition à la maladie ■ Entretien de bureaux, d’équipements, soins apportés aux personnes, etc. ■ Interruptions fréquentes d’un travail requérant de la concentration ■ Monotonie ■ Modications fréquentes des horaires de travail C) Exemples d’exigences ou de sous-facteurs favorisant les emplois masculins qui sont souvent considérés Qualication requise ■ Connaissance des machines, des équipements, etc. ■ Niveau de scolarité ■ Expérience

Eorts requis ■ Calcul ■ Résolution de problèmes Responsabilités assumées ■ Équipements ■ Finances ■ Produits ■ Normes Conditions de travail ■ Travail à l’extérieur ■ Risques d’accidents ■ Durée de la journée de travail D) Exemples d’exigences ou de sous-facteurs pouvant être considérés comme neutres Qualication requise ■ Communication ■ Initiative ■ Créativité, originalité, imagination ■ Jugement ou raisonnement ■ Rédaction Eorts requis ■ Coopération ■ Prise de décision ■ Fatigue ■ Endurance Responsabilités assumées ■ Supervision ■ Responsabilisation ■ Environnement sécuritaire pour d’autres personnes ■ Protection du caractère condentiel de dossiers, de données, etc. Conditions de travail ■ Respect d’échéances ■ Saleté

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Les avantages de la méthode La méthode des points et facteurs présente un certain nombre d’avantages. Elle est simple et facile à expliquer aux employés pourvu qu’on leur communique clairement la dénition des facteurs et des sous-facteurs, sinon ceux-ci pourront être interprétés diéremment selon les personnes. Comparativement à la méthode de rangement des emplois et à la méthode de classication des emplois, elle permet de préciser des facteurs d’évaluation et de les apprécier de manière distincte. Par ailleurs, la détermination de facteurs et de sous-facteurs uniformisés permet de comparer une grande variété d’emplois sous divers angles ou facettes. Cette méthode est très exible : lorsque les responsabilités des emplois sont modiées pour diverses raisons (changements technologiques, réduction d’eectifs, etc.), ou que des emplois sont créés, ces emplois sont réévalués ou évalués à l’aide de la même grille, sans qu’on doive recommencer tout le processus d’évaluation des emplois. De plus, le caractère analytique de cette méthode permet d’apprécier les exigences d’un emploi, alors que son caractère quantitatif rend plus facile et plus rapide le classement des emplois, tout en permettant une évaluation chirée de leurs exigences. En fait, cette approche simplie l’administration et favorise la participation des employés. Par ailleurs, la méthode des points et facteurs est souvent retenue par les employeurs qui doivent appliquer la Loi sur l’équité salariale en raison de son caractère analytique et quantitatif permettant de considérer explicitement les facteurs d’évaluation prescrits (la qualication requise, les responsabilités assumées, les eorts requis et les conditions de travail). Compte tenu des exigences de cette loi quant à l’exercice de l’évaluation des emplois, les méthodes de rangement des emplois et de classication des emplois peuvent être jugées moins appropriées par les employeurs en raison de leur caractère global, imprécis et non analytique qui ouvrent davantage la porte aux biais et aux stéréotypes dans l’évaluation des emplois. En eet, ces dernières méthodes ne tiennent pas compte de manière explicite des quatre facteurs exigés par la loi et elles rendent dicile l’établissement de diérences précises, justes et non arbitraires en matière d’exigences d’emplois.

Les limites de la méthode La méthode des points et facteurs comporte aussi des inconvénients. Quoique son caractère chiré lui confère une objectivité apparente, la détermination, la dénition et la pondération des facteurs et des sous-facteurs sont autant de décisions que les membres du comité d’évaluation des emplois doivent prendre sur la base de leur jugement ou de résultats d’analyses statistiques. De fait, si la somme des points attribués aux emplois est précise, le contenu de chaque étape pour l’établir reste essentiellement subjectif. Par ailleurs, comme seuls les facteurs communs à l’ensemble des emplois doivent être considérés, cette méthode ne permet pas de tenir compte des exigences propres à certains emplois. Il existe deux versions de la méthode des points et facteurs. La première version, traditionnelle, est basée sur l’utilisation d’une grille d’évaluation des points et facteurs qui peut être soit préétablie (validée auprès d’autres organisations), soit « maison » ou élaborée par l’entreprise (reétant alors les valeurs et les emplois propres à l’organisation). La seconde version, apparue au début des années 1980, est une version plus contemporaine de la méthode des points et facteurs qui se fonde sur la distribution d’un questionnaire d’évaluation des emplois parmi le personnel. En raison de la grande popularité de ces deux versions de la méthode des points et facteurs, elles feront l’objet de la prochaine section.

239

240

CHAPITRE 5

5.10

Les approches utilisées par la méthode des points et facteurs : la grille et le questionnaire

Selon l’approche de la grille d’évaluation des emplois, le comité d’évaluation des emplois procède à l’analyse de la description de chacun des emplois (document) et estime leur valeur en s’appuyant sur une grille d’évaluation qu’il a élaborée préalablement (grille d’évaluation maison ou sur mesure) ou sur une grille d’évaluation élaborée et commercialisée par un organisme externe, souvent une société-conseil (grille préétablie). Cette approche de l’évaluation des emplois est utilisée dans les entreprises pour lesquelles les emplois visés font l’objet de descriptions. Elle est aussi adoptée par des entreprises qui ne veulent pas colliger d’informations sur les emplois au moyen d’un questionnaire pour diverses raisons, notamment leur taille, leur type de gestion ou leur climat de travail. Ces organisations préfèrent mettre au point des descriptions d’emplois pour ensuite être en mesure de déterminer la valeur relative des exigences des emplois.

5.10.1 L’approche basée sur la grille d’évaluation préétablie des emplois Il s’agit ici d’évaluer le contenu de chaque emploi en considérant sa description à la lumière d’une grille d’évaluation par points proposée par une entreprise externe, souvent une société-conseil qui la commercialise et en détient les droits d’utilisation. L’analyse d’une description d’emploi permet d’estimer à quel niveau de présence du facteur et du sous-facteur l’emploi correspond le mieux et de faire la somme des points qu’il a obtenus pour les facteurs et les sous-facteurs. Comme on applique cette grille aux descriptions d’emplois, il faut s’assurer que ces descriptions sont à jour, complètes, précises et exemptes de biais sexiste si l’on vise un processus neutre d’évaluation des emplois aux ns de l’établissement de l’équité interne. Comme l’indique l’encadré 5.12, les grilles d’évaluation des emplois préétablies sont utilisées depuis longtemps, surtout dans les milieux industriels. Au Canada, les exigences des lois sur l’équité salariale ont incité les sociétés-conseils à proposer une grille d’évaluation qui est adaptée aux besoins particuliers des clients respectueux de la loi et qui permet d’optimiser la neutralité du processus d’évaluation de tous les emplois. Le tableau 5.6 propose un extrait de grille d’évaluation et de description des facteurs et des sous-facteurs qui peuvent servir à l’évaluation des emplois. L’évaluation ou la cotation des emplois par le comité d’évaluation des emplois consiste à déterminer pour chaque emploi le niveau de présence de chaque facteur et de chaque sous-facteur d’évaluation des emplois sur l’échelle de présence proposée dans la grille d’évaluation des emplois retenue par le comité (une grille maison ou une grille préétablie). Pour coter les emplois, il est préférable que le comité évalue tous les emplois sur un facteur d’évaluation à la fois an de s’assurer d’une meilleure compréhension et d’une application plus constante du facteur d’un emploi à l’autre. Par ailleurs, les membres du comité devraient d’abord coter individuellement les emplois, partager leurs opinions et prendre la décision nale en suivant la règle du consensus plutôt que celle de la moyenne des cotations individuelles. En eet, un échange d’informations entre les membres du comité d’évaluation des emplois augmente les chances que les diérents aspects du travail soient considérés et que les résultats soient acceptés.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

ENCADRÉ 5.12 ■







241

L’origine des méthodes de points et facteurs d’évaluation des emplois préétablies

La méthode CWS. Élaborée en 1944 à la suite des travaux du groupe Co-Operative Wage Study (CWS) mis sur pied par 12 entreprises de l’industrie de l’acier aux États-Unis, cette méthode visait initialement à évaluer les emplois d’usine. Elle repose sur 12 facteurs dont la pondération et la distribution des points ont été établies par une régression multiple qui respectait la distribution des salaires dans le secteur de l’acier à cette époque. Au l des années, on a ajouté une grille d’évaluation conçue pour les emplois techniques et les emplois de bureau en se fondant sur la pondération des facteurs utilisée pour évaluer les emplois d’usine. Cette méthode permet au comité d’évaluation de s’appuyer sur un recueil décrivant et évaluant 662 emplois repères. La méthode NEMA-NMTA (ou MIMA). Implantée en 1937, cette grille d’évaluation comporte 11 facteurs permettant d’évaluer les emplois de production dans les usines d’équipements électriques (Western Electric, General Electric et Westinghouse). En 1949, on lui a annexé une méthode d’évaluation des emplois techniques, de bureau et de direction. Cette méthode est courante dans le secteur manufacturier américain étant donné que son utilisation n’est pas protégée par un copyright. La méthode Hay. Élaborée au cours des années 1930 et 1940 et utilisée partout dans le monde, cette grille d’évaluation des emplois reposait à l’origine sur trois facteurs subdivisés en sous-facteurs : la «compétence», qui comprend les sous-facteurs «scientique et technique», «relations humaines» et «capacité de direction» ; l’«initiative créatrice», qui comporte deux aspects : le «cadre dans lequel a lieu la réexion» et l’«exigence des problèmes à résoudre» ; la «nalité», qui comporte la «liberté d’action», l’«impact plus ou moins direct du poste sur les résultats naux» et l’«ampleur du champ d’action». Au début des années 1980, le facteur «conditions de travail», comportant quatre sous-facteurs («eort physique», «caractère non agréable de l’environnement», «risques» et «attention sensorielle») a été ajouté. La grille de la méthode Hay a été élaborée et est utilisée surtout pour l’évaluation des emplois de direction et d’encadrement. Toutefois, les organisations qui y recourent pour leurs emplois de cadres peuvent aussi — et plusieurs le font — s’en servir pour évaluer des emplois de professionnels et de bureau. La méthode Aiken. Élaborée à la n des années 1940, cette méthode comporte neuf facteurs d’évaluation, dont l’«initiative», les «conséquences des erreurs», le «niveau de scolarité» et les «conditions de travail». Cette méthode est maintenant la propriété de la rme KPMG.

TABLEAU 5.6

Une grille d’évaluation des emplois selon la méthode des points et facteurs

Facteurs d’évaluation des emplois

Minimal I

Niveaux Faible Moyen II III

Élevé IV

1. Responsabilités • Sécurité de la personne • Équipement et matériel • Appui au personnel en formation • Qualité des services et des produits

25 20 5 20

50 40 20 40

75 60 35 60

100 80 50 80

2. Habiletés • Expérience • Formation et scolarité

45 25

90 50

137 75

180 100

3. Eorts • Eort physique • Eort intellectuel

25 35

50 70

75 105

100 150

4. Conditions de travail • Conditions physiques • Risques d’accident • Interventions dans le travail

10 10 10

20 20 20

40 40 30

60 60 40

Total des points

1 000

242

CHAPITRE 5

TABLEAU 5.6

Une grille d’évaluation des emplois selon la méthode des points et facteurs (suite)

Exemple : Dénition du sous-facteur « Responsabilités : équipement et matériel» Responsabilités • Équipement et matériel : L’employé a la responsabilité de maintenir l’équipement en bon état et de s’assurer de la qualité du matériel. Ainsi, il doit rapporter toute défectuosité de l’équipement et du matériel, les garder propres et en état de marche et les réparer au besoin. L’entreprise reconnaît que la responsabilité à l’égard de l’équipement et du matériel varie au sein de l’organisation. Niveau I

L’employé rapporte un mauvais fonctionnement de l’équipement ou une mauvaise qualité du matériel à son supérieur immédiat. Niveau II L’employé s’assure du bon état de l’équipement et commande le matériel requis. Il vérie la sécurité de l’équipement et la qualité du matériel. Niveau III L’employé fait l’entretien préventif de l’équipement. Il exécute les réparations mineures que nécessite l’équipement ou corrige les défectuosités mineures du matériel. Niveau IV L’employé procède à l’entretien majeur de l’équipement et à sa remise en bon état, ou il doit décider du type, de la quantité et de la qualité du matériel à utiliser. Source : St-Onge. (2009, p. 268).

Le recours aux grilles d’évaluation des emplois préétablies peut être associé aux avantages suivants : • Elles permettent d’éviter les étapes de l’élaboration d’une grille d’évaluation des emplois maison (par exemple, la détermination et la dénition des facteurs d’évaluation et de leurs niveaux de présence), et donc d’économiser du temps et des ressources. • Elles peuvent sembler rassurantes étant donné qu’elles sont utilisées, souvent depuis longtemps, par d’autres entreprises et dans d’autres industries et qu’elles ont souvent été testées préalablement auprès de nombreux emplois. • Elles peuvent faciliter la réalisation d’enquêtes de rémunération en permettant un meilleur appariement des emplois. Par exemple, le service complémentaire d’enquêtes de rémunération oert par la société Hay permet aux organisations qui y recourent de comparer les salaires qu’elles versent avec ceux qui sont accordés par d’autres entreprises utilisant la grille d’évaluation Hay. Par contre, les grilles d’évaluation des emplois préétablies comportent les inconvénients suivants : • Certaines grilles, qui ont été élaborées entre les années 1930 et 1950, alimentent des valeurs et des biais nuisant à la juste appréciation des emplois à prédominance féminine. • Ces grilles proposent des facteurs et des niveaux d’évaluation qualiés d’« universels » parce qu’ils sont utilisés partout et négligent la prise en compte de facteurs d’évaluation qui seraient pertinents pour les besoins propres des organisations. • L’interprétation des facteurs et des sous-facteurs des grilles préétablies peut changer d’une organisation à l’autre et d’un comité à l’autre. Il faut consacrer du temps à la formation des membres du comité d’évaluation des emplois an qu’ils comprennent une grille qui n’est pas écrite dans un langage qui leur est familier, ce qui peut d’ailleurs susciter bien des discussions lors de l’évaluation en comité. • La pertinence de l’utilisation des grilles d’évaluation des emplois préétablies (par exemple, la méthode Hay) dans les enquêtes de rémunération peut être mise en doute. Alors que l’évaluation des emplois vise à assurer l’équité interne sur le plan des salaires, l’enquête salariale recherche l’équité externe. Si l’on ne distingue pas l’outil pour mener

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

les enquêtes de rémunération et celui pour faire l’évaluation des emplois, on ne diérencie pas les considérations qui régissent la détermination des salaires.

5.10.2 L’approche basée sur la grille d’évaluation maison des emplois Un comité d’évaluation des emplois au sein d’une organisation peut vouloir élaborer sa propre grille d’évaluation des emplois par points et facteurs. Cela implique, entre autres, de déterminer et de dénir des facteurs et des sous-facteurs d’évaluation des emplois dont nous avons traité précédemment, d’allouer des points aux diérents niveaux des échelles de présence des facteurs et de pondérer les facteurs et les sous-facteurs.

La dénition des facteurs et des sous-facteurs d’évaluation des emplois et de leur niveau de présence Outre le fait d’inclure les quatre facteurs prônés par la Loi sur l’équité salariale, les facteurs et les sous-facteurs d’évaluation des emplois retenus aux ns de l’établissement de l’équité interne devraient posséder les caractéristiques suivantes : • Ils appuient la stratégie d’aaires et reètent les valeurs de la direction. • Ils sont jugés importants pour le succès de l’organisation et cette dernière est prête à y mettre le prix. • Ils facilitent la diérenciation des emplois ; par exemple, si tous les emplois visés requièrent le même niveau de scolarité, il n’y a pas lieu de retenir cette exigence, puisqu’elle ne permet pas de diérencier les emplois en vue de les hiérarchiser. • Ils permettent de mesurer le contenu de l’ensemble des emplois visés. • Ils doivent être dénis, mesurables et pertinents. • Ils sont acceptés ou considérés comme devant être rémunérés par le personnel. • Ils visent à réduire les biais discriminatoires dans l’évaluation des emplois à prédominance féminine. De fait, les facteurs et les sous-facteurs d’évaluation des emplois doivent être adaptés au contexte particulier. Par exemple, une organisation : • dont la stratégie est orientée vers la satisfaction des clients peut adopter comme facteurs la nature et l’ampleur des contacts avec les clients, les habiletés interpersonnelles, etc. ; • pour laquelle la créativité est un facteur de succès peut tenir compte de facteurs comme l’innovation requise, l’initiative et la gestion du changement ; • orientée sur les résultats mesurables peut privilégier des facteurs visant à mesurer les eets et les contributions ; • pour laquelle la exibilité est importante choisira des facteurs tels que la variété des compétences, la polyvalence de même que la diversité et la complexité des tâches ; • qui valorise les habiletés et les compétences ainsi que leur acquisition en fera des facteurs particuliers ; • qui s’intéresse particulièrement aux responsabilités inclura des facteurs comme l’ampleur des ressources à gérer et l’autonomie des titulaires ; • qui est engagée dans les soins donnés aux personnes adoptera des facteurs liés aux relations et aux habiletés dans les soins ; • qui recourt à des employés de production ou manuels tiendra compte de facteurs comme les habiletés manuelles, la dextérité requise, l’eort physique et les conditions physiques ; • qui veut accorder plus d’importance aux opérations internationales peut tenir compte des responsabilités en matière d’opérations internationales ; • qui veut réduire la tentation des cadres d’accroître indûment leur pouvoir pourra retirer ou minimiser le facteur « responsabilité de supervision ».

243

244

CHAPITRE 5

Il n’existe pas de nombre optimal de facteurs d’évaluation des emplois à utiliser. Toutefois, si le nombre de facteurs est trop restreint, la capacité de diérenciation de la méthode risque d’être réduite et cette situation peut amener des employés à penser que certaines exigences du travail ne sont pas prises en considération. À l’inverse, si le nombre de facteurs est trop élevé, il y a un risque de créer un problème de dédoublement. En pratique, les méthodes des points et facteurs traditionnelles comprennent entre 7 et 15 facteurs, avec une moyenne se situant autour de 10. Cependant, il est important de tenir compte des perceptions des titulaires dans le choix des facteurs, puisqu’il y va de l’acceptabilité des résultats. En eet, même si des études passées montrent que de trois à cinq facteurs d’évaluation des emplois peuvent permettre d’obtenir des résultats identiques à ceux que l’on obtient avec un nombre plus élevé de facteurs (Heneman, 2001), il n’est pas évident que les employés percevront qu’un nombre de trois à cinq facteurs est susant pour mesurer équitablement la valeur des emplois.

La détermination des niveaux de présence des facteurs et des sous-facteurs Le comité d’évaluation des emplois doit associer à chacun des facteurs ou des sous-facteurs d’évaluation des emplois retenus des niveaux de présence selon leur intensité, leur diculté ou leur fréquence. En eet, peu de grilles proposent un nombre identique de niveaux de présence pour chacun des facteurs. Par exemple, pour le sous-facteur « niveau de scolarité », le niveau le plus élevé peut être un diplôme de doctorat alors que le niveau le plus faible serait un diplôme d’études secondaires. Selon les facteurs d’évaluation des emplois, le nombre de niveaux d’exigences peut diérer et la nature de la progression des points entre les niveaux d’exigences peut varier selon qu’elle est géométrique, arithmétique ou discontinue, quoique certains praticiens croient qu’il est préférable d’adopter la même approche pour l’ensemble des facteurs (voir l’encadré 5.13). En pratique, en comparaison d’une distribution géométrique, la progression arithmétique est généralement privilégiée parce qu’elle mène à une répartition plus égalitaire des points et à des écarts de points plus faibles (CES, 2014b) davantage conciliable avec les principes d’équité salariale et plus facile à justier auprès du personnel. Généralement, les échelles de présence des facteurs comprennent de trois à sept niveaux. S’il y a trop de niveaux de présence et que certains d’entre eux ne sont pas utilisés, les employés ENCADRÉ 5.13







Les types de progression dans les niveaux de présence des facteurs d’évaluation des emplois

La progression géométrique. Elle correspond à une suite de nombres dans laquelle chaque nombre est le produit du précédent multiplié par une constante. Si a1 est le premier terme de la progression et r, la raison, alors le deuxième terme est a2 = a1 × r, le troisième terme est a3 = a1 × r2, et ainsi de suite. Par exemple, si le premier niveau d’un facteur est égal à 10 et si la constante est de 2, la progression entre les niveaux est la suivante : 10, 20, 40, 80, 160, etc. Si la constante est de 1, 5, la progression est la suivante : 10, 15, 22, 5, 33, 8, 50, 7, etc. Comme une progression géométrique établit un écart croissant et constant entre chaque niveau, elle entraîne plus de diérences entre les salaires alloués aux emplois qu’une progression arithmétique. La progression arithmétique. Elle implique un écart constant entre les niveaux de présence d’un facteur d’évaluation. Selon la grille de pondération présentée dans le tableau 5.6 à la page 241, la somme des écarts entre les facteurs a été établie à 1 250 points. Si l’on accorde une pondération de 10 % à un facteur, on doit répartir 125 points entre ses niveaux de présence, de manière que l’écart entre le degré maximal et le degré minimal soit de 125 points. L’écart entre les niveaux de présence du facteur d’évaluation est égal au nombre de points attribués au facteur divisé par le nombre de niveaux moins 1. Dans le cas du facteur «expérience préalable», l’écart entre les niveaux est le suivant : 125 ÷ (6 – 1) = 25. Le nombre de points à accorder au premier niveau de présence du facteur est arbitraire et sans importance. Toutefois, si le niveau de présence le plus faible est déni par l’expression «aucun», comme il pourrait l’être dans le cas du facteur «supervision», il est préférable de ne pas lui accorder de point. La progression discontinue. Elle implique un écart irrégulier entre la suite de niveaux de présence de facteurs. Par exemple, les écarts entre cinq niveaux consécutifs de présence d’un facteur peuvent être les suivants : 10, 20, 25, 40, 60.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

245

croiront que les membres du comité d’évaluation ont été trop sévères et seront portés à contester leurs décisions. Par contre, le nombre de niveaux de présence des facteurs doit être susant pour permettre une diérenciation des variations réelles dans les exigences relatives des emplois. Par exemple, si les membres du comité d’évaluation des emplois considèrent que, parmi les emplois à évaluer, il devrait y avoir trois niveaux pour le facteur « habileté manuelle » (« très faible », « moyenne » et « élevée »), l’échelle ne doit comprendre que ces niveaux. Après usage, s’il apparaît que l’ajout d’un autre niveau d’exigence permettrait une évaluation plus précise, il faudra revoir la cotation de tous les emplois en fonction de la nouvelle échelle. Le comité d’évaluation des emplois doit être le plus précis possible dans ses dénitions des niveaux de présence des facteurs. Pour certains facteurs — notamment le facteur « niveau de scolarité requis » —, il peut être facile de faire preuve de précision, alors que, pour d’autres — notamment le facteur « initiative » ou le facteur « complexité des tâches » —, l’exercice n’est pas évident. Dans ce dernier cas, la solution consiste à dénir les niveaux d’exigences au moyen d’expressions générales (« très peu », « moyennement », « passablement » et « beaucoup »). L’encadré 5.14 résume les principales règles à respecter ENCADRÉ 5.14

Les conditions à respecter dans la détermination et la dénition des facteurs et des sous-facteurs et de leurs niveaux de présence

1. La précision et la cohérence La dénition d’un facteur ou d’un sous-facteur ne doit pas renvoyer à plusieurs éléments. Par exemple, si l’on dénit le sous-facteur «complexité des tâches» en se référant à des concepts d’autonomie, de règles à suivre, de créativité et de disponibilité des ressources, il devient impossible de savoir ce que ce sous-facteur mesure réellement. Il faut également s’assurer que les dénitions des niveaux de présence d’un facteur sont cohérentes par rapport à la dénition du facteur. Par exemple, le sous-facteur «habileté analytique», déni comme «l’habileté à examiner des données, à établir des prols et des liens», ne doit pas être associé à des niveaux de fréquence allant de «peu de créativité requise» à «créativité continuelle requise». De plus, les dénitions des diérents niveaux de présence des facteurs d’évaluation doivent être cohérentes entre elles en renvoyant à la même exigence. Par exemple, si les quatre premiers niveaux d’exigences vont de «aucune responsabilité de supervision» à «responsable de 10 employés et plus» et que le niveau 5 mentionne la «responsabilité de l’élaboration des politiques du service», ce dernier niveau mesure une exigence complètement diérente. Ainsi, il est possible de ne pas avoir de responsabilité de supervision, mais de devoir déterminer des politiques de gestion. Il faut aussi s’assurer qu’il y a une continuité d’un niveau à l’autre. Si, pour le facteur «conditions de travail», le premier niveau correspond à «devoir voyager fréquemment» et que le deuxième niveau mentionne une «exposition fréquente à certains risques», il est dicile de classer un emploi qui exige des voyages fréquents et qui comporte des risques. 2. L’absence de chevauchement Lorsque les dénitions de facteurs ou de sous-facteurs se chevauchent, le facteur commun est compté plusieurs fois dans l’évaluation. Très souvent, cette situation survient lorsque le titre de certains facteurs semble diérent mais que leur dénition est similaire et dicile à diérencier. On pense, par exemple, au facteur «jugement», correspondant à la possibilité d’exercer un jugement et à la présence de règles, de procédés et de méthodes visant à baliser la prise de décision, ainsi qu’au facteur «liberté d’agir», déni comme la liberté d’action détenue par les titulaires selon que leurs responsabilités sont plus ou moins clairement délimitées et routinières et que leur travail est plus ou moins contrôlé. Ce peut également être le cas pour les sous-facteurs «responsabilité de relations avec autrui» et «responsabilité de supervision». Les niveaux de présence des facteurs ne doivent pas non plus se chevaucher. Par exemple, pour le facteur «responsabilité de supervision», si le niveau 4 correspond à une supervision de 20 à 30 personnes et que le niveau 5 corresponde à une supervision de 25 à 50 personnes, l’emploi d’un cadre qui supervise 25 employés peut être classé dans les deux niveaux. 3. L’objectivité du processus d’évaluation visant à respecter la gradation des exigences relatives des emplois L’objectif de l’évaluation est d’établir une hiérarchie en examinant les composantes (facteurs et sous-facteurs) des emplois. Toutefois, il existe un risque que le statut actuel des emplois biaise le processus d’évaluation. Par exemple, le facteur «niveau de responsabilité des actions» auquel on accolerait des niveaux de fréquence allant de «se rapporter au superviseur de section» à «se rapporter au président» reète davantage une progression dans la structure hiérarchique qu’une gradation dans les exigences relatives des emplois. C’est aussi le cas si le niveau d’expérience le plus élevé correspond, par exemple, à 20 ans d’ancienneté dans une entreprise.

246

CHAPITRE 5

pour déterminer et dénir les facteurs et les sous-facteurs d’évaluation des emplois et leurs niveaux de présence.

La pondération des facteurs et des sous-facteurs d’évaluation Pondérer un facteur ou un sous-facteur d’évaluation des emplois consiste à déterminer son importance relative pour l’entreprise. Le poids relatif des facteurs d’évaluation des emplois doit reéter les valeurs de l’organisation et ne pas sous-évaluer les facteurs liés aux emplois à prédominance féminine. Le poids d’un facteur est égal à l’écart existant entre le nombre de points accordé au niveau d’exigences le plus élevé du facteur et le nombre de points accordé au niveau d’exigences le plus bas, divisé par la somme des écarts de l’échelle. Par exemple, dans le tableau 5.7, la pondération du facteur « expérience préalable » est de 10 %, soit 125 (la somme des écarts entre le niveau d’exigences le plus élevé et le niveau d’exigences le plus bas) divisé par 1 250 (le total de la somme des écarts entre les niveaux d’exigences pour chaque facteur). Dans le cas de ce facteur, au lieu de répartir les points entre 25 et 150 avec des écarts de 25, on pourrait tout aussi bien les répartir entre 75 et 200, avec des écarts de 25. La somme des écarts demeure égale à 125 et la pondération est la même, soit 10 % (125 divisé par 1 250). Le nombre absolu de points n’a pas d’importance lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur relative des exigences des emplois. Que l’on répartisse les points entre 25 et 150 avec des écarts de 25 points ou entre 75 et 200 avec des écarts de 25 points, l’écart entre le nombre total de points obtenus par deux emplois ayant été cotés à un niveau de diérence pour le facteur « expérience préalable » demeure toujours de 25 points. Dans l’application traditionnelle de la méthode maison, le poids des facteurs relevait essentiellement du jugement des membres du comité d’évaluation des emplois et du consensus qu’ils obtenaient au sujet de leur importance relative. Par contre, il est nécessaire de mentionner aux membres que, dans la perspective d’une évaluation neutre (non biaisée par le sexe des emplois), il faut éviter d’attribuer une pondération plus élevée à des sous-facteurs qui privilégient les catégories d’emplois à prédominance masculine ou, à l’inverse, une pondération moins élevée à des sous-facteurs qui sont associés à des emplois à prédominance féminine. Par exemple, quand on compare l’emploi d’assembleur avec celui d’inrmière dans une entreprise, le nombre total de points (avant la pondération) n’est pas lié aux mêmes

1

2

3

4

5

6

Somme des écarts entre les niveaux de présence

Expérience préalable

25

50

75

100

125

150

125

10,0 %

Formation

30

60

90

120

150

120

9,6 %

Supervision

0

15

30

45

45

3,6 %

Responsabilité nancière

30

60

90

120

120

9,6 %

Conditions de travail

10

20

30

40

30

2,4 %















Une grille de pondération des facteurs d’évaluation des emplois



TABLEAU 5.7

Niveaux de présence













1 250

100 %

Facteurs

Total

150

Pondération (%)

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

facteurs, mais il est semblable pour les deux emplois. L’emploi d’assembleur obtient plus de points pour les facteurs « activité physique » et « conditions de travail » et moins de points pour les facteurs « complexité des tâches » et « formation » que celui d’inrmière. Une pondération non sexiste dans cette situation requiert que l’on n’accorde pas simultanément une pondération élevée aux facteurs pour lesquels l’emploi d’assembleur obtient relativement plus de points et une pondération basse aux facteurs pour lesquels cet emploi obtient moins de points. En d’autres termes, il ne faut pas attribuer un pourcentage élevé ni bas à des facteurs dont l’importance relative est propre à une catégorie d’emplois. Ainsi, une pondération de 15 % accordée aux conditions de travail, de 15 % à l’activité physique et de 7 % à la complexité des tâches serait probablement discriminatoire envers des femmes, puisque l’emploi d’assembleur serait favorisé au détriment de celui d’inrmière. Une pondération plus équitable pourrait être une pondération de 5 % accordée aux conditions de travail, de 10 % à l’activité physique et de 15 % à la complexité des tâches. Comme l’indique la Commission canadienne des droits de la personne (1998, p. 92-93) : […] imaginez deux facteurs qui mesurent les conditions de travail ; le premier est appelé éléments physiques et le deuxième, éléments psychologiques. Si le niveau du caractère désagréable est en gros équivalent dans les deux facteurs, mais qu’un poids plus grand est attribué aux éléments physiques, qui sont une caractéristique habituelle du travail à prédominance masculine dans l’organisation, par rapport aux éléments psychologiques, qui sont une caractéristique habituelle du travail à prédominance féminine dans l’organisation, les résultats seront biaisés. […] si une organisation œuvrant dans le secteur des services indique dans son mandat que la qualité du service est une priorité absolue, mais n’attribue pourtant qu’un poids de 4 % au facteur relatif au service à la clientèle, il s’avérera peut-être nécessaire de réexaminer cette pondération. Si un poids accordé à un facteur est faible par rapport à d’autres facteurs, et que les emplois qui obtiennent la meilleure cote quant à ce facteur tendent à être à prédominance féminine, le résultat risque d’être empreint de sexisme. Notons que, au moment de l’élaboration d’une grille et de l’évaluation initiale des emplois, on peut recommander de procéder à la cotation des emplois avant de pondérer les facteurs d’évaluation des emplois, puisque la pondération est susceptible d’entraîner des biais. En eet, l’étape de la cotation risque moins d’être biaisée lorsque les évaluateurs ne possèdent pas d’information sur le nombre de points accordés à chaque niveau d’exigences. On évite ainsi de favoriser ou de défavoriser une catégorie d’emplois en gonant ou en dépréciant indûment le niveau de présence d’un facteur ou d’un sous-facteur dont le poids est plus important.

5.10.3 L’approche basée sur un questionnaire d’évaluation des emplois Selon une approche contemporaine rendue accessible avec les nouvelles technologies de l’information, un comité d’évaluation des emplois ou l’employeur distribue un questionnaire structuré d’analyse et d’évaluation des emplois parmi le personnel an de colliger des informations sur les emplois et de les évaluer. Cette approche est souvent utilisée par des entreprises dont les emplois visés ne font pas l’objet de descriptions, de même que par des entreprises qui préfèrent recueillir des informations sur les emplois en distribuant un questionnaire parmi les employés pour diverses raisons (comme leur grande taille, leur type de gestion ou leur climat de travail), pour pouvoir ensuite être en mesure d’apprécier la valeur relative des exigences des emplois.

247

248

CHAPITRE 5

La description de la méthode des points et facteurs basée sur un questionnaire Les questionnaires d’évaluation des emplois sont souvent élaborés en collaboration avec des sociétés-conseils en gestion de la rémunération de manière à être adaptés aux besoins, aux emplois et au contexte propres de l’organisation. Le questionnaire d’évaluation des emplois standard est souvent de type fermé ou structuré. Il présente des questions à choix multiple où le titulaire coche ou encercle l’énoncé qui correspond le plus à son opinion. Très souvent, on sollicite un certain pourcentage des titulaires des emplois visés (par exemple, de 20 % à 50 %). Le supérieur immédiat de ces derniers doit aussi remplir ce questionnaire structuré an de valider la abilité des réponses des titulaires des emplois. La société-conseil peut alors fournir un indicateur chiré de la abilité des évaluations des titulaires et des supérieurs pour chacun des emplois. L’encadré 5.15 propose des extraits de questionnaires structurés qui permettent d’analyser un emploi de cadre. Le questionnaire fermé, dont l’élaboration est plus longue et plus exigeante que celle d’un questionnaire ouvert, a toutefois l’avantage d’être facile à remplir et à compiler. Sur un questionnaire informatisé, les répondants n’ont qu’à cliquer sur la réponse de leur choix, alors que sur un questionnaire papier, ils doivent cocher ou encercler la réponse. Suivant cette méthode, après avoir sélectionné un questionnaire d’évaluation des emplois préétabli ou élaboré un tel questionnaire sur mesure, le comité d’évaluation des emplois distribue le questionnaire, compile et valide les réponses et calcule la valeur relative des exigences des emplois. Le tableau 5.8 présente un exemple de matrice de points associée à l’utilisation d’un questionnaire d’évaluation des emplois rempli par les employés. On peut observer que, selon les facteurs d’évaluation, le nombre de niveaux de présence varie de trois à neuf. ENCADRÉ 5.15

Des exemples de questions fermées visant à analyser et à évaluer des emplois

Le niveau de scolarité Selon vous, quel est le niveau de scolarité minimal ou l’équivalent qu’une personne devrait posséder pour accomplir les tâches relatives à votre emploi ? Le niveau que vous croyez pertinent peut ne pas correspondre au niveau de scolarité présentement requis ni à votre propre niveau de scolarité. 1. Études de niveau secondaire : DES (diplôme d’études secondaires) ou DEP (diplôme d’études professionnelles) d’une durée de 600 à 900 heures ou AFP (attestation de formation professionnelle). 2. Études de formation professionnelle : DEP (diplôme d’études professionnelles) d’une durée de 1 300 à 1 800 heures ou ASP (attestation de spécialisation professionnelle) ou AEC (attestation d’études collégiales). 3. Études collégiales professionnelles (DEC). 4. Études collégiales professionnelles (DEC) plus un ou deux certicats universitaires. 5. Études universitaires (baccalauréat). L’autonomie dans l’organisation et la gestion du travail Jusqu’à quel point l’organisation du travail requiert-elle de travailler seul ou en équipe en vue de procéder à la planication, à la détermination des priorités et à la distribution quotidienne ou hebdomadaire du travail ? 1. Mon travail est planié et organisé par un gestionnaire. 2. L’organisation du travail requiert que je planie et que j’organise mon travail quotidien ou hebdomadaire. 3. L’organisation du travail requiert que je procède en équipe à l’organisation quotidienne du travail de l’équipe ou du service. 4. L’organisation du travail requiert que je procède en équipe à une partie de l’organisation hebdomadaire du travail de l’équipe ou du service. 5. L’organisation du travail requiert que je procède en équipe à l’ensemble de l’organisation hebdomadaire du travail de l’équipe ou du service.

249

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Un questionnaire d’évaluation des emplois recueille les informations requises pour la mesure de la valeur relative des exigences des emplois. De fait, ce type de questionnaire correspond un peu à la grille d’évaluation des emplois qui a été décrite précédemment, sauf qu’il donne plus de précisions sur les exigences relatives des emplois. Ainsi, comparé à cette grille où un facteur d’évaluation fait référence à la supervision de personnel, le questionnaire d’évaluation des emplois peut proposer trois questions sur le sujet : la nature de la supervision exercée (l’attribution de tâches, la formation, le contrôle du travail, l’appréciation du rendement, etc.), le nombre d’employés sous une supervision directe ou indirecte et la nature des emplois faisant l’objet d’une supervision. La société Hay a converti sa grille traditionnelle d’évaluation des emplois préétablie en un questionnaire structuré permettant d’évaluer les emplois en fonction des tâches ou des responsabilités, des capacités et des comportements requis. La plupart des sociétésconseils proposent de personnaliser les questionnaires d’évaluation des emplois an qu’ils respectent la situation particulière, les besoins, les valeurs et la culture de gestion de chaque entreprise qui recourt à leurs services. Dans cette perspective, les questionnaires sur mesure permettent de colliger des renseignements sur des facteurs d’évaluation choisis par le comité de chaque organisation en cause à partir de la banque de questions élaborée au l des ans. En eet, pour concevoir un questionnaire d’évaluation des emplois sur mesure, le comité d’évaluation des emplois doit choisir des facteurs d’évaluation et élaborer des questions à choix multiple visant à déterminer l’importance relative de ces facteurs pour chaque emploi à évaluer. On peut y trouver des questions comme celles-ci : « Combien d’années d’expérience requiert le poste : 2 ans et moins, de 3 à 5 ans, de 6 à 10 ans, plus TABLEAU 5.8

Une grille d’évaluation des emplois associée à l’utilisation d’un questionnaire structuré d’analyse et d’évaluation des emplois

Nombre de niveaux de présence

8

6

6

4

3

3

9

5

5

6

7

8

7

4

6

4

4

Nombre d’écarts

7

5

5

3

2

2

8

4

4

5

6

7

6

3

5

3

3

Q1 Q2 Q3 Q4,1 Q4,2 Q5 Q6 Q7,1 Q7,2 Q7,3 Q8 Q9 Q10 Q11 Q12 Q13 Q14

Numéro de la question* Niveaux de présence

1

20

20

0

8

2

4

2

49

60 12 35

12

3

77 100 24 61

22

16

9

0

0

30

20

14

0

5

24

36 27 10

10

80

49

37 35

72 17

22

44

56 45 20

20 130

77

61 61 120 33

38

4 106 140 36 88

76 81 30

30 180 106

84 88 168 50

55

5 134 180 48

96 99 40

40 230 134 107

216 264

6 163 220 60

116

50 280 163 131

7 191

136

330 191 154

8 220

156

220

9

176

Pondération (%)

10

10

3

4

1

2

8

Coecient

29

40

12

27

10

20

20 18

Pointage minimal

180

Pointage maximal

2 180

4,5

2

2,5 15

10 10

50

8

24

10

7

4

12 2,5 2,5 100

29

23

27

48

17

* Les questions mesurent la présence de facteurs et de sous-facteurs d’évaluation des emplois (par exemple, scolarité, créativité, eort physique).

17 405

250

CHAPITRE 5

de 10 ans ? » « À quelle fréquence le titulaire est-il en relation avec d’autres personnes : rarement, à l’occasion, régulièrement, souvent, continuellement ? » En somme, ces sociétés-conseils ont élaboré et prétesté un grand nombre de questions permettant d’évaluer la présence d’une multitude de facteurs et de sous-facteurs, qu’il ne reste qu’à choisir ou à adapter à ses propres besoins. Après avoir pris connaissance des emplois à évaluer ainsi que des valeurs et de la culture de l’organisation, le consultant ou le professionnel peut rassembler des exemples de questions extraites de banques de données colligées par les sociétés-conseils. Alors, le comité d’évaluation des emplois modie ou ajuste ces questions en vue de préparer une première ébauche du questionnaire d’évaluation des emplois. Le consultant ou le professionnel peut aussi avoir des séances de discussion avec les employés — pour obtenir leurs opinions sur les informations qui devraient être demandées dans le questionnaire — et en rapporter la teneur au comité d’évaluation des emplois pour que celui-ci en tienne compte au cours de l’élaboration de l’outil. Une fois les questions formulées, il faut déterminer l’échelle de réponses pour chaque question de manière à faire ressortir la fréquence de l’activité, son importance, le temps qu’elle requiert, son niveau de diculté, etc. (voir l’encadré 5.16). D’une société-conseil à l’autre, les questionnaires d’évaluation des emplois proposés sont assez semblables — tous sont de type structuré avec des réponses à choix multiple —, les diérences apparaissant surtout dans la formulation des questions et dans les modalités de réponse. En fait, les questionnaires d’évaluation des emplois préparés par ces sociétés peuvent s’appuyer sur une longue expérience. En général, ils contiennent entre 15 et 20 questions. Toutefois, plus les emplois visés sont variés, plus le nombre de questions est élevé.

Les avantages et les limites du questionnaire Aujourd’hui, les questionnaires d’évaluation des emplois remplis par le personnel sont utilisés par la plupart des moyennes et grandes entreprises en raison de leurs nombreux avantages : • Ils permettent d’analyser et d’évaluer simultanément des emplois aux ns de la gestion de la rémunération sans que des descriptions d’emplois s’avèrent nécessaires. Par conséquent, dans les cas où les descriptions d’emplois ne sont pas à jour, ce qui empêche la révision d’une structure salariale, les employeurs peuvent adhérer à cette approche qui permet dans un délai relativement court et à moindres coûts de combler leurs besoins. • Ils permettent de colliger rapidement des informations par voie électronique auprès d’un grand nombre de titulaires des emplois — travaillant au sein de l’entreprise ou à l’extérieur de l’entreprise — tout autant qu’auprès de leur supérieur immédiat, ce qui permet, dans ce dernier cas, de vérier la abilité des réponses.

ENCADRÉ 5.16

Les huit étapes types d’un processus d’évaluation des emplois basé sur un questionnaire préétabli

1. La nomination et la formation des membres du comité d’évaluation des emplois comprenant un ou des professionnels des ressources humaines ou des nances ainsi que des employés ou des représentants du syndicat. 2. La présentation au comité et la modication d’une ébauche d’un questionnaire d’évaluation des emplois. 3. Le choix et la dénition des facteurs et de leurs niveaux de présence. 4. Le prétest du questionnaire et les corrections subséquentes. 5. La passation du questionnaire nal auprès de titulaires et de superviseurs. 6. L’évaluation des emplois (d’abord les emplois repères en comité, puis les autres emplois). 7. La pondération des facteurs d’évaluation. 8. L’évaluation des emplois et le classement des emplois selon les points obtenus.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

• •

• • •



Ils sont souvent élaborés et gérés avec l’aide de consultants. Ce faisant, les résultats du processus d’évaluation des emplois sont souvent perçus comme plus objectifs et ables et certains employés se sentent plus à l’aise d’y répondre. Ils ont été élaborés en collaboration avec des experts qui ont testé leur banque de questions auprès de nombreux utilisateurs issus d’organisations, d’industries et de pays divers. Ils sont mis à jour et révisés continuellement par les sociétés-conseils : les versions sont plus courtes et plus simples à remplir, et il est possible de les adapter à tous les types d’emplois dans la plupart des secteurs et aux besoins changeants des organisations. Ils sont transmis au personnel par des sociétés externes (par courrier électronique ou sur format papier) qui reçoivent les questionnaires remplis, les compilent et les analysent. Ils s’avèrent particulièrement intéressants pour un employeur qui doit évaluer un grand nombre d’emplois étant donné que le processus d’évaluation devient informatisé. Ils permettent au comité d’évaluation des emplois de participer à l’élaboration du questionnaire (par exemple, choix et formulation des questions) tout en leur permettant d’économiser du temps lié à l’élaboration d’un questionnaire maison. Ils facilitent aussi les décisions des membres du comité d’évaluation, les outils statistiques5 permettant, par exemple, de déterminer la pondération des facteurs. Ils procurent aux organisations des informations sur les emplois qui pourront leur permettre d’ajuster ou d’adapter d’autres activités de gestion des ressources humaines, comme la sélection, la formation et l’évaluation du rendement.

Par ailleurs, an de faciliter l’application de la Loi sur l’équité salariale, des employeurs évaluent les emplois sur la base d’informations colligées par un questionnaire structuré étant donné qu’ils y voient beaucoup d’avantages (Gaucher, 1994) : • L’approche au moyen d’un questionnaire crée un terrain neutre sur lequel il est plus facile d’établir des facteurs et une pondération de facteurs moins sexistes parce qu’ils sont xés sans égard aux tâches et aux fonctions. • Elle ne requiert pas de descriptions d’emplois, elle limite l’emprise des préjugés et l’eet de halo. • Elle donne la possibilité aux employés de participer au processus d’évaluation des emplois. • Elle peut mettre à prot l’informatique pour faire des analyses statistiques qui permettront de s’assurer de l’absence de biais dans la pondération des facteurs Toutefois, la qualité des informations colligées par l’entremise d’un questionnaire est fonction de l’interprétation que les participants font des questions. Aussi, il est important de prétester le questionnaire auprès d’un échantillon d’employés an de s’assurer que les énoncés sont formulés de la manière la plus simple et la plus claire possible.

Le prétest et la distribution du questionnaire Lorsque le comité d’évaluation des emplois est satisfait du questionnaire d’évaluation des emplois élaboré, il doit le valider (c’est-à-dire le vérier ou le prétester) auprès d’un échantillon représentatif d’employés et de supérieurs immédiats. En eet, même si les membres du comité et les consultants sont satisfaits du travail eectué, cela ne garantit

5. Notons que certains questionnaires d’analyse et d’évaluation des emplois mènent à des résultats d’évaluation (la détermination de classes d’emplois) que l’organisation peut utiliser pour eectuer des comparaisons salariales avec les enquêtes salariales de la société-conseil (par exemple, la méthode Hay). Cette manière de s’assurer de l’équité externe est critiquable même si elle est présentée comme un atout par ces sociétés-conseils.

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CHAPITRE 5

pas la qualité du questionnaire quant à sa clarté, à son exhaustivité et à la pertinence de ses questions aux yeux des employés qui seront sollicités pour remplir le questionnaire. De plus, la vérication du questionnaire permet d’obtenir des commentaires sur l’outil avant que celui-ci ne soit terminé et de décider de son format dénitif en collaboration avec le comité d’évaluation des emplois. L’étape du prétest soumis aux employés varie selon qu’il s’agit d’un questionnaire sur mesure ou d’un questionnaire préétabli. Dans le premier cas, on fait passer le prétest à un plus grand nombre d’employés et l’on ajuste le questionnaire sur mesure en fonction des remarques colligées. Dans le second cas, on soumet le prétest à un nombre plus restreint d’employés et l’on obtient l’approbation des membres du comité d’évaluation des emplois avant d’apporter des changements ou d’adapter le questionnaire préétabli ou structuré en conséquence. Une fois le contenu du questionnaire validé, il faut planier sa passation et déterminer les employés qui le rempliront, l’endroit où il sera rempli, le moment auquel il sera rempli et le genre d’aide que les participants recevront. Le questionnaire peut être rempli par les titulaires des emplois visés ou par leurs supérieurs immédiats. En ce qui concerne les emplois comprenant plusieurs titulaires, certaines organisations préfèrent faire remplir le questionnaire par un certain pourcentage des titulaires d’un même emploi (échantillon). Il est souvent recommandé de le faire remplir à la fois par les titulaires, qui sont engagés directement dans l’accomplissement du travail, et par les supérieurs immédiats, qui permettent de valider les réponses. Il est alors préférable que chaque titulaire et chaque supérieur remplisse le questionnaire séparément, pour qu’il n’y ait pas d’inuence réciproque. Toutefois, dans certains cas, un climat organisationnel particulier peut expliquer le fait que seuls les supérieurs immédiats soient invités à remplir le questionnaire pour chaque emploi placé sous leur supervision. En ce qui a trait au lieu où seront remplis les questionnaires, il peut être avantageux de réunir les employés dans une salle et de leur demander d’y remplir le questionnaire. Environ une heure plus tard, les questionnaires pourront déjà être traités. De plus, les employés peuvent obtenir immédiatement des réponses à leurs questions. Pour ce qui est de la distribution du questionnaire, le service des ressources humaines peut utiliser le courrier interne ; les employés lui retourneront les questionnaires une fois qu’ils les auront remplis.

La compilation et le traitement des réponses au questionnaire Lorsque tous les questionnaires d’évaluation des emplois ont été remplis par les employés ou par les supérieurs immédiats, ils sont souvent retournés à la société-conseil pour que celle-ci puisse compiler et traiter les réponses et faciliter ainsi le travail du comité d’évaluation des emplois. La société-conseil produit alors une liste des réponses aux questions et elle compile la moyenne et le mode (le niveau de présence de l’échelle qui a été le plus souvent choisi par les participants) pour les emplois ayant plus d’un titulaire. À partir de cette liste, un ensemble de réponses par emploi peut aisément être retenu. Le tableau 5.9 ore un exemple d’une liste de réponses. Une telle compilation des résultats d’un questionnaire d’évaluation des emplois propose une base de comparaison que les membres du comité d’évaluation peuvent analyser. Lors de ce processus, des descriptions d’emplois à jour — lorsqu’elles sont disponibles — peuvent s’avérer utiles si les membres du comité veulent apprécier et analyser plus à fond certains résultats.

La validation des réponses au questionnaire Avant de procéder à la validation des réponses au questionnaire, la société-conseil (ou l’organisation) doit donner la formation nécessaire au comité d’évaluation des emplois, puis assister celui-ci dans ses rencontres de travail dont le but sera de procéder à la validation des réponses à l’égard de chaque emploi à évaluer. Plus précisément, le comité doit

253

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

TABLEAU 5.9

Emploi

Une compilation des réponses au questionnaire d’évaluation des emplois Nombre de titulaires

Question 1 Titulaires

A

Moyenne Mode

Question 2

Supérieurs immédiats

Titulaires

Question 3

Supérieurs immédiats

Titulaires

Supérieurs immédiats

1

3

3

3

3

3

3

2

3

3

4

3

3

3

3

3

3

4

3

2

3

4

2

3

4

3

4

3

2,75

3

3,75

3

3

3

3

3

4

3

3

3

sélectionner des emplois repères parmi les diérents emplois à évaluer (environ 30 % de tous les emplois). Les autres emplois (ceux qui ne seront pas évalués par le comité) seront évalués par les professionnels du service des ressources humaines de l’organisation ; les résultats de ces dernières évaluations seront validés par le comité.

La pondération des facteurs d’évaluation des emplois Après que le comité a validé les résultats de l’évaluation des emplois, il eectue la pondération de chaque question (ou facteur) an d’obtenir un total en points pour chaque emploi. En eet, comme certains facteurs d’évaluation ont un impact plus ou moins important sur l’organisation selon sa culture, ses valeurs et sa stratégie, ils doivent être pondérés diéremment. Lorsque le nombre de participants est peu élevé (par exemple, moins de 100), la pondération des facteurs doit être déterminée par les membres du comité d’évaluation des emplois. Dans ce contexte, il est possible d’élaborer diérents scénarios de pondération des facteurs d’évaluation et de dégager leurs répercussions respectives, notamment en matière de classement des emplois, et de s’assurer que les valeurs de l’organisation sont prises en considération. Lorsque le nombre de participants est susamment élevé, des analyses statistiques de régression multiple peuvent permettre de prédire les réponses aux questions pour chaque emploi et de pondérer les facteurs d’évaluation des emplois. Des réponses à plusieurs questions peuvent être liées entre elles. Ainsi, si un titulaire répond que son emploi exige une scolarité de niveau secondaire, il n’est pas surprenant que les aptitudes pour le calcul requises correspondent à des analyses de ratios et de pourcentages et non à des méthodes statistiques avancées. On peut donc prévoir la réponse à une question en se fondant sur les réponses fournies aux autres questions qui y sont rattachées. Grâce à l’informatique, il est possible d’eectuer des analyses statistiques pour dégager les diérents prols d’emplois, les comparer les uns avec les autres et déterminer leur valeur relative, de même que pour relever les questions qui doivent être regroupées sous un même facteur. On peut également déterminer la pondération des facteurs en utilisant la méthode statistique de la régression multiple à partir des salaires actuels attribués à des emplois. Cette façon de faire consiste à déterminer l’importance relative des facteurs d’évaluation dans la justication des salaires versés pour les emplois sur le marché ou dans l’organisation. D’une part, une régression multiple peut aussi permettre de déterminer l’importance relative des divers facteurs d’évaluation susceptibles d’expliquer la plus grande variance dans les salaires accordés aux divers emplois sur le marché. Toutefois, cette approche confond la notion d’équité interne avec celle d’équité externe, puisqu’elle reporte les résultats des enquêtes de rémunération (avec toutes les iniquités que peut présenter le marché) dans le processus d’évaluation des emplois.

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CHAPITRE 5

D’autre part, une analyse de régression multiple peut aussi révéler la combinaison de facteurs susceptibles d’expliquer la plus grande variance dans les salaires actuellement versés par l’organisation pour les emplois en cause. Ces analyses peuvent aussi permettre de s’assurer si la pondération des facteurs respecte la hiérarchie des salaires oerts dans l’entreprise. Toutefois, cette technique a pour eet de transposer les iniquités salariales potentielles du marché ou de l’organisation dans le processus d’évaluation des emplois ; il sut de songer aux salaires versés pour les emplois occupés en majorité par des femmes sur le marché ou dans l’organisation. Il est donc recommandé de vérier l’eet du sexe des titulaires des emplois sur la pondération des facteurs avant de poursuivre le processus d’évaluation. Comme le rappelle la Commission de l’équité salariale de l’Ontario (2013), les traditionnels systèmes d’évaluation des postes de travail étaient conçus et gérés dans les milieux industriels et de la transformation pour des emplois du secteur manufacturier ou encore pour des emplois de gestionnaires ou de cadres. Lorsqu’on les a étendus à l’ensemble des postes d’un même lieu de travail ainsi qu’aux emplois de la santé, des services et de bureau, on a apporté peu de changements aux prémisses sur lesquelles ces évaluations s’appuyaient. On ne reconnaissait donc pas les compétences, les aptitudes et l’expérience requises par les emplois occupés principalement par des femmes ; par conséquent, l’évaluation de leurs emplois s’en trouvait réduite et leurs salaires étaient peu élevés Ainsi, le sexisme persiste encore aujourd’hui lorsque l’employeur valorise moins qu’il ne le devrait des aspects du travail habituellement dévolus aux emplois féminins ou qu’il valorise plus qu’il ne le devrait des aspects du travail généralement dévolus aux emplois masculins. Parmi ces aspects, citons les suivants : • la reconnaissance des aptitudes manuelles et de réparateur d’un mécanicien ou d’un préposé à l’entretien, mais non de la dextérité d’une secrétaire ou des capacités de travail multitâches d’une réceptionniste ; • la reconnaissance de l’eort physique qu’un magasinier doit accomplir pour soulever des objets lourds, mais non de celui qu’une caissière doit accomplir pour déplacer des objets ; • la reconnaissance du pouvoir de dépenser et de la maîtrise des budgets, mais non de la responsabilité de la protection de la condentialité ou du traitement des plaintes des clients ; • la reconnaissance du stress lié au travail eectué avec des machines bruyantes, mais non du stress dû aux transactions avec des clients en colère ou agressifs. On peut recourir à deux approches pour réduire le problème de l’iniquité liée au sexe dans la pondération des facteurs d’évaluation. La première approche consiste à ajouter dans les analyses de régression multiple la proportion de femmes occupant chaque emploi comme variable indépendante, an d’en maîtriser l’eet dans la détermination des salaires des emplois. Comme l’eet du sexe des titulaires est alors maintenu constant, les coecients des divers facteurs d’évaluation (c’est-à-dire leur pondération) ne sont pas biaisés par cette variable. La deuxième approche consiste à eectuer des analyses de régression multiple distinctes pour les emplois (ou les catégories d’emplois) à prédominance masculine et les emplois (ou les catégories d’emplois) à prédominance féminine. On peut alors déterminer la pondération des facteurs en eectuant les régressions multiples avec les emplois (ou les catégories d’emplois) à prédominance masculine seulement, puis appliquer cette pondération à l’ensemble des emplois. Cette façon de faire n’est valable que dans la mesure où les caractéristiques des emplois à prédominance masculine sont les mêmes que celles des emplois à prédominance féminine. En somme, les résultats compilés des questionnaires d’analyse et d’évaluation des emplois et les valeurs des emplois prédites par le modèle de régression (s’il y a lieu)

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

seront acheminés au comité d’évaluation des emplois, qui les examinera et corrigera les incohérences. Soulignons qu’il faut éviter d’accorder plus d’importance aux valeurs des emplois — statistiquement prédites par un modèle de régression — qu’à la consultation des membres du comité. Des résultats statistiques peuvent guider le jugement humain, mais non le remplacer. L’utilisation de questionnaires dont les résultats peuvent être analysés statistiquement ne rend pas l’évaluation des emplois plus scientique : elle aide simplement les employeurs et les comités à mieux recueillir, analyser et synthétiser l’information, à faire des choix et à prendre des décisions. Pour terminer, rappelons que la Commission canadienne des droits de la personne (1998, p. 93) suggère qu’on se pose les questions suivantes pour s’assurer qu’un processus de pondération des sous-facteurs d’évaluation réduit au minimum les préjugés sexistes : • La pondération des facteurs révèle-t-elle une tendance liée au sexe des titulaires des emplois, les coecients de pondération supérieurs favorisant un sexe par rapport à l’autre ? • Les facteurs dont le poids est faible tendent-ils à être liés au sexe des titulaires ? • Si certains facteurs peuvent être considérés comme des éléments équivalents, mais qu’ils correspondent à des exigences diérentes (conditions physiques et psychologiques, par exemple), est-ce qu’une tendance liée au sexe des titulaires des emplois se dégage du fait qu’un plus grand poids est attribué à un facteur qu’à un autre ? • La pondération accroît-elle ou réduit-elle l’eet d’éventuels chevauchements des facteurs ? • Les poids et la hiérarchie résultant de la pondération reètent-ils le cadre organisationnel, et notamment le mandat, l’énoncé de mission et d’autres documents desquels ressortent les valeurs de l’organisation ? Par exemple, si l’organisation a le mandat de fournir des services ou des soins de qualité, ces facteurs sont-ils présents, et ont-ils un poids en conséquence ?

Le classement des emplois L’application du modèle de pondération des facteurs d’évaluation des emplois retenu par le comité d’évaluation des emplois permet de calculer la valeur de chaque emploi selon un nombre de points. Il y a alors lieu de déterminer des intervalles de résultats donnant lieu au regroupement dans une même classe des emplois dont la valeur en points est similaire. En eet, dans une évaluation, une diérence de 10 points ne veut pas nécessairement dire qu’un emploi est plus exigeant qu’un autre. Une telle conversion permet d’appliquer le système d’une manière plus souple, plus simple et plus pratique, si bien que de faibles écarts de points ne pourront mener à des écarts salariaux. Pour y parvenir, des sociétés-conseils fournissent une table de conversion permettant de convertir les emplois, selon leur valeur en nombre de points, en classes d’emplois. Les délimitations des bornes des classes d’emplois qu’elles proposent aident aussi à comparer les salaires versés pour les emplois dans une organisation qui est leur cliente avec les salaires que d’autres organisations, sondées lors de leurs enquêtes de rémunération, versent pour des emplois appartenant à des classes semblables. Encore ici, il est intéressant d’analyser et de comparer les répercussions de divers scénarios de classement — avec ceux de la structure des emplois actuelle — avant de faire des choix. En résumé, le comité d’évaluation des emplois a un rôle primordial à jouer en ce qui concerne la méthode de collecte d’informations sur les emplois au moyen d’un questionnaire d’évaluation des emplois. Il doit participer à la conception du questionnaire ou à l’adaptation d’un questionnaire préétabli (s’il y a lieu), à la validation des réponses aux questionnaires remplis, à la pondération des facteurs d’évaluation ainsi qu’au calcul des écarts de salaires entre les emplois ; ce dernier point sera traité dans le chapitre 6.

255

256

CHAPITRE 5

5.11

La gestion du processus d’évaluation des emplois

Une critique qu’on adresse au processus d’évaluation des emplois consiste à dire que tout le travail qu’il fait ne sert, dans bien des cas, qu’à justier des décisions qui étaient déjà prises : les cadres auraient tendance à déterminer la classe d’un emploi, puis à rédiger et à réviser la description d’emploi de manière à justier la classe qu’ils ont choisie sur la base de critères qui, souvent, ne sont pas pertinents (par exemple, leurs impressions sur ce qu’est le taux courant du marché, une entente prise avec un candidat nouvellement embauché, le favoritisme, le besoin de retenir un employé qui a manifesté l’intention de quitter l’entreprise). Devant ce risque, il est important que le processus d’évaluation des emplois soit transparent et que le service des ressources humaines veille à ce que ses résultats soient sensés. De fait, les résultats d’un processus d’évaluation des emplois sont fonction non seulement de la méthode retenue, mais aussi de la gestion du processus. Dans cette section, nous développons ce point en insistant sur le comité d’évaluation des emplois.

5.11.1 La composition et les rôles du comité d’évaluation des emplois Si le succès d’un système d’évaluation des emplois dépend des résultats obtenus, ceuxci seront acceptés et jugés équitables dans la mesure où les personnes en cause auront été mêlées au processus, où elles comprendront la méthode utilisée et où le processus d’analyse et d’évaluation des emplois de même que les personnes qui en sont responsables seront crédibles. On revient ici au concept de justice du processus qui a trait à l’équité des procédés utilisés pour déterminer et gérer la rémunération. Historiquement, les syndicats ne se sont pas opposés à une gestion des salaires basée sur ce que les employés font ; ils se sont plutôt opposés aux approches visant à lier les salaires au rendement individuel des employés. Au l des années, ils ont d’ailleurs été pressés de collaborer à l’élaboration et à l’application d’un processus d’évaluation des emplois avec des employeurs. L’expérience montre qu’ils collaborent à condition que des préalables soient respectés. Par exemple, ils veulent participer au processus, faire leur propre enquête de rémunération, avoir le droit de négocier tout changement en matière salariale qui résulte de l’enquête de rémunération, voire adopter les méthodes analytiques d’évaluation des emplois qui rendent plus explicites et plus transparents les critères de décision. De fait, depuis le début des années 1990, dans les milieux syndiqués et non syndiqués, le processus d’évaluation des emplois tend à être davantage la responsabilité d’un comité paritaire. En eet, si le processus d’analyse et d’évaluation des emplois d’une organisation est géré de manière autocratique et sans la participation des employés, il risque de provoquer la suspicion, les antagonismes, si ce n’est une hostilité pure et simple. Si ce processus est démocratique et transparent, il a plus de chances de fournir une base de discussions dans un climat de conance. En règle générale, le comité d’évaluation des emplois se compose de titulaires des emplois visés, hommes et femmes, qui ont une bonne connaissance de l’organisation et des emplois à évaluer, qui travaillent dans diérentes unités administratives et qui occupent des postes de divers niveaux hiérarchiques. An d’éviter les biais ou l’apparence de biais dans le processus d’analyse et d’évaluation des emplois, il importe de former un comité d’évaluation composé de femmes et d’hommes d’âges diérents qui occupent des emplois diérents. En somme, on veille à y intégrer des personnes crédibles, respectées, à l’esprit ouvert et comptant plusieurs années d’ancienneté au sein de l’organisation, de façon qu’elles soient familiarisées avec sa culture, son mode de fonctionnement et le contenu des emplois à

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

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évaluer. L’expérience montre que les comités d’évaluation des emplois composés de cinq à huit personnes — représentantes des parties en cause — sont les plus ecaces. Ces comités sont souvent présidés par un professionnel du service des ressources humaines ou par un consultant ou conseiller externe. Rappelons qu’au Québec, depuis 1996, la Loi sur l’équité salariale impose l’application de règles précises sur la constitution, la composition et les responsabilités des comités d’équité salariale lors de l’établissement de l’équité salariale entre les catégories d’emplois à prédominance masculine et les catégories d’emplois à prédominance féminine. Cependant, elle n’impose pas la constitution d’un comité lors de l’évaluation subséquente périodique obligatoire (tous les cinq ans) du maintien de l’équité salariale. Au sein des organisations dont les employés sont syndiqués, les conventions collectives balisent le processus d’évaluation des emplois au moment de la création, de la modication ou de l’abolition des emplois. Il est important que la composition du comité d’évaluation des emplois ne change pas trop souvent et qu’on remplace les membres un à la fois plutôt qu’en bloc. À l’égard des postes créés et des modications apportées aux postes qui changent le classement des emplois, des conventions collectives peuvent, par exemple, prévoir certaines clauses : l’obligation d’aviser le syndicat, la consultation d’un comité conjoint consultatif devant réévaluer l’emploi, l’établissement d’un mécanisme de révision des désaccords dans un court délai et, advenant que la mésentente persiste, le dépôt d’un grief et l’arbitrage.

LE COIN DE LA LOI

Ce que nous dit la jurisprudence arbitrale en matière d’évaluation ou de classement des emplois

La jurisprudence arbitrale concernant l’évaluation ou le classement d’un emploi s’appuie sur certains principes (Hébert et al., 2003 ; Palmer et Palmer, 1991). Ainsi, l’emploi doit être classé d’après le travail eectivement accompli par son titulaire et non sur la base du potentiel et de l’emploi antérieur de ce titulaire. Il doit être classé selon les activités

ou les composantes essentielles et courantes (et non selon les activités mineures ou réalisées occasionnellement) qu’il comporte, plutôt que sur la base du rendement du titulaire. L’emploi peut être sujet à un reclassement dans la mesure où il y a une modication substantielle de ses tâches, de ses responsabilités ou des compétences requises.

5.11.2 La planication du processus d’analyse et d’évaluation des emplois L’ecacité du processus d’analyse et d’évaluation des emplois est fonction du soin accordé à sa planication. En outre, il est nécessaire de bien choisir le moment de la collecte de l’information. Qu’on veuille régler ou prévenir certaines iniquités, il y a des moments plus appropriés que d’autres pour procéder à l’analyse et à l’évaluation des emplois. Selon le cycle des activités d’une organisation, il est alors opportun d’eectuer la collecte de l’information au cours de périodes où les employés ne sont pas surchargés de travail. Il faut également considérer le climat des relations du travail. Cela peut signier d’éviter de colliger de l’information sur les emplois juste avant la n d’un contrat de travail ou lors de la négociation de celui-ci. Par ailleurs, il peut être de mise de faire coïncider les conséquences des résultats de l’évaluation des emplois sur la détermination des salaires avec la période du versement des augmentations de salaires annuelles. Au cours de cette période, la direction possède une plus grande marge de manœuvre, et les réactions négatives des titulaires des emplois que le processus d’évaluation aurait jugés surpayés peuvent être minimisées : plutôt que d’accorder des augmentations de salaires à certains titulaires d’emplois et d’en refuser à d’autres, la direction en accorde à tous, mais de montants diérents.

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CHAPITRE 5

Finalement, il est important que la direction de l’organisation approuve et appuie les choix liés au processus d’analyse et d’évaluation des emplois, qu’il s’agisse de la nature des renseignements à colliger, des méthodes de collecte de l’information ou de la participation des personnes (comme les professionnels, les consultants externes, les employés, le comité d’évaluation des emplois). Aussi, dès la première rencontre des responsables du projet avec la direction de l’organisation, les points suivants doivent être traités : • la clarication du rôle et des responsabilités de la direction des ressources humaines, du comité d’évaluation des emplois et, s’il y a lieu du conseiller externe ; • l’établissement et la constitution du comité d’évaluation des emplois conformément aux exigences de la Loi sur l’équité salariale, s’il y a lieu ; • la conrmation de l’échéancier du mandat et des périodes de réalisation des activités ; • l’établissement de la stratégie de communication pour les employés visés par le système et leur supérieur immédiat ; • l’obtention de l’appui des dirigeants de l’entreprise.

5.11.3 La communication du processus d’évaluation des emplois La réussite d’un processus d’analyse et d’évaluation des emplois est également fonction de la qualité de la communication. Trop souvent, les employés ne sont informés de la mise en place d’un tel processus que par une note de service, ce qui laisse le champ libre à la propagation de rumeurs et réduit les chances d’obtenir des renseignements valides. Il est primordial de bien informer les employés si l’on veut maximiser les chances qu’ils collaborent à la collecte de l’information et qu’ils trouvent juste la hiérarchie des emplois qui en résulte. Quoiqu’il n’y ait pas de recette toute faite en matière de communication, certains facteurs doivent être considérés : le style de gestion d’une organisation, la présence d’un syndicat, les catégories de personnel en cause, le processus de collecte de l’information (questionnaire, entrevue, etc.), la présence de conseillers externes, le fait que la raison d’être du processus soit un exercice d’équité salariale ou l’évaluation de son maintien, et ainsi de suite. Les informations communiquées tant aux cadres qu’aux employés doivent expliquer les objectifs et le déroulement du processus d’analyse et d’évaluation des emplois et mentionner que ce sont les emplois qui sont évalués, et non leurs titulaires. Au début d’un programme de communication, on devrait préciser la portée et les limites de ce processus en répondant à certaines questions : qu’est-ce que l’évaluation des emplois ? Comment procède-t-on à celle-ci ? De quelle façon les résultats peuvent-ils modier les salaires ? Que peuvent faire les personnes qui se sentent lésées par les résultats de l’évaluation des emplois ? Il faut également transmettre aux employés le nom et le numéro de téléphone d’un ou de deux professionnels du service des ressources humaines auxquels ils pourront adresser leurs questions. Si les employés sont syndiqués, les représentants seront identiés et les communications seront souvent faites de façon conjointe par la direction et le syndicat. Par ailleurs, une communication ecace doit s’établir de haut en bas, c’est-à-dire de la direction aux supérieurs des employés, puis des supérieurs aux employés. Il faut que toutes les personnes touchées par le programme soient informées et puissent trouver des réponses à leurs interrogations. Si l’on a recours à l’observation ou à l’entretien comme instrument de collecte d’informations sur les emplois, les analystes des emplois, surtout s’il s’agit de consultants externes, doivent être présentés aux supérieurs hiérarchiques et aux titulaires des emplois visés par le programme. Lorsque les titulaires de ces emplois sont syndiqués, les représentants syndicaux doivent être informés du projet avant les membres. Il est indispensable que les cadres comprennent bien le système d’évaluation des emplois, puisqu’ils jouent un rôle clé dans la communication de ce système à leurs subalternes.

L’analyse et l’évaluation des emplois et la Loi sur l’équité salariale

Après l’élaboration d’un système d’évaluation et de classement des emplois, il faut communiquer aux employés les résultats de l’ensemble du processus : résumer ce qui a été fait depuis le début (les objectifs, le plan d’action, les personnes participant aux diérentes étapes, etc.), indiquer à l’employé sa nouvelle classe d’emplois, révéler l’échelle salariale de la classe d’emplois. Étant donné le type d’information à communiquer, on doit prévoir plus d’un moyen de communication. Ainsi, une note de service, une brochure ou des séances d’information en groupe peuvent servir à communiquer des renseignements sur le processus d’évaluation des emplois et les politiques de rémunération. On doit aussi prévoir d’autres moyens de communiquer l’information de nature condentielle et personnelle : la nouvelle classe de l’emploi, la nouvelle échelle salariale, etc. Généralement, le supérieur immédiat est la personne la mieux placée pour transmettre ces renseignements. Toutefois, celui-ci doit recevoir une formation adéquate an de transmettre les renseignements de façon uniforme dans tous les services. Les modes de communication peuvent varier selon les caractéristiques des emplois visés, la philosophie de gestion et la culture de l’entreprise. Dans certains cas, l’accent est mis sur la communication écrite, alors que dans d’autres cas, on privilégie la communication orale en réunissant les employés en petits groupes, en rencontrant les supérieurs immédiats ou en recourant à l’audiovisuel. Peu importe la formule utilisée, il est important que les employés puissent obtenir des réponses à leurs questions.

5.11.4 Le traitement des plaintes en matière d’évaluation des emplois Quel que soit le soin accordé au processus d’analyse et d’évaluation des emplois, il existera toujours une possibilité d’erreur. Et même s’il n’y a pas eu d’erreur, certains employés peuvent estimer qu’il y en a eu une dans leur cas. Lorsqu’il existe un syndicat, les plaintes des employés syndiqués en matière d’évaluation des emplois sont assujetties au mécanisme d’arbitrage prévu dans la convention collective. Dans certains cas, les parties prévoient un mécanisme particulier pour les contestations liées à l’évaluation des emplois, an de s’assurer, par exemple, que les arbitres qui entendent ces causes ont des connaissances en la matière. Dans les entreprises où il n’y a pas de syndicat ou pour le personnel non syndiqué, les mécanismes formels d’appel sont peu fréquents, malgré qu’il puisse être avantageux d’en prévoir. Dans la plupart des cas, les plaintes ou les litiges peuvent être soumis au comité d’évaluation des emplois qui doit réviser les dossiers. Il convient de distinguer une contestation des résultats de l’évaluation des emplois d’une contestation portant sur les salaires versés. Si la plainte concerne le salaire, un changement des résultats de l’évaluation des emplois modiera l’équilibre entre les emplois et entraînera d’autres contestations. Dans la mesure où le comité maintient sa décision après l’avoir justiée, les titulaires des emplois visés peuvent déposer leurs réclamations auprès d’une ou de deux personnes, indépendantes du comité d’évaluation des emplois et occupant des postes élevés dans la hiérarchie, qui devront prendre une décision nale. Dans ce dernier cas, l’employeur détermine le processus à suivre.

Conclusion Ce chapitre a souligné l’importance accordée traditionnellement au principe de l’équité interne dans la gestion des salaires en Amérique du Nord. Un tel principe vise à verser des salaires aux emplois dans une organisation en fonction de la valeur relative de leurs exigences. Avant d’estimer les exigences relatives des emplois, il faut recueillir de l’information sur leur contenu, les décrire et recourir à des méthodes d’évaluation, la plus

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CHAPITRE 5

LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA

La communication dans un exercice d’équité salariale : un gage de réussite Par Louise Marchand, alors qu’elle était présidente, Commission de l’équité salariale Équité salariale : il est minuit moins cinq ! Par Denise Perron, CRHA, présidente, Groupe ÆQUITAS L’équité salariale maintenant Par Sophie Raymond, CRHA, alors qu’elle était conseillère principale, Aon Conseil

fréquente étant la méthode des points et facteurs. Nous avons explicité l’ensemble des étapes et des activités visant à favoriser l’équité interne dans la gestion des salaires. Ce chapitre a aussi traité du principe de l’équité salariale et d’une loi proactive visant essentiellement à amener les employeurs à assurer que la rémunération attribuée aux catégories d’emplois à prédominance féminine est la même que celle oerte aux catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur égale. Nous avons décrit les exigences légales rattachées à l’exercice d’équité salariale et à l’évaluation de son maintien dans le temps. À la lumière de ces connaissances, nous verrons dans le chapitre 6 l’établissement et la gestion des structures salariales.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. À quoi fait référence le concept d’équité interne ? Quelles pratiques une organisation 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.

peut-elle mettre en place an d’assurer l’équité interne des salaires versés ? De quelle manière la gestion des salaires inue-t-elle sur les attitudes et les comportements des employés de même que sur la performance d’une entreprise ? Quelles variables déterminent les caractéristiques des structures salariales des organisations ? Pour quelles catégories de personnel et pour quels milieux l’équité interne est-elle particulièrement importante ? Décrivez l’évolution de la législation canadienne visant à contrer la discrimination basée sur le sexe dans la détermination de la rémunération. On confond souvent « équité salariale » et « équité en emploi ». Comparez et distinguez ces deux concepts. Résumez la Loi sur l’équité salariale du Québec et les étapes de l’exercice d’équité salariale. Quelles sont les principales conditions de succès d’un exercice d’équité salariale ? Qu’est-ce qu’un processus d’analyse des emplois? Quelle est son utilité dans l’établissement d’une structure salariale basée sur les exigences relatives des emplois ? Qu’est-ce que l’évaluation des emplois ? Quel est son lien avec la recherche de l’équité interne en matière de rémunération ? Distinguez la méthode basée sur une grille d’évaluation des emplois et la méthode basée sur un questionnaire d’évaluation des emplois. Quelles sont les principales conditions à respecter pour optimiser l’ecacité d’un processus d’évaluation des emplois ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. «L’adoption d’une loi proactive en matière d’équité salariale impose un exercice technique coûteux, complexe et obscur. Nous en perdons de vue l’objectif recherché, et certains y vont de manipulations pour contourner ses exigences.» Commentez cet énoncé. 2. Malgré les limites du processus d’évaluation des emplois, pourquoi de nombreux employeurs l’utilisent-ils encore an de déterminer les salaires ? Ne serait-il pas préférable d’adopter une approche basée sur la valeur des personnes ? Justiez votre réponse.

CHAPITRE

6

La gestion des structures salariales

PLAN DU CHAPITRE

6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 6.6

Les caractéristiques et l’importance d’une structure salariale L’élaboration ou la mise à jour d’une structure salariale basée sur les exigences des emplois Les structures salariales basées sur les compétences des titulaires des emplois Les structures salariales basées sur les bandes de cheminement de carrière et les bandes d’emplois La gestion des structures salariales : ajustement, contrôle et communication Les problèmes et les dés en matière de gestion des structures salariales

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Démontrer l’importance de maintenir une structure salariale équitable. • Présenter le processus d’élaboration ou de mise à jour d’une structure salariale basée sur les exigences des emplois.

• Décrire une structure salariale basée sur les compétences des titulaires des emplois. • Étudier la gestion des structures salariales basées sur les bandes de cheminement de carrière et les bandes d’emplois.

• Traiter des diérents aspects de la gestion des structures salariales. • Exposer les problèmes et les dés touchant à la gestion des structures salariales.

262

CHAPITRE 6

M I S E E N S I T U AT I O N

Le projet REM-COOP de La Coop fédérée : la transparence pour une meilleure perception de la rémunération La mission de La Coop fédérée est de contribuer au développement économique, social et environnemental des producteurs agricoles sociétaires et de ses coopératives aliées. Avec près de 11 200 employés et un chire d’aaires de 3,6 milliards de dollars, La Coop fédérée et son réseau de coopératives aliées se positionnent au septième rang des plus grandes entreprises québécoises. En 2001, La Coop fédérée a mis en place un système d’évaluation par points et facteurs qui lui a permis de bâtir une structure salariale comportant 21 classes salariales (dont seulement 16 étaient utilisées) an de se conformer aux exigences de la Loi sur l’équité salariale. Ce processus d’évaluation s’est avéré lourd à gérer. Le manque de transparence alimentait des perceptions d’iniquité. De plus, les gestionnaires avaient de la diculté à répondre aux questions sur le sujet et à promouvoir l’importance de la rémunération globale. L’arrivée d’un nouveau chef de la direction a entraîné l’adoption d’un plan stratégique qui visait à éliminer les cloisons entre les secteurs. Le message était clair : un réseau, une culture et une équipe mettant en place les concepts de compétitivité, de exibilité, de simplicité, de reconnaissance de la performance et de responsabilisation des gestionnaires. Pour aligner la gestion de la rémunération sur son plan stratégique, l’organisation a impanté le projet REM-COOP, qui impliquait de revoir la classication des emplois, de redénir le marché de comparaison, de réaliser un exercice d’étalonnage, de concevoir une nouvelle structure salariale et de dénir les principes de gestion des salaires. Le point de départ a été la mutation du concept d’emploi traditionnel vers celui de prol type. Comme un emploi fait référence à des tâches ou à des responsabilités précises, plusieurs descriptions d’une même famille d’emplois peuvent se ressembler. Le prol type dénit les responsabilités de manière sommaire et large en établissant des diérences claires pour chacun des niveaux. Cet exercice a permis de passer de 250 descriptions d’emplois à environ 100 prols types qui ont été évalués pour bâtir la nouvelle structure des emplois. Source : Extrait adapté de Gauthier et Potvin (2009).

Un exercice majeur de comparaison avec le marché a ensuite été réalisé an de compléter les renseignements recueillis par des enquêtes externes. La Coop fédérée a également eectué une enquête maison pour obtenir de l’information sur des postes plus particuliers. La liste des 49 entreprises sollicitées dans cette enquête a été établie avec les responsables de chaque secteur. Soixante pour cent des employés de La Coop fédérée occupent des emplois qui ont été comparés avec le marché. La Coop a clairement fait savoir qu’elle souhaitait se positionner à la médiane du marché quant aux salaires et aux bonis oerts. La réussite de ce projet résulte de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’engagement de la direction et la mise sur pied d’un comité directeur — composé des directeurs généraux des différents secteurs et des directeurs des principaux services — ont favorisé l’adoption d’une vision commune du projet. Ensuite, les employés ont été constamment tenus au courant avant, pendant et après le projet de diverses façons par la direction et le service des ressources humaines. Les gestionnaires ont été formés et des outils ont été conçus à leur intention an qu’ils puissent prendre des décisions en lien avec la philosophie de rémunération globale. Ce projet a modié la manière d’aborder et de gérer la rémunération à La Coop fédérée ; cela a donné lieu à un processus simplié, uniformisé, exible et bien connu de tous. La Coop fédérée souhaite augmenter l’équité perçue et, du coup, la satisfaction à l’égard de la rémunération. Son image de marque s’en trouvera améliorée.

Questions 1. À la n de la mise en situation, on peut lire : «La Coop fédérée souhaite augmenter l’équité perçue et, du coup, la satisfaction à l’égard de la rémunération.» Commentez les initiatives mises en avant par La Coop fédérée an de favoriser les perceptions d’équité des employés par rapport à leur rémunération. 2. Quelles conditions ont assuré le succès du projet REMCOOP ?

La gestion des structures salariales

263

C

e chapitre traite de la gestion des salaires des employés. Tout d’abord, nous parlons de l’intégration des divers principes d’équité dans la gestion des salaires. Par la suite, nous examinons l’établissement d’une structure salariale basée sur les exigences que comportent les emplois, soit la structure la plus couramment adoptée en Amérique du Nord. Puis, nous nous penchons sur des structures salariales plus récentes, soit celle qui s’appuie sur les compétences des employés et celle qui est basée sur des bandes de cheminement de carrière ou des bandes d’emplois. Ensuite, nous approfondissons la gestion des structures salariales, à savoir l’ajustement des structures salariales et de la masse salariale, la révision des salaires individuels, le contrôle des salaires et la communication en matière de gestion des salaires. Enn, nous abordons les dés ou les cas particuliers entourant la gestion des salaires, soit la compression salariale, la double structure salariale et les courbes de maturité.

6.1

Les caractéristiques et l’importance d’une structure salariale

Dans la gure 5.1 (voir la page 192), nous avons présenté une structure salariale typique et ses composantes clés. Sur l’axe horizontal, on trouve les classes d’emplois, qui correspondent à des groupes d’emplois dont les exigences sont jugées similaires selon une méthode d’évaluation des emplois et qu’on rémunère de la même façon (soit par un taux de salaire unique ou par une échelle salariale). Sur l’axe vertical, on trouve les échelles ou les fourchettes salariales, qui décrivent la progression des salaires des titulaires des emplois d’une même classe d’emplois. Toute échelle salariale comporte un taux de salaire minimal oert au titulaire qui commence à occuper un poste de cette classe d’emplois, un taux maxi-normal qui correspond au point milieu de l’échelle et qui sert de base à l’établissement des salaires selon la politique de l’organisation au regard du marché et un taux de salaire maximal qui correspond au salaire le plus élevé qui peut être ociellement versé aux titulaires des emplois de la classe d’emplois. En conséquence, les structures salariales déterminent des taux de salaires diérents pour des emplois dont les exigences sont inégales et fournissent un cadre de référence pour la reconnaissance de diérences en matière de contribution individuelle. Les principales caractéristiques d’une structure salariale basée principalement sur la valeur relative des exigences des emplois sont les suivantes : • Une hiérarchie des classes d’emplois est établie selon les méthodes d’analyse et d’évaluation des emplois (voir le chapitre 5). • Une échelle salariale ou un taux unique de salaire est associé à chaque classe d’emplois. • Les échelles salariales sont ajustées selon les taux du marché et la politique de l’organisation. • Les emplois associés à chaque classe d’emplois comportent des responsabilités de valeur semblable. • À l’intérieur de chaque classe d’emplois, le salaire individuel des titulaires des emplois peut progresser dans l’échelle salariale selon des caractéristiques individuelles (par exemple, le rendement, les compétences, l’ancienneté). • La taille des échelles salariales des classes d’emplois varie selon le nombre de classes d’emplois : plus le nombre de classes est élevé, moins les échelles salariales sont longues, et inversement. • On peut faire chevaucher les échelles salariales pour obtenir une plus grande exibilité et pour reconnaître que le titulaire qui a le meilleur rendement dans une classe

Échelle salariale (pay scale) Balises permettant de déterminer les salaires et la progression des salaires versés à des titulaires occupant des emplois ou des postes regroupés dans une même classe d’emplois et qui sont de valeur semblable au regard des exigences.

Pour en savoir plus sur les échelles salariales

264

CHAPITRE 6

d’emplois donnée peut avoir plus de valeur pour l’organisation que celui qui a été embauché récemment pour occuper un emploi dans une classe d’emplois supérieure.

6.1.1 La description d’une structure salariale Une structure salariale ocialise, balise et encadre la gestion des salaires au sein des organisations en cherchant à optimiser le respect de divers types d’équité dans la gestion des salaires, notamment l’équité interne, l’équité externe, l’équité individuelle, les lois et la justice du processus. Quoique la Loi sur l’équité salariale ne vise qu’à s’assurer que les catégories d’emplois à prédominance féminine sont tout au moins payées au même taux que les catégories d’emplois à prédominance masculine de même valeur, les employeurs ont intérêt à veiller à ce que leurs structures salariales se conforment à cette loi. La gure 6.1 illustre comment une structure salariale permet d’optimiser le respect des divers principes d’équité. Par ailleurs, tout au long du processus de détermination et FIGURE 6.1

La détermination et la gestion des salaires

La gestion des structures salariales

de gestion des salaires, il ne faut pas négliger le principe de justice du processus, puisque les employés réagissent non seulement aux résultats et aux décisions prises en matière salariale, mais aussi, voire surtout, à la façon dont ces décisions sont prises, expliquées et communiquées. À cet égard, une structure salariale standardise les façons de faire et limite les biais ou les traitements préférentiels ponctuels que des cadres seraient tentés d’accorder lors de l’embauche et de la promotion des membres du personnel. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, la grande majorité des entreprises au Canada gèrent des structures salariales basées sur la valeur relative des exigences de leurs emplois, qu’elles évaluent au moyen d’un processus d’analyse, de description (optionnel) et d’évaluation des emplois. Toutefois, certaines organisations gèrent les salaires de leurs employés ou d’une catégorie de leur personnel sur la base de leurs compétences, qu’elles évaluent au moyen d’un processus d’analyse, de description et d’évaluation des habiletés, des compétences ou des connaissances des employés. Nous traiterons donc de cette dernière approche dans la section 6.3 de ce chapitre.

6.1.2 L’importance d’une structure salariale Une structure salariale facilite la communication des façons de faire en matière de gestion des salaires au sein du personnel et, conséquemment, favorise les perceptions de justice à leur égard. Elle facilite aussi la détermination des salaires lors de l’embauche de personnel, des promotions ou de la révision annuelle des salaires. La structure salariale est importante en raison de ses eets non seulement sur les coûts de la main-d’œuvre, mais aussi sur les comportements et les attitudes des employés, notamment sur leur désir d’acquérir de nouvelles compétences, leur motivation à améliorer leur performance, leur satisfaction et leur incitation à entrer au service de l’entreprise, à y rester et à accepter des promotions. Ainsi, une structure salariale qui reconnaît l’ancienneté augmente les chances de l’entreprise de retenir ses employés, alors qu’une structure salariale qui reconnaît la performance individuelle incite le personnel à améliorer celleci. De la même manière, une structure salariale qui reconnaît les compétences ou les habiletés incite le personnel à se développer. Une structure salariale « parle » en quelque sorte. Selon sa conception, elle transmet subtilement des messages aux employés sur ce qui est valorisé et reconnu. Ainsi, une structure salariale plate — où il y a beaucoup de chevauchements entre les échelles salariales de classes d’emplois adjacentes et peu de diérences entre les points milieux des classes d’emplois adjacentes — est moins susceptible d’inciter les employés à accepter des promotions étant donné qu’il y a peu de diérences pécuniaires entre les salaires des titulaires des emplois de niveaux hiérarchiques diérents. En outre, elle est plus à même de pousser les employés à faire réviser l’évaluation de leur emploi aussitôt qu’on leur attribue des responsabilités ou des tâches supplémentaires de manière que leur emploi puisse se retrouver dans une classe d’emplois supérieure. Enn, elle est de nature à amener les employés à attacher de l’importance aux titres des emplois et aux récompenses symboliques (par exemple, la qualité de la moquette dans les bureaux, le nombre de fenêtres, la place de stationnement réservée). Faute d’une logique économique liée à l’exécution de responsabilités supplémentaires, les symboles prennent de l’importance. En somme, la façon dont les structures salariales sont élaborées doit amener les employés à adopter des comportements qui aideront les entreprises à atteindre leurs objectifs d’aaires, susciter l’adhésion des employés, attirer et retenir les employés compétents et respecter les lois balisant la détermination des salaires (par exemple, le salaire minimum) tout en tenant compte de la capacité de payer de l’organisation.

265

Pour en savoir plus sur la conception et l’implantation d’une structure salariale

Compétences (competencies) Capacités reconnues d’une personne au regard de certains aspects du savoir (connaissances), du savoir-faire (habiletés, comportements) et du savoir-être (attitudes, aptitudes, traits de personnalité).

266

CHAPITRE 6

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie du tournoi Selon la théorie du tournoi, la progression vers les postes situés au haut de la hiérarchie au sein des organisations peut être vue comme un ensemble de concours mettant en compétition le personnel pour atteindre des niveaux hiérarchiques supérieurs et recevoir des récompenses supérieures. Aussi, plus l’écart de salaire entre les niveaux hiérarchiques supérieurs augmente, plus les employés seront motivés à fournir des eorts pour obtenir des récompenses plus élevées. En contrepartie, ce système encourage une compétition excessive. Source : Adapté de Lazear (1998).

6.2

L’élaboration ou la mise à jour d’une structure salariale basée sur les exigences des emplois

Cette section traite de l’élaboration ou de la mise à jour d’une structure salariale par suite d’une démarche d’analyse et d’évaluation des emplois ayant mené à l’établissement d’une hiérarchie des emplois basée sur leurs exigences relatives (Purusotham et Wilson, 2009). Consécutivement à cette démarche, il importe de déterminer le nombre de structures salariales, de regrouper les emplois en classes d’emplois, d’obtenir des données sur la rémunération des emplois repères sur le marché et de comparer ce qu’ore l’organisation avec ce qu’ore le marché, de statuer ensuite sur les ajustements à apporter aux échelles salariales des classes d’emplois, compte tenu de la capacité de payer de l’organisation, de gérer les cas particuliers et de communiquer les résultats au personnel.

6.2.1 Le nombre de structures salariales Jusqu’au début des années 1990, le processus d’évaluation des emplois, de même que le processus de gestion des salaires, s’appuyait surtout sur la famille d’emplois, c’est-à-dire sur un regroupement d’emplois qui peuvent être comparables en fonction d’un ensemble de caractéristiques communes et qui se retrouvent sur un marché de l’emploi similaire. On pense, par exemple, aux emplois de direction, aux emplois de cadres, de professionnels et de techniciens, aux emplois de bureau, aux emplois de production et d’entretien et, dans certains cas, aux emplois dans la vente. Traditionnellement, chaque famille d’emplois comportait sa propre structure salariale ; il y avait donc autant de structures salariales que de familles d’emplois dans une organisation. Il en était ainsi parce que les emplois de diverses familles sont souvent évalués au moyen de diérents systèmes d’évaluation des emplois. De plus, comme la mobilité des titulaires des emplois des diverses familles varie, les emplois font souvent l’objet d’enquêtes de rémunération qui préconisent diérents marchés de référence. Selon cette approche traditionnelle, une représentation graphique de la distribution des points d’évaluation des emplois d’une organisation pouvait aussi aider à trouver le nombre de familles d’emplois : s’il n’y a qu’une famille d’emplois, une ligne droite peut reéter parfaitement la distribution des points, alors que si les emplois ne font pas tous partie de la même famille, la courbe constitue la meilleure représentation de cette distribution.

La gestion des structures salariales

267

En principe et idéalement, l’équité interne devrait exister entre les titulaires de tous les emplois au sein de l’organisation, les employés étant susceptibles de se comparer entre eux de diverses façons. Aussi, moins il y a de familles d’emplois, moins il y a de structures salariales, et plus on se rapproche de la possibilité de comparer systématiquement les exigences de tous les emplois dans une organisation. La multiplication des familles d’emplois, tout en facilitant les comparaisons entre les emplois de chaque famille, peut augmenter les risques d’iniquité dans l’ensemble de l’organisation. En eet, comment s’assurer que la structure salariale des emplois de bureau est équitable comparativement à celle des emplois techniques ? Traditionnellement, les organisations se sont davantage préoccupées de questions d’équité entre les salaires respectifs des emplois de la même famille que d’équité entre les salaires des emplois de familles diérentes. C’est d’ailleurs indirectement à cela que s’attaque la Loi sur l’équité salariale du Québec lorsqu’elle demande aux employeurs d’accorder une rémunération équivalente aux catégories d’emplois à prédominance féminine et aux catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente en faisant un exercice d’équité salariale. Toutefois, comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, la Loi sur l’équité salariale permet, pour certaines raisons ou dans certaines circonstances, aux employeurs d’établir plus d’un exercice d’équité salariale dans son établissement et d’en évaluer le maintien par la suite.

6.2.2 La détermination ou la mise à jour des classes d’emplois À la suite d’un processus d’analyse et d’évaluation des emplois dont nous avons traité dans le chapitre 5, les organisations parviennent à établir une hiérarchie des emplois. Elles sont alors en mesure de grouper les emplois en classes d’emplois. Une classe d’emplois (souvent appelée « classe salariale ») correspond à un groupe d’emplois dont les exigences sont semblables ou équivalentes et qui sont rémunérés de la même façon : même taux unique ou même salaire minimal et même salaire maximal. En fait, les classes d’emplois correspondent aux regroupements des emplois sur l’axe horizontal de la gure 5.1 (voir la page 192). Ainsi, les traits horizontaux a-c présentent l’étendue des classes salariales. Lorsque les classes d’emplois sont déterminées, les emplois d’une classe sont considérés comme équivalents et les diérences entre les résultats de l’évaluation des emplois d’une classe ne sont plus pertinentes. Les responsables de la rémunération peuvent alors établir les taux de salaires qu’ils désirent orir pour diverses classes d’emplois. En dénitive, il s’agit d’appliquer la politique de l’organisation à l’égard des salaires dans le positionnement de la courbe des salaires de l’organisation comparativement à la courbe des salaires du marché.

Classe d’emplois (job class) Regroupement d’emplois et de postes ayant des exigences de valeur semblable et dont les salaires sont gérés selon des taux et des balises de progression salariale semblables (même échelle salariale).

REGARD SUR LA PRATIQUE Des outils pour concevoir et gérer les structures salariales Une enquête menée en 2012 par WorldatWork et Deloitte Consulting LLP montre que les tableurs ou les chiriers électroniques (Microsoft Excel) représentent l’outil le plus populaire pour concevoir et gérer les structures salariales (respectivement 89 % et 72 % des répondants), alors que Source : Traduit et adapté de Stoskopf et al. (2013, p. 37-38).

certaines entreprises utilisent aussi, ou en plus, des systèmes maison (par exemple, Oracle, PeopleSoft et SAP) ou la solution par la méthode des points (par exemple, Kenexa et CompAnalyst.

268

CHAPITRE 6

Les raisons de créer des classes d’emplois On procède à des regroupements d’emplois en diérentes classes d’emplois pour trois raisons principales. Premièrement, le regroupement en classes d’emplois permet de traiter de la même manière des emplois jugés équivalents en matière d’exigences (notamment en termes de nombre de points d’évaluation si l’on adopte la méthode des points et facteurs). On reconnaît alors que le processus d’évaluation des emplois, quoiqu’il soit rationnel et standardisé, s’avère essentiellement subjectif. Deuxièmement, ce regroupement des emplois facilite la gestion des salaires. On limite alors le nombre de décisions à prendre en matière de salaires, puisque ces décisions touchent un groupe d’emplois (une classe d’emplois) plutôt qu’un emploi à la fois. De plus, si certains emplois subissent de faibles modifications, il n’est pas requis de les réévaluer, à moins qu’ils ne soient situés très près des bornes de leur classe d’emplois. Troisièmement, le regroupement des emplois équivalents en classes d’emplois facilite la communication entre la direction et les employés ainsi que l’acceptation d’une structure salariale. En eet, il serait dicile de justier le fait que certains emplois ayant obtenu des résultats d’évaluation semblables, mais non égaux, soient rémunérés diéremment. Il est probable que les employés estimeront que ces emplois devraient être rémunérés de la même façon. En pratique, il est dicile de gérer une droite de salaires (plutôt qu’une structure en forme d’escalier) où un salaire diérent correspondrait à un nombre total de points diérent (par exemple, un total de 430 points équivalant à un salaire de 37 500 $ et un total de 432 points, à un salaire de 37 565 $). Il est facile d’imaginer la complexité d’une telle gestion, sans compter la pression qu’exerceraient les employés pour faire réévaluer les exigences de leur emploi, chaque point gagné équivalant à quelques sous de plus !

Le nombre de classes d’emplois Le nombre de classes d’emplois dans une structure salariale est fonction de diverses variables. Par exemple, plus le nombre d’emplois est élevé, plus le nombre de classes d’emplois est susceptible d’être élevé. Plus les exigences des emplois visés dièrent, plus le nombre de classes d’emplois tend à s’accroître. Par ailleurs, plus l’écart salarial entre l’emploi le plus rémunéré et celui qui est le moins rémunéré est grand, plus le nombre de classes d’emplois peut être élevé. En outre, si l’étendue des échelles salariales des classes d’emplois est peu élevée ou si plusieurs emplois sont rémunérés à un taux unique, il importe d’augmenter le nombre de classes d’emplois pour fournir aux titulaires susamment d’occasions de promotions et d’augmentations de salaires. À l’inverse, lorsqu’une organisation adopte une politique de variation des salaires des titulaires d’emplois équivalents, elle peut délimiter un plus petit nombre de classes, puisque les titulaires des emplois sont susceptibles de recevoir une augmentation de salaire sans changer d’emploi. Bien que le nombre de classes d’emplois varie beaucoup d’une structure salariale à l’autre, on trouve le plus souvent des structures salariales comportant entre 8 et 15 classes d’emplois. Si une structure salariale se développe et se modie au l des années, on conseille toutefois de s’assurer que le nombre de ses classes d’emplois n’est pas trop élevé ni trop bas. Ainsi, plus le nombre de classes d’emplois est élevé, moins il y a d’écarts de salaires entre elles, et plus les emplois de deux classes adjacentes risquent de ne pas être perçus comme comportant des exigences diérentes, et donc comme devant être rémunérés de manière diérente. À l’opposé, plus le nombre de classes d’emplois est faible, plus les écarts de salaires entre elles sont élevés, et plus les emplois de la même classe risquent

La gestion des structures salariales

d’être perçus comme comportant des exigences diérentes, et donc comme devant être rémunérés de manière diérente. Finalement, on peut délimiter des classes d’emplois inoccupées ou contenant très peu d’emplois an de pouvoir s’adapter aux changements éventuels dans le contenu des emplois et leur évaluation. Cependant, le nombre de classes d’emplois inoccupées ne doit pas être trop élevé, car les employés dont les emplois se situent dans une classe précédant une classe vide seront peut-être portés à croire que le comité d’évaluation des emplois a été trop sévère en plaçant leur emploi dans une classe d’emplois inférieure.

L’étendue des classes d’emplois Lorsqu’une organisation recourt à une méthode de classication des emplois pour évaluer ceux-ci, les classes d’emplois sont déjà délimitées et décrites. Lorsqu’elle utilise une méthode de rangement des emplois, elle doit déterminer un intervalle de rangs pour chaque classe d’emplois (par exemple, la classe 1 regrouperait les rangs 1 à 7, la classe 2, les rangs 8 à 18, etc.). Lorsqu’elle se sert d’une méthode des points et facteurs, elle peut déterminer l’étendue des classes d’emplois selon diverses approches. L’encadré 6.1 à la page suivante décrit quatre méthodes de détermination des bornes, c’est-à-dire des extrémités minimales et maximales des classes d’emplois : l’analyse de la distribution des résultats de l’évaluation des emplois, l’analyse de la distribution des points entre les divers niveaux de présence des facteurs d’évaluation des emplois, l’analyse du seuil de perception et l’analyse de l’erreur type de mesure. Notons qu’une combinaison des méthodes précédentes peut être utilisée, puisque aucune d’elles n’est parfaite et que chacune présente une classication possible. L’étendue des classes d’emplois peut correspondre à un nombre absolu de points d’évaluation des emplois ou à un pourcentage du nombre total de points d’évaluation. Par exemple, si la taille des classes d’emplois est xée à 250 points, la classe 1 inclut les emplois ayant obtenu de 1 à 250 points d’évaluation, la classe 2, ceux qui ont obtenu de 251 à 500 points, la classe 3, ceux qui ont obtenu de 501 à 750 points et la classe 4, ceux qui ont obtenu de 751 à 1 000 points. Une entreprise peut également décider d’augmenter l’étendue des classes d’emplois à mesure qu’on monte dans la structure salariale, de manière à reconnaître la plus grande ampleur des responsabilités requises par les emplois se trouvant au sommet de la structure d’emplois. Par exemple, la classe 1 peut regrouper les emplois ayant obtenu de 1 à 200 points d’évaluation, la classe 2, ceux qui ont obtenu de 201 à 500 points et la classe 3, ceux qui ont obtenu de 501 à 1 000 points. Selon l’approche adoptée pour déterminer les bornes des classes d’emplois et la progression des niveaux de présence de chaque facteur d’évaluation des emplois (par exemple, la progression arithmétique ou la progression géométrique, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre), une entreprise envoie un message implicite à propos de l’importance relative des emplois et des facteurs d’évaluation des emplois qu’elle privilégie. Les classes d’emplois ne doivent pas être trop larges ni trop étroites. D’une part, des classes d’emplois très larges risquent d’englober des emplois pour lesquels les employés percevront des diérences assez importantes en matière d’exigences pour justier qu’ils soient rémunérés diéremment. D’autre part, des classes d’emplois très étroites risquent de faire en sorte que l’organisation verse des salaires diérents pour des emplois dont les exigences sont perçues comme semblables par les employés. De plus, lorsque les classes d’emplois sont très étroites, les employés sont incités à demander une réévaluation de leur emploi aussitôt qu’on leur assigne une responsabilité supplémentaire étant donné qu’un léger changement dans les résultats de l’évaluation de leur emploi peut justier un rangement dans une classe d’emplois supérieure, et donc un salaire plus élevé.

269

270

CHAPITRE 6

ENCADRÉ 6.1

Les méthodes de détermination des bornes des classes d’emplois

1. L’analyse de la distribution des résultats de l’évaluation des emplois Cette méthode consiste à vérier si certains points de rupture apparaissent dans les résultats de l’évaluation des emplois. Par exemple, la distribution suivante permet de dégager trois regroupements : les emplois A à E, F à H et I à M. On peut déterminer les bornes des classes d’emplois en tenant compte du fait qu’il y a moins de diérence entre les deux points extrêmes d’un regroupement qu’entre le nombre de points le plus élevé d’un regroupement et le nombre de points le moins élevé du regroupement suivant. Par exemple, l’écart entre 600 et 688 est inférieur à celui qui existe entre 688 et 846. Emplois

Nombre de points d’évaluation

Emplois

Nombre de points d’évaluation

A

600

H

957

B

620

I

1 055

C

645

J

1 069

D

675

K

1 070

E

688

L

1 092

F

846

M

1 102

G

918

2. L’analyse de la distribution des points entre les divers niveaux de présence des facteurs d’évaluation des emplois Dans le tableau suivant, une erreur constante d’évaluation à la hausse ou à la baisse d’un niveau sur chacun des facteurs amène une surévaluation ou une sous-évaluation des emplois de 225 points (la somme des écarts entre les niveaux pour l’ensemble des facteurs). En pratique, une telle erreur «constante» pour un emploi est peu probable : il peut y avoir une surévaluation pour un facteur et une sous-évaluation pour un autre, de sorte qu’un certain nombre d’erreurs s’annulent. Mais comme il y a toujours un risque d’erreurs, il faut établir une règle. Par exemple, on peut diviser l’erreur constante par 3 et déterminer que les bornes des classes présentent des écarts de 75 points, soit 225 divisé par 3, en faisant l’hypothèse que les deux tiers des erreurs s’annulent et que l’écart entre les bornes des classes est constant, soit 75 points (progression arithmétique). De fait, l’écart entre les bornes peut être constant, croissant ou décroissant d’une classe d’emplois à l’autre. Il faut donc s’assurer que si, contrairement à ce qu’on observe dans le tableau suivant, les écarts concernant certains facteurs sont croissants, les écarts entre les bornes des classes sont également croissants. Plus on attribue des niveaux élevés à un emploi, plus la répercussion d’une erreur est grande. Grille de points entre les niveaux de présence des facteurs d’évaluation Facteurs d’évaluation

Écart de points entre les niveaux de présence des facteurs

Niveaux de présence des facteurs d’évaluation

1

10

20

30

40

2

15

30

45

60

75

15

3

50

100

150

200

250

50

4

30

60

90

120

150

5

60

120

180

240

300

6

20

40

60

7

15

30

45

60

8

25

50

75

100

Total

10

180

30 60 20

75

90

15 25 225

La gestion des structures salariales

ENCADRÉ 6.1

271

Les méthodes de détermination des bornes des classes d’emplois (suite)

3. L’analyse du seuil de perception L’application de la loi de Weber à l’évaluation des emplois montre qu’une diérence d’exigences entre deux emplois n’est perceptible que dans la mesure où il existe 15 % ou plus de diérence entre les résultats de leur évaluation. On peut donc établir l’écart entre les bornes en utilisant le barème de 15 % ou moins de diérence entre les résultats de l’évaluation des emplois. Bien qu’une telle façon de procéder donne des indications sur les écarts qu’il peut y avoir entre les bornes des classes, certains emplois présentant des écarts inférieurs à 15 % se retrouveront dans deux classes diérentes. Par exemple, entre l’emploi B, classe I, et l’emploi C, classe II, du tableau suivant, l’écart est de moins de 15 %. Classes d’emplois

Bornes

Emplois

Nombre de points d’évaluation

I

100-115

A B

100 104

II

116-133

C D E

116 117 127

III

134-154

F G

138 150

155-178

H I J K

163 170 172 173

IV

4. L’analyse de l’erreur type de mesure On peut aussi déterminer les bornes des classes d’emplois en s’appuyant sur la formule mathématique de l’erreur type de mesure, soit erreur type de mesure = σx (1 – rkk)1/2, où σx représente l’écart type de la distribution des résultats de l’évaluation des emplois obtenus et rkk , l’indice de délité des résultats. Bien qu’il soit possible de calculer ces deux indices, on sait que l’indice de délité des résultats de l’évaluation des emplois est de l’ordre de 0,90. Ainsi, quand on calcule l’écart type de la distribution des résultats et qu’on fait appel à l’indice de délité de 0,90, il est possible d’estimer l’erreur type de mesure en substituant ces valeurs aux symboles mathématiques dans la formule. Les bornes des classes sont alors établies au moyen de cet indice selon un écart constant.

Le traitement des emplois situés à proximité des bornes des classes d’emplois Comment peut-on classer les emplois qui se situent près des bornes d’une classe d’emplois ? Prenons le cas où les bornes d’une classe d’emplois sont de 650 et 750 points et où un emploi obtient 745 points, un deuxième, 740 points et un troisième, 725 points. Dans la mesure où les résultats de l’évaluation des emplois et les bornes des classes d’emplois sont connus, on peut s’attendre à ce que les personnes dont les emplois ont obtenu 745 ou 740 points soient tentées de demander une révision à la hausse de l’évaluation de leur emploi. Si l’entreprise acquiesce à leur demande, elle risque de transmettre le message : « Au suivant ! » Les titulaires des emplois ayant obtenu 725 points voudront à leur tour demander une réévaluation de leur emploi, et ainsi de suite. Après quelques années de « rapiéçage », la gestion des salaires sera devenue complètement incohérente. Dans ce cas, il vaudrait mieux retourner aux résultats initiaux du processus d’évaluation des emplois (par exemple, le comité d’évaluation des emplois, la compilation des questionnaires d’analyse des emplois remplis) pour examiner d’éventuelles variations dans les opinions ou les résultats. Prenons le cas d’un comité d’évaluation des emplois composé de six membres

272

CHAPITRE 6

qui évaluent un emploi de la façon présentée dans le tableau 6.1. Pour le facteur d’évaluation A, deux membres du comité retiennent le niveau 3 et trois autres, le niveau 2. Dans le cas du facteur d’évaluation D, cinq membres indiquent le niveau 4 et quatre autres, le niveau 5. Une majorité se dégage à propos des niveaux attribués aux autres facteurs d’évaluation. Après quelques discussions, le niveau d’évaluation nal est déterminé : le niveau 3 est retenu pour le facteur A et le niveau 5, pour le facteur D. Une fois ces résultats transformés en nombre de points, l’emploi en question est évalué à 745 points, ce qui le situe tout près de la limite supérieure de 750 de la classe d’emplois. Il est alors possible de modier à la baisse les résultats de l’évaluation de cet emploi pour les facteurs A ou D, sans trahir l’esprit des travaux du comité d’évaluation des emplois. Lorsqu’on procède ainsi, l’évaluation globale de 745 points est réduite et l’emploi se trouve à une distance acceptable de la borne. Dans la mesure où les niveaux initiaux retenus pour les facteurs A et D auraient été respectivement de 2 et 4, il aurait été possible d’augmenter d’un niveau ces facteurs tout en respectant les choix du comité. L’emploi aurait alors été placé dans une classe d’emplois supérieure. Lorsqu’il semble plus dicile de modier les résultats de certaines évaluations en respectant l’esprit des travaux du comité d’évaluation des emplois ou la compilation des résultats d’un questionnaire, on peut demander au comité de réviser l’évaluation qui a été faite d’un emploi. Dans l’éventualité où le comité décide de modier les résultats de l’évaluation, il doit veiller à ce que ceux-ci soient cohérents par rapport aux évaluations des autres emplois. Il est possible que l’évaluation d’un emploi situé près d’une borne ne soit pas modiée parce qu’elle ne semble pas comporter d’erreur ou parce qu’un changement soulèverait plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Il s’avère alors important d’être inexible envers les employés qui manifestent leur mécontentement an de maintenir la cohérence du système d’évaluation des emplois et de préserver les sentiments d’équité parmi tout le personnel. Toutefois, des modications appropriées et judicieuses au contenu d’un emploi situé près d’une borne d’une classe d’emplois peuvent justier la réévaluation de cet emploi.

6.2.3 La comparaison entre l’ore de l’organisation et celle du marché Pour optimiser le respect de l’équité interne et de l’équité externe, la gestion d’une structure salariale nécessite de comparer périodiquement la droite des salaires des divers emplois de l’organisation, la droite des salaires de ces emplois sur le marché et la droite de la politique de rémunération visée par l’organisation. Les données relatives à des emplois repères sont alors colligées selon les principes et les méthodes traités dans le chapitre 4 portant sur l’équité externe et la gestion des enquêtes de rémunération. Cette comparaison entre les données de

Le prol des niveaux de présence accordés à cinq facteurs d’évaluation d’un emploi par les membres d’un comité

TABLEAU 6.1

Facteurs d’évaluation

Niveaux de présence des facteurs d’évaluation 1 2 3 4 5 6

Résultats naux

A

2

3

2

3

2

3

3

B

3

3

3

3

3

4

3

C

1

1

2

1

1

2

1

D

4

4

5

5

4

5

5

E

3

2

3

2

3

3

3

La gestion des structures salariales

l’organisation et celles du marché peut être faite sous divers angles (voir la gure 6.2) : selon la rémunération versée en espèces (salaires et incitations), le salaire moyen par emploi, le salaire par employé, le positionnement des échelles (fourchettes) salariales par rapport au marché, etc. Pour représenter la droite salariale de l’organisation, ce qui est fréquemment fait, on indique les résultats de l’évaluation des emplois et les salaires actuellement accordés à ces emplois dans un graphique où les diérents taux de salaires se situent sur un axe vertical, alors que la valeur relative des exigences des divers emplois (ici, le nombre de points d’évaluation des emplois) est indiquée sur un axe horizontal. An de visualiser adéquatement cette relation, on peut tracer une droite ou une courbe salariale représentant le mieux la façon dont sont distribuées les coordonnées « salaires – résultats de l’évaluation des emplois » en recourant à diverses techniques (voir la gure 6.3, à la page suivante). Pour évaluer la compétitivité de la courbe des salaires d’une organisation, on peut tracer sur le même graphique la droite ou la courbe des salaires moyens sur le marché en faisant appel aux mêmes techniques, ainsi que la droite ou la courbe de la politique salariale de l’entreprise, si cette politique ne consiste pas à égaler le marché (dans ce dernier cas, la droite des salaires du marché correspond à la droite de la politique salariale). Plusieurs organisations s’appuient sur la droite de la politique FIGURE 6.2

Des exemples d’analyses du positionnement de l’organisation en regard du marché

Source : Khlat (2012a, p. 16). Reproduit avec l’autorisation de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

273

274

CHAPITRE 6

FIGURE 6.3

Une comparaison entre les salaires versés par une organisation et les salaires versés sur le marché

A) La distribution des salaires de l’organisation Pour représenter la distribution des salaires de l’organisation, la première technique, qui consiste à relier le salaire le plus bas au salaire le plus élevé par une ligne droite (AA’ dans la gure ci-dessous), est peu utilisée parce qu’elle a comme postulat que les taux des salaires extrêmes sont corrects, ce qui n’est pas nécessairement le cas. La deuxième technique consiste à tracer la droite qui correspond le mieux à la distribution des points «salaires – résultats de l’évaluation des emplois» à main levée ou en utilisant l’équation statistique Y = a + bx (BB’), où Y = taux de salaire actuel, x = nombre de points obtenus lors de l’évaluation des emplois, a = endroit où la droite croise l’axe vertical (valeur de Y lorsque x = 0), b = pente de la droite ou valeur en dollars de chaque point d’évaluation.

Comme, la plupart du temps, la distribution est plus dèlement exprimée par une courbe, on peut aussi tracer celle-ci à main levée ou en recourant à la statistique. L’équation statistique est alors la suivante : Y = a + bx + cx2 (voir CC’ de la gure précédente). AA’ : droite reliant le salaire le plus bas au salaire le plus élevé BB’ : droite à main levée représentant la distribution des coordonnées CC’ : courbe à main levée représentant la distribution des coordonnées

La gestion des structures salariales

FIGURE 6.3

Une comparaison entre les salaires versés par une organisation et les salaires versés sur le marché (suite)

B) La distribution des salaires sur le marché De la même manière, la distribution des salaires sur le marché peut être représentée à l’aide d’une droite tracée à main levée ou en recourant à l’équation statistique suivante : Y = a + bx = taux de salaire moyen sur le marché, où x = nombre de points obtenus lors de l’évaluation des emplois, a = endroit où la droite croise l’axe vertical (valeur de Y lorsque x = 0), b = pente de la droite ou valeur en dollars de chaque point d’évaluation. Il est aussi possible de représenter les salaires du marché à l’aide d’une courbe en utilisant l’équation statistique Y = a + bx. On peut également tracer les courbes de salaires représentant la bande dans laquelle se situent l’ensemble des salaires oerts sur le marché pour des emplois équivalents. Ainsi, la courbe minimale peut être constituée des salaires payés au 25e centile pour les emplois, et la courbe maximale, des salaires payés au 75e centile.

salariale (égaler le marché, être à la remorque du marché ou être à la tête du marché) pour établir le point milieu ou maxi-normal de l’échelle salariale de chaque classe d’emplois. La droite de la politique salariale est utile pour comparer les salaires actuellement versés par l’organisation pour les emplois repères d’une structure salariale avec ceux que les

275

276

CHAPITRE 6

emplois repères obtiennent sur le marché de référence. La droite de la politique salariale de l’organisation peut aussi servir à établir les taux de salaires minimaux et maximaux des échelles salariales ainsi que l’étendue des classes d’emplois. Le dernier graphique de la gure 6.3 à la page précédente illustre une telle comparaison des distributions des salaires. Les points x représentent les salaires actuellement versés, alors que les points 0 représentent les salaires versés sur le marché. Dans ce graphique, la courbe salariale du marché est moins accentuée que celle de l’organisation. De plus, on constate que les emplois comportant des exigences inférieures sont mieux rémunérés sur le marché que dans l’organisation, alors que cette situation est inversée pour les emplois dont les exigences sont élevées. On considère comme concurrentiels les emplois dont le salaire correspond au taux du marché. En pratique, les entreprises gèrent les salaires en comparant la droite des salaires du marché avec leur politique salariale. Par exemple, si la politique de rémunération pour les titulaires des emplois visés consiste à payer 10 % de plus que le marché, la droite des salaires de l’entreprise devrait se situer 10 % au-dessus de la droite des salaires du marché. Par conséquent, si la politique salariale consiste à égaler le marché, la droite des salaires du marché doit correspondre à la droite des salaires de l’entreprise. La droite des salaires d’une entreprise doit donc relier graphiquement les points milieux de chacune des classes d’emplois qui seront équivalents au taux moyen ou médian oert sur le marché.

6.2.4 La détermination ou la mise à jour de l’échelle salariale associée à chaque classe d’emplois Doit-on verser le même salaire à un employé qui occupe un poste depuis 6 mois qu’à un autre employé qui occupe un poste identique depuis 3 ou 10 ans ? L’augmentation de salaire accordée à un employé qui a un rendement nettement supérieur à la moyenne doit-elle être égale à celle d’un employé qui a un rendement à peine satisfaisant ? L’organisation doit décider si elle accorde le même salaire (taux unique) à tous les titulaires des emplois d’une même classe d’emplois ou si les salaires varieront d’un titulaire à l’autre sur une échelle (ou fourchette) salariale selon diverses caractéristiques individuelles (les années de service, le rendement, etc.).

Décider du taux unique de salaire ou de l’échelle salariale pour chaque classe d’emplois Si l’entreprise décide de ne pas tenir compte des caractéristiques individuelles dans la gestion des salaires, elle xe alors des taux uniques par classe d’emplois et assure l’équité des écarts entre les salaires des classes d’emplois adjacentes. Les structures salariales comportant des taux uniques de salaires par classe d’emplois ou par fonction ont traditionnellement concerné le personnel de métier et de production syndiqué au sein de petites entreprises dans des industries particulières. Une structure salariale à taux unique ne fournit pas de possibilité d’augmentation de salaire à l’intérieur d’une fonction ou d’une classe d’emplois. Lorsque l’employé a terminé son apprentissage, il est censé avoir les compétences requises pour son poste et son salaire correspond à un taux uniforme, qu’il ait 15 jours, 1 an ou 20 ans d’expérience ou d’ancienneté dans sa fonction. Toutefois, même avec des structures salariales à taux uniques, certains employeurs (notamment dans le secteur de la construction) embauchent du personnel à un taux inférieur à celui qui est prévu pour un employé permanent et qualié ; le nouvel employé (apprenti ou compagnon) pourra atteindre le taux unique de salaire dans une période variant de trois mois à trois ans. La gestion des salaires tient compte des caractéristiques individuelles des employés dans la mesure où elle associe à une classe d’emplois une échelle salariale. Il est courant

La gestion des structures salariales

277

d’établir de telles échelles salariales, c’est-à-dire de mettre en place une progression salariale (avec un salaire minimal et un salaire maximal) pour les titulaires des emplois d’une classe d’emplois. En somme, une échelle salariale correspond au regroupement de salaires sur l’axe vertical d’une structure salariale. Le salaire minimal d’une échelle correspond au taux de salaire oert aux personnes qui ne possèdent pas d’expérience dans l’emploi ; le salaire maximal représente le taux de salaire le plus élevé que l’entreprise ore aux employés d’une classe d’emplois. De nombreuses conventions collectives présentent des taux variables selon le temps dans une fonction, un salarié devant travailler un nombre d’heures préétabli dans la convention collective avant de changer d’échelon et d’atteindre éventuellement le sommet de l’échelle. Il s’agit des augmentations « statutaires » ou « automatiques » qui sont versées lorsqu’un employé change d’échelon, souvent en fonction de son ancienneté. En général, les augmentations de salaires attribuables à un changement d’échelon sont versées même s’il y a un gel des salaires, et elles peuvent être accordées à un moment diérent de celui auquel sont octroyées les augmentations générales de salaires (par exemple, à la date d’entrée dans le poste). Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5 (voir la gure 5.1, à la page 192), les échelles salariales correspondent aux écarts mini-maxi a-b. Plus l’écart entre le salaire minimal et le salaire maximal d’une échelle salariale est grand, plus l’équité individuelle est valorisée. L’encadré 6.2 traite de la détermination de certaines caractéristiques des échelles salariales : leurs taux minimaux et maximaux et leur étendue.

ENCADRÉ 6.2

La détermination des taux minimaux et maximaux des échelles salariales et le calcul de l’étendue des échelles salariales

A) Les approches servant à déterminer les salaires maximaux et minimaux des échelles salariales La distribution des salaires sur le marché Par exemple, dans la mesure où une entreprise désire se situer à la médiane du marché, elle peut utiliser les points de référence suivants pour établir ses échelles salariales : ■ minimum au 10e centile : salaire oert aux employés en formation ou en période d’essai ; ■ minimum eectif normal au 25 e centile : salaire oert aux personnes pleinement formées ou ayant terminé la période d’essai ; ■ maximum eectif normal au 75 e centile : salaire oert aux employés ayant une longue expérience de travail et un bon rendement ; ■ maximum au 90e centile : salaire oert aux employés dont le rendement se situe de façon régulière à un niveau supérieur ou exceptionnel. Les formules mathématiques Si l’écart autour du point de contrôle est établi à 20 % et que le point de contrôle soit connu : ■ salaire maximal = salaire au point de contrôle (point milieu) × 1,20 ■ salaire minimal = salaire au point de contrôle (point milieu) × 0,80 B) Les étapes du calcul de l’étendue de l’échelle salariale* 1. Déterminer le point milieu

30 000 $

2. Déterminer l’étendue de l’échelle salariale

Plus ou moins 20 % autour du point de contrôle et 50 % d’écart entre le salaire maximal et le salaire minimal

3. Calculer le salaire minimal

30 000 $ × 0,80 = 24 000 $

4. Calculer le salaire maximal

30 000 $ × 1,20 = 36 000 $

* Ces calculs partent du postulat que des intervalles sont symétriques, c’est-à-dire qu’il y a une distance égale entre le point milieu et le maximal et entre le point milieu et le minimal des échelles salariales.

278

CHAPITRE 6

Déterminer la longueur de l’échelle salariale associée à chaque classe d’emplois La longueur d’une échelle salariale correspond à l’écart de salaire entre le taux minimal et le taux maximal de l’échelle. Cette étendue est exprimée par un pourcentage de la différence entre le taux maximal et le taux minimal de l’échelle salariale, divisé par le taux minimal. La taille d’une échelle salariale est fonction de divers facteurs, notamment le niveau hiérarchique des emplois visés, les possibilités ou les politiques de promotion, la structure organisationnelle, les taux de salaires minimaux et maximaux sur le marché ou le nombre de classes d’emplois dans la structure salariale. Par exemple, une organisation dont le cycle de vie se trouve à maturité et qui ore peu de possibilités de promotions à ses employés peut être tentée d’adopter de longues échelles salariales an d’inciter ces derniers à rester à son service. À l’inverse, une organisation en pleine croissance orant d’intéressantes possibilités de promotions est susceptible d’avoir des échelles salariales plus courtes étant donné que ses employés peuvent augmenter leur salaire en obtenant des promotions. Aussi, moins il y a de niveaux hiérarchiques dans la structure d’une organisation, plus la taille des échelles salariales tend à augmenter. Ensuite, plus les dirigeants d’une organisation veulent reconnaître pécuniairement les caractéristiques des employés (l’ancienneté, le rendement, etc.), plus la taille des échelles salariales devrait être grande. Par ailleurs, plus une structure salariale contient de classes d’emplois, plus celles-ci sont étroites et liées à de courtes échelles salariales, et vice versa. Les entreprises adoptent souvent de courtes échelles salariales au bas de la structure salariale parce qu’à ce niveau les emplois sont généralement transitoires, que l’apprentissage et la réalisation des emplois de manière autonome et compétente sont rapides, que les titulaires des emplois ont peu d’eets sur les résultats de l’organisation et que le rendement varie peu entre les titulaires d’un même emploi. À l’inverse, les échelles salariales des emplois situés au sommet de la structure salariale doivent être plus longues parce qu’à ce niveau il faut souvent plus de temps pour assumer les responsabilités de façon satisfaisante et autonome, que les titulaires ont généralement plus d’eets sur les résultats de l’organisation et que le rendement relatif des titulaires des emplois varie davantage. Ainsi, il est fréquent de voir des échelles salariales dont l’étendue varie de 10 % à 25 % pour les employés de production et d’entretien, de 30 % à 40 % pour le personnel de bureau, de 30 % à 60 % pour les professionnels et les cadres et de 60 % et plus pour le personnel de direction de grandes entreprises.

Fixer le point de contrôle de l’échelle salariale de chaque classe d’emplois Selon leur politique salariale au regard du marché, les entreprises doivent établir les points milieux, ou points de contrôle, des échelles salariales des classes d’emplois. Par exemple, si une entreprise veut être à la tête du marché, elle doit établir les points milieux des échelles salariales de ses classes d’emplois à un taux plus élevé que le salaire moyen oert pour des emplois similaires sur le marché. À l’inverse, si une entreprise veut être à la remorque du marché, elle doit xer les points milieux de ses échelles salariales à un taux inférieur au taux du marché. Comme la politique salariale des entreprises consiste souvent à égaler le marché, le point milieu de l’échelle est habituellement égal au taux de salaire moyen ou médian oert sur le marché selon les résultats d’une ou de plusieurs enquêtes de rémunération. Ce taux de salaire moyen est aussi associé à un rendement satisfaisant et autonome dans l’exécution du travail. An d’assurer le respect de la politique salariale, l’organisation contrôle les salaires, notamment en se référant au ratio comparatif, qu’on calcule en divisant le salaire actuel de chaque employé par le point de contrôle (point milieu ou maxi-normal) de l’échelle

La gestion des structures salariales

salariale de sa classe d’emplois. Par exemple, si le salaire annuel d’un employé est de 34 000 $ et que le point milieu de son échelle salariale soit de 30 000 $, la valeur du ratio comparatif du salaire de cet employé est de 1,13 (34 000 $ ÷ 30 000 $) ou de 113 % s’il est exprimé en pourcentage. En plus d’être calculés pour chaque employé, les ratios comparatifs peuvent être calculés pour chaque classe d’emplois, pour chaque service, et ainsi de suite. Ces ratios s’interprètent de la façon suivante : un ratio comparatif de 1 (ou de 100 %) signie que le salaire de l’employé est égal au point de contrôle de l’échelle salariale ; lorsque le ratio est inférieur à 1 (ou à 100 %), le salaire de l’employé est inférieur au point de contrôle, et lorsqu’il est supérieur à 1 (ou à 100 %), son salaire est supérieur au point de contrôle.

Déterminer ou mettre à jour les taux de l’échelle salariale de chaque classe d’emplois An de déterminer le taux minimal et le taux maximal d’une échelle salariale, on s’appuie couramment sur les résultats d’enquêtes de rémunération. Ainsi, on peut d’abord établir le point milieu de l’échelle salariale à un taux concurrentiel par rapport au marché et, ensuite, déterminer l’écart qui est requis de chaque côté du point milieu pour qu’on reconnaisse les diérences individuelles entre les titulaires des emplois. Par ailleurs, si une entreprise désire se situer à la médiane du marché, il est possible de tracer les courbes représentant les premiers quarts et les troisièmes quarts de la distribution des salaires versés sur le marché. Pour bon nombre d’organisations, ces courbes salariales (le 25e et le 75e centile) fournissent un indice permettant d’établir les minimums et les maximums de chacune des classes d’emplois de la structure salariale. On établit les niveaux minimaux de salaires en tenant compte du fait qu’il s’agit des salaires oerts lors du recrutement de candidats sans expérience dans un emploi. Les salaires oerts doivent donc permettre de recruter des candidats sur le marché, particulièrement pour les classes inférieures d’emplois, là où l’on embauche le plus de candidats sans expérience. L’intervalle entre le salaire minimal et le point milieu d’une échelle salariale doit être ajusté selon la période moyenne requise pour que les employés aient un rendement pleinement satisfaisant dans l’exécution de leur travail. L’encadré 6.2 (voir la page 277) montre comment calculer les salaires minimal et maximal d’une échelle salariale une fois que son point de contrôle et son étendue sont déterminés. Notons que les formules suggérées proposent des intervalles symétriques, c’est-à-dire une distance égale entre le point milieu et le maximum et entre le point milieu et le minimum, ce qui est d’ailleurs souvent le cas. Toutefois, si le minimum de l’échelle salariale est xé à 12 % de moins que le maxi-normal et si l’écart entre le maxi-normal et le maxi-mérite est établi à 20 %, on ne peut plus utiliser l’expression « point milieu » pour décrire le maxinormal, puisque celui-ci ne se situe pas au point milieu de l’échelle des salaires.

Déterminer ou mettre à jour les échelons de l’échelle salariale de chaque classe d’emplois Bien qu’on trouve des échelles salariales comportant entre 3 et 15 échelons, les échelles salariales à 6 ou à 7 échelons sont plus courantes. Pour déterminer les échelons d’une échelle salariale, il faut d’abord considérer le pourcentage d’écart entre le point minimal et le point maximal et, par la suite, décider d’un pourcentage acceptable d’augmentation de salaire d’un échelon à l’autre. Lorsqu’on veut proposer des échelles comprenant de nombreux échelons, le pourcentage d’augmentation de salaire peut être de 2 %. Toutefois, comme ce pourcentage paraît faible si l’on considère l’impôt sur le revenu, il n’est pas rare d’utiliser un taux de l’ordre de 3 % ou 4 %. On constate que le temps requis pour passer du point minimal au point milieu (ou maxi-normal) peut diérer d’une famille d’emplois à l’autre ; ainsi, on peut établir qu’il

279

280

CHAPITRE 6

est de trois ans pour le personnel de bureau et de quatre ans pour les professionnels. La détermination de l’écart de salaire entre le point milieu (ou maxi-normal) et le maximum (ou maxi-mérite) doit correspondre à un écart jugé approprié, par exemple, entre un employé dont le rendement est exceptionnel et un autre dont le rendement est satisfaisant. L’établissement d’échelons « ociels » est présent surtout dans certains contextes, notamment dans les milieux syndiqués et chez les employés de production. Par ailleurs, on s’appuie moins fréquemment sur des échelons préétablis pour gérer les salaires des titulaires des emplois de cadres et de professionnels dans les entreprises du secteur privé qui ne comptent pas de syndicat.

Analyser le chevauchement entre les échelles salariales des classes d’emplois En règle générale, les échelles salariales adjacentes d’une structure salariale se chevauchent, de sorte que le taux maximal de l’échelle salariale d’une classe d’emplois est supérieur au taux minimal de l’échelle salariale de la classe d’emplois suivante (voir les distances c-d dans la gure 5.1, à la page 192). Le chevauchement de deux échelles salariales adjacentes signie qu’un employé occupant un emploi d’une classe d’emplois inférieure peut avoir un salaire plus élevé qu’un employé occupant un emploi d’une classe d’emplois supérieure. Un tel chevauchement permet de reconnaître les contributions individuelles (par exemple, le rendement, l’ancienneté, le potentiel) sans qu’il y ait de changement de classe d’emplois. De plus, ce recoupement des échelles salariales des classes d’emplois adjacentes reconnaît la subjectivité des résultats de l’évaluation des emplois. Ainsi, plus les taux de salaires de classes d’emplois adjacentes se chevauchent, moins les conséquences d’une erreur d’évaluation de leurs emplois ont des incidences sur le salaire. À l’opposé, moins les échelles salariales des classes d’emplois adjacentes se recoupent, plus l’évaluation des emplois doit être exacte, car la variance dans les salaires versés pour les emplois de ces deux classes d’emplois est plus importante. L’encadré 6.3 montre comment calculer le pourcentage du chevauchement des échelles salariales de deux classes d’emplois adjacentes. Plus le recoupement de ces échelles salariales est important, moins la structure salariale incite les employés à progresser dans la structure des emplois, et plus les promotions soulèvent des problèmes de respect de la structure salariale (on parle alors d’un problème de compression salariale). En eet, lorsqu’il y a beaucoup de recoupements des échelles salariales adjacentes qui reconnaissent le rendement des ENCADRÉ 6.3

Le calcul du pourcentage de chevauchement des échelles salariales de deux classes d’emplois adjacentes

Formule : Salaire maximal classe (n)* – Salaire minimal classe (n + 1) Salaire maximal classe (n) – Salaire minimal classe (n) Exemple : (19,00 $ – 17,91 $) (19,00 $ – 17,00 $) (1,09) (2,00) * Taux horaire ou salaire annuel.

× 100 %

× 100 % = 54,5 %

× 100

La gestion des structures salariales

titulaires au-delà du point milieu, l’employé promu peut se voir accorder un salaire plus élevé que le salaire correspondant au point milieu de la classe d’emplois de son nouvel emploi. Pour éviter de tels problèmes liés aux promotions internes, on peut établir que le taux de salaire maximal d’une classe d’emplois reste inférieur au point milieu de la classe d’emplois subséquente. Comme les employés promus peuvent être près du maximum de leur échelle salariale, cela permet de leur accorder une certaine augmentation de salaire et de leur orir un potentiel de progression salariale. Par exemple, si une politique exige qu’on accorde aux employés nouvellement promus une augmentation de salaire minimale de 10 %, une structure salariale où les maximums des classes seraient d’environ 10 % inférieurs aux points milieux des classes d’emplois supérieures adjacentes serait adéquate. Finalement, l’acceptation des chevauchements par les employés est inversement proportionnelle à l’ampleur de ces chevauchements. Un chevauchement supérieur à trois ou quatre classes d’emplois risque d’apparaître comme trop grand et d’être jugé inéquitable étant donné que des employés dont les responsabilités ont une valeur très diérente peuvent obtenir le même salaire. Il faut que les promotions correspondent non seulement à un changement de titre, mais également à un changement de salaire et à un potentiel de progression du salaire jugés susants pour encourager les employés à rechercher et à accepter les promotions ou à se perfectionner.

Analyser les écarts entre les points milieux des échelles salariales des classes d’emplois adjacentes Les écarts entre les points milieux des échelles salariales des classes d’emplois adjacentes peuvent être constants ou croissants. Bien que les écarts constants soient plus faciles à justier, les écarts croissants peuvent être acceptés par des employés. Les raisons qui justient une telle croissance dans les écarts entre les points milieux de ces échelles salariales sont essentiellement les mêmes que celles qui justient la taille croissante des échelles salariales. Ce sont l’inuence du poste sur les résultats de l’organisation, la structure progressive des impôts à contrebalancer, la rareté relative des personnes aptes et intéressées à occuper les postes de niveaux hiérarchiques supérieurs de même que les salaires octroyés sur le marché. Ainsi, plus les écarts entre les points milieux des échelles salariales des classes d’emplois adjacentes sont importants, plus la structure salariale incite les employés à progresser dans la structure des emplois. Par ailleurs, une accentuation des écarts entre ces points milieux signie que plus les employés progressent dans la structure des emplois, plus ils y gagnent sur le plan du salaire. En pratique, les écarts entre les points milieux des classes d’emplois adjacentes varient de 3 % à 5 % au bas de la structure et atteignent de 25 % à 30 % dans le haut de la structure. Dans les grandes organisations, il n’est pas rare de trouver des écarts salariaux de 40 % à 50 % entre les points milieux des classes d’emplois supérieures. Toutefois, d’une façon générale, il est assez fréquent d’observer des écarts de 5 % à 7 % entre les points milieux des classes d’emplois adjacentes des structures salariales du personnel de production ou du personnel de bureau. Dans le cas des professionnels et du personnel de soutien, une norme minimale de 10 % à 15 % est souvent adoptée. L’étendue des écarts entre les points milieux des classes d’emplois adjacentes a un eet direct sur l’ampleur du chevauchement des échelles salariales. Ainsi, plus les échelles salariales sont longues, plus il y a de chevauchements entre elles lorsque les écarts entre ces points milieux sont faibles. L’inverse est également vrai : plus les échelles de salaires sont petites, moins les classes d’emplois se chevauchent lorsque les écarts salariaux entre les points milieux sont importants. En résumé, il faut considérer les aspects suivants pour xer les diérences entre les points milieux des classes d’emplois adjacentes :

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CHAPITRE 6





Moins il y a de diérence entre les points milieux des échelles salariales des classes d’emplois adjacentes, moins les échelles salariales peuvent être longues (moins les titulaires d’un même emploi peuvent se voir accorder des salaires diérents). Ainsi, une différence « point milieu – point milieu » de 3 % peut provoquer l’établisse ment de 50 classes d’emplois, alors qu’une diérence de 20 % peut mener à l’établissement de 5 ou 6 classes d’emplois. Plus les échelles salariales des classes d’emplois sont longues, plus on accorde des taux de salaires diérents pour des titulaires d’un même emploi ou d’emplois ayant des exigences semblables (des emplois de la même classe d’emplois).

Déterminer ou mettre à jour les critères de progression dans les échelles salariales de chaque classe d’emplois Comment les employés peuvent-ils progresser dans les échelles salariales ? La réponse à cette question dépend d’abord des critères d’octroi des augmentations de salaires individuelles et du type d’échelles salariales. Il faut déterminer sur quelle base l’organisation veut appliquer le principe de l’équité individuelle. Il peut s’agir des années de service, du rendement mesuré par l’atteinte d’objectifs, de la reconnaissance des compétences ou d’une combinaison de ces derniers indicateurs.

La reconnaissance des années de service des titulaires des emplois À quel moment les entreprises tendent-elles à ajuster les salaires selon l’ancienneté des employés ? Généralement, elles eectuent cet ajustement lorsqu’elles valorisent la stabilité de la catégorie de personnel visée, lorsque le coût de la rotation de ce personnel est élevé, lorsque le rendement d’une catégorie de personnel est fonction des années de service ou lorsque le personnel est syndiqué. En eet, le seul critère d’individualisation des salaires historiquement accepté par les syndicats est l’ancienneté, principalement en raison de son caractère objectif. Toutefois, il faut reconnaître que les augmentations de salaires basées sur les années de service ne représentent pas le seul moyen d’inciter le personnel à rester au service de l’entreprise. Des organisations préfèrent procéder autrement, par exemple en orant de meilleurs avantages sociaux ou de meilleures possibilités de promotions. Si l’on veut que la gestion des salaires reconnaisse les années de service, les augmentations de salaires peuvent être annuelles et, dans ce cas, le nombre d’échelons devient théoriquement illimité. Ainsi, après 30 années de service, un employé peut encore recevoir une augmentation de salaire ou une prime d’ancienneté. Cependant, il serait pour le moins irrationnel d’accorder des augmentations de salaires ou des primes d’ancienneté durant une période aussi longue. La pratique courante consiste à accorder des augmentations de salaires plus fréquentes au début de l’emploi et à les espacer de plus en plus par la suite, puisque c’est au début d’un emploi qu’un employé est le plus porté à quitter l’organisation. Pour le personnel syndiqué et le personnel de bureau, on trouve souvent des échelles salariales, comportant six ou sept échelons, où le salaire des employés est fonction de leur ancienneté. Ainsi, le minimum peut représenter le salaire lors de l’embauche, et le salaire de l’employé peut ensuite augmenter d’un échelon chaque année, ou encore son salaire peut se situer à l’échelon 1 après sa période d’essai, à l’échelon 2 après 6 mois, à l’échelon 3 après 1 an, à l’échelon 4 après 3 ans, à l’échelon 5 après 5 ans et à l’échelon maximal après 10 ans. Prenons un autre exemple : un employé embauché au taux minimal d’une échelle salariale peut voir son salaire augmenter de 3 % après trois mois, six mois et un an. Par conséquent, à la n de la première année, son salaire est plus élevé de près de 10 % qu’à son arrivée dans l’organisation. Par la suite, les augmentations de salaires fondées sur l’ancienneté seront de plus en plus espacées.

La gestion des structures salariales

La reconnaissance du rendement individuel des titulaires des emplois Le salaire dit « au mérite » consiste à tenir compte de la performance individuelle des employés dans la détermination de leur augmentation (généralement annuelle) de salaire. Dans le chapitre 8, nous traiterons plus en détail des atouts et des limites de ce mode de gestion des salaires, et plus précisément des grilles ou des matrices d’augmentations de salaires au mérite. Aux ns de ce chapitre, disons qu’il existe divers types d’échelles salariales basées sur le rendement individuel. La gure 6.4 illustre une échelle « mini-maxi » dans laquelle on trouve deux maximums : le maxi-normal (point de contrôle ou point milieu) et le maximérite. Ce type d’échelle vise à orir aux employés un salaire correspondant au salaire qui est attribué sur le marché à des titulaires occupant des emplois semblables et qui s’accorde avec le niveau de leur rendement. S’il ne détient aucune expérience dans l’emploi, un candidat est embauché au taux minimal. Toutefois, comme l’entreprise tient compte de l’expérience et du rendement prévu pour établir le salaire d’un nouvel employé, il est assez fréquent que le salaire xé au moment de l’embauche se situe entre le minimum et le maxi-normal selon l’expérience et que le titulaire voie ensuite son salaire augmenter progressivement jusqu’au maxi-normal en fonction de son rendement. Le maxi-normal correspond aux salaires versés aux titulaires des emplois qui sont qualiés et qui ont un rendement pleinement satisfaisant, et donc un niveau de mérite normal. Il correspond souvent au point milieu de l’échelle « mini-maxi-mérite ». Le maxi-normal constitue alors un point de contrôle et la rémunération est appelée « salaire aux points de contrôle ». Les points milieux des échelles sont souvent établis de manière à être équivalents aux taux du marché dans la mesure où la politique de la majorité des organisations consiste à égaler le marché. Lorsque le rendement d’un employé se maintient à un niveau plus que satisfaisant, son salaire doit se situer entre le maxi-normal et le maxi-mérite. Le maxi-mérite équivaut au salaire versé à l’employé dont le rendement est exceptionnel et soutenu. Par ailleurs, comme un employé acquiert plus rapidement de l’expérience au cours de ses premiers mois ou de ses premières années de travail, le salaire d’un nouvel employé peut, par exemple, être révisé en fonction de son rendement après trois mois, six mois et, par la suite, chaque année. Pour les cadres, les entreprises utilisent souvent des échelles salariales

FIGURE 6.4

L’échelle salariale basée sur le rendement des employés

283

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CHAPITRE 6

mini-maxi-mérite sans échelon qui peuvent être ou ne pas être graduées, de sorte que diérents montants de salaires correspondent à diérents niveaux de rendement.

La reconnaissance des compétences des titulaires des emplois Même si une structure salariale xe et gère les salaires en s’appuyant principalement sur les exigences relatives des emplois, elle peut aussi permettre de considérer les compétences des employés de deux manières principales : lors de l’évaluation des emplois étant donné qu’elle tient compte des compétences requises par les titulaires des emplois (comme les habiletés et les connaissances) et lors de la xation des augmentations de salaires individuelles qui peuvent être fonction du rendement, mesuré entre autres par l’acquisition ou la démonstration de compétences. En pratique, les gestionnaires semblent regrouper sous le terme « compétences » tous les critères autres que ceux qui portent sur des résultats tels que le volume de ventes, le nombre d’unités produites et l’atteinte d’objectifs. Aussi, dans la mesure où une entreprise tient compte, pour déterminer les salaires, les primes ou toutes autres récompenses d’une catégorie d’employés, des connaissances, des habiletés, des traits, des aptitudes ou des comportements, elle peut dire qu’elle rémunère leurs compétences. On peut d’ailleurs interroger la distinction claire que certains auteurs semblent faire entre la rémunération en fonction des emplois et la rémunération en fonction des compétences. Tout n’est pas blanc ou noir ; il y a plutôt une palette d’approches grisâtres qui sont privilégiées pour rémunérer les compétences. D’ailleurs, les entreprises qui ont des systèmes de rémunération des compétences n’ignorent pas d’autres facteurs comme les salaires sur le marché, les exigences des emplois, le budget et les résultats et accordent un poids variable aux compétences dans la gestion des salaires. En somme, la rémunération des compétences ne remplace pas forcément les façons de faire traditionnelles et courantes ; elle peut également s’intégrer à elles. À titre d’exemple, la gure 6.5 illustre deux manières dont il est possible de rémunérer les compétences à l’aide d’une structure salariale basée sur les responsabilités des emplois. Cette manière de rémunérer les compétences est d’ailleurs présente depuis des années. Ainsi, en 1997-1998, une enquête menée par la société Towers Perrin montrait que, parmi les organisations qui disent orir une rémunération basée sur les compétences, 84 % d’entre elles continuent d’utiliser leur processus d’évaluation des emplois et 70 % disent octroyer les augmentations de salaires individuelles en tenant compte du rendement aussi bien que des compétences des employés. En 1996, une autre enquête, menée par l’American Compensation Association, indiquait que les applications les plus courantes de la rémunération des compétences consistent à considérer celles-ci dans la détermination des augmentations de salaires (42 %) et dans l’évaluation des emplois (15 %). Pour ce faire, on a eu tendance à revoir l’évaluation du rendement des cadres et des professionnels pour faire en sorte que leurs augmentations de salaires soient fonction non plus uniquement d’une cote de rendement basée sur la réalisation de résultats (le quoi), mais aussi de la mise en pratique de compétences (le comment).

La reconnaissance d’une combinaison de contributions des titulaires des emplois Quoique cela ne se produise pas fréquemment, certaines échelles salariales sont pourvues d’échelons jusqu’au point milieu, mais pas au-delà. Le minimum représente le taux de salaire octroyé au moment de l’embauche. Par la suite, le salaire peut progresser selon un critère comme l’ancienneté jusqu’au maximum normal. Au-delà du maxi-normal, les augmentations de salaires individuelles reposent sur un rendement extrêmement satisfaisant ou sur l’acquisition de compétences de base. Comme aucun échelon n’a été établi au-delà du maxi-normal, l’ordre de grandeur des augmentations de salaires est très exible. La rapidité de la progression jusqu’au maxi-normal peut aussi être fonction de

La gestion des structures salariales

FIGURE 6.5

Deux exemples de rémunération des compétences dans une structure salariale basée sur les responsabilités des emplois

Zone de développement

Zone de valeur sur le marché cible

Zone primée

• Promotion récente ou nouvelle embauche

• Maîtrise complète des responsabilités du poste

• Maintien soutenu d’un rendement exceptionnel

• Possession des qualications essentielles pour le poste

• Rendement continu qui satisfait aux attentes ou les dépasse

• Amélioration constante de la contribution

• Occasions de développement à long terme

• Ecacité en regard de la plupart des compétences

• Occupation d’un rôle modèle à l’égard de nombreuses compétences critiques

1) Échelle salariale segmentée 38 000 $

42 200 $

47 800 $

52 000 $

2) Taux de salaire selon la position Taux de développement 40 000 $

Taux d’ecacité 45 000 $

Taux avancé 55 000 $

Source : Traduit de Rahbar-Daniels (2003, p. 71).

critères tels que les résultats de l’évaluation du rendement ou l’acquisition de compétences particulières. Par exemple, une cote de rendement satisfaisant ou l’acquisition d’une compétence peut correspondre à un échelon.

Gérer les échelles salariales en respectant le principe de neutralité Si la Loi sur l’équité salariale du Québec exige l’égalité de la rémunération entre les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente, elle ne traite pas de la discrimination dans la gestion de leurs salaires respectifs. Pourtant, l’iniquité dans la rémunération des catégories d’emplois à prédominance féminine et des catégories d’emplois à prédominance masculine peut s’exprimer par le nombre d’échelons de leurs échelles salariales respectives, les taux minimaux et maximaux de leurs échelles salariales, le taux de progression dans leurs échelles salariales, etc. Ainsi, une entreprise peut comporter une catégorie d’emplois féminine qui a un taux maximal égal à celui d’une catégorie d’emplois masculine de valeur équivalente, mais une véritable équité salariale n’est pas établie si la première catégorie est rémunérée selon une échelle salariale comportant 12 échelons et qu’il faille en moyenne 15 ans pour atteindre le niveau supérieur, alors que l’échelle de la seconde catégorie comporte 3 échelons et qu’il ne faut que 5 ans pour atteindre le niveau supérieur. En pratique, les catégories d’emplois à prédominance féminine ont souvent des échelles salariales plus étendues que les catégories d’emplois à prédominance masculine où l’on trouve plus de taux uniques (Chicha, 2011). Par ailleurs, d’autres caractéristiques des échelles salariales ne doivent pas être liées à la prépondérance sexuelle des catégories d’emplois à prédominance féminine

285

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CHAPITRE 6

lorsque la complexité et le rythme d’apprentissage sont semblables à ceux des emplois à prédominance masculine, notamment les taux minimaux et maximaux, le rythme de progression entre échelons, le nombre d’années exigées pour atteindre le niveau supérieur de l’échelle ou le rythme d’augmentation salariale entre les échelons. Aussi, il importe de comparer la moyenne des ratios comparatifs (les salaires réels des employés divisés par le point de contrôle de l’échelle) des catégories d’emplois à prédominance féminine avec celle des ratios comparatifs des catégories d’emplois à prédominance masculine an de juger si les échelles et les ajustements salariaux sont exempts de discrimination fondée sur le sexe.

6.3

Les structures salariales basées sur les compétences des titulaires des emplois

Quoiqu’il soit d’un usage quasi généralisé, le processus traditionnel de détermination et de gestion des salaires se fondant sur la valeur relative des exigences des emplois présente des limites1. En outre, on fait les reproches suivants aux structures salariales basées sur les exigences relatives des emplois : • Elles incitent peu les employés à acquérir des habiletés ou à accomplir des tâches qui ne sont pas mentionnées dans leur description d’emploi, ce qui alimente une culture de rigidité ou de résistance aux changements. • Elles négligent la prise en compte du marché dans l’appréciation de la valeur des emplois en privilégiant l’analyse de leurs exigences relatives. • Elles présument l’existence de contenus d’emplois précis alors que nombre d’organisations veulent adopter des modes d’organisation du travail plus exibles et éviter de dénir les emplois de manière détaillée et par écrit. • Elles incitent le personnel à exagérer les exigences des emplois ou à faire réévaluer leur emploi an qu’il comporte plus de responsabilités et, en conséquence, qu’il soit mieux payé. • Elles accordent une valeur plus grande (biais implicite) aux habiletés de gestion qu’aux habiletés techniques ou scientiques. En réaction à ces limites, certaines organisations modient leur mode de gestion des salaires pour l’ensemble ou une partie de leur personnel an d’adopter une structure salariale principalement basée sur les compétences ou les habiletés des titulaires des emplois. La prochaine sous-section porte sur cette approche.

6.3.1 Les structures salariales basées sur les compétences : dénition Depuis le début des années 1990, bon nombre d’organisations ont décidé d’appuyer davantage leurs activités de gestion des ressources humaines (GRH) sur des systèmes ou des programmes basés sur les compétences. L’approche de la gestion des compétences vise à apporter plus de exibilité que les pratiques traditionnelles de gestion des carrières, qui étaient plutôt centrées sur les exigences des postes (Foucher, 2010). En eet, la gestion des compétences présente l’atout de reconnaître l’employé en fonction de son apport réel à l’entreprise, et non selon le poste qu’il occupe. On peut considérer les compétences 1. Cette section s’appuie sur des extraits d’un chapitre à paraître de St-Onge et Morin (2014).

La gestion des structures salariales

comme les capacités reconnues d’une personne au regard de certains aspects du savoir (connaissances), du savoir-faire (habiletés, comportements) et du savoir-être (attitudes, traits de personnalité). Même si de nombreux auteurs ont proposé l’adoption de la rémunération des compétences au cours des années 1990, force est d’admettre que les structures salariales basées sur les compétences restent peu répandues (Zingheim et Schuster, 2009). À ce jour, les dirigeants se bornent souvent à intégrer le concept de compétences aux activités de dotation (sélection et promotion), de formation et de gestion de la performance. De fait, la gestion des salaires se révèle souvent la dernière activité de GRH dans laquelle on intègre le concept de compétences, lorsque c’est le cas. Cette sous-section expliquera ce qu’est une structure salariale basée sur les compétences en présentant des exemples, les dés qu’elle implique et les conditions de succès à respecter pour en améliorer l’ecacité. Une structure salariale basée sur les caractéristiques des personnes, c’est-à-dire sur leurs habiletés, leurs connaissances ou leurs compétences, peut remédier aux limites des pratiques traditionnelles de gestion des salaires, qui sont liées à la valeur relative des exigences des emplois. Selon une structure de gestion des salaires qui prend appui sur la personne, le salaire des employés devient fonction de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils peuvent faire, et non plus de ce qu’ils font. En eet, une structure salariale basée sur les personnes consiste à rattacher le salaire des employés à la nature, à la variété ou à la spécialisation des habiletés, des connaissances ou des compétences qu’ils acquièrent et qui sont pertinentes pour la tâche. Par conséquent, alors que les structures salariales basées sur les emplois reposent sur des processus d’évaluation des responsabilités, celles qui sont basées sur les personnes s’appuient sur des processus de description, d’analyse et d’évaluation des acquis des employés : les habiletés, les connaissances ou les compétences. Certains auteurs utilisent l’expression « salaires basés sur les habiletés » (skills) pour désigner les structures salariales basées sur les compétences techniques du personnel de production ou de services et préfèrent l’expression « salaires basés sur les compétences » pour qualifier les structures salariales basées sur les compétences des cadres et des professionnels ou du personnel de services (Fuehrer, 2011). Toutefois, comme cette distinction entre les compétences techniques (habiletés) et les compétences de gestion ne fait pas l’unanimité, nous utiliserons, aux fins de ce chapitre, l’expression « salaires basés sur les compétences » avec l’idée qu’elle peut tout aussi bien se rapporter à des connaissances générales ou spécialisées, à des habiletés, à des aptitudes, à des comportements et à des traits. De fait, les structures salariales basées sur les personnes ne correspondent pas du tout à une pratique unique et uniforme, comme certains auteurs semblent le laisser croire. Aussi, cette sous-section vise à illustrer ce que peut être une structure salariale basée sur les compétences techniques (souvent utilisée pour le personnel de production) ou sur les compétences de gestion ou comportementales (souvent utilisée pour les cadres, les professionnels ou le personnel de recherche et développement).

6.3.2 Les structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques À ce jour, la rémunération déterminée d’après les compétences techniques ou les habiletés a surtout été adoptée par de grandes entreprises manufacturières à l’intention des employés de production. Les nouveaux modes d’organisation du travail et styles de gestion, qui ont caractérisé en particulier les années 1980 et 1990, exigeaient des changements dans les attitudes et les comportements traditionnels des employés de production (souvent

287

288

CHAPITRE 6

syndiqués), qui devaient se concrétiser dans la manière de les payer de façon à les inciter à acquérir de nouvelles habiletés et à accroître leur polyvalence. Aux yeux des syndicats, le fait d’orir des salaires basés sur les compétences techniques est plus susceptible d’être accepté, ou du moins il apparaît plus dicile pour eux de s’opposer au développement de leurs membres. En eet, historiquement, les syndicats se sont opposés à la rémunération selon le rendement individuel. Pourtant, on peut fort bien décrire la rémunération des habiletés implantée dans les entreprises où les syndicats sont implantés comme un régime qui lie le salaire des employés à leur rendement individuel, mesuré selon le nombre et la valeur des habiletés qu’ils acquièrent. On voit ici que le choix d’un terme peut être déterminant.

Des exemples de structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques Les structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques sont conçues pour les besoins propres d’une organisation. Par contre, une approche courante consiste à exiger que les employés aient tous, au moment de leur embauche dans une organisation, des habiletés de base préétablies pour pouvoir obtenir un salaire horaire de base préétabli. Par la suite, un employé peut voir son salaire augmenter en suivant des cours de formation, proposés ou optionnels. Selon le nombre de points attribués aux diverses formations et le nombre de cours optionnels suivis, l’employé peut être désigné en tant que technicien d’un niveau donné (par exemple, I, II, III ou IV) et voir son salaire augmenter en conséquence, et ce, quelle que soit la nature du travail qu’il exécute. La gure 6.6 fournit un exemple de structure salariale basée sur les habiletés pour le personnel de production.

L’élaboration et la gestion des structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques L’élaboration des structures salariales basées sur les habiletés ou les compétences techniques repose sur les étapes suivantes : l’analyse des compétences techniques (habiletés), l’établissement de blocs de compétences ainsi que la certication et la recertication des compétences. L’organisation doit dénir ce qu’elle entend par « habiletés » ou « compétences techniques ». S’agit-il de responsabilités, de connaissances, d’aptitudes, de comportements, etc., associés à une seule des étapes du processus de production ? à certaines de ces étapes ? à toutes ces étapes ? Une structure de progression des salaires selon les habiletés est souvent établie suivant une analyse et une classication de toutes les habiletés (en « blocs de connaissances techniques », dans bien des cas) nécessaires pour faire le travail au sein d’une organisation. En vue de déterminer le nombre de blocs d’habiletés, l’organisation doit considérer le potentiel des employés, la nature du travail et l’ampleur de la polyvalence recherchée. La progression des salaires individuels selon les habiletés est souvent fonction du nombre ou de la valeur des blocs d’habiletés, susceptibles de se trouver très près des tâches, que les employés sont susceptibles d’acquérir en suivant des Au moment de leur embauche dans une organisation, tous formations particulières qui peuvent être de nature les employés doivent avoir certaines habiletés de base détermivariée (par exemple, des cours théoriques ou le coaching nées pour pouvoir obtenir un salaire horaire de base préétabli. du superviseur ou de collègues).

La gestion des structures salariales

FIGURE 6.6

Un exemple de structure salariale basée sur les habiletés pour des techniciens

Formation obligatoire

• Qualité des produits • Manipulation du matériel • Vidéo : matières dangereuses

• Sécurité du travail • Atelier d’orientation

Formation proposée Nbre de points

• Fabrication de panneaux • Fabrication de panneaux • Fabrication de panneaux • Peinture de nition • Abrasif de nition • Préparation de surface • Assemblage des machines • Inspection de nition • Inspection des machines • Soudure • Réparation de tuyauterie • Inspection des soudures • Opération de la machine MT13

• Opération de la machine MT12

• Dégraissage • Assemblage • Inspection à la réception Source : Traduit et adapté de Milkovitch et al. (2011, p. 168).

15 20 25 25 15 15 20 10 25 20 10 10 35 35 5 20 35

Formation optionnelle (nombre optionnel)

• Entretien • Informatique – Excel • Traitement de textes • Centre d’évaluation du potentiel

• Développement de carrière • Prise de décision en groupe • Coach et facilitateur • Résolution de problèmes • Sécurité de l’usine • Gestion • Relations publiques

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290

CHAPITRE 6

De telles structures salariales reconnaissent souvent l’acquisition d’habiletés horizontales ou élargies, c’est-à-dire l’acquisition d’une multitude d’habiletés diverses, mais comparables quant à la diculté qu’elles comportent. Il peut s’agir d’apprendre toutes les activités d’une équipe de travail, ou encore de maîtriser toutes les activités d’un processus d’ore de service ou de production d’un bien. Le nombre total de blocs d’habiletés ne doit pas être trop petit ni trop grand si l’on veut qu’il y ait une réelle possibilité de croissance et d’amélioration du salaire pour les employés et que le régime reste simple à gérer et compréhensible et réaliste pour les employés. Ensuite, il faut analyser et prévoir le temps requis pour atteindre le taux de salaire maximal et pour apprendre chacune des unités d’habiletés et les transférer dans le travail quotidien. La période d’apprentissage ne doit pas être trop courte, sinon il faudrait rémunérer des personnes pour des habiletés qu’elles ne maîtrisent pas entièrement, ni trop longue, pour ne pas provoquer de frustrations chez les employés. En fait, la structure de progression des salaires doit être représentative du niveau de diculté de l’apprentissage. Certaines organisations adoptent des règles en matière de période (nombre de semaines ou de mois) de récupération des habiletés (pay back period) permettant de s’assurer que l’employé maîtrise les habiletés nouvellement acquises et qu’il donne un rendement satisfaisant et constant avant d’entreprendre un nouvel apprentissage. Pour établir le montant du salaire associé à l’acquisition des diérentes habiletés, on peut considérer divers critères, tels que la valeur relative accordée aux unités d’habiletés, la durée de l’apprentissage et la valeur des habiletés sur le marché. Dans certaines organisations, le passage d’un niveau d’habiletés à un autre est quasi automatique après que l’employé a suivi une formation ou passé un certain temps à exécuter une tâche, alors que dans d’autres, l’employé doit se soumettre à une évaluation plus ocielle (par exemple, un examen écrit, une évaluation par le supérieur, par les pairs). Les modes d’évaluation et de certication des compétences sont multiples : examens écrits, simulations, vérication de la capacité d’eectuer une tâche ou d’occuper un poste d’une façon satisfaisante pendant un certain temps. La certication correspond à une augmentation de salaire préétablie et, dans certains cas, à l’obtention d’un diplôme ou d’une mention. Il importe aussi que les organisations adoptent des mécanismes de réévaluation des habiletés an de s’assurer que les employés maintiennent le niveau d’habiletés pour lequel ils sont payés, et même pour éviter aux employés une baisse de salaire. Quoique le superviseur immédiat puisse assumer seul la responsabilité de la validation des habiletés, il est également susceptible de le faire en compagnie d’autres intervenants, comme un professionnel du service des ressources humaines, d’autres cadres ou des collègues de l’employé.

6.3.3 Les structures salariales basées sur les compétences générales Si l’adoption de structures salariales basées sur les compétences générales2 s’est d’abord concentrée parmi les employés de production des entreprises manufacturières, elle s’est peu à peu étendue à d’autres catégories de personnel, comme les cadres, le personnel de recherche et développement, les professionnels, ainsi qu’à d’autres secteurs d’activité, comme les services et la haute technologie, sous le vocable « structure salariale basée sur les compétences ». De telles structures salariales reconnaissent généralement l’acquisition d’habiletés verticales, c’est-à-dire d’habiletés supérieures (par exemple, en gestion ou en supervision). Ainsi, il peut s’agir de l’acquisition d’habiletés relatives à la formation, à la communication,

2. Certaines parties de cette sous-section s’appuient sur le texte de Craig-Duchesne et St-Onge (2013).

La gestion des structures salariales

à la conduite de réunions (pour ce qui est des habiletés de gestion) ou de contrôle de la qualité (pour ce qui est des habiletés techniques ou professionnelles supérieures). L’approche de la gestion des compétences permet à l’entreprise de valoriser l’acquisition de compétences jugées fondamentales parce qu’elles sont au cœur de ses facteurs de succès ou qu’elles sont liées à ses valeurs de gestion. Selon ce type de structure salariale, les compétences relatives des cadres ou d’autres catégories de personnel déterminent leur salaire de base et leur statut respectif. Les membres de ces catégories de personnel peuvent ensuite améliorer leur salaire individuel en acquérant ou en démontrant la maîtrise de compétences désignées comme étant liées aux facteurs de succès de l’organisation. En pratique, pour élaborer un modèle de gestion des salaires fondé sur des compétences autres que des habiletés ou des connaissances techniques clés liées au travail, la plupart des organisations s’appuient sur des compétences déjà dénies dans des ouvrages qui proposent des référentiels de compétences (par exemple, Lombardo et Eichinger, 1991 ; Spencer et Spencer, 1993), les compétences les plus fréquemment prises en compte étant celles listées dans l’encadré 6.4.

6.3.4 Les dés liés aux structures salariales basées sur les compétences Plusieurs raisons contribuent à expliquer le faible taux d’adoption de la rémunération des compétences en Amérique du Nord. De nombreux dirigeants sont sceptiques, se demandant s’il est approprié de payer des personnes pour ce qu’on pense qu’elles sont capables de faire sans égard à ce qu’elles font réellement ; ils préfèrent continuer à les payer pour ce qu’elles font sans égard à ce qu’elles sont. L’encadré 6.5 à la page suivante énumère les nombreux dés que pose la gestion de structures salariales basées sur les compétences. En outre, l’élaboration d’une telle structure s’avère relativement complexe et exige une bonne connaissance du contexte d’aaires, du style de gestion et des tâches à eectuer. C’est pourquoi les dirigeants préfèrent souvent la simplicité des modes de rémunération traditionnels basés sur les exigences des emplois, quitte à les adapter pour le mieux au concept de compétences lors de l’évaluation des emplois ou de la détermination des augmentations de salaires. Il ne faut pas s’attendre à voir augmenter la fréquence d’adoption des structures salariales basées sur les compétences, l’implantation de telles structures salariales pures restant le fait d’une minorité d’organisations canadiennes.

ENCADRÉ 6.4 ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■

Des compétences fréquemment évaluées et encouragées

L’orientation vers le client ou le service La collaboration et l’esprit d’équipe L’honnêteté, l’éthique et le professionnalisme L’orientation vers les résultats ou la capacité d’atteindre les buts La santé et la sécurité La compréhension des aaires La qualité et l’amélioration continue La communication Le leadership L’adaptabilité et la exibilité L’esprit d’innovation

Sources : Compilation basée sur les écrits de Zingheim et Schuster (2002, 2009).

291

292

CHAPITRE 6

ENCADRÉ 6.5

■ ■



















Les dés liés à la gestion de structures de rémunération basées sur les compétences techniques ou générales

Ces structures s’avèrent complexes à élaborer, à gérer, à réviser et à expliquer. Elles nécessitent un investissement de temps et d’argent pour former les cadres, car l’établissement des salaires en fonction des compétences personnelles accorde — comme le font les salaires au mérite — un pouvoir discrétionnaire aux superviseurs qu’ils doivent prendre le temps d’exercer. Elles présument que le management saura utiliser à bon escient les compétences acquises par le personnel et pour lesquelles l’organisation paie, ce qui n’est pas simple à vérier. Elles sont peu fréquemment réclamées par les employés et les syndicats, qui sont habitués à une gestion des salaires basés sur les exigences des emplois. Elles impliquent un processus de détermination, d’évaluation (certication) et de révision des compétences que l’on peut percevoir comme plus sujettes aux critiques par le personnel et comme comportant une administration au moins aussi lourde que les structures salariales basées sur les responsabilités. Elles impliquent de nombreux changements dans les mentalités, une longue période de développement et d’implantation et il est dicile de revenir en arrière une fois ce mode de rémunération adopté. Elles risquent d’alimenter des perceptions d’iniquité interne tout autant parmi le personnel couvert par ce mode de rémunération qu’entre le personnel qui ne l’est pas. Elles risquent d’engendrer de fausses attentes en matière de perspectives de carrière et de rémunération parmi le personnel. Elles entraînent une augmentation des taux de salaires (souvent supérieurs au marché), des coûts de gestion des salaires (formation, certication, etc.) et des investissements en développement des compétences ou des habiletés du personnel couvert dont on doute... Elles complexient le contrôle de la compétitivité des salaires sur le marché parce que les enquêtes donnent des informations sur les salaires en fonction des responsabilités des emplois et non des compétences des employés. Elles ne sont pas alignées sur les législations visant à s’assurer de l’équité salariale et de son maintien au sein des entreprises qui doivent s’y conformer. En eet, si elles ne sont pas défendues par le législateur, elles rendent les démarches plus diciles ou incertaines, car ce dernier prône l’évaluation des exigences des emplois.

6.3.5 L’ecacité et les conditions de succès des structures salariales basées sur les compétences À ce jour, un certain nombre de chercheurs ont examiné l’ecacité des structures salariales basées sur les compétences, leur contexte d’implantation ainsi que leurs conditions de succès3. Il appert que ce mode de rémunération peut permettre d’atteindre des résultats impressionnants, surtout pour les employés de production au sein d’entreprises à prédominance de capital (capital intensive). En outre, ce mode de gestion des salaires peut avoir des eets positifs sur le personnel en améliorant sa polyvalence, sa créativité, sa motivation à acquérir des habiletés, ce qui a des répercussions positives sur l’organisation, notamment l’augmentation de la qualité des produits et des services, de la productivité, de la satisfaction des consommateurs et de la capacité d’attraction et de délisation du personnel.

3. Voir, par exemple, Gupta et al. (1986, 1992), Jenkins et al. (1992), Jenkins et Gupta (1985), Johnson et Ray (1993), Klarsfeld (1997), Klarsfeld et St-Onge (2000), Lawler (1981, 1990), Lawler et Ledford (1985, 1987), LeBlanc (1991), Ledford (1991, 1992, 1995, 2008), Ledford et Bergel (1991), Ledford et al. (1991), Long (1993), Murray et Gerhard (1998), Parent et Weber (1994), Shaw et al. (2005), Shenberger (1995), St-Onge (1998), St-Onge et Péronne-Dutour (1998), Stark et al. (1996), Zingheim et Schuster (2012).

La gestion des structures salariales

293

Toutefois, l’histoire montre aussi des cas d’échecs et d’abandons. Compte tenu des multiples dés que posent l’élaboration et la gestion de structures de salaires basées sur les compétences, leur ecacité implique de nombreuses conditions de succès, ce qui permet de prédire que ce mode de gestion des salaires continuera d’être adopté par une minorité d’organisations seulement. L’encadré 6.6 énumère les conditions de succès souvent associées aux régimes salariaux basés sur les habiletés des employés de production ou les compétences d’autres catégories de personnel. La gestion des salaires en fonction des compétences n’est pas une initiative ponctuelle ; elle représente un processus continu de détermination, de dénition, de communication, d’évaluation et de réévaluation des compétences auquel la direction doit accorder des eorts constants, du temps et de l’argent. Aussi ecace soit-il, un régime de gestion des salaires basés sur les compétences est susceptible de devenir inecace et doit faire l’objet d’une mise à jour continue au rythme des changements technologiques, du développement des personnes, etc. La gestion de structures salariales basées sur les compétences exige donc des investissements importants en temps et en ressources humaines, qui peuvent s’ajouter à la hausse des salaires qu’elle entraîne. Ainsi, la réussite de la rémunération des compétences nécessite entre autres la formation de divers intervenants, tant des cadres que ENCADRÉ 6.6 ■











■ ■









Les principales conditions de succès des structures salariales basées sur les compétences

L’entreprise doit établir avec soin le type, le nombre et la valeur des compétences dont elle a besoin et s’assurer que le processus de certication et de recertication de ces compétences sera bien géré. Elle doit ensuite réviser constamment les façons de faire selon les résultats obtenus et l’évolution du contexte. Elle doit prévoir les périodes nécessaires aux employés pour atteindre le taux de salaire maximal et pour faire l’apprentissage de chacune des unités (ou de chacun des blocs) de compétences, y compris les périodes d’essai entre les formations. Elle doit fournir aux employés des occasions de formation adéquates, fréquentes et structurées leur permettant d’accroître leurs salaires. Elle doit adopter une politique de gestion de la formation ainsi que des règles à suivre lorsqu’il se produit des changements technologiques an d’éviter de continuer à rétribuer des employés pour des compétences qui sont devenues désuètes. Elle doit s’assurer de la compétitivité des salaires an d’éviter une situation où il lui faudrait verser des salaires supérieurs au marché, ce qui risquerait de nuire à la compétitivité de l’entreprise. Elle doit accorder des augmentations de salaires après que les compétences auront été certiées à l’aide d’une méthode jugée valide, ecace et équitable. La certication devrait être ocialisée, par exemple, sous forme de diplôme. Elle doit communiquer aux employés et aux cadres les objectifs poursuivis par ce mode de gestion des salaires. Elle doit superviser les cadres pour qu’ils puissent assumer leur nouveau rôle en matière de gestion des salaires et d’évaluation ou de certication des compétences. Elle doit faire participer les employés et le syndicat à la conception, à l’implantation et à l’administration de ce nouveau système de gestion des salaires. Elle doit recevoir l’appui manifeste des dirigeants et la conrmation que ces derniers accepteront les problèmes d’adaptation passagers. Elle doit implanter ce mode de gestion des salaires dans un contexte où la culture est égalitaire et axée sur la mobilisation, l’engagement et la responsabilisation des employés. Elle doit gérer ses autres activités de GRH de manière cohérente. Notamment, lors de la sélection des employés, elle fera ressortir l’importance du travail d’équipe, de la participation et de la polyvalence et embauchera des candidats qui ont un potentiel de développement et la volonté de se développer.

294

CHAPITRE 6

des employés. Ce type d’approche exige de percevoir la formation comme un investissement, et non comme un coût, et de surmonter la peur de perdre des employés formés au prot de concurrents.

6.3.6 La variété des modes de rémunération des compétences Nous avons constaté que la gestion des salaires basée sur les compétences est plus qu’une technique : elle correspond à une philosophie de gestion où les employés de l’entreprise sont mieux payés que les autres employés sur le marché en raison des eorts qu’ils déploient dans leur formation, tandis que les employeurs veillent à bien utiliser les compétences des employés. Dans la mesure où la gestion et l’organisation du travail ne nécessitent pas cette vision ni ne l’appuient, ce mode de gestion des salaires risque d’engendrer un piètre rapport coûts-bénéces. Aussi, comme les compétences du personnel peuvent être rémunérées et reconnues par une variété de moyens utilisés seuls ou simultanément, les organisations doivent faire un choix mûrement rééchi. En plus des structures basées sur les compétences, il existe des structures de gestion des salaires basées sur les exigences relatives des emplois permettant d’évaluer les compétences selon la valeur relative des emplois. Par ailleurs, un programme de reconnaissance peut aussi récompenser la démonstration de compétences acquises par les employés. Un programme de reconnaissance peut viser à récompenser de diérentes façons l’acquisition ou l’adoption de certaines compétences parmi les employés. Il est possible de reconnaître les compétences à l’aide de primes, c’est-à-dire de montants forfaitaires versés en plus des salaires. On peut verser une prime annuellement en s’appuyant sur un mécanisme d’évaluation des caractéristiques des personnes (qualié d’évaluation du rendement ou des compétences) qui tient compte, uniquement ou en partie, des compétences. On peut aussi rattacher une prime à une formation qu’un employé suivra. Un régime de primes de reconnaissance des compétences versées en plus du salaire comporte les atouts suivants : • Il peut être géré parallèlement à une structure salariale basée sur les emplois. • Il permet de ne pas hausser, à long terme (annuité), la masse salariale (et les avantages sociaux). • Il permet d’accorder des montants plus importants, montants dont la valeur peut être revue au l des changements requis dans les compétences à acquérir. • Il est plus exible et donc plus facile à créer, à implanter, à mettre à jour et à abandonner selon les changements susceptibles de se produire dans les compétences exigées et dans les aaires. • Il peut s’avérer simple à gérer et à comprendre. Toutefois, une prime de reconnaissance des compétences peut aussi s’intégrer au salaire. En eet, une organisation a la possibilité de rémunérer l’acquisition de compétences à l’aide de « primes au taux horaire standard », c’est-à-dire d’une bonication du taux horaire des employés qui possèdent certaines compétences prisées ou supérieures. Finalement, l’acquisition de compétences peut être récompensée par le recours à une grande variété de mécanismes ponctuels de reconnaissance de type pécuniaire et de type non pécuniaire. Pensons à un prix en argent ou à une plaque honorique remis aux employés qui se distinguent par une contribution exceptionnelle que mesurent des critères tenant compte, uniquement ou en partie, des compétences déployées. Nous traiterons plus en détail de cet aspect dans le chapitre 7.

La gestion des structures salariales

6.4

295

Les structures salariales basées sur les bandes de cheminement de carrière et les bandes d’emplois

Depuis le début des années 1980, un certain nombre d’employeurs adoptent une gestion par bandes salariales élargies, une méthode permettant de regrouper les emplois an que la structure salariale compte moins de classes d’emplois et des échelles salariales plus longues. Les employeurs révisent alors leur structure salariale an qu’elle s’applique à un plus grand nombre de familles d’emplois, qu’elle compte moins de classes d’emplois et de titres d’emplois et qu’elle comporte de plus longues échelles salariales de manière à individualiser davantage les salaires. La mise en situation du début de ce chapitre, qui relate le cas de La Coop fédérée, donne un exemple d’élargissement des bandes salariales. Le concept des bandes d’emplois n’est pas nouveau (voir la rubrique « Regard sur la pratique »). Les premières expériences de regroupement des classes d’emplois en bandes d’emplois plus larges ont été menées au début des années 1980 dans le secteur public américain (Schay, 1996). Dans le secteur privé, les premières expériences remontent aux années 1990 et au début des années 2000, période durant laquelle plusieurs grandes entreprises ont eectué des réorganisations importantes (Rosen et Turetsky, 2002).

REGARD SUR LA PRATIQUE L’élargissement des bandes salariales : des cas pratiques En 1989, la division GE Appliances de General Electric Co., de Louisville, au Kentucky, a regroupé les 14 classes d’emplois de personnel non syndiqué — chacune étant associée à une échelle salariale ayant un écart mini-maxi d’environ 50 % — en quatre bandes d’emplois ayant des écarts minimaxi de près de 130 % an d’améliorer la mobilité entre les fonctions, de simplier la gestion des salaires et d’éliminer les négociations continues à propos de l’évaluation et de la classication des emplois.

Au début des années 2000, JCPenney a décidé de réviser complètement son mode de gestion des salaires basé sur 29 classes d’emplois qui était en place depuis 20 ans. L’exercice a permis de regrouper les emplois en un nombre restreint de bandes de cheminement de carrière (par exemple, les professionnels, les spécialistes principaux) en fonction de leurs incidences sur les résultats d’aaires, de réviser les emplois repères ainsi que les enquêtes de rémunération qui serviront de balises.

Sources : Extraits d’Abosch et al. (1994), Risher et Butler (1993-1994) et Graebner et Seaweard (2004).

6.4.1 La gestion des structures salariales en fonction des bandes de cheminement de carrière et des bandes d’emplois Pour qualifier les changements apportés à leurs modes de gestion des salaires afin d’accroître leur exibilité et leur simplicité, les employeurs recourent à deux approches, soit la création de « bandes de cheminement de carrière » (career bands) et la création de « bandes d’emplois élargies » ou « bandes d’emplois » (broad grades, bands, broadbanding). An d’illustrer de telles initiatives en matière de gestion des salaires, l’encadré 6.7 à la page suivante présente ce que la compagnie d’assurance Standard Life a instauré par le passé. L’approche des bandes de cheminement de carrière, qui est radicale, se distingue davantage des structures salariales traditionnelles basées sur les classes d’emplois. Ce type de structure salariale consiste à analyser les emplois, à les regrouper en un nombre très restreint de bandes de cheminement de carrière, chacune étant liée à une très longue échelle

296

CHAPITRE 6

ENCADRÉ 6.7

La représentation schématique des changements en matière de rémunération réalisés par la société Standard Life

1. Les familles d’emplois ■ Buts : – Regrouper des personnes et des rôles pour le développement – Reéter le marché et les diérences de taux sur le marché ■ Regroupement des emplois à l’intérieur de 20 familles d’emplois 2. L’évaluation des emplois à l’intérieur de l’organisation ■ Abandon de la méthode des points et facteurs comme principal moyen d’évaluation des emplois ■ Conservation de la méthode des points et facteurs pour l’évaluation des emplois pour lesquels des données sur le marché ne sont pas disponibles 3. Les prols des emplois ■ Emplois moins nombreux et descriptions d’emplois plus standardisées ■ Composantes principales des descriptions d’emplois : – But – Dimensions – Résultats – Compétences techniques – Compétences personnelles 4. Les structures salariales ■ Réduction du nombre de niveaux hiérarchiques ■ Adoption de structures salariales diérentes selon les familles d’emplois ■ Bandes salariales prescrivant un salaire minimal, mais pas de salaire maximal ; taux de salaires présentés à titre indicatif et basés sur les données du marché Autres récompenses ■ Importance moins grande accordée à la classe d’emplois pour dénir les bénéces et les conditions de travail des employés et importance plus grande accordée à ce que le marché ore par famille d’emplois Progression salariale ■ Adoption de règles de progression salariale plus exibles permettant de diérencier les salaires versés aux employés tout en respectant les budgets ■ Importance moins grande accordée aux points milieux des échelles salariales et au suivi des ratios comparatifs ■ Informations et guides plus nombreux (par exemple, l’étendue des salaires sur le marché) fournis par les professionnels des ressources humaines ■ Variation des budgets salariaux de manière à reéter les diérences sur le marché ■ Positionnement dans une bande d’emplois, selon la contribution des employés 5. Les processus d’appui ■ Développement : encourager les déplacements entre les familles d’emplois et le développement professionnel ■ Planication et budgétisation des salaires : processus plus sophistiqué, communiqué davantage aux employés et plus aligné sur le marché ■ Gestion du rendement : davantage en fonction d’objectifs préétablis et plus de liens avec la gestion des salaires et le développement ■ Formation oerte aux cadres en matière de coaching ■ Communications : ouverture, honnêteté, précision et recours à diérents médias ■ Systèmes d’information conçus avec la participation des employés Source : Traduit et adapté de Brown (2001, p. 21).

La gestion des structures salariales

salariale. Généralement, on opte pour cette approche dans le but d’appuyer la planication et l’élaboration de grands prols ou de types de cheminements de carrière chez une partie du personnel, souvent le personnel de recherche et développement. La gure 6.7 illustre une telle structure salariale s’appuyant sur des bandes de cheminement de carrière. FIGURE 6.7

Une structure salariale basée sur des bandes de cheminement de carrière

297

298

CHAPITRE 6

L’approche des bandes d’emplois élargies, qui est adoptée plus fréquemment que l’approche précédente, s’avère moins radicale. Comme l’indique le tableau 6.2, cette approche peut recouvrir une variété de pratiques selon qu’on procède ou bien à une réduction du nombre de classes d’emplois et à un allongement des échelles salariales (case A), ou bien à une réduction du nombre de classes d’emplois ou à un allongement des échelles salariales (cases B et C). La documentation portant sur les bandes d’emplois élargies traite surtout du cas où l’on procède à la réduction du nombre de classes d’emplois et à l’allongement des échelles salariales associées à chaque classe d’emplois élargie ou bande (soit la case A du tableau 6.2). Il s’agit alors de regrouper un certain nombre de classes d’emplois de la structure existante (habituellement quatre ou cinq) en une classe d’emplois élargie (souvent appelée « bande d’emplois ») à laquelle on associe une échelle salariale plus grande. En somme, cette pratique consiste, d’une part, à regrouper des emplois — auparavant rangés dans des classes diérentes puisqu’ils étaient jugés passablement diérents — à l’intérieur d’une même large classe d’emplois qualiée de « bande d’emplois » et, d’autre part, à faire que cette bande d’emplois corresponde à des règles de détermination et de progression des salaires permettant de mieux reconnaître les caractéristiques individuelles des titulaires en proposant un écart plus important entre les taux minimal et maximal de l’échelle salariale associée à chaque bande d’emplois. L’écart minimum-maximum peut, par exemple, être de 130 %, alors que l’écart dans la structure salariale traditionnelle varie de 30 % à 50 %. Cette approche conserve l’existence de points milieux et de quartiles comme la méthode traditionnelle de gestion des salaires. TABLEAU 6.2

La classication de changements apportés par certaines organisations à leurs structures salariales Échelles salariales allongées ou élargies

Échelles salariales semblables

Les classes d’emplois sont élargies et leur nombre est réduit.

A But : Reconnaître davantage les caractéristiques individuelles et réduire le nombre de classes d’emplois.

B But : Changer le nombre de classes d’emplois sans reconnaître davantage les caractéristiques individuelles.

Les classes d’emplois demeurent semblables.

C But : Reconnaître davantage les caractéristiques individuelles sans changer le nombre de classes d’emplois.

D But : Maintenir le statu quo sans élargir les bandes salariales.

REGARD SUR LA PRATIQUE Quelques données sur les organisations gérant une structure par bandes élargies Après avoir animé une table ronde sur le sujet, la conseillère Elizabeth Douherty, de Towers Watson, constate que les organisations qui disent gérer une structure par bandes Source : Extrait traduit de Dougherty (2010, p. 70).

élargies rapportent qu’elles comptent un nombre de niveaux variant de 4 à 10 ou plus et proposent des écarts entre le minimum et le maximum variant de 70 % à 200 % et plus.

La gestion des structures salariales

299

Les entreprises peuvent réduire leurs classes d’emplois à l’intérieur de bandes d’emplois en fonction de diérents critères, soit les niveaux hiérarchiques des emplois (comme les cadres supérieurs, les cadres intermédiaires, les professionnels), les familles d’emplois (comme les emplois de bureau, les emplois de production, les techniciens, les cadres), les groupes fonctionnels (comme le personnel de R&D, le personnel de vente). Le tableau 6.3 compare la structure salariale du personnel de recherche et développement avant et après le regroupement de classes d’emplois en un nombre plus restreint de bandes d’emplois, chacune étant associée à une échelle salariale allongée. Par ailleurs, le changement apporté par plusieurs organisations en matière de gestion des salaires peut être classé dans les cases B ou C du tableau 6.2. Ainsi, pour plusieurs organisations, le dé consiste seulement à réduire le nombre de classes d’emplois en classes d’emplois élargies ou en bandes d’emplois (case B). Pour d’autres organisations, le changement consiste seulement à allonger les échelles salariales de classes d’emplois actuelles an de mieux reconnaître la contribution individuelle des titulaires des emplois (case C). La gure 6.8 à la page suivante montre comment une organisation peut gérer des salaires de bandes d’emplois en fonction des taux de salaires sur le marché.

La comparaison de la gestion des salaires d’emplois de R&D avant et après leur regroupement en bandes d’emplois

TABLEAU 6.3

Emploi

Avant le regroupement des emplois Classe d’emplois Salaire minimal

Salaire médian

Salaire maximal

Technicien spécialiste adjoint

50

46 016 $

57 422 $

68 828 $

Concepteur technique

51

52 469 $

60 682 $

72 601 $

Technicien spécialiste

52

52 571 $

63 979 $

66 694 $

Spécialiste en technologie

54

57 861 $

72 105 $

86 446 $

Technicien spécialiste en chef

55

61 121 $

73 678 $

91 479 $

Conseiller-expert technique

57

68 041 $

84 953 $

101 865 $

Chef de section

58

72 339 $

90 328 $

108 317 $

Directeur de R&D

58

72 339 $

90 328 $

108 317 $

Directeur de projet

60

82 724 $

103 307 $

123 890 $

Directeur de laboratoires

61

88 806 $

110 911 $

133 015 $

Directeur de la technologie

62

95 521 $

119 301 $

143 081 $

Directeur des essais

62

95 521 $

119 301 $

143 081 $

Directeur de l’ingénierie

62

95 521 $

119 301 $

143 081 $

Bande

Après le regroupement des emplois en bandes d’emplois Zone de développement Zone de référence

Zone supérieure

1. Technicien spécialisé

45 623 $ – 57 028 $

57 029 $ – 71 285 $

71 286 $ – 89 106 $

2. Expert-conseil

67 648 $ – 84 560 $

84 561 $ – 105 701 $

105 702 $ – 132 128 $

3. Directeur

72 105 $ – 90 132 $

90 133 $ – 112 665 $

112 666 $ – 140 833 $

300

CHAPITRE 6

FIGURE 6.8

La gestion des salaires des bandes d’emplois en fonction du marché

Source : Traduit de Rahbar-Daniels (2003, p. 77).

6.4.2 Les avantages et les inconvénients de la gestion des structures salariales par bandes d’emplois Comme nous l’avons vu, la gestion des structures salariales par bandes d’emplois peut prendre diverses formes. Si l’on adopte ces approches pour diverses raisons, elles ne sont pas sans risques et sans limites. L’encadré 6.8 présente les raisons pour lesquelles les

ENCADRÉ 6.8

Les avantages et les inconvénients de la gestion des salaires par bandes d’emplois

Avantages ■







La gestion des salaires par bandes d’emplois permet d’appuyer des changements apportés à la stratégie d’aaires, à la culture de gestion et à l’organisation du travail, notamment la réduction des niveaux hiérarchiques, le travail d’équipe et une orientation qualité. Elle facilite la dotation en personnel, car elle incite les employés à se développer, à acquérir des compétences plus variées, à être plus polyvalents et plus souples sur le plan des responsabilités et des rôles et à réaliser des mouvements de carrière latéraux (mutations). Elle réduit les résistances envers diverses réorganisations (réduction des eectifs et des niveaux hiérarchiques) ainsi que les jeux politiques associés aux demandes de réévaluation des emplois en diminuant la probabilité que les emplois soient classés diéremment à la suite d’une réorganisation. Elle facilite le recrutement et la conservation du personnel clé en orant des salaires plus compétitifs par rapport au marché et en reconnaissant davantage la contribution individuelle.

La gestion des structures salariales

ENCADRÉ 6.8 ■



■ ■

301

Les avantages et les inconvénients de la gestion des salaires par bandes d’emplois (suite)

Elle permet d’améliorer le salaire des employés selon leur rendement sans nécessairement leur octroyer une promotion ou sans qu’ils changent de bande d’emplois. Elle simplie et rend plus exibles, plus rapides et plus ecaces la gestion des salaires et la prise de décision à ce sujet. Cette approche réduit la bureaucratie, les ressources, les coûts de gestion des salaires et le temps requis pour évaluer les emplois. Elle facilite la gestion de la rémunération pour les entreprises ayant des unités d’aaires à travers le monde. Elle donne plus de pouvoir aux cadres an de gérer les salaires avec plus de exibilité et de mieux réagir aux pressions du marché (un souci moins grand de l’équité interne et un souci plus grand de la compétitivité).

Inconvénients ■











La gestion des salaires par bandes d’emplois rend plus dicile le contrôle de la masse salariale et risque d’augmenter les coûts parce qu’elle donne plus de pouvoir décisionnel aux cadres à l’égard des salaires et des augmentations de salaires de leurs subordonnés et qu’elle complique la comparaison avec le marché (compétitivité ou équité externe). Elle est dicile et longue à implanter étant donné qu’elle implique de nombreux changements, tels que la réduction du nombre de paliers hiérarchiques, de familles d’emplois, d’emplois, de classes d’emplois ; la formation de bandes ou catégories d’emplois dénies de manière générique ; la promotion de nouveaux cheminements de carrières. Elle exige de consacrer plus de temps et d’argent à l’évaluation des personnes par les cadres (par exemple, l’élaboration d’outils, la formation et la motivation des cadres). Elle peut entraîner de la résistance parmi les cadres parce qu’ils n’ont pas tous la compétence et la motivation nécessaires pour assumer des responsabilités supplémentaires en matière de gestion des salaires. Elle peut rendre plus diciles l’attraction, la motivation et la rétention des meilleurs employés, car la réduction des niveaux hiérarchiques (des classes d’emplois) diminue les possibilités de reconnaissance, de promotions, de symboles de statut (titres des emplois) et de privilèges aux yeux des employés. Elle risque d’alimenter des attentes en matière salariale qui ne seront pas comblées et d’augmenter des plaintes pour iniquité ou pour favoritisme parmi le personnel. Pensons, par exemple, aux titulaires des emplois qui se retrouvent dans la même bande que des titulaires d’autres emplois qui étaient considérés comme ayant moins de valeur par le passé (classe d’emplois inférieure).

organisations peuvent adopter des bandes salariales élargies, mais aussi les inconvénients que ces dernières sont susceptibles d’entraîner. Cette compilation s’appuie sur une synthèse des constats exprimés par des auteurs, souvent des consultants en rémunération, à la suite de leurs interventions ou de leurs enquêtes4.

6.4.3 Les conditions de succès de la gestion des structures salariales par bandes d’emplois L’approche des bandes salariales élargies n’apporte pas de remède à tous les maux, et les auteurs5, souvent des conseillers, montrent que, lorsqu’elle s’est révélée appropriée, son succès était lié à diverses conditions, dont voici une synthèse : • L’appui manifeste de la direction. En outre, l’enveloppe budgétaire allouée aux cadres doit leur permettre de pouvoir récompenser susamment les employés. • La communication tout au long de la préparation et de l’implantation de ce changement. Les employés doivent comprendre les raisons, les objectifs visés, les conséquences de ce 4. Voir Abosch et Hand (1994a, 1994b), Dougherty (2010), Enos et Limoges (2000), Haslett (1995), LeBlanc (1992), LeBlanc et Ellis (1995), McIntyre Brown (1997), Mercer (1994), Risher (2007), Schay et al. (1992), Tucker (1995), Tyler (1998). 5. Voir Abosch et Hand (1994a, 1994b), Dougherty (2010), Dyekman et French (1994), Enos et Limoges (2000), Hofrichter (1993), LeBlanc et Ellis (1995), LeBlanc et McInerney (1994), McIntyre Brown (1997), Messin (2000), Reissman (1995), Risher, 2007, Stoskopf (2002).

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CHAPITRE 6

• •

• •

changement. Il faut leur expliquer comment les décisions liées aux salaires, aux titres des emplois et aux promotions seront prises, et quels sont les critères de progression des salaires à l’intérieur des bandes d’emplois. La formation des cadres. Ceux-ci doivent maîtriser les objectifs de ce mode de gestion des salaires, s’approprier leurs rôles et comprendre les outils qui y sont rattachés. La formation des professionnels des ressources humaines. Ils doivent assumer leur rôle de conseiller (et non plus de contrôleur) qui propose des points de repère (et non plus des règles précises) visant à aider les cadres à analyser les données d’enquêtes de rémunération et à prendre les décisions en matière salariale. Une culture et des valeurs de gestion. Celles-ci doivent appuyer une gestion des salaires centrée sur la personne plus que sur le poste et valorisant la responsabilisation des cadres en matière de gestion des salaires. L’évaluation des résultats et la révision de ceux-ci. Le but est d’optimiser l’ecacité de cette approche.

En guise de conclusion, le tableau 6.4 propose une grille permettant de diagnostiquer si un contexte organisationnel est favorable ou défavorable au succès d’une démarche TABLEAU 6.4

Les caractéristiques organisationnelles favorisant ou défavorisant le succès de l’élargissement des bandes salariales

Caractéristiques organisationnelles

Favorables 1

3

Défavorables 5

Niveau de compétence en gestion de la rémunération

Nos cadres ont de l’expérience et sont outillés pour gérer la rémunération et les discussions en la matière.

Nos cadres n’ont pas l’habitude de la exibilité et ne sont pas du tout à l’aise dans les discussions liées à la rémunération.

Formation et développement des employés et cheminement de carrière

Les employés ont l’occasion de développer leurs compétences et leur carrière de diérentes manières au sein de l’organisation.

Notre hiérarchie est dénie et stable et comporte des échelles de carrières très structurées.

Modèle de dotation, déploiement de la main-d’œuvre

Notre modèle de dotation est dicile à prévoir ; les compétences requises varient selon les changements d’aaires ou de l’environnement.

Notre modèle de dotation est prévisible et clairement déni.

Prépondérance de la population

Les emplois sont hautement qualiés.

Il existe un grand nombre d’emplois non exemptés et d’emplois exemptés de bas niveau.

Culture

Elle est collaborative, orientée vers le coaching.

Elle est orientée vers les règles.

Conance dans la gestion

Il existe un haut niveau de conance envers les cadres.

Il existe un faible niveau de conance envers les cadres.

Attribution des titres d’emplois

Nous avons le bon nombre de titres qui reètent dèlement le contenu du travail.

Nous sourons d’une «ination» de titres, car nous avons plus de titres qu’il n’est nécessaire.

Source : Traduit de Dougherty (2010, p. 71).

La gestion des structures salariales

303

visant à élargir les bandes salariales. En outre, la direction doit vouloir réduire le nombre de niveaux hiérarchiques et les privilèges ou les modes de reconnaissance (réels et symboliques) rattachés à un poste ou à un niveau hiérarchique. Elle doit également valoriser davantage la reconnaissance de la contribution individuelle (l’équité individuelle) et investir plus dans l’adoption et la gestion de méthodes ou d’outils ecaces pour apprécier la valeur des individus (conséquemment, l’entreprise veut réduire l’importance de la valeur des emplois et investir moins dans la gestion de ce processus). Aussi, il importe que les cadres assument davantage de responsabilités en matière de gestion des salaires et qu’ils aient les compétences requises.

6.5

La gestion des structures salariales : ajustement, contrôle et communication

Cette section porte sur l’ajustement des structures salariales, sur la révision et le contrôle des salaires individuels des titulaires des emplois relevant de la structure salariale, sur le contrôle de la masse salariale et sur la communication en matière de gestion des salaires.

6.5.1 L’ajustement des structures salariales et de la masse salariale Au Canada, 93 % des organisations accordent les augmentations de salaires à leur personnel à une date xe commune — souvent le 1er janvier (32 %) ou le 1er avril (31 %) — en appliquant, dans 71 % des cas, une matrice tenant compte de la performance et de la position de l’employé dans son échelle salariale (Mercer, 2013). Dans plusieurs grandes organisations, le processus de détermination des augmentations de salaires annuelles débute de trois à cinq mois avant la n de l’année nancière. Au cours de cette période, les dirigeants doivent xer les pourcentages d’augmentations des échelles salariales en prenant en considération leur politique salariale selon le marché, l’augmentation prévue des échelles salariales sur le marché, l’augmentation du coût de la vie et leur capacité de Comment déterminer l’augmentation payer. Ainsi, il est possible que, malgré une politique consisdes salaires des employés ? tant à égaler le marché et des prévisions d’augmentations de Selon Marc Chartrand, conseiller en rémunération chez salaires de 5 % à 6 % sur le marché, les dirigeants décident PCI Perrault Conseil, il importe de considérer les résultats d’accorder des augmentations de salaires de seulement 3 % d’enquêtes menées par des sociétés-conseils au cours de en moyenne en raison d’une situation nancière précaire. l’été (par exemple, Aon Hewitt, Towers Watson, Morneau Les renseignements portant sur les prévisions d’ajusShepell, Mercer) qui donnent les projections ou prétements des échelles salariales et des salaires proviennent visions salariales de l’année suivante par industrie, par d’enquêtes annuelles réalisées par certains organismes catégorie d’employés, par région et par type d’employeur. publics (tels que le Conference Board du Canada), des À l’automne, le Conseil du patronat et l’Ordre des CRHA publient des résumés des prévisions des enquêtes réalisées organisations professionnelles (comme WorldatWork, par les diérentes sociétés-conseils, et l’on peut constater l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés) et des que ces données sont assez ables et qu’elles varient peu. sociétés-conseils en rémunération. Au cours de l’automne, En outre, il est nécessaire de considérer l’indice des prix à ces dernières publient leurs prévisions d’augmentations de la consommation publié par Statistique Canada, la santé salaires pour l’année à venir. Ces prévisions, dans lesquelles de son industrie, la situation nancière de son entreprise, on distingue habituellement les ajustements des échelles le taux de chômage dans sa région, les projections de croissalariales des augmentations de salaires, sont faites à partir sance économique eectuées par les grandes banques et d’enquêtes menées auprès d’entreprises un peu plus tôt le prol démographique de son personnel. dans l’année. Certaines sociétés-conseils rendent cette information publique, alors que d’autres ne la distribuent Source : Letarte (2012).

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CHAPITRE 6

qu’aux organisations qui ont participé à leur enquête, an d’éviter certains problèmes d’interprétation. Des prévisions analogues sont également faites au niveau international, à l’intention des entreprises qui exercent leurs activités dans de nombreux pays. Le critère du coût de la vie6 (avec ou sans formule d’indexation) pour déterminer l’ajustement des structures salariales est ordinairement accepté à cause de sa simplicité, de son objectivité et de son équité apparente. Le recours au critère du coût de la vie se traduit par une indexation plus ou moins automatique des salaires, basée sur l’évolution d’un ou de plusieurs indices des prix à la consommation. En raison de l’ination, les révisions des structures salariales liées au coût de la vie étaient une pratique généralisée au cours des années 1970 et jusqu’au milieu des années 1980. Depuis lors, à l’exception du personnel syndiqué de certaines organisations, il est plutôt rare qu’une entreprise utilise directement et uniquement l’augmentation de l’indice des prix à la consommation comme critère d’augmentation de salaire. On modie plutôt la structure salariale selon l’ajustement prévu des échelles sur le marché, l’augmentation générale des salaires ou la croissance économique. Cependant, l’indice des prix à la consommation (IPC) comme indicateur de gestion des structures salariales, comporte certaines limites. Ainsi, très peu de personnes vivent une situation qui correspond à la moyenne et se procurent le panier de produits de la population cible. On pense, par exemple, à une personne qui ne consomme ni tabac ni alcool, qui n’a pas d’automobile et ne fréquente pas les restaurants. Par ailleurs, la variation du coût de la vie n’inuence pas de la même façon la personne qui gagne 50 000 $ par année et celle qui gagne 100 000 $. De plus, les organisations ont tendance à s’appuyer sur l’indice national de l’IPC pour ajuster leurs structures salariales, alors qu’il varie d’une région à l’autre du pays.

REGARD SUR LA PRATIQUE Qu’ont fait les organisations canadiennes après la crise de 2008-2009 ? Au Canada, entre 2010 et 2014, les organisations ont adopté des budgets annuels moyens d’augmentations de salaires pour tous leurs employés variant de 2,9 % à 3,2 %. Elles ont fait des ajustements annuels moyens à leurs structures salariales variant de 2,2 % à 2,4 % et elles ont accordé des augmentations annuelles moyennes liées aux promotions (en pourcentage du salaire de base) variant de 5,6 % à 7,8 %. Près de 90 % des organisations ne diérencient pas

l’ajustement de leur structure salariale selon la localisation de leur établissement au Canada. Celles qui le font adoptent une augmentation moyenne inférieure à 7 % à la moyenne nationale pour les Provinces maritimes et de 4 % supérieures à cette moyenne nationale pour la ville de Calgary. Près de 80 % des organisations prennent la région métropolitaine de Toronto pour établir la moyenne nationale.

Source : Extrait adapté de Mercer (2013, p. 5-7 et 24).

6.5.2 La révision et le contrôle des salaires individuels Une fois l’ajustement de la structure salariale déterminé, on doit réviser les salaires qui seront versés à chacun des employés. Les salaires de certains employés peuvent se situer en deçà des salaires prévus par la nouvelle échelle salariale ou carrément au-delà de cette échelle. 6. Cet indice est calculé suivant la valeur d’un panier de produits consommés par une population cible composée de familles et de personnes vivant seules dans des centres urbains de 30 000 habitants et plus. On établit le coût de ce panier en considérant les achats eectués par la population cible au cours d’une période de référence durant l’année. Le contenu et la proportion des composantes de ce panier sont mis à jour régulièrement pour tenir compte des changements qui se produisent dans la structure des achats. Ce panier contient sept groupes de produits, dont chacun a un poids respectif.

La gestion des structures salariales

Dans le cas des employés dont le salaire se situe en deçà du salaire prévu dans la nouvelle échelle (les « cercles verts »), il faut augmenter leur salaire au taux prévu par la nouvelle échelle salariale. Toutefois, il est possible que cette situation soit justiée lorsqu’un employé n’accomplit pas entièrement le travail prévu par l’emploi, que son rendement est inférieur au rendement attendu ou qu’il est en période d’apprentissage. Selon la situation, diverses actions sont envisageables. Lorsqu’un employé n’exécute qu’une partie de son travail, on peut modier la description de son emploi de façon à la rendre plus conforme à la réalité, réévaluer son emploi et le reclasser. Lorsque le rendement d’un employé ne répond pas aux attentes, il est possible de viser l’amélioration de son rendement à travers un programme de formation, de muter l’employé dans un emploi qui correspond mieux à ses compétences ou de le congédier si le cas est extrême. Lorsqu’un employé est en période d’apprentissage, on aura tendance à lui accorder le salaire minimal de la classe d’emplois, mais il arrive aussi qu’on lui accorde un taux inférieur (de 10 %, par exemple) au taux minimal. En ce qui a trait à un employé dont le salaire actuel se situe carrément au-delà du point maxi (les « cercles rouges »), diverses solutions peuvent être envisagées. D’abord, il est possible de ramener son taux de salaire à celui qui correspond au point maxi, quoiqu’une telle mesure ait pour eet de démotiver l’employé. Une autre solution consiste à ne rien faire, bien que cela ne règle pas le problème : l’injustice est maintenue alors que l’objectif poursuivi lors de l’établissement ou de la révision de la structure salariale était l’élimination des cas d’iniquité, surtout les cas les plus agrants. On peut également geler le salaire de l’employé jusqu’à ce que l’échelle salariale arrive au niveau de son salaire à la suite d’augmentations générales. Cependant, plus le salaire de cet employé se situe au-delà du point maxi, plus cette solution le pénalise. Une autre approche consiste à ralentir la progression du salaire de l’employé de manière que l’échelle salariale arrive au niveau de son salaire au bout d’un certain temps. On peut alors maintenir le taux de salaire de l’employé et lui accorder les augmentations générales jusqu’à ce qu’on change son aectation, an de réparer une faute antérieure de gestion. De même, il est possible de n’allouer à cet employé qu’une partie des augmentations salariales générales accordées par l’organisation. Également, on peut décider de ne pas donner d’augmentations générales de salaires à cet employé et de ne pas reconnaître son rendement au moyen de primes. De plus, on peut modier le contenu de son poste de façon à le rendre plus exigeant, à le réévaluer et à le placer dans une classe d’emplois plus élevée. Il doit alors s’agir d’une modication véritable du contenu de l’emploi et non d’un simple changement de titre : les employés ne sont pas dupes ! Toutefois, cette solution n’est envisageable que dans la mesure où le potentiel de l’employé le permet et où la nature du travail s’y prête. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, on peut muter cette personne ou lui accorder une promotion. Une autre situation est susceptible de se produire : celle où le salaire d’un employé se situe au-dessus du niveau maximal prévu par la nouvelle échelle salariale, alors que son emploi est correctement évalué, que son rendement est satisfaisant et que la nouvelle échelle salariale est adéquate. Comme cela est indiqué dans le chapitre 4, l’état de l’ore et de la demande pour certains emplois sur le marché du travail peut expliquer une telle situation. Citons le cas de certains emplois liés à l’informatique, dont les salaires oerts sur le marché sont plus élevés que les salaires oerts pour des emplois diérents mais équivalents quant à leurs exigences. Dans une telle situation, il ne faut pas modier à la hausse la classication de l’emploi, sinon cela aurait un eet inationniste sur les évaluations des autres emplois. Une solution courante consiste à accorder des salaires plus élevés ou encore des primes de marché aux titulaires de ces emplois.

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CHAPITRE 6

REGARD SUR LA PRATIQUE Les augmentations accordées lors de promotions : quelques données à l’appui Au Canada, 16 % des organisations conservent un pourcentage moyen de 0,5 % du budget total de salaires pour accorder, en cours d’année (o-cycle), une augmentation de salaire moyenne de 4,3 % à environ 5 % à leurs employés pour diverses raisons : promotions, compétitivité, rétention, aectations temporaires, etc. De fait, 27 % des organisations

budgètent des augmentations liées aux promotions (de 1 % en moyenne) séparément de celles liées aux augmentations au mérite. Les augmentions accordées lors de promotions sont fonction de deux principaux facteurs : le lien entre le salaire courant et le point milieu de la nouvelle classe d’emploi ainsi que le salaire des pairs occupant le même futur emploi.

Source : Extrait adapté de Mercer (2013, p. 5-7 et 24).

En ce qui touche au contrôle des salaires individuels, certaines entreprises adoptent des règles concernant l’établissement des salaires lors de l’embauche, des mutations ou des promotions. Par exemple, une organisation peut décider qu’une promotion doit être associée à une augmentation de salaire d’au moins 10 % tout en respectant les balises suivantes : le nouveau taux de salaire n’est ni supérieur au taux maximal de l’échelle salariale de la nouvelle classe d’emplois, ni inférieur au taux minimal de cette échelle salariale. On peut aussi exercer le contrôle des salaires versés à un ou plusieurs employés en déterminant le ratio comparatif selon le calcul qu’on trouve plus loin. Ainsi, dans une échelle salariale comportant des taux minimaux et maximaux situés à plus ou moins 20 % du point de contrôle (point milieu), le ratio comparatif de chaque employé peut varier de 0,80 à 1,20. Sur une base collective, cet indice permet de situer le taux des salaires versés par rapport à la politique salariale de l’organisation. Par exemple, il y a une diérence entre une politique salariale visant à se situer au 60e centile du marché de référence et un ratio comparatif eectif moyen de 0,92 ou de 1,05. Ratio comparatif =

Salaire de l’employé (ou du groupe d’employés) visé Salaire au point milieu (ou point de contrôle, ou point maxi-normal, ou point cible) de l’échelle salariale

Pour contrôler les salaires, une organisation peut aussi calculer un indice de progression dans l’échelle salariale qui montre jusqu’à quel point un titulaire a progressé dans son échelle salariale (voir le calcul plus loin). Dans ce cas, la direction doit aussi donner des règles ou des lignes de conduite pour baliser la progression des salaires. Comme le ratio comparatif, cet indice peut être calculé pour chaque employé ou pour un groupe d’employés. Par exemple, si le salaire minimal est de 66 800 $, si le salaire maximal s’élève à 100 300 $ et que le salaire d’un titulaire soit de 85 000 $, son indice de progression dans l’échelle égale : (85 000 $ – 66 800 $) (100 300 $ – 66 800 $)

= 54,3 %

Enn, pour exercer le contrôle des augmentations de salaires individuelles, on peut s’appuyer sur des budgets d’augmentations de salaires liées au mérite, aux promotions, à l’ancienneté, au coût de la vie, etc. En ce qui concerne les augmentations de salaires liées au mérite individuel (voir le chapitre 8), la plupart des entreprises utilisent une matrice ou une grille des augmentations de salaires qui prescrit les augmentations de salaires à verser en fonction de la cote de rendement et de la position du salaire de l’employé dans l’échelle salariale, soit son ratio comparatif. Certaines entreprises exigent aussi des cadres qu’ils appliquent une certaine distribution des cotes de rendement parmi leurs subordonnées ou qu’ils respectent un budget préétabli d’augmentations de salaires.

La gestion des structures salariales

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6.5.3 Le contrôle de la masse salariale Au sein des grandes organisations, le contrôle du processus de gestion des salaires s’avère complexe parce que plusieurs acteurs interviennent et ont une part de responsabilité dans ce processus. Ainsi, la responsabilité des enquêtes de rémunération peut être conée au service des ressources humaines ; le contrôle des salaires peut relever des cadres seuls ou s’eectuer conjointement avec le service des ressources humaines ; le contrôle de la masse salariale peut être du ressort du responsable des nances ou du service des ressources humaines ; le contrôle de la rémunération variable pour le personnel de production peut relever du service du génie ; le contrôle de la distribution des cotes de rendement individuel et des salaires de base peut être attribué au service des ressources humaines ; le contrôle des descriptions d’emplois peut reposer sur les cadres ; le contrôle de la gestion des salaires peut nécessiter l’appui du service de l’informatique. L’encadré 6.9 résume les quatre formes de contrôle des dépenses en matière salariale : un contrôle par l’approbation des cadres supérieurs, un contrôle basé sur le respect des budgets, un contrôle basé sur une comparaison avec des statistiques ou des standards et un contrôle basé sur l’expertise des cadres. Le contrôle en matière de gestion des salaires peut porter sur diverses facettes, soit les coûts de la main-d’œuvre, les taux de salaires, la structure salariale, les salaires individuels et les augmentations de salaires. Le suivi des coûts et des ratios de la main-d’œuvre consiste à faire un suivi en ce qui concerne les budgets des salaires globaux ou particuliers, par exemple à l’égard de diérentes catégories de personnel (le personnel de vente, de production, de bureau, etc.) ou encore en matière d’heures supplémentaires pour l’ensemble de l’organisation ou diverses unités. Ce contrôle considère aussi des ratios comme celui des salaires sur les ventes ou celui des salaires sur la valeur de la production. Si le contrôle de la masse salariale comme de toutes les autres dépenses relève de plusieurs intervenants, il importe de ne pas comprimer les dépenses n’importe où et dans

ENCADRÉ 6.9

Quelques façons de contrôler les dépenses en matière salariale

1. L’approbation des cadres supérieurs Cette façon de faire permet de s’assurer du respect des politiques en matière salariale et d’obtenir l’avis ou l’appui des dirigeants sur des décisions ou des politiques en matière salariale. Toutefois, la sollicitation de l’approbation des dirigeants est moins appropriée lorsqu’il s’agit de prendre des décisions salariales au cas par cas, étant donné que les dirigeants consultés ne connaissent pas tous les employés et leur situation propre. 2. Le respect des budgets Cette forme de contrôle permet de s’assurer que les dépenses en matière salariale respectent une enveloppe budgétaire préétablie. Cependant, elle ne garantit pas la qualité des décisions en matière salariale. Par exemple, le respect d’un budget d’augmentations de salaires au mérite ne signie pas que l’octroi des augmentations a toujours été fonction du rendement individuel des employés. 3. La comparaison avec des statistiques et des standards Souvent jumelée avec le mode de contrôle s’appuyant sur le respect des budgets, cette approche compare les dépenses en matière salariale avec des standards d’ecacité historiques ou autres. Les technologies de l’information rendent disponible une multitude d’indicateurs statistiques. Le dé consiste surtout à trouver et à appliquer des indices pertinents, simples, rapidement accessibles et à respecter la condentialité des données. 4. L’expertise des cadres Cette forme de contrôle consiste à aider les cadres à prendre des décisions adéquates et cohérentes en matière salariale en adoptant des politiques, en leur proposant des outils, en leur donnant les informations nécessaires, en les invitant à obtenir des conseils auprès des spécialistes de la rémunération au besoin, en veillant à ce qu’ils possèdent la formation requise pour prendre ce type de décisions et en leur conant la responsabilité de ces décisions.

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CHAPITRE 6

une stricte perspective à court terme. En eet, il est nécessaire d’analyser les incidences des réductions de coûts envisagées sur diverses facettes de la performance. En outre, il faut accroître la quantité sans sacrier la qualité, réduire les coûts sans trop diminuer les services, réduire les dépenses d’investissement ou de développement sans que cela entraîne une baisse de performance à long terme, atteindre les résultats tout en respectant des moyens ou des façons de faire en particulier, etc. Pensons, par exemple, à une réduction des inventaires qui entraînerait des délais subséquents dans les opérations, à la diminution des coûts de l’entretien d’un équipement qui provoquerait des arrêts de travail ou des erreurs de fabrication ou à la réduction des heures supplémentaires ou des eectifs qui nuirait à la qualité des services.

6.5.4 La communication en matière de gestion des structures salariales Les recherches montrent qu’une politique concernant la communication des salaires individuels peut inuer sur la décision d’accorder des augmentations de salaires, les cadres ayant davantage tendance à attribuer le même montant de récompense à tous leurs employés (moins de diérenciation) lorsqu’ils savent que leurs décisions seront connues de tous (voir la revue de Heneman, 1992). Plus le système est ouvert, plus les cadres semblent avoir peur qu’une grande diérenciation des augmentations de salaires entraîne des réactions négatives parmi les employés. Il est aussi démontré que la majorité des employés ne désirent pas que leur employeur dévoile leur salaire exact aux autres employés. Cependant, il ne faut pas se leurrer : faute d’information, les employés comparent tout de même leurs salaires et ils se forment une opinion en se basant sur le peu de renseignements qu’ils ont pu obtenir par leurs propres moyens ou par leurs relations. Si la communication des salaires individuels des employés ne fait pas l’unanimité, on semble toutefois s’entendre sur les atouts que comporte la communication de l’information sur les structures salariales, an, notamment, d’inciter les employés à rechercher une promotion et à adopter des comportements en conséquence. Mais au-delà de l’information sur les salaires attribués aux divers emplois, les employés doivent percevoir des diérences de salaires appréciables entre les emplois pour vouloir progresser. Cet élément est d’autant plus important que les recherches indiquent que les employés tendent à sous-estimer les salaires de ceux qui se trouvent dans une position hiérarchique supérieure à la leur et à surestimer ceux de leurs subalternes. Ainsi, le manque d’information au sujet des salaires versés aux autres emplois a pour eet de rendre les employés moins aptes à porter des jugements éclairés à cet égard. Certains auteurs croient d’ailleurs qu’une politique de salaires secrets fausse les perceptions des employés quant aux salaires de leurs subalternes et de leurs collègues, ce qui a pour eet d’augmenter leur insatisfaction à l’égard de leur rémunération. D’autres auteurs pensent que si les employés ignorent que des augmentations de salaires plus importantes sont accordées aux employés ayant un meilleur rendement, leur motivation au travail diminue. Milkovich et ses collaborateurs (2011) constatent également que l’ensemble des études conrment que les employés travaillant dans un contexte de communication ouverte à l’égard des salaires (open pay communication) se disent plus satisfaits — tant à propos de leurs salaires qu’à propos de leur gestion — que les employés travaillant dans un milieu où le salaire est un sujet tabou (pay secrecy context). En dénitive, s’il existe dans de nombreuses entreprises une politique de renseignements secrets quant aux salaires individuels, un nombre croissant d’entreprises communiquent des informations sur les structures salariales, notamment sur les écarts mini-maxi des diérentes classes d’emplois. Aujourd’hui, la plupart des grandes organisations rendent publique l’information concernant leurs politiques salariales, une minorité croissante

La gestion des structures salariales

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d’organisations communiquent de l’information sur leurs structures salariales, et les salaires individuels sont presque partout tenus secrets. En somme, les organisations semblent avoir adopté la politique du juste milieu, car le fait de fournir aux employés les minimums et les maximums des diverses classes salariales ainsi que la médiane des salaires versés ou des augmentations de salaires versées par classe d’emplois n’a rien à voir avec l’achage des salaires individuels sur les murs d’une cafétéria. Tout compte fait, de nombreuses organisations communiquent peu d’information sur les salaires pour des raisons variées. Par exemple, lorsque les salaires ne sont pas gérés de manière adéquate et uniformisée, leur divulgation entraînerait de la confusion et de la dissension parmi les employés. Le maintien du secret en ce qui a trait aux salaires peut s’avérer cohérent par rapport à une culture de gestion où l’on estime que la détermination des salaires fait partie des responsabilités des dirigeants et où l’on juge que les employés n’ont qu’à accepter leurs décisions sur ce point. Certains dirigeants sont aussi craintifs : plus on communique de l’information, plus les employés risquent de poser des questions, et plus on doit fournir des explications supplémentaires. Toutefois, comme nous l’avons mentionné, peu importent les renseignements dont ils disposent, les employés comparent malgré tout leurs salaires.

6.6

Les problèmes et les dés en matière de gestion des structures salariales

Cette dernière section du chapitre examine d’abord un dé auquel font face certains employeurs en matière de gestion des salaires : le phénomène de la compression salariale. Elle traite ensuite des litiges entourant l’adoption d’une double structure salariale. Finalement, elle revient sur le sujet des courbes de maturité que certaines associations professionnelles proposent comme aide à la gestion des salaires de leurs membres.

6.6.1 Le problème de la compression salariale Un problème de compression des salaires correspond à un diérentiel entre les salaires accordés aux titulaires de diérents emplois qui est jugé inéquitable parce qu’il apparaît insusant. Un tel phénomène de « compression salariale » survient dans diverses situations et peut avoir diérentes causes (voir l’encadré 6.10, à la page suivante). Un problème de compression salariale occasionne une rotation anormale du personnel, puisqu’il incite les employés compétents et très performants à quitter l’entreprise parce qu’ils s’estiment injustement payés par rapport aux titulaires d’emplois possédant moins d’expérience ou fournissant un moins bon rendement. Évidemment, il est plus facile de prévenir des problèmes de compressions salariales que de les corriger. Selon les Un risque à considérer en situation causes d’un problème de ce type, les actions visant à le de compression salariale Selon Linda Ulrich (2008, p. 45), consultante chez Buck prévenir ou à le corriger sont diverses (Klein et al., 2002 ; Consultants, dans une situation de compression salariale, Ulrich, 2008). En voici des exemples : • Il faut s’assurer que les taux de salaires maximaux des les employés peuvent ressentir que leur ancienneté et leur expérience ne sont pas valorisées et que leurs connaiséchelles représentent bien les montants maximaux que sances et leurs contributions ne sont pas respectées. Cela l’on est prêt à accorder aux titulaires des classes d’emplois risque d’entraîner chez eux un manque de coopération et qu’ils sont compétitifs par rapport au marché. les nouveaux employés et, possiblement, une inclina• Il faut s’assurer que les salaires versés aux employés en avec tion à répondre au prochain appel d’un recruteur. place varient réellement selon leur échelle salariale.

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CHAPITRE 6

• • • • • • •

• • • • • • ENCADRÉ 6.10 ■















Il est important de favoriser le recrutement interne (les promotions) pour pourvoir les postes vacants, de façon à réduire les pressions exercées par le marché. On doit s’assurer qu’un régime de salaires au mérite accorde des augmentations de salaires substantiellement diérentes aux employés les plus performants. Il est nécessaire de procéder à un regroupement ou à une diminution des classes salariales adjacentes à l’intérieur de bandes d’emplois élargies (réduction des niveaux hiérarchiques). Il faut rendre les employés à haut rendement admissibles à des régimes de rémunération variable. L’organisation doit adopter un fonds, en plus du budget annuel d’augmentations de salaires, pour faire des ajustements ponctuellement ou sur une certaine période. Il faut conserver une portion du budget d’augmentations de salaires au mérite pour résoudre le problème de compression salariale. Dans le cas des employés situés au haut de leur échelle salariale, l’organisation doit procéder à l’évaluation du rendement sur une période allant au-delà d’une année an de ralentir leurs augmentations de salaires ou bien leur accorder leurs augmentations sous forme de primes. Il faut orir aux nouveaux employés une prime d’embauche plutôt qu’un salaire de départ plus élevé en leur faisant signer une entente selon laquelle ils rembourseront ce montant s’ils quittent l’organisation avant une période donnée. Il faut considérer l’embauche de candidats ayant moins d’expérience, mais qui ont du potentiel et qui peuvent être formés. Les superviseurs doivent être admissibles à un régime de rémunération variable (par exemple, des primes de rendement). Il est utile de revoir la structure salariale an que les diérences entre les points milieux des classes salariales se situent entre 15 % et 25 %. On doit s’assurer que les heures supplémentaires sont réparties entre de nombreux employés, qu’elles ne sont pas concentrées entre les mains d’une petite partie du personnel. Il faut mener des enquêtes de rémunération pour déterminer si des ajustements salariaux sont requis.

Les facteurs pouvant entraîner un problème de compression salariale

Lorsqu’on observe une rareté de la main-d’œuvre qualiée (les ingénieurs, les spécialistes de l’informatique, etc.), on accorde des salaires de départ plus élevés aux nouveaux employés qu’au personnel expérimenté en place. Les salaires des postes pourvus par des candidats issus du marché (recrutement externe) augmentent plus vite que les salaires des postes pourvus par des candidats de l’entreprise (recrutement interne ou promotions). Une augmentation des taux de salaires minimaux des échelles salariales n’est accompagnée d’aucune augmentation des taux maximaux pendant un certain temps. Des pressions syndicales visent une hausse salariale pour les employés occupant des emplois au bas de la structure salariale. Dans ce cas, on parle d’une structure salariale plate. Le salaire minimum augmente pour un employeur qui a un grand nombre d’employés payés au salaire minimum sans que l’ensemble de la structure salariale soit ajusté à la hausse dans la même proportion. L’attribution d’un même montant d’augmentation de salaire (plutôt que d’un même pourcentage) à tous les emplois de la structure salariale, quoique justiable sur le plan de l’égalité du traitement, contribue à réduire les diérences salariales entre les emplois. L’établissement d’un chevauchement trop important des échelles salariales de classes d’emplois adjacentes a pour eet que des emplois perçus comme plus exigeants ne sont pas susamment payés par rapport aux emplois jugés moins exigeants. Des subordonnés sont payés autant sinon plus que leur supérieur immédiat parce que les premiers sont rémunérés pour les heures supplémentaires, ce qui n’est pas le cas pour les seconds.

La gestion des structures salariales



Il est nécessaire d’examiner si d’autres composantes pécuniaires ou non pécuniaires de la rémunération (par exemple, des avantages consentis, des mandats particuliers) peuvent être octroyées.

6.6.2 La double structure salariale ou les clauses de disparité de traitement Une structure salariale à deux paliers, ou régime de salaire à double palier (two-tier wage structure) établit des diérences salariales en fonction de la date d’embauche des employés. Ainsi, selon cette double structure salariale, les employés embauchés après une date déterminée seront soumis à une structure salariale diérente de celle qui régit les employés qui étaient en place avant cette date. La gure 6.9 schématise diverses formes traditionnelles de double structure salariale en déterminant que la ligne ADB représente la structure salariale des employés en place. Le type le plus courant de double structure salariale, qui semble temporaire, peut être représenté par la ligne CDB. Les nouveaux employés sont embauchés à un taux de salaire inférieur à celui de la structure salariale des employés en place. Toutefois, après une certaine période (environ cinq ans), la seconde structure salariale rejoint la première et, à compter de ce moment, les salaires de tous les employés sont régis par la même structure salariale. Habituellement, l’écart entre le point A et le point C varie de 20 % à 25 %. Un autre type de double structure salariale est représenté par la ligne CD. Dans ce cas, lorsque les salaires de la seconde structure salariale rejoignent ceux de la première, les salaires des employés régis par la seconde structure salariale cessent d’augmenter (ou cessent d’augmenter plus rapidement) en fonction de leurs années de service. Finalement, un autre type de double structure salariale, de nature permanente, correspond au cas où les deux structures salariales sont parallèles (lignes AB et CE), an que les salaires des nouveaux employés soient toujours inférieurs à ceux des employés embauchés avant la signature de l’entente la plus récente. L’écart de salaire entre les deux structures salariales peut alors être supérieur à 10 %. Au début des années 1980, aux États-Unis, le contexte de récession et de déréglementation des marchés a amené des organisations où les syndicats sont présents (notamment dans les secteurs des chaînes d’alimentation et des sociétés aériennes) à adopter une FIGURE 6.9

Les diérentes formes de double structure salariale

311

312

CHAPITRE 6

double structure salariale (Martin et Heetderks, 1991 ; Martin et Lee, 1992). Il s’agissait alors d’un moyen simple de réduire les coûts du personnel pour assurer la compétitivité. Il faut considérer qu’à l’époque, après des années de concessions (en matière de suppression de postes, de gel ou de diminution des salaires), les employés étaient plus favorables à cette approche, parce qu’elle protégeait les conditions de travail des employés en place (salaires, sécurité d’emploi, etc.) et n’avait des eets négatifs que sur les futurs employés de l’entreprise. Aux États-Unis, entre 1989 et 1995, près d’une convention collective sur trois contenait une clause de disparité de traitement, souvent appelée « clause orphelin » (Bureau of National Aairs, 1995). À la n des années 1990, au Québec, près de 7 % des conventions collectives des secteurs privé et public contenaient une clause de disparité de traitement (Gagnon, 1998). Le recours accru à cette clause a surtout été le fait des secteurs municipal, public et parapublic québécois, qui étaient pressés de réduire leur masse salariale. Évidemment, plusieurs auteurs ont examiné les incidences négatives de l’adoption de la double structure salariale : un mauvais climat de travail, un sentiment d’insatisfaction ou d’injustice, une baisse de loyauté, une qualité moindre des produits, une baisse de productivité, une discrimination indirecte en fonction de l’âge et à l’égard des femmes ou des minorités étant donné qu’elles sont plus présentes parmi les recrues embauchées, etc. Depuis 2001, au Québec, des dispositions interdisant le recours à la disparité de traitement sont intégrées dans la Loi sur les normes du travail (voir la rubrique « Le coin de la loi »). Notons que, au Québec, l’expression « clause orphelin » dans les contrats de travail dépasse le phénomène des structures salariales à deux paliers ou plus. Elle peut couvrir aussi le nombre d’échelons salariaux, le taux de salaire au moment de l’embauche, l’admissibilité aux avantages sociaux ou l’étendue de ceux-ci, la sécurité d’emploi, la durée de la période d’essai, et ainsi de suite. Par ailleurs, si le principe de l’équité intergénérationnelle et de la reconnaissance des jeunes sur le marché du travail a été mis en avant par certains pour appuyer cette réglementation, on observe, en revanche, que les nouveaux employés ne sont pas toujours jeunes et qu’une clause de disparité de traitement touche tout nouvel employé, qu’il ait 18 ans ou 60 ans. Ajoutons que, dans certaines circonstances, la Loi sur les normes du travail permet que des salariés bénécient de conditions de travail particulières. Ces conditions ne

LE COIN DE LA LOI

Les dispositions interdisant le recours aux disparités de traitement intégrées dans la Loi sur les normes du travail

Une clause de disparités de traitement, aussi appelée «clause orphelin», est une disposition qui a pour eet de créer, pour les nouveaux salariés embauchés après une date déterminée, des conditions de travail diérentes de celles dont bénécient les salariés en fonction. Seules les disparités de traitement fondées uniquement sur la date d’embauche sont interdites. Ainsi, des conditions de travail plus avantageuses accordées à un salarié en raison de son ancienneté, de sa qualication professionnelle, de son expérience, de son rendement ou de son évaluation sont permises. La loi n’interdit pas seulement les disparités concernant le salaire, mais aussi celles qui visent d’autres matières qui font l’objet d’une norme au sens de la Loi sur les normes du travail, soit les suivantes : la durée du

travail ; les jours fériés, chômés et payés ; les congés annuels payés (vacances) ; les repos ; les absences pour cause de maladie ou d’accident ; les absences et congés pour raisons familiales ou parentales ; l’avis de cessation d’emploi ou de mise à pied et le certicat de travail ; l’uniforme, le matériel et les outils fournis, les frais de formation et de déplacement. Il faut noter que la protection prévue ne porte que sur les matières énumérées ci-avant qui sont prévues à la loi. Aussi, des conditions de travail diérentes touchant des matières ou conditions de travail non visées par la loi ne peuvent être considérées comme des disparités de traitement interdites (et peuvent donc être permises).

Source : Extrait adapté de Commission des normes du travail du Québec (2013).

La gestion des structures salariales

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peuvent cependant pas servir de points de comparaison pour conclure à des disparités de traitement. Des disparités sont autorisées dans les cas suivants : • Des personnes handicapées peuvent bénécier d’accommodements relatifs à leurs conditions de travail, et ce, de façon permanente. • Dans des cas de reclassement ou de rétrogradation d’un salarié, de fusion d’entreprises ou de réorganisation interne d’une entreprise, des disparités temporaires sont permises, le temps d’eectuer les correctifs et d’éliminer progressivement les disparités dans un délai raisonnable. • Dans le cas d’entreprises où il existe plusieurs échelles salariales pour les salariés qui eectuent des tâches identiques à l’intérieur du même établissement, un salarié peut, conformément à la loi, recevoir une rémunération hors échelle, le temps que l’échelle atteigne le salaire de l’employé et que l’écart salarial soit éliminé dans un délai raisonnable. En somme, la loi impose aux entreprises d’en arriver, dans un délai raisonnable, à établir une seule échelle salariale pour les salariés qui eectuent les mêmes tâches dans leurs établissements.

6.6.3 Les courbes de maturité En Amérique du Nord, pour gérer les salaires de certaines catégories de personnel (comme les avocats, les ingénieurs et les comptables), certaines entreprises utilisent les courbes de maturité (ou courbes d’apprentissage) de leurs associations professionnelles respectives, qui prescrivent un taux de rémunération lié au nombre d’années d’expérience depuis l’obtention du diplôme. Une enquête de maturité présente le lien entre le salaire oert sur le marché et l’expérience du candidat. En Europe, on attribue couramment une reconnaissance salariale formelle au nombre d’années d’expérience des employés dans la profession en cause. Ainsi, quelles que soient les catégories de personnel, on émet l’hypothèse que leur expérience a un eet positif sur le rendement au travail, quoique cette relation soit loin d’être clairement établie.

Conclusion Ce chapitre a présenté les étapes à suivre, et les options possibles, en vue d’intégrer divers principes d’équité dans la détermination et la gestion des salaires. Cette intégration se fait par l’élaboration d’une structure salariale nécessitant plusieurs choix et étapes. Nous avons analysé et comparé divers types de structures salariales : les structures salariales courantes basées sur les exigences relatives des emplois, les structures salariales basées sur les compétences des employés et la gestion des salaires par bandes de cheminement de carrière ou par bandes d’emplois. Nous avons traité de la gestion des structures salariales sous divers aspects (mise à jour, contrôle LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA des coûts, communication, etc.) tout autant que de dés ou modes particuliers (compressions salariales, clauses de disparité de traitement, courbe de maturité). Le chapitre 7 traitera de la gestion des programmes de reconnaissance. Et si on réinventait l’exercice de révision salariale ? Par Geneviève Cloutier, CRHA, associée, rémunération et performance, Normandin Beaudry La signication de l’argent Par Jacques Forest, CRHA, psychologue, professeur, chercheur, ESG UQÀM

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CHAPITRE 6

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Qu’est-ce qu’une structure salariale basée principalement sur les exigences des emplois ? Commentez les principes de son élaboration. 2. Pourquoi regroupe-t-on les emplois en classes ? Comment détermine-t-on le nombre de classes d’emplois ainsi que leurs bornes ? 3. Quelle est l’importance des échelles salariales ? Quelles sont les normes requises pour les élaborer et pour gérer la progression dans les échelles salariales ? 4. Un certain chevauchement des échelles salariales est-il utile ? Décrivez les problèmes engendrés par un chevauchement trop important. 5. En quoi consistent les échelles salariales basées sur l’ancienneté et celles basées sur le rendement individuel ? 6. Quelles recommandations pourrait-on faire en vue d’assurer le succès d’un régime de salaires basé principalement sur les compétences ? 7. Qu’est-ce que la gestion des salaires basée sur les bandes de cheminement de carrière ou les bandes d’emplois ? Quelles pratiques peut-on regrouper sous ces expressions ? 8. Quelle est l’importance du contrôle en matière de gestion des salaires ? Quels outils ou approches y sont liés ? 9. Qu’est-ce qu’un problème de compression salariale ? Quels facteurs peuvent engendrer ce problème ? Comment peut-on résoudre celui-ci ? 10. En quoi consiste une courbe de maturité qui permet de gérer les salaires de certaines catégories de personnel ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. «Les structures salariales basées sur les compétences sont peu ecaces. La preuve en est que la plupart des organisations préfèrent une gestion des salaires basée principalement sur la valeur relative des exigences des emplois plutôt qu’une gestion basée sur les compétences ou les habiletés.» Commentez cette armation. 2. «Pour réduire nos coûts de la main-d’œuvre de façon simple et ecace, nous optons pour une double structure salariale. Cela nous permettra d’assurer notre compétitivité.» Commentez cette assertion.

CHAPITRE

7

La gestion des programmes de reconnaissance

PLAN DU CHAPITRE

7.1 Les diérentes formes de la reconnaissance 7.2 La reconnaissance de la contribution au travail : perspectives théorique et empirique 7.3 Les programmes de reconnaissance : la fréquence d’adoption et les diérents types 7.4 Les retombées positives des programmes de reconnaissance

7.5 L’administration des programmes de reconnaissance 7.6 Les conditions de succès des programmes de reconnaissance

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Dénir le concept de «reconnaissance» et en présenter les principales formes. • Décrire les diverses théories traitant des eets des récompenses sur la motivation et la performance de même que sur l’attraction et la délisation du personnel.

• Présenter les diérents programmes de reconnaissance que les organisations implantent et la fréquence de leur implantation. • Décrire les retombées positives des programmes de reconnaissance. • Traiter de la gestion des programmes de reconnaissance. • Insister sur les conditions de succès permettant d’optimiser les retombées des programmes de reconnaissance et de bâtir une culture de reconnaissance au quotidien.

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CHAPITRE 7

M I S E E N S I T U AT I O N

Gaz Métro : redécouvrir l’importance de la reconnaissance par le jeu Pour bien reconnaître la contribution au travail, il faut que les gens se sentent concernés et qu’ils se remettent en mémoire l’étendue des formes de reconnaissance. C’est le pari qu’a remporté Gaz Métro, une entreprise de distribution de gaz naturel dont les activités sont réparties sur tout le territoire du Québec. Près de 1 400 employés l’aident à accomplir sa mission, dont 64 % au siège social et 36 % dans les bureaux d’aaires ; 65 % de son personnel est syndiqué. L’entreprise s’était déjà engagée à travailler sur le climat de travail, notamment avec ses syndicats. Depuis 2005, c’est l’outil IME (Indice de mobilisation de l’entreprise) qui lui permet de déterminer et de mesurer ses priorités d’action. Dès les premiers résultats, un enjeu particulier lié à la reconnaissance a été repéré. Afin de choisir les bons leviers et de mieux agir sur la reconnaissance, on a tenu des rencontres de consultation avec l’ensemble des gestionnaires et des cadres spécialistes. Profitant d’un forum avec les gestionnaires et d’une autre rencontre avec les professionnels, l’entreprise a posé les deux questions suivantes : qu’est-ce qui pourrait être fait

pour mieux reconnaître la contribution de chacun ? Quels sont les gestes de reconnaissance déjà effectués chez Gaz Métro qui ont été significatifs pour vous ? Ces consultations ont permis d’obtenir beaucoup d’informations sur la perception du rôle de chacun dans la reconnaissance et sur la nature des moyens de reconnaissance privilégiés. L’entreprise a tiré deux grandes leçons de ces entretiens qui ont orienté ses actions. Selon la première leçon, les personnes ont une attitude d’attente : elles sont donc spectatrices plutôt qu’actrices de la reconnaissance et attendent plus des autres qu’elles ne donnent elles-mêmes. Les personnes expriment bien des idées sur ce que les autres devraient faire à leur égard. Lorsqu’on leur demande si elles donnent de la reconnaissance, elles tendent à répondre oui ; si on leur demande si elles en reçoivent, elles ont tendance à répondre non ! Selon la deuxième leçon, la nature des moyens de reconnaissance ne relève pas seulement de la responsabilité de l’organisation, mais aussi d’une diversité de moyens et d’acteurs (gestionnaires, employés, collègues).

Qui témoigne de la reconnaissance ? La reconnaissance dans une entreprise est l’aaire de tous. 1. La direction dénit des politiques de reconnaissance pécuniaires et non pécuniaires. Elle établit aussi une culture, avec des valeurs et des rituels qui favorisent la reconnaissance. 2. Le supérieur immédiat est un acteur essentiel de la reconnaissance. Il est nécessaire qu’il encadre clairement l’action de l’employé, entre autres par des objectifs clairs pour que sa reconnaissance prenne tout son sens et son intensité. 3. Tout un chacun, en tant que collègue, est aussi un acteur de reconnaissance, par des paroles d’encouragement, de remerciement ou des actes de coopération spontanée. 4. Certaines personnes en dehors de l’entreprise, comme les clients, les fournisseurs ou les actionnaires, sont également des donneurs de reconnaissance, positive ou négative selon le cas.

Que faut-il reconnaître ? On peut reconnaître une variété de contributions : les eorts, les résultats ou la personne, ou les trois à la fois. Par exemple, on peut reconnaître l’atteinte d’un objectif (la production d’un rapport de qualité), les eorts (en moins de temps que prévu) et la personne (pour la uidité du style).

Sachant que les gestionnaires sont des acteurs clés, puisqu’ils donnent le ton, l’entreprise a dirigé ses premières interventions auprès d’eux. Quoi de mieux que de proter d’un forum réunissant tous les gestionnaires pour les mettre en mouvement

sur le sujet ? Et surtout, qu’y a-t-il de plus opportun que de les faire jouer en équipe à un jeu de société sur la reconnaissance ? On a donc inventé, à partir de modèles tels que le Monopoly, une activité de redécouverte de la reconnaissance.

La gestion des programmes de reconnaissance

Celle-ci a permis à des équipes de gestionnaires d’explorer, de choisir et d’échanger des moyens de reconnaître, et d’examiner ainsi toutes les facettes de la reconnaissance. Le jeu est une aide novatrice ; mais pour réussir à créer l’intérêt, la direction doit appuyer le projet et y participer. Dans une grande salle, les 180 gestionnaires ont donc été répartis en 20 équipes de 9 personnes, en provenance de tous les secteurs de l’entreprise. Un cadre de la direction à chaque table tenait le rôle d’animateur : en plus d’expliquer les règles du jeu, il créait l’échange et régulait la participation des joueurs. Le jeu permet d’accumuler des points grâce à des cartes «moyens» (comment reconnaître ?), d’innover grâce à des cartes «applications», mais il procure aussi le plaisir de jouer grâce aux surprises positives (les cartes «bons coups») ou négatives (les cartes «zut alors !»). Qu’est-ce que les gestionnaires ont appris sur le sujet ? Il semble que l’exercice leur a fourni un cadre de référence simple qui leur a permis de découvrir la multiplicité des options qui s’orent à eux et d’avoir un plus large choix pour passer de spectateurs passifs à acteurs dynamiques de la reconnaissance (comme gestionnaires et comme collègues). En conclusion, la reconnaissance est essentielle pour l’être humain. On en a tous besoin, mais on oublie facilement d’en donner. Dans une entreprise, la reconnaissance :

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1. est le fondement du lien social, car les rites de reconnaissance facilitent l’intégration d’une personne dans un groupe ; 2. est un stimulateur de la collaboration et de la créativité : elle invite à s’ouvrir, à donner plus. En eet, la créativité ne fonctionne pas selon une logique individualiste, mais demande de faire don, de travailler collectivement et d’apporter le maximum (on le comprend bien dans un exercice de remue-méninges) ; sans reconnaissance, les gens deviennent avares de leurs contributions ; 3. fait passer, socialement, la personne du «je» au «nous». En reconnaissant une contribution, on formalise l’appartenance (d’où l’importance d’être cité, de ne pas être oublié dans une liste de contributeurs, etc.). Manquer de reconnaissance, c’est voir niée (momentanément) son appartenance à un groupe.

La reconnaissance devient donc plus que jamais un enjeu de mobilisation des personnes. Il faut retenir que, la plupart du temps, la reconnaissance est un acte gratuit qui doit être répété régulièrement. Cela explique pourquoi la rémunération variable et les augmentations de salaires, si elles sont des actes de reconnaissance, ne peuvent pas être les formes uniques de reconnaissance en entreprise.

Questions 1. Que pensez-vous de l’initiative de Gaz Métro en matière de reconnaissance ? Selon vous, quels eets cette initiative a-t-elle pu engendrer sur le climat de travail, la motivation et la performance au travail des diérents acteurs au sein de Gaz Métro ? 2. Commentez le partage des responsabilités en matière de reconnaissance dans l’organisation. Ce constat aura-t-il une Source : Extrait adapté de Magnan et Collas (2008).

incidence sur vos comportements en tant que membre d’une équipe de travail ou en tant qu’employé ? 3. Sur la base de votre expérience personnelle, quels sont les gestes de reconnaissance déjà eectués à votre égard et qui ont été signicatifs pour vous ? Qu’est-ce qui aurait pu être fait pour mieux reconnaître votre contribution ou celle d’un collègue ?

318

CHAPITRE 7

C

e chapitre porte sur ce que de nombreuses personnes réclament le plus et sur ce que, bien souvent, elles accordent le moins à leur entourage : la reconnaissance. Faute de contrôler celle que l’on reçoit, il importe donc d’accorder davantage de reconnaissance à notre entourage, puisque dans bien des cas cela ne coûte rien et nous n’avons pas besoin de permission pour l’accorder. On constate alors que c’est en orant davantage de reconnaissance à son entourage que l’on en reçoit, même si on ne le fait pas dans ce but. Tout d’abord, nous dénissons la reconnaissance de la contribution au travail ou les récompenses. Nous y discutons la diversité des contributions qui peuvent être reconnues ainsi que les diérentes formes de reconnaissance, souvent de nature non pécuniaire, dont on peut recourir dans les milieux de travail. Ensuite, nous présentons un survol des théories examinant les eets potentiels de la reconnaissance sur les comportements et les résultats au travail, une synthèse des études analysant l’ecacité de divers modes de reconnaissance extrinsèque ainsi qu’une conclusion pratique sur les principes de gestion à respecter à l’égard des modes de reconnaissance au travail. Puis, nous décrivons les diérents programmes de reconnaissance que les organisations implantent, la fréquence de leur implantation respective et les objectifs que les organisations visent en les adoptant. Par la suite, nous examinons les atouts de ces programmes en comparaison des régimes de rémunération variable et nous voyons leurs retombées positives. Puis, nous nous penchons sur la gestion des programmes de reconnaissance sous divers aspects : les objectifs visés, la communication, la formation des cadres, l’administration et l’évaluation des programmes. Finalement, nous insistons sur les conditions de succès permettant d’optimiser les retombées des programmes de reconnaissance et de bâtir une culture de reconnaissance au quotidien.

7.1

Pour en savoir plus sur la reconnaissance en tant que pratique de gestion et sur les formes de récompenses

Les diérentes formes de la reconnaissance

Selon Brun (2008, p. 22), « la reconnaissance au travail est une pratique qui consiste à témoigner, de façon authentique et constructive, de l’appréciation ». Le classement des modes ou des formes de reconnaissance varie selon les auteurs (voir, par exemple, Bédard et al., 2002 ; Bourcier et Palobart, 1997). Dans la documentation, les termes « reconnaissance » et « récompense » sont utilisés fréquemment par les auteurs de manière interchangeable. Aux ns de ce chapitre, ces deux expressions peuvent comprendre tant des récompenses tangibles (extrinsèques) que des récompenses intangibles (intrinsèques). Dans cette section, nous verrons une classication des formes de reconnaissance selon les sept catégories suivantes : la communication, les comportements, les symboles honoriques, la visibilité, les biens, les conditions de travail et la rémunération variable.

7.1.1 La communication Toute personne peut exprimer de la reconnaissance à d’autres personnes méritantes par divers gestes souvent informels et spontanés : par exemple, en allant les voir, en leur téléphonant, en leur envoyant une note ou un courriel pour leur dire « Félicitations », « Merci », « Bon travail », « Continuez », etc. Ces gestes simples sont pourtant peu fréquents. La tendance courante consiste plutôt à penser ceci : « Si je ne dis rien, c’est que je suis content », « Je n’ai pas de temps à accorder à ces bagatelles », « J’attends de

La gestion des programmes de reconnaissance

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communiquer mon appréciation lors de l’entretien annuel d’évaluation du rendement », et ainsi de suite. Pourtant, en exprimant simplement des félicitations, de la gratitude et du respect, on augmente l’estime de soi des personnes visées, un déterminant important de leur motivation au travail.

7.1.2 Les comportements On peut exprimer sa reconnaissance à travers divers comportements témoignant de l’appréciation en ce qui a trait à la contribution au travail (les compétences, l’expertise, les résultats, etc.) de personnes ou de la conance à leur endroit au moyen d’une tape dans le dos, d’une poignée de main, etc. De même, il est possible d’exprimer de la reconnaissance en se montrant prêt à aider des personnes lorsqu’elles en ont besoin, en s’informant de ce qu’elles vivent et en se préoccupant de leur situation, en leur communiquant une information privilégiée, en leur demandant leur avis sur un projet, en les faisant participer à un dossier, en leur déléguant la présentation d’un document à l’occasion d’une réunion, en les accueillant avec le sourire, en manifestant du plaisir à travailler avec elles, en leur témoignant de l’empathie ou de l’intérêt, en agissant comme un mentor à leur égard, en se comportant respectueusement, et ainsi de suite.

7.1.3 Les symboles honoriques L’excellence peut être reconnue au moyen de symboles comme des trophées, des prix, des titres et des diplômes honoriques ou des plaques murales. Par exemple, certaines organisations commanditent une série d’œuvres d’art (sculptures, peintures, sérigraphies) pour reconnaître des réalisations exceptionnelles. Des stylos, des certicats et des voyages peuvent également être oerts aux employés méritants. Par exemple, chaque année, Xerox Canada récompense ses meilleures équipes de services techniques aux clients en accordant à chacun de leurs membres un week-end pour deux personnes dans un hôtel et en assumant les frais de la célébration de leur exploit dans leur région (McKibbin-Brown, 2003).

7.1.4 La visibilité En ce qui concerne la visibilité, le superviseur peut féliciter un employé devant ses pairs, souligner les réalisations particulières d’un employé ou d’un groupe d’employés au cours d’une réunion, joindre au dossier de l’employé une lettre de reconnaissance, communiquer celle-ci dans le journal et sur les tableaux d’achage de l’entreprise, demander aux meilleurs employés de faire un exposé sur les trucs du métier à l’intention de leurs collègues, et ainsi de suite.

7.1.5 Les biens On peut reconnaître le rendement en accordant des biens, des services, des montants forfaitaires, etc. Ces récompenses prennent la forme de cadeaux (chandails, montres, bijoux, etc.), d’une prise en charge de frais (repas, voyages, sorties, etc.), de billets pour des événements culturels ou sportifs, d’abonnements à des centres d’entraînement

La reconnaissance : une véritable source de motivation au travail Selon André Savard, associé chez Dessureault, Savard, Caron et Associés, «le salaire est important, mais ce qui motive les gens au travail, c’est la reconnaissance. Les gens veulent se faire dire qu’ils font un bon boulot et ils veulent avoir du feed-back. Ça ne coûte rien et ça fonctionne. Quand le gestionnaire voit quelque chose qu’il apprécie, il doit le dire à ce moment précis.» Ce dernier, comme bien d’autres personnes, appuie ce conseil en racontant l’origine du Golden Banana Award adopté par la société Hewlett-Packard pour reconnaître son personnel. Plusieurs ingénieurs de l’unité de Palo Alto, en Californie, cherchaient la solution à un problème depuis des semaines. L’un d’eux a trouvé la solution et est allé l’annoncer à son supérieur. Emballé, son patron a regardé autour de lui pour trouver quoi lui orir comme marque de reconnaissance. Voyant une banane dans sa boîte à lunch, il la lui a donnée en disant «Bien fait ! Félicitations !» Sources : Extrait adapté de Simard (2002, p. 23) et Nelson (s.d.).

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CHAPITRE 7

Pour en savoir plus sur l’IMA Canada Council

physique, de prix en argent, de billets liés à un catalogue de prix, etc. On peut aussi orir une place de stationnement ou encore permettre l’accès à un matériel de bureau privilégié. Par ailleurs, il existe des régimes de primes de « stimulation » à l’intention notamment du personnel de vente et des conjoints. Ces primes ou ces objets promotionnels incluent toutes sortes de biens de consommation, comme des voyages ou des services. Le marché pour ces primes de stimulation ou pour cette publicité par l’objet est assez bien organisé. Au Canada, l’IMA Canada Council (un groupe industriel stratégique chapeauté par l’Incentive Marketing Association aux États-Unis) a pour mission de regrouper les membres de l’industrie de la publicité par l’objet en vue de les guider, de les informer et de favoriser leur croissance et leur perfectionnement, et ce, dans un environnement éthique et professionnel.

7.1.6 Les conditions de travail La reconnaissance à l’égard des employés peut être reconnue au moyen de la modication de leurs conditions de travail. Ainsi, une responsabilité spéciale ou supplémentaire peut être attribuée aux employés méritants. Par exemple, les cadres dont les employés sont les plus assidus peuvent être nommés à un comité chargé de se pencher sur le problème de l’absentéisme dans l’entreprise. On peut également orir des conditions de travail privilégiées aux meilleurs employés : un horaire exible, le choix du quart de travail, l’accès à une formation, le droit à une journée de congé supplémentaire, etc. Toutes les approches relatives à la réorganisation du travail — l’enrichissement des tâches, la rotation des postes, les groupes autonomes, les cercles de qualité, etc. — peuvent aussi être considérées. De même, on peut proposer toutes sortes d’activités sociales aux employés (pique-nique, soirée des fêtes, etc.) an de démontrer la valeur de ces derniers.

7.1.7 La rémunération variable Rémunération variable (variable pay) Forme de reconnaissance qui regroupe des programmes individuels et collectifs de rémunération, comme les salaires, les primes au mérite, les commissions, la partici­ pation aux bénéces et à la propriété ou le partage des gains.

Il est possible de reconnaître le rendement au moyen d’une variété de régimes de rémunération variable ou à travers des montants forfaitaires ponctuels. On peut d’abord reconnaître la contribution individuelle (les résultats, les compétences, l’ancienneté, etc.) par l’octroi de commissions, de primes ou en accordant des augmentations de salaires en fonction du mérite, de l’ancienneté, des habiletés ou des compétences. L’organisation peut aussi adopter des régimes collectifs de rémunération basée sur la performance organisationnelle à court terme, comme les régimes de participation aux bénéces, de partage des gains de productivité et de partage du succès. De même, on peut recourir à des régimes de rémunération basée sur la performance organisationnelle à long terme, comme les régimes d’octroi d’actions, d’achat d’actions ou d’options d’achat d’actions. Les chapitres 8 et 9 sont consacrés aux régimes individuels et collectifs de rémunération variable. En résumé, la reconnaissance devrait se manifester par une variété de sources, que ce soient les supérieurs immédiats, les collègues, les subalternes, les clients internes et externes ou les dirigeants d’entreprise. Ainsi, elle devrait être accordée aux niveaux institutionnel, collectif et individuel à travers des moyens ociels et non ociels. Comme l’indiquent Brun et ses collaborateurs (2002, 2005), la reconnaissance peut se pratiquer d’une façon quotidienne, régulière ou ponctuelle, se manifester de manière ocielle ou non ocielle, s’octroyer sur une base individuelle ou collective, se donner en privé ou en public, être pécuniaire ou non pécuniaire et avoir une valeur symbolique, aective ou concrète pour la personne qui la reçoit.

La gestion des programmes de reconnaissance

7.2

321

La reconnaissance de la contribution au travail : perspectives théorique et empirique

On ne peut pas traiter de l’ecacité des régimes de récompenses et de rémunération variable sans considérer les théories ainsi que les études sur le sujet. Cette section a l’objectif de synthétiser le message que contiennent quelques théories, pour la plupart des théories de la motivation1, ainsi que les conclusions des nombreuses recherches sur le sujet an de tirer des constats pertinents pour la pratique (voir le tableau 7.1)2.

7.2.1 Les théories psychologique et économique favorables aux récompenses tangibles ou pécuniaires La plupart des théories comportementales de la motivation — comme les théories de l’équité, de la gestion par objectif, des attentes, du conditionnement opérant ou de la justice du processus — arment que la rémunération comme forme de récompense peut,

TABLEAU 7.1

Pour en savoir plus sur le concept de motivation au travail

Les incidences des récompenses tangibles sur la motivation et la performance

éories

Messages clés Les perspectives psychologiques ou comportementales

éorie des caractéristiques des tâches (Hackman et Oldham, 1980)

Les employés éprouvent davantage de motivation lorsqu’ils estiment que leur travail possède certaines caractéristiques.

éorie de la hiérarchie de besoins (Maslow, 1943)

• Les personnes cherchent à combler leurs besoins dans cet ordre : – les besoins physiologiques ; – les besoins de sécurité ; – les besoins d’appartenance ; – les besoins d’estime de soi ; – les besoins de réalisation de soi. • Les besoins des niveaux supérieurs motivent les personnes dans la mesure où les besoins des premiers niveaux sont comblés. Aussi, la rémunération variable peut être démotivante si elle compromet la satisfaction des besoins des premiers niveaux, et elle peut être motivante si elle satisfait les besoins supérieurs d’estime de soi ou de reconnaissance et de réalisation de soi ou d’accomplissement.

éories de l’attribution (Lepper et al., 1973), de l’évaluation cognitive (Deci et Ryan, 1985 ; Ryan et Deci, 2000) et de l’autodétermination (Gagné et Deci, 2005)

• Une récompense extrinsèque aura un eet positif sur la motivation intrinsèque, c’est-à-dire le plaisir de réaliser une tâche en soi, dans la mesure où elle est octroyée de manière à avoir un eet positif sur les besoins de compétences, d’autonomie et de relations des personnes. L’eet positif ou négatif des récompenses extrinsèques sur la motivation intrinsèque dépend du fait qu’elles sont utilisées comme une source d’information (rétroaction) ou comme une forme de contrôle.

1. Pour une synthèse des théories de la motivation, voir Kanfer et al. (2008). 2. Une version synthèse de cette section du chapitre a fait l’objet de l’article suivant : St-Onge (2013). « Les eets de la rémunération variable sur la motivation et la performance : incertains ! », Eectif, le magazine des CRHA, volume 16, numéro 5, novembre/décembre.

322

CHAPITRE 7

TABLEAU 7.1

Les incidences des récompenses tangibles sur la motivation et la performance (suite)

éories

Messages clés Les perspectives psychologiques ou comportementales

éories des attentes (Vroom, 1964) et du renforcement (Skinner, 1974)

• Les personnes sont motivées à améliorer leur rendement dans la mesure où elles ont

éorie de la gestion par objectifs (Locke et Latham, 1990)

• Selon la qualité de la gestion, les récompenses peuvent inuencer (positivement ou

éories de l’équité (Adams, 1963) et de la justice organisationnelle (Greenberg, 1990)

• Selon la perspective de l’équité, une personne éprouve un sentiment d’iniquité

l’impression : – que leurs eorts ont un eet sur leur rendement ; – qu’il existe un lien entre leur rendement et les récompenses ; – que les récompenses qu’elles obtiennent sont importantes ou ont de la valeur à leurs yeux. négativement) ou ne pas inuencer l’engagement des personnes dans la réalisation de leurs objectifs. lorsqu’elle perçoit que le ratio de ses résultats par rapport à ses intrants n’est pas égal au ratio des résultats par rapport aux intrants d’une autre personne, d’un groupe de personnes (référents) ou de son passé et de ses attentes. • Selon la perspective de la justice organisationnelle, les eets positifs des récompenses seraient autant fonction de leur valeur (le combien et le quoi) que de la façon dont elles sont déterminées, gérées et octroyées (le comment et le pourquoi) par les cadres et l’organisation. Les perspectives économiques, nancières et d’ingénierie

Taylorisme (début du xxe siècle)

• Pour inciter les employés à travailler, il faut les rémunérer à la pièce.

éorie de l’agence (Fama et Jensen, 1983)

• La divergence d’intérêts entre les mandants (les actionnaires), et les mandataires

éorie de l’éviction (Frey et Jegen, 2001)

• Si elles sont vues comme des mesures de contrôle, les récompenses extrinsèques vont

éorie psychoéconomique (Bénabou et Tirole, 2006)

• Les comportements altruistes individuels sont conditionnés par la réputation sociale

(les dirigeants), de même que la diculté pour les mandants à surveiller de près le comportement des mandataires, entraînent un problème d’alignement. • D’une part, les actionnaires visent l’accroissement de leur richesse et s’attendent à ce que les dirigeants travaillent à augmenter la valeur boursière de l’entreprise. • D’autre part, les dirigeants visent à maximiser leur bien-être, quitte à prendre des décisions qui réduisent la richesse des actionnaires. Selon cette théorie, on peut résoudre ce problème de contrôle en adoptant des régimes de rémunération variable qui alignent la rémunération des dirigeants sur des mesures de la performance organisationnelle. expulser ou évincer la motivation intrinsèque. Si elles améliorent l’estime de soi et le sentiment d’autodétermination, elles vont la stimuler ou la goner. et le respect de soi.

• Les récompenses ou les punitions — sur le plan matériel ou sur celui de l’image — alimentent des doutes sur le véritable motif, et cet eet de «surjustication» (ou problème d’attribution) peut réduire la motivation à faire du bénévolat. éorie du triangle de la fraude (Beasley et al., 2001 ; Free et al., 2007)

• Les fraudes ou les malversations sont plus susceptibles de surgir dans des contextes caractérisés par des pressions, des occasions et la justication.

sous certaines conditions, favoriser la motivation, et donc les performances individuelle et collective. Selon la théorie des attentes de Vroom (voir l’encadré 7.1), les personnes sont motivées à améliorer leur rendement dans la mesure où elles ont l’impression : • que leurs eorts ont un eet sur leur rendement : cette perception est inuencée par l’estime de soi, l’expérience, la conance en leur capacité d’accomplir ce qu’on attend

La gestion des programmes de reconnaissance

• •

d’elles, le sentiment d’ecacité personnelle et la maîtrise qu’elles ont de leurs comportements et de leurs résultats ; qu’il existe un lien entre leur rendement et les récompenses : cette perception est fonction de la qualité de la gestion et de l’évaluation du rendement aux yeux de la personne ; que les récompenses qu’elles obtiennent sont importantes à leurs yeux : cette perception dépend des besoins et des attentes des personnes.

Aussi, plus les employés pensent qu’ils sont aptes à faire ce qu’on attend d’eux, plus ils pensent que cela leur apporte davantage de choses positives que de choses négatives, plus les conséquences positives ont de la valeur à leurs yeux, et plus ils sont motivés à faire ce qu’on attend d’eux. Ainsi, les attitudes et les comportements au travail des employés résulteraient en partie d’analyses coûts-bénéces plus ou moins conscientes. Par exemple, quoiqu’une politique de salaire au mérite puisse sembler motivante à cause du lien établi entre le salaire et le rendement, elle risque de l’être très peu si l’on considère les augmentations de salaires très faibles (valence) qui subsistent après les prélèvements d’impôts. Par ailleurs, bien que les avantages sociaux soient importants aux yeux des employés, ils n’ont aucun eet sur leur motivation au travail, puisqu’il n’y a pas de lien (instrumentalité) entre ces avantages et leur rendement au travail, dans la mesure où le travail est supérieur à une norme minimale (sinon, il y a congédiement et perte des avantages sociaux). De même, un taux d’absentéisme élevé peut indiquer que les employés voient plus d’avantages dans le fait de s’absenter de leur travail que dans le fait d’y être assidus, les attitudes et les comportements au travail des personnes découlant en partie d’analyses coûts-bénéces. Comme les employés tendent à répéter les comportements qui leur procurent du plaisir ou qui sont suivies par des récompenses valorisées, selon la théorie du renforcement ou du conditionnement opérant (Skinner, 1974), il importe d’associer plus d’avantages au fait de se présenter au travail ou plus d’inconvénients au fait de s’absenter du travail (ou les deux à la fois) pour réduire le problème de l’absentéisme. Selon la théorie de l’équité (Adams, 1963), une personne éprouve un sentiment d’iniquité lorsqu’elle perçoit que le ratio de ses résultats par rapport à ses intrants n’est pas égal à celui d’une autre personne ou d’un groupe de personnes avec qui elle se compare qui peuvent être variés : des personnes qui occupent un même emploi ou des emplois ENCADRÉ 7.1

La théorie des attentes

∑ {(Eorts → Rendement) [∑ (Rendement → Récompenses) Valence]} → Eort (Motivation) Attentes : perception du lien «Eorts → Rendement» C’est la relation perçue par une personne entre l’eort qu’elle peut déployer et le niveau de rendement qui en résultera. Cette perception qu’une personne a du lien entre ses eorts et son rendement est inuencée par son estime de soi, son expérience, sa conance en sa capacité d’accomplir ce qu’on attend d’elle, son sentiment d’ecacité personnelle (self-ecacy) et par la maîtrise qu’elle a de ses comportements et de ses résultats (locus of control). Instrumentalité : perception du lien «Rendement → Récompenses» Cet élément indique dans quelle mesure une personne perçoit la relation entre divers niveaux de rendement et les avantages qu’elle peut en retirer. Valence ou valeur des récompenses ou punitions C’est l’importance ou la valeur qu’une personne accorde à diérents avantages qu’elle peut retirer de son travail. Cette valeur est perçue comme d’autant plus grande que les avantages considérés peuvent combler les divers besoins de la personne. Cette valeur peut être jugée comme positive (quelque chose de désirable) ou négative (quelque chose d’indésirable).

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CHAPITRE 7

diérents dans la même entreprise ou dans d’autres entreprises, la personne elle-même en fonction de La reconnaissance à travers critères élaborés à partir de son expérience passée des gestes simples au quotidien et de ses attentes, des systèmes tels que des contrats Selon Martine Drolet, présidente de l’Ordre des CRHA, implicites ou explicites. La contribution est composée la reconnaissance ne doit pas se résumer à la remise ponctuelle de tout ce qu’une personne reconnaît qu’elle fournit de de récompenses. Pour inspirer l’engagement, elle doit s’exercer pertinent dans l’échange (ses aptitudes, son expérience, au quotidien, sans planication et avec sincérité. Un simple son niveau de scolarité, son ancienneté, ses eorts au merci dans un courriel, une petite tape dans le dos ou des billets travail). La rétribution peut être le salaire, les avantages de spectacle ne peuvent manquer d’avoir un eet galvanisant sociaux ou d’autres gratications telles que le statut. impressionnant ! La reconnaissance, c’est aussi faire appel à Plus récemment, on a insisté sur le rôle des formes l’expertise de l’employé pour résoudre un problème, lui permettre de justice organisationnelle — soit la justice distributive de discuter de certaines décisions, voire le faire participer à la prise de décision. Il s’agit de souligner non seulement ses succès et et la justice du processus — sur les attitudes et les comses résultats, mais aussi les eorts consentis dans un projet, même portements au travail. Ainsi, la justice distributive se si celui-ci n’aboutit pas, pour dépasser un objectif, pour satisfaire préoccupe de l’équité du résultat (le combien et le quoi), un client mécontent. C’est ainsi qu’on donne du sens à son travail. alors que la justice du processus se penche sur l’équité du processus pour décider du résultat (le comment et Source : Extrait adapté de Drolet (2012). le pourquoi). Selon cette perspective de la justice organisationnelle, les eets positifs des récompenses seraient autant fonction de leur valeur (le combien et le quoi) que de la façon dont elles sont déterminées, gérées et octroyées (le comment et le pourquoi). Lorsqu’un employé éprouve un sentiment d’iniquité, il cherche à l’atténuer par divers moyens : par une modication de sa contribution (réelle ou perçue), par un changement dans sa rétribution (réelle ou perçue), par un changement d’emploi, de référent ou de point de comparaison, etc. Selon la théorie de la gestion par objectifs (Locke et Latham, 1990), la motivation au travail des employés serait inuencée par la nature des objectifs (leur diculté, leur précision, leur réalisme, leur caractère mesurable, etc.), par la valeur de ceux-ci pour la personne (l’attraction, l’engagement, la signication, etc.), par la façon dont les objectifs sont déterminés (l’assignation, la participation, la consultation, etc.) et par la connaissance de la progression vers la réalisation des objectifs (la rétroaction, la reconnaissance, etc.). Engagement Ainsi, les récompenses inuenceraient l’engagement organisationnel des employés dans organisationnel la réalisation de leurs objectifs de travail et envers leur organisation. (organizational Selon la théorie des caractéristiques des tâches (Hackman et Oldham, 1980), les employés commitment) éprouvent davantage de motivation et de satisfaction au travail lorsqu’ils estiment que Force du lien d’attacheleur travail possède les caractéristiques suivantes : ment qui unit l’employé • une marge discrétionnaire, soit la responsabilité, l’autonomie et la liberté d’action que à son organisation. possède l’employé ; • une rétroaction, ou la connaissance des résultats qui permet de déterminer jusqu’à quel point l’employé fait bien son travail ; • la variété du travail, ou l’ampleur des habiletés requises ; • la personnalisation, ou la possibilité d’accomplir une tâche du début à la n ; • la signication du travail ; • la stimulation, ou l’approbation sociale ; • une reconnaissance appropriée ; • des objectifs de rendement clairs. Du côté des perspectives économique et nancière, dès le début de l’industrialisation, le courant du taylorisme présumait que les employés étaient foncièrement paresseux et qu’il fallait une rémunération à la pièce pour les motiver. Depuis les années 1960, la populaire théorie de la délégation (agency theory) prône le recours aux récompenses extrinsèques,

La gestion des programmes de reconnaissance

et donc à la rémunération variable, comme moyen d’aligner les comportements et la performance individuelle (surtout des cadres supérieurs et des dirigeants) sur la performance organisationnelle.

7.2.2 Les courants psychologique et économique critiques envers les récompenses tangibles ou pécuniaires Depuis quelques années, certains théoriciens font une distinction entre la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. La motivation intrinsèque est associée au fait de réaliser une tâche en soi parce qu’elle procure à l’employé un sentiment d’accomplissement, de maîtrise ou de réalisation personnelle. Quant à la motivation extrinsèque, elle vient de l’extérieur de la personne et résulte de l’espoir ou de l’attente de recevoir une récompense externe comme un salaire, une prime, un avantage, une promotion ou un compliment. Tablant sur ces deux formes de motivation, des théoriciens ont proposé la théorie de l’attribution ou de la double justication (Lepper et al., 1973) qui allègue que si l’on récompense des personnes qui font une tâche intéressante, cela les incitera à attribuer leurs comportements à la récompense extrinsèque au détriment de la motivation intrinsèque pour laquelle ils l’accomplissaient auparavant. Dans la foulée de cette croyance, la théorie de l’évaluation cognitive (Deci et Ryan, 1985) indique que les personnes percevant les récompenses comme une rétroaction sur leurs propres compétences (l’estime de soi) retirent plus de plaisir à réaliser une tâche en soi (une plus grande motivation intrinsèque) et sont davantage incitées à faire ce pour quoi elles sont récompensées. À l’inverse, lorsque les personnes perçoivent les récompenses comme des mesures de contrôle, elles tendent à devenir de plus en plus motivées à faire seulement ce qui est récompensé étant donné qu’elles attribuent le mérite des eorts à l’obtention des récompenses plutôt qu’à la motivation intrinsèque (voir l’encadré 7.2). Pour ces théoriciens, les eets potentiels négatifs des récompenses extrinsèques sur la motivation intrinsèque sont surtout le fait des récompenses qui sont octroyées en fonction de la performance dans une tâche (ce qui est le cas de la rémunération variable et non des avantages sociaux ou de la sécurité d’emploi) étant donné qu’elles risquent d’être davantage perçues comme exerçant un contrôle sur eux. Du côté de l’économie, certains chercheurs font appel au concept de motivation intrinsèque pour comprendre les comportements prosociaux, comme donner du sang ou faire du bénévolat (par exemple, Bénabou et Tirole, 2006 ; Frey et Jegen, 2001 ; Kunz et Pfa, 2002). C’est le cas de la théorie de l’éviction (Frey et Jegen, 2001), qui présume que les récompenses extrinsèques vont soit expulser ou évincer (crowd out) la motivation intrinsèque si elles sont vues comme des mesures de contrôle, soit la stimuler ou la goner (crowd in) si elles améliorent l’estime de soi et le sentiment d’autodétermination. Selon les

ENCADRÉ 7.2

Lorsque la récompense mène à l’extinction d’un comportement

Un homme d’un certain âge, fatigué des sarcasmes des enfants du voisinage, nit par inventer un stratagème. Il orit de donner un euro à chaque enfant qui reviendrait le mardi et qui hurlerait à nouveau ses insultes. Ce qu’ils rent avec zèle et ils reçurent leur argent ; mais il leur dit que le mercredi, il ne pourrait leur donner que 25 cents. Quand ils revinrent, ils l’insultèrent à nouveau et reçurent leur monnaie. Pour le jeudi, le vieil homme annonça que le montant ne serait que d’un centime. Les enfants estimèrent que l’eort n’en valait pas la peine et décidèrent de ne plus revenir. Source : Burel (2009). [En ligne], http://haute-performance.over-blog.com/article-35519957.html (2014).

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CHAPITRE 7

auteurs, cette théorie permet de comprendre pourquoi des bénévoles qu’on récompense travaillent moins et que les retards des parents qui vont chercher leurs enfants dans les garderies augmentent par suite de l’instauration d’un système d’amendes. D’après eux, le fait d’attribuer une telle récompense ou une telle pénalité externe change la relation des personnes avec une organisation, qui passe d’un choix moral personnel à un arrangement économique. Dans le même ordre d’idées, les économistes Bénabou et Tirole (2006) ont élaboré la théorie psychoéconomique, qui repose sur trois incitations interagissant entre elles : la motivation intrinsèque, la motivation extrinsèque et la motivation liée à la réputation (l’image que l’on veut projeter de soi-même vis-à-vis des autres et vis-à-vis de soi-même). Selon ces auteurs, le fait de donner des incitations extrinsèques peut diminuer la motivation intrinsèque ou l’image sociale rattachée à un comportement prosocial. Ainsi, il est possible qu’en rémunérant (motivation extrinsèque) le don de sang pour inciter les personnes à donner davantage, on arrive à l’eet inverse, soit faire baisser le nombre de donneurs parce qu’ils ne veulent pas être perçus comme faisant ce don (motivation liée à la réputation) pour l’appât du gain, cela changeant le sens de la valeur de leur action à leurs propres yeux (motivation intrinsèque). Récemment, des auteurs ont conceptualisé une théorie de la fraude au moyen d’un triangle dont les pointes sont les pressions, les occasions et la justication (Beasley et al., 2001 ; Free et al., 2007). Ainsi, des régimes de rémunération variable susceptibles d’octroyer des récompenses très importantes peuvent exercer une pression indue sur les personnes qui les incite à tout faire pour obtenir ces récompenses, leur permettant de justier l’injustiable et même les amenant à tricher dans la mesure où les règles du jeu sont soumises à un très faible contrôle.

7.2.3 Les études sur les eets de la rémunération variable Dans la pratique des affaires, le courant prescriptif recommandant le recours à la rémunération variable reste important. Toutefois, le message plus critique à l’égard des récompenses extrinsèques perdure. Par exemple, en 2012, la revue Eectif publiait un texte intitulé « Pourquoi l’argent motive peu ou mal ? » en s’appuyant sur une enquête réalisée auprès des professionnels des ressources humaines (Forest et al., 2012). En 2009, Pink expliquait les limites des récompenses extrinsèques, incluant le fait de pouvoir éliminer la motivation intrinsèque et la performance. Déjà, en 1993a, Kohn demandait qu’on se mée des incitations pour les raisons suivantes : • Elles peuvent diminuer l’intérêt pour la tâche et alimenter le sentiment d’être puni. Plus on insiste sur les récompenses, plus les employés perçoivent leur travail comme un préalable à leur obtention, et moins ils considèrent leurs tâches comme une source de satisfaction. Étant donné que la plupart des employés ne reçoivent pas les récompenses qu’ils attendaient pour diverses raisons, ils vivent cela comme une punition. • Elles peuvent nuire aux relations interpersonnelles. Les récompenses sont de nature à inciter les employés à rivaliser entre eux et à moins consulter leur superviseur. Ce dernier peut être moins prompt à aider ses subordonnés à obtenir les récompenses. • Elles peuvent nuire à la résolution des problèmes et à la créativité. L’octroi de récompenses amène les employés à prendre moins de risques par peur de se tromper et d’être pénalisés à cause de cela. Finalement, avec les scandales nanciers du début des années 2000 et la crise nancière de 2008, des auteurs ont montré, souvent à l’aide d’études de cas, comment le recours abusif à la rémunération variable peut conduire à des malversations et à des comportements dysfonctionnels (voir, par exemple, Albrecht et al., 2007 ; Rousseau et al., 2011).

La gestion des programmes de reconnaissance

Plusieurs études ont analysé les eets de la rémunération variable sur la motivation et la performance. Nous verrons maintenant les résultats de ces études.

Les eets sur la motivation intrinsèque Dès la n des années 1990, à travers des revues de la littérature de type méta-analyse, des chercheurs ont conrmé les eets négatifs potentiels des récompenses extrinsèques (souvent autres que les récompenses basées sur la performance) sur la motivation intrinsèque (Deci et al., 1999 ; Rawthorne et Elliot, 1999 ; Tang et Hall, 1995). Sur la base d’une revue des études antérieures, Cameron et ses collaborateurs concluent que l’impact négatif des récompenses sur la motivation intrinsèque résulte plutôt du fait qu’elles s’appuyaient presque toutes sur un design de type laboratoire où des conditions sont manipulées d’une manière qu’on peut dicilement retrouver en milieu organisationnel (Cameron et Pierce, 1994, 1997 ; Eisenberger et Cameron, 1996). Pour analyser plus à fond la question, une méta-analyse de très nombreuses études eectuées principalement auprès d’étudiants a conrmé que les récompenses extrinsèques ou tangibles peuvent avoir un eet négatif sur le sentiment de liberté (Deci et al., 1999). Parallèlement à cela, Eisenberg et ses collaborateurs (1999) ont entrepris d’évaluer les eets des récompenses sur la motivation intrinsèque. Pour ce faire, ils n’ont retenu que les études menées sur le terrain faisant partie de l’échantillon de la précédente méta-analyse de Deci et ses collaborateurs (1999). Leurs résultats sont à l’opposé : les récompenses ont un eet positif sur le sentiment d’autodétermination ou de contrôle des personnes. Les chercheurs mettent en avant leur théorie de l’intérêt général selon laquelle le contenu du travail et son contexte, dont une composante peut être la rémunération variable, peuvent avoir un eet positif sur la motivation intrinsèque dans la mesure où ils indiquent que la réalisation de certaines tâches est importante et qu’elle peut aider à satisfaire des besoins, des désirs et des attentes chez les individus. Ainsi, les récompenses basées sur la performance pourraient même augmenter la motivation intrinsèque des personnes occupant un emploi plus ennuyeux ou routinier. Ayant une valeur symbolique, la rémunération variable peut permettre de communiquer et d’améliorer les perceptions des personnes à l’égard de l’importance du travail accompli, de leur sentiment de compétence et de contrôle (autodétermination) sur leur travail, autant d’éléments qui favorisent leur motivation intrinsèque. En somme, pour les auteurs cités précédemment, la culture de gestion d’une organisation et la personnalité des employés (par exemple, leur besoin d’accomplissement) inuencent davantage la motivation intrinsèque du personnel que la rémunération variable en soi. Des méta-analyses réalisées subséquemment révèlent que les incitations pécuniaires ont un eet très positif sur la performance au point de vue quantitatif (sans égard à la nature des tâches eectuées). Ce résultat est plus marqué dans les études sur le terrain que dans les études menées en laboratoire (Gupta et Mitra, 1998 ; Jenkins et al., 1998). À la suite de leur méta-analyse, Gupta et Mitra estiment que les croyances suivantes sont des mythes : penser que les mesures incitatives pécuniaires n’ont pas d’eet motivant, qu’elles punissent, qu’elles ne sont pas valorisées par les personnes, qu’elles réduisent la motivation intrinsèque ou qu’elles diminuent la performance sur le plan de la qualité, du service et de la créativité. Leurs résultats montrent plutôt que les mesures incitatives pécuniaires améliorent de manière cohérente la performance en matière de quantité, qu’elles constituent une marque de reconnaissance, qu’elles inuent fortement sur les comportements des employés, qu’elles sont un complément de la motivation intrinsèque et qu’elles n’ont, au pire, aucun eet sur la performance. Récemment, une étude de Fang et Gerhart (2012), réalisée auprès des cadres de huit organisations œuvrant dans six industries, conrmait que la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque sont positivement liées. Les chercheurs expliquent ce résultat

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CHAPITRE 7

par le fait que les régimes de rémunération basée sur la performance, en raison de leur caractère concret, augmentent le sentiment de compétence personnelle au travail et le sentiment de contrôle sur les conditions débouchant sur une meilleure rémunération. Ces auteurs expliquent aussi ce résultat par l’eet de tri (sorting eect), qui est décrit dans la rubrique « Une théorie d’intérêt ».

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT L’eet de tri L’eet de tri signie que les employés ayant des traits particuliers (par exemple, le besoin d’accomplissement, la cible de contrôle ou le locus of control) sont plus attirés (ou moins attirés) et plus susceptibles d’accepter (ou de refuser) un travail au sein d’une entreprise rémunérant la performance individuelle. Ainsi, si une organisation paie en fonction de la performance et qu’une personne ne veuille pas respecter les règles qui en découlent, elle risque plus de ne pas être attirée par cette entreprise ou de la quitter pour aller travailler ailleurs. Source : Traduit de Gerhart et al. (2009, p. 288).

Les eets sur les performances individuelle et collective Certains chercheurs ont comparé les eets des incitations pécuniaires avec d’autres leviers de la performance individuelle, et force est de reconnaître que leurs résultats varient. Une synthèse eectuée par Locke et ses collaborateurs (1980) montre que les incitations pécuniaires ont l’eet positif le plus important sur le rendement individuel (estimé à 30 %) en comparaison de l’établissement de buts, de la participation à la détermination de ces buts, de l’enrichissement des tâches ou de la restructuration du travail. Dans leur méta-analyse menée sur 98 études sur le terrain, Guzzo et ses collaborateurs (1985) ont conclu que sur 11 actions (formation, évaluation, rétroaction, buts, etc.), les incitations pécuniaires arrivaient au cinquième rang pour leurs eets sur la performance sans que cet eet soit signicatif comme il variait beaucoup selon les études. D’autres chercheurs ont plutôt constaté que les récompenses pécuniaires ont un eet positif semblable à la rétroaction et aux récompenses sociales (reconnaissance) sur le rendement individuel, qu’utilisées en combinaison avec la rétroaction elles ont des eets plus marqués et que ces eets sont plus importants dans le secteur manufacturier que dans le secteur des services (Stajkovic et Luthans, 1997 ; Luthans, 2005). En 1993, une étude menée par Amabile montrait que divers types de récompenses — incluant la rémunération variable — peuvent être combinés de manière synergique et cumulative pour inuencer positivement la créativité des personnes au travail. Après avoir constaté que peu d’études ont analysé les eets des récompenses pécuniaires sur la performance individuelle (20 études en laboratoire et 8 sur le terrain) et en avoir fait une méta-analyse, Jenkins et ses collaborateurs (1998) ont conclu qu’elles ont un impact positif sur la quantité (évalué à près de 30 %), mais n’ont pas d’eet sur la qualité. Par ailleurs, au l des années, un grand nombre de méta-analyses ou de revues des études sur le sujet conrment que la rémunération en fonction de la performance individuelle ou de la performance collective améliore ces deux types de performance et que l’eet des régimes collectifs de rémunération variable sur la performance organisationnelle serait plus élevé que celui des régimes individuels (Pfeer, 1998a ; Heneman, 2002 ; Huselid, 1995 ; Cooke, 1994 ; Kruse, 1993 ; Locke et al., 1980). Nous développerons ces sujets dans les chapitres 8 et 9. En conclusion, et comme l’observe également Giancola (2011) dans sa revue des études sur le sujet, les résultats des recherches ne donnent pas de preuves claires et convaincantes

La gestion des programmes de reconnaissance

329

que les incitations pécuniaires motivent ecacement les comportements clés pour les employés de tous les niveaux. Mentionnons que les recherches ont été menées il y a de nombreuses années, certaines avec une conception des programmes de rémunération peu rigoureuse et considérant souvent la performance sur le plan de la quantité seulement. De plus, ces recherches ont très souvent été réalisées en laboratoire auprès de personnes exerçant des tâches simples, répétitives et manuelles (production ou de bureau). Notons aussi que les résultats des recherches comportaient beaucoup de variance selon le contexte et selon la manière dont les récompenses pécuniaires étaient gérées et que, dans certains cas, on a observé que les récompenses non pécuniaires étaient aussi ecaces que les récompenses pécuniaires. De là vient l’importance de se préoccuper davantage des conditions de succès des régimes de rémunération variable et de s’interroger sur les objectifs véritables qu’on poursuit en les adoptant ou sur les problèmes qu’on vise à régler (Bloom, 2008).

Les eets sur les fraudes En analysant des contextes de fraudes ou encore des situations où l’on accorde une rémunération variable importante, des chercheurs ont remarqué que des primes trop généreuses, liées à l’atteinte d’objectifs nanciers à court terme, peuvent orienter les décisions d’aaires vers une gestion à court terme, favorisant la période actuelle au détriment de la santé nancière de l’entreprise à plus long terme. De même, d’importants octrois d’actions ou d’options d’achat d’actions sont susceptibles d’inciter un dirigeant à axer sa gestion sur le cours de l’action plutôt que sur la prospérité de l’entreprise. En eet, des recherches montrent que la position hiérarchique d’un président-directeur général lui fournit une ascendance susante pour qu’il puisse manipuler les résultats nanciers ou user de manœuvres an d’inuencer la valeur de l’action (lissage des résultats, publications stratégiques autour des dates d’octrois d’options) (Johnson et al., 2009 ; Magnan et Tebourbi, 2009 ; Fogarty et al., 2009 ; Aboody et Kasznik, 2000). À titre d’illustration, rappelons les conditions de rémunération qui ont entouré les nombreux scandales ayant marqué le monde des aaires aux États-Unis, comme Enron et WorldCom, ou au Canada, comme Livent, Hollinger, Norbourg et Nortel. De fait, de tels échecs se produisent parce que les incitations pécuniaires amènent trop ecacement les dirigeants à ne faire que ce qui est fortement récompensé. C’est pourquoi la conception et la gestion du programme de rémunération prennent toute leur importance. En somme, les recherches indiquent seulement qu’il est possible que les récompenses extrinsèques débouchent sur une diminution comme sur une augmentation de la motivation intrinsèque ou de la performance, ou même qu’elles n’aient pas d’eet sur la motivation ou la performance. Ainsi que le constatent Ledford et ses collaborateurs (2013) dans leur revue de la documentation sur le sujet, les études ne montrent absolument pas que les régimes de rémunération variable ne peuvent fonctionner en raison de leurs eets négatifs sur la motivation intrinsèque ou sur la performance. D’ailleurs, les auteurs ou les praticiens qui véhiculent cette conclusion vont au-delà des résultats que les théoriciens

Pour en savoir plus sur les scandales qui ont marqué le monde des aaires

REGARD SUR LA PRATIQUE Lorsque la n justie les moyens… Green Giant, qui emballe et met en conserve des pois verts, gérait un régime de primes basé sur les parties d’insectes retirées du processus d’emballage. Des employés ont trouvé Source : Traduit et adapté de Milkovich et al. (2011, p. 304-305).

un moyen de faire en sorte que le régime leur soit avantageux : ils ont apporté des insectes de la maison pour les introduire dans le processus d’emballage puis les en retirer.

330

CHAPITRE 7

ont découverts. Comme l’avancent Deci et ses collaborateurs (1999 p. 657 ; traduction libre), la théorie de l’évaluation cognitive « propose précisément que c’est parce que les personnes sont assujetties aux récompenses qu’elles deviennent moins intrinsèquement motivées ». Déjà, en 1999, selon Lepper et ses collaboratrices, les auteures qui ont mis en évidence l’eet de surjustication (overjustication eect), plus de 80 % des études publiées démontraient que, selon diverses conditions, les récompenses peuvent réduire, ne pas réduire ou augmenter l’intérêt intrinsèque. Ajoutons que les écrits plus récents portant sur cette perspective théorique plus critique à l’égard des récompenses extrinsèques, qu’on appelle maintenant la « théorie de l’autodétermination » (Gagné et Deci, 2005), reconnaissent que des récompenses extrinsèques peuvent être plus ou moins ecaces selon leur nature, le contexte de travail, les conditions de travail, le type de travail (simple, monotone, varié, enrichissant), les traits ou les besoins des personnes, etc. Pink (2009) constate aussi que les personnes qui sont moins préoccupées par les récompenses et plus satisfaites en accomplissant leurs tâches présentent une meilleure performance, sont motivées davantage par une rétroaction constructive ou un compliment sur la qualité de leur travail. Par contre, il faut admettre que certaines personnes sont plus préoccupées et motivées par les récompenses que par la satisfaction qu’elles retirent de leur travail.

7.2.4 Quelques constats à l’intention des praticiens et des professionnels À la suite de la précédente synthèse des théories et des études sur les eets de la rémunération variable, on peut constater que rien n’est simple, clair ou évident. Aussi, les prescriptions fermes – encourageantes ou décourageantes à cet égard – relèvent plus de croyances que de faits. De manière prudente, nous pouvons toutefois exprimer quatre constats.

Premier constat : trop compter sur la rémunération variable ou s’appuyer sur une rémunération variable mal gérée peut être nuisible pour les personnes et l’organisation Selon le contexte, les personnes, la gestion et même le moment, un régime de rémunération variable peut être ecace, inecace ou neutre. On sait qu’il faut veiller à gérer la rémunération variable de sorte qu’elle ne mette pas la santé des employés en péril (en raison, par exemple, d’accidents ou de l’épuisement), qu’elle ne les incite pas à prendre des décisions ou à adopter des comportements contraires à l’intérêt de l’organisation et des clients. Il est faux de présumer que le recours à la rémunération variable est toujours constructif. Il faut se méer de la tendance à surestimer l’importance de la rémunération variable dans la motivation des personnes en comparaison d’autres facteurs. Les eets de la rémunération variable sont fonction du contexte et des personnes ; ils doivent donc faire l’objet d’un suivi. Avant de considérer l’adoption d’incitations nancières ou d’augmenter l’ampleur de celles-ci, il est nécessaire de se poser les questions suivantes : quel est le problème ? Les employés adoptent-ils déjà les comportements désirés ? Quels peuvent être les messages implicites de cette incitation aux yeux du personnel ? Jusqu’à quel point la créativité, l’innovation, le souci du long terme, le travail d’équipe et la délisation sont-ils importants en comparaison du rendement individuel ?

Deuxième constat : la motivation intrinsèque ne sut pas pour expliquer les décisions et les actions des personnes Il est erroné de croire que la motivation intrinsèque est toujours bénéque ou constructive. Les eets de la motivation intrinsèque sont plutôt fonction du contexte et des personnes. Certains individus, en raison de leurs traits personnels, veulent obtenir des récompenses tangibles, comme de la rémunération variable. D’autres peuvent estimer que leur travail

La gestion des programmes de reconnaissance

331

en soi n’est pas intéressant sans pour autant vouloir quitter cet emploi. La puissance du contenu et du sens du travail pour susciter la motivation varie d’une personne à l’autre, tout comme la puissance ou l’attrait des récompenses tangibles ou de la rémunération variable. La prémisse quant au caractère toujours positif et supérieur de la motivation intrinsèque n’est pas conforme à la réalité. Toutes les personnes ne se trouvent pas à la bonne place. Un emploi comporte des responsabilités et des activités importantes ayant des attraits variés pour les personnes. Le plaisir que des personnes retirent d’une activité n’est pas lié automatiquement à l’intérêt collectif. On trouve un exemple de ce fait dans le milieu universitaire, où la motivation intrinsèque occupe une place majeure qui doit être sauvegardée. Or, certains enseignants qui éprouvent une grande motivation intrinsèque à mener des recherches n’apprécient guère les activités liées à l’enseignement, qui sont pourtant au cœur de ce qui est attendu d’eux. Comme ils sont convaincus que la motivation intrinsèque qu’ils privilégient envers l’activité de recherche est la meilleure, ils réclament des incitations pécuniaires des dirigeants des universités pour les récompenser plus à cet égard, avec le changement de culture que cela engendre. En réaction à cela, d’autres collègues — motivés plus intrinsèquement par l’enseignement — réclament eux aussi des récompenses en se fondant sur des indicateurs pédagogiques pour des raisons d’égalité et de justice. En somme, le discours prétendument plus digne sur les récompenses intrinCertains enseignants qui éprouvent sèques risque tout autant que le discours sur les récompenses extrinsèques une grande motivation intrinsèque de conduire à une surenchère sans n et à des dysfonctions collectives si ces à mener des recherches n’apprécient récompenses sont gérées en valorisant les intérêts personnels et politiques guère les activités liées à l’enseignement. des acteurs en place au détriment de la mission et des valeurs collectives.

Troisième constat : il est impossible de formuler des conclusions généralisables en une règle ou une recette On constate que la motivation des personnes n’est pas une chose simple à comprendre et à gérer. Elle semble être la somme ou la combinaison de la motivation intrinsèque et de la motivation extrinsèque, et les recherches ne démontrent pas que les récompenses extrinsèques réduisent la motivation intrinsèque à un point tel que la motivation globale devient négative. Si la diérence entre la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque peut paraître assez claire sur les plans théorique et empirique, les incidences pratiques de ces deux formes de motivation sont diciles à percevoir, mise à part l’importance du contexte. En outre, l’observation et la gestion de la motivation des personnes, sur le terrain et au quotidien, s’avèrent impossibles, car il s’agit de construits qui, par dénition, ne s’observent pas parce qu’il s’agit de représentations mentales. De plus, le sens des relations (positives, négatives, neutres) entre les divers types de motivation est susceptible de varier non seulement au cas par cas, selon les personnes, mais aussi dans le temps selon l’évolution de leurs attentes et perceptions. Par conséquent, rien ne s’impose avec évidence dans le domaine de la rémunération variable et des récompenses pécuniaires. Il se peut que ces dernières ne suscitent pas la motivation et soient perçues davantage comme une punition, ou au contraire qu’elles entraînent la motivation et soient perçues comme une marque de reconnaissance. Elles peuvent être valorisées par des personnes, réduire la motivation intrinsèque à l’exécution de certaines tâches ou encore constituer un complément à la rémunération intrinsèque. Les récompenses pécuniaires peuvent améliorer le rendement, le réduire ou n’avoir aucun eet sur lui, sur un plan quantitatif comme sur un plan qualitatif. Elles peuvent inuencer ou ne pas inuencer l’adoption de certains comportements des employés susceptibles d’être bénéques ou nuisibles pour l’organisation et pour les personnes.

332

CHAPITRE 7

L’ampleur d’un lien potentiel positif entre les récompenses pécuniaires et le rendement individuel et collectif Au-delà du système de rémunération, des personnes dépend de plusieurs facteurs contextuels, considérez aussi le contexte comme les caractéristiques de l’organisation (le climat, la Selon Jerey Pfeer (1998b, p. 116-117), professeur à participation, l’appui de la direction, les autres pratiques l’université Stanford, toutes les organisations qui croient de reconnaissance, les barrières contextuelles au rendepouvoir résoudre leurs problèmes d’attraction, de dément, etc.), le travail (sa complexité, l’interdépendance des lisation et de motivation en ne gérant que leur système tâches, la nature des objectifs, le contrôle exercé sur son de rémunération n’accordent probablement pas autant de propre travail, etc.), les personnes (les valeurs, les traits de temps et d’eorts qu’elles le devraient à l’environnement personnalité, les compétences, la qualité de la supervision, de travail, soit la dénition de leurs emplois, la création etc.) ou la manière dont les récompenses sont octroyées d’une culture et le fait de rendre le travail agréable et (les critères, l’octroi simultané ou cohérent de récompenses de lui donner un sens. non pécuniaires, etc.). Toutes ces variables dièrent au sein d’une organisation et entre les organisations et uctuent dans le temps. Voilà pourquoi il faut exercer un suivi : ce qui globalement fonctionne un jour peut cesser de bien aller le lendemain. Pour les personnes qui voient dans la rémunération variable une panacée, un préalable au succès ou, à l’opposé, un obstacle à celui-ci, la réalité de la vie au travail n’est pas si simple. À cet eet, rappelons la synthèse que Ford (1992), après avoir revu une quarantaine de théories de la motivation, a mise en avant à l’intention des dirigeants et des cadres des organisations. Selon cet auteur, la motivation au travail reposerait sur 3 préalables — la croyance en soi, les émotions et les objectifs personnels —, auxquels on peut associer les 17 principes énoncés dans le tableau 7.2. D’après cet auteur, on ne peut pas vraiment motiver les personnes au travail, mais il est possible de s’assurer de la présence de conditions facilitantes (ou, à l’inverse, de retirer les conditions contraignantes).

Quatrième constat : on recourt à la rémunération variable pour susciter la motivation au rendement et pour atteindre d’autres objectifs Les organisations peuvent également décider d’orir des récompenses tangibles pour atteindre d’autres objectifs, comme inciter des personnes à se joindre à l’organisation et à rester à son service, communiquer des valeurs et des priorités au personnel et à d’autres parties prenantes ou encore alimenter un sentiment d’équité. À cet égard, certaines théories proposent un lien entre la rémunération variable et l’attraction et la délisation du personnel. Par exemple, selon la théorie basée sur les ressources (Barney, 1991), un régime de rémunération variable peut constituer un atout distinctif et concurrentiel susceptible d’aider l’entreprise à concurrencer les autres entreprises sur le marché de l’emploi. De même, la théorie du diérentiel compensatoire (Brown, 1990) indique que l’organisation attire et retient les employés en leur accordant une rémunération variable très importante an de compenser certaines caractéristiques négatives ou particulièrement exigeantes de leur emploi, comme une faible sécurité d’emploi ou les probabilités peu élevées de réussir (par exemple, chez les courtiers d’assurance vie). Enn, selon les théories de la gestion des impressions ou des signaux (Arrow, 1973 ; Spence, 1974), les régimes de rémunération variable permettent de transmettre certains messages aux employés actuels et potentiels sur ce qui est valorisé dans le milieu de travail, messages qui ont un eet sur le recrutement et la conservation du personnel. À ce jour, des chercheurs ont conrmé les liens existant entre la présence de certains régimes de rémunération variable (individuels ou collectifs) ou le caractère plus ou moins contingent de la rémunération et le prol de candidats qu’une organisation attire ou recrute (Bretz et al., 1989 ; Cable et Judge, 1994 ; Trank et al., 2002).

La gestion des programmes de reconnaissance

TABLEAU 7.2

333

Les principes de gestion associés aux préalables à la motivation

Principes 1. Point d’ancrage

Description et exemples de répercussions La motivation est fonction de la croyance en soi (compétences versus environnement), des émotions et des objectifs personnels.

A) Croyance en soi 2. Appui de l’environnement

Une personne motivée doit avoir un environnement propice (disponibilité des ressources, appui émotionnel, organisation du travail, etc.) et cohérent par rapport à ses caractéristiques personnelles, telles ses compétences et ses habiletés (par exemple, une bonne sélection du personnel).

3. Causes directes

Il faut réduire les contraintes et les obstacles empêchant la réalisation des objectifs (lien entre le discours et les gestes des dirigeants, climat d’ouverture, de coopération, etc.).

4. Réalisme

Les compétences de la personne et son environnement doivent être adéquats et cohérents par rapport aux objectifs à atteindre.

5. Action

Une personne doit pouvoir actualiser ses compétences en accomplissant des tâches.

6. Rétroaction

Pour être motivée, une personne doit connaître ses progrès et obtenir de la rétroaction.

7. Changements graduels

Il faut faire des changements graduels plutôt que des changements majeurs.

B) Émotions 8. Activation des émotions

Il faut toucher les émotions (plaisir, attentes, besoins, etc.) d’une personne (programmes de reconnaissance, création d’une atmosphère de travail stimulante, plaisir au travail, etc.).

9. Respect

Les personnes doivent être respectées, car elles ne sont pas interchangeables (participation, information, honnêteté, justice, équité, etc.).

10. Fonctionnement unique

La motivation d’une personne est fonction des caractéristiques individuelles (personnalité, expérience, etc.).

C) Objectifs personnels

12. Connaissance des objectifs

Pour motiver une personne, il faut l’amener à se xer des objectifs personnels (former les cadres à faciliter cet aspect). Pour qu’une personne soit motivée, il faut que ses objectifs soient clairs et jugés importants (communication des objectifs).

13. Multiplicité des objectifs

Pour qu’une personne soit motivée, il faut qu’elle ait plusieurs raisons d’accomplir une tâche.

14. Cohérence des objectifs

Pour qu’une personne soit motivée, il faut que ses objectifs soient cohérents et non conictuels.

15. Souplesse des objectifs

Pour motiver une personne, il faut être prêt à changer ses objectifs de manière qu’ils demeurent réalistes.

16. Objectif optimal

Pour qu’une personne soit motivée, il faut que ses objectifs soient exigeants mais réalistes.

17. Finalité

Un objectif peut être atteint de diverses façons.

11. Activation des objectifs

Source : Traduit de Ford (1992).

Ces dernières théories, qui ont engendré un certain nombre de recherches, amènent aussi à conclure que la rémunération variable peut avoir des eets positifs, négatifs ou neutres sur l’attraction et la délisation des meilleurs talents selon les organisations, le contexte, les personnes et les caractéristiques de gestion. Par ailleurs, Pfeer et Sutton (2006c) montrent, d’une part, l’eet motivant des incitations nancières, lequel n’est pas toujours positif, et, d’autre part, la manière dont les systèmes d’incitations nancières attirent les talents, mais pas toujours ceux que l’organisation souhaite.

334

CHAPITRE 7

7.3

Pour en savoir plus sur les programmes de reconnaissance implantés dans les organisations

TABLEAU 7.3

Les programmes de reconnaissance : la fréquence d’adoption et les diérents types

Certaines entreprises appellent « programme de reconnaissance » l’ensemble des modes de rétribution autres que ceux qui sont liés à la rémunération (salaires, primes, actions, etc.), notamment les concours, les mentions honoriques, les remerciements et les prix. Les résultats d’une enquête menée au Canada par la société Mercer (2011a) soutiennent l’importance de traiter de la gestion de ces programmes, puisque leur adoption est généralisée : 80 % des organisations sondées conrment qu’elles gèrent au moins un programme. Les contributions les plus reconnues sont les années de service (96 %), l’excellence (59 %), les jalons dans la réalisation de projets (56 %) et les réalisations personnelles (32 %). En ce qui a trait à la nature des récompenses versées, celles-ci sont variées. Dans l’ordre, on trouve les certicats (66 %), les cadeaux (bijoux, reproductions, vêtements, etc.) (63 %), les plaques ou trophées (61 %), les chèques-cadeaux (livres, musique, etc.) (58 %), les chèquescadeaux dans les restaurants (42 %), les laissez-passer au cinéma (31 %), les rabais sur les produits de l’entreprise (21 %), les produits de l’entreprise en cadeau (20 %), les congés payés (18 %), les mandats ou projets intéressants (8 %), les horaires de travail plus exibles (5 %) et autres (11 %). Une enquête réalisée par le Conference Board du Canada (2010) résume la fréquence de cinq grands types de programmes de reconnaissance (voir le tableau 7.3). Selon cette étude, il apparaît que presque toutes les organisations (97 %) ont instauré au moins un de ces cinq programmes et qu’elles gèrent toutes un programme reconnaissant les années de service. Il apparaît aussi que les programmes qui permettent aux cadres de récompenser des employés, comme les programmes de reconnaissance gérés par l’organisation (autres que l’ancienneté et les départs à la retraite), sont tout aussi fréquents, près des trois quarts des organisations disant les gérer. La reconnaissance des années de service représente près de la moitié du budget total (45 %) accordé aux programmes de reconnaissance. Lorsqu’on demande aux organisations de donner le pourcentage

La fréquence des types de programmes de reconnaissance Pourcentage du budget total de reconnaissance

Pourcentage des employés de l’organisation reconnus par ce type de reconnaissance

Pourcentage des organisations accordant une récompense avec un logo de l’entreprise

97 %

45 %

14 %

38 %

Reconnaissance des départs à la retraite

66 %

9%

2%

32 %

Reconnaissance de cadre à employés

74 %

17 %

24 %

14 %

Reconnaissance entre pairs

50 %

6%

19 %

28 %

Reconnaissance organisationnelle

72 %

21 %

13 %

35 %

Pourcentage des organisations ayant ce type de programme

Reconnaissance de l’ancienneté ou des années de service

Types de reconnaissance visés par le programme

Source : Traduit et adapté de Stewart (2011, p. 3, 19 et 28).

La gestion des programmes de reconnaissance

335

de leurs employés qui ont été reconnus par un programme de reconnaissance au cours des 12 derniers mois, on constate que près du quart des employés l’ont été par un programme « cadre à employés ». On observe aussi que la reconnaissance du personnel en lui accordant des objets comportant le logo de l’entreprise ne semble pas faire l’objet d’un consensus, et l’on y recourt surtout pour reconnaître les années de service. Certaines organisations apprécient l’usage du logo, car il constitue un moyen de se rappeler l’organisation et l’accomplissement, alors que d’autres estiment qu’il dévalorise le cadeau étant donné que le logo n’est pas apprécié par certains employés. Toujours selon cette enquête, l’implantation des programmes de reconnaissance semble moins fréquente dans les organisations sans but lucratif alors qu’elle est tout autant fréquente dans les secteurs privé et public, à l’exception du programme soulignant les départs à la retraite qui sont davantage présents dans le secteur public que dans le secteur privé, surtout au sein des industries de la haute technologie, des services et du commerce de gros et de détail. Aux États-Unis, le prol de l’adoption de diérents types de programmes de reconnaissance est semblable à celui qu’on observe au Canada. L’enquête menée en 2011 par WorldatWork montre que le pourcentage des organisations ayant établi des programmes de reconnaissance reste constant et très élevé, soit 86 % des organisations, et que 70 % d’entre elles gèrent de trois à six programmes (Fickness, 2011). Des programmes de reconnaissance couvrant le personnel de toute l’organisation sont présents dans 86 % des organisations, alors que 66 % des organisations gèrent des programmes propres à un service ou à une unité et que 51 % disent gérer les deux types de programmes. La catégorie de programmes la plus fréquente reste la reconnaissance de l’ancienneté ou des années de service (90 %) dans l’organisation. Toutefois, ces dernières années les organisations ont adopté davantage de nouveaux programmes basés sur des comportements, programmes qui ont un impact plus direct sur les résultats d’affaires et qui accordent des récompenses sur une base plus fréquente qu’annuellement, soit les programmes touchant la performance supérieure et exceptionnelle (79 %), la reconnaissance entre pairs ou collègues (43 %), la motivation à adopter des comportements précis (34 %) ainsi que les suggestions et les idées (27 %). D’autres programmes institutionnels sont mis en place fréquemment, comme ceux concernant les départs à la retraite (42 %), la performance en matière de ventes (40 %), les employés du mois (29 %), les événements familiaux majeurs (naissance, mariage, etc.) (25 %) ou l’assiduité (12 %).

REGARD SUR LA PRATIQUE Lorsque reconnaissance rime avec rétention Meridian Health, un fournisseur de services, de produits et de programmes de santé comptant 8 000 employés, gère des programmes de reconnaissance visant à améliorer la satisfaction et la loyauté de son personnel. L’organisation célèbre les 5, 10, 15, 20 ans, etc., d’années de service lors de l’anniversaire de naissance de l’employé et à l’occasion d’un souper dansant. Elle reconnaît aussi tous ses employés actifs qui atteignent 20 années de service et Source : Traduit et adapté de Jenkins et Fina (2007, p. 33).

tous ses retraités pendant un autre souper dansant appelé «Le club des 20 ans». Les outils technologiques permettent de transmettre des courriels aux cadres pour les informer de la date de l’anniversaire d’un employé, les rendant donc en mesure de souligner ce moment. Ils permettent aussi aux employés de choisir leurs cadeaux. Depuis l’adoption de ces programmes, l’organisation note une baisse de la rotation de son personnel.

336

CHAPITRE 7

7.3.1 La reconnaissance de l’ancienneté Les programmes de reconnaissance de l’ancienneté3 sont les plus fréquents et en même temps ceux que les organisations disent vouloir le plus renouveler. La plupart des organisations soulignent les étapes de 5 ans (5, 10, 15, etc.) jusqu’à 40 ans d’ancienneté. La valeur de la récompense augmente avec l’ancienneté : on accorde une valeur moyenne de 111 $ pour 5 années de service et de 842 $ pour 40 années de service, mais les montants moyens sont deux fois plus élevés dans le secteur privé que dans le secteur public. Les récompenses accordées le plus souvent sont les cadeaux (39 %), les badges (29 %), les trophées, certicats ou plaques (21 %) et les chèques-cadeaux (12 %). Plus de 75 % des organisations laissent une certaine exibilité dans le choix de la récompense, la quasi-totalité (93 %) permettant aux employés de choisir celle-ci. Près de la moitié des événements (45 %) organisés pour souligner les années de service sont formels. Il peut s’agir d’un gala annuel, d’un cocktail, d’une cérémonie, d’un banquet ou d’un lunch ; dans certains cas, les conjoints sont invités. Quelques organisations protent d’un party ou d’une rencontre générale annuelle pour tenir cet événement visant à récompenser des employés. Environ un tiers des organisations rendent la reconnaissance de l’ancienneté optionnelle, ordinairement à la discrétion de l’employé et de son superviseur. Dans ce dernier cas, la plupart des événements sont simples et peuvent consister en une reconnaissance pendant une réunion ou un party d’équipe ou de service où l’on sert du café et un gâteau. Un des atouts de ces événements est que le critère donnant le droit à une fête ou à une récompense est clair, puisqu’il est lié au nombre d’années passées au service de l’entreprise. Comme dans le cas des programmes de reconnaissance destinés aux clients dèles à une entreprise (par exemple, des points ou un pourcentage de réduction), les programmes reconnaissant l’ancienneté des employés visent à les déliser et à améliorer leur expérience d’employés (voir le tableau 7.4). Cela est d’autant plus important pour une entreprise qui a de la diculté à pourvoir ses postes et à retenir son personnel. Toutefois, TABLEAU 7.4

Un parallèle entre les programmes de reconnaissance de la délité des clients et les programmes de reconnaissance des employés

Fidéliser un client

Fidéliser un employé

La conservation d’un client coûte moins cher que l’acquisition d’un nouveau client.

La rétention d’un employé coûte moins cher que le recrutement et la formation d’un nouvel employé.

Le chire d’aaires de l’entreprise augmente, car la fréquence et la moyenne d’achat d’un client dèle sont plus élevées.

Le rendement et la contribution de l’employé augmentent, car il a plus d’autonomie, de créativité et d’engagement, ce qui favorise le succès des équipes et de l’organisation.

Les coûts de gestion sont réduits, car on connaît mieux le client et celui-ci connaît mieux l’organisation.

Les coûts de gestion sont réduits, car l’employé comprend mieux ce qu’on attend de lui et la façon de négocier avec son supérieur (et vice-versa).

Un client dèle recommande plus souvent l’entreprise et publicise le succès et la qualité de l’entreprise.

Un employé dèle devient un ambassadeur pour l’entreprise, puisqu’il parle positivement de son employeur et le recommande.

Source : Extrait adapté de Gestion Proxima Centauri (2010).

3. Cette description s’appuie sur le rapport du Conference Board du Canada (Stewart, 2011).

La gestion des programmes de reconnaissance

selon les secteurs d’activité, la reconnaissance de l’ancienneté devient moins pertinente si les employés sont très mobiles en raison de leurs valeurs, de leur emploi, etc.

7.3.2 La reconnaissance des départs à la retraite Ces programmes de reconnaissance récompensent les employés qui quittent l’organisation pour prendre leur retraite. Près des deux tiers des organisations soulignent les départs à la retraite sur la base des critères d’admissibilité suivants : les années de service seulement (34 %), une formule combinant l’âge avec les années de service (36 %), l’âge seulement (13 %). Les récompenses accordées le plus fréquemment sont les cadeaux (64 %) et les trophées, certicats et plaques (26 %). La valeur moyenne des cadeaux est de 426 $. Plus des trois quarts (78 %) des organisations accordent une certaine exibilité dans le choix de la récompense ou du cadeau, la plupart (73 %) permettant aux employés de le choisir. La quasi-totalité des organisations (90 %) programment un événement, quoique la tenue de ce dernier soit souvent laissée à la discrétion de l’employé et de son superviseur. Moins des trois quarts des organisations prévoient un événement préétabli particulier (gala, lunch), alors que d’autres combinent cet événement avec d’autres événements (de reconnaissance ou autres). Près de 31 % des organisations accordent plus de ressources (cadeaux, événements) aux employés ayant davantage d’ancienneté et aux employés de niveaux hiérarchiques plus élevés, notamment les cadres supérieurs.

7.3.3 La reconnaissance de cadre à employés Il s’agit de programmes qui permettent aux cadres de reconnaître et de récompenser les employés pour diverses contributions ou réalisations (par exemple, relever un dé, présenter d’excellents résultats). Près des trois quarts des organisations permettent aux cadres de reconnaître, souvent spontanément (on the spot), des employés, et ce, à travers l’organisation. Presque toutes ces organisations rendent admissibles les employés à temps partiel et 86 % d’entre elles incluent les employés syndiqués. La plupart du temps, les employés à forfait ne sont pas admissibles à ces programmes. Les réalisations les plus fréquemment reconnues par les gestionnaires sont les réalisations individuelles extraordinaires (92 %), la performance de l’équipe (70 %), la réalisation d’un dé (69 %), la collaboration ou le travail d’équipe (68 %), la qualité des produits ou du service aux clients (66 %), la réduction des coûts (53 %), les suggestions ou l’engagement des employés (47 %), l’atteinte ou le dépassement de normes de sécurité (40 %), les événements familiaux comme un mariage ou une naissance (28 %), le bénévolat ou le service communautaire (25 %) et l’assiduité (17 %). Les gestionnaires accordent surtout des chèques-cadeaux (65 %), mais aussi de petits cadeaux comme des eurs ou des paniers-cadeaux (48 %), des récompenses non pécuniaires comme une lettre ou une annonce (32 %), un objet de l’entreprise comme un stylo ou de l’argent (32 %). Plus de 70 % des organisations disent laisser aux cadres une certaine exibilité dans le choix de la récompense attribuée. Cette forme de reconnaissance ne correspond pas à des événements en particulier, mais plutôt à un événement discrétionnaire aussi simple qu’une reconnaissance publique lors d’une réunion ou d’une pause. Près de 82 % des organisations permettent aux cadres de reconnaître les employés d’autres services, groupes ou divisions. En outre, un peu moins de 70 % des organisations permettent aux cadres d’accorder diérents types de reconnaissance, dans la quasi-totalité (91 %) des cas selon l’ampleur de la réalisation, alors qu’un petit nombre (4 %) tiennent compte des années de service ou du niveau hiérarchique de l’employé. Dans près de 75 % des organisations, les cadres n’ont pas besoin d’autorisation pour reconnaître des employés.

337

338

CHAPITRE 7

REGARD SUR LA PRATIQUE Favoriser la délisation, l’engagement et la reconnaissance par un programme de rémunération exible Lifestyle, c’est le nom que la société Korem, une PME de l’industrie géospatiale, a donné au programme de rémunération exible qu’elle a adopté en 2011 pour favoriser la délisation, l’engagement et la reconnaissance de son personnel. En plus d’un montant annuel de 500 $ versé pour des avantages à la carte (par exemple, du matériel

informatique, un abonnement à des activités sportives), ce programme permet aux employés, selon leurs années de service, d’investir leurs augmentations de salaires et leurs primes dans des éléments aussi variés que l’ajout de congés mobiles, l’horaire de quatre jours, les congés sabbatiques ou la contribution supplémentaire au régime de retraite collectif.

Source : Adapté de errien (2011, p. 50).

7.3.4 La reconnaissance entre pairs Il s’agit de programmes qui permettent aux employés de reconnaître les réalisations de leurs collègues (par exemple, l’engagement dans l’équipe, le service aux clients). Avec un taux d’adoption de 50 %, ces programmes sont moins présents dans les organisations que les programmes présentés précédemment. Lorsqu’ils sont en place, ils couvrent tout le personnel, incluant les employés à temps partiel et, dans 88 % des cas, les employés syndiqués. Les réalisations les plus fréquemment reconnues entre collègues sont les réalisations individuelles extraordinaires (76 %) et la collaboration ou le travail d’équipe (75 %). Cela inclut aussi la qualité des produits ou du service aux clients (65 %), l’engagement envers les valeurs de l’organisation et les comportements (60 %), la performance de l’équipe (60 %), la réalisation d’un dé (56 %), la réduction des coûts (39 %), l’atteinte ou le dépassement de normes de sécurité (36 %), les suggestions des employés et leur participation (44 %) ainsi que le bénévolat ou le service communautaire (31 %). On attribue surtout des récompenses non pécuniaires comme une lettre ou une annonce (67 %, dont 30 % se limitent à ce type de récompense), des chèques-cadeaux (33 %) ou de petits cadeaux comme des eurs ou des paniers-cadeaux (20 %). Cette forme de reconnaissance n’est pas accordée lors d’un événement en particulier, mais à un moment choisi par les employés et les cadres, comme une réunion informelle ou une annonce pendant une réunion ou une pause. Près de 35 % des organisations permettent aux pairs de témoigner diérents niveaux de reconnaissance, dans la quasi-totalité (85 %) des cas selon l’ampleur de la réalisation. Lorsque la récompense est de nature non pécuniaire, l’approbation de la reconnaissance est rarement requise.

7.3.5 La reconnaissance organisationnelle Il s’agit de programmes ociels de reconnaissance qui sont gérés par l’organisation et qui couvrent tout le personnel. Comme dans le cas des programmes soulignant les années de service, les programmes de reconnaissance organisationnelle sont courants : près des trois quarts des organisations en gèrent et y accordent les récompenses les plus généreuses. Ce type de programmes s’appuie souvent sur le processus ociel de nomination ou de sélection pour identier les employés méritants. Presque toutes les organisations gérant de tels régimes les rendent admissibles aux employés syndiqués, et 88 % d’entre elles, aux employés à temps partiel. Ces programmes reconnaissent les réalisations suivantes : les réalisations individuelles extraordinaires (77 %), la performance de l’équipe (61 %), l’engagement envers les valeurs de l’organisation et les comportements (43 %), la collaboration ou le travail d’équipe (40 %), l’atteinte ou le dépassement de normes de sécurité (38 %), la réduction des coûts (35 %),

La gestion des programmes de reconnaissance

la réalisation d’un dé (32 %), le bénévolat ou le service communautaire (28 %), les suggestions des employés et leur participation (27 %), l’assiduité (12 %), les événements familiaux comme un mariage ou une naissance (12 %) et l’innovation (6 %). On accorde surtout des récompenses en argent (44 %), mais aussi des récompenses non pécuniaires comme une lettre ou une annonce (40 %), des trophées ou des plaques (33 %), des chèques-cadeaux (26 %) ou de petits cadeaux comportant la signature de l’entreprise comme des crayons (20 %) ou d’autres types de récompenses, comme des eurs ou des paniers-cadeaux (19 %).

7.4

Les retombées positives des programmes de reconnaissance

Les programmes de reconnaissance peuvent constituer d’importants véhicules pour inciter les employés à adopter certains comportements (assiduité, délisation, formulation de suggestions, etc.), pour orienter les eorts alignés sur les valeurs de gestion (ventes, satisfaction des clients, etc.) et pour favoriser l’atteinte de résultats jugés essentiels à la réussite, au renforcement des stratégies d’aaires et à la réalisation d’un changement stratégique. Au-delà de leurs eets sur la performance des organisations (Gostick, 2003 ; Rousseau, 2003 ; Wilson, 1995), des enquêtes montrent que la reconnaissance de son travail par le supérieur immédiat s’avère l’attente prioritaire qu’un employé dit ressentir et que le manque de reconnaissance constitue l’un des premiers facteurs de dévalorisation, de démotivation et de stress au travail (Laval, 2008 ; WorldatWork et NAER, 2005). En eet, des études font ressortir un lien entre le manque de reconnaissance éprouvé par les personnes et plusieurs problèmes de santé, notamment la détresse psychologique, l’absentéisme, l’alcoolisme et les maladies cardiovasculaires (voir les études citées dans Brun, 2008 et 2012). Des études et des cas d’entreprises révèlent aussi que les programmes de reconnaissance sont liés positivement au sentiment d’engagement du personnel et à sa délisation (baisse des départs volontaires) (Norman, 2007). Pour sa part, Branham (2005) indique que la principale raison pour laquelle les employés quittent l’organisation est qu’ils ne sont pas reconnus et qu’ils sont sous-évalués. L’enquête menée en 2011 par l’association WorldatWork montre que les employés sont aussi portés à juger assez positivement les eets de ces programmes sur leur engagement, leur motivation, leur satisfaction et leur délisation (Fickness, 2011). Au-delà de leurs retombées positives potentielles sur le climat de travail, l’attraction et la délisation du personnel ainsi que sur la performance et le bien-être individuels et collectifs, les organisations adoptent des programmes de reconnaissance en raison des atouts que ceux-ci comportent en comparaison des régimes de rémunération variable (par exemple, les primes, les augmentations au mérite ou les commissions), atouts qui sont résumés dans l’encadré 7.3 à la page suivante.

7.5

L’administration des programmes de reconnaissance

Pour optimiser la qualité de la gestion de ses programmes de reconnaissance, l’entreprise doit xer des objectifs précis, bien communiquer la philosophie des programmes en place, former les cadres à cet eet, s’assurer d’une bonne administration des programmes et en évaluer la réussite.

339

340

CHAPITRE 7

ENCADRÉ 7.3

■ ■



■ ■ ■ ■

■ ■ ■ ■



Les atouts des programmes de reconnaissance par rapport aux régimes de rémunération variable

Ils sont susceptibles d’entraîner de faibles coûts. Ils sont assez exibles, en ce sens qu’on peut facilement les mettre en place, les modier et les abandonner. Ils permettent l’octroi de récompenses sans qu’il y ait de permission à demander et en accordant aux cadres un pouvoir discrétionnaire appréciable. Ils sont variés en ce qui concerne la nature des récompenses et leur gestion. Ils peuvent être personnalisés et, à cause de cela, sont valorisés par les employés. Ils s’avèrent faciles à adopter et à gérer. Ils permettent d’accorder des récompenses rapidement et ponctuellement à la suite d’une contribution méritante. Ils risquent peu d’être considérés comme des droits acquis. Ils reètent et communiquent les valeurs des dirigeants. Ils peuvent avoir une valeur symbolique très élevée. Ils conviennent à toutes les catégories de personnel et à toutes les organisations, quel que soit le secteur d’activité économique. Ils peuvent avoir une incidence directe sur la famille des employés (par exemple, le choix de biens dans un catalogue, l’ore d’une sortie, d’un forfait ou d’un voyage).

7.5.1 Les objectifs visés par l’adoption d’une politique de reconnaissance Sur la base des enquêtes menées en Amérique du Nord, il apparaît que les organisations adoptent des programmes de reconnaissance pour atteindre divers objectifs, correspondant à la diversité des programmes et des accomplissements pouvant être reconnus (les années de service, le départ à la retraite, le rendement, l’atteinte ou le dépassement de normes de sécurité, l’assiduité, etc.). Là-dessus, l’objectif qui semble plus important est la création d’un environnement de travail positif suscitant l’engagement du personnel dans son travail et envers la mission et les valeurs de l’organisation (voir le tableau 7.5). Une enquête réalisée par WorldatWork (2008b) montre que 48 % des organisations membres de cette association américaine ont une stratégie ou une philosophie de reconnaissance écrite. Selon Saunderson (2011, p. 69 ; traduction libre), l’expression d’une croyance ou d’une philosophie en matière de reconnaissance peut ressembler à ceci : Nous croyons qu’il est important de créer une culture respectueuse et bienveillante de reconnaissance alignée étroitement sur la stratégie d’aaires pour améliorer la satisfaction de nos clients et assumer notre responsabilité sociale. Nous voulons nous assurer que nos employés sont valorisés pour leur contribution au succès de l’organisation et pour leurs eorts visant à faire vivre aux consommateurs des expériences positives uniques. An de formuler une philosophie propre à chaque entreprise, ce consultant suggère aux organisations de se poser diverses questions telles que : • Dans quel but ou pourquoi voulons-nous donner de la reconnaissance ?

La gestion des programmes de reconnaissance

TABLEAU 7.5

341

Une comparaison entre le Canada et les États-Unis quant aux objectifs visés par les programmes de reconnaissance

Objectifs — enquête menée au Canada*

Pourcentage des organisations

Objectifs — enquête menée aux États-Unis**

Pourcentage des organisations

Augmenter l’engagement des employés

71 %

Créer un environnement de travail positif

80 %

Créer un environnement de travail positif

62 %

Créer une culture de la reconnaissance

76 %

Appuyer la mission et les valeurs de l’organisation

51 %

Motiver les employés à orir un meilleur rendement

75 %

Motiver les employés à présenter une haute performance

37 %

Renforcer les objectifs de l’organisation

22 %

Améliorer le moral des employés

71 %

18 %

Appuyer la stratégie et les valeurs organisationnelles

66 %

17 %

Améliorer la rétention et réduire la rotation

51 %

Encourager la loyauté Améliorer la rétention et réduire la rotation Appuyer un changement de culture Améliorer la productivité

6% 4%

Renforcer les comportements désirés

Encourager la loyauté Appuyer un changement de culture Autres

75 %

40 % 24 % 5%

* n = 161 organisations ** n = 416 organisations Sources : Traduit et adapté de Stewart (2011) et Abrahamsen et Boswell (2003, p. 24-26).

• •

Quelles sont nos croyances et nos valeurs envers la reconnaissance des employés ? Comment nos pratiques de reconnaissance vont-elles améliorer les comportements du personnel et les résultats de l’organisation ?

REGARD SUR LA PRATIQUE Le programme Spirit de l’hôtel Marriott Pinnacle du centre-ville de Vancouver En 2007, cet établissement a décidé de réviser ses programmes de reconnaissance an qu’ils soient adaptés à son personnel diversié, faciles à gérer et alignés sur les valeurs de l’hôtel. Il a élaboré un programme nommé Spirit comportant six modules : la reconnaissance spéciale, la participation aux événements de la communauté, l’innovation, le recrutement, le développement du marché et l’esprit d’équipe. Ce programme comprend des composantes permettant la reconnaissance par les pairs, par les cadres et par

l’organisation. Il repose sur un système de points qui sert notamment à reconnaître certaines étapes dans l’ancienneté du personnel. Les employés se voient accorder des cartes de points selon diérents accomplissements réalisés dans les modules du programme Spirit. Chaque point vaut un cent et les cartes de points valent généralement entre 2 $ et 10 $. Avec les points qu’il possède, l’employé peut choisir des récompenses sur le site Web I love rewards, le fournisseur de services retenu par l’entreprise. Par exemple, le module

342

CHAPITRE 7

REGARD SUR LA PRATIQUE (suite) « Recrutement» accorde des points pour encourager les employés à recommander l’entreprise à un plus grand nombre de candidats. Un employé reçoit 1 000 points (10 $) pour tous les candidats adressés et, lorsqu’un candidat est engagé, une tranche de 10 000 points additionnels (100 $) lui est accordée. Le coût de l’élaboration de ce programme de reconnaissance s’est avéré minimal, et l’hôtel accorde environ 1 500 $ par mois en points pour ses 250 employés, ce qui équivaut à 72 $ par employé. Le programme s’avère une réussite à

plusieurs égards. En outre, les commentaires sont bons et 90 % des employés utilisent le programme. Entre 60 % et 70 % des nouveaux employés sont maintenant embauchés grâce au processus de référence interne. Interrogé sur le facteur de succès à considérer lorsque l’on songe à changer ou à implanter des programmes de reconnaissance, le directeur des ressources humaines, Mike Truscott, recommande de consulter les employés. Selon lui, ce sont ces rétroactions qui lui ont permis de choisir le bon programme.

Source : Traduit et adapté de Stewart (2011, p. 16).

7.5.2 La communication des programmes de reconnaissance La communication des programmes de récompenses (les pratiques de reconnaissance et les critères de l’octroi de celle-ci) auprès des cadres et de tous les employés représente un aspect important à considérer pour optimiser les retombées de ces programmes. En somme, les employés doivent savoir qui peut avoir accès à quelles récompenses, pour quelles raisons et de quelle manière. De même, il est nécessaire de communiquer les résultats (qui reçoit quoi et pourquoi ?) des programmes de reconnaissance de façon à favoriser une perception d’équité : la transparence témoigne du souci des dirigeants de bien gérer les pratiques de reconnaissance. Certaines organisations utilisent les technologies de la communication informatique pour proposer le choix des récompenses (comme des marchandises, des cadeaux ou des chèques-cadeaux) selon les occasions et les employés, pour gérer de manière automatisée les demandes d’approbation de l’octroi de récompenses faites par les cadres, pour gérer les commandes et les livraisons de certains modes de reconnaissance, pour former et informer les employés et les cadres notamment sur les avantages imposables et sur les critères d’octroi, pour colliger des données an de suivre le succès de leur programme de reconnaissance (par exemple, le nombre de récompenses accordées par mois, la valeur pécuniaire moyenne des récompenses, le pourcentage de récompenses accordées sous forme pécuniaire, le temps moyen entre la nomination ou la proposition faite par les cadres et l’approbation nale de leur demande). Selon l’enquête du Conference Board du Canada (Stewart, 2011), les organisations privilégient surtout l’intranet et le courrier électronique pour communiquer des informations sur les programmes de reconnaissance (voir le tableau 7.6). Par ailleurs, près de la moitié des organisations disent informer les cadres sur les modes de reconnaissance lors de réunions, alors que le quart d’entre elles indiquent qu’elles leur donnent une formation précise sur le sujet. Près de la moitié des organisations se servent aussi de l’accueil des nouveaux employés ou de l’entrée en poste de nouveaux cadres pour les informer sur les programmes de reconnaissance. Du côté américain, l’enquête réalisée en 2011 par WorldatWork (Fickness, 2011) montre que les organisations devraient améliorer leur travail de communication de leurs programmes de reconnaissance lors du recrutement et de la sélection de nouveaux employés : seulement 14 % et 34 % des organisations rapportent qu’elles parlent régulièrement ou la plupart du temps de reconnaissance au moment du recrutement. Cette enquête révèle également que les médias suivants sont utilisés par les organisations pour

La gestion des programmes de reconnaissance

TABLEAU 7.6

Les méthodes d’information sur les programmes de reconnaissance des organisations Communications aux cadres

Communications aux employés

Site Web

74 %

78 %

Courrier électronique

72 %

60 %

Réunions des gestionnaires

48 %

Accueil des nouveaux employés

46 %

54 %

Réunions

36 %

50 %

Formation

26 %

s.o.

Achage

25 %

30 %

Journal d’entreprise

24 %

27 %

Brochure

21 %

22 %

1%

3%

Méthodes

Aucune communication

s.o.*

* s/o : sans objet Source : Traduit de Stewart (2011, p. 18).

donner de l’information à propos de leurs programmes de reconnaissance : Internet ou intranet (66 %), courrier électronique (62 %), lettre ou journal d’entreprise (46 %), accueil des employés (37 %), aches ou dépliants (27 %) et manuel de l’employé (26 %).

7.5.3 La formation des cadres : une nécessité Certes, les cadres doivent connaître les programmes de l’organisation, c’est-à-dire leurs critères, leurs objectifs, etc. Toutefois, selon les résultats des études dont nous avons traité précédemment, ils doivent tout autant, sinon plus, être formés à l’importance de récompenser au quotidien les « bonnes choses » de la « bonne manière », et ce, en respectant les deux principes suivants : donner une rétroaction orientée vers la reconnaissance plutôt que vers le contrôle et ne pas utiliser la reconnaissance de manière abusive, manipulatrice ou sans égard aux priorités.

Premier principe : privilégier une rétroaction orientée vers la reconnaissance et non vers le contrôle La plupart des cadres aiment dire qu’ils pratiquent l’art de la reconnaissance. En pratique, on constate qu’ils recourent davantage au contrôle et aux punitions. L’approche orientée vers le contrôle est prédominante parce que les cadres l’estiment plus ecace pour modier à court terme des comportements ou des résultats. Dans les faits, un leadership s’appuyant sur le contrôle et les menaces perpétue l’image traditionnelle des patrons et laisse croire aux cadres qu’ils maîtrisent mieux la situation. La réticence des cadres à manifester de la reconnaissance peut reposer sur diverses raisons, telles que la crainte de perdre du pouvoir, la peur d’exprimer des sentiments, l’impression que la reconnaissance est un exercice peu viril assimilé à de la atterie, à de la séduction ou à de la manipulation, la méconnaissance du travail accompli par les employés, la peur d’alimenter des perceptions d’injustice, de la jalousie et un climat de compétition ou le manque d’habileté à octroyer de la reconnaissance (Bourcier et Palobart, 1997 ; Hivon, 1996 ; Brun et al., 2002).

343

344

CHAPITRE 7

Toutefois, comme le contrôle met l’accent sur les normes minimales à respecter et sur ce qui ne doit pas être fait, il Pourquoi la reconnaissance est-elle si risque d’inciter les employés à faire le minimum ou tout dicile à implanter dans l’organisation ? ce qu’il faut pour éviter les punitions ou se conformer Selon Cybèle Rioux, présidente d’Alizé ressources huaux points de contrôle. C’est le cas pour les employés qui, maines, une raison pour laquelle la reconnaissance est si an de respecter les normes, manipulent les données de dicile à implanter dans l’entreprise est qu’elle peut créer production, privilégient la quantité au détriment de la de fortes réactions émotives, comme la jalousie, l’irritation qualité ou adoptent des méthodes de travail plus rapides ou la crainte. Ceux qui ne donnent pas de reconnaissance mais plus risquées. L’approche punitive entretient aussi un craignent-ils que cela les fasse mal paraître auprès de leurs climat de méance qui favorise justement ce que le contrôle employés ? Le président a-t-il l’impression que cela est une vise à prévenir : la négligence dans le travail. C’est le cercle perte de temps ? Un gestionnaire refuse-t-il de faire appel vicieux des punitions : plus on insiste sur les punitions, plus à la reconnaissance parce qu’il juge que ses employés sont les employés réduisent leur engagement en cherchant à déjà bien payés pour travailler ? Les employés jalousent-ils leur collègue récompensé ? Instaurer un climat favorisant la contourner le système, et plus on doit multiplier les modes reconnaissance demande d’abord qu’on s’attarde aux freins de contrôle pour s’assurer que leurs comportements et leurs et à la culture de l’organisation. résultats resteront à peine satisfaisants. Les cadres ont peu tendance à privilégier une approche Source : Rioux (2011). axée sur la reconnaissance parce qu’ils ne sont pas très sensibilisés à ses eets positifs et lui associent de nombreux inconvénients (le temps et l’énergie requis, le risque de détériorer le climat dans l’équipe, etc.). De même, la reconnaissance est oerte moins fréquemment parce qu’elle exige plus d’habiletés de supervision et de compétences émotionnelles que l’approche centrée sur le contrôle. En eet, alors que les punitions sont apparentées à des normes minimales préétablies et appuyées par la hiérarchie, l’octroi de récompenses est fonction de la réalisation d’objectifs établis conjointement avec les employés, an que les cadres puissent justier un diérentiel dans leur attribution. Ainsi, en matière de reconnaissance, il faut que les cadres soient en mesure de justier l’octroi diérencié de récompenses. Les cadres et les dirigeants devraient être sensibilisés aux atouts de l’approche axée sur la reconnaissance. L’objectif n’est pas d’éliminer les punitions et le contrôle. Un recours minimal au contrôle s’avère d’ailleurs nécessaire pour guider l’action des employés et intervenir auprès des employés diciles. Le but est plutôt d’amener les cadres et les dirigeants à faire davantage appel à la reconnaissance dans la supervision quotidienne des employés an d’orienter et de stimuler leurs eorts dans la bonne direction. Cela exige, bien entendu, de lier l’octroi de la reconnaissance au déploiement d’eorts alignés sur la mission, les valeurs et la stratégie de l’organisation. En somme, les employés sont davantage susceptibles d’être créatifs, engagés, exibles ou coopératifs lorsque le mode de gestion de leur entreprise reconnaît la créativité, l’engagement, la exibilité et l’esprit d’équipe. Une gestion axée sur la reconnaissance favorise un climat de conance où les superviseurs et les dirigeants perçoivent les employés comme responsables et désireux de faire des eorts, et où les employés se sentent estimés et respectés. Une étude montre d’ailleurs que plus les dirigeants d’entreprise accordent de l’importance aux ressources humaines, plus ils adoptent des pratiques de reconnaissance (Rousseau, 2003).

Deuxième principe : ne pas utiliser la reconnaissance de manière abusive, manipulatrice ou sans égard aux priorités Pour en savoir plus sur la reconnaissance par les gestionnaires des employés au quotidien

Octroyer des récompenses (argent, primes, etc.) de manière excessive, quant au nombre et à la valeur, peut être nuisible parce que cela mine la crédibilité du programme et risque de constituer une forme de manipulation incitant les employés à faire uniquement ce qu’il faut pour les obtenir. Une utilisation abusive des récompenses peut aussi amener les employés à adopter des comportements ou à prendre des décisions qui, bien qu’ils permettent d’obtenir

La gestion des programmes de reconnaissance

345

une récompense, risquent d’être improductifs à long terme. En n de compte, si l’on insiste trop sur les récompenses, les employés seront peut-être tentés de s’engager seulement dans des activités qui leur rapporteront un bénéce et de négliger les aspects de leur travail qui ne sont ni mesurés ni récompensés (comme la créativité ou la disponibilité).

7.5.4 L’administration, la budgétisation, le traitement scal et la sous-traitance Même si les programmes de reconnaissance peuvent verser des récompenses non pécuniaires ayant surtout une valeur symbolique, il ne faut pas sous-estimer les ressources en temps, en personnel et en argent qu’il faut investir dans leur gestion pour en assurer le succès. Selon le cas, il pourra même être décidé de recourir à la sous-traitance pour gérer une partie ou l’ensemble d’un programme de reconnaissance. Une enquête du Conference Board du Canada (Stewart, 2011) révèle que la gestion des programmes de reconnaissance se prole comme suit : • La responsabilité de gestion. Pour la majorité des organisations (55 %), la responsabilité de la gestion des programmes de reconnaissance relève des professionnels du service des ressources humaines, alors que plus d’un quart des organisations (28 %) disent que cette responsabilité est partagée entre diverses instances (par exemple, le service, les spécialistes de la rémunération, les experts en nance, les cadres supérieurs, le comité de reconnaissance) selon les programmes. • La politique de gestion. Un peu moins de la moitié des organisations disent baliser la gestion de leurs programmes de reconnaissance par une politique, l’adoption de cette dernière étant plus fréquente dans le secteur public (57 %) que dans le secteur privé (37 %). • Le comité de gestion. Près de 40 % des organisations ont mis en place un comité ociel de gestion de la reconnaissance, l’instauration de ce dernier étant plus fréquente dans le secteur public (49 %) que dans le secteur privé (32 %). Là où on les trouve, ces comités sont composés principalement de professionnels des ressources humaines (86 %), de cadres supérieurs (66 %) et de cadres (58 %). • Le budget de gestion. Les investissements dans les programmes de reconnaissance varient beaucoup, allant de 1 000 $ à moins de 5 $ par employé équivalent temps plein, pour un montant moyen de 175 $ dans le secteur privé et de 208 $ dans le secteur public. On parle alors d’un pourcentage moyen du salaire de base de 0,26 %, le pourcentage le plus élevé étant observé dans les secteurs de la nance, de l’assurance et de l’immobilier (0,49 %) et le pourcentage le plus faible, dans les secteurs de l’éducation et de la santé (0,06 %). Les industries des ressources naturelles, de l’huile et du gaz y consacrent le montant moyen le plus élevé par employé équivalent temps plein (384 $), alors que les secteurs de l’éducation et de la santé, le montant le moins élevé (34 $). • L’imposition des reconnaissances ou des récompenses accordées au personnel. Cet aspect très particulier de la gestion est balisé par l’Agence du revenu du Canada et Revenu Québec. Le site Web de ces organismes contient des informations précises et actualisées. La rubrique « Le coin de la loi » à la page suivante donne quelques balises adoptées par l’Agence du revenu du Canada. • La sous-traitance des récompenses ou de la reconnaissance. Près de 60 % des organisations ont recours à la sous-traitance pour faire réaliser les services suivants : la sélection de cadeaux (89 %), l’administration du programme (33 %), la communication (23 %) et le développement du programme (14 %). De plus en plus d’organisations choisissent des fournisseurs de services qui ont un système basé sur le Web. Avec un tel système Web, les employés peuvent voir la marchandise, sélectionner un cadeau ou encore choisir un collègue qui fera l’objet d’une récompense.

Pour en savoir plus sur les règles d’imposition des reconnaissances accordées au personnel

346

CHAPITRE 7

LE COIN DE LA LOI

Quelques balises adoptées par l’Agence du revenu du Canada en matière d’imposition des reconnaissances ou des récompenses

L’Agence du revenu du Canada a adopté des règles pour baliser l’imposition des cadeaux ou des récompenses donnés aux employés qu’elle définit comme suit. « Un cadeau doit être donné lors d’occasions spéciales comme une fête religieuse, un anniversaire, un mariage ou la naissance d’un enfant. Une récompense doit avoir été donnée en reconnaissance de réalisations professionnelles telles qu’un service exemplaire, la suggestion d’un employé et l’atteinte ou le dépassement de normes de sécurité. C’est pour reconnaître la contribution globale d’un employé dans son lieu de travail et non pas pour reconnaître son rendement au travail. Généralement, une récompense non imposable valide a des critères clairement dénis, un processus de nomination et d’évaluation, et un nombre limité de récipiendaires. Une récompense donnée à un employé pour des raisons liées au rendement (par exemple, un bon rendement dans le travail […], dépassement des normes de production, réalisation d’un projet avant la date prévue ou sous le budget, faire du temps supplémentaire pour terminer un

projet, remplacer un gestionnaire malade ou un collègue) est considérée comme une reconnaissance et constitue un avantage imposable pour l’employé.» Les employeurs peuvent donner à leurs employés un nombre illimité de cadeaux et de récompenses autres qu’en espèces d’une valeur totale combinée de 500 $ ou moins par année. Si la juste valeur marchande des cadeaux et des récompenses donnés à un employé est plus élevée que 500 $, le montant en plus de 500 $ doit être inclus dans son revenu. Toutefois, les récompenses des années de service sont traitées de manière particulière : une fois tous les cinq ans, l’employeur peut donner à un employé un prix autre qu’en espèces ou un prix d’anniversaire pour les années de service d’une valeur de 500 $ ou moins, exempté d’impôt. La récompense doit être pour un minimum de cinq années de service et il doit s’être écoulé au moins cinq ans depuis la remise de sa dernière récompense pour les années de service ou d’anniversaire. N’importe quel montant au-delà de 500 $ est un avantage imposable.

Sources : Extraits de Agence du revenu du Canada (2012a, 2012b, 2012c).

De fait, l’approche est la même que celle adoptée par de grandes chaînes de magasins qui donnent des points à leurs clients lors de leurs achats, points que ces derniers peuvent accumuler et utiliser pour se procurer un cadeau qu’ils sélectionnent sur un site Web. Ce système aide aussi les cadres à reconnaître leurs employés de manière libre et spontanée. Sur une trentaine de sous-traitants, ceux auxquels on fait appel le plus souvent sont OC Tanner (24 %), Birks (17 %) et Rideau Recognition (17 %). La plupart des organisations (83 %) se disent satisfaites ou hautement satisfaites de leurs fournisseurs de services. L’encadré 7.4 liste un ensemble de questions qu’une organisation aurait intérêt à se poser pour évaluer les programmes de récompenses que proposent divers sous-traitants. ENCADRÉ 7.4

Dix questions pour choisir le bon partenaire ou la bonne solution en matière de programme de reconnaissance

1. Le partenaire potentiel propose-t-il une solution complète, qui inclut les outils appropriés, les technologies, les connaissances spéciques du marché et le service à la clientèle nécessaires au déploiement du programme ? 2. La conception du programme étant essentielle, le partenaire a-t-il un parcours de réussite, l’expertise, la connaissance de l’industrie et les infrastructures requises pour concevoir des programmes qui optimisent la performance de l’entreprise ? 3. Le partenaire propose-t-il un plan de communication exhaustif où les objectifs du programme, les jalons et les réalisations sont régulièrement partagés à travers divers moyens de communication ? La connaissance du programme est-elle soutenue et renforcée par un suivi continu ? 4. La solution a-t-elle été conçue de manière à mettre à prot les plus récentes technologies ? L’architecture soutient-elle l’intégration d’applications développées à l’interne et par des tiers dans un portail personnalisé ? La solution reposet-elle sur des normes standards, rendant l’intégration avec un portail d’une tierce partie plus simple à l’aide de XML ? Est-ce que le service eectue tous les processus de sécurité, d’authentication et d’autorisation requis pour assurer que seuls les utilisateurs autorisés accèdent aux applications ?

La gestion des programmes de reconnaissance

ENCADRÉ 7.4

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Dix questions pour choisir le bon partenaire ou la bonne solution en matière de programme de reconnaissance (suite)

5. L’architecture s’intègre-t-elle facilement dans des logiciels de planication des ressources d’entreprise courants, comme Oracle-PeopleSoft et SAP ? S’intègre-t-elle aussi bien dans les bases de données de l’entreprise, les services d’hébergement traditionnels et les services à distance de tierces parties ? 6. Combien de temps sera nécessaire à l’implémentation ? Combien de temps faudra-t-il pour eectuer les incontournables améliorations du programme, requises pour assurer l’alignement entre les objectifs de l’entreprise et la performance individuelle ? 7. Combien de temps, d’énergie, d’eorts et de ressources de la part des professionnels des ressources humaines de l’entreprise seront nécessaires pour gérer et administrer le programme ? Par exemple, peut-on coordonner de façon centralisée toutes les initiatives, comme le suivi de la participation et de l’accomplissement des objectifs ? Ore-t-on un service à la clientèle de qualité vers lequel les utilisateurs peuvent se tourner pour adresser leurs questions ou obtenir de l’aide ? 8. Quelles sont l’envergure, la qualité et la exibilité des récompenses oertes ? À quelle vitesse les articles du catalogue sont-ils actualisés an de tenir compte des changements démographiques ou des désirs des employés de l’entreprise ? 9. Les gestionnaires du programme de l’entreprise et les participants ont-ils la possibilité de suivre les performances sur une base régulière an que les gestionnaires puissent récompenser un comportement remarquable et que les participants puissent comparer et évaluer leur performance en temps réel ? 10. Quelle est la qualité des rapports, des analyses, des mesures et des outils de suivi en ligne et hors ligne ? Le partenaire peut-il aider à évaluer le rendement de l’investissement et démontrer des rendements similaires pour d’autres organisations ? Source : Traduit de Dobbs (2005, p. 25-26).

7.5.5 L’évaluation des programmes de reconnaissance Selon un rapport du Conference Board du Canada (Stewart, 2011), plus de 85 % des organisations mesurent l’ecacité de leurs programmes de reconnaissance en utilisant diverses méthodes dans les proportions suivantes : la rétroaction informelle du personnel (69 %), un sondage auprès du personnel (56 %), la rétroaction des cadres (49 %), l’utilisation des programmes (25 %), les groupes de discussion (23 %), les entrevues de départ (18 %), les conseils du comité de gestion des programmes (15 %), les plaintes du personnel (3 %). Une enquête menée aux États-Unis montre que, pour évaluer l’ecacité de leur programme de reconnaissance, les organisations exercent un suivi sur les indicateurs suivants : les sondages de satisfaction (67 %), le nombre de lauréats, de nominations ou de prix (50 %), la rotation (28 %), la productivité (25 %), les enquêtes auprès des clients et des consommateurs (22 %), le taux d’utilisation ou de participation (21 %) et le rendement de l’investissement (15 %) (Abrahamsen et Boswell, 2003). Globalement, il semble que les organisations peuvent évaluer les retombées d’un programme en considérant des indicateurs tant objectifs que perceptuels, tant quantitatifs que qualitatifs. Pour bien mesurer la valeur ajoutée du programme, il faut considérer ses coûts, ses impacts sur la performance, sur la productivité et sur l’atteinte des objectifs (rétention, satisfaction des clients, etc.) ou encore, sur le déploiement d’une culture ou des changements d’attitudes au sein du personnel. On peut aussi analyser divers indicateurs de succès du programme : l’utilisation du programme par unité d’aaires ou encore selon l’âge ou la catégorie de personnel, le nombre d’idées soumises, le taux de participation, le pourcentage d’employés reconnus, la satisfaction des employés, la satisfaction des clients, etc. Évidemment, les indicateurs retenus dépendent du type de programme, des objectifs ainsi que des comportements et des résultats visés. Notons qu’avec les nouvelles technologies on peut plus facilement obtenir de telles données en recourant à l’intranet, à une enquête électronique ou aux courriels auprès du personnel et des clients.

Pour en savoir plus sur quelques fournisseurs de services en matière de récompenses et de reconnaissance.

348

CHAPITRE 7

Il semble aussi qu’il y ait un besoin de revoir les programmes en place, puisque seulement 54 % des organisations s’en disent satisfaites et 48 % croient que leurs employés en sont satisfaits. Si ces programmes ont des eets potentiels positifs importants, l’enquête du Conference Board révèle qu’en les gérant les organisations doivent relever les dés suivants (Stewart, 2011, p. 27) : • La satisfaction et la participation. Il est dicile d’obtenir la participation du personnel aux programmes. • L’équité. Il faut faire en sorte que les employés soient traités de manière juste. • Le budget et la valeur ajoutée. Les fonds sont souvent insusants et l’on a de la diculté à démontrer le rendement de l’investissement. • La nature des récompenses. Il faut choisir les bonnes récompenses qui répondent aux besoins du personnel. • L’administration et la communication. Il faut y consacrer des ressources. Finalement, on constate aisément que l’évaluation de l’ecacité des pratiques de reconnaissance n’est pas une chose simple. En eet, la gestion des pratiques de reconnaissance peut viser divers objectifs, autres que celui de la motivation au travail, certains objectifs risquant même d’entrer en conit les uns avec les autres. Les pratiques de reconnaissance peuvent poursuivre les buts suivants : attirer et retenir les employés ; motiver ceux-ci ; appuyer la stratégie d’aaires ; communiquer des valeurs et renforcer une culture ; bonier un régime de rémunération ; faciliter le passage à un régime collectif de rémunération variable ; reconnaître un rendement exceptionnel ; souligner la valeur des suggestions ; reconnaître les heures supplémentaires ; réduire l’absentéisme ; établir un esprit d’entreprise ; maintenir l’orientation vers les clients ; stimuler le travail d’équipe ; appuyer un changement organisationnel ; retenir les talents ; renforcer la qualité ; soutenir un changement stratégique ; adopter des habitudes de travail sécuritaires ; partager les connaissances entre employés ; etc.

7.6

Les conditions de succès des programmes de reconnaissance

Les programmes de reconnaissance doivent être gérés adéquatement pour s’avérer ecaces, sinon ils risquent d’être inutiles, voire nuisibles. L’un des principaux problèmes que comporte la reconnaissance non pécuniaire est qu’on ne croit pas toujours qu’elle ait de l’importance aux yeux des employés — du fait que les sommes en jeu sont peu élevées et souvent symboliques — ou que sa gestion doive être rigoureuse et formelle (objectifs et règles d’octroi écrits). Là où ces programmes sont en place depuis longtemps et où ils s’avèrent ecaces, ils sont supervisés par un comité ou par une personne qui en assume la responsabilité, qui exerce un suivi sur le nombre et la valeur des types de récompenses octroyés an d’éviter les abus et les erreurs. Par exemple, lorsque les cadres disposent annuellement d’un budget discrétionnaire de récompenses, il faut exiger qu’ils obtiennent une autorisation d’un responsable avant d’attribuer une récompense. La consultation d’un responsable garantit une certaine équité et une certaine homogénéité dans la distribution des récompenses au sein de l’organisation, et permet d’éviter des erreurs d’octroi qui risqueraient de miner la crédibilité d’un programme de reconnaissance. Évidemment, les préalables au succès d’un programme de suggestions varient selon le type de programme. Dans le cas particulier des programmes de suggestions (ou de management des idées) associés à des récompenses, il est important de s’assurer que le temps requis pour l’examen des propositions est relativement court. À tout le moins, il faut que l’employé soit avisé rapidement du traitement de sa suggestion. Ce préalable s’avère crucial au cours de la première année d’existence d’un tel programme, alors que le nombre de suggestions est plus

La gestion des programmes de reconnaissance

349

élevé. Après avoir analysé les programmes de suggestions d’un grand nombre d’entreprise, Carrier et Gélinas (2012, p. 27) résument les caractéristiques qui favorisent leur ecacité : • un accent mis sur la responsabilisation des employés plutôt que sur la recherche d’économies ; • la présence d’un responsable-animateur dévoué et enthousiaste qui gère le programme avec quelques collaborateurs ; • une évaluation rapide des idées ; • l’acceptation du plus grand nombre d’idées possible ; • une récompense accordée aux personnes qui collaborent avec l’idéateur dans l’implantation d’une idée ; • une animation dynamique et régulière du programme (par exemple, on relance les employés, on met occasionnellement l’accent sur la recherche de certains types d’idées, on souligne les résultats et on célèbre les succès) ; • la réalisation de l’idée ou de la solution proposée eectuée par l’idéateur lorsqu’il a les compétences pour le faire. À ce jour, plusieurs auteurs ont traité des conditions de succès des pratiques de reconnaissance en général (voir l’encadré 7.5). Selon St-Onge et ses collaborateurs (2005), ENCADRÉ 7.5 ■

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Les recommandations pour optimiser les bénéces des pratiques de reconnaissance

Accorder des formes de reconnaissance qui sont appréciées par les employés et qui répondent à leurs besoins. Pour cela, il est nécessaire de leur demander leur avis (à travers un sondage, un groupe de discussion, etc.). Accorder des récompenses rapidement et fréquemment. Veiller à ce que les récompenses soient proportionnelles aux réalisations. Octroyer des récompenses variées (prix, repas, diplômes honoriques, primes, etc.) et gérées de manière cohérente. Faire preuve d’équité, de réserve, de sincérité et de respect dans l’attribution des récompenses. Accorder des récompenses pour des réalisations, c’est-à-dire des résultats ou des comportements. Utiliser les récompenses pour reconnaître divers types de rendement (individuel, d’équipe et collectif). Accorder des récompenses adéquates d’un point de vue scal. Adopter et gérer les pratiques de reconnaissance de manière cohérente par rapport à la culture d’entreprise, à la stratégie, aux valeurs et aux objectifs de gestion. Élaborer une stratégie de reconnaissance alignée sur la stratégie globale et les valeurs de l’organisation. Préciser les objectifs des programmes et des pratiques de reconnaissance et les communiquer clairement à tout le personnel. Adopter des critères d’octroi appropriés (préétablis, justes, mesurables, réalistes, respectés, pertinents, non discriminatoires, exempts de biais) et les communiquer. S’assurer que la reconnaissance ou les récompenses sont accordées par des personnes crédibles et compétentes. Célébrer les lauréats tout en respectant leur volonté en ce qui a trait à la visibilité. Contrôler le nombre et la valeur des récompenses octroyées an d’éviter les abus. Gérer de façon ocielle les pratiques de reconnaissance. Mettre en place un comité sur la reconnaissance et nommer une personne responsable de la gestion des programmes de reconnaissance. Tenir compte de l’avis des cadres dans la gestion des programmes de reconnaissance et dans les changements apportés à leur égard. Former le personnel, surtout les cadres mais aussi les employés, au sujet des programmes de reconnaissance par divers moyens (réunions, intranet, journal d’entreprise, etc.). S’assurer de la présence de conditions de travail facilitantes, comme orir des conditions de rémunération équitables, garantir une certaine sécurité d’emploi ou partager des informations sur les aaires avec les employés. Réviser et évaluer l’ecacité des pratiques de reconnaissance et montrer de l’ouverture quant à des améliorations à y apporter.

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CHAPITRE 7

les variables inuençant l’ecacité des pratiques de reconnaissance sont multiples. L’encadré 7.5 liste plusieurs de ces préalables, préalables qui portent tout autant sur les caractéristiques des pratiques de reconnaissance, de la gestion de ces pratiques, des acteurs (notamment, les dirigeants et les cadres) que du contexte organisationnel. Nous décrirons dans le texte suivant plus à fond ces diérents préalables au succès des programmes de reconnaissance.

7.6.1 Des récompenses octroyées en fonction des attentes du personnel Pour être ecace, une récompense doit combler un besoin et être personnalisée. Il est important de communiquer la valeur des récompenses oertes aux employés et de s’assurer qu’elles répondent à leurs attentes ou qu’elles ont une valeur symbolique à leurs yeux. An de personnaliser les récompenses et d’orir des récompenses qui seront appréciées, les employés doivent être consultés. Leur participation peut se traduire par des suggestions à l’égard non seulement de la nature des récompenses, mais aussi des règles de gestion du programme de récompenses, des critères d’admissibilité et de décision d’octroi (par exemple, la candidature peut-elle être proposée par un collègue ? Comment sont perçues les nominations ?) an de favoriser les perceptions de justice à leur endroit. Compte tenu de la multiplicité des formes de reconnaissance, l’entreprise doit s’interroger sur le type de reconnaissance que veulent ses employés. Ainsi, désirent-ils plus de journées de congé ? de nouvelles responsabilités ? un meilleur équipement ? de la visibilité ? des sorties ? Comme nous l’avons vu dans le tableau 7.1 (voir la page 321), les employés sont motivés à améliorer leur rendement dans la mesure où ils ont l’impression que leurs eorts ont un eet sur leur rendement, qu’il existe un lien entre leur rendement et les récompenses, et que les récompenses qu’ils obtiennent sont importantes ou représentent pour eux une certaine valeur. De plus, une récompense pécuniaire ou tangible doit être proportionnelle aux réalisations, assez importante et, idéalement, ne pas être imposable. Il semble aussi avantageux d’adopter une variété de formes de reconnaissance de manière à donner de plus petits montants plus fréquemment à plus de personnes et à mieux répondre aux besoins des employés. Comme certaines personnes préféreraient recevoir des billets pour assister à un match de hockey et que d’autres préféreraient recevoir des billets pour voir une pièce de théâtre, il peut être intéressant de leur laisser le choix. Ensuite, la spontanéité dans la reconnaissance s’avère très importante. Il faut, en eet, accorder la récompense le plus rapidement possible après la constatation de la réalisation. Par ailleurs, la personne qui exprime la reconnaissance (par exemple, un cadre, un collègue) doit être légitime, compétente et crédible aux yeux des employés. Précisons aussi que la satisfaction envers une récompense et les incidences positives de cette dernière ne sont pas liées à son caractère ou à sa valeur pécuniaires. En outre, pour que l’organisation optimise le rendement de son investissement et évite de mauvaises surprises, son choix des modes de reconnaissance doit tenir compte des règles scales provinciales et fédérales qui s’appliquent à la fois au personnel et à l’organisation.

7.6.2 La gestion des pratiques de reconnaissance Le caractère ociel de la gestion des pratiques de reconnaissance constitue un déterminant de l’ecacité des pratiques de reconnaissance, car il optimise la rigueur de la gestion de ces pratiques. L’entreprise doit institutionnaliser ou ocialiser les pratiques de reconnaissance pour symboliser leur importance et optimiser la qualité de leur gestion. Pour ce faire, elle doit instituer un comité de gestion ayant la responsabilité d’implanter,

La gestion des programmes de reconnaissance

de gérer, de suivre et de réviser les pratiques de reconnaissance. Ce comité doit, entre autres, communiquer les objectifs et la philosophie des pratiques de reconnaissance en place et évaluer la réussite de ces pratiques. Il est également important de nommer un « champion », c’est-à-dire une personne qui est tenue pour responsable de la gestion des pratiques de reconnaissance et qui valide rapidement les décisions d’octroi de récompenses prises par les cadres. Comme nous l’avons vu dans la section 7.5, il est important que les règles d’admissibilité aux pratiques de reconnaissance permettent au plus grand nombre d’employés possible de participer à ces programmes et que les pratiques de reconnaissance fassent l’objet de directives institutionnelles communiquées de diverses façons (dépliants, politiques, vidéo, etc.). Par ailleurs, il est indispensable de déterminer de manière claire et précise les critères d’octroi des récompenses an de communiquer les normes d’excellence et d’assurer une certaine cohérence et une certaine uniformité en ce qui concerne leur distribution. Les règles doivent être perçues comme justes, équitables et susceptibles de minimiser les risques d’erreurs, de biais et de préjugés dans la prise de décision. En eet, les pratiques de reconnaissance doivent souligner des réalisations ou des comportements au travail qui dépassent les attentes, qui sont pertinents à l’égard de la mission, des valeurs et des objectifs stratégiques de l’organisation. Sur ce point, les résultats d’une méta-analyse conrment que les récompenses tangibles augmentent la motivation intrinsèque dans le seul cas où les normes de rendement établies ont été dépassées (Cameron et Pierce, 1994, 1997). Dans le même ordre d’idées, une étude montre que la satisfaction des employés est plus grande lorsque les récompenses sont octroyées en fonction du rendement individuel (DeMatteo et al., 1997). Par conséquent, il faut éviter de toujours récompenser les mêmes employés, d’accorder des récompenses selon des facteurs comme les considérations politiques, les anités ou la personnalité ou encore de donner des récompenses aux employés « à tour de rôle ». Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler aux cadres l’importance d’orir la reconnaissance le plus tôt possible après la contribution, et ce, sur une base régulière tout au long de l’année. Il s’agit ici d’éviter l’urgence de dépenser son budget de récompenses à la n de l’année nancière. De plus, les critères d’octroi des récompenses doivent être révisés en fonction de l’évolution de la culture d’entreprise, de la stratégie et des objectifs de gestion. Les pratiques de reconnaissance sont des outils de communication qui doivent véhiculer les messages désirés, c’est-à-dire ceux qui aident l’entreprise à atteindre ses objectifs. L’entreprise doit alors se demander ce qu’elle veut reconnaître ou favoriser. Est-ce la créativité ? l’esprit d’équipe ? la compétitivité ? la loyauté ? l’attraction du personnel ? la croissance continue ? la productivité à court terme ? la qualité des services ? autre chose ? Cette réexion permettra à l’entreprise de déterminer les formes de reconnaissance les plus ecaces et de diminuer le risque de récompenser des comportements négatifs ou indésirables plutôt que des comportements qu’elle souhaite encourager ou modier.

7.6.3 Un contexte favorable à la reconnaissance Le succès d’un programme de reconnaissance est aussi fonction du contexte organisationnel. Bien entendu, les pratiques de reconnaissance ont plus de chances d’être ecaces si elles sont implantées et gérées dans les organisations dont la situation nancière est saine et où l’on partage des informations sur les aaires (performance, concurrence, stratégie, etc.). On ne peut s’attendre à ce que les employés soient incités à accroître leur motivation et à se surpasser s’ils craignent de perdre leur emploi ou si on les tient dans l’ignorance. Il ne s’agit pas d’exiger de l’entreprise qu’elle garantisse une sécurité d’emploi absolue, mais qu’elle ore une certaine assurance selon laquelle la direction fait tout son possible pour garder à son service ses employés.

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CHAPITRE 7

Remarquons aussi que les pratiques de reconnaissance ne doivent pas se substituer à un système de rémunération équitable. Si les employés ne perçoivent pas qu’ils sont payés équitablement, il faut réviser leur système de rémunération avant d’adopter des pratiques de reconnaissance supplémentaires. Les récompenses ne devraient pas être accordées en remplacement d’augmentations de salaires légitimes. Aussi, un programme de reconnaissance, quelle que soit sa nature, n’est pas susant à lui seul pour changer la culture d’entreprise et résoudre un important problème de productivité. C’est un ensemble intégré de modes de reconnaissance (soit des promotions, des primes, une formation, une plus grande autonomie, etc.) qui pousse les employés à s’engager dans leur travail, à se surpasser et à s’intéresser à leur entreprise. Bref, les pratiques de reconnaissance doivent être cohérentes et s’insérer dans l’ensemble des activités de gestion des ressources humaines. La gure 7.1 illustre comment la société Whirpool, un fabricant et vendeur d’appareils ménagers, intègre la gestion des récompenses et de la reconnaissance à un ensemble d’autres activités de GRH qui s’appuient mutuellement.

FIGURE 7.1

Le programme Un cadre de référence pour une performance et des résultats extraordinaires de la société Whirpool

Source : Traduit de Brand et Biro (2007, p. 36).

7.6.4 Un appui manifeste des dirigeants auprès des cadres L’ecacité des pratiques de reconnaissance repose sur l’appui et l’engagement des dirigeants d’entreprise. Que ce soit par leur présence lors de la remise des récompenses ou par l’envoi de lettres de félicitations personnalisées, les dirigeants doivent donner l’exemple et agir comme des modèles. Il est toutefois de leur devoir de s’assurer du respect des politiques et des programmes de manière que leurs discours s’accordent avec l’action au quotidien à tous les niveaux de l’organisation. Les dirigeants agissent-ils jour après jour comme des modèles aux yeux des cadres ? Les gestes se révèlent plus importants que les discours. L’engagement des cadres de tous les niveaux dans la gestion des pratiques de reconnaissance apparaît aussi comme fort important, car ils sont souvent les personnes qui détiennent la responsabilité d’apprécier la contribution des employés, de soumettre des candidatures ou d’octroyer des récompenses. Mais l’engagement des cadres ne sut pas, encore faut-il qu’ils

La gestion des programmes de reconnaissance

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soient compétents et motivés à reconnaître la contribution des employés. De là vient l’importance de bien informer et former Favoriser le succès d’un programme de reconnaisles cadres sur les raisons d’être et les règles des pratiques de sance en intégrant les cadres dans leur élaboration reconnaissance an qu’ils acquièrent un savoir-être et un Le directeur du programme de reconnaissance et de savoir-faire en matière de reconnaissance interpersonnelle. récompenses des ventes services aux clients de Citi Cards Par exemple, lorsque les cadres disposent annuellement d’un (membre de Citigroup) s’exprime ainsi à propos du noubudget discrétionnaire de récompenses, il faut exiger qu’ils veau programme de la société : «Une des meilleures choses obtiennent une autorisation d’un dirigeant avant d’octroyer que nous ayons faites a été d’intégrer les cadres dans une récompense. La consultation d’un dirigeant assure une l’élaboration du programme. Nous donnons aux cadres certaine équité et une certaine homogénéité à la distribution une exibilité totale dans la gestion du programme pour des récompenses au sein de l’organisation et permet d’éviter atteindre les résultats d’aaires. Mais en même temps, nous des erreurs d’octroi qui risqueraient de miner la crédibilité avons mis en place des outils d’administration qui nous d’un régime de reconnaissance. permettent de faire un suivi de la gestion ecace de tous Par ailleurs, comme la réussite du programme repose les aspects du programme. Nous avons aussi mis en place des récompenses et de la reconnaissance pour les cadres surtout sur les cadres, il importe de les consulter dans le qui atteignent et dépassent les résultats des ventes. Il s’agit choix du programme et des récompenses, de tenir compte d’un mode gagnant-gagnant pour tout le monde.» de leur avis dans le suivi et l’évaluation de ce programme tout autant que de savoir reconnaître les employés. En outre, il Source : Extrait traduit de Cilmi (2005, p. 20). faut minimiser le fardeau administratif supplémentaire que les cadres devront assumer avec un nouveau programme de reconnaissance ; en eet, ces derniers devraient être davantage préoccupés par la reconnaissance à témoigner à leurs employés que par l’administration du programme. Enn, il est nécessaire de récompenser les cadres qui agissent comme des modèles en la matière, et donc de prendre ce fait en considération dans la gestion de leur performance an d’orir de l’aide et de la formation à ceux qui en ont besoin.

Conclusion Ce chapitre a traité de l’importance et de la multiplicité des formes de reconnaissance qu’une organisation peut utiliser pour souligner les réalisations ou les contributions de ses employés. Nous avons également vu les diérents types de programmes existants et leurs retombées positives, de même que les fondements d’une bonne gestion de ces programmes et les conditions de leur succès. Toutefois, les avis concernant les incidences de la rémunération sur la performance sont partagés. D’un côté, toutes les théories reconnaissent que les récompenses pécuniaires peuvent avoir aussi bien un eet positif qu’un eet LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA négatif. D’un autre côté, les études empiriques semblent montrer que les incitations pécuniaires ont un eet signicatif positif sur les performances individuelle et collective. Par contre, en ce qui a trait à la pratique, on sait que La reconnaissance au travail en 2020 bien des problèmes sont engendrés par des incitations Par Christophe Laval, CRP, président fondateur, VPHR pécuniaires mal conçues ou mal gérées ou encore qui ne La reconnaissance au travail : pratiques internationales correspondent pas aux attentes ou aux caractéristiques et diérences culturelles du personnel. C’est pourquoi il est essentiel d’élaborer, Par Christophe Laval, CRP, président fondateur, VPHR d’implanter et de gérer les régimes de rémunération La reconnaissance au travail : importance pour variable visant à récompenser des contributions indivil’entreprise duelles et collectives. Ce sujet fera d’ailleurs l’objet des Par Didier Dubois, CRHA, directeur conseil, HRM Groupe deux prochains chapitres, le chapitre 8 se penchant sur La collaboration : pourquoi pas ? les régimes individuels et le chapitre 9, sur les régimes Par Marie Doye, consultante et formatrice, Réseau DOF collectifs de rémunération variable.

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CHAPITRE 7

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Quelles sont les principales formes de reconnaissance au travail ? Décrivez-les. 2. Sur quelles théories peut-on s’appuyer pour commenter les eets probables des formes de reconnaissance ? 3. Pourquoi le fait de trop compter sur la rémunération variable peut-il être nuisible pour les personnes et l’organisation ? 4. De nombreuses théories proposent un lien entre la rémunération variable et l’attraction et la délisation du personnel. Ainsi, quels sont les eets de la rémunération variable sur l’attraction et la délisation des meilleurs talents ? 5. Quels sont les principaux types de programmes de reconnaissance pouvant être implantés an de récompenser les contributions des employés ? Décrivez ces programmes et traitez de la fréquence de leur adoption. 6. Quelles sont les similitudes entre les programmes de reconnaissance de la délité des clients et les programmes de reconnaissance des employés ? 7. Quels sont les atouts des programmes de reconnaissance en comparaison des régimes de rémunération variable ? 8. Pourquoi les cadres et les dirigeants devraient-ils être sensibilisés aux atouts de l’approche axée sur la reconnaissance ? 9. Que devrait faire une organisation qui souhaite évaluer l’ecacité d’un programme de reconnaissance ? 10. Quelles sont les conditions de succès des pratiques de reconnaissance ? Énumérez des recommandations susceptibles d’optimiser l’ecacité de ces pratiques.

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. «En dehors de l’argent obtenu en vertu des régimes de rémunération variable, les récompenses que les employés peuvent recevoir ne sont que des gadgets inutiles et inecaces.» Commentez cette opinion. 2. «Le fait de récompenser le rendement des employés a une incidence positive sur celui-ci.» Commentez et nuancez cette armation.

CHAPITRE

8

La rémunération et la gestion des performances individuelles

PLAN DU CHAPITRE

8.1 Les régimes de rémunération variable 8.2 Les régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle

8.3 La gestion de la performance dans un contexte de rémunération variable 8.4 Les conditions de succès d’un programme de gestion de la performance

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Présenter les diérents types de régimes de rémunération variable et les avantages qu’on leur reconnaît.

• Décrire les caractéristiques, les atouts, les limites, l’ecacité et les conditions de succès des régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle. • Présenter la fréquence d’adoption, les avantages et les inconvénients de divers régimes de rémunération variable. • Traiter de l’importance de gérer et d’évaluer avec soin la performance sur laquelle s’appuient les régimes individuels de rémunération variable. • Exposer les conditions de succès des régimes individuels de rémunération variable.

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CHAPITRE 8

M I S E E N S I T U AT I O N

Comment communiquer la révision annuelle de la rémunération Avec l’année qui tire à sa n, voilà que point à l’horizon un exercice que plusieurs redoutent, celui de décider ou d’informer leurs employés de la révision salariale annuelle. Évidemment, le contexte est important. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : • Le personnel est-il syndiqué ou non ? • La rémunération est-elle structurée ? • La rémunération est-elle liée au rendement ou à l’ancienneté ? • Le programme de gestion du rendement est-il formel, informel ou encore carrément inexistant ? • Êtes-vous partie prenante aux décisions ou n’êtes-vous qu’un porte-parole de l’organisation ? • L’entreprise a-t-elle une politique de transparence quant à la rémunération ou ce volet est-il secret ? Dans le cas où les employés sont syndiqués ou que les augmentations sont accordées en fonction de l’ancienneté, la communication s’avère simple. Pour les employés syndiqués, on se reporte à la convention collective et le tour est joué. Ceci étant dit, il ne faut pas confondre équité et égalité ; ce n’est pas parce que tous les employés reçoivent la même augmentation qu’ils trouveront la situation équitable. L’expérience tend à démontrer que les employés non syndiqués veulent que leur contribution individuelle soit reconnue et appréciée à sa juste valeur. C’est dans ces cas où le lien entre le rendement et la rémunération est de rigueur que le processus de communication prend toute son importance. En effet, plusieurs facteurs doivent être considérés. Ceux-ci incluent : • la capacité de payer de l’entreprise ; • sa politique salariale ou de rémunération ; • la crédibilité du programme de gestion du rendement ; • le rendement ou la cote de rendement de l’employé ; • le type de structure salariale utilisé ; • le positionnement salarial de l’employé dans cette structure. Une des clés du succès dans un tel contexte réside dans l’utilisation d’un programme de gestion du rendement clair, juste et crédible, dont l’application et le suivi auront pour eet d’éliminer ou de réduire de façon considérable l’élément de

surprise qui accompagne inévitablement un constat inférieur aux attentes de l’employé. Malheureusement, le processus de gestion du rendement se limite souvent à une évaluation annuelle parfois perçue par les gestionnaires comme un fardeau et par les employés comme un exercice discrétionnaire peu crédible. Dans tous les cas, il importe d’être objectif et honnête dans son appréciation du rendement. Une approche franche et honnête, appuyée par des faits, rendra plus probable l’acceptation d’une cote de rendement moins atteuse que ne l’espérait un employé. Il est d’ailleurs essentiel de franchir cette étape avant de discuter de la rémunération. Il faut bien garder en perspective qu’une augmentation au «mérite» se calcule en tenant compte du rendement de l’individu et de son positionnement dans l’échelle salariale. Ainsi, un employé pleinement satisfaisant, dans le bas de l’échelle salariale, est susceptible d’obtenir une augmentation égale, voire supérieure, à celle d’un employé très performant, mais ayant atteint le maximum de l’échelle. Dans de tels cas, d’autres mécanismes peuvent récompenser le rendement supérieur (la bonication, par exemple). Dans la mesure où votre entreprise aborde la rémunération avec transparence, il est important d’indiquer à l’employé quelle est sa position dans la structure de rémunération. Si cette structure est bien connue de tous, le travail est nettement facilité. Toutefois, même dans les organisations où la structure de rémunération n’est pas ouvertement communiquée, il est avantageux que l’employé soit informé des limites de sa fourchette salariale et de la position qu’il y occupe. Il sera alors à même de comprendre la logique sous-jacente au processus d’établissement des taux d’augmentation et cela pourra éviter des débats émotifs et stériles comme les questions salariales savent parfois engendrer.

Questions 1. De quelle manière les concepts d’équité et d’égalité se distinguent-ils l’un de l’autre ? Pourquoi ? Selon vous, les auteurs de cette mise en situation nous mettent-ils en garde contre la tendance à confondre ces deux concepts ? 2. Dans cette mise en situation, on peut lire que « le processus de gestion du rendement se limite souvent à une évaluation annuelle parfois perçue par les gestionnaires

La rémunération et la gestion des performances individuelles

comme un fardeau et par les employés comme un exercice discrétionnaire peu crédible». Que recommanderiez-vous pour améliorer les perceptions des gestionnaires et des employés à l’égard de cette activité ?

3. Un gestionnaire qui s’apprête à rencontrer un employé pour l’informer de la révision annuelle de sa rémunération sollicite vos conseils en la matière. Que lui recommanderiezvous ?

Source : Extrait de Chartrand et Sauvé (s.d.).

L

a prise en compte de la performance individuelle dans l’établissement de la rémunération des personnes relève du principe de l’équité individuelle que des organisations peuvent viser à respecter de manière plus ou moins importante selon leur culture, la catégorie de personnel, leur capacité de payer, etc. Traditionnellement, selon les secteurs et les catégories de personnel, la recherche de l’équité individuelle prenait en considération les années de service dans la gestion des salaires. C’est le cas pour bien des employés de production et des employés de bureau dans les milieux syndiqués ou non syndiqués. Dans certains pays, comme en France, l’équité individuelle s’exprime par la prise en compte du diplôme dans la gestion des salaires. Pour un même emploi, un titulaire diplômé d’une grande école pourra recevoir l’équivalent de 10 000 $ ou 15 000 $ de plus qu’un autre titulaire n’ayant pas ce diplôme. Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre 2, l’équité est aussi une question de culture. En Amérique du Nord, le principe de l’équité individuelle tend à valoriser la prise en considération de la performance individuelle dans la gestion de la rémunération des personnes. Cela peut signier, par exemple, que parmi des employés ayant un même emploi, des décisions à l’égard de leur rémunération — augmentations de salaires ou primes — tiendront compte de leur performance individuelle respective. Dans ce chapitre, après avoir présenté les diérents régimes de rémunération variable et fait un survol de leurs avantages, nous décrivons les divers régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle tels que les salaires au mérite, les primes de performance individuelle ainsi que la rémunération à la pièce1. Puis, nous traitons de la gestion et de l’évaluation de la performance au sein des organisations ayant décidé de lier la rémunération de l’ensemble ou d’une partie de leurs employés à leur performance individuelle. Nous insistons sur cette matière étant donné que, même si de nombreux employés sont d’accord avec l’idée d’arrimer la rémunération à la performance, les plaintes et les problèmes surviennent surtout avec l’application du principe. C’est pourquoi, enn, nous donnons des conseils en la matière an d’optimiser le succès des régimes individuels de rémunération variable.

8.1

357

Les régimes de rémunération variable

Il existe plusieurs types de régimes de rémunération variable, qui peuvent être classés selon le niveau de performance ciblé, soit la performance individuelle, d’équipe ou organisationnelle (ce dernier niveau pouvant être décliné selon l’organisation entière, par division ou par unité). Certains types de régimes tiennent compte de la performance à 1. Les formules de commissions et de primes pour les vendeurs seront décrites dans le chapitre 11.

358

CHAPITRE 8

court terme, à moyen terme ou à long terme. Ils peuvent aussi être distingués selon la forme de récompense oerte : des primes ou des montants forfaitaires, des augmentations de salaires, des actions, etc. Aux ns de cet ouvrage, nous classons les régimes de rémunération variable en deux catégories : dans le présent chapitre, nous étudierons la gestion des performances individuelles, tandis que dans le chapitre 9, nous verrons la rémunération de la performance collective.

8.1.1 Les types de régimes de rémunération variable Les divers régimes de rémunération variable tant individuels que collectifs comportent de nombreux avantages. Au Canada, 62 % des employés sont admissibles à un régime individuel de rémunération variable que 28 % des entreprises gèrent et rendent admissibles pour au moins une catégorie de leur personnel, soit les gestionnaires ou les cadres, les employés de bureau, les employés de production, les professionnels, le personnel de vente ainsi que les techniciens et les corps de métiers (Cloutier et al., 2010). Le choix d’orir un ou des régimes de rémunération variable implique nombre de décisions pour les employeurs, notamment celles-ci : • Quels types de régimes est-il préférable d’adopter ? • Quelle catégorie de personnel sera admissible à chacun des régimes et sur la base de quels critères ? • Quelles périodes de performance (à court, à moyen ou à long terme) seront prises en compte par chaque régime ? • À quels moments et de quelles manières les niveaux de performance pris en compte par chaque régime seront-ils mesurés ? • À quels moments et de quelles manières les formes de rémunération octroyées par chaque régime seront-elles déterminées et versées ? • Quels seront les rôles et les responsabilités respectifs des divers acteurs (dirigeants, cadres, professionnels des ressources humaines, employés, syndicats, etc.) dans la gestion de chaque régime ? Selon les régimes de rémunération retenus, les organisations peuvent adopter des critères d’admissibilité diérents et combinés. Il peut s’agir de régimes destinés à tous les employés (26 %), aux employés à temps plein (23 %), aux groupes d’emplois (par exemple, le personnel de vente) (22 %), aux niveaux hiérarchiques (14 %) ou autres (par exemple, les classes salariales) (13 %) (Mercer, 2011b). Le tableau 8.1 énumère les diérents régimes de rémunération variable. Des études menées auprès de cadres de divers niveaux hiérarchiques montrent que si les perceptions à l’égard de l’équité interne, externe ou individuelle sont importantes, les cadres accordent une plus grande importance au respect de l’équité individuelle, et ce dernier type d’équité inuence davantage leur satisfaction envers leur rémunération (Till et Karren, 2011 ; Tremblay et al., 1997). Par conséquent, il est indispensable que les employés perçoivent leur rémunération comme équitable en comparaison des autres employés qui font un travail similaire. De même, il est nécessaire que les diérences de rémunération entre des employés occupant un même poste soient raisonnables et justiables. Évidemment, les régimes individuels de rémunération variable sont plus ecaces dans des contextes où les employés travaillent de manière indépendante, contrôlent dans une large mesure le déroulement de leur travail et font un travail qui ne dépend pas de la technologie. Ils sont aussi plus ecaces dans les cultures individualistes, comme aux États-Unis, alors qu’ils sont plus susceptibles d’être jugés inappropriés dans des cultures collectivistes, comme en Chine.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

TABLEAU 8.1

Les diérents régimes individuels et collectifs de rémunération variable

Régimes basés sur la performance individuelle

• Salaire au mérite* • Primes • Commissions • Rémunération à la pièce

Régimes basés sur la performance collective à court terme

• Participation aux bénéces • Partage des gains de productivité • Partage du succès • Primes d’équipe • Régimes mixtes de primes de rendement individuel et collectif Régimes basés sur la performance collective à long terme

• Octroi ou achat d’actions • Option d’achat d’actions * Certains auteurs et certaines enquêtes excluent le salaire au mérite comme mode de rémunération variable. Ils justient ce choix par le fait que le salaire au mérite est plutôt une partie xe (non variable) étant donné qu’il touche le salaire et devient une annuité. Aux ns de cet ouvrage, nous classons les régimes de salaires au mérite comme un mode particulier de rémunération variable qui fait varier une récompense (ici, des augmentations salariales) en tenant compte (entièrement ou en partie) de la performance individuelle. Ils visent donc, comme les autres régimes individuels de rémunération variable, à promouvoir la perception d’équité individuelle.

8.1.2 Les avantages présumés des régimes de rémunération variable L’adoption de régimes de rémunération variable tant individuels que collectifs peut être justiée pour une organisation par les quatre raisons suivantes : 1. La réduction des coûts de la main-d’œuvre et des mises à pied. Dans un monde changeant où les revenus des organisations uctuent davantage, celles qui doivent assumer des coûts xes croissants de la main-d’œuvre sont pénalisées. De plus en plus d’organisations adoptent diérents types de rémunération variable permettant d’arrimer davantage leurs coûts de la main-d’œuvre à leur capacité de payer (revenus). Ainsi, en période de dicultés nancières, une organisation a moins recours aux mises à pied, car la rémunération qu’elle ore est davantage tributaire de sa performance. Cet atout est d’autant plus important que les régimes de rémunération variable retenus peuvent être gérés diéremment selon les caractéristiques et la localisation des unités d’aaires au sein d’une grande entreprise. 2. L’amélioration de la compétitivité sur le marché de l’emploi et sur celui des produits et des services. Les programmes de rémunération variable peuvent faciliter l’attraction et la délisation des employés ayant des compétences très recherchées, de ceux qui sont performants ou de ceux qui sont conants dans leurs capacités et motivés à faire des eorts pour avoir une bonne performance. Ultimement, une rémunération plus exible devrait améliorer la compétitivité de l’organisation dans son secteur d’activité. 3. L’amélioration du climat de travail. La mise en place de régimes de rémunération variable requiert de xer des résultats à atteindre et de prescrire des moyens à adopter pour les atteindre. Ce faisant, ils stimulent la motivation et l’engagement envers l’amélioration de la performance individuelle et collective et de celle de l’organisation. Les régimes collectifs de rémunération favorisent aussi le partage et la collaboration dans les eorts visant à améliorer la performance de l’organisation. Les

359

360

CHAPITRE 8

régimes de rémunération variable auraient un eet bénéque sur les comportements et les attitudes des employés. Leur adoption amènerait, par exemple, les employés à s’identier davantage au succès de leur organisation et à diminuer leur résistance aux changements. Ils auraient également un eet positif sur les relations de travail, en favorisant l’éclosion d’une culture axée sur le partenariat, la coopération et l’esprit d’équipe. 4. Des leviers de communication, de rétroaction et de mobilisation. En adoptant des régimes de rémunération variable, l’organisation communique à son personnel ce qui est important, ce sur quoi elle exerce un suivi et donne une rétroaction. Ce faisant, elle indique aussi aux employés qu’elle est prête à partager son succès avec eux de manière tangible.

8.2

Les régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle

Ce chapitre traite des régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle, soit les régimes de salaires dits « au mérite », les régimes de primes, les régimes mixtes de primes et d’augmentations de salaires ainsi que les régimes de rémunération à la pièce. Les régimes à commission seront étudiés dans le chapitre 11, qui traite de la rémunération de catégories particulières de personnel, dont le personnel de vente.

8.2.1 Les régimes de salaires ou de rémunération au mérite En Amérique du Nord, la rémunération au mérite, appliquée selon un mode de gestion des salaires qui tient compte de la performance individuelle, est un régime adopté très fréquemment.

Le processus de gestion des salaires basés sur le mérite : dénition et fréquence Performance (performance) Ensemble des contributions fournies par une ou plusieurs personnes dans leur travail au cours d’une période (comportements, résultats, etc.).

Les régimes de salaires au mérite permettent de considérer la performance individuelle des employés dans la détermination de leurs augmentations de salaires (généralement sur une base annuelle). De façon plus précise, la progression du salaire des employés dans leur échelle salariale se fait à intervalles réguliers (habituellement un an) et elle dépend, du moins en partie, de leur performance individuelle. Une enquête menée par WorldatWork (2010) aux États-Unis révèle que, en déterminant les augmentations de salaires des employés, 89 % des employeurs tiennent compte de la performance individuelle du personnel (souvent évaluée par l’atteinte d’objectifs) sans orir d’augmentation générale en plus. Au Canada, une enquête du Conference Board montre que 82 % des organisations lient les salaires de base à la performance (Stewart et Lamontagne, 2013). Suivant un tel régime, le budget global des augmentations de salaires qui peut être aecté aux employés est ordinairement déterminé en fonction de la performance de l’organisation (sa capacité de payer), de sa politique salariale en relation avec le marché (le devancer, être à sa remorque ou l’accompagner) et de l’évolution du coût de la vie (ou de l’indice des prix à la consommation [IPC]). Pour déterminer ce budget annuel d’augmentations de salaires, les professionnels des ressources humaines tiennent aussi compte des données des enquêtes annuelles que des sociétés-conseils (Mercer, Hewitt, etc.) et des organismes (Ordre des conseillers en ressources humaines agréés [CRHA], WorldatWork, etc.) mènent pour connaître les augmentations de salaires prévues selon les

La rémunération et la gestion des performances individuelles

niveaux hiérarchiques, les catégories de personnel, les secteurs d’activité, etc. Une fois ce budget annuel d’augmentations des salaires approuvé par la direction, il est réparti parmi les cadres et lié au processus de gestion de la performance, et plus précisément aux cotes d’évaluation de la performance des employés. Les deux tiers des organisations (66 %) adoptent un budget uniforme d’augmentations de salaires, c’est-à-dire un même pourcentage d’augmentation du total des salaires de tous les employés admissibles au régime, alors que d’autres organisations (21 %) ajustent leur budget pour certains groupes de personnel selon les pressions nancières ou celles de la concurrence (Hewitt & Associates, 2004). Des organisations dont les unités ont des performances diérentes ou dont les unités sont dispersées dans des régions où le coût de la vie et les pressions compétitives ou concurrentielles divergent peuvent toutefois adopter une approche exible. Certaines organisations rendent tous leurs employés admissibles, mais accorderont une augmentation au prorata du nombre de mois travaillés à ceux qui n’ont pas complété une année. D’autres exigeront plutôt un minimum d’ancienneté, comme 6 mois ou 12 mois, avant d’octroyer une augmentation au mérite.

Les échelles ou les bandes d’augmentations de salaires au mérite Comme nous l’avons vu dans le chapitre 6, une gestion des salaires selon la performance implique que les salaires des employés sont gérés à l’intérieur de marges préétablies — un salaire minimum et un salaire maximum — à des fins de contrôle des coûts et d’équité. En pratique, il existe diverses façons de gérer et de représenter la progression du salaire entre un minimum et un maximum. La gure 8.1 à la page suivante représente cette progression par une échelle salariale (que certains qualient de « fourchette salariale ») ou une bande salariale. La partie A de la gure 8.1 s’inspire d’une échelle « mini-maxi » dans laquelle on trouve un taux maximal (qualié de « maxi-mérite »), un taux moyen (qualié de « maxi-normal », de « point de contrôle », de « point milieu », de « taux du marché » ou de « taux repère ») et un taux minimal. Ce type d’échelle vise à orir aux employés un salaire qui correspond au salaire versé sur le marché (si telle est la politique de l’organisation) à des titulaires occupant des emplois semblables et qui s’accorde avec le niveau de leur rendement. Le point milieu de l’échelle ou de la bande salariale (ou maxi-normal) présenté dans la partie B de la gure 8.1 correspond aux salaires versés aux titulaires des emplois qui sont qualiés et qui ont un rendement pleinement satisfaisant, et donc un niveau de mérite normal. Dans la mesure où la politique de l’organisation consiste à égaler le marché, les points milieux des échelles (fourchettes ou bandes) sont équivalents aux taux du marché. Lorsque le rendement d’un employé se maintient à un niveau plus que satisfaisant, son salaire peut être xé entre le point milieu (maxi-normal) et le taux maximal (maxi-mérite). Ces échelles ou bandes salariales proposent des minimums et des maximums situés à plus ou moins 20 % du point de contrôle. Le taux maximal équivaut au salaire versé à l’employé dont le rendement est exceptionnel et soutenu. La structure salariale peut suggérer que, sans expérience préalable dans l’emploi, un candidat est embauché au taux minimal. Toutefois, certains employeurs décideront de tenir compte de l’expérience ou du rendement prévu dans le poste pour établir le salaire d’un employé débutant dans un poste et lui verser immédiatement un salaire se situant entre le minimum et le point milieu (ou maxi-normal ou point de contrôle) ; son salaire continuera d’augmenter progressivement jusqu’au taux maximal (le maxi-mérite) si le titulaire montre un rendement exceptionnel qui est soutenu dans le temps. Pour les cadres et les professionnels en général ainsi que pour le personnel de bureau dans le secteur privé non syndiqué, les entreprises utilisent

361

362

CHAPITRE 8

souvent des échelles salariales sans échelons, de sorte que diérents montants de salaires correspondent à diérents niveaux de rendement. Selon un régime de salaires au mérite, les cadres évaluent la performance de tous leurs employés, leur attribuent une cote de performance selon un système établi, et ils doivent suivre les directives du service des ressources humaines pour déterminer l’augmentation de salaire qui sera accordée à chacun de leurs subordonnés. Ces directives varient d’une organisation à l’autre et peuvent faire l’objet de matrices prescriptives.

Les matrices salariales basées sur la performance La manière d’aider les cadres à décider du montant des augmentations de salaires au mérite à accorder à leurs employés en fonction de leur performance respective varie d’une organisation à l’autre. Examinons les diérentes approches utilisées, des plus simples aux plus complexes. FIGURE 8.1

La progression du salaire d’un point minimal à un point maximal sous la forme d’une échelle ou d’une bande salariale

A) L’échelle (la fourchette) salariale

B) La bande salariale

La rémunération et la gestion des performances individuelles

363

Les matrices liant les augmentations de salaires aux cotes de performance Quoique cela soit moins fréquent dans les grandes entreprises, on peut prescrire aux cadres de verser une augmentation de salaire au mérite à un employé (soit un pourcentage précis, comme 2 %, ou encore un écart, par exemple entre 1,5 % et 2,5 %) en considérant uni­ quement sa cote globale de performance, représentée dans le cas 1 du tableau 8.2. Cette approche, telle que montrée dans le cas 2, a pour incidence que les employés les plus performants reçoivent toujours une augmentation plus élevée, ce qui peut nuire aux perceptions d’équité interne. Ainsi, à performance égale, les employés ayant les salaires les plus élevés reçoivent toujours une augmentation de salaire en montant absolu (dol­ lars) plus élevée, même si l’augmentation de salaire en pourcentage est la même. Cela peut avoir pour eet de perpétuer les iniquités existantes ou encore de récompenser les employés ayant plus d’ancienneté, que ce soit de l’ancienneté dans l’organisation ou de l’ancienneté dans le poste. Cela peut aussi avoir pour eet de récompenser les employés dont le salaire est trop élevé (perceptions d’iniquité) ou trop coûteux (pour l’employeur). Une autre possibilité, illustrée par le cas 3 dans le tableau 8.2, consiste à calculer les aug­ mentations de salaires au mérite comme un pourcentage du point milieu de l’échelle salariale plutôt que du salaire de l’emploi (WorldatWork, 2007). Cette approche permet de donner un pourcentage réel d’augmentation plus élevé aux employés dont le salaire est plus bas dans l’échelle salariale qu’à ceux qui ont déjà un meilleur salaire. Dans le temps, les iniquités entre les salaires versés aux employés d’une même classe salariale se réduiront parce que les employés les moins bien payés, mais dont la performance est bonne, auront une augmentation de salaire qui s’accélérera, alors que les employés performants qui sont au haut de l’échelle, et donc payés davantage que le marché, recevront une augmentation qui ralentira leur progression. TABLEAU 8.2

Des exemples de matrices liant les augmentations de salaires aux cotes de performance

Cas 1 : Exemples de liens directs entre les cotes globales de performance et les augmen­ tations de salaire versées Augmentation de salaire précise prescrite

Marge discrétionnaire d’augmentation de salaire prescrite

Exceptionnelle

7%

5 %-8 %

Supérieure aux attentes

4%

2 %-6 %

Pleinement satisfaisante

3%

2 %-4 %

Acceptable

2%

1,5 %-3 %

Insatisfaisante

0%

0 %-1,5 %

Cote globale de performance de l’employé

Cas 2 : Application d’une augmentation au mérite xe de 3 % sur le salaire de trois employés ayant une performance satisfaisante Employés dont la performance est satisfaisante

Taux courant de salaire

Pourcentage d’augmentation de salaire

Augmentation en dollars

Yves

35 000 $

3,0 %

1 050 $

Jacques

40 000 $

3,0 %

1 200 $

Hélène

50 000 $

3,0 %

1 500 $

Ancienneté dans l’organisation (years of service in the organization) Période d’emploi qui s’est écoulée depuis la date à laquelle un salarié a été embauché par l’organisation. Ancienneté dans le poste (years of service in the job ou job tenure) Période d’emploi qui s’est écoulée depuis la date à laquelle un salarié a été sélectionné pour occuper le poste.

364

CHAPITRE 8

TABLEAU 8.2

Des exemples de matrices liant les augmentations de salaires aux cotes de performance (suite)

Cas 3 : Application d’une augmentation au mérite xe de 3 % sur le point milieu de l’échelle (soit 40 000 $) des employés ayant une performance satisfaisante Pourcentage Pourcentage Employés dont Taux Augmentation d’augmentation de salaire réel la performance courant de salaire appliqué au point milieu d’augmentation est satisfaisante de salaire en dollars de l’échelle (à 40 000 $) de salaire Yves

35 000 $

3,0 % × 40 000 $

1 200 $

3,4 %

Jacques

40 000 $

3,0 % × 40 000 $

1 200 $

3,0 %

Hélène

50 000 $

3,0 % × 40 000 $

1 200 $

2,4 %

Les matrices liant les augmentations de salaires à la cote de performance et à la position dans l’échelle salariale Selon une enquête menée par la société Hewitt

Ratio comparatif (compa-ratio) Ratio calculé en divisant le salaire du titulaire d’un poste par le salaire correspondant au point milieu de son échelle salariale (ou point maxi-normal ou point de contrôle).

TABLEAU 8.3

(Hewitt & Associates, 2010a), 85 % des organisations disent utiliser une matrice ou une grille d’augmentation au mérite qui prescrit aux cadres de verser une augmentation de salaire aux membres de leur équipe en fonction de leur cote de performance individuelle et de la position de leur salaire individuel par rapport au point de contrôle ou au point milieu de leur échelle salariale, soit son ratio comparatif (voir l’exemple dans le tableau 8.3). Selon cette matrice, on calcule le ratio comparatif d’un employé en divisant son salaire actuel par le salaire correspondant au point milieu (ou point maxi-normal ou point de contrôle) de son échelle salariale. Si le salaire eectif d’un employé est de 34 000 $ et que le point milieu de son échelle salariale soit de 30 000 $, la valeur du ratio comparatif de cet employé est de 1,13 (ou 113 %). Selon une structure salariale ayant des minimums et des maximums situés à plus ou moins 20 % du point de contrôle, le ratio comparatif des employés dans les limites de leur échelle salariale peut varier de 0,80 à 1,20 (ou de 80 % à 120 %). L’employé sans expérience préalable dans l’emploi peut être embauché au taux minimal de l’échelle, soit à un ratio comparatif de 80 %. Dans le cas 2 du tableau 8.2 à la page pécédente, l’employé dont le rendement est satisfaisant et dont le salaire se situe dans la zone du point de contrôle (de 97 % à 103 %) peut obtenir une augmentation de salaire au mérite variant de 2 % à 3 %. Par contre, si son rendement est plus que satisfaisant et que son salaire se situe à un niveau inférieur au point de contrôle, il pourra recevoir une augmentation de salaire variant de 4 % à 6 %.

Une matrice mettant en relation les augmentations de salaires au mérite selon la cote de performance et le ratio comparatif

Performance globale de l’employé

Ratio comparatif de l’employé < 85 %

85 %-90 %

91 %-96 %

97 %-103 %

104 %-109 %

110 %-115 %

> 115 %

Exceptionnelle

7 %-8 %

6 %-7 %

5 %-6 %

4 %-5 %

3 %-4 %

2 %-3 %

1,5 %-2,5 %

Supérieure aux attentes

6 %-7 %

5 %-6 %

4 %-5 %

3 %-5 %

2 %-5 %

1,5 %-2,5 %

1,5 %-2,5 %

Pleinement satisfaisante 5 %-6 %

4 %-5 %

3 %-4 %

2 %-3 %

1,5 %-2,5 %

1 %-2 %

0,5 %-1,5 %

Acceptable

4 %-5 %

3 %-5 %

2%

2 %-2,5 %

1,5 %-2,5 %

0%

0%

0%

0%

0%

0%

0%

0%

0%

Insatisfaisante

La rémunération et la gestion des performances individuelles

Par ailleurs, la personne dont le rendement est exceptionnel et dont le salaire se trouve dans la zone inférieure à 85 % peut recevoir une augmentation de salaire variant de 7 % à 8 %. Une telle matrice incite davantage les employés à avoir un excellent rendement au début de leur carrière ou à l’arrivée dans leur poste, lorsque leur salaire se situe dans la portion inférieure de l’échelle de leur classe d’emplois. Cette situation s’explique par la diminution du pourcentage des augmentations de salaires qui sont recommandées pour les employés dont le niveau de salaire se situe au-dessus du point de contrôle. Selon ce type de matrice fréquemment en usage, les organisations doivent communiquer aux employés très performants qui sont au sommet de leur échelle salariale qu’ils reçoivent déjà un salaire bien au-dessus du marché, indiquant combien ils sont valorisés. Leur performance doit continuer à être reconnue par leur cote de performance (rétroaction) et idéalement par d’autres moyens, comme des marques de reconnaissance, des promotions ou des primes. D’autres organisations font référence à la position dans l’échelle en recourant à un classement sous forme de quartiles : 1er, 2e, 3e et 4e quartile (voir l’exemple dans le tableau 8.4). En somme, ces grilles ou ces matrices signalent aux cadres les augmentations de salaires qu’ils doivent octroyer selon la cote de performance et le ratio comparatif de chaque employé ou bien en leur communiquant l’augmentation à accorder (par exemple, 3 % ou un montant comme 2 000 $), ou bien en leur prescrivant une marge (par exemple, entre 2 % et 4 % ou un montant entre 1 500 $ et 2 500 $). En dénitive, il existe de nombreuses approches pour déterminer les augmentations de salaires à allouer (voir Faurote, 2010, qui présente 10 approches). Ces approches se fondent sur l’idée que le point milieu de l’échelle représente le taux de salaire concurrentiel ou juste pour la valeur des exigences de cet emploi sur le marché et que, dans le temps, un employé présentant une performance similaire devrait obtenir un montant équivalent. Elles ont l’avantage d’atténuer les problèmes qu’entraînait la seule prise en compte du rendement (WorldatWork, 2007), c’est-à-dire de réduire le risque de perpétuer les iniquités ou de surpayer (par rapport au marché) les employés déjà bien payés. Aussi, lorsque l’approche adoptée est bien expliquée aux employés, ceux-ci seront plus susceptibles de la trouver juste parce qu’elle fait en sorte que, dans le temps, les employés ayant une même performance dans une classe salariale tendent à être payés de façon semblable. L’adoption de ces matrices, prescrivant de reconnaître la performance individuelle en fonction de la position des employés dans leur échelle salariale, date du début des années 1970 (Wisper et Abosch, 2010). À l’époque, on voyait là une façon de veiller à ce que les décisions en matière salariale appuient une philosophie visant à payer en fonction de la performance d’une manière juste et en même temps respectueuse de l’équité externe. En eet, ces matrices

TABLEAU 8.4

Un exemple de matrice mettant en relation les augmentations de salaires au mérite selon la cote de performance et le quartile dans lequel se trouve le salaire

Performance globale de l’employé

Position de l’employé dans l’échelle salariale avant l’augmentation de salaire er 1 quartile 2e quartile 3e quartile 4e quartile

Exceptionnelle

8 %-9 %

6 %-7 %

4 %-5 %

3 %-4 %

Supérieure aux attentes

6 %-7 %

4 %-5 %

3 %-4 %

2 %-3 %

Conforme aux attentes

4 %-5 %

3 %-4 %

2 %-3 %

0%

Inférieure aux attentes

0 %-2 %

0%

0%

0%

Source : Traduit de WorldatWork (2007, p. 322).

365

366

CHAPITRE 8

permettent d’exercer un suivi sur la position concurrentielle des salaires, de s’assurer que les budgets salariaux sont respectés Il y a une limite à donner ! et de contrôler les coûts des salaires des employés. Dans une Deux consultants de la société-conseil Hewitt & Associates même échelle salariale et pour une même cote de performance, commentent l’exemple suivant. Supposons qu’un poste plus le salaire actuel d’un employé est élevé, moins son augait une valeur sur le marché de 100 000 $ et qu’une orgamentation de salaire sera importante. nisation paie 130 000 $ un titulaire hautement performant Lorsque l’approche des matrices tenant compte de la dans ce poste. Une matrice recommande au supérieur performance et du ratio comparatif s’est popularisée il y a de cet employé de ne pas lui accorder d’augmentation de plus de 30 ans, les budgets d’augmentations de salaires au salaire (quoiqu’il puisse recevoir une prime importante mérite variaient de 6 % à 8 %. Or, la réalité économique des ou une autre récompense). Certaines entreprises pourront dernières années aux États-Unis comme au Canada force à craindre de perdre cet employé si elles ne lui donnent se limiter à des budgets de deux à trois fois inférieurs, soit pas d’augmentation de salaire. Par contre, où ce dernier à des augmentations de 2 % à 3 % (Wisper et Abosch, 2010). pourrait-il aller et être payé au-delà de 30 % de plus que Selon la dernière enquête réalisée par le Conference Board le marché ? Toutes les organisations doivent décider jusqu’à quel point elles veulent payer au-dessus du marché du Canada, le budget des augmentations de salaires au mérite puisque, par-delà une certaine limite, il devient peu logique des organisations s’est élevé à 2,4 % en 2013, et l’on estime de continuer à accorder des augmentations de salaires. qu’il sera de 2,6 % en 2014 (Stewart et Lamontagne, 2013). Le fait que l’on soit loin d’atteindre ce pourcentage Source : Traduit et adapté de Wisper et Abosch (2010, p. 42). depuis des années explique une limite attribuée aux régimes de salaires au mérite et a amené des organisations à modier de diverses façons leur approche traditionnelle. Par exemple, il est possible d’accorder la même augmentation de salaire à tous les employés pour reconnaître leur performance par des primes (nous y reviendrons plus loin), ou d’établir des budgets d’augmentations de salaires plus élevés pour les employés ou les catégories d’employés considérés comme des contributeurs clés et moins élevés pour les autres employés. De même, on peut tenir compte du ratio comparatif de l’employé et évaluer son mérite en adoptant plusieurs facteurs comme le maintien de la performance tout au long de l’année, son potentiel et la rareté ou l’utilité de ses habiletés. Il est également possible de laisser aux cadres plus de latitude ou d’options pour reconnaître les employés performants, comme des journées de vacances additionnelles, un horaire plus exible ou l’accès à un programme de formation. En somme, d’autres modes de reconnaissance peuvent fournir un meilleur rendement des investissements tout en diminuant la pression sur les budgets de rémunération.

La prise en compte de l’augmentation de la structure salariale et de l’augmentation au mérite Comme nous l’avons vu dans le chapitre 6, les organisations doivent régulièrement (souvent sur une base annuelle) décider des augmentations de la structure salariale, souvent en fonction de l’augmentation du coût de la vie et des prévisions à ce sujet communiquées par divers organismes. Dans ce contexte, certaines organisations proposent des grilles qui tiennent compte des composantes « augmentation de la structure salariale » et « augmentation de salaire au mérite » dans la détermination de l’augmentation de chaque employé. Prenons l’exemple d’une organisation qui décide d’augmenter sa structure salariale de 2 % an de suivre l’augmentation du coût de la vie et de verser en plus à chaque employé une augmentation de salaire au mérite selon sa performance. Suivant la grille présentée dans le tableau 8.2 (voir aux pages 363 et 364), un employé dont le salaire s’élève à 40 000 $ pourrait, en fonction de sa cote de performance, voir son salaire varier de la manière illustrée dans le tableau 8.5 Cet employé dont le ratio comparatif était de 80 % avant son augmentation de salaire (40 000/50 000 × 100 %) verra passer ce ratio à 81,6 % ou à 88 % selon que sa performance sera jugée insusante ou exceptionnelle.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

TABLEAU 8.5

367

Un exemple de grille d’augmentations de salaires tenant compte de l’augmentation de la structure salariale et de l’augmentation au mérite Augmentation de la structure salariale

Augmentation au mérite accordée par le supérieur (écart prescrit dans le tableau 8.3)

Augmentation de salaire totale accordée

Salaire révisé

Nouvelle position dans l’échelle ou la bande salariale

Exceptionnelle

2,0 %

8,0 % (7 %-8 %)

10,0 %

44 000 $

88,0 %

Supérieure

2,0 %

7,0 % (6 %-7 %)

9,0 %

43 600 $

87,2 %

Satisfaisante

2,0 %

5,5 % (5 %-6 %)

7,5 %

43 000 $

86,0 %

Acceptable

2,0 %

4,0 % (3 %-5 %)

6,0 %

42 400 $

84,8 %

Insusante

2,0 %

0,0 %

2,0 %

40 800 $

81,6 %

Cote globale de performance de l’employé

REGARD SUR LA PRATIQUE Jusqu’à quel point diérencie-t-on les augmentations au mérite ? Au Canada, une enquête du Conference Board montre que les organisations accordent en moyenne une augmentation de salaire de 4,1 % aux employés les plus performants, de 2,7 % aux employés ayant une performance satisfaisante et de 0,7 % à ceux qui présentent une faible performance. Des organisations font toutefois un eort pour diérencier davantage les augmentations de salaires selon les niveaux de performance. Près de 84 % des organisations disent récompenser leurs employés les plus performants en leur accordant une augmentation de salaire deux fois plus élevée que celle versée aux employés ayant une

performance satisfaisante. Près de 15 % disent récompenser les performances exceptionnelles avec des augmentations de salaires de deux à trois fois supérieures à celles versées pour récompenser les performances satisfaisantes. Près de 2 % des organisations disent récompenser les performances exceptionnelles avec des augmentations de salaires trois fois supérieures à celles versées en moyenne pour récompenser les performances satisfaisantes. Ces niveaux de diérenciation sont semblables à ceux qui ont été rapportés au cours des années précédentes dans cette enquête annuelle.

Source : Extrait traduit de Stewart et Lamontagne (2013, p. 8).

Le recours aux technologies de l’information pour gérer des salaires au mérite La présentation de matrices comme celles que nous venons de voir peut sembler complexe. Toutefois, il faut préciser que les outils informatiques actuels aident grandement les professionnels des ressources humaines à gérer tout le processus de gestion des salaires au mérite de plusieurs façons (WorldatWork, 2007) : • On peut faciliter la planication des budgets en générant diérentes matrices d’augmentations de salaires, en testant certaines options et en analysant leurs impacts respectifs. On peut projeter dans la structure salariale les coûts de diérents changements, tels que l’ination ou autres facteurs contextuels. • On peut analyser les données compilées sur la performance et sur les augmentations de salaires et les salaires du personnel pour en étudier les impacts, l’équité, l’ecacité, et ce, tant pour l’ensemble de l’organisation que par service, par emploi et par employé. • L’informatisation ou l’automatisation permet aussi de réduire les tâches administratives ainsi que les ressources (temps, ressources humaines, etc.) consacrées à la gestion des salaires au mérite.

368

CHAPITRE 8

Le moment du versement des augmentations de salaires au mérite La plupart des organisations en Amérique du Nord ont l’habitude d’accorder les augmentations de salaires à leurs employés à une date identique pour tous. Ainsi, une étude du Conference Board du Canada indique que 94 % des organisations octroient les augmentations de salaires à leur personnel à une seule date préétablie, selon les trimestres suivants dans l’ordre : l’hiver (43 %), le printemps (36 %), l’été (10 %) et l’automne (6 %). Par contre, une minorité d’organisations (5 %) accordent ces augmentations à la date anniversaire d’entrée dans l’organisation des employés (Stewart et Lamontagne, 2013). Aux États-Unis, il semble que les deux tiers des organisations retiennent un moment annuel commun, alors qu’un tiers le font aux dates anniversaires (WorldatWork, 2007).

Une date commune préétablie pour tous

Plusieurs raisons plaident en faveur d’une révision des salaires au même moment pour tous les employés de l’organisation. D’abord, cela permet une utilisation plus optimale du temps des cadres et des professionnels des ressources humaines tout autant qu’une gestion plus eciente du processus de révision salariale sur le plan administratif. Par ailleurs, lorsque les décisions en matière d’augmentations de salaires sont prises au même moment, cela rend plus aisées les comparaisons entre les situations individuelles et, par conséquent, augmente les chances d’équité du processus aux yeux du personnel. De plus, un contrôle plus ou moins ociel de la distribution des cotes de performance individuelle — que plusieurs organisations exercent — n’est possible et réaliste que dans un contexte où les augmentations de salaires sont accordées à tous les employés à un seul moment de l’année. On recommande toutefois que cette révision des salaires se fasse après la n de l’exercice nancier de l’organisation de façon à permettre une meilleure comparaison entre les évaluations du rendement individuel et les résultats de l’organisation : l’ecacité du contrôle des politiques salariales en serait d’autant facilitée. Si le budget des augmentations de salaires au mérite est fonction de la performance de l’unité, le lien entre la performance et les augmentations devient plus clair lorsqu’elles sont accordées au même moment, s’inscrivant alors dans le processus budgétaire annuel. Verser les augmentations de salaires au mérite à une date commune a le désavantage d’entraîner un lot de travail énorme exigeant beaucoup de temps de la part des cadres et des professionnels des ressources humaines sur une courte période, souvent ponctuée d’autres priorités (par exemple, la fermeture des comptes, le processus budgétaire, le renouvellement des avantages sociaux). En versant à un seul moment les augmentations de salaires de tout le personnel, il faut prévoir d’importantes conséquences sur le ux de trésorerie. Finalement, il est nécessaire de considérer le moment commun de la révision salariale du personnel non syndiqué, comme les cadres, au regard du moment prévu pour les augmentations accordées au personnel syndiqué. À titre d’illustration, si les augmentations de salaires du personnel syndiqué sont accordées au mois de septembre et que les augmentations des cadres aient lieu en mars en tenant compte de ce qui a été accordé au personnel syndiqué, la satisfaction des cadres à l’égard de leurs salaires est à la hausse au printemps. Cependant, une fois le mois de septembre passé et les salaires du personnel syndiqué augmentés, la satisfaction des cadres à l’égard de leurs salaires baisse au cours des mois de novembre et décembre et peut constituer un véritable problème en janvier et février. Une telle insatisfaction peut être évitée si l’on prévoit les augmentations de salaires des cadres quelque temps après celles du personnel syndiqué, de façon à maintenir des écarts jugés équitables.

La date anniversaire d’entrée dans le poste

Certains arguments sont aussi invoqués en faveur du choix de la date anniversaire d’entrée de chaque employé pour accorder les augmentations de salaires. D’abord, cette date rend le processus plus signicatif ou

La rémunération et la gestion des performances individuelles

personnalisé aux yeux des employés. Il faut aussi observer qu’elle permet de masquer les augmentations de salaires en compliquant les comparaisons entre les employés qui ont reçu leurs augmentations plus tôt et ceux qui les recevront plus tard. De plus, sur le plan nancier, cela permet d’étaler le coût des augmentations de salaires tout au long de l’année. Verser les augmentations de salaires au mérite tout au long de l’année permet de répartir le fardeau administratif que cela implique pour les cadres et les professionnels des ressources humaines (par exemple, remplir les formulaires, prendre les décisions d’augmentations de salaires et octroyer celles-ci). En contrepartie, le fait d’accorder les augmentations de salaires au mérite à la date anniversaire d’entrée en fonction rend plus diciles les comparaisons entre les cotes de performance, le contrôle de la distribution des cotes et le coût des augmentations de salaires au mérite ou des primes. En outre, la répartition des évaluations de la performance sur toute l’année complique le suivi de l’exercice pour les professionnels des ressources humaines et risque d’avoir un eet négatif sur la motivation des cadres à eectuer les évaluations de la performance et sur la qualité de leurs évaluations. Aussi, pour les professionnels des ressources humaines comme pour les cadres, il devient presque impossible d’obtenir ou de contrôler la distribution des cotes de performance des employés. Par ailleurs, dans ce contexte, les cadres ont souvent tendance à gérer avec parcimonie leur budget d’augmentations de salaires pour être certains de ne pas l’épuiser avant la n de l’année. Ils risquent alors de verser des augmentations plus restreintes en début d’année qu’à la n de l’année pour des employés ayant présenté une performance similaire, ce qui alimentera des perceptions d’injustice. Des iniquités peuvent également être créées ou maintenues étant donné que les cadres ne voient pas la pertinence d’examiner l’impact de chacune de leurs décisions en matière d’augmentations de salaires dans le contexte de l’ensemble des tendances salariales qui se dégagent dans leur unité administrative.

La détermination des augmentations de salaires au mérite des nouveaux employés Comme un employé acquiert plus rapidement de l’expérience au cours de ses premiers mois ou de ses premières années de travail, les révisions salariales faites en fonction de son rendement peuvent être plus fréquentes au début. Il est possible, par exemple, de réviser le salaire d’un nouvel employé en fonction de son rendement après trois mois, six mois et, par la suite, chaque année. Cette dernière pratique n’est toutefois pas généralisée et elle peut être utilisée davantage pour certaines catégories de personnel. Souvent, surtout dans un contexte où les augmentations de salaires sont accordées au même moment à tous les employés (et non à la date anniversaire de leur entrée en fonction), des employeurs peuvent prescrire aux cadres d’accorder à un nouvel employé un pourcentage équivalent au prorata du nombre de mois qu’il a été en service ou d’exiger un nombre minimal de mois de travail (trois mois ou six mois) pour avoir droit à une augmentation de salaire. Par exemple, lorsque, à la date des augmentations de salaires au mérite, le nouvel employé n’a pas terminé sa première année de service, mais a travaillé seulement six mois, il pourrait recevoir 2 %, au lieu de 4 % s’il avait travaillé toute l’année. Cette augmentation de salaire au prorata dès la première année comporte des atouts et des inconvénients (Giancola, 2005). Parmi les atouts, elle permet de ramener le traitement du nouvel employé à la date cible de tous les employés, cela évitant au nouvel employé de devoir attendre d’avoir accumulé 12 mois de service pour obtenir une augmentation de salaire alors qu’il a besoin de renforcement. Toutefois, orir une telle augmentation au prorata aux nouveaux employés entraîne des inconvénients. D’abord, il peut être dicile de statuer sur la performance d’un employé après quelques mois seulement. Ensuite, le pourcentage octroyé s’avère souvent très restreint et sans signication réelle pour le nouvel

369

370

CHAPITRE 8

employé, ce qui risque d’inciter les cadres à le hausser quelque peu pour le rendre plus acceptable. Aussi, il se peut que des cadres ne comprennent pas bien le principe d’accorder si rapidement une augmentation, surtout à un nouvel employé qui a très bien négocié son salaire d’embauche. Finalement, cette façon de faire lance le message que la gestion des augmentations est bureaucratique et est régie davantage par les professionnels des ressources humaines que par des principes. En réaction à une telle situation, certains employeurs rendent, dès leur entrée en fonction, les employés admissibles à l’obtention de la pleine augmentation de salaire selon leur mérite. D’autres laissent la décision à la discrétion des supérieurs immédiats ou font dépendre l’admissibilité de la catégorie de personnel ou du secteur, ce qui peut alimenter des perceptions d’injustice. Une autre possibilité consiste à accorder une première augmentation à la date anniversaire d’entrée en fonction, suivie par une augmentation au prorata pour la deuxième année, allant de la date anniversaire à la date unique des augmentations de salaires pour tous les employés. Enn, certaines entreprises accordent les augmentations de salaires aux dates anniversaires de façon à éviter ces problèmes de traitement des nouveaux employés. Cependant, verser les augmentations aux dates anniversaires rend le processus de suivi et le contrôle des coûts plus complexes pour les cadres et les professionnels des ressources humaines. En somme, s’il n’existe pas d’approche idéale en ce qui a trait au traitement des augmentations de salaires des nouveaux employés, il importe de retenir celle qui est la plus appropriée selon le contexte et de bien l’expliquer au personnel an qu’elle soit respectée.

Les avantages présumés des augmentations de salaires au mérite Pour en savoir plus sur les atouts et les limites des matrices d’augmentations de salaires basées sur la performance et la position dans l’échelle salariale, consulter le tableau 8.1W.

La formule du salaire au mérite comporte théoriquement des avantages comme des inconvénients tant pour les employés que pour les employeurs.

Pour les employés La formule des augmentations de salaires au mérite est appréciée en raison de l’importance du salaire dans le calcul des avantages sociaux. Ainsi, le montant d’assurance vie auquel un employé a droit est habituellement établi en fonction de son salaire (par exemple, une fois, deux fois, etc., la valeur du salaire). Il en est de même lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur des prestations de retraite. En outre, les augmentations de salaires sont rassurantes : le salaire ne peut que s’accroître et, au pire, rester stable. Les employés sont aussi réticents à compromettre leur niveau de vie ; les agents de crédit approuvent les prêts hypothécaires sur la base des salaires et les sociétés de crédit n’attendent pas l’octroi d’une éventuelle « prime de n d’année » pour être payées (ce qui, de toute façon, occasionnerait des frais importants pour le détenteur de cartes). Les employés ont besoin d’une rétroaction sur leur façon de faire leur travail ; c’est pourquoi la présence d’un régime de salaires au mérite a l’avantage non seulement de permettre cette rétroaction, mais aussi de la concrétiser pécuniairement. Dans de nombreuses organisations, les augmentations de salaires au mérite restent les seules formes de reconnaissance pécuniaire à court terme du rendement qui s’ajoutent à d’autres formes non pécuniaires ou à plus long terme (mandat particulier, promotion, etc.). Même si l’expérience indique que la variance dans les augmentations de salaires annuelles versées à des employés ayant des rendements très diérents est souvent peu élevée, il faut penser qu’après plusieurs années le maintien d’un bon rendement peut valoir le coup (Gerhart et Rynes, 2003). Ajoutons que les employés qui ont de meilleures cotes de performance sont également plus susceptibles d’être promus ou d’avoir accès à d’autres récompenses ou formes de reconnaissance. Ainsi, dans un contexte de salaires au mérite, une évaluation complète du lien existant entre le rendement et les récompenses doit considérer les incidences salariales à long terme dans un même poste, de même que les incidences salariales obtenues et accessibles par des promotions.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

371

Pour les employeurs et les cadres L’attribution des augmentations de salaires en fonction du mérite individuel correspond à une plus-value en comparaison des augmentations de salaires automatiques basées sur l’évolution de l’indice des prix à la consommation ou sur les années de service des employés. Elle signie une gestion plus eciente, ce qui s’avère d’autant plus important en période d’ination où s’exercent des pressions visant à entraîner une hausse des salaires. En eet, cette formule peut encourager les employés à améliorer leurs contributions au travail. Elle communique aussi le message que la performance individuelle est prise en compte, ce qui peut non seulement motiver le personnel, mais aussi faciliter l’attraction de candidats et la rétention d’employés qui valorisent cette forme de reconnaissance pécuniaire de leur performance. Par ailleurs, pour les cadres, la formule consistant à déterminer les augmentations de salaires en fonction du mérite leur donne un levier concret — les augmentations de salaires — pour reconnaître et encourager (ou pénaliser) leurs employés. Même si ces augmentations peuvent être minimes et discutables, elles sont pour les cadres une source de pouvoir et de contrôle qu’ils veulent garder.

REGARD SUR LA PRATIQUE Lorsque l’augmentation de salaire repose sur la performance individuelle : le cas du Centre canadien d’architecture Le Centre canadien d’architecture (CCA), un organisme à but non lucratif, a révisé sa politique de rémunération en 2008 et mis en place une revue de la contribution des employés visant à faire en sorte qu’un employé doive être performant pour pouvoir obtenir une augmentation de salaire. Si ce n’est pas le cas, il n’aura rien ; s’il a été à la hauteur des attentes, son salaire sera bonié ; et s’il s’est surpassé, son augmentation sera plus importante. Les augmentations tiennent aussi compte

de la position dans l’échelle salariale, si bien qu’à rendement égal un employé dont le salaire est au bas de l’échelle pourrait obtenir une augmentation plus élevée que celle versée à un employé dont le salaire est au haut de l’échelle. Selon Julie-Anne Leclerc, directrice associée, administration et nances, au CCA, «cette politique a été instaurée parce que les augmentations de salaires automatiques créaient trop de frustration chez les employés performants».

Source : Extrait adapté de Letarte (2013, p. 9).

Les inconvénients présumés des augmentations de salaires au mérite La formule du salaire au mérite comporte toutefois des inconvénients tant pour les employés que pour les employeurs.

Pour les employés Le caractère permanent et cumulatif des augmentations de salaires empêche de verser des augmentations substantielles aux employés présentant le meilleur rendement, ce qui réduit le lien existant entre le rendement et la récompense et peut démotiver ces employés. Eectivement, il y a un écart d’environ 2 % entre la moyenne des augmentations de salaires qui sont accordées aux employés les plus méritants et celle des augmentations versées aux employés dont la performance est satisfaisante, et d’environ 5 % entre la moyenne des augmentations accordées aux employés les plus méritants et celle des augmentations versées aux employés dont la performance est la plus faible ou inacceptable (Mercer, 2013). La diérence de rendement revêt alors un caractère plus symbolique que réel ; en outre, cet écart ne motive pas les employés à accroître leur rendement, car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Ce problème s’aggrave d’ailleurs avec la valeur des salaires des emplois compte tenu de la structure progressive des impôts. Des revues des études ayant cherché à déterminer le seuil critique pour qu’une augmentation de salaire devienne motivante ou que son eet se fasse vraiment sentir (just noticeable dierence) pour le

372

CHAPITRE 8

personnel indique qu’elle doit se situer autour de 7,5 % (moyenne pondérée) et varier de 6 % à 8 % quel que soit le montant du salaire (Giancola, 2009 ; Werner et Heneman, 2007). De plus, les employés qui ont atteint le maximum de leur échelle salariale risquent d’être démotivés parce qu’ils ne peuvent plus recevoir d’augmentations de salaires liées à leur rendement. Les cadres ont alors la dicile tâche de convaincre ces employés qu’ils sont déjà bien payés et qu’ils n’ont pas à recevoir d’augmentations de salaires substantielles, même si leur rendement est très bon. La faiblesse du lien qui existe entre la performance et l’augmentation de salaire au mérite tient aussi au fait que les cadres tendent à éviter de distinguer les cotes de performance et les augmentations de salaires parmi leurs équipes, et particulièrement à éviter d’octroyer des cotes de performance faibles (Longenecker et al., 1987), par peur de créer des dissensions, de nuire aux relations de travail et de ternir leur image (Heneman et Judge, 2000). Aussi, comme les augmentations de salaires versées aux employés restent généralement secrètes, leur eet sur la motivation des employés est réduit. Il faut toutefois reconnaître que bien des employés ne souhaitent pas nécessairement que leur salaire soit communiqué parce qu’ils appréhendent certaines conséquences négatives (de la jalousie, de la compétition, etc.) qui risquent fort de se produire dans leur milieu. En principe, tout le monde admet l’idée que les augmentations de salaires doivent être fonction du rendement individuel. En pratique, cependant, la plupart des employés estiment que leur rendement est mal évalué et qu’il est, en réalité, supérieur à la moyenne. Les salaires au mérite reposent souvent sur des évaluations du rendement faites d’après des critères inadéquats (non pertinents, subjectifs, etc.) ou par des évaluateurs incompétents (méconnaissance du travail, absence de suivi, etc.). Nombre de régimes de rémunération au mérite s’appuient en partie sur des traits de personnalité ou des compétences diciles à mesurer pour évaluer le rendement. Et même si des mesures du rendement relativement objectives sont déterminées, la dénition d’un bon rendement soulève régulièrement des problèmes. En matière de rendement, les diérences individuelles sont diciles à mesurer et bien des supérieurs hiérarchiques ont du mal à évaluer de manière valide le rendement de leurs subordonnés, surtout dans les milieux où les interrelations et l’entraide s’avèrent importantes. Mais lorsqu’ils peuvent déterminer des diérences sur le plan du rendement de leurs collaborateurs, il leur arrive souvent de ne pas le faire parce qu’ils veulent éviter de devoir justier ces diérences. En somme, on reconnaît généralement dans la rémunération au mérite divers problèmes liés à la mesure du rendement, tels que la présence d’erreurs d’évaluation (l’erreur de la tendance centrale, l’eet de halo, les préjugés, les enjeux politiques, etc.), d’indicateurs ou de critères de rendement inadéquats (subjectifs, manquants, redondants, non pertinents, etc.) et l’absence de prise en considération de l’impact des facteurs contextuels sur le rendement (l’équipement, l’organisation du travail, les collègues, etc.). Par ailleurs, pour établir le montant précis de l’augmentation de salaire à verser à un subordonné, un superviseur peut tenir compte de variables autres que le rendement individuel, notamment le marché de l’emploi, l’évolution de l’indice des prix à la consommation, le budget des augmentations de salaires au mérite, l’ancienneté de l’employé, son niveau hiérarchique, son expérience et sa personnalité (Heneman, 1992). Lorsque d’autres facteurs que le rendement des employés motivent les augmentations de salaires individuelles, le lien entre le rendement et la récompense est susceptible d’être perçu comme plus faible.

Pour les employeurs et les cadres

Si, théoriquement, on présume que les salaires au mérite ont des eets positifs sur la motivation des employés, sur leur rendement

La rémunération et la gestion des performances individuelles

individuel et, au bout du compte, sur la performance organisationnelle, en pratique, de tels eets sont plus diciles à démontrer. En fait, deux objectifs de la formule des salaires au mérite — reconnaître le rendement individuel par des augmentations de salaires importantes et contrôler les salaires en accompagnant le marché — peuvent s’avérer conictuels. Pour les employeurs, le fait de reconnaître le rendement annuel des employés au moyen d’une augmentation de salaire, c’est-à-dire d’une récompense à vie (une annuité) qui a des eets cumulatifs, accroît la masse salariale et les coûts des avantages sociaux à long terme. An de maîtriser l’augmentation des coûts, la plupart des organisations, comme nous l’avons vu, tiennent compte non seulement du rendement, mais aussi de la position dans l’échelle salariale, ce qui réduit le lien entre le rendement et l’augmentation de salaire, car elles attribuent des augmentations de salaires moindres aux employés qui sont plus près du maximum de leur échelle salariale. Certaines entreprises établissent même leur budget annuel d’augmentations de salaires en modiant plus ou moins ociellement la distribution des cotes de performance des employés (souvent celle d’une courbe normale) sans égard au rendement réel des employés. En pratique, disposant de budgets serrés et d’une faible marge de manœuvre, de nombreux cadres se sentent obligés d’accorder une hausse de salaire au moins équivalente à celle du coût de la vie à tous les employés dont la performance est satisfaisante. Ils hésitent aussi à accorder des augmentations de salaires importantes aux employés exceptionnels parce qu’elles amènent trop vite ces derniers au sommet de leur échelle salariale, ce qui ne laissera plus de marge de manœuvre pour les motiver à l’avenir. Par ailleurs, les cadres manquent fréquemment de fonds pour récompenser signicativement les employés exceptionnels, et les augmentations de salaires, si modestes soient-elles, deviennent vite un droit acquis aux yeux des employés. Finalement, le fait que les cadres aient des budgets limités pour reconnaître et diérencier les augmentations de salaires ne les incite pas à considérer cette responsabilité comme importante ou à se préoccuper outre mesure de l’évaluation de la performance des employés, étant donné que ces derniers obtiendront tous, ultimement, un montant assez semblable. Ainsi que le résume le tableau 8.6 à la page suivante, il est nécessaire de se rendre compte qu’une diérenciation légère ou importante entre les employés à haut rendement et ceux dont la performance est faible transmet certains messages au personnel. Enn, les régimes de rémunération au mérite impliquent une gestion coûteuse et exigeante. Les augmentations de salaires accordées par l’entreprise y sont fonction du rendement individuel, mais aussi de la capacité de payer de l’entreprise, de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation et de la position de l’employé dans son échelle salariale (son ratio comparatif ). Pour optimiser la perception de justice à l’égard de la gestion des augmentations de salaires au mérite, les cadres doivent être formés adéquatement et des professionnels des ressources humaines compétents en la matière doivent les appuyer en leur orant des outils de gestion du rendement appropriés (par exemple, un formulaire d’évaluation du rendement ou une grille d’augmentations de salaires).

Les études sur la rémunération au mérite Dans le secteur privé de nombreux pays, le salaire au mérite est quasi universellement adopté depuis longtemps à l’égard des cadres et des professionnels. Malgré tout, les résultats des recherches eectuées sur l’ecacité de la rémunération du rendement individuel dans le secteur privé et le secteur public sont à la fois peu nombreux, peu encourageants et assujettis à un grand nombre de conditions de succès (voir les revues de Eskew et Heneman, 2002 ; Heneman et Werner, 2005 ; Risher, 2008 ; St-Onge et Buisson, 2012 ; St-Onge et al., 2007 ; Werner et Heneman, 2007). En eet, il est surprenant de constater que peu de chercheurs se sont penchés sur les incidences des régimes des salaires et des

373

374

CHAPITRE 8

TABLEAU 8.6

Quel message transmettez-vous à vos employés ? Diérenciation des augmentations de salaires selon les cotes de performance Élevée Faible

Employés dont la performance est… Très élevée

Satisfaisante

• Nous reconnaissons le fait que vous présentez • Nous ne reconnaissons pas le fait que vous une excellente performance. • Vous êtes très apprécié. • Nous investissons dans votre avenir au sein de l’entreprise.

présentez une haute performance. • Nous ne vous apprécions pas plus que les employés dont la performance est faible. • Les contributions au travail qui dépassent les attentes ne comptent pas pour nous.

• Vous faites un bon travail. • Votre augmentation de salaire correspond au

• Pourquoi vouloir améliorer votre performance

si vous êtes déjà payé autant que les employés les plus performants ? budget dont nous disposons. • Si vous voulez obtenir des augmentations plus • Vous obtenez la même augmentation de élevées, vous devrez faire comme les employés salaire que celle accordée aux employés à faible rendement, et donc vous n’êtes pas ayant les plus hauts rendements. plus valorisés qu’eux. Faible

• Votre performance ne répond pas à nos

• Votre performance ne doit pas être si mauattentes. vaise, puisque vous obtenez à peu près la • Une partie (ou la totalité) de votre augmenta- même augmentation salariale que les autres employés. tion salariale sert à récompenser les employés les plus performants. • Si vous maintenez votre performance actuelle, vous obtiendrez un salaire équivalent en • Votre performance doit s’améliorer. faisant moins d’eorts.

Source : Traduit de Chou (2006, p. 38).

primes au mérite dans le secteur privé nord-américain, alors que leur adoption y est presque généralisée à l’ensemble des professionnels et des cadres depuis assez longtemps. En plus d’être peu nombreuses, les études sur les salaires et les primes au mérite dans les secteurs privé et public comptent plusieurs limites sur le plan méthodologique qui réduisent la validité et la abilité de leurs résultats. D’abord, la quasi-totalité de ces études ont surtout analysé les incidences « perçues » de la rémunération au mérite sur divers comportements et attitudes du personnel (comme la loyauté, l’engagement, la satisfaction, la motivation, les eorts, l’intérêt pour le travail, la performance individuelle, l’absentéisme, la rotation, l’intention de quitter l’entreprise, le nombre de griefs, les communications, la coopération, le climat de travail). Très souvent, de telles perceptions sur les incidences de la rémunération au mérite ont été colligées en interrogeant les dirigeants (souvent, les premiers responsables des ressources humaines qui sont plus susceptibles d’être positifs lorsqu’il s’agit de rationaliser leur décision d’adopter un régime de rémunération au mérite), les cadres et, moins fréquemment, le personnel. En eet, dans bien des cas, ce sont des cadres qui transmettent le jugement de leurs employés sur le régime de rémunération au mérite. Dans la grande majorité des cas, les perceptions de ces personnes étaient recueillies au moyen de questionnaires remplis sur une base volontaire (sachant que les personnes qui acceptent de répondre tendent à se montrer plus favorables) ou encore, quoique beaucoup plus rarement, dans le contexte d’entrevues. De fait, peu d’études ont examiné les eets des salaires au mérite sur des indicateurs de performance individuels ou organisationnels objectifs.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

Ensuite, dans presque tous les cas, les eets (perçus ou objectifs) à long terme des participants (avant et après l’adoption d’un régime de rémunération au mérite) ne sont pas comparés et, dans certains cas, les résultats s’appuient sur des analyses comparant la distribution des réponses sans qu’un test statistique soit eectué. De plus, en analysant les incidences de la rémunération au mérite, bon nombre de chercheurs ne contrôlent pas les eets d’autres caractéristiques contextuelles, comme la taille et l’âge de l’organisation, le secteur d’activité, le style de gestion, la culture de gestion, la forme de récompense versée (augmentation de salaire, prime) ou encore le caractère sélectif ou non sélectif des régimes (c’est-à-dire s’ils sont oerts aux dirigeants, aux cadres ou à l’ensemble du personnel). Par ailleurs, une corrélation positive entre la présence de la rémunération au mérite et diverses mesures de performance ou diverses attitudes n’explique en rien le sens de la causalité. Comme la quasi-totalité des chercheurs n’ont pas adopté une approche comparative ou longitudinale, ils ne peuvent comparer les incidences des régimes de rémunération au mérite en présence et en l’absence d’un régime de rémunération au mérite2 ou encore avant et après l’implantation de ce mode de rémunération. Notons aussi que les chercheurs sont habituellement des universitaires ou des consultants participant à l’implantation des régimes de rémunération au mérite, ou des personnes travaillant pour un organisme dont la mission est de promouvoir leur adoption. Ils croient donc aux vertus de ces régimes et, dans plusieurs cas, ont intérêt à ce que leur étude conrme leurs croyances. Il est alors dicile d’évaluer l’objectivité de leurs résultats. En outre, les chercheurs sont surtout des psychologues ou des spécialistes du comportement organisationnel qui, bien qu’ils possèdent les compétences pour évaluer l’eet des régimes sur les comportements et les attitudes, ont probablement moins de compétences pour mesurer leurs eets sur la performance des organisations des secteurs privé et public. Il faut également admettre que les critères des revues scientiques sont tels que les études dont les résultats conrment la présence d’une relation théorique attendue (ici, très souvent les prémisses des théories de la motivation) ont plus de chances d’être publiées que les autres.

La rémunération au mérite en pratique Globalement, la rémunération au mérite — tant dans le secteur privé que dans le secteur public — se heurte aux mêmes problèmes dans la pratique : le peu de variance dans les récompenses versées, le faible lien avec les cotes de performance, le caractère peu signicatif des sommes versées, les perceptions d’injustice à l’égard du processus d’évaluation et des évaluateurs, etc. En principe, toutes les parties prenantes acceptent l’idée que les augmentations de salaires doivent être fonction du rendement individuel. Par ailleurs, en matière de rendement, les diérences individuelles sont diciles à mesurer et la plupart des supérieurs hiérarchiques sont réticents à faire des évaluations plus négatives. Quel que soit le nombre de critères, il reste très dicile de diérencier les performances moyennes de la majorité des employés qui réalisent un travail satisfaisant. Ainsi, force est de constater que les régimes de salaires au mérite continuent d’être populaires pour les cadres et les professionnels — tant dans le secteur privé que dans le secteur public — malgré les nombreuses critiques émises depuis des années à leur égard et malgré la faible quantité d’études sur le sujet et leur qualité douteuse. Devant ce paradoxe persistant, des auteurs (Kellough et Haoron, 1993 ; Kellough et Selden, 1997) avancent plusieurs explications. En dépit des limites inhérentes à la formule du salaire au mérite, les dirigeants veulent continuer de dire qu’ils tiennent compte du rendement dans la gestion de certaines catégories de personnel pour diverses raisons associées probablement aux 2. Les résultats des organisations qui ont adopté ce régime ne sont pas comparés avec les résultats de celles qui n’ont pas de régime (groupe de contrôle), ou, s’il y a comparaison, la diérence n’est pas testée statistiquement.

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CHAPITRE 8

avantages qu’elle comporte aux yeux des employeurs, des cadres, des employés ou des personnes de l’externe (par exemple, les clients, les citoyens). On peut aussi penser que les dirigeants ont consacré tant d’eorts, de temps et d’argent à la gestion de leur régime de salaires au mérite qu’il leur est dicile d’admettre l’échec et d’abandonner ce régime. Ce phénomène relève de la théorie de l’escalade de l’engagement.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie de l’escalade de l’engagement La théorie de l’escalade de l’engagement correspond au biais d’une personne (ou d’un groupe de personnes, d’une équipe de direction) qui décide d’allouer des ressources (temps, experts, argent, informations, réexions, émotions, etc.) à une activité, à une action ou à un programme dans l’espoir d’obtenir des retombées positives, et qui n’obtient pas les résultats attendus, mais qui persiste à y investir d’autres ressources malgré que des faits objectifs démontrent que ce choix n’est pas raisonnable ou logique. Les nombreux investissements consacrés au Stade olympique de Montréal (surtout pour son fameux toit) pour la tenue des Jeux olympiques de 1976 et pendant les années subséquentes constituent une bonne illustration de cette théorie. Source : Extrait traduit de Bazerman et Moore (2009, p. 101-112).

Compte tenu de la grande variété des incidences étudiées, il reste dicile de tirer des conclusions « dans l’absolu » au sujet de l’ecacité d’un régime de rémunération au mérite dans les secteurs privé et public. Par contre, comme pour tout autre programme de rémunération variable, il n’est peut-être pas important de se demander si la rémunération au mérite est ecace, puisque la réponse est : cela dépend des situations… Il faut plutôt se poser les questions suivantes : quels facteurs inuent sur le succès à long terme de la rémunération au mérite ? Qu’est-ce qui rend ces régimes plus ou moins ecaces ou amène les gens à les percevoir comme plus ou moins ecaces ? Le tableau 8.7 énumère certains facteurs favorables et défavorables aux régimes de rémunération au mérite. TABLEAU 8.7

Les facteurs inuençant l’ecacité des régimes de rémunération au mérite Facteurs favorables

Facteurs nuisibles

• Des augmentations de salaires qui, par le passé,

• Des activités de l’organisation qui

n’étaient pas basées seulement sur l’ancienneté • Une culture valorisant l’accomplissement personnel et la diérenciation des récompenses fondées sur la performance individuelle • Une performance individuelle au travail bien dénie et mesurable • L’appui de la direction • Un système de gestion de la performance ecace • Un climat ouvert, propice aux communications et à la transparence • Des liens de conance avec les cadres, la direction et les professionnels des ressources humaines

déclinent ou qui sont nouvelles • Un personnel syndiqué • Des employés qui doivent travailler en collaboration, leurs performances individuelles étant interreliées • Une culture égalitaire • Un contexte économique inationniste • Une performance au travail dicile à dénir et à mesurer • Une faible conance dans le personnel cadre, la direction et les professionnels des ressources humaines

Source : Traduit de Worldat Work (2007, p. 314).

La rémunération et la gestion des performances individuelles

LE COIN DE LA LOI

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La rémunération variable et l’équité salariale

Lors d’un exercice d’équité salariale, les résultats obtenus lors de l’évaluation des catégories d’emplois permettent de comparer la rémunération des catégories d’emplois à prédominance féminine avec la rémunération des catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente ou comparable au sein de l’entreprise. Au sens de la Loi sur l’équité salariale, la rémunération comprend : • le salaire (taux maximum de salaire ou maximum de l’échelle de salaire de la catégorie d’emplois) ; • la rémunération exible lorsqu’elle n’est pas également accessible aux catégories d’emplois comparées, notamment la rémunération liée aux compétences, au rendement ou à la performance de l’entreprise (bonis, pourboires, commissions, rémunération à la pièce, etc.) (art. 65) ; • les avantages à valeur pécuniaire qui ne sont pas également accessibles aux catégories d’emplois comparées, notamment les indemnités et les primes, les éléments

de temps chômé et payé (vacances, jours fériés, etc.), les régimes de retraite et d’avantages sociaux (assurance vie, REER collectif, etc.) et les avantages hors salaire (véhicule, allocation pour repas, stationnement, etc.) (art. 66). Si les conditions d’admissibilité et les caractéristiques d’un régime de rémunération exible ou d’avantages à valeur pécuniaire sont les mêmes pour les catégories d’emplois comparées, ce régime peut être considéré comme également accessible et n’a pas besoin d’être inclus dans la rémunération pour les ns de comparaison. Par contre, si les conditions d’admissibilité et les caractéristiques d’un régime de rémunération exible ou d’avantages à valeur pécuniaire ne sont pas les mêmes pour toutes les catégories d’emplois comparées, ce régime ne peut être considéré comme également accessible à toutes les catégories d’emplois. La valeur des éléments de rémunération doit donc être déterminée et incluse dans la rémunération pour les ns de comparaison.

Sources : Extraits de Commission de l’équité salariale du Québec (2011, p. 74, 81-82) ; Commission de l’équité salariale du Québec (2012).

8.2.2 Le régime de primes basées sur la performance individuelle Un certain nombre d’organisations reconnaissent le mérite en accordant des primes, soit un montant forfaitaire versé en plus du salaire ; ce mode de rémunération est cependant moins fréquent que les augmentations de salaires. Cette sous-section porte sur les régimes de primes versées en fonction du rendement individuel évalué de façon ocielle ou non, dont le montant est généralement établi selon un pourcentage du salaire de l’employé. Par conséquent, nous ne traitons pas ici des nombreux régimes collectifs de rémunération variable (la participation aux bénéces, le partage des gains de productivité, etc.) qui versent des primes en fonction du rendement de l’organisation, de l’unité d’aaires ou de l’employé.

Les avantages présumés des primes éoriquement, un régime de primes comporte des atouts. Pour les employés, il peut mener à l’octroi de montants appréciables parce que ceux-ci ne sont pas intégrés aux salaires et n’ont pour cette raison aucune incidence sur le coût des avantages sociaux. Les budgets de primes peuvent être importants et orir aux cadres une marge de manœuvre accrue pour qu’ils soient en mesure d’accorder aux employés exceptionnels des primes d’une valeur signicative. Même dans un contexte où les budgets de rémunération variable sont faibles, un montant d’argent (par exemple, 1 000 $) est susceptible d’apparaître plus attrayant pour les employés qu’une très petite augmentation de salaire (par exemple, 1 %). Aussi, dans un contexte de crise, cette approche peut être adoptée ponctuellement tout comme elle peut être adoptée à long terme. Pour les employeurs, comparativement à la formule du salaire au mérite, la formule des primes basées sur le rendement s’avère également moins coûteuse pour les organisations. Prenons l’exemple de deux employés gagnant un salaire de 50 000 $ (Milkovich et al., 2011). Si, pour chacune des 5 prochaines années, l’un des employés se voit accorder

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CHAPITRE 8

une augmentation de salaire de 5 % et l’autre un montant forfaitaire de 5 %, le premier gagnera près de 14 000 $ de plus que le second après seulement 5 ans (63 814 $ comparé à 50 000 $). L’écart est important, et ce, sans compter les coûts des avantages sociaux et du régime de retraite. Si on les compare avec les augmentations de salaires au mérite, les primes de rendement ont aussi pour eet de faciliter la gestion et le contrôle des coûts de la main-d’œuvre. Selon cette approche, les échelles salariales (ou le salaire, s’il y a un taux xe) des employés occupant un même emploi sont les mêmes ; seule leur prime respective varie selon leur rendement respectif. De plus, comme les employés doivent mériter chaque année leur prime, cette approche est moins susceptible d’alimenter une mentalité de « droits acquis » parmi le personnel que la formule du salaire au mérite. L’octroi de primes devrait également permettre d’établir un lien plus étroit entre la performance et la récompense que la formule du salaire au mérite, car leur montant n’est lié, du moins ociellement, qu’à la performance des employés. Les primes peuvent donc varier davantage d’une année à l’autre selon la performance des employés et la situation nancière de l’entreprise de manière à respecter les inévitables contraintes budgétaires balisant l’octroi des primes. De plus, étant donné que les montants des primes accordées aux subordonnés peuvent être élevés et diérenciés, les superviseurs subiront une plus forte pression pour mieux gérer et mieux évaluer la performance de leurs employés. En eet, si un cadre accorde à un employé une prime de 5 000 $ et à un autre une prime de 2 000 $, il doit être capable de justier cette diérence. Une étude montre que l’eet positif sur la performance subséquente des employés d’un montant équivalent à une augmentation au mérite de 1 % est comparable au montant d’une prime équivalent à 3 % du salaire et qu’avec une enveloppe budgétaire identique la formule des primes a plus de répercussions sur la performance que celle des augmentations de salaires au mérite (Park et Sturman, 2012).

Les inconvénients présumés des primes Du point de vue des subordonnés, la formule des primes est plus risquée étant donné que l’obtention de primes n’est pas garantie d’une année à l’autre, qu’elle n’améliore pas leurs avantages sociaux et qu’ils ne désirent pas forcément qu’on récompense leur performance en diérenciant beaucoup les montants accordés aux uns et aux autres. Certains peuvent préférer voir leur salaire augmenter, et s’ils n’obtiennent pas satisfaction, cela risque de les inciter à quitter l’entreprise, cet important coût indirect ne devant pas être oublié. Selon la théorie des attentes (voir la rubrique « Une théorie d’intérêt »), la motivation est fonction non seulement de la perception d’un lien étroit entre la performance et une récompense, mais aussi de la valeur accordée à la récompense. Aussi, il est nécessaire de considérer les eets d’une récompense (prime ou augmentation) sur la performance subséquente de même que sur la délisation du personnel, ce que les études ont négligé de faire à ce jour.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie des attentes de Vroom Bien qu’il existe des dizaines de théories de la motivation, celle des attentes (Vroom, 1964) est la plus pertinente pour comprendre l’importance de la rémunération variable et ses conditions de succès. Selon cette théorie, les employés sont motivés à améliorer leur performance dans la mesure où ils ont l’impression que leurs eorts ont un eet sur celle-ci, qu’il existe un lien entre leur performance et les récompenses (entre autres, la rémunération) et que les récompenses (la rémunération) qu’ils obtiennent ont une valeur à leurs yeux.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

Du point de vue des employeurs, la formule des primes n’apporte pas de solution aux problèmes ni aux dés relatifs à la gestion et à l’évaluation du rendement individuel. Le recours au rendement comme critère d’attribution des primes nécessite la mise en place d’un système d’évaluation du rendement individuel. Quelles que soient les caractéristiques du système d’évaluation, il reste que toute évaluation du rendement est rattachée au jugement des supérieurs immédiats. Ceux-ci peuvent être plus ou moins sévères, ce qui est susceptible de modier le classement d’un pourcentage plus ou moins élevé d’employés aux diérents niveaux de rendement. Comme dans le cas des salaires au mérite, les primes de rendement peuvent reposer sur une évaluation du rendement faite par les cadres à partir de critères inadéquats ou perçus comme tels (des critères inappropriés, subjectifs, inconnus, etc.) ou par des évaluateurs incompétents ou perçus comme tels (une méconnaissance du travail, une absence de suivi, etc.). En principe, les diérentes parties (sauf les syndicats) prônent l’idée que les récompenses doivent être liées au rendement individuel ; en pratique, cependant, à peu près tous les employés estiment que leur rendement est mal évalué pour une raison ou pour une autre. En somme, l’ecacité de la formule des primes de rendement est tributaire de la qualité du système d’évaluation du rendement. Si la performance est reconnue par des primes, les salaires ou la structure salariale, eux, gagnent à être révisés annuellement selon l’augmentation du coût de la vie. Pendant les périodes diciles sur le plan nancier, certaines organisations peuvent être tentées de se limiter à octroyer des primes sans toucher aux salaires, mais cela risque d’entraîner des départs. Du point de vue des cadres, la formule des augmentations de salaires au mérite peut aussi être préférée parce qu’elle leur permet de manifester leur reconnaissance de la performance sans établir de diérences notables entre les montants des récompenses octroyées au sein de leur équipe. En eet, si les montants des primes en jeu sont susceptibles de leur paraître trop élevés, les cadres peuvent craindre que leurs subordonnés exercent une trop forte pression à l’égard de leur manière de gérer et d’évaluer la performance. Aussi, il ne faut pas se leurrer : les cadres qui ne veulent pas exercer de discrimination à l’égard de leurs employés (peu importe pour quelle raison, justiée ou non) ne le feront pas davantage en vertu d’un régime de primes qu’en vertu d’un régime de salaires au mérite. Si un cadre a 20 000 $ à partager entre cinq subordonnés et qu’il ne veuille pas faire de vagues, il justiera un octroi permettant à chacun d’eux de recevoir une prime variant de 3 500 $ à 4 500 $. Rappelons aussi qu’une variance « réelle » et importante dans la performance des membres d’une équipe n’est pas fréquente et qu’il n’est pas forcément bénéque de la créer. Bien que la reconnaissance du rendement individuel au moyen d’augmentations de salaires soit critiquée depuis longtemps, son usage demeure très répandu, et les entreprises optent en moins grand nombre pour le recours aux primes. Même s’il semble préférable pour les dirigeants d’une organisation de reconnaître le rendement individuel à l’aide de primes plutôt qu’à l’aide d’augmentations de salaires, cette façon de faire peut être jugée irréaliste ou inacceptable par les employés et leurs superviseurs.

8.2.3 Les régimes mixtes de primes et d’augmentations de salaires Compte tenu des pressions qu’exercent les augmentations de salaires sur les coûts de la main-d’œuvre et de l’eet incitatif des primes, de nombreuses organisations adoptent une combinaison d’approches dites « doubles » qui permettent de verser des augmentations de salaires ou des primes en fonction du rendement individuel.

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CHAPITRE 8

Par exemple, certaines organisations font en sorte que le rendement des employés soit reconnu par une augmentation de salaire tant qu’ils n’ont pas atteint le point milieu ou le sommet de leur échelle salariale ; après, il est reconnu par une prime. Ainsi, le salaire des employés progresse selon leur rendement jusqu’à ce que le taux de salaire atteigne celui que l’entreprise désire payer par rapport au marché ou le taux de salaire maximal. Par la suite, les personnes dont le rendement est au moins satisfaisant bénécient des ajustements annuels de la structure salariale, alors que celles dont le rendement se situe au-delà de la cote de performance « satisfaisante » reçoivent aussi des primes en reconnaissance de leur performance plus que satisfaisante. Pour obtenir une prime, il faut qu’un employé maintienne une performance supérieure au niveau « satisfaisant ». Une autre approche adoptée par un nombre croissant d’organisations consiste à utiliser des grilles ou des matrices combinant les augmentations de salaires avec les primes au mérite en fonction de la position de l’employé dans son échelle salariale. De telles grilles présentent des avantages (Greene, 2011a, 2011b). D’abord, elles permettent de contrôler le taux de progression du salaire des employés qui sont déjà payés adéquatement, considérant leur rendement et leur position dans l’échelle salariale. Ensuite, elles permettent d’accorder des primes plus importantes aux employés qui montrent un rendement supérieur à celui des autres, ce qui améliore du coup le lien entre le rendement et la récompense. Le tableau 8.8 illustre cette approche. En limitant l’octroi des primes aux employés dont la performance dépasse les attentes ou est remarquable, la reconnaissance est plus visible et a plus d’eets sur la motivation. Si les salaires sont déjà équivalents à la valeur du marché, l’organisation peut aussi faire en sorte que tout le budget (ou presque) soit versé en primes en n’accordant des augmentations de salaires qu’aux employés dont le salaire est inférieur à celui du marché ou encore aux employés ayant une performance remarquable. Comme tous les autres types de grilles salariales, cette approche incite également les cadres à manipuler les cotes de performance en fonction du montant des récompenses qu’ils veulent verser. Finalement, et nous y reviendrons dans le chapitre 9, de nombreuses organisations adoptent des régimes mixtes d’augmentations de salaires et de primes, de sorte que ces dernières sont fonction de la performance organisationnelle et de la performance individuelle. TABLEAU 8.8

Un exemple de matrice combinant les augmentations de salaires au mérite et les primes

Cote de performance globale Remarquable

Supérieure aux attentes Pleinement satisfaisante Inférieure aux attentes

Position de l’employé dans l’échelle salariale Tiers inférieur Tiers du milieu Tiers supérieur

• Augmentation

• Augmentation

de 5 % • Prime de 5 %

de 3,5 % • Prime de 5 %

• Augmentation

• Augmentation

de 4 % • Prime de 2,5 %

• Augmentation de 2 %

de 2,5 %

• Prime de 2,5 % • Augmentation

• Augmentation de 2 %

• Prime de 5 % • Augmentation de 1 %

• Prime de 2,5 % –

de 1 % –

Source : Traduit et adapté de Greene (2011a, p. 311).





La rémunération et la gestion des performances individuelles

8.2.4 Les régimes de rémunération à la pièce Les régimes de rémunération à la pièce regroupent les régimes de rémunération qui paient les employés selon le nombre d’unités produites. Ce mode de rémunération, probablement le plus ancien, vise à accroître le rendement individuel en le liant étroitement à une récompense. Les régimes de rémunération à la pièce reposent sur un rendement individuel qu’il est possible de standardiser, c’est-à-dire sur des évaluations observables, concrètes et objectives du rendement. Cette sous-section traite des secteurs où ce mode de rémunération est utilisé, de la détermination du rendement dit « standard », des avantages, des inconvénients et des conditions de succès des régimes de rémunération à la pièce.

La fréquence d’adoption de la rémunération à la pièce Aujourd’hui, la rémunération à la pièce n’est plus courante, puisqu’elle exige que les employés aient une bonne maîtrise de la cadence et de la qualité du travail, ce qui s’avère de plus en plus rare. Ce type de rémunération est encore associé à l’industrie manufacturière, où il a été instauré et popularisé par Frederick W. Taylor, au début du e siècle. Quoiqu’ils soient de moins en moins courants, ces régimes sont encore présents dans certains secteurs industriels, notamment dans ceux du vêtement, du textile, du meuble et du caoutchouc. On les trouve aussi à l’occasion dans le secteur des services, comme chez les coieurs, les planteurs d’arbres, les journalistes à la pige, les traducteurs et les médecins. Traditionnellement, les syndicats se sont opposés à ce mode de rémunération en raison de la diculté à établir et à maintenir une norme de production équitable, c’est-à-dire le montant oert par pièce produite. Ils craignent que les employeurs n’utilisent ce mode de rémunération dans le seul but d’exploiter les employés. Ils craignent également que la rémunération à la pièce ne nuise à la santé et à la sécurité du travail, et que les salariés ne perdent leur emploi lorsque la productivité augmente.

La détermination du rendement standard Dans le secteur manufacturier, les procédés de détermination d’un rendement standard s’appuient sur une mesure du temps requis, eectuée au moyen d’un chronomètre, ou sur un échantillon de travail. Ces procédés sont généralement établis et appliqués par des ingénieurs industriels. La détermination d’un rendement standard fait appel au concept d’« allure normale d’un travailleur » pouvant être soutenue aisément jour après jour, sans une fatigue physique ou mentale exagérée, et se caractérise par l’accomplissement d’un eort raisonnable et régulier. L’allure normale constitue une base de comparaison qui permet à l’employé type, disposé à fournir un eort supplémentaire raisonnable, de gagner une prime équitable sans avoir à supporter une tension excessive. La détermination d’un rendement standard nécessite la présence de certains facteurs, dont la standardisation du travail en matière de méthodes de travail, de procédés d’approvisionnement en matériel, de qualité du matériel utilisé, de type d’équipement utilisé et de son entretien, ainsi que l’élaboration de normes de qualité des résultats. En outre, il faut tenir compte des besoins personnels, des pauses, des délais de production imprévisibles et inévitables de même que de la compétence de l’employé type, de manière à assurer la pertinence des standards établis. Diverses méthodes permettent de mesurer et de déterminer un rendement standard. Toutefois, aucune approche n’est sans faille, et même les approches les plus « scientiques » comportent une part de subjectivité. Comme le mentionne l’encadré 8.1 à la page suivante, on peut classer les diérents régimes individuels de rémunération à la pièce selon qu’ils sont à bénéces non partagés ou à bénéces partagés.

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382

CHAPITRE 8

ENCADRÉ 8.1

Les deux types de régimes de rémunération à la pièce

Les régimes à bénéces non partagés Ces régimes sont conçus de manière que l’amélioration de la performance de l’employé ne prote qu’à ce dernier. Ils se divisent en deux catégories : 1. Les régimes de salaires proportionnels au rendement individuel. Ils garantissent un salaire de base jusqu’à une norme de rendement préétablie ; tout pourcentage d’amélioration du rendement par rapport à la norme entraîne une augmentation proportionnelle du salaire de l’employé, sans limite établie. 2. Les régimes comportant des primes qui varient selon le rendement individuel se décomposent comme suit : ■ Le régime de Taylor (1895) propose deux taux de salaires selon que le rendement est inférieur ou supérieur à une norme de rendement préétablie : un salaire est garanti jusqu’à la réalisation de cette norme et un taux de salaire supérieur préétabli (par exemple, de 20 %) est versé lorsque cette norme est dépassée. ■ Le régime de Gantt (1902) garantit un salaire de base à l’employé qui n’atteint pas la norme de rendement préétablie et celui qui dépasse cette norme reçoit une prime d’une valeur proportionnellement supérieure à l’amélioration du rendement. ■ Le régime de Merrick (1920) propose trois taux de salaires : si l’employé atteint entre 0 % et 85 % de la norme de rendement, il est rémunéré à un certain taux ; s’il atteint entre 86 % et 100 % de la norme, il est payé à un taux supérieur (généralement de 10 %) ; s’il dépasse la norme de rendement, il est payé à un taux encore plus élevé.

Les régimes à bénéces partagés Ces régimes partagent l’amélioration de la performance de l’employé avec l’employeur. Ils sont appropriés aux situations dans lesquelles le travail est non standardisé ou sujet à des variations dans les matériaux ou les procédés. ■ Les régimes de Halsey (1891) ou de Bedaux (Morrow, 1922) garantissent un taux de salaire horaire standard minimal, et si l’employé prend moins de temps que prévu pour accomplir son travail (gain de temps), une prime est partagée également entre lui et son employeur (régime Halsey), ou encore entre l’employé (75 %) et les personnes directement touchées par son ecacité (25 %), comme les contremaîtres et le personnel d’entretien (régime de Bedaux). ■ Le régime de Rowan (omson, 1919) garantit un taux de salaire horaire de base si l’employé ne réussit pas à eectuer le travail dans le temps prescrit. Le taux de salaire horaire d’un employé augmente avec son rendement, mais à un taux décroissant, et il ne peut être supérieur au double de son taux horaire de base.

Les avantages et les inconvénients de la rémunération à la pièce Un régime de rémunération à la pièce comporte certains avantages présumés. Ainsi, il contribue à accroître la productivité de l’organisation ; il permet de réduire les coûts de production ou d’exploitation ; il permet aux employés d’accroître leur rémunération ; il nécessite moins de supervision pour assurer un certain niveau de rendement ; enn, il facilite l’établissement de budgets, puisqu’il requiert un suivi étroit et une mesure précise des résultats et des coûts de production. Par contre, l’expérience et les études indiquent que la rémunération à la pièce peut entraîner les comportements et les attitudes improductifs suivants parmi le personnel (Wilson, 1992) : • Les employés peuvent limiter volontairement leurs résultats par peur d’une hausse des normes. • Ils peuvent tricher au moment de l’établissement des normes de rendement pour faciliter l’obtention de ces normes. • Ils peuvent refuser d’eectuer les tâches d’entretien (ou toute tâche non standardisée) à moins d’être payés en dehors de la norme au taux de rémunération le plus élevé, an d’accroître leur rémunération. • Ils peuvent être plus réticents devant les changements (les changements technologiques, une nouvelle organisation du travail, etc.) et moins incités à proposer des améliorations

La rémunération et la gestion des performances individuelles

• • • • • • • •

aux modes de production parce que ces modications auraient un eet sur les normes de rendement. Par exemple, si la production double à cause d’un nouvel équipement, le taux par unité sera révisé à la baisse. Ils sont moins susceptibles de se préoccuper de la qualité de leur travail, puisqu’il est dans leur intérêt d’accroître seulement la quantité. Ils risquent d’être peu soucieux de l’entretien des équipements parce que cette tâche les empêche d’améliorer leur rendement. Ils peuvent, par exemple, surcharger une machine si cela leur permet d’accroître le nombre d’unités. Ils risquent de ne pas se soucier de la réduction des coûts de production (faire plus avec moins) si cette réduction nuit au nombre d’unités produites. Ils pourront, par exemple, changer plus souvent d’outils pour produire plus de pièces. Ils sont susceptibles d’être méants envers la direction (et vice versa), ce qui nécessitera l’établissement répété de nouvelles règles de fonctionnement. Ils sont plus exposés aux accidents du travail. Ils sont plus susceptibles d’être en compétition avec leurs collègues, de refuser de les aider et de partager le fruit de leurs expériences. Ils sont en mesure d’imposer leurs propres normes informelles de production et d’exercer des pressions sur les employés qui veulent dépasser des normes. Les nouveaux employés risquent de quitter l’organisation parce qu’ils recevront peu d’aide de la part des employés d’expérience en matière de formation.

Au-delà de leurs nombreuses répercussions négatives sur les employés, les régimes de rémunération à la pièce voient très souvent les coûts de gestion s’élever à mesure que leur complexité s’accroît. En eet, les taux de rémunération se multiplient avec l’introduction de produits diérents, le nombre de règles augmente pour faire face aux nouvelles situations et la comptabilisation des taux associés à toutes ces activités doit constamment être mise à jour. Il n’est donc pas étonnant que ce type de régime soit de moins en moins fréquemment adopté et que la plupart des organisations syndicales aient pris position contre ce type de rémunération. Par ailleurs, les préoccupations accrues des dirigeants au sujet du contrôle de la qualité des produits entrent en conit avec la motivation des employés à accroître leur productivité en vertu de ce mode de rémunération.

Les conditions de succès de la rémunération à la pièce Comme nous l’avons vu précédemment, les régimes de rémunération à la pièce ont des eets positifs sur la productivité. Cependant, les problèmes de mesure et de gestion engendrés par ces régimes entraînent des coûts élevés. L’eet de ces régimes peut alors se révéler nul ou négatif. Les études et les expériences portant sur ce sujet démontrent toutefois que, pour être ecaces, les régimes de rémunération à la pièce doivent être implantés et gérés dans un contexte satisfaisant aux conditions suivantes : • Le travail est simple, répétitif et facile à mesurer. • Les relations entre les employés sont peu fréquentes, voire inexistantes. • L’environnement occasionne peu de problèmes de rupture de production. • Les employés et la direction approuvent ce mode de rémunération. • Les normes de rendement sont soigneusement établies et perçues comme équitables. • Les normes de rendement sont modiées lorsque cela s’avère nécessaire. • Les méthodes de calcul des résultats sont communiquées et expliquées. • Les incidences de ces régimes sur la sécurité physique au travail sont peu élevées. • Les régimes garantissent un salaire minimal si les normes de rendement ne sont pas atteintes. • Ils ne prévoient pas de plafond ou de salaire maximal.

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CHAPITRE 8

• •

Ils s’appliquent à tous les employés. Ils procurent aux employés un revenu relativement stable grâce aux horaires de travail et aux aectations.

Compte tenu du nombre important de conditions requises, on comprend que la rémunération à la pièce ne soit possible que dans peu d’entreprises. En eet, le contexte d’aaires ou de l’organisation du travail présente souvent des exigences auxquelles ne peut répondre un tel mode de rémunération, telles que des changements fréquents dans les technologies ou les méthodes, une priorité accordée à la satisfaction des clients et à la qualité, l’interdépendance des tâches des employés, le travail d’équipe, la polyvalence des employés, l’imprévisibilité des tâches et les changements apportés à celles-ci, l’enrichissement du travail, etc.

8.3

Gestion de la performance (performance management) Ensemble des activités de planication, de direction, de suivi, de contrôle, de développement et de reconnaissance visant à optimiser la contribution des personnes au travail.

La gestion de la performance dans un contexte de rémunération variable

Devant le débat relatif à la rémunération de la performance individuelle, quel que soit le type de régime mis en place, il faut éviter de confondre la question du principe avec celle de l’application. En théorie, du moins en Amérique du Nord, la plupart des personnes se disent en faveur de la rémunération de la performance ; en pratique, toutefois, on se plaint de son application et de ses résultats. Par ailleurs, chaque type de régime de rémunération de la performance individuelle est diérent des autres régimes ; plus encore, un même type de régime produit des eets diérents selon la manière dont il est géré et le contexte de sa gestion. Comme l’ecacité de tous les régimes de rémunération variable basée sur la performance individuelle repose principalement sur le processus de gestion et d’évaluation de cette performance, nous y consacrons cette section. Selon une enquête menée par Towers Perrin (2009), un bon processus de gestion de la performance est important pour gérer : • divers aspects de la rémunération variable, comme la détermination des augmentations de salaires (71 %), le choix de la composante individuelle d’un régime incitatif (44 %), la détermination de l’admissibilité à un régime de rémunération variable (29 %), la xation d’un déclencheur (seuil minimal) pour verser des récompenses (24 %) et la détermination de l’admissibilité à un régime incitatif à long terme (option) (16 %) ; • d’autres activités ou actions clés de GRH, telles qu’appuyer la gestion des carrières (67 %), découvrir les possibilités de développement et de formation (67 %), appuyer la planication de la succession (59 %) et déterminer les promotions (46 %). Dans cette section, nous insisterons sur des éléments clés de la gestion de la performance. Pour en savoir plus sur le sujet, le lecteur est invité à lire des ouvrages qui y sont entièrement consacrés (par exemple, Aguinis, 2009 ; St-Onge, 2011, 2012).

8.3.1 L’importance de diérencier la rémunération selon la performance individuelle Les objectifs en matière de gestion de la performance, qui peuvent être nombreux, sont susceptibles de varier selon les employeurs : • Prendre les décisions en matière de rémunération et les justier. • Inciter le personnel à adopter des attitudes et des comportements contribuant à l’atteinte des objectifs de l’entreprise et à la réalisation de la stratégie d’aaires (par exemple, encourager l’innovation, favoriser l’esprit d’équipe, le développement).

La rémunération et la gestion des performances individuelles

• • • • • • •

Améliorer la performance individuelle mesurée par divers indicateurs (par exemple, la qualité et la quantité des produits ou des services, la satisfaction des clients, les indicateurs nanciers). Mieux reconnaître la performance individuelle et la performance collective. Renforcer le lien entre la performance individuelle et la performance organisationnelle ainsi que la perception que le personnel a de ce lien. Communiquer la mission, la vision, les objectifs et les valeurs de l’organisation. Faciliter le recrutement et déliser les meilleurs employés. Fournir une base pour le développement individuel. Développer une culture de performance.

Inévitablement, l’importance relative des objectifs de performance variera d’une organisation à l’autre, d’une unité d’aaires à l’autre, d’une catégorie de personnel à l’autre et même d’un emploi à l’autre. Selon le contexte et les employés visés, les dirigeants pourront avoir diverses priorités en matière de gestion de la performance. Par exemple, il est crucial de tenir compte des objectifs de recrutement et de rétention des employés lorsqu’on gère la performance du personnel de recherche et développement. Dans ce cas, il faut adopter une gestion orientée vers le développement des employés. Par contre, pour le personnel de vente, il est plus judicieux de mettre au point un système d’évaluation de la performance en étroite relation avec la rémunération variable (salaire, primes, commissions). Les objectifs visés par le programme sont cruciaux parce qu’ils déterminent l’importance relative des principes et la nature des pratiques du système de performance à implanter et à gérer. Il est donc essentiel de bien repérer les deux ou trois objectifs clés, car cela aura une incidence sur le choix des diverses composantes du programme (notamment les méthodes). Une organisation qui veut motiver sa main-d’œuvre à améliorer sa productivité peut, par exemple, utiliser des pratiques de rémunération de la performance. Si elle estime capital d’avoir une main-d’œuvre polyvalente et intéressée à accroître ses connaissances et son savoir-faire, il peut s’avérer pertinent d’évaluer et de développer les compétences. La xation des objectifs du programme de gestion de la performance constitue toujours un compromis évoluant selon le contexte qu’on peut qualier de choix stratégique, puisqu’il oriente le contenu du programme.

8.3.2 L’importance d’aligner la gestion de la performance sur les priorités d’aaires Un régime de rémunération variable basée sur la performance individuelle ne peut être plus ecace que le processus de gestion et d’évaluation de la performance. Il importe que ce dernier propose un alignement étroit entre la vision, les valeurs, la stratégie d’aaires et les objectifs stratégiques des dirigeants, les facteurs clés de succès de l’organisation et les mesures de la performance organisationnelle et individuelle. Il faut aussi que, à l’égard de la conception du programme de gestion de la performance, la direction fasse des choix importants ou stratégiques.

Le principe de l’alignement vertical D’abord et avant tout, un programme de gestion de la performance doit s’appuyer sur une dénition claire de la vision et de la stratégie d’aaires de l’organisation ainsi que sur la communication de celles-ci à l’ensemble des employés. Ce préalable est fondamental puisqu’il permet d’établir des mesures de la performance organisationnelle qui inciteront le personnel à diriger ses eorts vers les priorités d’aaires en adoptant des comportements cohérents avec les valeurs de gestion. Ainsi, pour procurer un avantage concurrentiel à long terme, un programme de gestion de la performance individuelle doit être adapté au contexte d’activité (par exemple,

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CHAPITRE 8

les emplois, le secteur, la taille de l’organisation) et aligné sur le tableau de bord de la performance organisationnelle de même que sur les valeurs de gestion. Il doit également permettre de clarier les liens existant entre les objectifs stratégiques, les facteurs clés de succès et la contribution de chaque employé.

Les choix stratégiques en matière de gestion de la performance Les choix concernant la gestion de la performance auront aussi un impact sur l’importance relative des principes retenus, par exemple celui de la reconnaissance de la performance individuelle ou collective. Cet impact peut se traduire par une politique de gestion de la performance diérenciée ou uniforme, par une prise en compte de diverses sources d’évaluation (par exemple, le supérieur immédiat, les clients, les fournisseurs), par l’importance de la rémunération variable, etc. Ainsi, plus une organisation valorise la rémunération de la performance individuelle comme choix stratégique, plus elle doit ocialiser, c’est-à-dire mettre par écrit, les composantes de son processus de gestion et d’évaluation de la performance (voir l’encadré 8.2) an de mieux guider les cadres et les employés dans la mise en œuvre et la réussite de ce principe de l’équité individuelle. À l’inverse, lorsque le but d’un programme est strictement de développer le personnel sans qu’il y ait d’eet sur sa rémunération, la gestion de la performance peut se faire sur une base continue — et même informelle — sans obligatoirement mener à la détermination d’une cote globale de performance. Dans la mesure où l’organisation veut lier la rémunération de certains employés à leur performance individuelle, les superviseurs doivent octroyer une cote globale de performance à chacun de leurs employés, cote qui résume l’ensemble de leurs contributions au travail tant sur le plan de l’atteinte des objectifs que sur celui du déploiement de certains comportements ou compétences alignés sur les valeurs de gestion. Par ailleurs, le choix stratégique de rémunérer la performance individuelle a une incidence certaine sur les professionnels des ressources humaines, ces derniers devant fournir les outils (formulaires, grille de rémunération au mérite) et donner de la formation

ENCADRÉ 8.2 ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■

Les caractéristiques d’un programme ociel de gestion de la performance individuelle

Objectifs du programme (Pourquoi ?) Description du cycle annuel et des échéances à respecter (Quand ?) Partage des responsabilités (Qui fait quoi ?) Méthodes d’évaluation de la performance (Comment ?) Indicateurs ou critères d’évaluation de la performance (Comment ?) Formulaires (Comment ?) Sources d’évaluation (Qui évalue ?) Informatisation du processus (Comment ?) Disponibilité des ressources sur l’intranet de la société (Où ?) Lien avec les autres activités de GRH : rémunération (salaire, primes), formation, dotation, promotion, etc. (Pourquoi ?) Révision des cotes (par exemple, par le supérieur du supérieur) (Qui vérie ?) Réunion de calibrage an de comparer la distribution des cotes d’un certain nombre de cadres (Comment ?) Communication des cotes aux employés et au service des ressources humaines (Qui informer et quand ?) Processus d’appel (Comment et quand contester ?)

Source : St-Onge (2012, p. 71).

La rémunération et la gestion des performances individuelles

et des conseils au personnel sur le sujet. Au sein d’une grande entreprise, l’adoption d’un régime de rémunération au mérite, avec toutes les activités que cela implique, peut justier l’embauche d’un expert à temps plein. Dans l’optique de la rémunération au mérite, le suivi tout au long de l’année s’avère important, mais l’évaluation annuelle de la performance, associée à une cote globale annuelle de performance, devient essentielle an d’établir et de verser une fois l’an les augmentations de salaires ou les primes au mérite selon des budgets alloués annuellement. Dans le cas, en particulier, où les évaluations de la performance inuencent les décisions d’augmentations de salaires ou de primes annuelles, une pratique courante consiste à faire les évaluations de la performance des employés de manière simultanée et durant une période relativement courte qui s’insère dans le cycle de gestion de l’organisation. Comme le montre l’exemple du déroulement d’un cycle de gestion de la performance dans le tableau 8.9, les évaluations sont très souvent faites sur une base annuelle, base qui sert à l’établissement des états nanciers de l’entreprise (bilan et état des résultats). Une enquête (WorldatWork et Sibson Consulting, 2010) montre que pour près de 70 % des responsables des ressources humaines sondés, la gestion de la performance est liée au processus budgétaire et au processus d’établissement des objectifs annuels. Selon 72 % d’entre eux, elle fait l’objet d’un exercice annuel, s’appuyant sur l’établissement d’objectifs préétablis suivis par une rétroaction et du coaching tout au long de l’année. Le moment le plus fréquent pour faire les évaluations (37 % des répondants) se situe durant les deux ou trois mois précédant la n de l’année nancière de l’organisation.

TABLEAU 8.9

Le processus de gestion de la performance dans un contexte de rémunération au mérite

Étape

Description des tâches

Planication

En octobre ou en novembre, le supérieur immédiat et l’employé : • discutent des responsabilités clés ; • établissent ensemble des objectifs de performance et discutent des actions à prendre pour favoriser leur réalisation au cours de l’année à venir.

Suivi

Au cours de l’année, le supérieur immédiat doit rencontrer l’employé pour exercer un suivi, donner une rétroaction (feedback) et conseiller ce dernier sur l’exercice des responsabilités clés et l’atteinte de ses objectifs de performance. L’employé est en droit de s’attendre à un suivi.

Évaluation et révision En octobre ou en novembre, le supérieur immédiat et l’employé des salaires conviennent d’un entretien : • pour lequel ils se seront préparés en remplissant chacun de leur côté une copie du formulaire d’évaluation ; • au cours duquel ils partageront leurs points de vue et s’entendront sur l’évaluation. La cote de performance globale sur laquelle ils s’entendent, une fois validée par le supérieur du supérieur immédiat, est communiquée au service des ressources humaines. Cette cote globale est prise en compte dans la révision du salaire qui se concrétise au début de l’année suivante. Source : Extrait de StOnge (2012, p. 72).

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CHAPITRE 8

8.3.3 L’importance du maintien des perceptions de justice Pour être plus ecaces, les régimes individuels de rémunération variable doivent être mieux gérés, ce qui implique souvent qu’il faut améliorer la précision du processus d’évaluation du rendement, accorder un budget susant et s’assurer que les montants versés sont liés le plus possible aux cotes de performance (Eisenberg et Ingraham, 1993 ; Eskew et Heneman, 2002). Chose certaine, il importe de se soucier des perceptions de justice du personnel à l’égard des régimes individuels de rémunération variable. Compte tenu de la fréquence élevée des régimes de salaires au mérite, l’encadré 8.3 présente des questions permettant de sonder si le processus de détermination des cotes de performance et des augmentations de salaires est perçu comme juste par les employés. ENCADRÉ 8.3

Comment sonder les perceptions de justice du personnel d’un régime de salaires au mérite

A) Justice du processus de détermination des augmentations de salaires au mérite Dans l’entreprise où vous travaillez, dans quelle mesure pensez-vous : ■ que l’allocation de votre augmentation de salaire repose sur une évaluation adéquate de votre rendement ? ■ que la direction détermine de façon équitable les budgets alloués aux augmentations de salaires au mérite ? ■ que des facteurs autres que votre rendement sont considérés lors de la détermination de votre augmentation de salaire au mérite ? ■ que vous pouvez, par le truchement d’un mécanisme d’appel, exprimer votre désaccord quant au montant d’augmentation de salaire au mérite que vous recevez ? ■ que le programme de salaires au mérite est compris par les employés ? ■ que les augmentations de salaires au mérite que l’on vous verse sont connues des autres employés en général ? En vous référant à la personne qui détermine votre salaire au mérite, dans quelle mesure pensez-vous : ■ qu’elle justie adéquatement le montant d’augmentation de salaire au mérite accordé ? ■ qu’elle clarie adéquatement les objectifs de rendement que vous devez atteindre pour obtenir une augmentation de salaire qui vous satisfasse ? ■ qu’elle détermine des augmentations de salaires au mérite équitables pour tout le monde ? De façon générale, dans quelle mesure pensez-vous : ■ que les procédures administratives et les grilles salariales aident les superviseurs à déterminer que les montants des augmentations de salaires au mérite de leurs subordonnés sont équitables ? ■ que votre superviseur applique de façon équitable les directives administratives et les grilles salariales en déterminant votre augmentation de salaire au mérite ? B) Justice du processus de détermination des cotes de performance Dans l’entreprise où vous travaillez, dans quelle mesure pensez-vous : ■ que les évaluations du rendement sont considérées comme importantes par la plupart des superviseurs ? ■ que le système d’évaluation du rendement est compris par la plupart des superviseurs ? ■ que la plupart des superviseurs sont bien formés pour évaluer le rendement de leurs subordonnés ? ■ que les critères utilisés pour évaluer votre rendement touchent les points qu’il est important de considérer ? ■ que les évaluations de votre rendement reètent votre rendement réel ? ■ que l’évaluation du rendement ne se fait pas sur une base continue, que vous n’en entendez parler qu’une fois l’an ? ■ que l’évaluation du rendement est gérée de façon uniforme dans toutes les unités et dans tous les services ? ■ qu’on tient compte de ce que les employés ont à dire sur la façon dont le système d’évaluation du rendement est conçu ? ■ que les objectifs de rendement que vous devez atteindre sont trop élevés ? ■ qu’il est possible de contester l’évaluation de votre rendement au moyen d’un mécanisme d’appel ? ■ que le système d’évaluation du rendement est compris par les employés ?

La rémunération et la gestion des performances individuelles

ENCADRÉ 8.3

Comment sonder les perceptions de justice du personnel d’un régime de salaires au mérite (suite)

En vous référant à la personne qui évalue votre rendement, dans quelle mesure pensez-vous : ■ qu’elle essaie d’être précise en évaluant votre rendement ? ■ qu’elle accorde susamment de temps aux entrevues d’évaluation du rendement ? ■ qu’elle vous donne susamment de rétroaction sur votre rendement ? ■ qu’elle évalue votre rendement à partir d’informations pertinentes ? ■ qu’elle est susamment au courant des exigences et des responsabilités de votre poste pour évaluer votre rendement ? ■ qu’elle rend clair ce qui est attendu de vous ? ■ qu’elle se préoccupe de votre formation et de votre perfectionnement ? ■ qu’elle remplit consciencieusement les formulaires d’évaluation du rendement ? ■ qu’elle vous explique clairement comment l’évaluation de votre rendement a été faite ? ■ qu’elle vous donne l’occasion d’exprimer vos idées lorsqu’elle vous rencontre pour discuter de votre rendement ? ■ qu’elle évalue votre rendement à partir de critères que vous ne pouvez ni inuencer ni contrôler ? ■ qu’elle discute susamment avec vous de la façon dont vous pouvez améliorer votre rendement ? ■ qu’elle est inuencée par des facteurs qui ne devraient pas entrer en ligne de compte en évaluant votre rendement ? ■ qu’elle tient compte de vos suggestions et opinions dans l’établissement de vos objectifs de rendement ? ■ qu’elle évalue équitablement le rendement de tous et chacun ? De façon générale, dans quelle mesure pensez-vous : ■ qu’en matière d’évaluation du rendement les procédures administratives et les formulaires sont équitables ? ■ que votre superviseur ou la personne qui évalue votre rendement applique de manière équitable les procédures administratives au cours de cette évaluation ? Source : Traduit et adapté de St-Onge (1992, p. 2-3, 6-8).

8.4

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Les conditions de succès d’un programme de gestion de la performance

Pour optimiser le succès d’un programme de rémunération de la performance individuelle, il importe de respecter des conditions de succès tant sur le plan technique que sur le plan des acteurs ou sur celui du contexte (voir le tableau 8.10, à la page suivante). Ces conditions de succès sont reconnues comme importantes par de nombreux auteurs (par exemple, Grith et Orgera, 2002 ; Grote, 2011 ; Lawler et al., 2012 ; Risher, 2008, 2011). Il faut bien sûr disposer d’un formulaire adéquat que les utilisateurs apprécient, mais il faut surtout consacrer des eorts (et donc du temps et de l’argent) en vue de le promouvoir et de l’expliquer aux employés évalués et à leurs supérieurs au moyen d’activités régulières de formation et de communication. Il est nécessaire d’insister ici sur le rôle crucial des acteurs, surtout des évaluateurs, notamment sur leurs habiletés à évaluer la performance et sur leur motivation à le faire. Il est tout aussi important que la direction récompense les cadres qui savent juger de la performance de leurs employés et qu’elle tienne compte de la façon dont ils s’acquittent de leur tâche d’évaluation de la performance lorsque, à leur tour, ils sont évalués par leurs superviseurs immédiats. Finalement, sur le plan contextuel, signalons l’importance d’une culture organisationnelle propice à la performance où les employés qui produisent « de la qualité en bonne quantité » sont respectés et où chacun se sent responsable de sa propre performance autant que de la productivité de l’entreprise.

390

CHAPITRE 8

TABLEAU 8.10 Les conditions de succès d’un programme de gestion de la performance

dans un contexte de rémunération de la performance individuelle Conditions techniques

• Veiller à ce que les critères, les méthodes et les formulaires soient ciblés, pertinents, valides, pratiques

Acteurs

• Appuyer de manière manifeste la direction sur l’importance de la gestion de la performance et s’engager

et appliqués uniformément. • Valoriser, évaluer et récompenser les bonnes choses. • Donner régulièrement une rétroaction constructive. • Évaluer le rendement et non le potentiel. • Évaluer les comportements (compétences observables) et les résultats ou l’atteinte d’objectifs (établis conjointement par le cadre et l’employé , et non la personnalité. • S’assurer que les utilisateurs s’approprient les outils. • Lier les récompenses à la performance et communiquer le plus possible l’existence de ce lien. • Recourir à des rencontres de calibrage, soit des réunions permettant aux cadres de comparer leurs évaluations. • Adopter un programme simple (notamment les formulaires), faciliter sa gestion en optimisant l’usage des technologies. • Dans la mesure du possible, tenir des discussions séparées sur le développement des employés et sur l’évaluation de leur performance. • Évaluer les cadres sur la qualité de la gestion et de l’évaluation de la performance des membres de leurs équipes. • Exercer un suivi sur l’ecacité du programme et apporter des changements incrémentiels. à cet égard.

• Faciliter la perception du programme comme relevant de la direction et des cadres davantage que du service des ressources humaines.

• Faire participer les cadres et les employés à la conception, à l’implantation et à la gestion du programme. • Soutenir les compétences des évaluateurs et leur motivation à bien gérer la performance au quotidien et à minimiser les biais et erreurs.

• Former les employés à assumer leurs rôles, les motiver et faciliter leur engagement, les amener à percevoir la validité, la pertinence et l’équité du programme. Contexte

• Favoriser des interventions ecaces au quotidien auprès des employés présentant une sous-performance (cas problématiques). • Octroyer des salaires de base concurrentiels par rapport au marché (équité externe) et associés à la valeur relative des diérents emplois dans l’organisation (équité interne). • Établir des objectifs annuels de performance alignés sur la stratégie d’aaires qui se répercutent jusqu’au premier niveau de l’entreprise et qui font l’objet d’un suivi régulier. • Synchroniser le cycle de gestion de la performance avec le cycle de gestion des aaires de l’organisation. • Favoriser une culture d’amélioration continue. • Établir un climat de conance. • Faire des communications transparentes au sujet de la gestion. • Respecter les règles d’équité et de justice (mécanisme d’appel). • Établir un lien avec la mission, les valeurs, les facteurs de succès et la stratégie d’aaires. • Assurer un lien ou une cohérence avec les autres activités de GRH. • Assurer l’ecacité des autres systèmes et des fonctions de gestion. • Soutenir les professionnels des ressources humaines. • Éliminer ou réduire les freins à la performance qui ne relèvent pas de la responsabilité des employés. • Prévoir une ampleur susante des budgets de récompenses.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

391

8.4.1 Le suivi de l’ecacité d’un programme de gestion de la performance Nous avons vu qu’il est important de maintenir les perceptions de justice au regard d’un régime de rémunération Évaluer ce que contrôle l’employé variable basée sur la performance individuelle. Au cœur Selon Robert Greene, un consultant américain en gestion de de ces perceptions de justice se trouve le programme de la performance et de la rémunération, un problème survient gestion et d’évaluation de la performance qu’il faut savoir lorsque l’employé est tenu pour responsable de résultats qu’il élaborer et implanter avec succès (voir l’encadré 8.3, à la ne contrôle pas. Par exemple, si l’évaluation de la performance page 388). d’un représentant du service à la clientèle s’appuie sur un Par ailleurs, même si un programme de gestion et d’évaquestionnaire de satisfaction des clients, l’employé peut être luation de la performance individuelle a été élaboré de évalué de manière injuste. Un représentant ne peut maîtriser manière exemplaire, avec la participation du personnel et que ses propres comportements. Ce dernier peut suivre les en tenant compte du contexte particulier de l’organisation, règles de l’organisation et traiter ses clients respectueusement il est essentiel d’exercer un suivi régulier sur l’ecacité de la en adoptant des comportements appropriés. Si, malgré cela, un client n’est pas satisfait, on ne peut blâmer l’employé. De la gestion et de l’évaluation de la performance. Si le processus même manière, si un employé ne dispose pas du personnel, du ne donne pas les résultats attendus, il faut déterminer le budget, de la formation et du temps nécessaires pour atteindre problème (le business case) en consultant la direction, les ses objectifs, l’évaluateur devra considérer cette situation. professionnels des ressources humaines, les cadres et les employés. Source : Extrait traduit de Greene (2011b, p. 52-53). Généralement, l’organisation décide d’implanter un programme de gestion de la performance quand elle constate que son absence cause du tort ou un malaise qui ne sont plus tolérables (par exemple, une baisse de la performance, des plaintes émanant des clients) ou encore quand elle veut distinguer davantage la rémunération des employés sur la base de leur rendement. Par ailleurs, il est possible que le programme actuel ne nécessite pas de changements majeurs si l’on se rend compte que le problème est surtout attribuable au manque de compétences des cadres pour gérer la performance, problème que peuvent résoudre davantage la communication et la formation. Rappelons qu’un régime de rémunération variable peut s’avérer si ecace que le personnel est incité à agir pour atteindre des objectifs de performance à court terme risquant de nuire au succès à long terme de l’entreprise. Le tableau 8.11 à la page suivante, montre que, selon le problème d’ecacité lié à la gestion de la performance, la solution variera. Par ailleurs, les autres activités de GRH doivent être prises en considération lors de l’élaboration et la révision d’un programme de gestion et d’évaluation de la performance. Ainsi, le succès d’une politique de rémunération visant à reconnaître la performance individuelle des employés exige que l’activité d’évaluation de la performance soit gérée de façon adéquate et qu’elle soit bien comprise par le personnel. Il faut aussi s’assurer de la cohérence entre les critères de gestion de la performance et les critères servant à prendre les décisions touchant la sélection, les promotions et le développement du personnel. Par exemple, les comportements attendus dans la gestion de la performance doivent aussi être pris en compte au moment de la sélection des employés et de leur socialisation. Par ailleurs, les promotions doivent être accordées aux employés qui adoptent des comportements cohérents avec les valeurs de gestion ou mis en avant par le programme de gestion de la performance. À cet égard, on bute souvent sur une gestion des activités de GRH en silo. Ainsi, une enquête menée par la société Mercer révèle que si la gestion de la performance est souvent liée à la gestion de la rémunération (c’est le cas pour 65 % des organisations), elle est beaucoup moins liée à la gestion de la relève et des carrières (seulement 22 % des organisations) (O’Neill et Holsinger, 2003).

392

CHAPITRE 8

TABLEAU 8.11 Un diagnostic des problèmes permettant de déterminer

les changements à apporter dans la gestion de la performance Type de changement

Exemples de problèmes visés par ce changement

Caractéristiques des milieux de travail créant des pressions pour amener ce changement

Implanter ou réviser un programme de gestion de la performance

• L’absence de programme cause du tort ou un

• Organisation du travail et catégories de

malaise qui ne sont plus tolérables. • Le programme actuel : – est appliqué comme une tâche administrative annuelle ; – n’est pas utilisé ; – n’est pas adapté à l’organisation du travail, aux services, etc. ; – n’est pas aligné sur les objectifs et les valeurs de gestion ; – s’appuie sur des critères et des formulaires inappropriés, non adaptés aux catégories de personnel, non pertinents, longs à remplir, diciles à comprendre, pouvant impliquer des comportements contreproductifs.

personnel : – aménagement exible du temps et des lieux de travail (télétravail) ; – travail en équipe et par projets ; – travail à l’étranger (employés expatriés). • Attentes de la main-d’œuvre en matière de : – participation et communication (style de gestion) ; – reconnaissance ; – contenu du travail, développement et possibilités de carrière ; – conciliation travail-famille.

Reconnaître la performance ou intervenir à l’égard des problèmes de performance

• Les cadres ne distinguent pas et ne recon-

• Besoin d’être reconnu pour diverses

naissent pas susamment la performance individuelle ou ne sont pas motivés à le faire. • Les budgets sont insusants pour reconnaître de façon signicative les meilleurs employés. • La rémunération variable est considérée comme un droit acquis. • Les meilleurs employés partent ; les employés diciles restent et ne changent pas de comportements. • L’amélioration de la performance organisationnelle ne prote pas aux employés. • Le personnel est incité à décider et à agir d’une manière qui n’est pas dans l’intérêt à long terme de l’organisation. • Les interventions auprès des employés sont inadéquates.

contributions (résultats, compétences, comportements). • Attentes des diérentes catégories de personnel à l’égard des diverses formes de reconnaissance : pécuniaires et non pécuniaires, directes et indirectes, matérielles et psychologiques. • Attentes à l’endroit des dirigeants et des cadres pour qu’ils interviennent au cours d’incidents ou d’abus liés : – à la gouvernance, à l’éthique, aux conits d’intérêts, à l’incompétence, etc. ; – à la violence, au harcèlement, à l’épuisement, etc. ; – à l’absentéisme, au vol, etc.

Former et communiquer en matière de gestion de la performance

• Les cadres : – ne se sentent pas responsables de la qualité de la gestion de la performance ; – manquent de formation pour bien assumer leurs responsabilités en matière de gestion de la performance ; – ne sont pas motivés à assumer leurs responsabilités de coaching au quotidien.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

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TABLEAU 8.11 Un diagnostic des problèmes permettant de déterminer

les changements à apporter dans la gestion de la performance (suite) Type de changement

Exemples de problèmes visés par ce changement

Caractéristiques des milieux de travail créant des pressions pour amener ce changement

• Les employés :

• Attentes du personnel :

– ne se sentent pas responsables de leur performance ; – manquent d’information pour bien comprendre le programme. • Le programme est mal appliqué ou géré (incohérences, iniquités, plaintes, incompréhensions, etc.).

– transparence ; – gestion orientée vers la participation, l’engagement, la consultation. • Besoin de connaître la mission, les objectifs d’aaires, la stratégie et les valeurs et d’y adhérer. • Besoin de clarté, de concision, de pertinence, de transfert des apprentissages. • Besoin de voir un lien entre : – les discours des dirigeants et les caractéristiques du programme ; – l’application du programme et ses conséquences.

Lier la performance à • Le programme n’est pas utilisé pour orienter la d’autres activités de gestion des talents : cheminement de carrière, GRH (cheminement relève et succession, etc. de carrière, relève et • Il y a incompatibilité ou contradiction entre succession, formation les critères de gestion de la performance et les et développement, critères balisant d’autres activités de la gestion dotation — sélecdes talents : sélection, promotion, etc. tion, promotion, • Le programme n’est pas adapté aux nouveaux mutation —, organimodes d’organisation du travail : équipe, sation et aménagetélétravail, etc. ment du travail

• Communication par les organisations performantes des particularités de leur gestion de la performance pendant le processus de sélection : – an de retenir les meilleurs candidats ayant des valeurs correspondant à celles de l’organisation ; – an de montrer que le développement de la performance individuelle est important. • Volonté des employés engagés d’être évalués et gérés dans une perspective de développement et de cheminement de carrière à long terme (employabilité et stabilité).

Source : Adapté de St-Onge et Piron (2006).

8.4.2 La détermination des cotes globales de performance La quasi-totalité des organisations ayant un programme formel de gestion de la performance exigent d’aecter des cotes à divers indicateurs ou critères, pour ensuite déterminer une cote globale de performance. Toutefois, il est nécessaire de statuer sur une cote globale objective et standardisée (selon une échelle préétablie) dans la mesure où cette dernière sert à calculer et à justier les augmentations de salaires au mérite ou les primes de performance. Lorsque le programme est utilisé uniquement dans un but de développement et de communication, l’octroi de cotes, qu’il s’agisse de cotes particulières ou d’une cote globale, n’est pas obligatoire, car on vise à mener un échange pour aider les employés à se développer. En pratique, cependant, même si les cotes de performance n’ont pas de répercussions sur la rémunération, le personnel préfère souvent obtenir une cote, un peu comme à l’école, et la quasi-totalité des programmes conduisent à l’établissement de cotes globales.

394

CHAPITRE 8

Les enquêtes montrent qu’entre 50 % et 60 % des organisations évaluent la performance de leur personnel selon une échelle à 5 niveaux de performance, entre 20 et 25 % selon une échelle à 4 niveaux et entre 8 % et 15 % selon une échelle à 3 niveaux (Mercer, 2013 ; Stewart et Lamontagne, 2013 ; Towers Perrin, 2009). Il apparaît aussi que la cote « Répond aux attentes » est presque toujours le point milieu lorsqu’on utilise 3 ou 5 niveaux de performance et qu’elle est le plus souvent l’avant-dernière cote (72 %) lorsqu’on gère 4 niveaux de performance (Mercer, 2013). Un problème observé fréquemment chez les superviseurs réside dans le fait qu’ils ramènent la gestion des performances à la tenue d’une seule rencontre annuelle avec leurs subordonnés pour s’entendre sur leur cote globale de performance, et ce, dans l’unique but de se conformer aux demandes des professionnels des ressources humaines ou des dirigeants. Pourtant, on n’insistera jamais assez sur le fait que le succès d’un régime de rémunération au mérite repose sur une gestion des performances au quotidien, et ce, tout au long de l’année (Lainey et al., 2009 ; St-Onge et al., 2013 ; St-Onge, 2012). Dans un contexte de rémunération au mérite, il faut aussi que l’évaluation de la performance permette de porter un jugement sur un travail eectué durant une période antérieure. Il est donc recommandé de ne pas évaluer le potentiel, soit la capacité éventuelle d’assumer dans l’avenir des responsabilités diérentes de celles dont l’employé s’est acquitté à ce jour ou supérieures à celles-ci, le potentiel étant pris en compte dans les décisions de dotation (sélection, promotions, mutations). Il faut également éviter d’évaluer la performance sur la base de traits de personnalité ou de compétences non observables (comme l’enthousiasme, la sociabilité, le dynamisme, l’intelligence, la créativité, le leadership, l’esprit d’initiative, la persévérance) en raison des nombreuses limites qu’ils comportent. Parmi ces limites, mentionnons que les traits de personnalité sont diciles à mesurer et à communiquer, qu’ils sont liés faiblement à la performance étant donné qu’ils n’en sont qu’un déterminant, qu’ils rendent les superviseurs plus sujets aux erreurs et aux biais d’évaluation, qu’ils ne favorisent pas la participation des personnes évaluées au processus d’évaluation et, enn, qu’ils ne sont pas considérés comme valides, pertinents ou utiles devant les tribunaux. En matière d’évaluation de la performance, et encore plus dans un contexte où la performance a des incidences sur la rémunération, il importe de se préoccuper à la fois de la pertinence (c’est-à-dire l’évaluation du bon élément) et de la validité (c’est-à-dire l’évaluation adéquate de cet élément) des critères de performance. Nombre de problèmes découlent du fait que l’on évalue et récompense des employés à partir de critères bien mesurés mais peu pertinents, ou encore de critères très pertinents mais mal mesurés. De fait, l’expérience et les études conrment aujourd’hui qu’il est préférable d’évaluer la performance du personnel en tenant compte à la fois des résultats et des comportements. Comme l’illustre la gure 8.2, ces deux facettes du rendement se distinguent et se complètent. Quand on met l’accent sur l’un de ces deux critères au détriment de l’autre durant une longue période, des problèmes surviennent. En eet, lorsque seule l’obtention de résultats compte, les employés sont tentés de prendre n’importe quel moyen pour parvenir à leurs ns ; à l’inverse, lorsque seule l’adoption de certains comportements compte, les employés manifestent les comportements valorisés sans se préoccuper d’atteindre les résultats escomptés. Selon une méthode mixte tenant compte des résultats et des comportements ou compétences, les formulaires d’évaluation de la performance présentent souvent deux sections : une première section, simple à remplir, porte sur les responsabilités clés (comportements ou moyens) et une seconde section concerne les résultats ou les buts à atteindre. Cette dernière section peut présenter les normes à respecter pendant une période donnée (par exemple, vérier, livrer, réaliser, etc., un certain nombre de dossiers, de ventes, de rapports, etc.). Un résultat escompté peut aussi correspondre à la réalisation d’un objectif de

La rémunération et la gestion des performances individuelles

FIGURE 8.2

La prise en compte des résultats et des comportements dans l’évaluation de la performance

Avantages de considérer les résultats comme des objectifs ou des standards (la n)

Avantages de considérer les comportements ou les compétences observables (les moyens)

• Reposent sur des critères

• Reposent sur des critères

individualisés et exibles (diciles à comparer). • Prescrivent des buts à atteindre. • Communiquent les priorités : sont utiles à l’orientation des eorts.

normalisés et invariables (faciles à comparer). • Prescrivent des moyens à adopter. • Communiquent les valeurs : sont utiles à la socialisation et à la formation.

Sources : St-Onge et al. (2013, p. 207, 209, 211) ; St-Onge (2012, p. 116).

performance préétabli. À cet égard, il semble qu’il y ait place à amélioration étant donné que près du tiers des entreprises disent qu’il faudrait consolider ce lien entre les objectifs de performance et la stratégie d’aaires an de mieux utiliser les eorts de chacun (Hewitt & Associates, 2010a). Dans le calcul de la cote globale de performance, le poids relatif de chacune des deux sections peut varier ociellement en fonction de la catégorie de personnel. Par exemple, pour le personnel de bureau et de production, un poids plus grand peut être accordé à l’évaluation des comportements qu’à la réalisation des objectifs, alors que pour les cadres et les professionnels ce pourrait être l’inverse. Évidemment, que la cote globale soit basée sur des échelles de notation ou sur la direction par objectifs, il faut respecter certaines conditions de succès. Ainsi, les échelles de notation doivent privilégier des comportements observables et éviter d’évaluer des traits de personnalité. Par ailleurs, pour que la direction par objectifs donne de meilleurs résultats, les objectifs de performance doivent (St-Onge, 2012 ; St-Onge et al., 2013) : • être établis en accord avec l’employé ; • être énoncés de manière précise, claire et mesurable ; • appuyer les objectifs de l’équipe, de la division et de l’organisation ; • comporter un dé tout en étant réalistes ; • être peu nombreux et pondérés selon leur importance relative ; • être associés à un échéancier ;

395

396

CHAPITRE 8

• • • • •

Pour en savoir plus sur les formulaires utilisés par des organisations pour évaluer la performance des titulaires de diérents postes

être révisés selon l’évolution du contexte ; porter sur des aspects du travail que les employés maîtrisent au moins en partie ; être valorisés ou jugés importants et pertinents par les personnes ; être équilibrés à court et à long terme, suivant la quantité et la qualité et en fonction des coûts et des services ; faire l’objet d’une discussion sur les moyens à privilégier pour les atteindre et assurer les suivis dans leur progression.

Selon les résultats d’une enquête réalisée par le Conference Board du Canada, la quasitotalité des organisations sondées (97 %) évaluent la performance individuelle en tenant compte de l’atteinte d’objectifs de performance et un bon nombre d’entre elles considèrent également les compétences de l’employé (Stewart, 2012b). Dans la section visant à évaluer les comportements et les compétences, on trouve souvent des échelles de notation à quatre ou à cinq niveaux. De même, le poids des divers énoncés de comportements peut varier en fonction de leur importance relative. Toutefois, il faut se demander si cet ajout à la complexité est vraiment utile : si l’on détermine un poids pour les divers énoncés, le formulaire sera plus long à remplir. Il est alors préférable que les formulaires soient un peu moins précis et moins diciles à remplir. Il faut aussi penser que la pondération relative diérente des divers objectifs ou des diverses responsabilités envoie des messages pouvant s’avérer nuisibles. Soulignons le risque qu’un critère, dont le poids est limité, soit moins bien évalué par le superviseur ou encore ignoré par le subordonné dans l’exercice de son travail. En principe, toutes les sections et tous les critères qu’on trouve dans les formulaires devraient être importants, sinon il est préférable d’en supprimer plutôt que de leur accorder un poids trop faible. En somme, l’importance relative des critères d’évaluation gagne à faire l’objet de discussions et d’une entente entre le superviseur et l’employé au lieu d’être imposée par les directives rattachées au formulaire d’évaluation et au calcul de la cote globale de performance. Pour ce qui est de l’octroi d’une cote globale, la plupart des organisations demandent, après avoir évalué l’employé sous diérents aspects (objectifs, comportements, etc.), que l’on détermine une cote reétant le mieux l’ensemble de sa performance. Le processus, qui reste alors essentiellement subjectif, doit faire l’objet d’une entente avec chaque employé. À ce stade, peu d’entreprises imposent l’attribution d’une cote globale sur la base d’un exercice mathématique strict où l’on procède à la moyenne des cotes octroyées. La détermination d’une telle cote n’est pas un problème mathématique, et le contexte ou le processus d’évaluation doit appuyer cette prémisse.

8.4.3 L’approbation des cotes globales de performance Il peut s’avérer important que l’évaluateur consulte d’autres personnes, comme les superviseurs des superviseurs, avant de communiquer son appréciation à l’employé intéressé. Cette consultation permet de considérer les cotes de performance dans une perspective plus large et de vérier la présence d’erreurs, notamment l’eet de halo, le degré de sévérité ou le degré de générosité. Le tableau 8.12 distingue diérentes sources de révision de cotes de performance susceptibles d’être utilisées seules ou d’être combinées : la révision par les professionnels des ressources humaines, par le supérieur hiérarchique du superviseur immédiat, par l’équipe de direction et au moyen de sessions de calibrage entre les cadres. En pratique, de nombreuses entreprises n’ont pas de processus formel d’approbation ou de révision des cotes de performance accordées par les cadres à leurs employés. C’est surtout le cas pour les petites entreprises ou encore pour les entreprises où l’évaluation n’a aucun eet sur la rémunération des employés, mais en a un plutôt sur le climat de travail ou le développement du personnel. Toutefois, en ce qui a trait à la rémunération au mérite,

La rémunération et la gestion des performances individuelles

397

TABLEAU 8.12 Les caractéristiques des principaux modes de révision des cotes de performance

Caractéristiques Types de révision des cotes

Objectif de l’évaluation

Types d’entreprises

Aucune révision ocielle

Surtout aux ns du développement

Dans les PME

Révision par les professionnels des ressources humaines

Surtout aux ns de la rémunération variable (par exemple, primes ou augmentations de salaires)

Révision par le supérieur hiérarchique du superviseur

Surtout aux ns de la rémunération

Période de validation des cotes

Formation des cadres à la distribution des cotes

Aucun contrôle

Aucune exigence

Surtout dans Période assez les moyennes et courte grandes entreprises décentralisées où le siège social assume un rôle important

Contrôle exercé par le service des ressources humaines

Exigences très faibles

Dans les moyennes et grandes entreprises

Période très courte

Contrôle exercé par le supérieur immédiat

Exigences élevées

Révision faite par Surtout aux ns de la direction la rémunération

Dans les PME

Période longue et proportionnelle au nombre de niveaux hiérarchiques

Contrôle exercé par toute la hiérarchie jusqu’au sommet

Exigences faibles

Sessions de calibrage entre les cadres

Dans les moyennes et grandes entreprises

Période assez courte

Contrôle exercé Exigences élevées par le personnel d’encadrement de premier niveau (supérieur immédiat et ses pairs) et un ou des cadres de niveau supérieur

Surtout aux ns de la rémunération ou de la gestion des carrières (par exemple, promotions, développement, mutations)

Aucune validation

Contrôle de la distribution des cotes

le processus de révision des cotes de performance prend de l’importance lorsqu’il s’agit de s’assurer d’une certaine équité dans la distribution des cotes entre unités (contrer les biais de clémence et de sévérité) et d’exercer un certain contrôle sur les coûts de la maind’œuvre. Il faut aussi garantir le caractère équitable de l’évaluation an de favoriser chez les employés une perception plus nette de la relation entre le salaire et la performance. C’est à ce stade que les professionnels du service des ressources humaines peuvent intervenir. Leur rôle consiste alors à analyser la distribution des cotes de performance des employés et la cohérence des évaluations provenant des divers services ou divisions de l’organisation.

La révision par le supérieur hiérarchique du superviseur Parmi les entreprises qui ont un processus formel de révision des cotes de performance, le type de révision le plus répandu est celui que réalise le supérieur hiérarchique du superviseur. Le supérieur hiérarchique doit alors s’assurer de l’objectivité des cotes et comparer les cotes octroyées par un supérieur immédiat avec celles octroyées par ses collègues an d’obtenir une distribution acceptable et équitable des cotes de performance des employés. Cette tâche de révision permet un certain contrôle sur la distribution des cotes et peut être eectuée rapidement. Dans ce cas, la cote sera conrmée promptement à l’employé.

398

CHAPITRE 8

La révision par les professionnels des ressources humaines Les entreprises ayant un processus de révision dans lequel intervient le service des ressources humaines sont souvent préoccupées par le contrôle de la masse salariale. Un tel contexte peut alimenter l’idée que le processus d’évaluation de la performance est un exercice bureaucratique protant davantage aux professionnels des ressources humaines qu’aux cadres qui, pourtant, connaissent mieux la performance des employés évalués. Cette situation peut d’ailleurs engendrer des conits d’autorité.

La révision par l’équipe de direction Les entreprises qui ont un processus de révision auquel participe la direction sont moins nombreuses, et cette tâche se limite la plupart du temps à la révision des cotes de performance des cadres intermédiaires ou des professionnels. Plus la taille de l’entreprise augmente, plus cette approche est critiquée. Les employés et les cadres déplorent souvent la longueur des délais inhérents au processus de révision dans lequel est engagée la direction, délais qui ne permettent pas de communiquer la cote globale dans un temps raisonnable. Étant donné que les cotes sont portées à l’attention des cadres supérieurs et peuvent être révisées à tous les niveaux hiérarchiques, cela amènera nombre d’employés à estimer que le processus d’évaluation est politique et bureaucratique. On reproche aussi à ce processus de révision de nuire à la crédibilité des cadres aux yeux de leurs employés, puisqu’il laisse entendre que la direction ne fait pas conance aux superviseurs et à la vigilance de leur supérieur hiérarchique. En fait, plus les réviseurs sont nombreux, plus les cadres ont l’impression que leurs cotes peuvent être révisées, et moins ils osent faire une évaluation, de peur de ne pas être appuyés. Dans un tel contexte, tous les employés risquent de se retrouver avec une cote de performance « moyenne ».

La vérication par un exercice de calibrage Après avoir comparé les façons de faire des meilleures organisations américaines, les consultants Hellerman et Kochanski (2011), de la société-conseil Sibson Consulting, observent qu’elles font appel à des séances de calibrage permettant aux cadres de discuter de l’attribution des cotes de performance à leurs employés respectifs et de leurs décisions concernant les augmentations de salaires ou les primes avant que ces décisions soient dénitives. Vu le recours de plus en plus fréquent à cette approche, nous y consacrons la prochaine sous-section.

8.4.4 Les séances de calibrage entre les cadres Calibrage (grading) Sessions au cours desquelles plusieurs gestionnaires se rencontrent pour discuter de l’attribution des cotes de performance dans le souci de favoriser une certaine cohésion quant à l’interprétation, à l’attribution et à la distribution des cotes de performance qu’ils accordent aux employés.

Les séances de calibrage permettent d’amener la rémunération au mérite au-delà de la dyade « supérieur-subordonnés » pour qu’elle soit connue des cadres du même niveau et d’un ou quelques cadres d’un niveau supérieur. Pendant ces réunions, les cadres examinent et comparent les objectifs des employés, les cotes de performance ou les décisions touchant la rémunération, en viennent à une entente et s’engagent en tant que groupe à respecter cette entente. Selon les résultats de diverses enquêtes menées au Canada et aux États-Unis, entre 40 % et 51 % des organisations ont recours à de telles séances de calibrage (Hewitt & Associates, 2010a ; Stewart, 2012b ; Towers Perrin, 2009). On peut résumer de la façon suivante les avantages associés à la participation des cadres à des réunions de calibrage : • Ces réunions permettent aux cadres de connaître et de mieux comprendre les cotes de performance et les décisions de rémunération prises par leurs pairs. • Elles donnent la possibilité d’améliorer la convergence de vues et la cohésion quant à l’interprétation, à l’attribution à la distribution des cotes de performance entre les groupes et les unités.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

• • • •

399

Elles visent à s’assurer que les meilleurs employés font l’objet d’un consensus parmi les cadres et sont susamment reconnus par divers mécanismes (par exemple, les augmentations de salaires, les primes, les promotions, les mutations, les mandats particuliers). Elles ont pour eet de réduire la subjectivité et les biais dans l’attribution des cotes de performance et des récompenses. Elles permettent à la direction d’exercer un suivi plus clair et transparent sur l’application du principe de l’équité individuelle au sein des équipes de travail. Elles aident à mieux contrôler la distribution des cotes de performance et le budget d’augmentations de salaires et de primes.

8.4.5 Le rangement forcé des performances individuelles Jack Welch, l’ancien président de General Electric, a longtemps vanté l’importance de faire appel annuellement au rangement forcé des employés an de maintenir une culture de performance et de méritocratie (voir la rubrique « Regard sur la pratique »). Toutefois, le recours à cette méthode fait l’objet de débats parmi les praticiens, les employés et les juristes. Cette sous-section vise à faire le point sur cette approche adoptée surtout au sein d’une minorité de grandes entreprises américaines3.

Rangement (ranking) Méthode qui consiste à classer les employés selon leurs performances les uns par rapport aux autres.

REGARD SUR LA PRATIQUE Le rangement forcé chez General Electric Chez General Electric, les employés étaient rangés en trois catégories : les meilleurs (20 %), les performants (70 %) et les moins performants (10 %). Selon Jack Welch, qui fut président de la société jusqu’en 2001, il fallait intervenir auprès de 10 % des employés présentant le moins bon rendement en recourant, par exemple, à des plans de redressement ou à des congédiements. Ne pas faire cela non seulement s’avérait un échec de la gestion, mais aussi une fausse gentillesse puisque, éventuellement, un cadre allait se départir de ces 10 % d’employés moins performants, les forçant — quelquefois en plein milieu de leur carrière — à quitter l’entreprise. Surnommé « Neutron Jack » par des

journalistes en référence aux bombes à neutrons qui éliminent des personnes, Jack Welch rétorquait à ses détracteurs que tous les employés qui quittaient la société étaient traités avec dignité et que GE a augmenté sa production de 31 % en recourant à un personnel moins nombreux. S’il prônait une intervention rigoureuse auprès des employés ayant la moins bonne performance, il voulait aussi que les plus performants soient très bien récompensés, parce qu’ils étaient les meilleurs, en leur accordant une augmentation de salaire pouvant atteindre 25 % par année en plus d’une prime de performance individuelle dont le montant pouvait varier de 20 % à 70 % du salaire et s’accroître de 150 % au l des ans.

Source : Extrait adapté de St-Onge (2010, p. 4-5).

La dénition du rangement forcé Au sein de petits groupes et dans de petites entreprises, la méthode du rangement forcé permet de classer les employés les uns par rapport aux autres selon leur performance relative considérée de façon globale (en allant du meilleur employé à celui dont la performance est la moins élevée). Dans les grandes entreprises, où l’utilisation de cette méthode a fait l’objet de nombreux commentaires dans la presse, les cadres sont contraints à comparer entre eux leurs employés — occupant des postes similaires ou des postes diérents — pour les placer dans des catégories selon un pourcentage préétabli. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une catégorie « les meilleurs » devant contenir 20 % des employés comparés, d’une catégorie « les moins bons » devant comprendre 10 % des employés et d’une catégorie 3. Cette sous-section s’appuie sur l’article de St-Onge et Morin (2011, p. 100-104).

400

CHAPITRE 8

« les bons employés » devant regrouper 70 % des employés. Le rangement forcé peut être la seule méthode d’évaluation de la performance appliquée dans une entreprise, tout comme elle peut être adoptée en même temps qu’une ou plusieurs autres méthodes (par exemple, une méthode basée sur les objectifs, une méthode basée sur des échelles de notation). Selon le cas, on peut ranger les employés directement en les aectant dans des catégories (A : les meilleurs, B : les bons et C : les moins bons) ou indirectement en transformant les cotes de performance qu’ils ont obtenues avec d’autres méthodes an de les classer dans les trois mêmes catégories que précédemment.

Les avantages potentiels du rangement forcé Le rangement forcé permet aux cadres d’acquérir l’habileté à repérer les talents, facilite la prise de certaines décisions administratives (concernant, par exemple, les promotions, les mutations, la rémunération variable ou l’octroi de formations), aide à mieux contrôler les budgets de rémunération et à accroître l’écart de rémunération entre les employés sur la base de leur performance individuelle. Il permet d’éviter certains biais dans l’attribution des cotes de performance, comme la tendance centrale, la sévérité ou la clémence. Lorsque le rangement forcé est utilisé en parallèle avec une autre méthode d’évaluation de la performance (par exemple, une méthode basée sur les objectifs ou sur des échelles de notation), il permet d’en valider globalement les résultats à peu de frais. Étant donné que le rangement forcé est simple et facile à comprendre pour le personnel, on croit qu’il aide à instaurer une culture de gestion « de haute performance ». Certains observateurs soutiennent que les eorts déployés pour l’amélioration des employés les plus faibles sont contre-productifs et qu’il est nettement préférable de ne retenir que les meilleurs ; ils estiment que dans bien des cas les employés les moins performants seront plus à leur place dans un autre poste ou au service d’une autre société (Guralnik et al., 2004). Les employés qui présentent la meilleure performance et qui sont largement récompensés en échange de celle-ci percevront peut-être le rangement forcé comme une méthode équitable les incitant à continuer de s’améliorer. Certains considèrent aussi que l’usage du rangement au sein d’une organisation, comme symbole d’une culture de méritocratie, favoriserait l’attraction et la délisation des meilleurs talents. À ce jour, une étude conrme que l’adoption de la méthode du rangement forcé améliore la performance moyenne globale des employés et réduit les départs volontaires, mais seulement pendant les trois premières années de son utilisation (Scullen et al., 2005). Selon Grote (2005a, 2005b), un consultant qui préconise le recours au rangement forcé, cette méthode aiderait les employeurs à répondre aux questions légitimes suivantes : • Comment l’entreprise devrait-elle attribuer les récompenses ? Qui devrait obtenir les meilleures augmentations de salaires et qui ne devrait pas obtenir d’augmentation ? • Qui devrait être ciblé pour une promotion ? L’entreprise dispose-t-elle d’excellents candidats prêts à progresser et désireux de le faire ou devra-t-elle recruter les talents à l’extérieur ? • L’entreprise dispose-t-elle des employés talentueux qu’elle requiert pour répondre aux besoins futurs de l’organisation ? • Comment se distribuent les talents dans l’entreprise ? Est-ce qu’il y a des regroupements d’excellence ou de médiocrité ? • Les évaluations de la performance sont-elles plus sévères ou plus clémentes selon les cadres et les unités ? • Quelles formations faudrait-il donner et à qui ? • Qui sont les employés les plus performants et ayant le plus de potentiel ? L’entreprise a-t-elle établi des stratégies pour les retenir ? • Qui sont les employés les moins performants et que fera l’entreprise à leur égard ?

La rémunération et la gestion des performances individuelles

En somme, cette méthode, qui se fonde sur la prémisse que les talents dièrent grandement parmi les employés, exige que les cadres repèrent les membres de leur équipe les plus talentueux et les moins talentueux, et prennent des mesures auprès des membres de ces deux groupes. Suivant les organisations et les employés visés, les mesures prises à l’égard des membres du groupe dont la performance est moindre peuvent varier : formation, recyclage, changement de poste, programme d’aide aux employés, réduction ou suppression de la rémunération variable, licenciement. Cette culture dans laquelle il y a toujours des gagnants et des perdants se maintient et peut être appréciée parce qu’elle met en place des récompenses substantielles destinées aux meilleurs employés (augmentations de salaires, primes, promotions, gratications, privilèges, reconnaissance). Toutefois, le rangement forcé est loin de faire l’unanimité en raison des inconvénients ou des risques qu’il comporte (Dominick, 2009 ; Grote, 2005a, 2005b ; O’Malley, 2003).

Les risques du rangement forcé Dans la mesure où les employés savent que leur rendement sera rangé par rapport à celui des autres, cela alimente un climat d’insécurité et de compétition entre eux. Année après année, si les moins bons employés sont poussés vers la sortie, il y a aussi une limite à hausser la barre, et cela incitera le personnel à recourir à des stratégies politiques ou à des approches douteuses pour ne pas se trouver dans la catégorie des perdants ou pour entrer dans celle des gagnants. Comme l’indique O’Malley (2003, p. 37-38 ; traduction libre) : « Jaser » avec le patron, transmettre un travail à une unité commerciale moins compétente, retenir l’information et le matériel dont les autres ont besoin pour bien faire leur travail, critiquer le travail des autres, bien se faire voir par des protecteurs puissants, et ainsi de suite, voilà autant de façons de vaincre le système. L’environnement de travail devient alors hautement politisé. Se tailler une place de choix et s’y maintenir signie s’insinuer dans les bonnes grâces des supérieurs tout en minant les rivaux. Le système de rangement fonctionne essentiellement comme le jeu des chaises musicales : lorsque la musique s’arrête, les malchanceux se retrouvent le bec à l’eau. Le rangement forcé encourage aussi la conformité aux normes au détriment de l’innovation. Lorsque des entreprises utilisent cette méthode pour inciter les employés appartenant au groupe le moins performant à quitter l’entreprise ou à changer de poste, cela peut nuire au moral et à la performance des employés qui restent, et même les motiver à quitter l’organisation. Par ailleurs, le recours au rangement forcé pour aider les employés les moins performants à s’améliorer s’avère très peu utile, car cette méthode ne permet pas d’expliquer et de justier la performance de tous ; elle indique seulement la position de leur performance globale respective en comparaison de celle des autres. En outre, le fait de savoir que le rangement forcé est appliqué de manière stricte au sein d’une organisation peut amener d’excellents candidats à ne pas vouloir y travailler et nuire au recrutement de certaines personnes. Il est possible que certains cadres et employés résistent à cette méthode étant donné que le rangement est souvent eectué sur la base de critères inconnus ou subjectifs (pouvant par conséquent être illégaux) qui varient d’un évaluateur à l’autre. Les employés risquent d’être classés à partir d’une opinion globale incomplète ou biaisée parce que les critères servant à apprécier la performance relative des personnes ne sont ni précisés ni pondérés. Cette méthode est donc plus sujette à introduire des biais illégaux (notamment la prise en compte du sexe, de la race, de la nationalité ou de l’âge). Comme les erreurs sont inévitables, il est probable que des talents plus lents à se révéler seront pénalisés ou même incités à partir et que des employés dépourvus de talent seront surévalués. En outre, surtout au sein des petites équipes dont les membres ont beaucoup d’ancienneté, des cadres peuvent trouver ardu, voire incorrect, de devoir désigner certains employés

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402

CHAPITRE 8

dans la catégorie des « moins bons », alors que tous les membres de l’équipe fournissent une performance satisfaisante, voire supérieure. En somme, puisqu’il est dicile de communiquer un rangement et de le justier, celui-ci est peu favorable aux échanges et à la qualité des relations superviseur-subordonnés. Plus important encore, une application stricte du rangement forcé peut inciter des employés à se plaindre, à déposer des griefs ou encore à poursuivre en justice leur employeur parce que ce dernier exerce une discrimination illégale sans tenir compte de leur performance réelle et absolue. En France et aux États-Unis, cela a été le cas pour les syndicats des sociétés Airbus, Hewlett-Packard, IBM et 3M (Aizicovici, 2011).

REGARD SUR LA PRATIQUE 3M sous le feu des projecteurs Sans reconnaître sa culpabilité, 3M propose des règlements à l’amiable totalisant plus de 15 millions de dollars an de mettre un terme aux poursuites judiciaires engagées par quelques milliers d’employés anciens et actuels soutenant qu’ils ont été victimes d’une discrimination fondée sur l’âge. On allègue, d’une part, qu’une application stricte du rangement forcé et l’obligation de respecter certains quotas quant à la distribution des cotes de performance ont contribué à l’octroi de cotes plus faibles aux travailleurs plus âgés. D’autre part, on reproche aux cadres de 3M d’avoir réservé les « ceintures noires» (formation très convoitée au cœur du Six Sigma donnant accès au titre d’expert et, par le fait même, à de meilleures chances d’avancement et

à des augmentations de salaires substantielles) aux jeunes employés. On arme ainsi que de 2001 à 2004, les cadres chez 3M ont procédé à la nomination des «ceintures noires» de manière subjective, ne désignant qu’à de rares occasions des employés âgés de plus de 45 ans et ignorant ceux de 55 ans et plus. L’entreprise sera d’ailleurs soumise à la surveillance d’un organisme fédéral. Les changements exigés vont de l’interdiction d’imposer des quotas en matière d’évaluation de la performance et d’appliquer le rangement forcé d’une quelconque manière pouvant causer un préjudice aux travailleurs âgés à l’obligation, pour l’entreprise, d’acher les «ceintures noires» et de considérer toutes les candidatures intéressantes.

Source : Traduit et adapté de Feyder (2011, p. 23).

En eet, la performance relative n’est pas la performance absolue. L’évaluation de la performance vise à apprécier de manière absolue la performance d’un employé en se demandant, par exemple, jusqu’à quel point celui-ci a atteint ses objectifs ou adopté les comportements attendus. Le rangement forcé implique une comparaison consistant à établir dans quelle mesure l’employé fait un bon travail par rapport à d’autres employés. Le rangement d’une personne dépend donc des autres. Aussi, au sein d’un groupe d’employés performants, les moins bons peuvent très bien répondre aux attentes, avoir une performance satisfaisante et ne pas être une source de problèmes. Les décisions de gestion prises à l’égard des employés de la catégorie de ceux ayant une moins bonne performance doivent toutefois pouvoir se justier légalement et s’avérer justes et raisonnables selon les lois en vigueur (pensons aux critères de proportionnalité et de progression des sanctions, par exemple). Deux ans seulement après avoir implanté son système de rangement forcé, la société Goodyear l’a abandonné parce qu’il avait pour conséquence que les employés faisant partie du groupe des 10 % inférieurs ne recevaient pas d’augmentation de salaire ni de prime et pouvaient même perdre leur travail, ce qui a d’ailleurs été le cas pour certains (Burkholder, 2005). D’autres sociétés nord-américaines — notamment Ford, Capital One, Conoco et Microsoft — ont aussi appris que la gestion d’un système de rangement forcé entraîne des dés sur le plan légal. En eet, le rangement s’appuie sur une évaluation globale de la performance inconnue qui, même si elle est faite par un groupe de cadres, reste subjective et donne lieu à des problèmes de délité et de validité.

La rémunération et la gestion des performances individuelles

403

Les préalables à respecter Si la méthode du rangement forcé est encore présente et continue de susciter la controverse, elle est adoptée assez peu fréquemment par les organisations. Les limites de cette approche sont souvent perçues comme plus importantes que ses atouts. En outre, ses présumés atouts sont aussi fonction de plusieurs préalables ou conditions, qui incluent d’abord et avant tout une culture de gestion orientée davantage sur la responsabilisation personnelle que sur le travail d’équipe. À lui seul, le rangement forcé ne peut pas changer une culture de gestion et il doit être géré dans une culture d’honnêteté et de transparence. Par contre, il faut se méer du recours au rangement forcé dans le but de gérer une réduction d’eectifs ou de compenser des problèmes de gestion comme le manque de leadership. À ce jour, des études révèlent que les cadres et les employés sont plus favorables à la méthode du rangement forcé dans les cas suivants (Blume et al., 2009 ; Schleicher et al., 2009) : • Le nombre d’employés à ranger est plus élevé et la performance individuelle varie fortement entre eux. • Les employés considérés comme faisant partie du groupe le moins performant reçoivent de l’aide an de s’améliorer et ne sont pas congédiés automatiquement. • Les employés considérés comme faisant partie du groupe le plus performant reçoivent des récompenses deux ou trois fois supérieures à celles accordées aux autres employés.

8.4.6 La distribution préétablie des cotes de performance individuelle Selon une enquête internationale, près de 17 % des organisations adoptent une distribution préétablie des cotes de performance (Towers Perrin, 2009). Cette distribution peut être plus ou moins suggérée ou imposée. Au Canada, une enquête du Conference Board montre que 40 % des organisations n’imposent pas une distribution normale, mais on conseille le suivi par les cadres, 15 % d’entre elles imposent une distribution forcée, 3 % songent à l’appliquer au cours de la prochaine année alors que 42 % des organisations ne parlent pas de distribution des cotes (Stewart et Lamontagne, 2013). De la même manière, une enquête menée au Canada par la société Mercer révèle que 51 % des organisations n’ont pas de politique de distribution forcée, 39 % recommandent une distribution forcée et 10 % ont établi une telle politique (Mercer, 2013). Ainsi, la distribution des cotes est très souvent suggérée comme un guide ou une balise sans pour autant qu’on l’impose. Notons que ce guide ou cette balise devrait s’éloigner d’une courbe de distribution normale (en cloche) étant donné que la population d’une entreprise, d’une unité de travail ou d’un groupe n’est jamais aléatoire, puisque l’entreprise investit pour embaucher les employés et accorder des promotions aux meilleurs de même que pour développer et former ses employés. De plus, les cadres sont censés assister les employés, les aider à orir une bonne performance et à s’améliorer. Par conséquent, il est probable que la distribution la plus logique et plausible sera celle de l’exemple C du tableau 8.13 à la page suivante. Admettant qu’une distribution autre que la courbe normale s’applique, bien des organisations proposent des distributions de cotes particulières qui ont pour eet de pousser vers la droite une distribution normale. Cette recommandation, sans être une obligation, permet de mieux contrôler le coût des augmentations de salaires ou des primes basées sur la performance individuelle et de reconnaître les meilleurs employés. Certains formulaires d’évaluation indiquent cette distribution « suggérée » dans le formulaire même, alors que d’autres transmettent le message de manière plus informelle à travers les communications ou le matériel de formation.

Distribution forcée (forced distribution) Octroi de cotes de performance selon une certaine distribution : le pourcentage de personnes se voyant attribuer chacune des cotes est préétabli, souvent selon une courbe normale.

404

CHAPITRE 8

TABLEAU 8.13 Des exemples de distributions préétablies

des cotes de performance Exemple A

Exemple B

• Excellente : un maximum

• Exceptionnelle : moins

de 10 % • Supérieure : entre 20 % et 30 % • Satisfaisante : entre 50 % et 60 % • Besoin d’amélioration : entre 10 % et 15 % • Insatisfaisante : un minimum de 5 %

de 10 % • Dépasse les attentes : 15 % • Satisfait aux attentes : 60 % • Satisfait de façon irrégulière aux attentes : 15 % • Ne satisfait pas aux attentes : moins de 10 %

Exemple C

• Distinctive : moins de 5 % • Supérieure : environ 30 % • Pleinement satisfaisante : 50 % ou plus • Besoin d’amélioration : environ 15 % • Insatisfaisante : moins de 5 %

Source : Extrait de St-Onge (2012, p. 132).

8.4.7 Le dé de reconnaître les hauts performants et les hauts potentiels Comme nous l’avons vu précédemment, la performance est un concept qui fait référence à la façon dont une personne a réalisé son travail dans le passé, alors que le potentiel renvoie à l’habileté de cette personne à réussir dans un autre poste à l’avenir (voir le tableau 8.14). Aussi, quoiqu’il soit important de considérer la performance, la découverte des personnes à haut potentiel capables de faire progresser l’organisation s’avère la clé dans un processus de gestion de la relève. Il est donc essentiel de savoir les reconnaître et bien les gérer 4. En plus de considérer la performance (résultats et moyens pris) du candidat dans ses postes antérieurs, l’analyse du potentiel s’avère beaucoup plus vaste et prospective, car elle comprend une analyse de la personnalité et des compétences de la personne, de l’arrimage de celles-ci à la mission et à la culture de gestion, de ses incidences sur les collègues et le climat de travail ainsi que de son engagement à se dépasser et à se développer (Robinson et al., 2009).

La rareté des outils de mesure Peu d’entreprises utilisent des outils ou des sources d’évaluation de compétences standardisés et validés pour découvrir les hauts potentiels, la plupart s’en tenant à une revue de talents ou à un processus de gestion de la performance (Verma, 2009). Pourtant, ces deux dernières approches reposent dans une large mesure sur l’appréciation des supérieurs immédiats. Sans une validation de l’externe, sans une expertise dans la découverte des potentiels et, dans bien des cas, sans une réelle responsabilisation parmi les cadres, le processus de sélection des hauts potentiels peut avoir des eets négatifs s’il n’est pas ecace. Les véritables hauts potentiels qui ne sont pas reconnus se démobilisent au point d’en venir à quitter l’entreprise. Aussi, la désignation des hauts potentiels s’avère une tâche importante qui a des incidences à la fois concrètes et symboliques et que l’on devrait accomplir selon une démarche clairement alignée sur les intérêts de l’organisation. Certaines organisations ont recours à des séances de calibrage entre divers chefs d’unités an que les attentes et les messages à ce sujet soient cohérents et semblables à travers l’organisation.

4. Cette sous-section repose sur des extraits du chapitre 9 de St-Onge (2012, p. 216-249).

La rémunération et la gestion des performances individuelles

405

TABLEAU 8.14 La diérence entre le haut performant et le haut potentiel

Haut performant

Haut potentiel

Il se distingue dans son poste actuel tant sur le plan des résultats atteints que sur celui des comportements, des moyens pris ou des façons de faire.

Il apparaît capable de se distinguer à l’avenir en assumant des responsabilités diérentes de celles requises dans son poste actuel ou supérieures à celles-ci, et ce, en étant performant tant sur le plan des résultats que sur celui des comportements.

Source : Extrait de St-Onge (2012, p. 233).

Les pièges en matière de gestion des meilleurs employés Comme pour tous les autres employés, les cadres doivent gérer sur une base continue les hauts potentiels et les hauts performants. D’ailleurs, une gestion rigoureuse de la performance de cette minorité de personnes (10 %) est particulièrement importante, car ces personnes génèrent 80 % de la valeur ajoutée (innovation, productivité, excellence, etc.). Il importe donc que les organisations sachent les mobiliser, sinon ces employés risquent de quitter leur poste et l’organisation. Ou pire, ils peuvent devenir des cas problématiques. L’encadré 8.4 liste les pièges les plus fréquents qui peuvent être observés dans la gestion des meilleurs employés. En outre, il est nécessaire de tenir compte des résultats de ces personnes ainsi que de leurs comportements. Les écrits sur le sujet donnent de multiples exemples de cadres supérieurs et de dirigeants qui obtiennent d’excellents résultats, mais au détriment de la santé de leurs employés et de la performance à long terme de l’organisation (Berglas, 2006 ; Groysberg et al., 2004 ; Martin et Schmidt, 2010 ; Verma, 2009).

Les conseils à respecter en matière de reconnaissance des meilleurs employés Envers les employés-vedettes, il faut accorder un soin particulier au cycle de gestion de la performance : la planication des attentes, le suivi de la performance et l’entretien annuel d’évaluation. Voici des conseils au sujet de ces trois aspects.

La planication des attentes

Vu le risque que les employés-vedettes privilégient l’atteinte de résultats sans trop se soucier des moyens et des comportements, les cadres doivent établir à leur intention des objectifs en matière de résultats et de comportements et insister sur le fait que ces derniers sont très importants. Il faut discuter avec eux de la

ENCADRÉ 8.4 ■







Les pièges à éviter à l’égard de la reconnaissance des hauts performants et des hauts potentiels

Donner une importance démesurée à l’expertise et aux résultats atteints par ces personnes seulement parce qu’ils sont plus faciles à mesurer ou plus visibles que les comportements. Décider de leur rémunération variable essentiellement sur la base des résultats. Ou encore ne pas intervenir auprès des personnes dont les résultats sont excellents, mais dont les comportements sont nuisibles par peur de leur déplaire, de les démotiver ou de les perdre. Abuser de ces personnes, les surcharger ou leur faire faire le travail des autres sous prétexte qu’elles ont une grande capacité de travail, qu’elles ne se plaignent pas, qu’elles sont ouvertes, engagées et ambitieuses, ou encore parce qu’on ferme les yeux sur des cas de performance insatisfaisante. Limiter ou freiner le cheminement de carrière et la visibilité de ces personnes parce qu’elles ont une si bonne performance que le dirigeant craint les conséquences de leur départ pour lui.

Source : Adapté de St-Onge (2012, p. 234).

406

CHAPITRE 8

manière de faire les choses, des valeurs et de la culture, et non seulement des objectifs à atteindre. Il est nécessaire de privilégier les aspects suivants : l’entrain, la collaboration, le travail d’équipe, l’établissement et le maintien de bonnes relations, etc. Pour cela, il peut être intéressant de les encourager à former, à assister ou à parrainer des collègues et à déléguer ecacement de manière qu’ils ne cherchent pas à savoir tout faire seuls. An d’inciter ces cadres à penser à la performance de leur équipe et non uniquement à leur propre performance, il serait utile de s’entendre avec eux sur un objectif à atteindre à l’égard du développement de leur équipe. Compte tenu de leur potentiel et de leur performance, il s’avère important de discuter avec eux de leurs attentes pour ce qui est de la carrière, de leurs besoins de développement et des dés particuliers qu’ils aimeraient relever. En somme, il faut discuter d’autres modes de reconnaissance que celui de la rémunération variable.

Le suivi de la performance

Les employés à haut potentiel sont reconnus comme ayant ce qu’il faut pour réussir. Toutefois, il ne faut pas tenir pour acquis leur dévouement, leur engagement et leur enthousiasme. Leur réussite à long terme est fonction du coaching, de la rétroaction et de l’appui qu’ils reçoivent, principalement de leur superviseur. Les cadres ont donc intérêt à savoir davantage comment motiver et assister les hauts potentiels. Les meilleurs employés se montrent souvent très sensibles aux marques de reconnaissance et l’on doit gagner leur cœur et leur esprit ! Il faut prendre le temps de leur exprimer de la reconnaissance au quotidien et tout au long de l’année à l’égard de l’atteinte des résultats et de l’adoption de comportements désirables. Il ne faut cependant pas alimenter des attentes que le cadre risque de ne pouvoir respecter en ce qui a trait à la rémunération variable, au cheminement de carrière, aux projets ou aux promotions. Lorsqu’un employé est sélectionné pour faire partie du réservoir des hauts potentiels, cela alimente ses attentes — la promesse de meilleurs projets ou programmes de développement, d’augmentations de salaires, de promotions — comparativement à ce qui est oert aux autres employés. Si les hauts potentiels sentent qu’on les tient pour acquis et que l’organisation ne prend pas soin d’eux, ils partiront — ou pire, ils pourront être tentés de donner le minimum et de nuire à la motivation de leurs collègues. (Verma, 2009, p. 36 ; traduction libre) Comme nous l’avons vu dans le chapitre 7, les gestionnaires n’ont pas besoin d’obtenir une approbation pour accorder à ces employés une reconnaissance non pécuniaire. Ils peuvent témoigner rapidement une marque de reconnaissance variant selon la situation et la contribution et s’exprimant selon divers formats (appel téléphonique, courriel, mémo, responsabilité et dés, consultation, etc.). Étant donné que les employés-vedettes risquent de travailler trop, il faut intervenir promptement et de manière préventive dès qu’ils montrent des signes de problèmes de santé mentale ou d’épuisement. Il est nécessaire de leur rappeler constamment l’importance des habiletés de gestion des personnes : plus on monte dans la hiérarchie, plus le succès repose sur l’intelligence émotionnelle, la gestion des personnes et de la dynamique des groupes. Pour cette raison, on doit les encourager à acquérir des compétences interpersonnelles. De même, il est essentiel d’intervenir de manière constructive dès qu’un employé-vedette adopte des comportements incorrects sur le plan interpersonnel (rétention de l’information, abus de langage, etc.).

L’entretien annuel d’évaluation

Il est important d’évaluer les hauts performants et de les récompenser en tenant compte des résultats qu’ils ont obtenus.

Il faut évaluer avec soin les hauts potentiels et les récompenser en tenant compte des résultats et des comportements adoptés. Ainsi, on liera la reconnaissance pécuniaire et non pécuniaire à leur performance : progression

La rémunération et la gestion des performances individuelles

hiérarchique accélérée, salaire au mérite, primes discrétionnaires, congés, vacances, projets particuliers, participation à des comités, visibilité à l’extérieur de l’unité, formation ciblée (congrès, colloques), ressources supplémentaires (budget, secrétaire, adjoint, etc.), et l’on conviendra avec eux des voies de développement et d’amélioration qui les stimuleront. Il est possible également de leur exprimer de la erté de les avoir dans son équipe et de suggérer leurs noms aux hauts dirigeants en vue d’éventuelles promotions et de l’établissement d’un programme de relève. Si l’on vient chercher les meilleurs éléments d’une unité pour leur donner une promotion, le responsable de l’unité doit prendre cela comme un signe de la qualité de son coaching. Ainsi, il est indispensable d’orir de la formation aux cadres à cet égard et de tenir compte des implications de celle-ci dans l’évaluation de leur performance. Tout cela est évidemment possible dans la mesure où l’organisation croit à la nécessité de développer ses talents à l’interne plutôt que de chercher constamment à embaucher des vedettes de l’extérieur, souvent à des coûts élevés et avec plus de risques, notamment celui que les nouvelles acquisitions soient étrangères à la culture du milieu.

La reconnaissance de la performance Une étude menée par la société Towers Watson indique que les employeurs sous-estiment l’importance de certains facteurs fondamentaux — autres que la rémunération variable — pour attirer et déliser les employés-vedettes, notamment la sécurité d’emploi, le salaire de base, les possibilités de développement de carrière et de promotion, les avantages sociaux, la conance dans la gestion, le fait de ne pas avoir à « quitter le domicile » trop souvent pour se rendre au travail (Bremen et Sejen, 2012). Au-delà des marques de reconnaissance au quotidien et des composantes de la rémunération globale non pécuniaire, les employeurs peuvent envisager diverses façons de gérer leur budget de rémunération au mérite de manière à mieux distinguer les employés les plus performants (par exemple, en créant à leur intention un programme de primes) (Abosch, 2012). Une enquête menée par Towers Perrin (2009) montre que respectivement 40 % et 23 % des organisations répondantes disent accorder à leurs hauts performants des incitations de 1,5 et 2 fois supérieures en moyenne à celles attribuées aux employés ayant une performance moyenne. Lorsqu’on interroge les organisations sur ce qu’elles font pour diérencier davantage les augmentations de salaires au mérite entre les cadres, elles rapportent qu’elles recourent davantage aux actions suivantes : la formation des cadres à la diérenciation de la performance (71 %), l’établissement d’objectifs de performance plus exigeants (62 %), la réduction ou l’élimination des augmentations de salaires pour les moins performants (54 %), l’utilisation d’une grille ou d’une matrice d’augmentations de salaires au mérite plus discriminante (34 %) (Hewitt & Associates, 2004).

Conclusion Les régimes de rémunération basée sur la performance individuelle sont adoptés très fréquemment en Amérique du Nord. Ce chapitre a traité de certaines avenues possibles pour mettre en œuvre ces régimes, soulignant leurs atouts et leurs limites. Nous avons aussi insisté sur l’importance de gérer et d’évaluer de façon ecace et équitable la performance des employés et décrit certaines pratiques possibles en la matière. Par ailleurs, si ce chapitre a porté sur la rémunération en fonction de la performance comme moyen de motiver et de récompenser les meilleurs employés, il faut se rappeler qu’il ne s’agit là que d’une forme de reconnaissance parmi d’autres. Les employés les plus performants peuvent

LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA

La création d’une culture de performance optimale et durable Par Étienne Boucher, CRHA, conseiller principal, Rémunération et performance, Normandin Beaudry Boni et mobilisation Par Ronny Aoun, CRHA, associé – rendement, rémunération et talent, Aon Hewitt La rémunération et le rendement Par Marie-Christine Piron, M.Sc., CRHA, Piron Ward Consultation en ressources humaines

407

408

CHAPITRE 8

et doivent être récompensés par bien d’autres moyens : par de simples gestes et paroles d’encouragement, des mandats prestigieux, des promotions, des prix de reconnaissance, des possibilités de développement, etc. Le chapitre 9 porte sur les régimes de rémunération de la performance collective de l’organisation ou d’un groupe, qui sont souvent jugés plus cohérents et bénéques lorsqu’on vise à promouvoir une culture de coopération.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Par quelles raisons une organisation peut-elle justier l’adoption d’un régime de rémunération variable, qu’il soit individuel ou collectif ?

2. Quels régimes de rémunération variable les dirigeants peuvent-ils implanter pour 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.

10.

récompenser la performance individuelle ? Quels avantages et inconvénients reconnaît-on à la formule du salaire au mérite pour les employés, d’une part, et pour les employeurs et les cadres, d’autre part ? Quels facteurs inuencent, positivement ou négativement, l’ecacité des régimes de rémunération au mérite ? Quels sont les avantages et les inconvénients présumés des primes ? Commentez-les. Décrivez les programmes de rémunération à la pièce sous divers angles : leur fréquence, leurs atouts, leurs limites, les réactions des syndicats, leurs conditions de succès. Quelles sont les caractéristiques d’un programme ociel de gestion de la performance ? Quelles sont les conditions de succès d’un tel programme dans un contexte de rémunération de la performance individuelle ? L’élaboration d’un programme ecace de gestion de la performance repose sur le diagnostic des problèmes et des besoins. À quels types de changements ce diagnostic peut-il conduire ? Pour chacun d’eux, donnez un exemple de problème. Quels sont les principaux modes de révision des cotes globales de performance ? Pour quelles raisons certaines entreprises recourent-elles à la révision de ces cotes ? Quel mode de révision une organisation préoccupée par le contrôle de sa masse salariale est-elle susceptible de privilégier ? En quoi les hauts performants et les hauts potentiels se distinguent-ils ? Quels sont les pièges à éviter par rapport à ces types d’employés ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. On entend souvent dire que le problème associé au programme de rémunération basée sur la performance individuelle est que les cadres risquent de perdre le contrôle de la situation. Qu’en pensez-vous ? 2. «Nous préconisons l’application pure et dure du rangement forcé, où les employés les moins performants sont invités à quitter l’entreprise. En agissant ainsi, nous leur rendons service, puisque ces employés seront certainement plus heureux ailleurs.» Commentez cet énoncé.

CHAPITRE

9

La rémunération de la performance collective

PLAN DU CHAPITRE

9.1 Les régimes collectifs de rémunération variable : la dénition et les critères de sélection 9.2 Les régimes collectifs de rémunération variable à court terme

9.3 Les régimes collectifs de rémunération variable à long terme 9.4 Les conditions de succès des régimes individuels ou collectifs de rémunération variable

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Traiter des avantages et des limites des régimes collectifs de rémunération variable par rapport aux régimes individuels et discuter des facteurs à considérer au moment de privilégier les uns plutôt que les autres. • Présenter les divers régimes collectifs de rémunération variable visant à reconnaître la performance organisationnelle à court terme. • Présenter les divers régimes collectifs de rémunération variable visant à reconnaître la performance organisationnelle à long terme. • Fournir une synthèse des conditions qui optimisent le succès des régimes individuels et collectifs de rémunération variable.

410

CHAPITRE 9

M I S E E N S I T U AT I O N

Le régime de rémunération variable adopté par la société Game+ Benoît Marchand est directeur des ressources humaines chez Game+, une entreprise œuvrant dans le secteur du développement et de la distribution de jeux vidéo. M. Marchand doit revoir sa stratégie de rémunération an de favoriser l’attraction, la mobilisation et la délisation d’un personnel qualié. La direction veut introduire un régime de rémunération variable qui va respecter la situation nancière de l’entreprise et inciter tous les employés à diriger leurs eorts vers ce qui apporte de la valeur à l’entreprise, et ce, tout en reconnaissant les contributions individuelles. Selon M. Marchand, il importe que les employés comprennent bien leur rôle au sein de

l’entreprise et qu’ils prennent leur part de responsabilité à l’égard des résultats. Aidé par une société de consultation, la direction décide que la prime annuelle versée aux employés sera calculée en fonction, premièrement, de l’atteinte d’un objectif de bénéce avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) xé annuellement par le conseil d’administration et, deuxièmement, de la performance individuelle mesurée par l’atteinte d’objectifs ou la démonstration de comportements ou de compétences clés. Ces deux critères sont réunis dans la formule de calcul de la prime individuelle annuelle suivante :

P = pondération accordée à la performance nancière et à la performance individuelle F = facteur de paiement pour la performance nancière I = facteur de paiement pour la performance individuelle

Selon ce régime, la prime cible est établie en fonction du marché et varie avec le groupe d’emploi. Par ailleurs, comme le contrôle de la performance organisationnelle varie selon la position occupée par l’employé, le poids (ou pondération, le P de la formule) accordé à chaque mesure de performance dans le calcul de la prime varie selon le niveau hiérarchique des employés :

An de respecter la capacité de payer de l’entreprise, on xe un déclencheur de l’entreprise, soit un seuil de 80 % du BAIIA réel par rapport au BAIIA visé. Au-delà de cette performance, plus cette dernière s’améliore, plus le facteur de paiement est élevé. En dénitive, des primes sont versées lorsqu’une performance nancière minimale est atteinte. Plus cette performance est élevée, plus elle est récompensée comme suit : BAAIIA* x 100 BAAIIA budgété

Étendue du facteur de paiement (F)

< 80 %

0,00 (min)

Performance nancière de l’organisation (BAIIA)

Performance individuelle

Cadres

75 %

25 %

80 %

0,50

Superviseurs

50 %

50 %

90 %

0,75

Professionnels

50 %

50 %

100 %

1,00

Personnel administratif

25 %

75 %

104 %

1,10

108 %

1,25

>110 %

1,50 (max)

Niveau hiérarchique de l’employé

* BAAIIA : Bénéce avant intérêts, impôts et amortissement.

La rémunération de la performance collective

En outre, plus la performance individuelle est élevée selon une échelle en cinq points, plus la prime est élevée selon les facteurs de paiement suivants : Niveau d’atteinte de la performance individuelle Non atteint

Facteur de paiement (IC)

Niveau hiérarchique

Prime cible Prime maximale (en pourcentage (en pourcentage du salaire) du salaire)

Cadres

25 %

37,5 %

1,00

Gestionnaires et superviseurs

15 %

22,5 %

1,25

Professionnels

10 %

15 %

Personnel administratif et service à la clientèle

5%

7,5 %

0,50

Complètement atteint Largement dépassé Dépassé au-delà de toute attente

Le régime prévoit aussi des octrois de primes cible et maximale, en pourcentage du salaire, qui varient selon les niveaux hiérarchiques des employés :

0,00 (min)

Partiellement atteint

1,50 (max)

Afin de mieux comprendre ce régime, voici le cas suivant. Une employée de niveau « professionnel » ayant un salaire annuel de 60 000 $ est admissible à une prime de 10 % (maximum de 15 %). Si l’entreprise a atteint un BAIIA réel/

411

budgété de 108 % (équivalent à un facteur de paiement de 1,25) et que l’employée a une cote globale du niveau de performance «dépassé au-delà de toute attente» (équivalent à un facteur de paiement de 1,5), le calcul de sa prime est le suivant :

Questions 1. Quels avantages et limites voyez-vous à l’établissement d’un déclencheur et d’une prime maximale dans le régime proposé, d’abord du point de vue de l’organisation, ensuite de celui des employés ?

2. Si vous étiez un employé très performant de cette entreprise qui, pour une année donnée, enregistrait une très mauvaise performance nancière, quel eet cela aurait-il sur votre prime ? Comment réagiriez-vous ?

Source : Cet exemple a été élaboré avec la collaboration de Stéphanie Parent, conseillère principale en rémunération chez Mercer, et sur la base d’un document PowerPoint intitulé «Programmes de rémunération variable», présenté par Marie-Andrée Dupuis et Stéphanie Parent lors d’un séminaire, HEC Montréal, 27 novembre 2009.

D

ans le chapitre 8, nous avons traité des diérents régimes de rémunération variable visant à reconnaître le rendement individuel. Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux régimes collectifs de rémunération variable, que l’on peut qualier de « non sélectifs » ou d’« élargis » parce qu’ils s’appliquent à la plus grande partie du personnel d’une unité d’aaires. Nous n’examinons donc pas les régimes de rémunération variable « sélectifs » que certaines organisations adoptent à l’intention exclusivement de leurs dirigeants ou d’une partie de leurs cadres, étant donné que de tels régimes ne reètent pas la philosophie véritable des régimes collectifs.

412

CHAPITRE 9

Après avoir présenté les avantages et les limites des régimes collectifs par rapport aux régimes individuels de rémunération et discuté les facteurs à prendre en considération an de choisir entre ces deux types de régimes, nous décrivons les diérents types de régimes collectifs basés sur la performance à court terme, soit la participation aux bénéces, le partage des gains de productivité, le partage du succès et les régimes de rémunération des équipes. Ensuite, nous examinons les régimes collectifs basés sur la performance à long terme, soit les régimes d’achat et d’octroi d’actions ainsi que les régimes d’options d’achat d’actions. Finalement, nous faisons une synthèse des conditions à respecter an d’optimiser le succès des régimes individuels et collectifs de rémunération variable.

9.1

Pour en savoir plus sur les régimes collectifs de rémunération variable

Les régimes collectifs de rémunération variable : la dénition et les critères de sélection

Il existe une grande variété de régimes collectifs de rémunération variable. On les distingue par la forme des récompenses accordées, comme les primes, les actions ou les options. Aux ns de ce chapitre, nous subdiviserons ces régimes en deux catégories : les régimes collectifs à court terme et les régimes collectifs à long terme. Les régimes collectifs à court terme prennent en considération le rendement annuel de l’organisation, d’une unité administrative ou d’un groupe. Ils comprennent les régimes de participation aux bénéfices, les régimes de partage des gains de productivité, les régimes de partage du succès, les régimes de primes des équipes de travail et les régimes mixtes de primes de rendement individuel et de performance collective. Quant aux régimes collectifs à long terme, ils tiennent compte de la performance à long terme des organisations. Cela inclut les régimes basés sur le rendement boursier (les régimes d’achat d’actions, les régimes d’octroi d’actions et les régimes d’options d’achat d’actions). Ils comprennent aussi les régimes basés sur le rendement comptable (les régimes de droit à la plus-value des actions, les régimes d’actions simulées, les régimes d’unités de rendement et les régimes de primes de rendement à long terme), dont nous traiterons succinctement dans le chapitre 11 lorsque nous aborderons la rémunération des dirigeants d’entreprise. Avant de présenter chacun de ces régimes collectifs de rémunération variable, nous verrons les avantages et les inconvénients potentiels qu’ils comportent. Après avoir exposé les atouts et les limites des régimes collectifs par rapport aux régimes individuels de rémunération variable, nous verrons les facteurs à prendre en compte an d’opérer un choix entre ces deux types de régimes.

9.1.1 Les avantages des régimes collectifs de rémunération variable L’adoption de régimes collectifs de rémunération variable par un nombre croissant de dirigeants canadiens ne résulte pas uniquement d’un phénomène d’imitation. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 8, de nombreux avantages sont attribués à ces régimes tant sur le plan économique que sur le plan humain. D’une part, l’étude de Gerhart et Trevor (1996) conrme que la présence de régimes de rémunération variable réduit le besoin de mettre à pied des employés lors de périodes diciles et de les réembaucher dès que les aaires s’améliorent. D’autre part, en période de prospérité, la rémunération variable permettrait de faire appel moins souvent à une hausse du prix des produits et des services pour compenser une hausse des coûts xes de la main-d’œuvre, la bonne fortune de l’organisation se traduisant par des primes plutôt que par des augmentations de salaires.

La rémunération de la performance collective

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On cite également comme avantage de ces régimes l’amélioration de la compétitivité dans le secteur d’activité et sur le marché de l’emploi. En eet, dans un monde changeant où les revenus des organisations uctuent beaucoup, les organisations sont de plus en plus nombreuses à adopter diérents types de rémunération variable leur permettant de mieux aligner leurs coûts de la main-d’œuvre sur leur capacité de payer (revenus). Ainsi, comme la rémunération qu’elles orent est plus exible et varie en fonction de leur performance, le recours aux licenciements est moins fréquent en période de difculté nancière (voir la rubrique « Une théorie d’intérêt »). En outre, les programmes de rémunération variable peuvent faciliter l’attraction et la délisation des employés clés, qui sont d’ailleurs les plus susceptibles d’assurer à une organisation un avantage concurrentiel durable.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie de l’absorption des chocs La théorie de l’absorption des chocs (shock absorber theory) de Weitzman (1987) est une théorie macroéconomique qui stipule que la participation aux bénéces s’avère une politique monétaire et scale importante permettant de contrôler l’ination et de réduire les eets négatifs des récessions sur le taux d’emploi. En réduisant le coût marginal du travail (la proportion des coûts xes de la rémunération), les organisations sont plus exibles et peuvent résister davantage à une baisse de la demande de produits et de services, mettre à pied moins d’employés lors des périodes diciles et investir plus dans les projets en capital (comme la recherche et développement) nécessaires à leur performance à long terme.

La mise en place de tels régimes de rémunération variable, puisqu’elle requiert de xer des attentes claires en termes de résultats et de moyens, favoriserait aussi la motivation et l’engagement des employés envers l’amélioration de leur performance et de celle de l’organisation et aurait des eets positifs sur le climat de travail. Finalement, l’adoption d’un régime de rémunération variable sert souvent de levier de communication, de rétroaction et de mobilisation. Ce faisant, l’organisation communique ce qui est important à son personnel, ce sur quoi elle exerce un suivi et donne une rétroaction. À ce jour, toutefois, l’ecacité des régimes collectifs de rémunération Des mythes persistants à contrer non sélectifs — des régimes à court terme et surtout des Il y a près de 20 ans, Jerey Pfeer, professeur à l’université régimes à long terme — a été très peu étudiée. Stanford, en Californie, signalait deux mythes persistants Le fait que le faible nombre d’études réalisées arrivent à contrer en matière de gestion de la rémunération. Selon en général à la même conclusion plutôt positive — en le premier mythe, on peut réduire les coûts de la mainadoptant des approches méthodologiques diérentes qui d’œuvre en diminuant les taux de salaires. Selon le second comportent des contraintes diérentes — peut, jusqu’à un mythe, de faibles coûts de la main-d’œuvre représentent certain point, être considéré comme un indicateur de la un important facteur de compétitivité à long terme. En réalité, c’est une véritable gestion de la rémunération du abilité de leurs conclusions. Cependant, la conrmation personnel — et non une réduction de la rémunération — de l’ecacité des régimes de rémunération variable doit qui aidera la direction des entreprises à faire que les être interprétée avec réserve en raison des diverses limites ressources humaines soient et restent un de leurs atouts méthodologiques que comportent les études. Notamment, concurrentiels. Après avoir revu les études sur le sujet, les études ne tiennent pas compte du fait que les régimes de Pfeer conclut que le recours à la rémunération variable — rémunération variable sont oerts aux dirigeants seulement notamment aux régimes collectifs — s’avère une caractérisou à l’ensemble du personnel et ne contrôlent pas les eets tique majeure qui distingue historiquement les organisations des autres variables (l’industrie, l’âge des régimes, etc.). De performantes des organisations non performantes. plus, on mesure rarement les eets directs de ces régimes sur des indicateurs objectifs de la performance nancière ni Source : Adapté de Pfeer (1998a).

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CHAPITRE 9

sur les attitudes et les comportements du personnel admissible. La plupart du temps, on demande plutôt aux dirigeants ou aux professionnels des ressources humaines leur avis à propos des eets de ces régimes sur divers indicateurs avec le biais de rationalisation que cela implique. Aussi, si des eets sont observés, dans bien des cas on ne vérie pas s’ils sont statistiquement signicatifs. Par ailleurs, on a peu recours à des études comparant les résultats avant et après l’adoption du régime, les résultats des organisations qui ont adopté ce régime ne sont pas comparés avec les résultats de celles qui n’ont pas de régime (groupe de contrôle) et l’ecacité à long terme des régimes est rarement étudiée. Finalement, une corrélation positive entre la présence de régimes collectifs et diverses mesures de performance n’explique en rien le sens de la causalité. Est-ce que les organisations réussissent mieux parce qu’elles ont adopté un régime de rémunération variable ou est-ce la réussite qui amène les organisations à considérer l’adoption de ces régimes ? Nous ne le savons pas. Il faut aussi souligner que les chercheurs sont généralement des universitaires ou des consultants participant à l’implantation des régimes, ou des personnes travaillant pour un organisme dont la mission est de promouvoir leur adoption. Ils croient donc aux vertus de ces régimes et, dans plusieurs cas, ont intérêt à ce que leur étude corrobore leurs croyances. Quoi qu’il en soit, on doit admettre qu’aucun régime collectif de rémunération variable n’est ecace en soi. L’ecacité de n’importe quel régime dépend évidemment de la manière dont il est géré. Voilà pourquoi nous décrirons à la n du chapitre les conditions de succès des régimes, tant individuels que collectifs, de rémunération variable.

9.1.2 Les limites des régimes collectifs de rémunération variable Étant donné les nombreux avantages qu’on attribue aux régimes collectifs de rémunération variable, pourquoi la plupart des dirigeants canadiens refusent-ils encore de les adopter à l’égard de la majeure partie de leur personnel ? Curieusement, on semble douter de leurs avantages et même craindre qu’ils ne produisent des eets contraires.

De possibles eets négatifs sur la performance, les comportements et les attitudes Les dirigeants d’entreprise hésiteraient à adopter un régime collectif de rémunération variable parce qu’ils ont peur que celui-ci ait un impact négatif sur les comportements et les attitudes des employés. Par exemple, beaucoup craignent qu’au l des ans les récompenses octroyées (les primes, les actions, les options d’achat d’actions, etc.) en viennent à être perçues par les employés comme un salaire déguisé, des avantages sociaux supplémentaires ou un droit acquis sans rapport avec la performance de l’organisation. Ce risque serait plus élevé pour les organisations dont la politique est d’orir des salaires inférieurs à ceux du marché. Ainsi, des dirigeants peuvent trouver dicile de réduire, pendant les mauvaises années, les primes versées en vertu d’un régime collectif de rémunération variable parce que cela nuit au moral du personnel. Une étude menée auprès de présidents d’entreprises canadiennes montre que les deux inconvénients les plus cités à l’égard d’un régime de participation aux bénéces sont le mécontentement des employés lorsque les bénéces diminuent et l’inquiétude associée au fait que les employés en viendraient, selon eux, à tenir leurs primes pour acquises (Long, 1997). Il existe également un certain scepticisme touchant les régimes collectifs de rémunération variable parce qu’on estime dicile pour les employés de percevoir des liens étroits entre leur rendement individuel, la performance de leur organisation et la récompense qu’ils reçoivent. Pourtant, les régimes collectifs s’appuient sur la prémisse que les employés, par leurs eorts combinés, sont capables d’inuencer des mesures de performance de

La rémunération de la performance collective

l’entreprise comme les bénéces, la productivité, la réalisation d’objectifs d’aaires ou la valeur des actions. Étant donné que de tels régimes collectifs ne tiennent pas compte du rendement individuel des employés, ils sont souvent qualiés de régimes d’intéressement plutôt que de régimes d’incitation, car il est ardu pour les employés admissibles d’établir un lien entre leurs eorts individuels et une mesure de la performance collective (par exemple, les bénéces, la productivité ou la valeur des actions). En pratique, on sait que plusieurs facteurs, indépendants de la volonté des employés, inuent sur l’amélioration de ces indicateurs de la performance organisationnelle. Pensons, par exemple, à la situation économique, aux coûts des matières premières ou à la venue d’un nouveau concurrent. Dans certaines situations, les régimes collectifs risqueraient même de frustrer les employés au lieu de les motiver à se surpasser. Il en serait ainsi pour les employés dont le travail a relativement peu d’impact sur le succès de l’organisation, comme ceux des entreprises dont les aaires sont cycliques et uctuent avec les pressions de la concurrence, ou ceux des entreprises utilisatrices de gros capitaux qui ne contrôlent aucunement les coûts des matières premières. D’autre part, certaines organisations ne peuvent accorder une rétribution susante pour motiver les employés ; le faible montant des primes versées est de nature à engendrer de l’insatisfaction ou à provoquer des railleries. C’est le cas pour les organisations dont la marge nancière est restreinte en raison de l’importance de leur eectif, de celles dont les frais variables sont élevés par rapport aux frais xes ou de celles dont les résultats étaient déjà très bons avant l’adoption d’un régime collectif.

De possibles eets négatifs sur le climat organisationnel L’organisation peut également résister à l’implantation d’un régime collectif de rémunération variable vu le caractère peu rassurant et imprévisible des récompenses : leur valeur étant censée varier en fonction de la performance de l’organisation, les récompenses seront inexistantes ou réduites lors de périodes diciles. Cette imprévisibilité des récompenses implique évidemment un certain risque pour les employés ayant un faible salaire et contribuerait à expliquer pourquoi les syndicats se sont traditionnellement montrés réticents à l’adoption de ces régimes. Historiquement, on parle aussi du problème des employés paresseux (free riders ou social loang) qui réduisent leurs eorts personnels au travail parce qu’ils ne perçoivent pas que cela change la récompense collective et parce qu’ils savent qu’ils proteront des eorts de leurs collègues (Albanese et Van Fleet, 1985 ; Earley, 1989). La conception ou la gestion de ces régimes risquent aussi d’accroître les conits avec le personnel. Ainsi, une dénition trop large ou trop étroite des paramètres du régime (la formule de primes, les critères d’admissibilité, etc.) ou de la manière dont les primes sont calculées et partagées peut susciter des récriminations. Tous les indicateurs de la performance organisationnelle sont imparfaits, diciles à dénir et à calculer, et le choix des indicateurs peut faire suite à des manipulations et paraître suspect aux yeux du personnel. Par ailleurs, si l’on accorde le même montant de prime à tous les employés d’une organisation, cela pourra sembler injuste aux yeux des employés les plus performants. Et si l’on accorde la même prime de participation aux bénéces au personnel de toutes les unités d’aaires d’une organisation, cela pourra sembler injuste pour les employés qui travaillent au sein des unités administratives contribuant le plus à la réussite de l’organisation. De même, certains régimes collectifs sont administrés d’une manière susceptible de creuser le fossé entre les cadres et les employés. Cette situation peut se produire lorsque des dirigeants se réservent le privilège d’accorder ou non des primes à la n de l’année, sans se fonder sur des critères explicites préétablis. Cela rappelle alors aux employés qu’ils dépendent de la générosité de la direction. Cette situation risque également de survenir

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CHAPITRE 9

lorsque les primes sont calculées au prorata des salaires de base, les dirigeants recevant alors plus que les employés. Une étude montre que les employés considèrent que les cadres et les dirigeants de leur organisation retirent plus d’avantages qu’eux d’un régime de participation aux bénéces (Poole et Jenkins, 1988). En outre, le mode et les conditions de versement de certains régimes collectifs sont tels qu’ils motivent peu les employés à se dépasser. Certaines organisations accordent les primes versées en vertu d’un régime collectif de rémunération variable à court terme (par exemple, un régime de participation aux bénéces ou un régime de partage des gains de productivité) sous forme d’actions plutôt qu’en argent (on parle alors d’une forme d’actionnariat). D’autres organisations incitent leurs employés à acheter des actions de l’entreprise avec le montant des primes qu’ils reçoivent. D’autres encore exigent que les employés consacrent une proportion de leur salaire à l’achat d’actions de l’entreprise pour avoir droit à la prime de participation aux bénéces. De tels régimes ont alors pour eet d’inciter les employés à épargner, à conserver leur emploi ou à prendre des risques en mettant trop d’œufs dans le panier de leur employeur.

Le risque d’entraîner des coûts de gestion excédant les gains de productivité Plus les employés sont admissibles à des régimes de rémunération différents, plus l’employeur a de la diculté à estimer et à gérer leur rémunération tout autant qu’à la leur expliquer. Pour optimiser les retombées des régimes de rémunération, quels qu’ils soient, il faut accorder beaucoup de temps, d’argent et d’expertise à la gestion d’un régime, notamment à la communication de l’information s’y rapportant et à la formation des employés et des cadres à leur égard. Une étude montre que les employés admissibles à un régime collectif de rémunération variable gagnent en moyenne 20 % de plus que leurs homologues payés selon un taux horaire (Mitchell et al., 1990). De nombreux dirigeants d’entreprise craignent que les récompenses octroyées en vertu de ces régimes collectifs (primes, actions, etc.) ne constituent qu’une dépense supplémentaire en plus des salaires sans apporter susamment de valeur ajoutée. Traditionnellement, les syndicats ont résisté à l’adoption de régimes collectifs de rémunération variable entre autres parce qu’ils croient que l’augmentation de la productivité qui en résultera est susceptible d’entraîner la suppression de postes et des mises à pied.

9.1.3 Le choix d’un régime collectif ou individuel de rémunération variable En plus des avantages attendus de tout régime de rémunération variable, on peut préférer un régime collectif plutôt qu’un régime individuel de rémunération variable ou encore juger qu’un régime collectif a tous les atouts pour compléter adéquatement le régime individuel en place. En eet, si on les compare avec les régimes basés sur le rendement individuel, les régimes collectifs conviendraient davantage au nombre croissant de contextes de travail où les emplois sont interdépendants ou font l’objet d’eorts conjugués exigeant la coopération et le travail d’équipe (voir le tableau 9.1). Ils poseraient moins de problèmes en ce qui a trait à la mesure du rendement, puisque aucune distinction individuelle n’est requise. Ils seraient plus exibles que les régimes de rémunération au mérite, car les primes qu’ils versent ne modient pas le salaire de base. Enn, ils contribueraient davantage à unier les intérêts des employés, des cadres et des dirigeants en permettant à tous de participer au succès de l’organisation. En somme, on estime que l’évaluation et la rémunération du rendement individuel peuvent être incohérentes par rapport aux nouveaux modes de gestion (par exemple, la qualité totale ou l’équipe de travail), aux nouvelles valeurs et aux

La rémunération de la performance collective

TABLEAU 9.1

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Les critères permettant de choisir un régime individuel ou un régime collectif de rémunération variable Régime individuel

Régime collectif

• Des mesures appropriées du rendement individuel

• Le rendement individuel des titulaires des emplois est dicile à

des titulaires des emplois sont disponibles, repérables et stables. • Les titulaires des emplois sont autonomes et l’accomplissement de leurs activités est peu dépendant des autres. • La coopération entre employés n’est pas primordiale. • La compétition entre employés peut avoir de sains eets sur la performance organisationnelle. • La culture, les valeurs et le succès de l’organisation reposent davantage sur les réalisations individuelles. • Le rendement varie substantiellement du titulaire d’un emploi à l’autre. • Les employés ne sont pas syndiqués. • Les titulaires représentent un atout concurrentiel pour l’organisation ; la performance organisationnelle est davantage fonction des eorts individuels que des facteurs systémiques (comme l’organisation du travail ou la technologie). • Les cadres ont les compétences et la motivation nécessaires pour évaluer et gérer le rendement de leurs employés.

déterminer et à mesurer parce que les résultats sont le fruit des eorts collectifs ou que les méthodes et les critères d’exécution du travail changent souvent. • Les titulaires n’exercent pas leurs fonctions de façon autonome et la réalisation des résultats dépend des relations entre les employés. • La coopération entre employés est primordiale. • La compétition entre employés nuit à la performance organisationnelle. • La culture et les valeurs de l’organisation appuient l’engagement envers la réalisation de résultats d’aaires qui sont communiqués aux employés. • Le rendement varie peu du titulaire d’un emploi à l’autre. • Que les employés soient syndiqués ou non, le régime visé valorise la cohésion et l’égalité parmi le personnel de base. • Les titulaires représentent un atout concurrentiel pour l’organisation ; la performance organisationnelle est davantage fonction des eorts collectifs et des facteurs systémiques (comme l’organisation du travail ou la technologie). • Les cadres n’ont pas les compétences ou la motivation nécessaires pour évaluer et gérer le rendement de leurs employés.

nouvelles exigences du contexte d’aaires qui nécessitent un climat de participation, de collaboration et d’intéressement aux résultats des aaires. En outre, comparativement aux régimes individuels de rémunération variable, les régimes collectifs ont l’inconvénient de réduire l’importance du lien entre l’eort individuel et la réalisation du rendement attendu (quant aux prots, aux gains de productivité, à la valeur des actions, etc.), qui constitue un préalable à la motivation de l’employé à améliorer son rendement. La gure 9.1 révèle qu’au Canada les employés sont plus fréquemment admissibles aux régimes individuels (62 %) qu’à tout autre régime de rémunération variable. L’admissibilité FIGURE 9.1

Les taux d’admissibilité des employés canadiens à diérents types de régimes de rémunération variable

Source : Cloutier et al. (2010, p. 33).

418

CHAPITRE 9

des employés canadiens aux primes d’équipe s’élève à 33 %, aux régimes de participation aux bénéces, à 29 % et aux régimes d’actionnariat, à 20 %.

9.2

Les régimes collectifs de rémunération variable à court terme

Les principaux types de régimes collectifs de rémunération variable à court terme sont les suivants : les régimes de participation aux bénéces, les régimes de partage des gains de productivité, les régimes de partage du succès et les régimes de rémunération des équipes. Selon une enquête du Conference Board du Canada, la popularité des régimes collectifs incitatifs à court terme est la suivante (Stewart et Lamontagne, 2013) : les primes (95 %), la participation aux bénéces (12 %), les primes d’équipe (7 %) et le partage des gains (6 %) ; certaines organisations possèdent plus d’un régime. Notons que cette enquête mesurait la présence de toutes les incitations à court terme, et donc de toutes les primes en fonction du rendement individuel ou collectif. Autrement dit, 83 % des organisations gèrent au moins un de ces régimes pour au moins une catégorie de leur personnel, ce taux étant plus élevé dans le secteur privé (92 %) que dans le secteur public (58 %). En moyenne, les organisations y investissent un budget équivalent à près de 12 % de leur masse salariale. Près de 70 % des organisations ayant un tel régime d’incitations à court terme lient celui-ci à la gestion du rendement individuel. Une autre étude menée au Québec auprès des organisations comptant plus de 200 employés indique que parmi celles qui gèrent au moins un régime collectif, il s’agit dans 32 % des cas d’un régime de participation aux bénéces, dans 7 % des cas d’un régime de partage des gains de productivité et dans 4 % des cas d’un régime de primes d’équipe (Institut de la statistique du Québec, 2011). Toutefois, 40 % des organisations gèrent un régime hybride tenant compte à la fois du rendement organisationnel et du rendement individuel. Une enquête montre que les pourcentages de primes cibles versés aux employés augmentent avec les niveaux hiérarchiques comme suit (Mercer, 2011b) : les paraprofessionnels (5 % à 10 %), les professionnels (5 % à 15 %), les gestionnaires (10 % à 20 %) et les cadres (30 % à 45 %). Pour établir les pourcentages de primes cibles des classes d’emplois ou des niveaux hiérarchiques, les dirigeants tiennent aussi compte de leur stratégie de rémunération et des pratiques sur le marché ou dans l’industrie. Par ailleurs, pour des personnes de même niveau hiérarchique, les pourcentages de primes cibles varient selon le secteur d’activité, la taille et la localisation de l’organisation. Cependant, il faut se rappeler que l’implantation d’un type particulier de régime collectif n’est pas uniforme d’une entreprise à l’autre, de nombreuses décisions étant inhérentes à l’adoption du régime (les catégories d’employés admissibles, la formule de partage des primes, les formes des primes, etc.). Chaque organisation a d’ailleurs intérêt à adapter son régime collectif à ses propres besoins. La gure 9.2 synthétise les principaux facteurs de l’environnement et de l’organisation pouvant inuencer les caractéristiques d’un régime collectif de rémunération variable qu’une organisation peut adopter. Selon une étude réalisée au Québec, l’adoption des régimes collectifs de rémunération variable est plus fréquente dans le secteur privé, dans les organisations où il n’y a pas de syndicat, dans les plus grandes entreprises (à l’exception des régimes d’équipe qui sont

La rémunération de la performance collective

FIGURE 9.2

Les facteurs à considérer dans le choix des régimes collectifs de rémunération variable à court terme

Source : Traduit de Miceli et Heneman (2000, p. 292).

plus répandus dans les petites entreprises) et dans les organisations ayant une stratégie d’innovation ou de réduction de coûts ainsi qu’une culture de gestion orientée vers les résultats (St-Onge et al., 2009). Par ailleurs, la présentation successive des diérents types de régimes collectifs de rémunération variable à court terme et à long terme peut laisser croire à tort que, dans la pratique, les régimes se distinguent de façon aussi nette. Dans les faits, les dirigeants ont la possibilité d’adopter un régime collectif qui verse des primes en fonction d’un ou de plusieurs indicateurs de la performance organisationnelle, selon une combinaison de

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420

CHAPITRE 9

Pour en savoir plus sur les comparaisons entre les régimes collectifs de rémunération variable, consulter le tableau 9.1W.

leur choix qui est susceptible d’évoluer. Par exemple, une organisation peut choisir un régime qui octroie des primes en fonction des bénéces seulement, un régime qui tient compte des bénéces et de la réalisation d’un objectif de réduction de l’absentéisme — soit un régime mixte de participation aux bénéces et de partage du succès —, un régime qui considère à la fois la productivité et le nombre d’accidents du travail. Les possibilités sont multiples. Certains auteurs et de nombreuses enquêtes présentent les régimes collectifs de rémunération variable sans leur accoler de titre ou de nom, mais en se fondant plutôt sur des indicateurs de la performance organisationnelle (comme les bénéces, la productivité, les accidents du travail, la satisfaction des clients, la valeur de l’action, l’absentéisme ou la réduction des coûts) qui sont pris en compte dans le calcul des récompenses versées aux employés. À des ns pédagogiques, nous conservons dans cet ouvrage l’approche traditionnelle de classication des régimes collectifs de rémunération variable. Toutefois, il faut retenir que la variété des régimes collectifs est plus grande et nuancée que ne le laisse entendre cette classication.

9.2.1 Les régimes de participation aux bénéces Les régimes de participation aux bénéces sont les régimes collectifs les plus anciens et ils restent, encore aujourd’hui, les plus répandus, surtout parce que le bénéce constitue un indicateur de la performance organisationnelle important, facile à communiquer aux employés et mesurable aussi bien dans l’organisation entière que dans ses divisions.

La dénition, la fréquence d’adoption et l’ecacité

Pour en savoir plus sur les régimes de participation aux bénéces aux États-Unis

Les régimes de participation aux bénéces comprennent tous les régimes contractuels dans lesquels une portion des bénéces de l’organisation entière ou d’une unité d’aaires est partagée entre tous les employés ou une catégorie d’employés et versée en plus de leur salaire, immédiatement ou de manière diérée. Au Canada, de nombreux régimes de participation aux bénéces sont de type sélectif, c’est-à-dire qu’ils ne s’adressent qu’aux cadres supérieurs. De fait, des 12 % des entreprises qui gèrent de tels régimes qui s’étendent à la majorité du personnel, la plupart sont à paiement comptant et immédiat, les primes étant versées de une à quatre fois par année. Aux ÉtatsUnis, une enquête de Hewitt & Associates (2010b) montre que les régimes de participation aux bénéces sont adoptés dans une proportion semblable, soit par 15 % des entreprises. Au Canada, la majorité des régimes sont à versement immédiat en argent, le paiement se faisant plus généralement sous la forme d’une prime (un montant forfaitaire). Très souvent, les employés reçoivent automatiquement un pourcentage préétabli des bénéces ou des bénéces au-dessus d’un certain seuil. Aussi, le budget total de primes peut être réparti entre les employés en fonction de divers critères tels que leur salaire ou leur classe salariale, leur rendement individuel, leur ancienneté ou une combinaison de ces critères. Les autres régimes sont à versement diéré et seulement 5 % des régimes versent une partie de la prime immédiatement et l’autre partie, de manière diérée (Long, 2010). Par ailleurs, 2 % des entreprises qui implantent un tel régime octroient les primes à la fois sous forme pécuniaire et sous forme d’actions et 1 %, sous forme d’actions seulement (Long, 2010). Étant donné que les régimes de participation aux bénéces à versement immédiat ou en espèces sont plus fréquents, ce chapitre insistera davantage sur ces derniers. Toutefois, nous invitons les lecteurs à consulter d’autres sources pour en savoir plus sur les régimes de participation diérée aux bénéces ou sur les régimes enregistrés de pensions avec participation aux bénéces qui agissent comme des régimes de retraite et sont diérents quant au moment du versement de la rémunération et de la retenue des impôts connexes (voir la rubrique « Regard sur la pratique »).

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REGARD SUR LA PRATIQUE Les régimes de participation diérée aux bénéces Un régime de participation diérée aux bénéces (RPDB) est une entente par laquelle l’employeur s’engage à verser des cotisations déductibles d’impôt au régime. Comme dans un REÉR, les cotisations ainsi que les revenus de placements s’accumulent à l’abri de l’impôt pour le compte du participant. Les formules de cotisation peuvent être un montant xe par employé, un pourcentage du salaire de l’employé ou un montant variable selon un pourcentage des prots. Dans ce dernier cas, pour une année où il n’y a pas de prots, aucune cotisation ne sera versée. La contribution maximale de l’employeur est de 9 % du revenu actuel du

participant au régime avec un maximum tel que prescrit par l’Agence du revenu du Canada. Le montant maximum pour 2013 est de 12 135 $. Ces contributions sont versées à un duciaire qui les détient et investit les cotisations pour les salariés. Le duciaire est généralement une société de ducie canadienne, qui facturera des frais à l’employeur pour la gestion du régime. L’une des diérences majeures entre les RPDB et les régimes de pension agréés est qu’au moment de la retraite il est possible de retirer d’un seul coup toutes les sommes accumulées. Certaines personnes considèrent que cette souplesse est un avantage important du RPDB.

Source : Extrait de BFL Canada (2013).

Comme les régimes de participation aux bénéces sont implantés depuis plus longtemps que les autres régimes collectifs de rémunération variable, ils ont fait l’objet d’un plus grand nombre d’études1. Notons toutefois que la majorité des chercheurs se sont intéressés à leurs eets perçus en interrogeant les employés, les supérieurs hiérarchiques et les dirigeants au moyen de questionnaires ou d’entrevues (par exemple, Long, 1997, 2000 ; Broderick et Mitchell, 1987) et très peu ont examiné leurs incidences sur les indicateurs dits « objectifs » des comportements des employés (le taux d’absentéisme, le taux de rotation, etc.) ou de la performance des organisations (la valeur ou le taux de croissance des ventes, les bénéces, les revenus, les actions, divers ratios comptables, etc.) (voir l’étude de Magnan et St-Onge, 2005b). Globalement, et malgré les limites méthodologiques des études menées, les résultats semblent conrmer un eet positif de la participation aux bénéces. Finalement, quand on compare les régimes de participation aux bénéces avec les autres régimes collectifs, on constate que les professionnels des ressources humaines déclarent préférer la participation aux bénéces au partage des gains de productivité et à l’actionnariat comme moyen d’accroître la productivité et la loyauté des employés (Broderick et Mitchell, 1987). Après un examen des résultats de recherches portant sur l’ecacité de divers régimes collectifs, Weitzman et Kruse (1990) concluent que la participation aux bénéces a un eet positif plus important sur la performance organisationnelle que la participation à la propriété.

Les caractéristiques particulières Une comparaison entre les régimes de participation aux bénéces et les autres régimes collectifs de rémunération variable à court terme permet de dégager certaines de leurs particularités. Les régimes de participation aux bénéces sont mis en place plus fréquemment et peuvent être proposés aux employés d’une organisation. Ils versent des primes lorsque l’organisation peut se le permettre, c’est-à-dire lorsqu’elle fait des bénéces. Ces primes dépendent de l’augmentation des bénéces et sont versées sous forme d’un montant (forfaitaire ou diéré) accordé une fois par année aux employés admissibles. Ces régimes s’intéressent aux bénéces, c’est-à-dire à un indicateur majeur de la performance organisationnelle simple et facile à communiquer aux employés et mesurable aussi bien dans l’ensemble de l’organisation que dans ses divisions. Orientés sur les bénéces, ces 1. Voir les revues de Cable et Wilson (1990), Commeiras et al (2000), Jones et al. (1997), Kruse (1993), Poole et Jenkins (1991), St-Onge (1994), Weitzman et Kruse (1990).

Pour en savoir plus sur les régimes de participation diérée aux bénéces

422

CHAPITRE 9

LE COIN DE LA LOI

L’obligation de la participation aux bénéces en France

Depuis novembre 1990, en France, toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent constituer une Réserve spéciale de participation (RSP) aux bénéces sur la base d’une formule de calcul particulière qui peut être modiée selon certaines balises. L’ensemble du personnel de l’entreprise (sauf si l’on exige une durée minimale d’ancienneté de trois mois) bénécie de la participation aux bénéces, la répartition se faisant proportionnellement au salaire ou à la durée de présence (ces deux critères pouvant être utilisés conjointement) en tenant compte de plafonds. La prime de participation est bloquée pendant cinq ans. Toutefois, le législateur prévoit des déblocages anticipés dans des cas précis, tels que les suivants :

mariage du bénéciaire ou PACS* ; naissance ou adoption du troisième enfant ; divorce du bénéciaire ou dissolution du PACS s’il conserve la garde d’au moins un enfant ; invalidité du bénéciaire, de son conjoint ou du «pacsé» ; cessation du contrat de travail ; création ou reprise d’une entreprise par le bénéciaire, ses enfants, son conjoint ou le pacsé ; acquisition ou agrandissement de la résidence principale ; surendettement du salarié. Les salariés peuvent verser leur prime de participation sur un Plan d’épargne d’entreprise (PEE) ou sur un compte courant bloqué rémunéré. Ce dispositif d’épargne salariale est accompagné d’avantages scaux et sociaux pour l’entreprise et pour le salarié.

* Pacte civil de solidarité (PACS), une forme d’union civile en France. Source : Adapté de St-Onge et al. (2007, p. 355).

régimes mettent l’accent sur l’amélioration de la productivité totale, en ce sens qu’ils visent la réduction de divers coûts de la main-d’œuvre, des matières premières, de l’énergie, des capitaux, etc. Aussi, ils peuvent prendre en considération les bénéces à diérents niveaux de l’organisation, soit l’unité d’aaires, la division ou l’organisation entière. Si on les compare avec les autres régimes collectifs de rémunération variable, les régimes de participation aux bénéces tendent à engendrer un calcul des primes, une communication et une gestion moins complexes et coûteux. Par contre, ils permettent plus dicilement aux employés de percevoir un lien étroit entre leurs eorts et les bénéces de l’entreprise, les bénéces étant soumis à une multitude de facteurs que les employés maîtrisent peu. Du coup, les versements risquent d’être perçus comme un droit acquis. Aussi, les employés peuvent amener les dirigeants à verser des primes en comprimant des dépenses nécessaires à la croissance ou à la survie de l’organisation, comme les immobilisations ou l’investissement en R&D. Pour pallier cette limite, certaines organisations rendent l’octroi de primes aux employés conditionnel à l’atteinte d’un seuil préétabli d’atteinte de bénéces appelé un « déclencheur » (threshold). Si ce seuil n’est pas atteint, aucune prime ne sera versée au personnel. Au-delà d’un tel seuil, certaines organisations rendent le montant des primes versées fonction d’un facteur de paiement. Par exemple, prenons le cas des facteurs de paiement selon l’atteinte de résultats nanciers tels que présenté dans le tableau 9.2. TABLEAU 9.2

Un exemple des conditions d’octroi de primes selon le BAIIA

BAIIA* réel × 100 BAIIA budgété

Facteur de paiement de la prime

Inférieur à 80 %

0,00

Entre 80 % et 100 %

0,70

100 %

1,00

Entre 100 % et 110 %

1,20

Supérieur à 110 %

1,50

* BAIIA : bénéce avant intérêts, impôts et amortissement.

La rémunération de la performance collective

423

Selon ce déclencheur et ces facteurs ou fonctions de paiement, disons qu’un cadre, dont le salaire est de 50 000 $, est admissible à une prime cible de 10 % avec une prime maximale de 15 %. Si la performance nancière de l’organisation a été supérieure aux attentes, soit de 105 %, correspondant à un facteur de paiement de 1,20, le cadre aura droit à la prime totale suivante : 50 000 $ (salaire de base) × 10 % (prime cible) × 1,20 (facteur de paiement) = 6 000 $. Cette prime de 6 000 $ lui sera versée étant donné qu’elle correspond à un pourcentage de 12 %, lequel est inférieur au pourcentage maximal de 15 %. La mise en situation en début de chapitre propose un autre régime collectif semblable. Quant aux contextes d’implantation, les régimes de participation aux bénéces ne peuvent pas être mis en œuvre dans des entreprises qui ne réalisent pas de bénéces (le secteur public et les organismes sans but lucratif ). Ils conviennent toutefois aux entreprises du secteur privé de diérentes tailles, de tout âge, de diérentes industries et ayant diverses cultures de gestion (une culture participative ou autre).

REGARD SUR LA PRATIQUE La participation aux bénéces aux Industries Amisco (à L’Islet, au Québec) Dans cette entreprise, certains éléments du régime sont proposés par l’employeur et d’autres sont négociés. Ainsi, l’annexe G de la convention collective des 300 syndiqués qui expirait en 2007, intitulée «Régime d’intéressement», décrivait le mode de calcul des bénéces et de la prime versée aux employés comme suit : 1) on retient le bénéce net (après

impôt) auquel on ajoute la dépense d’amortissement ; 2) de ce montant, on soustrait le résultat du nombre d’actions en circulation au 30 novembre multiplié par 0,20 $ ; et 3) le résultat est alors multiplié par 16 % de façon à déterminer le montant à partager entre les salariés de l’unité de négociation, montant qui ne peut pas être inférieur à 4 % du bénéce après impôt.

Source : Extrait de Ministère du Travail (2013a).

9.2.2 Les régimes de partage des gains de productivité Les premiers régimes de partage des gains de productivité ont été implantés durant la Grande Dépression (1929-1940). Suivant ces régimes, on ne demande pas aux employés de déployer plus d’eorts au travail, mais de penser à des façons plus ecaces d’eectuer leurs tâches et d’en faire la recommandation. Aujourd’hui, les organisations qui instaurent de tels régimes sont préoccupées par l’amélioration de leur productivité, par un meilleur contrôle de leurs coûts ou par la promotion d’une nouvelle culture de gestion axée sur la participation et le travail d’équipe.

La dénition, la fréquence d’adoption et l’ecacité Les régimes de partage des gains de productivité visent à reconnaître les employés pour l’augmentation de la productivité, l’amélioration de la qualité ou la réduction des coûts mesurée au niveau d’un groupe, d’une unité ou de l’organisation. On leur accorde alors des primes, souvent versées sur une base régulière (mensuelle, trimestrielle, semestrielle) ou annuelle, calculées à l’aide d’une formule préétablie2. Ces régimes collectifs ont été les premiers à compter sur la participation des employés comme source d’amélioration des résultats de l’organisation.

2. Les lecteurs qui s’intéressent à ce type de régimes peuvent consulter les références suivantes : National Center for Employee Ownership (2004) et Masternak (2003).

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CHAPITRE 9

La plupart des enquêtes montrent que les régimes de partage des gains de productivité traditionnels sont implantés dans 10 % des entreprises (Hewitt & Associates, 2010b). Ils sont surtout observés dans le secteur industriel et dans le secteur des services, plus souvent au sein de grandes entreprises, et ils visent avant tout à augmenter la productivité, à améliorer la qualité et à réduire les coûts. Ils s’adressent principalement aux employés des échelons inférieurs (par exemple, le personnel syndiqué, le personnel de bureau, le personnel à taux horaire), auxquels on accorde une certaine autonomie (le personnel de direction est exclu). Par ailleurs, le partage des gains de productivité est aussi fréquent, voire plus fréquent, dans les entreprises où un syndicat est présent que dans celles où il n’y a pas de syndicat (Eaton et Voos, 1993 ; Globerson et Parsons, 1988 ; Kaufman, 1992). À ce jour, les recherches conrment que les régimes de partage des gains de productivité ont un eet positif sur la productivité, la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et la réduction des produits défectueux, tout autant que sur les attitudes et les comportements du personnel mesurés par des indicateurs comme les grèves, la rotation, l’absentéisme et le climat de conance3. L’ecacité du partage des gains de productivité dans la fonction publique semble aussi conrmée (Bowie-McCoy et al., 1993 ; Dulworth et Usilaner, 1987 ; Na et Pomerleau, 1988).

REGARD SUR LA PRATIQUE Le programme Participation annuelle à la réduction des coûts (PARC) de la Compagnie minière Québec Cartier Incorporé à la convention collective 2005-2011, le programme PARC vise «la poursuite de la réduction des coûts des opérations sur une base continue et à partager avec les employés admissibles une partie des économies réalisées». Les projets admissibles doivent générer des économies de plus de 10 000 $. Ces derniers font l’objet d’une analyse quant à leur faisabilité, à leur rentabilité et à leurs coûts menée par un groupe d’experts et évaluée par un comité

paritaire avec la possibilité d’un audit externe. Le programme PARC a donné lieu à de très nombreux projets ayant permis de réduire les heures de travail, les temps d’arrêt, etc., sur lesquels le syndicat a pu intervenir. De plus, ce programme permet d’améliorer le sentiment d’appartenance et l’eort commun, tout en orant une occasion de participer au progrès de l’organisation du travail.

Source : Extrait de Ministère du Travail (2013b).

Les types de régimes de partage des gains de productivité En 1937, un représentant syndical, Joseph Scanlon, a élaboré un régime basé sur la participation et les suggestions du personnel de production pour réduire les coûts de l’usine de fabrication d’acier où il travaillait (Gardner, 2011). Aujourd’hui, on classe généralement les régimes de partage des gains de productivité en trois catégories : le régime Scanlon, qui date des années 1930, le régime Rucker, conçu dans les années 1940 et le régime Improshare, qui remonte aux années 1970 (Schuster, 2013). Toutefois, en pratique, la variété des régimes est très grande parce qu’il y a de nombreuses possibilités d’applications, dès qu’on modie une caractéristique d’un régime pour adapter celui-ci au contexte d’une organisation, on crée un régime diérent. Globalement, les régimes Scanlon et Rucker reposent sur une philosophie de gestion participative et ils peuvent être accompagnés d’un programme formel de suggestions. Ces régimes, et plus particulièrement le régime Scanlon, se trouvent davantage dans les 3. Voir, par exemple, Beck (1992), Belcher (1991), Bullock et Tubbs (1990), Goodman et al. (1972), Gowen (1990), Graham-Moore et Ross (1991), Gross et Duncan (1998), Hatcher et Ross (1989), McGrath (1993), Schuster (1983), Welbourne et Gomez-Mejia (1995), White et Ruth (1973).

La rémunération de la performance collective

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entreprises manufacturières. Le régime Improshare n’exige pas de culture de participation et se révèle le régime de partage des gains de productivité le plus courant.

Le régime Scanlon

L’objectif du régime Scanlon est d’accroître l’ecacité d’un établissement en réduisant les coûts de la main-d’œuvre et en partageant les gains. Ce régime comporte deux caractéristiques de base : la participation des employés et le partage des gains de productivité entre l’employeur et les employés sous la forme de primes égales versées à tous les employés. Ce régime est considéré comme plus ecace qu’un simple régime de suggestions. Eectivement, en vertu de ce régime, on s’attend à ce que les suggestions des employés soient plus nombreuses, de meilleure qualité, plus précises et davantage acceptées et implantées en raison du mode de fonctionnement des comités, dont les membres doivent rencontrer les employés pour leur expliquer les raisons du rejet d’une suggestion. Par ailleurs, alors qu’un régime de suggestions accorde des sommes d’argent généralement peu élevées aux employés qui ont formulé des suggestions, un régime Scanlon estime les gains à leur juste valeur et les distribue à tous les employés. L’encadré 9.1 présente les grandes étapes de l’élaboration d’un régime Scanlon : la création de comités de production et de sélection, la détermination d’une base historique des coûts de production (salaires) et l’établissement d’une formule de primes.

Le régime Rucker Le régime Rucker repose aussi sur une philosophie de gestion participative, mais il mesure la productivité de manière plus complexe. En eet, la valeur des ventes de la production y est remplacée par la valeur ajoutée de la production, an de

ENCADRÉ 9.1

Les trois étapes de l’élaboration et de la gestion d’un régime de partage des gains de productivités de type Scanlon

1. La création de comités de production et de sélection Des comités de production — composés d’un contremaître et d’un représentant des employés élu par ses pairs (il peut s’agir du délégué syndical) — sont formés pour chaque atelier, division ou unité de travail. Chaque comité se réunit deux fois par mois pour exercer son rôle qui consiste à demander au personnel des suggestions visant à améliorer la productivité et à donner suite aux propositions de celui-ci. Les comités de production se rapportent à un comité de sélection dont le rôle est d’examiner les suggestions importantes soumises par les comités de production et par la direction. Le comité de sélection est composé d’un membre de la direction, de représentants du personnel clé (fabrication, ingénierie, marketing, contrôle et ressources humaines) ainsi que de représentants des employés venant des divers comités de production. Ce comité est consultatif, puisque les décisions liées à l’adoption et à l’implantation de certaines suggestions relèvent de la direction. Une fois les suggestions acceptées, ce comité a toutefois la responsabilité d’assurer leur application et l’évaluation de leur impact. Le comité de sélection se réunit une fois par mois et détermine la valeur des primes à verser aux employés. Les procès-verbaux des réunions de ce comité sont distribués aux employés. 2. La détermination d’une base temporelle des coûts de production pour établir le montant des primes à distribuer aux employés Il est important que l’année retenue pour établir le calcul des primes soit récente et représente une année «moyenne» de performance. Il ne faut pas choisir une année de productivité record, car l’attribution de primes serait rendue impossible, ni une année de faible productivité, car le potentiel des primes serait articiellement élevé. Pour une unité d’exploitation, on suit mensuellement le ratio suivant pour établir les primes à verser aux employés admissibles au régime : Masse salariale de tout le personnel (coût de la main-d’œuvre) Valeur des ventes de la production (vendue et en inventaire) 3. L’établissement d’une formule de primes La valeur des primes dépend de la variation du ratio coût de la main-d’œuvre sur valeur de la production, qui est calculée tous les mois et soumise au comité de sélection. Les primes sont partagées entre le personnel admissible et l’organisation dans une proportion courante de 75 % et 25 %.

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CHAPITRE 9

tenir compte des changements de coûts (par exemple, les coûts des matières premières ou ceux des fournitures) qui peuvent inuer sur le ratio sans qu’il y ait changement dans la productivité des employés. Ici, la formule de primes requiert la division du total des dépenses en rémunération de l’unité de production par la valeur de la production. En somme, alors que le régime Scanlon cible seulement la réduction des coûts du personnel, le régime Rucker prend en compte des économies variées. Les primes sont partagées entre le personnel admissible et l’organisation dans une proportion courante de 75 % et 25 % avec une réserve de 25 % pour les mois décitaires ou inférieurs aux objectifs de production.

Le régime Improshare Pour en savoir plus sur une comparaison du calcul des primes selon les diérents types de régimes de partage des gains de productivité (Scanlon, Rucker et Improshare), consulter l’encadré 9.1W.

Le régime Improshare ne s’appuie pas formellement sur la participation des employés ; il tient compte d’une mesure de la productivité physique. La formule de primes correspond ici à la division du nombre d’heures de travail estimées pour une production donnée (selon des calculs faits par des ingénieurs) par le nombre d’heures de travail réelles pour cette production. Suivant ce régime, le partage des gains se fait habituellement sur la base suivante : 50 % à l’employeur et 50 % aux employés.

Les caractéristiques particulières Les divers régimes de partage des gains de productivité ont certaines caractéristiques communes. Créés dans les années 1930 par des spécialistes de la sociotechnologie, ils misent souvent sur la participation des employés et sur l’amélioration d’indicateurs de performance que ces derniers contrôlent, ce qui est apprécié par les syndicats. Ces régimes sont adoptés surtout dans les entreprises manufacturières aux prises avec des problèmes de productivité et ils y couvrent les employés de production. Toutefois, on peut aussi les instaurer dans le secteur public et les organismes sans but lucratif où il est impossible d’implanter la participation aux prots et les régimes de rémunération à long terme. Les régimes de partage des gains de productivité ont l’atout de s’autonancer, puisqu’on distribue des primes seulement si des gains de productivité sont réalisés. En général, ces régimes octroient aux employés plusieurs fois pendant l’année (sur une base trimestrielle, mensuelle ou hebdomadaire) une prime équivalente à un certain pourcentage de leur salaire, pourcentage qui est fonction des gains de productivité d’un établissement (ou d’une unité) et calculé selon une formule préétablie. Ces régimes doivent être implantés au sein d’une unité où l’on a compilé des données durant près de cinq ans de manière à pouvoir établir une norme historique de productivité. Les régimes de partage des gains de productivité, notamment les régimes Scanlon et Rucker, nécessitent que la direction et les cadres acceptent la participation des employés et des ouvriers au processus de prise de décision et qu’ils encouragent le personnel à émettre des suggestions pour améliorer l’ecacité du travail. Ainsi, comme les suggestions des employés visent souvent à modier l’organisation du travail, la direction doit se montrer disposée à explorer cette voie. Pour optimiser le succès d’un tel régime, les employés doivent penser en fonction de l’équipe et, s’il y a un syndicat, celui-ci doit accepter que ses membres coopèrent avec la direction. Par ailleurs, les régimes de partage des gains de productivité exigent une volonté et un courage particuliers de la part des dirigeants d’entreprise. Ces derniers doivent consentir à verser des primes lorsque des gains de productivité sont enregistrés, peu importe l’ampleur des bénéces et même si ceux-ci s’avèrent inexistants. Ils peuvent aussi être amenés à verser des primes alors que l’amélioration de la productivité ne provient pas d’un accroissement de la contribution des employés, mais de plusieurs autres facteurs que ces derniers ne maîtrisent pas, mais qui inuent sur les coûts standard de production et donc sur les gains de productivité. Parmi ces facteurs, mentionnons un nouvel équipement ou un changement technologique payé par la direction, un changement dans les méthodes et les procédés, une modication des produits, la disponibilité des matières premières et

La rémunération de la performance collective

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leur coût, les coûts de la main-d’œuvre, les exigences du service après-vente, les procédés de livraison, la politique d’inventaire, le prix de vente du produit ou du service, le mode de vente du produit ou du service ainsi que le mode de nancement et son coût. Les régimes de partage des gains de productivité peuvent aussi alimenter un certain scepticisme ou cynisme parmi le personnel lorsque les normes de production doivent être révisées dans le temps. En eet, au l des années, il devient de plus en plus dicile de faire des gains de productivité importants, de sorte que les primes sont susceptibles d’être de moins en moins élevées malgré que les employés soient de plus en plus productifs. Plus les employés sont performants, plus il leur est dicile de s’améliorer, et moins les primes qui leur sont versées sont élevées. Devant l’insatisfaction que cela peut entraîner pour le personnel qui reçoit des primes moins importantes alors qu’il est plus productif, il arrive fréquemment que, une fois le gain de productivité réalisé, on transforme un régime de partage des gains de productivité en régime de participation aux bénéces. Toutefois, pour une entreprise qui compte plusieurs unités d’aaires et qui gère un régime de partage des gains de productivité distinct par unité, les employés des unités les plus performantes risquent de se plaindre d’iniquités à leur endroit. En eet, il est frustrant de constater que les primes versées aux employés sont plus élevées dans les unités dont la productivité est la plus faible parce que les améliorations y sont plus grandes (et vice versa).

9.2.3 Les régimes de partage du succès Dans les années 1990, les organisations ont commencé à adopter des régimes de partage du succès de manière plus fréquente. Nous expliquerons dans cette sous-section ce qui a contribué à l’essor de cette forme de régimes, puis nous en décrirons les caractéristiques.

L’origine des régimes Pendant bien des années, les dirigeants nord-américains ont établi leurs régimes de rémunération variable en se fondant sur des indicateurs nanciers, économiques et boursiers. Ces indicateurs comprennent notamment le rendement des investissements, le rendement du capital, la valeur de l’action, les bénéces, les revenus, les ux de trésorerie, le coût des ventes, la marge bénéciaire et la valeur ajoutée par employé. Si ces indicateurs comportent plusieurs avantages, ils ne sont pas sans limites (voir le tableau 9.3, à la page suivante). Le caractère multidimensionnel du concept de performance est souvent représenté par le tableau de bord proposé par Kaplan et Norton (1996, 2001a, 2001b, 2007, 2008), qui contient des mesures reétant quatre facettes de la performance : les nances ; la clientèle et le marché ; les processus internes et les opérations ; les ressources humaines, l’innovation et l’apprentissage. Le tableau 9.4 à la page suivante décrit des indicateurs pouvant permettre d’estimer ces quatre aspects de la performance organisationnelle.

Lorsque rémunération et degrés Fahrenheit vont de pair : le cas de la Florida Power and Light Professeurs à l’université Stanford et auteurs reconnus, Pfeer et Sutton relatent le cas suivant. «Un dirigeant de Florida Power and Light nous a dit que sa rémunération était fonction des bénéces de son organisation. À court terme, comme les coûts et les taux des services publics sont xés, les bénéces dépendent de la quantité d’électricité vendue, laquelle dépend principalement du temps : plus il fait chaud, plus l’électricité se vend et plus la société fait de bénéces. Étant donné que, cet été-là, il avait fait particulièrement chaud en Floride, les dirigeants de l’organisation avaient obtenu une grosse augmentation de leur rémunération. Ce dirigeant admettait que leur système n’avait pas de sens… à moins de croire qu’ils contrôlent le temps qu’il fait en Floride !» Source : Extrait de Pfeer et Sutton (2006c, p. 13).

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CHAPITRE 9

TABLEAU 9.3

Les atouts et les limites des indicateurs nanciers, économiques et boursiers pour mesurer et récompenser la performance collective Atouts

Limites

• Ils semblent comparables et ables étant

• Les bénéces et la performance bour-

donné qu’ils sont formulés sur une base standardisée commune (argent ou rendement). • Ils s’appuient sur des normes professionnelles comptables que l’on peut faire réviser par des tiers (véricateurs externes ou internes). • Ils mesurent diérentes facettes de la performance nancière ; par exemple, le bénéce net peut se décomposer en ventes, coût des ventes, frais généraux et charges sociales. • Ils n’amènent pas à perdre de vue l’ultime critère de survie des entreprises : la rentabilité à court terme.

sière des entreprises sont largement inuencés par de multiples facteurs que ne contrôlent pas les présidentsdirecteurs généraux (PDG), et encore moins le personnel. • Ces indicateurs incitent les cadres et les employés à : – accorder plus de soin à la gestion et même à la manipulation des données et des résultats nanciers (le combien) qu’à la gestion des activités et au respect des valeurs (le comment) ; – se désintéresser des activités concernant l’amélioration continue, l’innovation, l’acquisition de compétences particulières qui, pourtant, optimisent la performance à long terme des entreprises ; – adopter une approche rétrospective orientée sur le contrôle des résultats nanciers planiés et budgétés ; – rechercher la performance à court terme au détriment de la prise de décisions qui seraient bénéques pour la réussite à long terme de l’entreprise ; – ne pas remettre en question la nécessité de changer des comportements et des attitudes qui seraient de nature à améliorer la performance de l’entreprise.

Sources : Adapté de St-Onge (2012, p. 29) et de St-Onge et Magnan (2008a, p. 30-32).

TABLEAU 9.4

Les mesures les plus fréquemment utilisées dans la gestion des tableaux de bord

Facettes de la performance Finances

Mesures pouvant faire l’objet d’un suivi

• Mesures de rentabilité : rendement du capital investi, rendement de l’avoir des actionnaires, marge bénéciaire brute ou nette, valeur économique ajoutée • Mesures de l’utilisation des capitaux : rendement du capital investi, rendement de l’avoir des actionnaires, rotation des inventaires, rotation des capitaux • Mesures de liquidité et de structure nancière : ratio de liquidité, ratio du fonds de roulement, dette et avoir des actionnaires

La rémunération de la performance collective

TABLEAU 9.4

Les mesures les plus fréquemment utilisées dans la gestion des tableaux de bord (suite)

Facettes de la performance

Facettes de la performance

• Mesures du contrôle des ressources : écart sur coûts, coût de la qualité, coût par activité, pourcentage d’activités créatrices de valeur par rapport à l’ensemble des activités • Mesures du potentiel de croissance : augmentation des ventes, augmentation de la part du marché • Mesures boursières : valeur des actions, bénéce (ou résultat) par action, chire d’aaires, croissance du chire d’aaires, ux de trésorerie (cash ow), rendement de l’actif, rendement boursier ou rendement de l’actionnaire, valeur économique ajoutée ou bénéce résiduel, bénéce ou résultat d’exploitation, rendement des capitaux propres, rendement des investissements et rendement de l’actif net Clientèle et marché

• Satisfaction : degré de satisfaction globale, taux de rétention des clients, pourcentage de clients qui recommandent l’entreprise • Délais : pourcentage des livraisons eectuées à temps, degré d’exactitude des prévisions quant aux livraisons, respect des délais xés, temps requis pour la mise en marché d’un produit • Qualité : taux de rejet, certication ISO • Rapport prix-coût : coût sur le cycle de vie • Service : sondage auprès des clients • Part du marché : variation du pourcentage de la part du marché (mesure absolue ou relative) • Autres : pourcentage de ventes de nouveaux produits, pourcentage de ventes des produits de l’entreprise, livraison dans les temps prévus, part des achats de comptes clés, classement des comptes clés

Processus internes et opérations

• Utilisation des ressources : taux d’utilisation des ressources, taux d’utilisation des espaces, taux d’utilisation des ressources humaines • Coûts de maintenance : moyenne des coûts de maintenance pour une période donnée, coûts de maintenance en pourcentage du budget d’exploitation, importance relative des coûts de maintenance dans le budget d’exploitation, coûts de la maintenance préventive par rapport aux coûts totaux de maintenance • Coûts d’acquisition des infrastructures : dépenses en capital, dépenses d’investissement • Autres : temps du cycle de production sur le coût de l’unité produite

Ressources humaines, • Développement des compétences : pourcentage de innovation et apprentissage la masse salariale consacrée à la formation, nombre d’employés ayant reçu une formation, pourcentage de postes pourvus à l’interne

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CHAPITRE 9

TABLEAU 9.4

Les mesures les plus fréquemment utilisées dans la gestion des tableaux de bord (suite)

Facettes de la performance Ressources humaines, innovation et apprentissage

Facettes de la performance

• Comportements : taux d’absentéisme, nombre d’accidents, nombre de plaintes et de griefs

• Satisfaction et climat de travail : taux de rétention, résultats d’enquêtes

• Nouveaux produits : délai entre le moment prévu du lancement et le moment où le lancement est eectif, délai requis pour lancer un produit sur le marché • Capacité technologique : délai requis pour créer une nouvelle gamme de produits • Apprentissage : délai requis pour amener le nouveau produit à maturité • Recherche et développement : investissement en recherche et développement exprimé en pourcentage du budget d’exploitation • Créativité : nombre d’idées ou de commentaires qui ont débouché sur des actions au cours d’une période donnée, pourcentage de nouveaux produits et services lancés au cours d’une période donnée qui sont considérés comme uniques, pourcentage de caractéristiques et d’attributs de produits et de services qui sont considérés comme uniques • Autres : temps d’atteinte de la maturité, pourcentage des produits qui réalisent 80 % des ventes, introduction d’un nouveau produit plus rapidement que la concurrence Source : Adapté de Boisvert et al. (2011).

Reconnaissant la nécessité d’aligner leurs régimes collectifs de rémunération variable sur des indicateurs multiples qui peuvent évoluer avec le temps, les dirigeants ont adopté des régimes souvent qualiés de « partage du succès » ou de « réalisation des objectifs d’aaires » (goal sharing plan, success sharing plan ou win sharing plan). Ces régimes de partage du succès sont apparus au cours des années 1990 avec le courant de la qualité et du service à orir aux clients. Ils s’appuient en quelque sorte sur un tableau de bord de la performance prenant en considération des indicateurs nanciers, l’amélioration de processus, le service à la clientèle et l’innovation. Leur popularité peut être expliquée par le fait qu’ils combinent le meilleur des régimes de participation aux bénéces et des régimes de partage des gains de productivité, puisqu’ils exigent souvent l’obtention d’un seuil quant aux prots ou aux gains et d’un seuil concernant l’obtention de résultats plus opérationnels liés, par exemple, à la réduction de la perte de matériel, des accidents, de l’absentéisme ou des plaintes des clients.

La dénition de ce type de régimes Un régime de partage du succès permet de répartir une portion du gain de rendement de l’organisation ou d’une unité — mesuré en fonction de la réalisation d’objectifs

La rémunération de la performance collective

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préétablis — parmi l’ensemble ou une partie du personnel, en versant un montant forfaitaire (une prime). Les objecLa rémunération des dirigeants : positionner tifs d’aaires sont xés selon des indicateurs variés — par à son juste niveau stratégique la fonction sociale exemple, une réduction des coûts, des accidents ou de À la suite de la crise économique de 2008, l’absentéisme, ou encore une amélioration de la qualité, du l’A ssociation nationale des directeurs des ressources service ou de la satisfaction des clients —, selon les facteurs humaines (ANDRH), en France, appelle les entreprises de succès et les objectifs de l’entreprise. à revoir leurs modes d’attribution de la rémunération Par exemple, au sein d’une organisation, 75 % de la variable qui reposent presque exclusivement sur des prime versée par un régime de partage du succès est liée critères de performance économique et qui n’incitent à la réalisation de cinq objectifs d’aaires de l’unité (on pas les dirigeants à investir susamment dans le capital limite le nombre an que le régime reste simple) que les humain. Il importe de positionner la fonction sociale employés peuvent inuencer directement, et 25 % de cette au même niveau stratégique que la fonction nancière prime dépend de la performance nancière de la société et économique, en introduisant progressivement des (par exemple, le rendement des capitaux propres par critères en matière de ressources humaines dans la partie variable de la rémunération des dirigeants des entreprises rapport aux autres entreprises comparables du « Fortune (par exemple, le taux de féminisation, la délisation des 500 »). Aussi, chaque unité d’affaires doit déterminer salariés, la formation, la réduction des accidents du trason processus d’établissement, de suivi et de mesure vail, la santé psychologique). Ensuite, il faut étendre ces de l’atteinte des objectifs (les objectifs cibles, les poids indicateurs à la rémunération variable de l’ensemble de la relatifs, etc.) à l’égard de divers domaines (les nances, la ligne de gestion et de tous les salariés par le truchement qualité, le service, l’amélioration de processus, etc.) et le du calcul de l’intéressement collectif. faire évoluer annuellement selon les résultats de l’année précédente et les dés du moment. Source : Adapté de Association nationale des directeurs des ressources Les régimes de partage du succès tiennent compte humaines (ANDRH) (2013). d’autres facteurs que les bénéces ou les gains de productivité — notamment la qualité, les accidents du travail ou la satisfaction des clients —, facteurs que les employés maîtrisent davantage et qui ne comportent pas nécessairement de gains à court terme. Pour être ecaces, ces régimes requièrent un processus de communication des objectifs d’aaires et des résultats étalés sur toute l’année. Il faut aussi que les objectifs xés soient jugés réalistes par les employés. Ces régimes sont souvent adoptés par les entreprises qui veulent se doter de régimes incitatifs appuyant une culture d’amélioration continue : au l des années, la nature et la complexité des indicateurs de rendement évoluent selon les résultats de l’organisation et la pression de la concurrence.

REGARD SUR LA PRATIQUE Le partage du succès chez Hydro-Québec Plus de 21 000 employés d’Hydro-Québec se partageront environ 88 millions de dollars de primes pour l’atteinte de ses objectifs nanciers de 2012, soit une moyenne de 4 075 $ par tête. «La rémunération est versée si les objectifs sont atteints, dont un déclencheur nancier, précise la porteparole Ariane Connor. Presque tous les employés sont admissibles au programme d’intéressement. Il y a parfois Source : Extrait de Munger (2013).

des exceptions de nature administrative, comme des gens qui viennent d’arriver ou de quitter. » Le programme de primes xe celles-ci en pourcentage du salaire annuel. «Les employés peuvent recevoir jusqu’à un maximum de 4,5 % de leur salaire, soit 1,5 % lorsque les objectifs nanciers sont atteints et jusqu’à 3 % en se fondant sur les indicateurs de rendement de l’entreprise.»

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CHAPITRE 9

Tout compte fait, comparativement aux autres régimes collectifs de rémunération variable à court terme, les régimes de partage du succès présentent des particularités attrayantes. Ainsi, ils sont très récents et gagnent en popularité. Ils orientent les eorts vers l’avenir en xant des objectifs (qui communiquent les priorités) sur lesquels les employés ont un certain contrôle et en versant une prime annuelle en fonction de leur atteinte, et ce, dans une perspective d’amélioration continue. Ces régimes peuvent être implantés dans tous les types de contextes (dans les secteurs privé et public, dans le secteur manufacturier, dans le secteur des services, etc.) et s’appliquer à plusieurs catégories d’employés (comme le personnel de bureau, le personnel de production ou les cadres), sans exiger une culture de gestion participative. En contrepartie, le type d’objectifs et le montant de la prime associé à leur réalisation peuvent paraître arbitraires et des changements à leur égard risquent d’entraîner de la résistance. Sur le plan de la gestion, ces régimes sont plus complexes et nécessitent une communication continue sur les objectifs et leur atteinte. Il importe aussi de former les cadres pour faire ce suivi auprès des employés et de mettre en place un sous-comité an d’établir des objectifs annuels à atteindre.

REGARD SUR LA PRATIQUE Le partage du succès au sein du groupe Rio Tinto Alcan Inscrite dans la convention collective qui expirait en 2011, la rémunération variable comportait une cible de 6 % de la rémunération annuelle de base rattachée à deux volets pour les employés syndiqués : un taux de 2 % dépend des résultats de l’ensemble de la société mesurés par la «valeur économique ajoutée» (jugée moins liée aux conditions du marché et de l’industrie que les bénéces étant donné qu’elle est ajustée pour tenir compte de la variation du prix du métal et du taux de change des devises) ; et un taux de 4 % relevant de chaque usine est xé selon l’atteinte d’objectifs variés, comme

les coûts, le budget, le respect des protocoles en matière de santé et sécurité, la fréquence et la gravité des accidents du travail, la réduction des émissions polluantes, l’ecacité énergétique dans les salles de cuves et le taux de recouvrement du métal pour le centre de coulée. Pour les cadres, les deux volets pris en compte ont un même poids, soit de 3 % chacun. Trimestriellement, le personnel est informé du suivi des résultats. Depuis l’introduction du régime en 1998, les employés ont reçu en moyenne 130 % de la prime par année, ce montant variant toutefois selon les résultats de chaque usine.

Source : Adapté de Ministère du Travail (2013c).

9.2.4 Les régimes de rémunération des équipes De plus en plus d’entreprises adoptent des modes d’organisation du travail basés sur des équipes ou sur des groupes de travail ou de projet. On trouve diverses formes de travail d’équipe, et la rémunération des équipes varie considérablement en conséquence. Cette sous-section vise à résumer certains types de travail d’équipe et divers modes de rémunération à leur égard.

Les types d’équipes Avant de parler de la rémunération des équipes, il faut savoir de quels types d’équipe il est question. On distingue plusieurs formes d’équipes : les équipes de travail, les groupes d’amélioration, les groupes de projet et les équipes semi-autonomes.

Les équipes de travail

Les équipes de travail comprennent des employés qui sont embauchés pour faire leur travail sur une base à temps plein et régulière et qui travaillent ensemble. En général, ces équipes sont rarement multidisciplinaires et leurs membres possèdent des compétences et des expériences semblables. Les objectifs de ces équipes consistent essentiellement à améliorer les processus de travail, la qualité et le service à la

La rémunération de la performance collective

clientèle ainsi qu’à réduire les coûts. Traditionnellement, on trouve des centres de la relation client ou des équipes de ventes, qui visent à améliorer le service à la clientèle ou les ventes ou à accroître le nombre des clients, et les équipes de production, qui veulent améliorer la qualité de la production, la quantité de celle-ci et réduire les pertes ou les accidents.

Les groupes d’amélioration Les groupes d’amélioration sont des groupes ponctuels constitués de volontaires venant d’une ou de diverses unités fonctionnelles qui ont le mandat de procéder à une démarche collective de résolution de problèmes à l’aide de l’analyse de processus, du contrôle statistique des procédés, du processus de prise de décision, de la créativité ou du travail d’équipe. Ces équipes se réunissent la plupart du temps durant les heures de travail et sur une base plus ou moins régulière. Animées par un leader (souvent le superviseur), appuyées par un facilitateur (souvent un professionnel des ressources humaines), ces équipes font valider et autoriser leurs recommandations par un comité composé de membres de la direction et, dans les milieux syndiqués, de représentants de la partie syndicale.

Les groupes de projet ou les «équipes parallèles»

Les membres de l’équipe de travail, aectés à temps plein (groupe de projet) ou à temps partiel, en plus d’assumer leurs autres responsabilités (équipes parallèles), procèdent à la conception et à l’exécution du projet. Leurs fonctions résident, par exemple, dans le développement de nouveaux produits, l’implantation de systèmes d’information, la conguration des surfaces de bureau ou de production. Ces groupes ont un pouvoir plus formel que les groupes d’amélioration, car ils disposent de ressources et de connaissances et ont le pouvoir de prendre des décisions sur certains paramètres (coûts, délais, spécications, objectifs, mandat, etc.). Ils réunissent souvent des personnes dotées d’expertises variées et travaillant dans une structure organisationnelle temporaire (matricielle, en réseau) dans le but de mener à terme collectivement un projet déni dans un délai imparti. Les groupes de Kaizen, dont les membres sont libérés à temps plein pour analyser et résoudre des problèmes importants dans un système de production, représentent des groupes de projet opérant à court terme, issus du modèle japonais de la gestion de la qualité totale, qui ont été adoptés par des entreprises comme Pratt & Whitney et Domtar.

Les équipes semi-autonomes Les équipes semi-autonomes, aussi appelées « équipes de travail autogérées », process teams et, dans certains cas, « cellules de production », ont une plus grande autonomie décisionnelle que les équipes décrites précédemment. Contrairement aux groupes d’amélioration et aux groupes de projet, les équipes semi-autonomes ne fonctionnent pas en marge de la structure de l’organisation, mais se substituent plutôt à elle et nécessitent une transformation profonde de la culture, de la philosophie de gestion, des pratiques de GRH et, surtout, des comportements et des attitudes des gestionnaires. Elles exercent essentiellement une autonomie décisionnelle sur la gestion des opérations courantes (le ménage, l’entretien des équipements, l’attribution du travail, le contrôle de la qualité, les contacts avec les fournisseurs, etc.) et sur les activités d’organisation et d’encadrement (le choix du chef d’équipe, la gestion des absences, des horaires et des congés, l’achat de matériel, les contacts avec les clients, le recrutement, la santé et la sécurité, etc.). Toutefois, leur autonomie décisionnelle est plus limitée à l’égard des activités relatives à la stratégie, comme les budgets Le travail en équipe est un mode d'organisation du travail ou le design des produits, l’évaluation du rendement des adopté fréquemment au sein des entreprises. membres du groupe, la discipline et la rémunération.

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CHAPITRE 9

Aux ns de cette sous-section, nous ne verrons que les régimes de primes d’équipe, car les régimes collectifs (la participation aux bénéces et le partage des gains de productivité) ont été étudiés dans les sous-sections précédentes et le salaire basé sur les compétences a été examiné dans le chapitre 6. Par ailleurs, comme nous l’avons observé dans le chapitre 7, des programmes de reconnaissance permettent aussi de souligner les résultats remarquables d’une équipe de travail. Contrairement aux primes de groupe dont il sera question plus loin, ils n’encouragent pas les équipes à donner un meilleur rendement, mais ils servent à récompenser des réalisations exceptionnelles. Également, comme les réalisations exceptionnelles sont peu courantes, les programmes de reconnaissance complètent les régimes de primes d’équipe, mais ne les remplacent pas. Ces programmes peuvent renforcer la cohésion entre les membres. Par exemple, une équipe dont le rendement a été exceptionnel se voit orir un budget pour organiser une activité sociale réunissant les parents de tous les membres, ou encore ses membres se voient accorder une journée supplémentaire de congé. Les entreprises semblent d’ailleurs envisager de plus en plus la mise sur pied d’un programme ociel de reconnaissance des réalisations exceptionnelles des équipes de travail, en raison de son coût peu élevé, de son implantation aisée et du message clair qu’il transmet aux employés sur l’importance que la direction de l’entreprise accorde aux équipes de travail. En eet, un sondage eectué par Lawler et ses collaborateurs (1993) indique que 94 % des entreprises américaines faisant partie du « Fortune 1000 » et ayant des équipes de travail utilisent des programmes de reconnaissance non pécuniaires, comparativement à 70 % qui adoptent des régimes de primes de groupe, à 66 % qui implantent des régimes de participation aux bénéces, à 60 % qui recourent à une gestion des salaires basés sur les compétences et à 42 % qui optent pour des régimes de partage des gains de productivité. Un sondage mené par Shaw et Schneier (1994-1995) auprès de 113 entreprises établies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie révèle que les entreprises dont les équipes de travail s’avèrent ecaces sont récompensées principalement de façon non pécuniaire. Seulement 24 % de ces entreprises font appel à des régimes de rémunération variable destinés aux équipes. Les formes de reconnaissance que privilégient les entreprises dans lesquelles les équipes de travail sont considérées comme très ecaces sont, par ordre d’importance, la visibilité, les symboles et la reconnaissance matérielle par l’attribution de biens et de voyages.

Les régimes de primes d’équipe de travail Les régimes de primes d’équipe de travail consistent souvent à verser le même montant à tous les membres de l’équipe, peu importent les diérences en ce qui a trait au salaire ou au rendement individuel. Les employeurs qui y ont recours visent à atteindre trois objectifs principaux : encourager le travail d’équipe, améliorer le service à la clientèle ou la satisfaction des clients et augmenter la rentabilité. On distingue trois types de régimes de primes d’équipe : le régime de partage du rendement de l’équipe, le régime de rendement de l’équipe et le régime de contribution au rendement de l’équipe. Ces trois régimes de primes d’équipe supposent qu’on peut établir des objectifs de rendement de groupe précis et dénir des indicateurs de rendement adéquats. Dans le contexte du travail d’équipe, on peut aussi juger intéressante la méthode de la rétroaction à 360 degrés, où chaque membre de l’équipe voit son rendement évalué non seulement par son superviseur, mais aussi par ses coéquipiers ou des clients avec lesquels il est souvent en contact.

Le régime de partage du rendement de l’équipe Ce régime, le plus courant, répartit également un montant parmi les membres de l’équipe selon l’obtention de résultats. Par exemple, les équipes de représentants d’une grande entreprise sont admissibles à un régime

La rémunération de la performance collective

de rémunération variable dans lequel chaque représentant reçoit une prime égale à celle des autres membres de l’équipe, qui est fonction du total des ventes générées par l’équipe.

Le régime de rendement de l’équipe

Ce régime accorde des primes aux meilleurs groupes (équipes, succursales, magasins, quarts de travail, etc.). Cette approche peut engendrer une certaine compétition ou un problème de collaboration entre les groupes, puisqu’ils deviennent des rivaux qui ont tout intérêt à amplier la valeur de leur travail respectif pour obtenir plus d’argent. Par exemple, des équipes d’ingénieurs travaillant pour une entreprise de recherche et développement sont admissibles à une prime qui peut égaler 20 % de leur salaire, s’ils arrivent à démontrer dans un rapport qu’ils ont fourni une contribution importante à la performance de l’entreprise. Les rapports des équipes sont évalués et comparés par un comité de gestion qui décide de l’attribution des primes et de leur montant. Prenons un autre exemple : des équipes d’employés de production sont admissibles à un régime d’équipe de rémunération à la pièce, dans lequel les membres sont payés selon le nombre d’unités produites par l’équipe.

Le régime de contribution au rendement de l’équipe

Ce régime alloue un budget total de primes (bonus pool) basé sur la performance de l’équipe, mais verse le montant de la prime de chaque coéquipier en fonction de son rendement individuel. Un tel régime est possible dans la mesure où l’interdépendance des tâches de l’équipe n’est pas trop grande. En eet, l’octroi diérencié des primes peut nuire à la collaboration entre les membres du groupe. Par exemple, les récompenses des membres des équipes du service à la clientèle sont fonction de leur contribution respective au travail de leur équipe, évaluée par les chefs d’équipe et les autres membres de l’équipe, en matière de réalisation des objectifs, de collaboration, de communication, d’assiduité, de ponctualité, etc. Comparativement aux autres types de régimes collectifs de rémunération variable à court terme, les régimes de primes d’équipe sont perçus comme plus ecaces, puisqu’ils ciblent davantage les eorts ou les comportements d’un nombre plus restreint de personnes (Gomez-Mejia et Balkin,1989). Si l’on adopte ces régimes pour faire mousser l’esprit d’équipe, il faut aussi reconnaître que, paradoxalement, les diverses formules de primes d’équipe sont susceptibles de nuire aux relations entre les membres de l’équipe selon la manière dont ils sont gérés. De plus, si la pression des collègues peut pousser les employés diciles ou ceux qui ont un faible rendement à s’améliorer, elle peut également inciter les meilleurs employés à réduire leurs eorts et leur cadence parce qu’ils protent de l’eort collectif de toute façon. Une étude montre d’ailleurs que, comparé au versement de primes égales aux membres d’une équipe, l’octroi de primes en fonction de leur rendement individuel tend à réduire la satisfaction des employés, la relation étant plus évidente pour les employés les moins performants (Rack et al., 2011). Après avoir considéré le coût qu’entraîne le versement d’une prime, l’employeur doit tenir compte des répercussions du versement de primes selon le rendement sur le climat de l’équipe. Une étude menée auprès des membres admissibles à de tels régimes montre qu’il faut veiller à limiter la perception de quatre types d’iniquités : le traitement incohérent entre les membres d’une même équipe ; un traitement incohérent dans le temps ; l’incapacité de reconnaître les meilleurs employés et d’intervenir vis-à-vis des employés problématiques ; et le non-respect de la tolérance aux risques des employés (voir les extraits d’entrevues dans le tableau 9.5, à la page suivante). Pour que ce mode de rémunération soit perçu comme équitable, il importe de s’assurer que les récompenses sont gérées de manière cohérente entre les membres de l’équipe et dans le temps, qu’il y a une diérenciation entre les récompenses accordées aux employés ayant les meilleures et les moins bonnes performances et que la tolérance aux risques des employés est respectée.

435

436

CHAPITRE 9

TABLEAU 9.5

Les types d’iniquités exprimées par des employés admissibles à un régime d’équipe et leurs conséquences

Type d’iniquité Traitement incohérent entre les membres d’une même équipe

Description

Conséquences

1) «Le groupe de travail et la direction ont obtenu de la reconnaissance. Au sein de l’entreprise, les gens savaient que j’avais participé au projet, mais j’ai reçu pour seule récompense un “Bon travail !”»

1) «J’ai trouvé la situation injuste et cela a fortement inuencé ma décision de quitter l’entreprise.»

2) «Deux des trois employés responsables des achats dans l’équipe ont été promus à des postes de gestion et ont reçu leurs primes. Pourtant, c’est le personnel de logistique, de gestion et moi-même qui avons fait la plus grande partie du travail, et nous n’avons pas reçu de prime, ni d’augmentation de salaire, ni de promotion.»

2) «La situation me semblait injuste et j’ai quitté l’organisation.»

3) «Le chef de projet a déclaré qu’il ne voulait pas 3) «Les autres membres de l’équipe et moi communiquer publiquement les montants ne percevions pas que l’octroi des primes des primes individuelles. De fait, il a favorisé parmi les membres était juste.» les membres de l’équipe qui avaient la même expertise que lui, soit les ingénieurs de projet.» Traitement incohérent dans le temps

Incapacité de reconnaître les meilleurs employés et d’intervenir vis-à-vis des employés problématiques

4) «Généralement, lors des rencontres avec le 4) «Je me sentais très démotivé. Inutile de dire personnel, la gestionnaire accordait des congés que, lorsqu’une nouvelle occasion d’emploi supplémentaires et des marques de recons’est présentée, la décision n’a pas été naissance aux mêmes personnes même si elles dicile à prendre.» n’étaient pas les seules à avoir travaillé sur un événement. Il m’est arrivé de ne pas recevoir de récompense alors que ma contribution au travail était équivalente à celle des autres. À d’autres occasions, j’ai été félicité ou récompensé, alors que d’autres membres de l’équipe n’ont rien reçu même s’ils le méritaient plus.» 5) «Même si une récompense n’était pas prévue dans la budgétisation de mon projet, le fait d’avoir reçu une récompense me laissait croire que je recevrais une prime similaire pour les projets subséquents. »

5) «Cette récompense a eu un eet négatif dans le temps étant donné que mon engagement subséquent dans des projets similaires ne m’a pas permis de recevoir une prime similaire.»

6) «Le pourcentage de prime accordé à chaque membre de l’équipe est exactement le même.»

6) «Les opérateurs les plus performants ne considèrent pas cette méthode de détermination des primes comme juste.»

7) «De fait, c’est le chef adjoint et moi qui avons fait le gros du travail avec la participation de quelques ingénieurs.»

7) «Un programme plus juste aurait tenu compte de la contribution individuelle. Les employés qui ont un rendement supérieur à la norme devraient recevoir une prime plus généreuse et ceux dont la contribution n’est pas susante ne devraient pas avoir de prime.»

La rémunération de la performance collective

TABLEAU 9.5

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Les types d’iniquités exprimées par des employés admissibles à un régime d’équipe et leurs conséquences (suite)

Type d’iniquité

Non-respect de la tolérance aux risques des employés

Description

Conséquences

8) «Ils n’auraient pas dû recevoir la prime d’équipe, mais qui dira cela à la direction ?»

8) «Lorsque certains membres de l’équipe ne font aucun eort, je trouve injuste qu’on leur accorde une récompense.»

9) «Je n’avais aucun contrôle sur ma rémunération.»

9) «Cela a diminué ma satisfaction dans ce poste et j’ai quitté l’entreprise peu de temps après.»

10) «Un seul employé ayant un rendement insusant peut faire couler l’équipe entière.»

10) «Il y avait beaucoup de résistance quant à l’adoption d’un mode de rémunération basée complètement sur l’équipe. On remettait en question son équité et sa pertinence.»

Source : Traduit et adapté de Merriman (2009, p. 63-64).

Les régimes de primes de réalisation de projet ou d’équipe de projet Selon une enquête du Conference Board du Canada, 26 % des organisations versent des primes de projet ou des primes d’étapes à certains de leurs employés (Cowan, 2008). Il s’agit de primes qui visent à motiver les membres à travailler ensemble étroitement pour terminer un projet (par exemple, une prime de n de projet) ou pour atteindre des indicateurs clés de succès à certaines étapes (par exemple, des primes d’étapes) de projets complexes et à long terme (par exemple, le délai, le budget, la qualité). Le paiement peut être un montant forfaitaire xe en fonction du rôle dans l’équipe, un pourcentage du salaire de base ou un montant xé en fonction d’une formule préétablie (Taylor, 2010). Traditionnellement, ces incitations sont mises en place dans l’industrie de la construction, les entrepreneurs recevant une prime si un projet est réalisé avant une date cible. Ce pourrait être, par exemple, un programme visant à compléter la construction d’un pont en quatre mois et qui a permis à l’entrepreneur de recevoir le maximum de la prime parce que les travaux ont été terminés en deux mois. Ces incitations sont utilisées fréquemment pour les équipes de projet en ingénierie à l’étranger (comme la construction d’un pont ou d’une usine), au sein de l’industrie de la haute technologie (comme un projet de développement d’un nouveau produit) et de l’industrie des biotechnologies (comme le développement d’un nouveau médicament). À titre d’illustration, un plan de primes d’étapes a été élaboré pour un projet de développement d’opérations au Mexique dans un délai requis et avec un budget préétabli. Ce plan visait à inciter les employés à se concentrer sur l’atteinte des objectifs du projet tout au long d’une période de trois ans et prévoyait un paiement potentiel de 50 % du salaire de base couvrant les 10 étapes planiées. Prenons un autre exemple : un plan de prime d’étapes a été adopté par une société qui devait revoir entièrement son système informatique. Ce projet de grande envergure avait des eets sur la qualité du service à la clientèle et sur l’intégration des systèmes. Ces plans sont jugés importants pour renforcer la coopération entre les membres des équipes, pour améliorer leur engagement envers des objectifs clairs pendant toute la durée d’un projet long et complexe et pour déliser ou retenir des talents clés au cours d’un projet susceptible de s’étendre sur de nombreuses années.

438

CHAPITRE 9

Les régimes mixtes de primes de rendement individuel et de performance collective

Prime cible (target bonus) Pourcentage du salaire ou du point milieu d’une échelle salariale qui sera versé si les objectifs individuels et collectifs sont atteints. Prime maximale (maximum bonus) Pourcentage maximal du salaire ou de la prime cible qui peut être versé si la performance organisationnelle et celle de l’employé sont supérieures aux attentes. TABLEAU 9.6

Les organisations adoptent souvent un régime mixte de primes de rendement dont la valeur est fonction de plusieurs niveaux de rendement, comme la performance de l’organisation, celle d’une division, celle d’un service ou le rendement de l’employé. On parle alors d’un régime collectif (qui peut être un régime de participation aux bénéces, un régime de partage de gains de productivité ou un régime de partage du succès) « en cascade ». Au Canada, depuis bon nombre d’années, les enquêtes révèlent que la majorité des organisations disposent de régimes mixtes de primes — surtout destinés aux cadres, aux directeurs et aux professionnels — qui tiennent généralement compte à la fois de critères de performance nanciers et opérationnels propres à l’organisation ou à l’unité d’aaires et de critères de rendement individuel. Très peu de régimes de primes prennent en considération la performance de la division ou du service, et ce, quelle que soit la catégorie de personnel (Carlyle, 1999 ; Mercer, 2013 ; Stewart et Lamontagne, 2013). Le principal avantage des régimes mixtes est justement qu’ils se penchent sur des niveaux diérents de performance. D’une part, en considérant la performance de l’entreprise, ils favorisent la coopération nécessaire à son succès ; d’autre part, en tenant compte du rendement individuel, ils incitent le personnel à fournir la meilleure contribution possible. Le principal inconvénient de ce type de régime collectif est qu’il implique qu’on accorde une expertise, du temps, des eorts et de l’argent à la gestion et à l’évaluation du rendement individuel des employés admissibles ainsi qu’à l’établissement du mode de calcul des primes à verser. En eet, l’adoption d’un régime de primes qui tient compte de la mesure aussi bien du rendement individuel que de la performance collective exige qu’on détermine la formule selon laquelle les montants des primes seront calculés. Une façon de faire consiste à indiquer un pourcentage cible, ou prime cible, et un pourcentage maximal de prime, ou prime maximale, selon le salaire des participants. La prime cible correspond à un pourcentage du salaire qu’un employé recevra si l’organisation atteint ses objectifs et si l’employé fait de même. Si la performance de l’organisation et celle de l’employé sont supérieures aux attentes, ce dernier peut gagner davantage que sa prime cible, par exemple 125 %, 150 % et même 200 % de plus. À l’opposé, si la performance de l’organisation et celle de l’employé sont inférieures aux attentes, ce dernier obtiendra moins que sa prime cible, et même n’obtiendra aucune prime lorsqu’un seuil préétabli de performance (l’adoption d’un déclencheur au niveau individuel ou organisationnel) n’est pas atteint. Le tableau 9.6 donne un exemple d’une grille de primes pour une organisation ainsi que le calcul de la prime versée à un cadre selon des niveaux de performance donnés.

Un exemple de calcul de la prime versée à un cadre intermédiaire

Catégorie d’emplois

Poids des niveaux de performance Prime maximale, Prime cible (pourcentage de la cible potentielle Prime soit 150 % la prime (en pourcentage et de la réalisation des buts) minimale cible (en pourcentage du salaire) du salaire) Organisation Division Employé

Dirigeants

0

35 %

52,5 %

75 %

15 %

10 %

Cadres supérieurs

0

25 %

37,5 %

40 %

50 %

10 %

Cadres intermédiaires

0

15 %

22,5 %

30 %

45 %

25 %

Professionnels

0

10 %

15,0 %

20 %

15 %

65 %

Cadres de premier niveau

0

5%

7,5 %

10 %

20 %

70 %

La rémunération de la performance collective

439

Prenons l’exemple d’un cadre intermédiaire gagnant un salaire de base de 60 000 $. La prime cible est de 9 000 $ (soit 15 % × 60 000 $) et le montant potentiel de prime varie de 0 $ (minimum) à 13 500 $ comme maximum (22,5 % × 60 000 $). Le calcul de la prime qui lui sera versée se fera comme suit si, à la n de la période : • 105 % des objectifs organisationnels sont atteints : 15 % × 105 % × 30 % = 4,7 % • 90 % des objectifs de la division sont atteints : 15 % × 90 % × 45 % = 6,1 % • 95 % des objectifs individuels sont atteints : 15 % × 95 % × 25 % = 3,6 % Total = 14,4 % La prime versée s’élèvera à 8 640 $, soit 14,4 % de son salaire de base. Pour d’autres organisations, l’atteinte d’un déclencheur peut se révéler secondaire, comme dans le cas d’une stratégie d’augmentation de la part du marché ou d’un revirement de la situation nancière. Une organisation peut ainsi adopter un régime en cascade qui rend le montant des primes versées conditionnel aux bénéces de la division ou de l’entreprise sans limiter le montant des primes versées aux employés. Ainsi, l’entreprise peut verser à ses cadres des primes plus élevées que celles qui sont oertes sur le marché. Comme le montre l’encadré 9.2, la détermination du montant des primes individuelles selon le rendement de l’employé et la performance de l’entreprise peut s’appuyer sur diérentes formules ou méthodes : la méthode matricielle, la méthode du partage égal et la méthode des rendements multipliés.

ENCADRÉ 9.2

Les méthodes de détermination des primes versées en vertu d’un régime collectif mixte de primes

La méthode matricielle Cette méthode, qui est la plus utilisée, nécessite de déterminer des pourcentages de la prime à payer selon le rendement de l’employé et la performance de l’organisation. Habituellement, ces pourcentages varient selon le niveau hiérarchique du poste de l’employé admissible : plus le niveau hiérarchique est élevé, plus le rendement individuel est censé avoir un impact sur la performance organisationnelle, et plus le pourcentage de la prime liée au rendement de l’organisation est élevé. La méthode du partage égal Cette méthode tient compte du rendement de l’employé tout autant que de la performance de l’organisation dans la détermination des primes. L’eet d’un bon rendement individuel peut donc être annulé par une mauvaise performance de l’organisation, et vice versa. Pour ce faire, des cotes sont attribuées au rendement de l’employé et à la performance de l’organisation et leur moyenne sert de base à la détermination des primes. Supposons qu’une prime ait été xée à 15 % du salaire pour un rendement cible de 110 et qu’un employé présente un rendement exceptionnel avec une cote de 150. Si la performance de l’organisation est établie à 110, la moyenne des rendements est alors de (150 + 110) / 2, soit 130 %. Ainsi, pour un salaire de 60 000 $, la prime pour un rendement cible est de 9 000 $ (15 % de 60 000 $). Dans la situation actuelle, la prime équivaut à 130 % de 9 000 $, soit 11 700 $. La méthode des rendements multipliés Cette méthode multiplie la cote de rendement individuel par la cote de performance de l’organisation. Dans l’exemple précité, la prime serait de 150 × 110, c’est-à-dire 165 % de 9 000 $, soit 14 850 $. Cette méthode entraîne des primes plus élevées lorsque le rendement de l’employé et la performance de l’organisation excèdent 110, et des primes moins élevées lorsque le rendement de l’employé ou la performance de l’organisation (ou les deux) sont inférieurs à 110.

Déclencheur (threshold) Seuil, souvent établi sur la base des résultats nanciers de l’entreprise (par exemple, le bénéce avant intérêts, impôts et amortissement – BAIIA), dont l’atteinte autorise le versement des primes et qui vise à lier l’octroi des primes à la capacité nancière de l’entreprise.

440

CHAPITRE 9

9.3

Pour en savoir plus sur les régimes collectifs à long terme basés sur la participation à la propriété des employés

Les régimes collectifs de rémunération variable à long terme

Comme ce chapitre porte sur les régimes collectifs de rémunération variable auxquels une proportion importante du personnel d’une organisation peut être admissible, nous nous bornerons à présenter les régimes basés sur le rendement boursier, soit les régimes d’achat d’actions et d’octroi d’actions de même que les régimes d’options d’achat d’actions. Les régimes collectifs à long terme sont implantés dans des entreprises cotées à la Bourse principalement dans les organisations du secteur primaire ou de l’industrie de la haute technologie dont l’avenir est plus incertain (par exemple, les sociétés en démarrage) et qui font face à des problèmes de recrutement et de conservation d’employés clés très compétents. À ce jour, les régimes collectifs à long terme non sélectifs sont probablement les régimes dont l’ecacité a été la moins étudiée (voir la revue de Kruse et Blasi, 1997). Dans le cas, surtout, des régimes d’options d’achat d’actions élargis, les preuves de leur ecacité proviennent surtout d’anecdotes. Aux États-Unis comme au Canada, les quelques études portant sur l’ecacité des régimes non sélectifs de participation à la propriété — surtout des régimes d’achat d’actions — révèlent des résultats souvent moyennement positifs ou neutres, mais rarement négatifs (Blasi et al., 1996 ; Atherton, 1997 ; Renaud et al., 2004 ; Commeiras et al., 2000).

9.3.1 Les régimes d’achat d’actions et les régimes d’octroi d’actions Un régime d’octroi d’actions donne des actions ou les accorde à un prix inférieur à leur valeur sur le marché boursier au moment de l’octroi. Dans la plupart des cas, les personnes ne peuvent vendre pendant une période déterminée (habituellement de quatre ou cinq ans) les actions reçues, mais elles peuvent recevoir des dividendes et exercer leur droit de vote à partir du moment de l’octroi des actions. En général, ces régimes sont destinés aux dirigeants ou encore aux cadres ou aux professionnels diciles à recruter et à retenir. Les actions servent alors à les attirer et à les retenir.

La dénition et la fréquence En vertu d’un régime d’achat d’actions, les employés admissibles ont la possibilité d’acheter, à des conditions avantageuses, un certain nombre d’actions de l’entreprise au cours d’une courte période (de un à deux mois) à un certain prix (xe ou variable) ou selon un mode de paiement particulier (xe ou variable). Ces régimes peuvent prendre diérentes formes. Une entreprise peut, par exemple, orir à ses employés la possibilité d’acheter des actions de l’entreprise à des conditions avantageuses : un prix de vente des actions à un taux inférieur à celui du marché, l’octroi d’un nombre d’actions égal à celui qu’achète l’employé jusqu’à un maximum donné, une ore de payer un certain pourcentage du prix des actions (par exemple, entre 25 % et 85 %) selon les bénéces, une ore de prêt sans intérêts ou avec un bas taux d’intérêt pour l’achat d’actions, la possibilité de faire faire des prélèvements automatiques sur les salaires pour l’achat d’actions, et ainsi de suite. En général, les organisations limitent le pourcentage (par exemple, entre 6 % et 10 %) du salaire des employés pouvant être consacré à l’achat d’actions de leur employeur. Ainsi, une organisation peut proposer des régimes d’une durée de deux ans qui se décompose en quatre périodes d’achat distinctes permettant à l’employé de devenir propriétaire d’une partie (d’un quart) des actions auxquelles il a souscrit. Une enquête du Conference Board

La rémunération de la performance collective

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du Canada montre qu’environ 63 % des entreprises canadiennes dont les actions sont négociées à la Bourse possèdent un régime d’achat d’actions et que, dans plus de 96 % des cas, il s’agit d’un régime élargi (broad-based plan) auquel tous les employés sont admissibles (Baarda, 2005). Toutefois, moins de la moitié des employés admissibles participent eectivement au régime. Une autre enquête du Conference Board indique que 6 % de l’ensemble des organisations participantes gèrent un régime d’octroi d’actions, le régime incitatif à long terme le plus répandu étant les options d’achat d’action avec un taux de fréquence de 45 % (Stewart et Lamontagne, 2013).

Les avantages Diverses raisons peuvent expliquer l’adoption d’un régime d’achat d’actions ou d’un régime d’octroi d’actions pour une partie, sinon la totalité, du personnel d’une organisation. D’abord, un régime d’achat d’actions est susceptible d’inciter les employés à penser davantage à la valeur des actions. Dans certains cas, l’adoption d’un régime d’achat d’actions a permis à des entreprises d’éviter la faillite et de maintenir des emplois. De plus, l’octroi d’actions permet de rémunérer le personnel sans qu’il y ait débours et sans que cela réduise les bénéces. Ces régimes sont donc de nature à plaire aux entreprises qui ont peu d’argent ou qui doivent investir leur argent dans des immobilisations ou en R&D. C’est le cas pour les petites entreprises dans le domaine de la haute technologie ou pour celles qui traversent des périodes diciles et qui, temporairement, peuvent accorder des actions pour compenser l’absence d’augmentations de salaires ou de faibles augmentations. Aussi, la participation à la propriété — tant par l’achat d’actions que par l’octroi d’actions — peut favoriser le recrutement et la conservation du personnel. Pour attirer des candidats compétents et qualiés, des organisations intègrent dans leurs conditions d’embauche l’ore d’une certaine quantité d’actions dès l’entrée en poste. En eet, ces régimes permettent aux employés de bénécier de dividendes, de possibilités de gains en capital et, conséquemment, d’un traitement scal avantageux (paiements d’impôts réduits ou reportés). En outre, l’octroi d’actions peut encourager certaines personnes à joindre les rangs d’une entreprise parce que cela contrebalance la perte de certains avantages oerts par l’ancien employeur, comme les avantages liés à un précédent régime de retraite.

Les inconvénients Les régimes d’achat d’actions et les régimes d’octroi d’actions comportent aussi des limites. Pour plusieurs observateurs, les actions — qu’elles soient achetées ou reçues — ne contribuent pas à améliorer la motivation au travail des employés parce qu’elles n’exercent pas d’inuence sur le cours de l’action. On craint aussi un potentiel eet démobilisateur des régimes d’achat d’actions lorsque le prix de l’action chute. Les régimes d’achat d’actions (actionnariat) nécessitent un débours de la part de l’employé qui comporte un risque de perte pour lui. L’entreprise doit donc veiller à ne pas forcer ses employés à acheter trop d’actions de l’entreprise, pour éviter de mettre en péril leur sécurité nancière. À titre d’exemple, rappelons le cas historique de la société Trust Royal, dont le déclin a souvent été attribué à son régime d’achat d’actions nancé au moyen de prêts personnels qui auraient encouragé ses cadres à prendre des décisions d’aaires (prêts, investissements, etc.) trop risquées et inappropriées pour une institution nancière faisant appel à l’épargne publique. Finalement, ces régimes sont assez complexes à gérer, à faire connaître et à expliquer au personnel étant donné que la performance boursière est un indicateur qu’ils maîtrisent peu, surtout dans les entreprises où la performance est cyclique ou tributaire du prix et de la disponibilité de matières premières.

Pour en savoir plus sur les régimes de participation à la propriété

442

CHAPITRE 9

9.3.2 Les régimes d’options d’achat d’actions Les années 1950 et 1960, caractérisées par la croissance économique et la performance des marchés boursiers, ont amené les entreprises nord-américaines à implanter un type particulier de régimes de rémunération à long terme, soit les régimes d’options d’achat d’actions. Si la plupart de ces régimes étaient largement destinés aux cadres supérieurs, certaines entreprises les ont rendus accessibles à une bonne partie de leur personnel (au moins 50 %). Nous traiterons de ce dernier cas lorsque nous aborderons le débat entourant les options versées aux dirigeants d’entreprise dans le chapitre 10.

La dénition et la fréquence Ces régimes accordent à des personnes le droit (l’option) d’acheter des actions de leur entreprise à un prix xé d’avance (le « prix de levée ») durant une période déterminée (généralement de 5 à 10 ans). La récompense potentielle des détenteurs d’une option correspond alors à la diérence entre la valeur des actions sur le marché boursier au moment où ils décident de lever leur option et le prix de levée de leur option. Pour permettre de mieux comprendre le fonctionnement de ce type de régime, les parties A et B de la gure 9.3 présentent et comparent la position de deux employés détenteurs d’options d’achat d’actions. FIGURE 9.3

Le fonctionnement d’un régime d’options d’achat d’actions A Relevé Octroi d’options d’achat d’actions AéroTransport inc.

AéroTransport inc. Évolution du cours du titre

J. Laroche Salaire : 100 000 $ Octroi en 2012 : 16 000 actions Prix de levée : 3,00 $ Échéance : 28 février 2020 Conditions de levée : 1er mars 2012 : 4 000 1er mars 2013 : 4 000 1er mars 2014 : 4 000 1er mars 2015 : 4 000 Toute option non levée au moment d’un départ volontaire ou d’un renvoi avec motif est nulle et sans valeur. Toute option est non transférable. Toute option non levée à l’échéance est nulle et sans valeur. Président Le 28 février 2010 La partie A présente un relevé d’octroi d’options d’achat d’actions accordé le 28 février 2010 à J. Laroche, employé chez AéroTransport inc. À droite de ce relevé, un graphique illustre les uctuations du cours boursier du titre de cette entreprise. M. Laroche ne peut lever son option qu’au terme d’une période d’acquisition de deux ans et, par la suite, seulement par tranches, soit 25 % ou 4 000 actions par année. Jusqu’au 1er mars 2012, l’option octroyée à M. Laroche ne peut être levée.

La rémunération de la performance collective

FIGURE 9.3

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Le fonctionnement d’un régime d’options d’achat d’actions (suite)

À cette date, il a pu lever jusqu’au quart de son option et ainsi acheter un nombre d’actions d’AéroTransport inc. pouvant s’élever à 4 000 au prix déterminé au moment de l’octroi (3,00 $). M. Laroche aurait alors pu garder ses actions ou les revendre immédiatement au prix du marché (9 $) et ainsi encaisser un gain de 24 000 $ [9 $ – 3,00 $ × 4 000]. Toutefois, à la levée de l’option, son gain de 24 000 $ — qu’il soit encaissé ou non — aurait dû être ajouté à son revenu imposable. Par ailleurs, si M. Laroche avait prévu le potentiel de croissance du titre, il aurait pu décider de ne pas lever son option an de bénécier de la plus-value des actions sans courir le risque lié à la détention d’actions. Dans le cas d’AéroTransport inc., la levée de l’option le 1er mars 2012 se serait révélée un mauvais choix, car le titre a grimpé à 13 $ par la suite. Quant à la portion de l’option détenue par M. Laroche lui permettant d’acquérir 12 000 actions, elle n’est pas acquise et ne peut, par conséquent, être levée immédiatement. Toutefois, au cours du titre au 1er mars 2012 (9 $ l’action), l’option comporte déjà un gain potentiel de 72 000 $ [12 000 actions × (9,00 $ – 3,00 $)] qui ne pourra être réalisé que si M. Laroche demeure au service d’AéroTransport inc. La «valeur» de l’option pour le dirigeant dière du gain potentiel, dans la mesure où elle ne peut être levée immédiatement et où le cours du titre peut uctuer dans l’avenir — d’autres variables, suggérées par diérents modèles théoriques tels que le modèle d’évaluation des options Black-Scholes (Hemmer, 1993), entrent en ligne de compte. B Relevé Octroi d’options d’achat d’actions Service Public inc.

Service Public inc. Évolution du cours du titre

H. Smith Salaire : 100 000 $ Octroi en 2012 : 2 400 actions Prix de levée : 23,00 $ Échéance : 28 février 2020 Conditions de levée : 1er mars 2012 : 4 000 1er mars 2013 : 4 000 1er mars 2014 : 4 000 1er mars 2015 : 4 000 Toute option non levée au moment d’un départ volontaire ou d’un renvoi avec motif est nulle et sans valeur. Toute option est non transférable. Toute option non levée à l’échéance est nulle et sans valeur. Président Le 28 février 2010 La partie B présente, à gauche, un relevé d’octroi d’options d’achat d’actions accordé le 28 février 2010 à H. Smith, employé de Service Public inc., et, à droite, un graphique illustrant les uctuations du cours boursier de l’action de cette entreprise. À partir de mars 2011, M. Smith a pu lever chaque année un certain pourcentage (25 %) de ses actions. Les uctuations du cours boursier indiquent que le titre de Service Public inc. n’est pas très volatil — son cours ayant uctué entre 20 $ et 31 $ depuis le 28 février 2010. En présumant que M. Smith n’a pas levé la portion acquise de son option le 1er mars 2011, le gain qu’il peut encaisser le 1er mars 2012 est de 0 $, le prix de levée étant égal au cours du titre.

Les avantages Les options d’achat d’actions, en tant que mode de rémunération, sont associées à divers atouts. Ainsi, on croit que ces régimes accroissent l’alignement des intérêts des employés sur ceux des actionnaires (l’amélioration de la performance boursière) et marquent la

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CHAPITRE 9

volonté de bâtir une culture de « propriété » où tout le monde se sent en partie propriétaire de l’entreprise et motivé à en augmenter la valeur. Les dirigeants adopteraient des régimes d’options d’achat d’actions an d’intéresser les employés à suivre la valeur de l’action, de les inciter à s’interroger sur ce qu’ils peuvent faire pour inuencer le prix de l’action et de leur permettre d’acquérir un sentiment d’appartenance à l’entreprise. De plus, comme l’octroi des options n’exige aucune sortie de fonds, les dirigeants peuvent consacrer leurs liquidités à d’autres ns que la rémunération (l’achat d’équipements, les investissements en R&D, etc.). Selon des experts en rémunération, l’adoption d’un régime d’options d’achat d’actions pour le personnel répond en partie au besoin d’attirer et de retenir la main-d’œuvre (Journet, 2004). En outre, plusieurs petites entreprises du secteur de la haute technologie doivent orir des options à l’ensemble de leur personnel parce qu’elles ne sont pas en mesure de leur verser des salaires ou des avantages sociaux concurrentiels. De plus, les options maximisent le potentiel de gain des employés, étant donné que leur valeur n’est pas plafonnée. Aussi, un régime d’options d’achat d’actions serait avantageux sur le plan scal, car le personnel n’est pas imposé au moment de l’octroi des options, mais plutôt sur le gain réalisé lors de leur levée (les gains sur options étant traités comme des gains en capital). La valeur potentiellement élevée des options, doublée d’un tel avantage scal, représente un atout pour motiver le personnel à entrer dans une entreprise et à rester à son service. La perspective de faire de l’argent avec ces options, si les actions de l’entreprise sont appelées à être négociées sur le marché boursier ou si elles prennent beaucoup de valeur, est également un atout non négligeable. En eet, comme le versement lié aux options est fait après plusieurs années et à certaines conditions, le personnel doit rester au service de l’entreprise pour réaliser un gain. On parle alors de « menottes dorées ». Finalement, dans certaines industries, les entreprises proposent des options an de rester compétitives et de suivre une tendance sur le marché. Soulignons que pour des professionnels et des cadres de nombreux niveaux hiérarchiques, l’admissibilité à un régime d’options d’achat d’actions est en soi un symbole de leur statut.

REGARD SUR LA PRATIQUE Les régimes d’options d’achat d’actions : le cas de Mines Virginia inc. Mines Virginia inc. annonce qu’elle a procédé aujourd’hui même à l’octroi de 207 250 options d’achat d’actions en faveur de ses administrateurs, dirigeants, employés et fournisseurs de services. De ce nombre, 50 000 options ont été attribuées aux administrateurs et dirigeants et 157 250 ont été attribuées aux employés et aux fournisseurs de services

de la société. Chaque option permet à son détenteur de souscrire à une action ordinaire de la société au prix de 9,00 $ l’action, soit un prix supérieur au prix de fermeture du titre à la Bourse de Toronto du 12 juillet 2012. Ces options sont valides pour une période de 10 ans.

Source : Extrait de Mines Virginia inc. (2013).

Les inconvénients Malgré ce que l’on prétend, les options n’incitent pas vraiment les employés à se comporter comme des actionnaires non seulement parce qu’ils n’inuent pas sur la valeur des actions de l’organisation, mais aussi parce que, contrairement aux actionnaires qui achètent leurs actions, les options sont oertes, ne coûtant rien aux cadres et aux professionnels. À l’inverse des détenteurs d’actions, les détenteurs d’options ne subissent donc jamais de perte réelle lorsque les actions baissent. Comparativement aux régimes d’achat d’actions, les régimes d’options d’achat d’actions ne comportent aucun risque pour le personnel. D’une part, les

La rémunération de la performance collective

options ne peuvent valoir moins de 0 $, la pire situation étant celle où la valeur de l’action diminue ou reste la même. Dans ces derniers cas, les détenteurs d’options ne font aucun gain, mais ils ne subissent aucune perte réelle. En d’autres termes, si le titre ne s’apprécie pas, le « malheur » des détenteurs d’options se limite à un manque à gagner « espéré », leur revenu se limitant alors aux autres composantes de leur rémunération globale qui sont souvent fort satisfaisantes. De fait, un détenteur d’options n’assume un risque qu’au moment où il devient un véritable actionnaire, soit lorsqu’il lève ses options et achète des actions. Or, l’expérience montre que la majorité des employés de premier niveau lèvent en grands blocs des options reçues au cours des six mois qui suivent le moment où il leur est possible de le faire et ils revendent leurs actions immédiatement après (les employeurs retenant justement les services de professionnels qui s’assurent de la transaction de vente des actions) (Huddart et Long, 1996). Par ailleurs, tout comme pour les régimes d’achat d’actions et d’octroi d’actions, les régimes d’options d’achat d’actions sont complexes à expliquer et lourds et coûteux à administrer pour les employeurs. L’employé moyen a de la diculté à comprendre ce qu’est une option d’achat d’actions ainsi que le fonctionnement d’un tel régime. Comme les employés ne sont pas en mesure d’apprécier la valeur potentielle du régime, l’ecacité de celui-ci est compromise. Selon une enquête, seulement 1 % des organisations orant un régime élargi jugent que leurs employés de la base comprennent la valeur de leurs options et que seulement 10 % d’entre eux comprennent ce mode de rémunération. Les répondants croient aussi que seulement 25 % des cadres intermédiaires saisissent bien le fonctionnement de leur régime d’options (National Association of Stock Plan Professionals et Pricewaterhouse-Coopers, 2000). Selon de nombreux observateurs, les options ne contribueraient pas à améliorer la motivation au travail des employés étant donné les eets illusoires des comportements et des décisions de ces employés sur le cours de l’action. D’autres observateurs traitent d’un possible eet démobilisateur des options lorsque le prix de l’action chute et que les options deviennent sans valeur (Journet, 2004). Ces régimes compliquent l’estimation de la rémunération globale du personnel. On critique, par exemple, le fait que la valeur réelle des options d’achat d’actions soit dicile à estimer, puisqu’elle n’est connue qu’à leur expiration. De plus, le coût des options des employés est dicile à évaluer, à apprécier et, conséquemment, à contrôler. Notons qu’avant 2005 les organisations canadiennes n’étaient pas obligées de comptabiliser les options détenues par leurs dirigeants et leurs employés dans les charges d’exploitation de leur société ; les options étaient « gratuites » étant donné qu’elles ne réduisaient pas les bénéces. Cela a contribué à la popularité des options et à leur octroi abusif. Les abus de leur octroi combinés avec la crise qui a suivi alimentent le scepticisme à l’égard de ce mode de rémunération. On reproche aussi à ces régimes de considérer la uctuation absolue des prix des actions plutôt que leur uctuation relative en comparaison de concurrents, ou encore de ne pas rattacher la valeur de l’octroi d’options d’achat d’actions au rendement individuel ou à la performance collective. Enn, on considère que l’octroi d’options a un eet de dilution sur l’avoir des actionnaires, de sorte que ces derniers bénécient de moins en moins de la création de valeur de l’entreprise, une portion de plus en plus élevée de la plus-value protant aux détenteurs d’options.

Les conditions de succès Compte tenu du nombre restreint d’entreprises qui gèrent un régime d’options d’achat d’actions auquel la majorité de leurs employés est admissible, rares sont les chercheurs qui ont tenté d’estimer les eets de ces régimes sur des indicateurs objectifs comme la performance boursière, le recrutement du personnel et sa délisation. Une revue des écrits permet toutefois de faire des recommandations visant l’amélioration de l’ecacité des régimes d’options d’achat d’actions destinés à la plus grande

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CHAPITRE 9

partie du personnel des organisations (par exemple, Carberry, 2001 ; Holsinger, 2000 ; Journet, 2004 ; Newman et Waite, 1998). D’abord, la façon dont le régime est géré inue sur son succès. Certains auteurs recommandent (comme c’est aussi le cas pour les régimes d’options d’achat d’actions réservés aux dirigeants) d’octroyer les options en fonction du rendement individuel des employés, car l’octroi automatique ou uniforme — sans relation directe avec le rendement — a peu de répercussions sur la motivation étant donné que les employés ne perçoivent pas de lien entre leur participation au régime et leur rendement au travail. Il importe aussi d’investir dans la communication an de s’assurer que les employés comprennent le régime si l’on veut qu’ils soient en mesure de l’apprécier. Ensuite, le succès d’un régime d’options d’achat d’actions dépend des caractéristiques organisationnelles. En outre, de tels régimes sont plus ecaces lorsque la performance boursière de l’entreprise est bonne et que les options détenues par les employés ont de la valeur. Lorsque le cours de l’action baisse et que les options deviennent sans valeur (underwater options), elles parviennent moins bien à retenir les employés. Il faut aussi gérer le régime de manière cohérente par rapport aux autres pratiques de gestion. Les options ne sont qu’un élément parmi d’autres ayant un eet sur l’attraction et la conservation des employés. Enn, le contexte économique et l’intégrité du management de l’entreprise inuencent l’ecacité du régime d’options d’achat d’actions. Des événements comme les scandales nanciers (pensons aux sociétés Enron et WorldCom) et la baisse des marchés boursiers ont fait naître le scepticisme à l’égard des options. Depuis le début des années 2000, les grands et les petits investisseurs se montrent plus méants et critiques à l’égard de ce mode de rémunération, ce qui risque d’avoir une incidence sur leur adoption.

9.4

Les conditions de succès des régimes individuels ou collectifs de rémunération variable

Comme nous l’avons indiqué, relativement peu d’études — les études existantes comportant souvent des limites méthodologiques variées — appuient la croyance dans les bienfaits de la rémunération variable tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. Par contre, il n’est peut-être pas pertinent de se demander si les régimes de rémunération variable sont ecaces, puisque la réponse restera toujours celle-ci : cela dépend ! Il faut plutôt se poser les questions suivantes : quels facteurs inuent sur le succès à long terme des régimes de rémunération variable ? Qu’est-ce qui rend ces régimes plus ou moins ecaces ou les fait percevoir comme plus ou moins ecaces ? Les conditions de succès des régimes de rémunération variable — tant individuels que collectifs — peuvent être regroupées en catégories selon qu’elles portent sur le type de régime de rémunération variable retenu, sur les caractéristiques de la gestion des régimes, sur la façon dont ils sont implantés et administrés, sur la synergie entre les modes de reconnaissance et les activités de gestion du personnel et sur le contexte organisationnel.

9.4.1 Le choix du régime de rémunération variable Comme nous avons pu le constater, il existe diérents types de régimes individuels et collectifs de rémunération variable. Une entreprise doit donc choisir le type de régime qui répond le mieux à ses besoins et à ceux de son personnel. Étant donné que ces besoins évoluent avec le temps, un régime peut être modié, révisé, abandonné ou remplacé par un autre. Par ailleurs, à l’étape du choix d’un régime, les dirigeants doivent se demander

La rémunération de la performance collective

si l’adoption même d’un régime, quel qu’il soit, est appropriée. Ainsi, une étude a montré que les entreprises dans lesquelles le risque d’aaires est très élevé et dont les résultats sont incertains ne devraient pas adopter de régime de rémunération variable, l’absence de régime étant liée à une meilleure performance pour de telles organisations. Pour choisir un régime de rémunération variable adéquat, il faut dénir correctement les facteurs de succès de l’organisation (comme les coûts, les services et la qualité), retenir des indicateurs capables de mesurer la réalisation de ces facteurs de succès et y rattacher diverses formes de récompenses tangibles et intangibles. Ainsi, le fait de changer les éléments sur lesquels les employés sont évalués de même que la façon dont ils sont récompensés peut s’avérer un important outil de communication de valeurs ou de priorités pour la réalisation de la stratégie d’aaires de l’entreprise. Les régimes de rémunération variable sont des outils de communication qui doivent véhiculer les messages qui aident l’entreprise à atteindre ses objectifs. Celle-ci ne doit pas se contenter d’imiter les autres entreprises ; elle doit plutôt se demander ce qu’elle veut reconnaître. Est-ce la créativité ? l’esprit d’équipe ? la compétitivité ? la croissance continue ? la productivité à court terme ? la valeur boursière ? Cette réexion, qui est essentielle, permet de déterminer les régimes de rémunération les plus ecaces et de diminuer le risque de reconnaître des comportements négatifs et indésirables plutôt que des comportements que l’entreprise souhaite encourager. Ainsi, dans un contexte de qualité totale où l’accent est mis sur la coopération et le travail d’équipe, une entreprise gagne à privilégier les régimes collectifs de rémunération variable (Clinton et al., 1994 ; Haines et al., 2004 ; Waldman, 1994).

9.4.2 Les caractéristiques des régimes de rémunération variable L’ecacité des régimes de rémunération variable serait liée à leurs caractéristiques, comme le nombre d’employés admissibles, le mode de distribution, la nature, la fréquence et la valeur des primes ou des autres récompenses. De telles caractéristiques de gestion des régimes de rémunération variable sont bien entendu fonction du contexte de travail. À titre d’illustration, le tableau 9.7 à la page suivante, dresse une liste de caractéristiques du milieu de travail susceptibles d’inuencer la gestion des régimes de rémunération variable. En outre, il semblerait qu’en général plus le nombre de participants est restreint, plus les régimes sont ecaces. De même, il serait préférable d’accorder les primes selon les résultats des divisions plutôt que selon ceux de l’organisation entière, ou encore d’adopter des régimes mixtes, dans lesquels la valeur des primes tient compte des bénéces de l’unité d’aaires et du rendement individuel. Ces recommandations s’appuient sur la prémisse selon laquelle plus la taille du groupe et le centre de prot sont restreints, plus l’émulation entre les membres pour accroître les bénéces est grande, et plus les membres du groupe sont susceptibles de percevoir un lien entre leur rendement individuel et leur récompense. De plus, pour que les récompenses incitent les employés à l’excellence, elles doivent être assez importantes. La valeur des récompenses (comme les primes) doit être susante pour amener le personnel à faire plus, mais elle ne doit pas être trop élevée, ce qui mettrait en jeu des sommes trop grandes pour l’entreprise. En d’autres termes, elle devrait être assez élevée pour motiver les employés sans trop assujettir leur rémunération à la uctuation des résultats de l’entreprise. Au sujet des régimes de participation aux bénéces, Tyson (1996) estime que les bénéces doivent être susants pour orir des primes annuelles équivalant à 3 % à 5 % du salaire de base des employés.

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CHAPITRE 9

TABLEAU 9.7

L’inuence du contexte de travail sur diverses caractéristiques des régimes de rémunération variable

Caractéristiques du contexte de travail • Interdépendance des emplois • Autonomie des titulaires • Capacité de reconnaître le rendement • Variations du rendement • Maîtrise du rendement • Capacité de mesurer le rendement • Temps requis pour obtenir les résultats • Nécessité de coopérer ou d’être en concurrence • Culture organisationnelle • Stabilité et régularité du rendement • Importance du rendement pour la réussite de l’entreprise • Secteurs d’activité économique • Présence syndicale • Etc.

Caractéristiques des régimes de rémunération variable • Niveaux de performance évalués et reconnus : individu, groupe ou organisation • Mesures de la performance : résultats, processus, comportements, compétences, etc. • Sources de mesure de la performance : clients, supérieurs, direction, collègues, autoévaluation, évaluation multisource, etc. • Montant des récompenses attribuées • Formes de récompenses : primes, augmentation de salaires, actions, vacances, options, etc. • Responsabilités du développement ou de la gestion : siège social, unité d’aaires, service, équipe, etc. • Proportions de la rémunération xe et de la rémunération variable • Fréquence de l’attribution des récompenses • Retenues sur la rémunération variable (par exemple, commissions) en vue de les verser lors de périodes où les résultats sont faibles (par exemple, ventes) • Potentiel (maximum) de récompenses • Etc.

9.4.3 La gestion des régimes de rémunération variable À l’égard de toutes les décisions en matière de gestion du personnel, il faut s’assurer qu’on respecte certaines règles de justice dite « du processus » : le droit d’appel, la connaissance des critères de décision, les compétences des décideurs, la communication de l’information, la participation, etc. Ce principe reste valable au sujet des régimes de rémunération variable : il n’y a pas que la justice du résultat ou la justice distributive qui importe, c’est-à-dire le « combien » ou le « quoi », mais aussi la justice du processus utilisé pour décider du résultat ou des incitations accordées aux personnes, c’est-à-dire le « comment ». En somme, pour que les employés soient satisfaits de leurs récompenses (que ce soient des primes, des augmentations de salaires, des commissions, des actions, des options, etc.) et y trouvent une source de motivation, ils doivent considérer que les montants qui leur sont versés sont non seulement justes, mais également établis et gérés de manière juste. La gure 9.4 résume les conditions de succès liées à la gestion des régimes de rémunération variable en s’appuyant sur les prémisses de la théorie des attentes. Les règles énumérées dans cette gure peuvent aider les cadres et les dirigeants à évaluer l’ecacité de la gestion et des caractéristiques de leur système de rémunération variable et elles leur orent des moyens ou des pistes pour améliorer cette ecacité. Rappelons que, selon la théorie des attentes, pour qu’une forme de reconnaissance ait un eet sur la motivation au travail d’un employé, il faut, entre autres, que celui-ci considère qu’il peut fournir le rendement attendu, qu’il perçoive une relation entre son rendement et

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FIGURE 9.4

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Les répercussions des principes de la théorie des attentes sur les conditions de succès d’un régime de rémunération variable

Les employés doivent percevoir un lien entre leurs eorts et leur rendement au travail (eorts et rendement), ce qui suppose : • qu’ils ont les compétences requises par leur travail et qu’ils s’estiment compétents ; • qu’ils savent ce qu’est un bon rendement ; • qu’ils considèrent l’évaluation du rendement comme valide ; • qu’ils contrôlent les facteurs entrant dans l’évaluation de leur rendement ; • qu’ils ont les ressources nécessaires (information, équipements, etc.) pour faire leur travail ; • qu’il y a de la diversité dans le rendement de tous les employés. Les employés doivent percevoir un lien entre le rendement au travail et les rétributions oertes (rendement et conséquences), ce qui suppose : • qu’ils constatent que les employés qui ont un meilleur rendement se voient attribuer un revenu plus élevé, et vice versa ; • qu’ils perçoivent une diérence appréciable entre la reconnaissance accordée aux employés ayant un excellent rendement et la reconnaissance accordée à ceux qui ont un rendement satisfaisant ; • qu’ils considèrent leur superviseur comme ayant les compétences pour évaluer leur rendement ; • qu’ils ont conance en leur superviseur et en la direction de l’entreprise ; • qu’ils perçoivent plus d’avantages que d’inconvénients (de conséquences négatives) à l’amélioration de leur rendement ; • qu’ils perçoivent que des mesures incitatives autres que pécuniaires sont également liées à un bon rendement ; • que le lien entre le rendement et les rétributions oertes leur est communiqué sur une base continue. Les employés doivent accorder de l’importance aux conséquences, ce qui suppose : • qu’ils ont besoin d’argent ; • qu’ils désirent obtenir un meilleur revenu ; • qu’ils connaissent les rétributions qu’ils peuvent obtenir en améliorant leur rendement ; • qu’ils considèrent le montant d’argent correspondant à un bon rendement comme important et équitable ; • que les rétributions associées au rendement leur sont communiquées de façon continue.

la récompense et que cette récompense soit importante pour lui. À propos de cette récompense, une mise en garde s’impose : les montants d’argent doivent certes être susants, mais pas élevés au point que les employés seront prêts à tout pour obtenir le gros lot convoité !

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CHAPITRE 9

L’ecacité des régimes de rémunération variable serait aussi fonction de la qualité de leur gestion. Les conditions de succès les plus souvent associées à ces régimes résident dans la qualité de l’information, de la formation et de la participation du personnel. Cela implique la sensibilisation aux objectifs des régimes, l’explication du mode de calcul des primes, s’il y a lieu, l’information sur les aaires de l’organisation, l’institution d’un comité responsable de l’administration du régime dont seraient membres certains employés, la sensibilisation à la relation existant entre les résultats et les récompenses, etc. Sur ce point, soulignons que le succès des régimes de rémunération variable repose d’abord sur les épaules des cadres, qui doivent déterminer, suivre, mesurer et récompenser le rendement. Ces derniers doivent s’approprier le régime et accepter d’assumer leurs responsabilités dans ce domaine. Pour ce faire, il faut qu’ils participent à la conception, à l’implantation et à la gestion des régimes individuels et collectifs de rémunération variable. À cet égard, il appert que les employeurs ont des progrès à réaliser, car près de la moitié d’entre eux estiment que les gestionnaires ne mettent pas correctement en œuvre les programmes incitatifs à court terme (Towers Watson, 2011). Les résultats — les bénéces, la productivité, la valeur de l’action — ne surgissent pas spontanément : ils proviennent des eorts quotidiens de chaque employé. Les employés devraient donc avoir une idée réaliste des résultats de l’entreprise et bien comprendre ceux-ci. Pour qu’un régime collectif incite les employés à se surpasser, il doit leur apporter une réponse satisfaisante à deux préoccupations légitimes : comment peuvent-ils améliorer les résultats de l’entreprise ? Qu’obtiendront-ils s’ils améliorent ces résultats ? Le régime collectif peut constituer un mécanisme majeur permettant une correspondance entre les intérêts des employés et ceux de l’entreprise... si les employés perçoivent le régime comme juste. Et étant donné que la justice est une question de perception, la communication devrait avoir un rôle majeur à jouer en la matière. Les modes de communication ociels (les documents écrits, les documents audiovisuels ou les notes de service) sont importants, mais ils sont incomplets sans l’apport des superviseurs, qui ont un contact direct et quotidien avec les employés. La crédibilité des régimes de rémunération variable fait partie des responsabilités des cadres (bien plus que de celles du service des ressources humaines), et ceux-ci devraient donc être sensibilisés à la question et aptes à remplir ce rôle de communication. Le succès des régimes de rémunération variable tendrait aussi à être plus marqué quand on observe en même temps la présence des caractéristiques de gestion suivantes : • une implantation planiée ou progressive (par exemple, si elle suit un programme de suggestions) ; • des cadres compétents et capables d’informer et de consulter leurs subordonnés sur la situation de l’entreprise ; • un climat de conance entre les cadres et les employés ; • un style de gestion ouvert ; • des conditions de travail (surtout pour ce qui est des salaires et des avantages sociaux) équitables et concurrentielles ; • une valeur relative des primes accordées aux diérentes catégories d’employés (les employés de production, les employés de bureau, les cadres et la direction) perçue comme juste ; • des règles du jeu (l’admissibilité, le calcul des primes, etc.) connues, stables et simples ; • l’absence de mises à pied associées à l’adoption d’un régime de rémunération variable. Par ailleurs, un des problèmes qu’occasionnent les régimes de rémunération variable tient au fait que, dans bien des cas, ils ne ciblent qu’un ou quelques indicateurs de rendement auxquels il faut satisfaire pour réussir. Par conséquent, ils incitent les employés à ne

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se conformer qu’à ce nombre restreint d’indicateurs (par exemple, le montant des ventes ou le nombre d’unités vendues) et à en ignorer d’autres (par exemple, le développement de la clientèle ou le service après-vente) qui sont aussi importants, voire davantage, pour la réussite de l’entreprise à long terme. Comme l’ont montré de nombreux scandales nanciers, il faut veiller à ce que les régimes de rémunération variable ne versent pas des récompenses trop élevées et qu’ils n’exercent pas une pression indue sur les personnes. Sinon, cela pourrait les encourager à tout faire pour les obtenir, leur permettre de justier l’injustiable et même les amener à tricher dans la mesure où les règles du jeu sont soumises à un contrôle trop faible. Selon Pfeer et Sutton (2006b), la rémunération variable comporte des dangers évidents : • Certains signaux donnés par diérents régimes de rémunération sont peu clairs quant aux comportements que doivent privilégier des employés ayant des tâches complexes. Du coup, ils peuvent conduire à manifester des comportements pour obtenir des récompenses et à négliger d’autres aspects importants. • Les signaux qu’ils transmettent sur le marché de l’emploi peuvent mener à attirer des personnes motivées par l’argent et non par les valeurs de l’entreprise. • Ces régimes augmentent les écarts de rémunération entre les catégories de personnel et créent des « castes » au sein de l’entreprise, ce qui nuit aux relations de travail.

REGARD SUR LA PRATIQUE Le programme de primes lié au retour à la rentabilité de Nortel En 2002, le conseil d’administration de Nortel adopte un programme de primes lié au retour à la rentabilité mesuré par un bénéce pro forma auquel tout le personnel est admissible. Envers les employés, les règles prévoient que tous recevront une prime payée en un seul versement lorsque Nortel atteindra pour la première fois la rentabilité au cours d’un trimestre de 2003. Les règles incitent les 43 cadres supérieurs non seulement à atteindre la rentabilité, mais à la maintenir : ils deviennent admissibles à un maximum de 20 % de leur prime lors du premier trimestre de rentabilité, à 40 % de leur prime après le deuxième trimestre consécutif et aux 40 % restants de leur prime au quatrième trimestre consécutif de rentabilité, la première tranche de la prime devant leur être versée avant la n de l’exercice 2003. Simultanément, le conseil d’administration adopte un second régime d’intéressement à long terme pour les cadres supérieurs qui lui permet, à sa discrétion, de leur octroyer des unités d’action restreintes selon l’atteinte d’objectifs internes de résultat avant impôt. En janvier 2003, la direction de Nortel annonce à son conseil d’administration qu’elle prévoit une perte d’environ 110 millions de dollars américains pour le premier trimestre de l’année. À la surprise de tous, en avril 2003, les dirigeants déclarent un bénéce de 54 millions de dollars américains, le premier bénéce réalisé depuis trois ans, et l’on verse les primes préétablies aux employés ainsi que le premier Source : Extrait adapté de Rousseau et al. (2011, p. 17-20).

versement de primes aux 43 cadres supérieurs. En août 2003, Nortel annonce un deuxième trimestre consécutif de rentabilité et les cadres supérieurs reçoivent la deuxième portion des primes «de retour à la rentabilité» et plusieurs d’entre eux reçoivent des unités d’action restreintes. De fait, pour la première moitié de l’année 2003, le conseil d’administration verse près de 50 millions de dollars américains de primes aux cadres supérieurs, le président Frank Dunn recevant plus de 3,5 millions à lui seul. Le 23 octobre 2003, Nortel annonce un troisième trimestre consécutif de rentabilité avec un bénéce s’élevant à 179 millions de dollars américains. En avril 2004, la Securities and Exchange Commission des États-Unis ouvre une enquête sur les méthodes comptables de Nortel. D’autres recours collectifs sont intentés contre la société au Québec et en Ontario, dont celui de 29 milliards de dollars fait par le Régime de retraite des enseignants ontariens Teachers. Le 28 avril 2004, le conseil d’administration de Nortel congédie pour un motif sérieux son PDG, les deux chefs des nances et sept autres cadres supérieurs, responsables des nances dans diérentes unités d’aaires. En juin 2008, ces derniers sont arrêtés par la Gendarmerie royale du Canada. En janvier 2013, le juge de la Cour supérieure de l’Ontario estime que la Couronne a été incapable de démontrer la culpabilité des trois accusés et ces derniers sont acquittés des accusations qui pesaient contre eux. La Couronne ne fait pas appel des verdicts de non-culpabilité.

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CHAPITRE 9

En résumé, pour que la gestion d’un régime de rémunération variable soit ecace, les conditions suivantes doivent être remplies : • Il faut communiquer les objectifs, les avantages et les critères du programme. • Il faut récompenser les bons comportements. • Il faut évaluer correctement la bonne mesure du rendement. • Il faut tenir compte de critères d’évaluation du rendement, lesquels ne doivent pas être trop nombreux, doivent être équilibrés, pertinents et cohérents par rapport à la stratégie et aux valeurs de l’organisation. • Il faut faire participer les cadres et les employés à l’implantation et à la gestion du régime. • Il faut lier la reconnaissance au rendement. • Il faut que les indicateurs de performance soient alignés sur les objectifs, la stratégie et les valeurs de l’entreprise. • Il faut pouvoir compter sur l’appui de la direction. • Il faut former les cadres et les encourager à reconnaître le rendement. • Il faut donner de l’information aux employés. • Il faut établir un régime simple, facile à comprendre et perçu par les employés comme géré de manière équitable et cohérente par rapport aux autres pratiques de gestion. • Il faut octroyer des récompenses importantes, mais non excessives. • Il faut revoir continuellement l’ecacité des régimes de rémunération variable en les considérant comme des prototypes que l’on doit modier lorsqu’ils n’entraînent pas les comportements désirés.

9.4.4 Les caractéristiques du contexte de travail Selon la théorie des contraintes situationnelles (Peters et al., 1985), la motivation au travail est inuencée par des conditions environnementales qui facilitent ou restreignent les habiletés individuelles à atteindre un résultat ou la possibilité d’atteindre celui-ci. Par ailleurs, le rendement d’un employé au travail n’est pas uniquement une question de motivation ; il nécessite bien d’autres éléments. Les résultats d’un employé dépendent non seulement de ses comportements (ce qu’il fait), mais aussi de l’organisation du travail (les répercussions du travail d’autres personnes sur le sien), de l’environnement (jusqu’à quel point l’environnement est favorable à l’obtention de résultats) et des ressources disponibles (compte tenu des ressources requises pour l’obtention des résultats désirés). Quant aux comportements de l’employé, ils sont associés non seulement à sa motivation (ses eorts), mais également à ses connaissances et à ses habiletés, à la compréhension qu’il a de son rôle (ce que l’on attend de lui) et à sa personnalité (sa façon particulière de faire les choses). Aussi, un régime de rémunération variable, quelle que soit sa forme, n’est pas susant à lui seul pour modier la culture d’entreprise et résoudre un grave problème de productivité. C’est un ensemble intégré de modes de reconnaissance (des promotions, des primes, la formation, une plus grande autonomie, la communication, la participation, etc.) qui pousse les employés à s’engager dans leur travail, à se surpasser et à s’intéresser à l’entreprise. Les dirigeants doivent donc considérer dans leur ensemble les diverses formes de récompenses attribuées dans leur entreprise et les gérer de façon intégrée et cohérente. Par ailleurs, pour qu’un régime de rémunération variable soit efficace, il faut que les employés aient une certaine sécurité d’emploi et un salaire décent. On ne parle pas ici d’une sécurité d’emploi absolue, mais d’une garantie, rattachée à certaines conditions, que les employés demeureront au service de l’entreprise. À quoi bon se surpasser si l’on finit par perdre son emploi ou par voir son salaire diminuer ? À long terme, on

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ne peut s’attendre à ce que les employés essaient d’avoir un rendement supérieur s’ils sont sous-payés ou s’ils vivent avec la peur constante de perdre leur emploi. Notons aussi qu’un régime de rémunération variable ne corrige pas les relations antagonistes entre la direction d’une entreprise et son syndicat ou son personnel ; il risque plutôt de les détériorer. Ainsi, les dirigeants ne doivent pas voir dans un régime de rémunération variable un remède à tous leurs problèmes nanciers ou un moyen de changer à lui seul la culture de l’organisation. D’une part, l’implantation d’un régime collectif est rarement la solution prioritaire pour régler un grave problème de performance. Ce régime ne résout pas les problèmes nanciers majeurs qui découlent de l’incompétence des gestionnaires, de produits non compétitifs, de conditions du marché non maîtrisées par l’entreprise, etc. Dans de tels cas, l’adoption d’un régime ne fait que responsabiliser à l’excès les employés, qui peuvent à juste titre se sentir frustrés. Aussi, ces régimes sont souvent surutilisés alors que les employés — tant les cadres que les non-cadres — s’y adaptent tous rapidement et qu’en peu de temps ils perdent leur eet motivateur. D’autre part, l’implantation de la rémunération variable est rarement la solution prioritaire pour régler un sérieux problème d’insatisfaction ou de manque de motivation au travail. C’est un ensemble de marques de reconnaissance (des promotions, des gestes, des augmentations de salaires au mérite, une formation, une gestion participative, des activités sociales, etc.) qui incite les employés à se dépasser et à éprouver un engagement envers l’entreprise. Et parmi ces mesures, certaines sont prioritaires. Par exemple, un régime de rémunération variable ne résout pas un problème d’insatisfaction au travail causé par un manque d’autonomie, de variété des tâches et d’identication au travail. Il ne met pas n non plus à un problème d’insatisfaction liée à d’autres conditions de travail, comme les salaires ou les avantages sociaux.

9.4.5 Les caractéristiques de l’organisation Un régime de rémunération variable, quel que soit son type, n’est pas une panacée convenant à toutes les entreprises. De façon générale, il semble que les régimes de rémunération variable ont plus de chances d’être ecaces s’ils sont implantés au sein d’organisations dont la situation nancière est saine et stable. Ainsi, les dirigeants canadiens tendent souvent à abandonner un régime de participation aux bénéces après une période au cours de laquelle leur entreprise n’a pas enregistré de prots, ce qui, au mieux, rend un tel régime non pertinent et, au pire, en fait une cause de frustration (Long, 1992). Les régimes de rémunération variable peuvent également améliorer la productivité si la culture organisationnelle, fruit de l’histoire de l’organisation, est appropriée. Ils seront également plus susceptibles d’être ecaces si les employés comprennent les concepts nanciers et économiques de l’entreprise et s’ils ont l’occasion de participer — de façon ocielle et ocieuse — à ses décisions. Ainsi, ces régimes démontreront leur ecacité si les dirigeants les appuient concrètement, s’engagent dans leur gestion, consentent à révéler leurs données nancières, sont réceptifs aux suggestions des employés et acceptent d’abandonner leurs prérogatives traditionnelles pour établir une culture de partenariat. Des études conrment également que l’incidence des régimes collectifs de rémunération à court terme sur les comportements et les attitudes des employés est plus grande lorsqu’ils sont gérés dans un contexte qui encourage la participation des employés et la communication (par exemple, Hanlon et Taylor, 1991 ; Welbourne et Gomez-Mejia, 1995). Quand on voit la rapidité avec laquelle certaines organisations sont prêtes à réévaluer leur système de rémunération et leur peu d’empressement à réviser leurs autres modes de gestion, on constate que, pour de nombreux dirigeants et cadres, le plus pénible n’est pas de verser

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CHAPITRE 9

de l’argent, mais de devoir abandonner des privilèges, d’en partager d’autres ou encore d’en accorder de nouveaux. Certains dirigeants craignent de parler de résultats nanciers avec leurs employés. D’autres refusent de partager l’amélioration des résultats avec eux, de peur de voir leur part réduite et leur pouvoir diminué. D’autres encore ne sont pas vraiment favorables à une participation réelle des employés à la gestion de leur entreprise, ou le sont seulement dans la mesure où les propositions des employés concordent avec leurs décisions et leurs politiques. En dénitive, rien n’assure les dirigeants qu’un régime de rémunération variable sera ecace et saura le rester. Leur meilleure garantie consiste à veiller à rassembler toutes les conditions de succès possibles et à les maintenir. Sur ce point, les conseils pullulent à un point tel que les dirigeants d’entreprise risquent de ne plus se rendre compte que certaines conditions de succès ont une importance relative et d’oublier l’essentiel : il faut établir une culture de participation, de communication et d’information. En théorie, la plupart des régimes de rémunération variable n’exigent pas un style de gestion participatif, mais, en pratique, le climat de partenariat, caractérisé par l’échange d’informations et la participation des employés, semblerait être l’une des conditions de leur succès, sinon la principale. En eet, à notre connaissance, les divers écrits présentant une revue de la documentation sur un régime de rémunération variable4, quelle que soit sa nature, s’accordent sur un point : tout régime de rémunération variable tend à s’avérer plus ecace lorsqu’il est géré dans un contexte prônant une culture de partenariat et de communication.

Conclusion Dans ce chapitre, nous avons comparé les caractéristiques, les atouts, les limites, l’ecacité, les conditions de succès et le contexte organisationnel des diérents types de régimes de rémunération variable. Force est d’admettre que l’ecacité d’un régime collectif de rémunération variable reste une question de foi, de volonté et de moyens (St-Onge, 1994). L’ecacité des régimes de rémunération est une question de foi, car, comme nous l’avons expliqué, la conrmation de l’existence d’une relation positive entre diérents régimes de rémunération variable et diverses mesures de performance doit être interprétée avec réserve. En eet, il faut tenir compte des faits suivants pour établir l’ecacité de ces régimes : les études comportent des limites méthodologiques, une certaine partialité et leurs résultats divergent (si plusieurs présentent des eets positifs, d’autres ne révèlent aucun eet ou révèlent même LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA des eets négatifs), tout comme l’expérience de cas connus de fraudes indique qu’ils ont joué un grand rôle. En somme, les régimes de rémunération variable, notamment les régimes La mobilisation des employés : recettes et retour collectifs, constituent en quelque sorte le symbole de la foi sur investissement en une vision du monde des aaires fondée sur le postulat Par Marcel Nault, B. Ed., CRHA, chef de pratique, que la bonne fortune de l’entreprise dépend des employés rémunération, Le Groupe Hay Limitée et qu’elle doit être partagée avec eux. Ainsi, la première Communiquer l’information aux employés en matière question que doivent se poser les dirigeants qui veulent de rémunération ? Absolument ! adopter un régime collectif de rémunération variable est Par Normand Fafard, CRHA, associé, ressources humaines celle-ci : « Croyons-nous vraiment au partage du succès et rémunération, Normandin Beaudry comme philosophie de gestion ? »

4. Voir, par exemple, Chênevert et Tremblay (2000), Conte et Svejnar (1990), Gowen (1990), Heneman (1992), Pierce et al. (1991), Poole et Jenkins (1991), St-Onge (1994), St-Onge et al. (1999c), Weitzman et Kruze (1990).

La rémunération de la performance collective

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L’ecacité des régimes de rémunération variable est également une question de volonté. Le partage de la bonne fortune n’est pas une expérience ponctuelle : c’est un processus continu de communication et d’éducation auquel la direction doit consacrer des eorts constants, du temps et de l’argent. Aussi ecace soit-il, un régime de rémunération variable est toujours susceptible de devenir inecace et doit faire l’objet d’un audit continu. Enn, l’ecacité de ces régimes est aussi une question de moyens. En eet, l’expérience et les études montrent que ces régimes sont ecaces dans la mesure où ils sont payants. Lorsqu’ils ne versent pas d’argent aux employés sur une période de plus de deux à trois ans, ils risquent de les démobiliser. C’est d’ailleurs là la principale raison de l’abandon d’un régime collectif.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Quels sont les avantages et les limites présumés des régimes collectifs de rému2. 3. 4. 5. 6. 7.

8. 9. 10.

nération variable ? Quels critères doit-on considérer au moment de choisir un régime individuel ou un régime collectif de rémunération variable ? Décrivez succinctement les principaux types de régimes de rémunération variable que les dirigeants peuvent implanter pour reconnaître la performance collective à court terme. Quelles sont les caractéristiques du régime Scanlon et quel en est l’objectif ? Précisez les étapes à suivre pour élaborer un tel régime. Quels atouts et limites reconnaît-on aux indicateurs nanciers, économiques et boursiers pour mesurer la performance collective ? Quels sont les principaux types de régimes de primes d’équipe ? Dans le cadre d’un régime mixte de rendement individuel et de performance collective, la détermination du montant des primes individuelles selon le rendement de l’employé et la performance de l’entreprise peut s’appuyer sur diérentes méthodes. Énumérez et décrivez ces méthodes. Distinguez et comparez les divers régimes de rémunération variable visant à reconnaître la performance collective à long terme (particularités, fréquence, avantages, limites, etc.). Quelles sont les principales conditions de succès des régimes de rémunération variable ? Justiez votre réponse. Quels liens peut-on établir entre les prémisses de la théorie des attentes et les conditions de succès d’un régime de rémunération variable ?

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CHAPITRE 9

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. «Les régimes collectifs de rémunération variable récompensent les employés paresseux qui protent des eorts que leurs collègues déploient au travail.» Commentez cette armation. 2. Racontez une expérience positive ou négative en matière de rémunération variable, qu’il s’agisse d’une expérience personnelle, d’une expérience vécue par d’autres personnes ou d’une expérience rapportée par un média.

CHAPITRE

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La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

PLAN DU CHAPITRE

10.1 La dénition des avantages sociaux 10.2 Les principaux régimes d’avantages sociaux gérés par l’État 10.3 Les régimes privés d’assurance frais médicaux 10.4 Les régimes privés d’assurance salaire 10.5 Les régimes privés d’assurance vie, mort accidentelle et mutilation

10.6 Les régimes privés de retraite 10.7 Les autres types d’avantages privés complémentaires 10.8 Les régimes exibles d’avantages sociaux 10.9 Les atouts et les limites des avantages sociaux 10.10 L’importance d’une bonne gestion des avantages sociaux oerts aux employés

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Dénir le terme «avantages sociaux» et évaluer l’importance de ces derniers dans • • • • • • •

la rémunération totale. Faire connaître les divers régimes d’avantages sociaux oerts par l’État au Canada. Présenter les régimes privés d’assurance frais médicaux et les régimes privés d’assurance salaire. Décrire les régimes privés d’assurance vie, mort accidentelle et mutilation et les régimes privés agréés et non agréés de retraite. Décrire les autres programmes d’avantages privés complémentaires oerts par les employeurs. Examiner les régimes exibles d’avantages sociaux ainsi que le problème de l’antisélection associé à ce type de gestion des avantages sociaux. Expliquer les atouts et les limites des avantages sociaux tant du point de vue des employeurs que de celui des employés. Examiner l’importance de bien gérer les avantages sociaux et les activités clés de gestion à cet égard.

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CHAPITRE 10

M I S E E N S I T U AT I O N

Assurance collective : prêt à encaisser le coût ? Augmentation des cas d’invalidité en entreprise, vieillissement de la population active, médicaments de plus en plus coûteux, la pression sur les régimes d’assurance collective s’intensie. Les régimes d’assurance collective ont évolué depuis leur création. Désireux d’orir des avantages de plus en plus généreux pour attirer et déliser une main-d’œuvre raréée, plusieurs promoteurs ont bonié le principe même de l’assurance collective, qui est de protéger les moins chanceux d’un groupe contre une catastrophe nancière découlant d’un accident ou d’une maladie. Désormais, les régimes d’assurance collective orent une panoplie de protections s’éloignant de l’assurance : des « bénéces» plus généreux et imaginatifs les uns que les autres, et surtout, de plus en plus coûteux. Pour mieux comprendre le phénomène, rappelons que les coûts de l’assurance maladie augmentaient annuellement de 15 % à 20 % dans les années 1990 et au début des années 2000. Depuis 2010, selon la base de données des clients de Normandin Beaudry, l’augmentation annuelle moyenne se situe plutôt dans une fourchette de 3 % à 5 %. Une des principales explications est l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments génériques, oerts à moindre coût, qui a permis de contrôler la hausse des coûts de nombreux régimes. Mais l’âge d’or des médicaments génériques tire à sa n. Les nouveaux médicaments mis en marché sont beaucoup plus spécialisés et plus coûteux à produire, donc beaucoup plus coûteux à l’achat. Ainsi, il n’est plus rare de voir un assuré réclamer un médicament coûtant plus de 100 000 $, parfois même 500 000 $ par année. Comme il s’agit de médicaments de maintien, ils seront consommés sur une longue période par les assurés. Selon ESI Canada, la proportion des coûts totaux des médicaments provenant des médicaments de spécialité est passée d’environ 5 % en 2000 à 17 % en 2010, et pourrait atteindre 25 % en 2015. On assistera dès lors à une hausse constante, voire brutale, des coûts de l’assurance médicaments. Certaines actions peuvent être mises en place rapidement pour réduire les coûts : • Implanter des mesures de gestion des coûts, notamment par l’ajout d’une clause de substitution favorisant l’achat

de médicaments génériques. On peut aussi exiger une autorisation préalable pour les traitements plus coûteux an que les soins prodigués aux assurés soient les mieux adaptés à leur situation. • Concevoir une stratégie de communication misant sur l’éducation du personnel. Capsules vidéo, articles de journaux, rubriques de type « Saviez-vous que ? », jeux interactifs, simulateurs de coûts sont parmi les nombreuses options possibles pour sensibiliser les employés à la hausse des coûts de l’assurance collective et d’en faire des consommateurs avertis. Il importe de faire participer le service du marketing ou le service de la communication et même le courtier, l’actuaire-conseil ou l’assureur à l’élaboration d’outils pertinents et percutants. Sur un horizon de 12 à 24 mois, les eorts devraient se concentrer sur quelques actions : • An d’étayer l’argumentaire et d’obtenir l’appui de la direction dans la mise en place de solutions, se baser sur une projection démographique devient stratégique. On peut ainsi évaluer l’impact d’une main-d’œuvre vieillissante sur les coûts. • Revoir les objectifs poursuivis par le régime. Est-ce qu’on désire protéger les assurés en cas d’événements catastrophiques ou subventionner certains soins courants ? Orir des soins de massothérapie et de naturopathie, ou rembourser les services d’un audiologiste ou d’un prothésiste ? Quelle proportion de la rémunération globale devrait occuper l’assurance collective ? En analysant le régime, en l’alignant sur les valeurs de l’entreprise et en le positionnant dans l’enveloppe de la rémunération globale, on sera à même de déterminer les principes directeurs qui guideront les décisions à plus long terme. • Faire des employés des partenaires de l’évolution du régime. Que ce soit par l’entremise d’un court sondage en ligne, de groupes de discussion ou de comités de travail (à privilégier s’il y a un syndicat), il peut être intéressant de valider certaines idées auprès des employés. • Établir des indicateurs de performance et concevoir un tableau de bord annuel an de mieux suivre l’évolution des coûts du régime.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

Les employés sont de plus en plus conscients des dicultés vécues par les régimes d’assurance. C’est l’occasion de redénir, avec eux, l’ore en matière d’assurance collective an d’assurer la pérennité nancière du régime.

Questions 1. Quels facteurs contribuent à expliquer l’augmentation des coûts des régimes privés d’assurance santé ? 2. Quels moyens les organisations peuvent-elles prendre pour réduire les coûts de ces régimes d’assurance ?

Source : Extrait adapté de Farand et Drolet (2012).

C

e chapitre porte sur les avantages oerts aux employés, une composante importante de la rémunération totale. Nous dénissons d’abord les avantages sociaux et décrivons brièvement les principaux régimes d’avantages oerts par l’État au regard des aspects suivants : l’assurance maladie, l’assurance-emploi, les accidents du travail et les maladies professionnelles, les normes du travail, les régimes de pension et les régimes de rentes. Par la suite, nous nous penchons sur les régimes privés d’assurance frais médicaux et d’assurance salaire de même que sur les régimes privés d’assurance vie, mort accidentelle et mutilation. Puis, après avoir décrit les régimes privés de retraite, nous examinons de manière plus approfondie les programmes d’avantages privés complémentaires (rémunération du temps chômé, programmes spécialisés, gratications) et les programmes oerts aux travailleurs âgés, tant les programmes de préretraite que ceux visant la prolongation de la vie professionnelle. Nous décrivons également les diérents types de régimes exibles d’avantages. Puis, nous traitons des atouts et des inconvénients des avantages sociaux tant du point de vue des employeurs que de celui des employés. Nous insistons surtout sur les dés de gestion que les employeurs relèvent à leur égard et sur les actions qu’ils peuvent adopter pour mieux relever ces dés. Finalement, nous abordons l’importance de bien gérer les avantages oerts aux employés. Plus précisément, nous soulignons l’importance d’adopter une politique de gestion des avantages oerts aux employés, d’analyser les besoins en matière d’avantages et de communiquer ceux-ci.

10.1

459

La dénition des avantages sociaux

Les avantages, qu’on qualie couramment de « sociaux », sont des composantes de la rémunération indirecte, c’est-à-dire de la rémunération qui n’est pas versée en espèces aux employés. Ils correspondent aux conditions dont bénécient les employés en matière d’avantages sociaux, de temps chômé, d’avantages complémentaires et de conditions de travail : • Les avantages sociaux se composent des régimes privés et publics de retraite et d’assurance collective qui visent à protéger les employés contre divers aléas de la vie, comme la maladie, l’invalidité ou la mortalité. • Le temps chômé comprend les jours de vacances et de congé que les employeurs orent à leur personnel en vertu de la Loi sur les normes du travail ou, très souvent, au-delà des exigences de cette loi. Il s’agit des congés liés aux jours fériés, aux raisons personnelles, au mariage, à la maladie, à la maternité, à la paternité, au décès, etc.

460

CHAPITRE 10



Les avantages complémentaires consistent dans les gratications accordées à un employé ou dans les dépenses remboursées par l’employeur (automobile, place de stationnement, repas, droits de scolarité, conseils nanciers, programmes d’aide, etc.). Les conditions de travail incluent notamment les heures de travail et les congés sans solde qui ont un eet direct et indirect sur la rémunération du temps travaillé. Les congés sans solde, par exemple, peuvent nécessiter des débours pour la formation des employés remplaçants.



10.2

Les principaux régimes d’avantages sociaux gérés par l’État

Cette section présente succinctement les principaux régimes publics d’avantages sociaux gérés par les gouvernements fédéral et provinciaux (voir le tableau 10.1). TABLEAU 10.1 Une synthèse des régimes d’avantages gérés par les gouvernements fédéral et provinciaux

Régimes publics

Exemples de protections

Régime d’assurance maladie

Couverture des soins de santé : maladies, médicaments, soins dentaires, examens de la vue, frais d’hospitalisation

Régime de pensions du Canada et Régime de rentes du Québec

Protections en cas d’invalidité, en cas de décès et au moment de la retraite (pour l’employé ou les survivants : conjoints et enfants)

Régime d’assurance-emploi

Prestations d’assurance-emploi, d’aide au réemploi, supplément de revenu familial

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Indemnités ou prestations d’invalidité en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles

Loi sur les normes du travail

Vacances, absences et congés parentaux

10.2.1 La couverture des soins de santé Au Canada, les régimes publics de soins de santé sont de compétence provinciale. Les gouvernements fédéral et provinciaux se partagent les coûts des soins de santé. Dans le secteur public, cinq principes orientent l’ore des soins de santé (Conference Board of Canada, 1995). Ces derniers doivent être : • universels, tous les résidants devant être admissibles au régime public de santé ; • accessibles, les services de santé devant être à la portée de tous les résidants et comporter un coût raisonnable ; • transférables, le régime devant couvrir les résidants lorsqu’ils sont temporairement à l’extérieur du pays ; • complets, les frais hospitaliers et les soins dispensés par les médecins devant être assumés par le régime ; • gérés par une autorité gouvernementale à but non lucratif, les provinces étant tenues pour responsables de leur gestion. Le nancement des divers régimes de soins de santé varie d’une province à l’autre selon qu’elle exige des cotisations des contribuables seulement, des employeurs seulement ou à la fois des employeurs et des résidants. Les régimes de soins de santé de chaque province (et territoire) portent au moins sur les coûts se rapportant, d’une part, à la maladie, aux médicaments, aux soins dentaires et aux examens de la vue et, d’autre part, à l’hospitalisation.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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La maladie, les médicaments, les soins dentaires et les examens de la vue Les régimes d’assurance maladie peuvent comprendre, selon les provinces, les services dispensés par des médecins à domicile, au cabinet de consultation ou à l’hôpital. Selon la province de résidence, certains soins paramédicaux ainsi que les prothèses et les fourni­ tures orthopédiques sont pris en charge. Ces services sont également remboursés à divers pourcentages lorsqu’ils sont dispensés temporairement hors de la province. Plusieurs provinces, dont le Québec, ont étendu la portée de leur régime d’assurance maladie pour y intégrer les soins dentaires dispensés aux enfants et les examens de la vue pour les jeunes et les travailleurs âgés. Par ailleurs, toutes les provinces couvrent, à divers degrés, les frais engagés hors de la province pendant de brefs séjours, la protection étant assujettie à un plafond quotidien. Aussi, en dehors des programmes destinés aux personnes à faible revenu, toutes les provinces prennent en charge les coûts de certaines interventions chirurgicales dentaires et buccales faites à l’hôpital. Toutes les provinces ont leur régime d’assurance médicaments propre ayant des caractéristiques propres : liste de médicaments, pourcentage de remboursement, mon­ tant maximal par ordonnance, montant de la franchise annuelle, etc. Depuis 1997, la Loi sur l’assurance médicaments impose à tous les résidants du Québec qui ne sont pas admissibles à un régime collectif privé (environ 15 % de la population, principalement les étudiants, les prestataires d’aide sociale et d’assurance­emploi ainsi que les travailleurs autonomes) de se placer sous la protection du Régime d’assurance maladie du Québec (RAMQ). Ces derniers doivent tous payer une franchise mensuelle pour se faire rembourser un certain pourcentage des dépenses assurables, et si le montant maximal préétabli des dépenses est dépassé, le remboursement peut atteindre 100 %. L’employeur qui gère un régime privé d’assurance médicaments doit minimalement orir la protection prescrite en vertu de la loi.

L’hospitalisation Depuis les années 1960, chaque province (et territoire) canadienne ore un régime d’assu­ rance hospitalisation nancé avec l’aide du gouvernement fédéral. Quoique les régimes varient d’une province à l’autre, tous couvrent les frais de séjour en salle et les soins inrmiers dispensés aux patients, l’utilisation d’une salle d’opération, les examens de laboratoire, les médicaments, les services diagnostiques et les soins d’urgence en consul­ tation externe. Si un patient est hospitalisé dans une chambre semi­privée ou privée, il doit débourser une somme variable d’un hôpital à l’autre et d’une province à l’autre. Ce coût est fréquemment assumé en partie ou en totalité par un régime privé d’assurance hospitalisation oert par les employeurs. En dénitive, et comme nous le verrons plus loin, de nombreux facteurs créent des pressions à la hausse sur les coûts des avantages en matière de soins de santé. En outre, une population vieillissante, qui vivra toujours plus longtemps en raison des progrès de la médecine, prendra des médicaments et suivra des traitements plus coûteux et en plus grande quantité, et elle demandera des remboursements plus importants et variés. Au cours des années 1990, en réaction à des réductions des paiements de transfert fédéraux, les provinces ont dû rogner leur régime public d’assurance maladie, ce qui a eu pour eet de reporter les coûts sur les particuliers et les régimes privés de soins de santé gérés par les employeurs. Devant assumer des coûts toujours plus élevés, les citoyens sont témoins de révisions majeures des régimes publics de soins de santé, notamment le virage ambu­ latoire, la réduction des ressources allouées, l’apparition d’hôpitaux privés, la fermeture ou la restructuration d’hôpitaux, la remise en question de l’universalité des programmes sociaux, l’instauration possible d’un ticket modérateur, les soins à domicile, et ainsi de suite. Les gouvernements font face à des dilemmes non seulement nanciers, mais aussi

Pour en savoir plus sur la Régie de l’assurance maladie du Québec

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CHAPITRE 10

éthiques. Ainsi, avons-nous collectivement la capacité nancière de pratiquer tous les types d’interventions, quels que soient leurs coûts et quelles que soient les caractéristiques des patients (par exemple, leur âge, leur volonté) ?

10.2.2 La protection du revenu lors de l’invalidité, du décès et de la retraite

Pour en savoir plus sur les régimes de retraite gouvernementaux

Depuis 1966, le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) prévoient l’attribution de prestations dans les cas d’invalidité, de décès et de retraite. Ces régimes sont obligatoires et nancés à parts égales par les employeurs et les employés. L’employeur doit déduire du salaire versé aux employés le montant prescrit à titre de cotisation et verser un montant équivalent an de contribuer à ces deux régimes publics et universels de protection contre l’invalidité de longue durée ainsi que de retraite. Les cotisations sont déductibles pour les employeurs et les prestations sont imposables pour les employés.

La protection du revenu lors de l’invalidité Selon le RPC et le RRQ, pour être déclaré invalide et recevoir une rente d’invalidité, un cotisant doit, entre autres, être incapable d’exercer de façon régulière tout emploi rémunéré. En outre, l’invalidité doit être en toute probabilité irréversible ou d’une durée indénie. Pour avoir le droit de recevoir une rente, la personne invalide doit avoir cotisé au RRQ ou au RPC pendant un certain nombre d’années. Lors de l’invalidité d’un cotisant, une rente aux enfants peut aussi être versée.

La protection du revenu lors du décès Le RPC et le RRQ accordent des prestations aux survivants sous deux formes, soit une rente au conjoint survivant ou une allocation au survivant pour les cotisants admissibles à des prestations de rente ou de pension de la Sécurité de la vieillesse qui ont entre 60 et 64 ans et qui gagnent un faible revenu. Par ailleurs, ces régimes prévoient aussi le versement d’une rente mensuelle aux orphelins âgés de moins de 18 ans ou, dans le cas du Régime de pensions du Canada, de moins de 25 ans s’ils étudient. Selon le RPC, l’orphelin peut recevoir une double rente si les deux parents décédés étaient des cotisants admissibles.

La protection du revenu lors de la retraite Au Canada, l’aide publique aux personnes âgées peut provenir des deux paliers de gouvernement. Essentiellement, les personnes sont admissibles à une pension à compter de 65 ans (jusqu’à ce jour) quels que soient leurs gains d’emploi par la suite. La rente mensuelle est indexée tous les ans en fonction de l’augmentation du coût de la vie. Les prestations sont imposables ainsi que les contributions des employeurs, et les cotisations des employés sont déductibles des revenus ou donnent lieu à un crédit d’impôt. Le Régime de rentes du Québec verse une rente de retraite mensuelle aux travailleurs employés par les entreprises du Québec s’ils ont payé des cotisations pendant au moins un an. Le montant de cette rente mensuelle varie selon les années de participation de la personne au régime et le salaire du cotisant. Le Régime de pensions du Canada porte assistance aux Canadiens âgés de 65 ans et plus (sous peu, 67 ans et plus). La pension de base est versée aux aînés dont le revenu ne dépasse pas un certain montant ; si le revenu est plus élevé, la pension est réduite et si le revenu dépasse un plafond, elle n’est pas versée. Un supplément de revenu garanti est aussi oert aux prestataires de 65 ans ou plus qui reçoivent la pension de la Sécurité de la vieillesse et dont le revenu est faible. Au Canada (comme dans d’autres pays), les gouvernements réévaluent leurs régimes publics de retraite. On remet en question la viabilité du RRQ et du RPC, car on craint

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

d’imposer un trop lourd fardeau aux générations futures. Avec un taux de natalité plus faible et une population qui vit plus longtemps, il y a de moins en moins de personnes actives sur le marché du travail pour nancer les retraités et combler la rareté de la maind’œuvre dans certains secteurs. Il faut aussi aronter la réalité du faible rendement des placements. Ainsi, il faut s’attendre à ce que l’État analyse et adopte diverses modications aux régimes publics de retraite, comme celles-ci : augmenter les cotisations des employeurs et des employés, hausser l’âge de la retraite, augmenter le taux de cotisation plus rapidement, réduire le montant des prestations de retraite, accroître le nombre d’heures de travail, revoir les stratégies ou les règles de placement des fonds, pénaliser nancièrement les retraites anticipées, privilégier davantage l’épargne privée. Dans cette foulée, l’État a adopté des actions an de favoriser le vieillissement actif de la population. Dans son budget de 2012, le gouvernement du Canada a annoncé certaines mesures1. Premièrement, à partir d’avril 2023, l’âge d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse et au supplément de revenu garanti passera graduellement (sur six ans) de 65 à 67 ans, et l’âge d’admissibilité à l’allocation et à l’allocation au survivant passera graduellement de 60 à 62 ans. Deuxièmement, à partir de juillet 2013, une personne pourra recevoir un montant plus élevé chaque mois si elle décide de reporter volontairement le premier versement de la pension de la Sécurité de la vieillesse jusqu’à 60 mois après la date à laquelle elle devient admissible. Au Québec, le gouvernement a bonié la rente pour les Québécois qui attendent jusqu’à 70 ans pour prendre leur retraite, et permettra, dès 2014, la retraite progressive avec un accès à la rente. Pour certains, il serait temps (mais peu probable) que le Canada adopte un modèle national de régime de retraite, attribuant la baisse du nombre de régimes de retraite et d’employés qui y participent au capharnaüm qu’est devenue une réglementation particulière à chaque province. Dans ce contexte, les employeurs qui exercent des activités dans plus d’une province doivent composer avec plusieurs règlements, ce qui exige du temps et des coûts, et se trouvent devant un dilemme chaque fois qu’une province bonie une norme : soit que la norme favorise les employés qui relèvent de cette compétence au détriment des autres, soit qu’elle s’applique à l’ensemble des employés, ce qui implique des coûts.

10.2.3 L’assurance-emploi La Loi sur l’assurance-emploi, qui est exclusivement de compétence fédérale, est nancée à l’aide des cotisations des salariés et des employeurs. L’employeur prélève les contributions obligatoires des employés à l’assurance-emploi sur leurs salaires. Les employeurs doivent contribuer à l’assurance-emploi pour un montant équivalent à un multiple des contributions de leurs employés jusqu’à un maximum préétabli. Suivant cette loi, les prestations d’assurance-emploi remplacent temporairement — et selon des durées variables — le revenu des particuliers selon qu’il s’agit d’une mise à pied, d’un congé de maternité ou de maladie, d’un congé parental pour s’occuper d’un nouveau-né ou pour adopter un enfant ou encore d’un congé pour soins de compassion. Ces prestations sont imposables et les cotisations sont déductibles des revenus pour les employeurs et les employés. Les prestations hebdomadaires sont aussi assujetties à un maximum. Cette loi permet aussi d’accorder un supplément de revenu familial aux prestataires ayant des enfants à charge et dont le revenu familial est inférieur à un certain montant. De plus, elle permet de verser à des personnes qui ont de la diculté à réintégrer le marché du travail des prestations d’aide au réemploi au moyen des programmes suivants : les subventions salariales ciblées, l’aide au travail indépendant, les partenariats pour la création d’emplois et le développement des compétences. 1. Servicecanada.gc.ca (2014).

Pour en savoir plus sur l’assurance-emploi

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CHAPITRE 10

10.2.4 Les accidents du travail et les maladies professionnelles

Pour en savoir plus sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Au Canada, toutes les provinces disposent d’une législation sur les accidents du travail et d’un système d’indemnisation des victimes d’accidents du travail sans égard à la responsabilité en cas de blessures ou de maladies professionnelles. Ce système d’indemnisation est nancé exclusivement par des cotisations des employeurs. Le montant de leurs cotisations est déductible de leurs revenus et les méthodes ou les taux de tarication varient d’une province à l’autre ou dans une même province. Les indemnités d’accidents du travail peuvent être classées en cinq catégories selon que l’accident subi entraîne ou non un arrêt de travail et selon son importance : les soins médicaux, l’invalidité de courte durée, l’invalidité de longue durée, la réadaptation et les prestations aux survivants. Les prestations d’invalidité, tant de courte durée que de longue durée, s’expriment en pourcentage du salaire, sous réserve d’un plafond du salaire annuel indemnisable. On trouve aussi des prestations d’invalidité permanente selon l’ampleur de l’incapacité physique et de la perte de revenu en découlant. Au Québec, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) administre, entre autres, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui porte essentiellement sur l’indemnisation et la réadaptation des victimes de lésions professionnelles. Cette loi vise à orir à des victimes l’ensemble des services auxquels elles ont droit, à permettre au travailleur de recouvrer le plus rapidement possible son autonomie physique, sociale et professionnelle, à l’aider à maintenir son lien d’emploi et l’application du droit de retour au travail et à indemniser les travailleuses enceintes ou qui allaitent lorsque celles-ci bénécient d’un retrait préventif. Plus précisément, la CSST se préoccupe de réparation, soit la réadaptation des travailleurs victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, de même que d’indemnisation, soit le versement aux travailleurs (ou à leurs bénéciaires) de diverses indemnités ou prestations liées, par exemple, à l’incapacité temporaire ou permanente, au remplacement du revenu, aux dommages corporels, au décès, aux rentes aux survivants, aux dépenses médicales ou aux victimes d’actes criminels. Le nancement de la CSST provient des revenus de placement et des cotisations perçues auprès des employeurs, lesquelles sont établies sur la base d’une évaluation annuelle des besoins de manière à xer un taux moyen provincial sur la base de la masse salariale de l’ensemble des employeurs, des taux par secteurs d’activité selon leurs risques ainsi que le taux que chaque employeur doit payer selon son unité dans un secteur donné.

10.2.5 Les normes du travail : les heures de travail et le temps chômé rémunéré Pour en savoir plus sur les normes du travail

Au Canada, les normes du travail de la plupart des provinces prévoient au moins deux semaines de vacances pour les employés qui ont entre une et quatre années d’ancienneté et trois semaines pour ceux qui ont cinq années ou plus d’ancienneté. Cette loi détermine également un certain nombre de jours fériés, la durée de la semaine normale de travail de même que la rémunération des heures supplémentaires. En outre, la Loi sur les normes du travail du Québec permet de s’absenter, sans solde, avec une obligation de réintégration pendant des durées variables selon les motifs. Ce peut être, par exemple, 26 semaines par année en cas d’absences pour cause de maladie ou d’accident ; 10 jours par année pour des raisons familiales de courte durée ayant trait à la garde, à la santé et à l’éducation de ses enfants ou de ceux du conjoint ainsi qu’à la santé du conjoint, de parents, de frères, de sœurs et de grands-parents ; un maximum de 12 semaines par année sans solde pour

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

des absences liées à des raisons familiales de longue durée. Finalement, selon le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), les parents peuvent obtenir jusqu’à 75 % de leur salaire jusqu’à un montant maximal assurable pendant leur absence d’un an du travail. Après avoir passé en revue dans cette section les principaux régimes publics, nous étudierons dans les prochaines sections les principaux régimes d’avantages que les employeurs peuvent orir à leurs employés, dont une synthèse est donnée dans le tableau 10.2. TABLEAU 10.2 Les principaux régimes d’assurances gérés par les employeurs

Régimes privés d’assurance collective

Caractéristiques

Assurance frais médicaux (ou assurance maladie ou assurance maladie complémentaire)

• Paiement ou remboursement des soins de santé :

Assurance salaire

• Revenus lors d’absences de courte et de longue

maladie, médicaments, soins dentaires, examens de la vue, frais d’hospitalisation durée • Prestations d’invalidité

Assurance vie, mort accidentelle et mutilation

• Montants versés lors du décès de l’employé au conjoint et aux personnes à charge survivantes

• Prestations à la suite d’un décès ou en raison d’une mutilation à la suite d’un accident

10.3

Les régimes privés d’assurance frais médicaux

Au Canada, la quasi-totalité des employeurs orent à leur personnel des régimes d’assurance frais médicaux, aussi qualiés couramment d’« assurance maladie » ou d’« assurance maladie complémentaire ». L’employé peut être admissible à ces régimes après avoir acquis une certaine ancienneté. Ce type d’assurance exige que l’on comprenne les concepts ou les paramètres suivants : franchise, copaiement, coassurance et maximum payable (Ferland, 2004). • La franchise représente une première tranche des frais que doit payer le participant — au cours d’une année civile — au-delà de laquelle l’assureur eectue le remboursement des frais assurables restants. En d’autres termes, une franchise correspond à une première partie des frais assumés laissée à la charge du salarié, partie au-delà de laquelle il peut être remboursé pour les frais assurables restants. Par exemple, une franchise de 250 $ signie que la personne assume la première tranche de 250 $ des frais assurables avant de pouvoir se faire rembourser le reste des dépenses. Une franchise de 5 $ par ordonnance signie que le participant paie les cinq premiers dollars du coût de chaque ordonnance assurables, le régime lui remboursant le solde selon les conditions préétablies. • Le copaiement correspond au montant que l’employé doit assumer lors d’un achat (ordonnance). Il s’agit d’une forme de ticket modérateur. • La coassurance (ou facteur de participation proportionnelle) correspond au pourcentage des frais assurables assumés par l’assureur (ou le régime) selon la catégorie de frais (par exemple, frais hospitaliers, frais de médicaments), laissant le pourcentage restant à la charge du participant. Ainsi, une coassurance de 80 % signie que le régime paie 80 % des frais assurables après déduction de la franchise et laisse les 20 % restants à la

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CHAPITRE 10

charge du participant. Certains contrats d’assurance prévoient un maximum payable, c’est-à-dire que les frais assurables remboursables ne peuvent excéder un montant total annuel (sans limite par traitement), un montant maximal par traitement ou une combinaison des deux. Les régimes privés d’assurance frais médicaux couvrent généralement un grand nombre de services : les chambres d’hôpital privées ou semi-privées, les frais assumés par les employés et les personnes à charge pour les médicaments sur ordonnance, les soins inrmiers dispensés en service privé sur recommandation médicale, les fournitures et les appareils médicaux, les services d’ambulance, les soins médicaux d’urgence dispensés à l’étranger et l’assistance voyage, les actes des techniciens médicaux et des spécialistes des services paramédicaux tels que les chiropraticiens, les orthophonistes et les physiothérapeutes, les soins optiques, les prothèses auditives, les soins dentaires consécutifs à un accident, les soins psychologiques, etc. Ferland (2004) regroupe ces régimes privés dans les trois catégories suivantes de soins ou de frais remboursables : les assurances sans franchises, les médicaments avec ou sans carte de remboursement diéré ou direct et les soins paramédicaux.

10.3.1 Les assurances sans franchises Les assurances sans franchises prévoient généralement un remboursement à 100 %. Cette catégorie inclut les frais hospitaliers et les frais médicaux d’urgence à l’étranger, l’assurance voyage et les frais d’assistance internationale habituellement assurés en vertu d’une garantie de base. Elle comporte aussi les soins de la vue, ordinairement assurés en fonction d’une garantie optionnelle. Les régimes privés complémentaires de soins hospitaliers ont été conçus pour couvrir les frais supplémentaires liés à l’hospitalisation en chambre à un ou deux lits, puisque les régimes provinciaux assument le coût en salle commune (sauf lorsque le séjour en chambre à un ou deux lits s’impose pour des raisons médicales). À l’égard des soins de la vue, la gamme de services est la plupart du temps restreinte ; elle comporte l’examen de la vue (s’il n’est pas compris dans le régime provincial d’assurance maladie), les montures de lunettes et les verres.

10.3.2 Les régimes d’assurance médicaments avec ou sans carte de remboursement diéré ou direct

Paiement direct (direct payment) Procédé électronique entre une pharmacie et une compagnie d’assurance permettant de connaître l’admissibilité du médicament et le prix que le participant doit payer.

Les régimes d’assurance médicaments avec ou sans carte de remboursement diéré ou direct prévoient en général une ou des franchises, un ou des copaiements par ordonnance et une ou des coassurances. Les médicaments sont habituellement assurés en fonction d’une garantie de base dont le remboursement varie, mais jamais en deçà du taux prévu par la Loi sur l’assurance médicaments. D’un employeur à l’autre, les modalités de protection relatives aux médicaments varient en matière de médicaments assurables, de barèmes de remboursement et de méthodes de règlement. La dénition des médicaments assurables la plus répandue correspond aux « médicaments sur ordonnance » ou aux « médicaments prescrits ». Par ailleurs, la plupart des régimes remboursent les frais de médicaments payés par le participant sur présentation d’une demande d’indemnisation faite à la compagnie d’assurance. À cet égard, on utilise de plus en plus la méthode de paiement direct permettant à l’assuré de présenter sa carte de paiement direct au moment de faire exécuter son ordonnance an que l’admissibilité du médicament et la détermination du prix que le participant doit payer (selon la franchise et la coassurance prévues au contrat) se fassent électroniquement entre la pharmacie et la compagnie d’assurance (ou son sous-traitant).

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

10.3.3 Les régimes de soins paramédicaux Les régimes de soins paramédicaux prévoient généralement une ou des franchises et une ou des coassurances qui leur sont propres (mais qui peuvent être semblables à celles de l’assurance médicaments). Ils comprennent les soins de professionnels de la santé, les frais d’appareils orthopédiques et les autres soins ou divers équipements qui sont ordinairement assurés par une garantie de base. Les soins paramédicaux comprennent aussi des frais d’appareils thérapeutiques, qui sont le plus souvent assurés par une garantie optionnelle. On peut également y inclure l’assurance soins dentaires, dont les barèmes de remboursement des dépenses varient. Cette assurance peut proposer des garanties pour les soins suivants : les soins préventifs (examens, radiographies, nettoyage, détartrage, application de uor), les soins de base (restaurations mineures, extractions, obturations, endodontie et périodontie, amalgames en silicate), les soins de restaurations majeures (couronnes, prothèses, dentiers) et les soins orthodontiques (appareils de maintien et de redressement ou de repositionnement des dents).

10.3.4 Le dé de contrôler la croissance des coûts des soins de santé Au cours des dernières années, de nombreux facteurs ont créé — et continueront de créer dans l’avenir — des pressions à la hausse sur les coûts des avantages en matière de soins de santé, notamment : • l’augmentation du nombre de demandes de règlement pour des médicaments et des traitements, due au vieillissement de la population active, ainsi qu’au niveau de scolarité accru des employés, qui connaissent mieux la protection dont ils jouissent ; • l’augmentation des coûts des médicaments, des traitements et des interventions médicales en raison des avancées que permet la recherche, de l’extension de la période de protection par brevet des médicaments de marque déposée, etc. ; • l’élargissement de la couverture des régimes d’assurance collective ; • l’élargissement de l’admissibilité aux régimes d’assurances (par exemple, l’inclusion des personnes de même sexe dans la dénition de « conjoint ») ; • l’augmentation des coûts des services, comme les tarifs quotidiens de séjour dans les hôpitaux ; • l’utilisation accrue des soins alternatifs de santé (comme la chiropraxie, la naturopathie, l’homéopathie ou la massothérapie), qui s’ajoutent souvent au recours aux services de santé traditionnels ; • la prise en charge (avec les employés) des transferts de coûts des services que l’État a cessé d’orir2 étant donné que la plupart des régimes privés de soins de santé ont été conçus de manière à compléter les régimes d’État ; • l’augmentation des coûts de gestion des régimes d’assurances, en raison, notamment, des lois plus nombreuses à respecter au l des années (Loi sur l’assurance médicaments, Loi sur la protection des renseignements personnels, etc.), de l’internationalisation des aaires, de la diversité de la nouvelle main-d’œuvre, du recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (par exemple, le choix en ligne ou les systèmes experts) et de l’impartition de la gestion des avantages ; • l’augmentation du nombre de falsications des informations ou de fraudes (parmi les employés, les professionnels, les fournisseurs de soins, etc.) pour obtenir des 2. Pensons, par exemple, à la limitation de la gratuité des soins dentaires pour les jeunes (l’âge ayant été ramené de 14 ans à 10 ans en 1992) ou à la suppression de la gratuité des examens de la vue pour les personnes âgées de 18 à 64 ans en 1992-1993.

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CHAPITRE 10

remboursements plus élevés, ce qui incite les compagnies d’assurance à augmenter les primes d’assurance futures que devront payer les employés parce qu’elles sont fonction de l’expérience avec le groupe d’assurés. Des changements se produisent également du côté de l’industrie des assurances. De multiples fusions, acquisitions et faillites ainsi que des pressions de la concurrence entraînent une baisse des prix des services. La compétition entre des acteurs de plus en plus importants est féroce, quand on sait que le marché des employeurs-clients est assuré à près de 100 %. Aujourd’hui plus que jamais, les assureurs doivent se soucier autant de leurs prix que de la qualité des services qu’ils destinent à des clients exigeants et peu dèles. La stratégie des assureurs consiste à maximiser leurs ventes en « volant » des clients à leurs concurrents. Comme l’a indiqué la mise en situation au début de ce chapitre, au cours des prochaines années, il faudra s’attendre à des compressions dans le domaine des soins de santé oerts par les employeurs ou, du moins, à un ralentissement de la montée de leurs coûts. L’époque où les employeurs boniaient leurs régimes ou haussaient les plafonds de remboursement est terminée : l’heure est plutôt au transfert des coûts aux employés depuis des années. Actuellement, les employeurs et les assureurs exercent une gestion ferme des coûts ; pour les employés, cela se traduit irrévocablement par une augmentation des coûts des primes et des franchises. Un nombre croissant d’employeurs adoptent divers mécanismes de limitation des coûts des régimes de soins de santé (voir le tableau 10.3). Les médicaments représentent environ 75 % des dépenses des régimes privés (Albert, 2011). C’est pourquoi les employeurs cherchent à contrôler le coût de ces dépenses. La seconde partie du tableau 10.3 présente un ensemble de moyens pour y parvenir.

TABLEAU 10.3 Des stratégies pour contrôler le coût des régimes de soins de santé et des médicaments

1. Stratégies générales Mécanismes de limitation des coûts

Eets sur les régimes des soins de santé

Négocier avec le fournisseur ou changer de fournisseur.

• Réduire les coûts ou obtenir plus pour les coûts.

Réduire les cotisations patronales.

• Transférer les coûts aux employés par des retenues à la source. • Orir une protection contre les risques de frais de médicaments très

Imposer des franchises plus élevées ou les rattacher au salaire.

élevés. Dans ce cas, la majorité des employés devront payer le coût de leurs médicaments courants, mais ils seront tous protégés s’ils doivent se procurer des médicaments très coûteux.

Réduire le nombre de soins couverts par personne.

• Limiter le nombre d’unités de temps de soins de parodontie couverts

Abaisser le taux de remboursement de certains soins.

• Rembourser à 80 % plutôt qu’à 100 % en deçà d’un certain montant

par personne et par année. • Resserrer la politique de remboursement des soins de professionnels (massothérapeutes, physiothérapeutes, etc.) en demandant aux employés de payer un pourcentage des frais engagés ou de fournir des justications médicales. les soins de parodontie.

• À l’égard des soins hospitaliers, établir un remboursement maximal annuel, un tarif quotidien xe, un plafond du nombre de jours couverts par maladie, etc.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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TABLEAU 10.3 Des stratégies pour contrôler le coût des régimes de soins de santé et des médicaments (suite)

1. Stratégies générales (suite) Adopter la formule du «compte santé» ouvert au nom de chaque employé ou encore un régime exible d’avantages.

• Orir un montant xe à l’employé pour le paiement des frais

Réduire la couverture des régimes à certains employés.

• Réduire la couverture oerte aux retraités.

Sensibiliser le personnel.

• Respecter les ordonnances. • Ne pas faire une consommation abusive de médicaments. • Privilégier les médicaments génériques, etc.

médicaux ou dentaires assurables.

2. Stratégies à l’égard des médicaments Moyens de contrôle du coût des médicaments

Eets sur le coût des médicaments

• Fixer un montant maximal ou un plafond

• Éviter aux employeurs d’avoir à payer des montants très élevés. • Permettre, grâce à ce plafond, de régler la majorité des demandes

annuel de remboursement des médicaments par employé.

de remboursement des employés.

• Appliquer une politique d’autorisation préalable. • S’assurer que le médicament prescrit convient au mal du patient, que les directives de l’ordonnance ont été respectées, que le médicament • Recourir aux avis de conseillers thérapeutiques • Proposer des substitutions thérapeutiques.

n’en remplace pas un autre qui serait remboursable par le régime d’État. • Substituer au médicament prescrit un médicament moins cher de la même classe thérapeutique.

• Établir une grille de remboursement selon une

• Rembourser en fonction du coût jugé raisonnable, ce qui peut être

ou de conseillers en «économie santé».

politique du prix de référence des médicaments qui peut être adapté à la maladie.

déni comme étant le médicament (générique si possible) le moins coûteux de la catégorie qui est assurable ou encore le médicament de milieu de gamme. • Substituer des médicaments selon les maladies, le diagnostic du médecin et l’utilisation qui est faite du médicament.

• Adopter une liste de médicaments privilégiés ou • Tenir à jour cette liste pour y introduire les nouveaux médicaments spécialisés assurables. • Ajouter une clause de substitution de médicaments génériques ou une règle du meilleur prix.

génériques. • Obliger les prestataires à utiliser les produits génériques (mêmes ingrédients actifs et même concentration mais à un prix inférieur) de médicaments de marque déposée plus coûteux qui ne sont plus protégés par un brevet.

• Fixer un taux de remboursement en fonction

• Rembourser les médicaments moins coûteux et génériques en

des produits (par exemple, médicaments génériques). • Éliminer le remboursement de certains médicaments. • Limiter le remboursement aux ordonnances (exclure les produits en vente libre).

grande partie, tandis que les médicaments plus coûteux, utilisés pour le traitement de la même maladie, feront l’objet d’un taux de remboursement moins élevé. • Éliminer le remboursement de médicaments «style de vie» ou de confort qui ne sont pas médicalement nécessaires (comme les produits antitabac, les contraceptifs oraux, le Viagra, les produits contre la stérilité, les rides ou la calvitie.

• Modier les lieux d’achat et le choix des

• Encourager l’achat de médicaments par l’entremise de comptoirs

distributeurs.

pharmaceutiques postaux ou de réseaux de distributeurs de services à taux préférentiels.

470

CHAPITRE 10

En outre, certains employeurs orent à leur personnel retraité certains avantages tels que l’assurance vie, les régimes de soins médicaux, les régimes de soins dentaires ou d’autres avantages (comme des produits et des services sans frais ou à prix réduits). Ces employeurs peuvent accorder ces avantages aux retraités pour diverses raisons : • Historiquement, ils ont oert ces avantages et il est dicile de les retirer. • Ils se sentent responsables, redevables ou reconnaissants à l’égard de leurs retraités (paternalisme). • Ils veulent prolonger les avantages dont les employés ont bénécié par le passé. • Cela leur permet d’attirer et de conserver certains employés. • De telles mesures sont inscrites dans les conventions collectives. Par contre, en raison des coûts croissants rattachés à cette obligation, de plus en plus d’employeurs reconsidèrent les avantages qu’ils orent à leurs retraités.

10.4

Les régimes privés d’assurance salaire

La plupart des employeurs orent une protection du revenu lorsqu’un adhérent interrompt son travail à la suite d’une invalidité causée par une maladie ou un accident lié ou non à l’emploi. Les types d’invalidité sont classés selon la durée : courte (ordinairement moins d’un an ; on utilise alors une assurance salaire) ou longue (un an ou plus). L’invalidité d’un employé peut être à court terme (temporaire) ou indénie (permanente) ; elle peut être partielle (la personne peut accomplir certains emplois particuliers ou certaines tâches) ou complète (la personne ne peut accomplir aucune tâche).

10.4.1 L’assurance salaire de courte durée, les congés de maladie et les congés personnels Dans les entreprises, les absences à court terme peuvent être traitées en vertu d’un régime d’assurance salaire de courte durée, où l’assureur verse les prestations aux employés, et d’une politique ou d’un régime de congés pour cause de maladie ou d’aaires personnelles géré par l’employeur, ce dernier continuant de verser le salaire. L’assurance salaire de courte durée (souvent qualiée d’« indemnité hebdomadaire » par les assureurs) protège la rémunération d’un employé qui interrompt son travail à la suite d’une invalidité causée par un accident ou une maladie. Les prestations correspondent généralement à un pourcentage du salaire brut (par exemple, entre 60 % et 70 %) limité par un maximum prévu au contrat. Elles sont versées hebdomadairement après un délai d’attente (ou délai de carence) dont la durée varie selon la nature de l’invalidité (un accident, une maladie, etc.). Finalement, les prestations sont versées sur une courte période, généralement de 15 à 26 semaines, laquelle peut cependant atteindre 104 semaines. Compte tenu du fait que la majorité des absences à court terme sont très brèves et ponctuelles (en raison de malaises, de rhumes, de grippes, etc.), la protection du revenu des employés vu leur absence pour des raisons de maladie est assurée par un régime de congés de maladie ou un régime de congés pour des raisons personnelles, aussi appelé « régime de continuation du salaire ». Ce régime est géré par l’employeur, et ce dernier a la responsabilité de verser les prestations. Selon le régime, le taux de remplacement du revenu peut varier de 55 % à 100 % selon la catégorie de personnel, la durée de la maladie, etc. À cet égard, les employeurs peuvent adopter tout un éventail de politiques de gestion de l’absentéisme. Quelques organisations permettent à leurs employés le report des congés inutilisés sur les années futures. Certains régimes du secteur public stipulent que

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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les congés de maladie non utilisés sont acquis au salarié et lui seront payés en capital au moment de son départ à la retraite ou de sa cessation d’emploi. On observe qu’une quantité non négligeable d’employés se présentent maintenant au travail alors que des problèmes de santé minent leur rendement. Si bien qu’il y a maintenant plus de gens malades dans les organisations qu’à la maison. Une dépression, par exemple, nécessite en moyenne 32 jours d’absence du travail, ce qui représente le temps nécessaire pour récupérer. En 2002, près de 500 000 Canadiens ont Qu’est-ce que le présentéisme ? souert de dépression, selon Statistique Canada. Or, 40 % Selon Éric Gosselin, professeur à l’Université du Québec de ces travailleurs (200 000 personnes) n’ont pas manqué en Outaouais, «le présentéisme consiste à se présenter une seule journée de travail. Plusieurs d’entre eux ont fait au travail avec un problème de santé physique ou psychologique en raison duquel il faudrait plutôt s’absenter. du présentéisme, ce qui est à la fois surprenant et inquiétant Le présentéisme n’est donc pas associé au manque de (cité dans Sabourin, 2013). L’absentéisme engendrait en motivation, au désengagement, à la paresse ou à toute moyenne 6,2 jours d’absence par année par travailleur au autre forme “d’absence” de l’esprit alors que le corps Canada en 2008, soit une dépense de 6,6 milliards de dollars est au travail. Il doit y avoir maladie. L’improductivité est pour les seules entreprises québécoises. Le présentéisme involontaire ; le travailleur ne peut faire autrement, précise coûte probablement autant, sinon plus. Seuls les Américains Éric Gosselin. C’est une omission de s’absenter alors que en ont évalué le coût pour le moment : 150 milliards de nous aurions de bonnes raisons de le faire.» dollars par année en 2004, et 180 milliards en 2005, selon les calculs eectués par deux chercheurs séparément. Source : Extrait de Sabourin (2013).

10.4.2 L’assurance salaire de longue durée L’assurance salaire de longue durée (souvent qualiée d’« indemnité mensuelle » par les assureurs) protège la rémunération d’un employé qui interrompt son travail à la suite d’une invalidité causée par un accident ou une maladie. Les coûts de ce régime d’assurance sont la plupart du temps assumés par les employeurs. En général, pour avoir le droit de recevoir cette indemnité, l’employé doit être jugé incapable d’exercer sa profession ou son métier pendant une période de deux ans. En cas d’invalidité totale, les prestations sont ordinairement versées jusqu’à l’âge normal de la retraite. Si l’invalidité est partielle, elles prennent n en général après deux ans. Les prestations correspondent la plupart du temps à un pourcentage du salaire brut mensuel (par exemple, de 50 % à 75 %) limité par un maximum mensuel prévu au contrat. Elles sont versées mensuellement après une période d’attente (délai de carence) liée à la durée du régime à court terme, souvent établie à 26 semaines.

10.4.3 Le dé de contrôler la croissance des coûts des régimes d’invalidité Les régimes d’invalidité à court et à long terme coûtent cher aux employeurs. Outre les prestations, il faut compter les coûts des absences du travail (remplacement, heures supplémentaires, etc.) ainsi que les coûts de gestion du contrat et du suivi des dossiers. Par ailleurs, on assiste à une augmentation des demandes d’indemnisation liées à certaines maladies comme l’épuisement professionnel, le syndrome de la fatigue chronique et la bromyalgie. Comme le nombre de prestations d’invalidité est toujours plus élevé que ce qui est planié, plusieurs employeurs songent à revoir la générosité ou l’ampleur de prestations versées en vertu de leur régime. Sachant que la probabilité d’un retour au travail après six mois d’absence est inférieure à 50 % (Hall, 1996), les employeurs tentent de gérer de manière plus méticuleuse et plus préventive leurs coûts qui se rapportent aux cas d’invalidité à l’aide de

472

CHAPITRE 10

Depuis quelques années, on assiste à une augmentation des demandes d’indemnisation liées à certaines maladies comme l’épuisement professionnel.

politiques ou de programmes de prévention, d’absentéisme, de mieux-être, d’aide, d’intervention précoce, de réintégration au travail, de réadaptation médicale et professionnelle, etc. Ils essaient également d’exercer un meilleur suivi des cas d’invalidité en recourant à l’approche de gestion par cas (Financial Executives International Canada, 2013). Au Canada, la loi oblige les employeurs et les syndicats à réintégrer dans son travail un employé qui a pris un congé pour des raisons de santé mentale en lui permettant de reprendre son poste de façon progressive. Aussi, toute abolition de poste ou rupture de contrat avec un employé au cours des six mois qui suivent le retour au travail d’un employé s’avère suspecte. Si l’employeur doit embaucher quelqu’un pour remplacer la personne durant son absence, cela doit être fait sur une base temporaire. Dans les organisations où l’on trouve un syndicat, la responsabilité de faciliter le retour au travail de l’employé relève à la fois du syndicat et de l’employeur, qui peuvent prendre un arrangement contrevenant au contrat de travail collectif. Notons que l’employeur n’a pas à connaître le diagnostic médical de son employé, ce diagnostic étant condentiel. Récemment, plusieurs observateurs ont traité des conditions à respecter dans la gestion proactive de l’invalidité visant à faciliter le retour au travail et à éviter les rechutes (Champagne, 2001 ; Champagne et Mineau, 2010 ; Dansereau, 2005 ; Dyck, 2000 ; Lapointe, 2005 ; Losier et Drolet, 2005), ces conditions étant les suivantes : • Obtenir l’engagement manifeste de la direction et des cadres envers la gestion de l’invalidité. • Veiller au suivi du dossier des employés lors d’une absence an de s’assurer que chacun reçoit toute l’aide dont il a besoin et à laquelle il a droit (prestation). Étant donné que plus la durée de l’invalidité est longue, plus la probabilité que l’employé revienne au travail est faible, il importe de faire une gestion médico-administrative ecace an d’écourter certains types d’invalidité tout en veillant à ce que le travailleur bénécie de soins optimaux. • Recueillir des données sur l’absentéisme à court et à long terme et analyser les causes avec l’assureur de l’entreprise an d’adopter des mesures de prévention (par exemple, des modications apportées à l’organisation du travail, un programme de mieux-être, un horaire de travail). • Nommer un responsable et un comité de gestion des cas d’invalidité, qui établiront des normes (les critères d’octroi du revenu de remplacement, la condentialité des dossiers, etc.). • Établir des liens de collaboration entre la compagnie d’assurance, les employés, le syndicat et les professionnels de la santé. • Communiquer aux divers acteurs — les employés, les cadres, les syndicats, l’assureur, le conseiller, etc. — leurs rôles et leurs responsabilités dans la bonne marche du programme de retour au travail. • Rester en communication avec l’employé absent (dans le cas du superviseur ou de la personne désignée comme un agent de soutien) lors de son absence et tout au long de son retour progressif. • Repérer collectivement (le superviseur, le conseiller en réadaptation, le professionnel des ressources humaines et le médecin) tout obstacle au retour au travail, établir un calendrier et un plan de retour (souvent graduel ou progressif ). Faire participer activement l’employé à l’élaboration de son plan de retour au travail en lui permettant d’exprimer ses besoins et ses appréhensions. • Accommoder l’employé en permettant un retour progressif et en modiant des tâches ou en réduisant les heures si cela est requis (par exemple, des tâches courtes, un travail à temps partiel, un horaire exible, un partage ou un échange de tâches, le télétravail ou le travail à domicile, un plus grand nombre de pauses, un lieu de travail moins bruyant, le retrait temporaire de certaines activités plus stressantes).

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

• •



473

Sensibiliser, informer et former les employés de manière à prévenir les maladies et les blessures et à faciliter le retour au travail après une absence prolongée. Préparer les collègues au retour de l’employé à la suite de son congé pour invalidité en leur donnant les informations qu’il a été convenu avec ce dernier de donner. Reconnaître la contribution d’un cadre qui a réussi à bien gérer le retour au travail d’un employé.

10.5

Les régimes privés d’assurance vie, mort accidentelle et mutilation

L’assurance vie procure une certaine sécurité nancière aux conjoints et aux personnes à charge survivantes. C’est la forme d’assurance la plus fréquente dont la tarication repose sur les prévisions de mortalité du groupe assuré. L’assurance vie collective présente diverses variantes. Ainsi, on trouve l’assurance vie de base. Selon celle-ci, à la mort de l’adhérent, on verse un montant qui est généralement fonction du salaire (une fois, une fois et demie, deux fois le salaire annuel), mais qui peut être un montant xe. Cette assurance vie de base prend généralement n lorsque l’adhérent atteint l’âge de 70 ans (Ferland, 2004). On trouve aussi des régimes d’assurance vie facultative ou supplémentaire qui permettent à l’adhérent et au conjoint (et, dans certains cas, aux enfants à charge) de compléter leur assurance vie collective de base selon leurs besoins, conformément à un multiple de leur salaire (par exemple, de une à cinq fois le salaire) ou à un multiple d’une tranche de capital (par exemple, de 5 000 $, 10 000 $, 25 000 $) jusqu’à un plafond garanti par la compagnie d’assurance. Étant donné que le fait de prendre ce type d’assurance correspond à un choix individuel, les primes sont entièrement payées par l’employé. L’assurance vie des personnes à charge, qui est facultative, permet au salarié de choisir la protection et le coût qui lui conviennent (certains régimes orent une protection aux Le retour au travail d’une personne retraités). Selon cette assurance, à la mort d’une personne qui a connu un problème de santé mentale à charge, un montant, la plupart du temps un multiple d’un Selon Diane Champagne, conseillère principale, et montant xe, est payé. Dominique Mineau, analyste, chez Mercer, deux grands Enn, l’assurance mort accidentelle et mutilation garantit facteurs compliquent un tel retour : le caractère chronique des prestations dans les deux cas suivants : si l’assuré décède ou non résolu du problème de santé mentale ainsi que à la suite d’un accident, on versera au survivant un montant la stigmatisation et les préjugés relativement aux prosouvent identique au montant de l’assurance vie de base ; blèmes de santé mentale. Comme il arrive souvent que ces si l’assuré est mutilé à la suite d’un accident, on lui versera problèmes ne soient pas résolus au moment du retour au des sommes forfaitaires, dont la valeur dépend des pertes. travail de ces employés, il ne sut pas uniquement de les ramener au travail ; il faut aussi s’assurer que leur travail aura un eet thérapeutique leur permettant de se rétablir entièrement et les soutenir an de prévenir les rechutes. 10.6 Par ailleurs, selon un sondage mené par leur société, 60 % des employeurs canadiens estiment que les perceptions et la stigmatisation associées aux problèmes de santé mentale constituent le principal dé à relever dans la gestion de ces Le Canada est un pays où les régimes privés de retraite problèmes et 57 % des employeurs admettent que les projouent un rôle de premier plan étant donné qu’un bon blèmes de nature mentale ne sont pas traités de la même pourcentage des revenus des Canadiens âgés de 65 ans manière que les problèmes d’ordre physique. et plus correspond à des prestations versées en vertu de Source : Adapté de Champagne et Mineau (2010, p. 63). régimes privés.

Les régimes privés de retraite

474

CHAPITRE 10

Les employeurs sont libres d’adopter ou non de tels régimes. Toutefois, les gouvernements encouragent l’établissement de régimes de retraite privés à l’intention des employés en accordant aux employeurs certains avantages scaux pour les sommes versées à leur régime de retraite. Pour les employés, l’admissibilité à un régime de retraite privé leur permet d’épargner tout en bénéciant d’un abri scal jusqu’à la retraite, ses contributions comme les revenus de placement étant libres d’impôts. À sa retraite, sa rente, ajoutée aux prestations de base des régimes publics, lui permet d’avoir un revenu plus élevé, mais assujetti à un taux d’imposition moindre. En ce qui concerne les régimes de retraite privés canadiens, leur santé nancière n’est pas bonne dans l’ensemble. Si, dans la deuxième moitié des années 1990, nombre d’employeurs ont pris des congés de cotisations parce que leur caisse de retraite présentait un surplus, aujourd’hui les sociétés canadiennes doivent y investir une véritable fortune en raison des mauvais rendements boursiers des placements, de la faiblesse des taux d’intérêt à long terme et de l’augmentation des départs à la retraite depuis le début des années 2000. Pour contrôler la situation nancière de leur régime de retraite, les employeurs peuvent essentiellement revoir leur stratégie de placement du capital, leur politique de prestations (baisse des prestations) ou leur politique de capitalisation (augmentation des cotisations). À l’heure actuelle, on remarque certaines tendances. D’abord, si les employeurs adoptent de plus en plus des régimes de retraite à cotisations déterminées (l’employé verse une somme déterminée et sa retraite sera fonction du rendement de son investissement) et des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) collectifs, ils délaissent les régimes à prestations déterminées (l’employé est assuré de recevoir une retraite d’un montant déterminé). Ensuite, pour stabiliser les coûts futurs de leur régime de retraite, les employeurs commencent à adopter des régimes diérenciés de retraite, de sorte qu’ils inscrivent leurs nouveaux employés à un régime à cotisations plus élevées, mais à prestations moindres que celles de leurs collègues ayant plus d’ancienneté. Pendant ce temps, les employeurs des secteurs public et privé font face à une accélération des départs à la retraite, conséquence de la bulle démographique de la période 1947-1962, et au dé de maintenir une main-d’œuvre susante pour répondre à leurs besoins. L’employeur qui désire établir un régime de retraite doit décider si ce régime sera agréé (enregistré) ou non agréé (non enregistré).

10.6.1 Les régimes agréés de retraite Les régimes agréés de retraite sont régis par des lois provinciales et fédérales établissant des normes minimales an de protéger les droits des participants et des bénéciaires et de baliser le nancement des régimes. Plus précisément, un régime agréé est conforme aux exigences de la Loi sur les prestations de pension et de la Loi de l’impôt sur le revenu, et il est enregistré auprès d’un organisme provincial ou fédéral de réglementation des régimes de retraite et auprès de Revenu Canada. En vertu d’un régime agréé de retraite, les employés ne paient pas d’impôts sur les cotisations que leur employeur verse en leur nom et les revenus de placements de la caisse de retraite s’accumulent sans impôts. Les régimes agréés de retraite sont de loin les régimes de retraite les plus courants (Pozzebon, 2004). Les principales modalités et règles de gestion relatives aux régimes agréés de retraite privés concernent le comité d’administration ou de retraite, le nancement et le provisionnement.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

Le comité d’administration ou de retraite est chargé de gérer les régimes de retraite. Ce comité est formé, la plupart du temps, de représentants de l’employeur. Au Québec, le comité d’administration ou de retraite doit être composé d’au moins trois membres, soit deux personnes admissibles au régime de retraite qui sont désignées par les participants lors de l’assemblée annuelle du régime de retraite et d’une personne non admissible au régime de retraite, c’est-à-dire indépendante. Le nombre de membres représentant l’employeur n’est pas limité. Le rôle du comité d’administration ou de retraite est d’administrer le régime et de veiller au respect des lois (voir la rubrique « Le coin de la loi »).

LE COIN DE LA LOI

475

Pour en savoir plus sur les régimes de retraite

Les régimes de retraite et le respect des lois

Au Québec, il importe de respecter les dispositions du Code civil sur l’administration du bien d’autrui et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite qui imposent des normes ou des exigences à respecter à divers égards : prestations, provisionnement, déclaration, liquidation d’un régime, production de rapports, rôles et responsabilités du comité

de retraite, de l’employeur et de l’organisme de surveillance, mesures correctives. Il importe aussi de respecter la Loi de l’impôt sur le revenu qui dénit les prestations acceptables et les limites applicables, les cotisations maximales que peuvent verser et retenir les employeurs ainsi que des exigences en matière de déclaration.

Pour ce qui est du nancement, la majorité des régimes privés de retraite en vigueur sont de type contributif et font participer l’employé au nancement des régimes. Dans le secteur public, 100 % des participants contribuent à leur régime de retraite. Le provisionnement est une activité qui nécessite l’accumulation d’actifs formés des contributions patronales et de celles des employés (si le régime est contributif ), ainsi que des revenus de placement pour pourvoir aux prestations de retraite. On approvisionne les régimes de retraite an de s’assurer que les employés participants reçoivent les rentes promises, de contrôler la situation nancière du régime de retraite et d’éviter des augmentations démesurées de coûts du régime, de bénécier d’un abri scal important et de respecter la législation. Les hypothèses actuarielles revêtent une importance énorme dans la gestion d’un régime de retraite, car ses coûts reposent sur l’évolution de plusieurs facteurs au cours des 20 ou 40 prochaines années. Parmi ces facteurs, signalons le taux de rendement du régime, l’âge des personnes lors du décès, l’âge de la retraite, le taux de rotation du personnel, le taux de mortalité avant la retraite, le rythme des augmentations de salaires, l’ination ainsi que la proportion des hommes et des femmes participant au régime. Traditionnellement, on classe les régimes agréés de retraite en trois catégories : les régimes à prestations déterminées (RPD), les régimes à cotisations déterminées (RCD) et les régimes mixtes. Une quatrième catégorie s’est ajoutée en 2014 : le Régime de pension agréé collectif (RPAC) au fédéral et le Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) au Québec. Nous décrivons ces régimes dans cette sous-section. Le tableau 10.4 à la page suivante présente une synthèse des avantages et des inconvénients des régimes à prestations déterminées et des régimes à cotisations déterminées. En 2009, selon Statistique Canada, les régimes agréés de retraite couvraient plus de 6 millions d’employés, soit environ 40 % de tous les travailleurs, dont 50 % dans le secteur public et parapublic, et 75 % participaient à un régime à prestations déterminées qui, dans 83 % des cas, présentaient un décit de solvabilité (Albert, 2011). Par ailleurs, un rapport de

476

CHAPITRE 10

TABLEAU 10.4 Une comparaison des avantages et des inconvénients des RPD et des RCD

Employeur Avantages Régime à prestations déterminées (RPD)

• Facilite l’attraction

Régime à cotisations déterminées (RCD)

• N’assume pas de

Employés Inconvénients

• Assume seul les du personnel risques nanciers : • Favorise la délisation doit combler les décits et partager du personnel les excédents • Ne nécessite pas • Assume seul les oblid’investir beaucoup gations légales comde ressources dans plexes et croissantes la communication et la formation du • Est complexe et personnel coûteux à gérer • Rend dicile la prévision des coûts des rentes de retraite à verser risques nanciers • N’a pas à se conformer à beaucoup de lois • Est simple, transparent et peu coûteux à gérer

Avantages

Inconvénients

• Simplie la plani-

• Limite la mobilité du cation de la retraite personnel, car l’actif et répond au besoin accumulé n’est généde sécurité parce ralement pas transque le montant des férable et la période prestations de retraite d’acquisition des futures est connu et droits est longue assuré • Ne permet pas de • Ne requiert pas participer au nand’expertise étant cement de sa retraite donné que la gestion (ampleur et choix des des placements est placements) eectuée par des experts

• Nécessite d’investir

• Favorise la mobilité • Assume les risques des ressources dans du personnel étant nanciers la communication donné que le transfert • Complexie la planiet la formation du des actifs est possible cation de la retraite, personnel • Permet de participer car le montant de la • Nuit à l’attraction et à au nancement de sa rente n’est pas connu la rétention de candiretraite avant le moment de dats recherchant une la retraite plus grande sécurité • Exige une certaine expertise pour gérer le portefeuille, cette méconnaissance chez la plupart des employés pouvant entraîner des erreurs de placements

la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI, 2013) conrme qu’on trouve au Canada un système de retraite à deux vitesses qui favorise grandement les employés rémunérés par les deniers publics. En eet, près de 80 % des Canadiens travaillent dans le secteur privé et les deux tiers d’entre eux n’ont pas de régime de retraite d’employeur. Les 20 % de Canadiens restants travaillent dans le secteur public et 87 % d’entre eux disposent d’un régime de retraite d’employeur. Pour toucher un revenu de remplacement de 70 % à la retraite, un fonctionnaire fédéral doit cotiser environ 7 % de son salaire, alors que son homologue du secteur privé doit verser 21 % de son salaire en cotisations. De fait, le provisionnement (ou la capitalisation) et la solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur public ont été moins analysés étant donné qu’ils sont garantis par l’État, lequel a un pouvoir d’imposition et, par conséquent, fait payer la facture de la retraite des fonctionnaires par l’ensemble des contribuables. Par contre, les gouvernements, qui ne peuvent plus laisser la situation perdurer, ont amorcé une démarche de changement (voir la rubrique « Regard sur la pratique »).

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

477

REGARD SUR LA PRATIQUE Le plan d’action du gouvernement visant des régimes de retraite équitables et durables En avril 2013, Alban D’Amours, en tant que président d’un comité d’experts, déposait un rapport sur l’avenir du système de retraite québécois qui formulait 21 recommandations. Ce rapport a donné lieu à des consultations particulières et à des auditions publiques. Dans la foulée de ce rapport, le gouvernement s’est doté d’un plan d’action s’appuyant sur quatre orientations. En premier lieu, l’équité intergénérationnelle : l’équité entre les générations doit être au cœur des préoccupations. En deuxième lieu, la vérité des coûts : il faut se fonder sur la vérité des coûts an d’assurer la pérennité des régimes de retraite. En troisième lieu, la situation des

retraités : les rentes des retraités doivent être protégées. En quatrième lieu, la capacité de payer du contribuable : il faut diminuer l’incidence, chez le contribuable, des décits actuels des régimes de retraite du secteur public. Trois forums de travail — un pour le secteur privé, un pour le milieu municipal et un pour le milieu universitaire — seront mis sur pied, regroupant des représentants de la partie patronale et de la partie syndicale, an de proposer, entre autres, des mesures plus ecientes pour nancer les régimes de retraite à prestations déterminées. Leurs travaux s’échelonneront du 1er janvier au 30 avril 2014. Source : Adapté de Plan d’action du gouvernement : vers des régimes de retraite équitables et durables (2014).

Les régimes agréés à prestations déterminées Avec un régime de retraite à prestations déterminées, l’employeur s’engage (promesse) à verser des rentes de retraite d’un montant déterminé — selon une formule préétablie — et à prendre la responsabilité de leur nancement. L’encadré 10.1 présente quelques modes de détermination de la rente de retraite annuelle des participants à un régime de retraite à prestations déterminées (voir Albert, 2011, pour plus de détails). L’employeur assume alors le risque en matière d’investissements. Si la caisse de retraite connaît un bon rendement, il y verse moins d’argent ; s’il y a un décit de solvabilité (notamment en raison de baisses des marchés boursiers), il doit le combler sur une période qui n’excède pas cinq ans. Il y a donc une asymétrie entre les risques et les rétributions. Ainsi, la responsabilité de renouer un décit actuariel incombe à l’employeur seulement qui doit verser des cotisations particulières au régime. Par contre, un surplus actuariel n’entraîne, au mieux, qu’un congé de cotisations pour un employeur, puisque s’il décide de bonier le régime, il risque d’être davantage pénalisé advenant un décit étant donné

ENCADRÉ 10.1 







Les principaux modes de détermination de la rente dans un régime à prestations déterminées

Le régime à prestations forfaitaires. La rente correspond à un montant déterminé pour chaque année de service de l’employé. Elle n’est donc pas fonction du salaire de l’employé, mais de la durée de son service. Le régime de «salaires de carrière». La rente correspond à un pourcentage du salaire de chaque année ou du salaire annuel moyen. Le régime «derniers salaires». La rente correspond à un pourcentage du salaire annuel moyen que l’employé a reçu pendant une certaine période précédant sa retraite ou pendant les années les mieux rémunérées. Par exemple, si la formule correspond à 1,5 % du salaire moyen au cours des cinq dernières années de service, un employé dont la moyenne des derniers salaires est de 60 000 $ et qui compte 25 années de service aura une rente égale à 1,5 % × 60 000 $ × 25, soit 22 500 $. Certains régimes peuvent utiliser la moyenne des 5 années consécutives les mieux rémunérées au cours des 10 années précédant la retraite comme base de calcul de la rente. Le régime exible. L’employeur verse une rente de base, souvent calculée en fonction du salaire moyen des dernières années, et les employés font des cotisations salariales, s’ils le désirent, qui leur permettront plus tard de recevoir des prestations supplémentaires.

478

CHAPITRE 10

que les cotisations d’équilibrage à verser seront plus élevées car le régime était plus avantageux. Cela contribue à expliquer le niveau décevant de couverture de ces régimes. En eet, le ou entourant la propriété des excédents n’incite pas les employeurs à proter d’une conjoncture économique favorable pour cotiser au-delà du minimum requis, mais plutôt à prendre des congés de cotisations. De tels régimes sont assujettis à des coûts de gestion importants et croissants dus à une réglementation très complexe et croissante et à des évaluations actuarielles périodiques à faire an de protéger la promesse de rente de retraite. La loi oblige les employeurs du Québec qui ont un régime de retraite à prestations déterminées à soumettre, au moins tous les trois ans, à la Régie des rentes du Québec une évaluation actuarielle pour établir le taux de solvabilité de leur régime (une mesure de la santé nancière du régime), pour le cas où il devrait être abandonné. S’il y a un décit de solvabilité, l’employeur a légalement cinq ans pour le combler en versant des cotisations supplémentaires (en plus de ses engagements courants) de manière à disposer du capital (provisionnement ou solvabilité de 100 %) qui lui permettra de faire face à ses engagements envers ses employés. Un suivi semblable des indices de solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées se fait à l’échelle du pays. En somme, les employeurs seront tenus de respecter des règles plus sévères quant aux hypothèses de rendements des fonds adoptées, au type d’investissement privilégié et à l’utilisation des surplus. Avec un régime à prestations déterminées, l’employeur doit aussi jongler constamment avec l’imprévisibilité des coûts des rentes de retraite à verser, car elles varient avec l’espérance de vie des employés. Lors de décisions concernant des fusions ou des acquisitions, les entreprises dotées d’un tel régime sont jugées moins attrayantes. Cependant, une fois implanté, un régime à prestations déterminées est facile à communiquer. L’employé doit obligatoirement adhérer à ce régime qui s’avère simple, facile à comprendre et qui lui permet de connaître la rente qui lui sera versée assurément à la retraite. De plus, les cotisations versées dans ce type de régime sont gérées par des experts qui prennent des décisions de placements pour l’ensemble du personnel couvert par le régime. Ce régime peut aussi faciliter l’attraction et la rétention d’employés. Dans un contexte économique incertain, il s’avère intéressant pour des candidats en raison de la sécurité qu’il leur procure et de l’absence de risque qu’il comporte pour eux. Par ailleurs, comme la rente augmente avec les années de service, cela incite les employés à rester dans l’entreprise. Par contre, ce type de régime peut être jugé moins attrayant par des candidats qui veulent exercer des choix dans la préparation de leur retraite (montants des cotisations, choix de placements, etc.) ou qui ont l’intention de changer d’employeurs en cours de carrière. En eet, la valeur de ce régime est dicilement transférable parce que l’actif accumulé est indexé aux années de service. Les prestataires risquent alors de perdre les cotisations versées par l’employeur s’ils quittent leur emploi après une courte période.

Les régimes agréés à cotisations déterminées Dans un régime agréé de retraite à cotisations déterminées, on précise le montant des cotisations que l’employeur et, s’il y a lieu, l’employé s’engagent à verser annuellement, ces cotisations s’accumulant avec les revenus de placement jusqu’à la retraite du prestataire, moment où il souscrit à une rente viagère. Les cotisations de l’employeur et, selon le cas, les méthodes pour déterminer les cotisations des employés sont établies dans une entente contractuelle ou dans la convention collective. L’encadré 10.2 présente deux formes de régimes à cotisations déterminées (Albert, 2011). Dans un régime à cotisations déterminées, les employés assument le risque. L’employé ne va connaître le montant de sa rente qu’au moment de prendre sa retraite. Il s’avère

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

ENCADRÉ 10.2 



479

Les deux principaux types de régimes à cotisations déterminées

Le régime de retraite à cotisations déterminées. Ce régime peut être entièrement nancé par l’employeur ou en partie nancé par les employés, les cotisations de l’employeur pouvant être fonction des cotisations des employés. Les cotisations peuvent équivaloir à un pourcentage xe du salaire (par exemple, 5 %), à un montant xe ou à un montant déterminé par année de service ou par heure travaillée. La rente correspond à ce que le montant des cotisations des employeurs et des employés, s’il y a lieu, permet d’orir. Le participant acquiert les cotisations que l’employeur verse en son nom après une période de participation qui, dans bien des cas, n’excède pas deux ans. S’il quitte l’entreprise avant cette période, les prestations sont calculées selon ses propres cotisations seulement. Le régime de pensions avec participation aux bénéces. Les cotisations de l’employeur sont établies d’après une formule basée sur les bénéces de l’entreprise sous réserve d’une cotisation minimale de 1 % de sa masse salariale en l’absence de bénéces. La rente correspond à ce que le montant des cotisations accumulées permet d’orir.

impossible de prévoir ce montant parce qu’il est fonction du capital accumulé grâce au montant des cotisations versées par l’employeur et celles de l’employé (si son régime est contributif ) et aux revenus de placement ou d’investissement générés par ce capital (ou la performance de son portefeuille). Aussi, la variation de la valeur de cette rente peut diérer grandement selon le moment de la retraite. Ainsi, si l’employé prend sa retraite lorsque la performance nancière des placements est faible, sa rente sera plus faible. De nombreux employés âgés ont fait face à ce problème lors de la crise nancière de 2008 et 2009 et se sont trouvés dans l’obligation de continuer à travailler, ou alors ils ont pris leur retraite avec une rente moins avantageuse. L’employeur n’a pas la responsabilité de s’assurer de la solvabilité et de la viabilité du régime. Ce type de régime est simple, et les frais d’administration et de conformité aux lois sont faibles. Sur le plan légal, les contraintes sont minimales. Toutefois, suivant un tel régime, l’employeur est obligé d’informer les employés sur son fonctionnement et sur l’importance des décisions qu’ils doivent prendre en termes de placements et de contributions. En raison de l’imprévisibilité du montant de la rente et de son lien avec les uctuations du marché boursier, il faut bien expliquer ce régime, sinon l’on peut faire face à de faibles taux de participation et de contributions des employés, qui vont accorder peu d’importance à l’épargne en vue de la retraite. Pour les jeunes travailleurs scolarisés qui veulent changer d’employeur en cours de carrière, l’actif accumulé dans un régime à cotisations déterminées peut être transféré à un autre employeur, sans pénalité. Aussi, plusieurs régimes de ce genre permettent aux employés d’eectuer divers choix au regard de leurs cotisations et de leurs placements. Des employés qui font de bons placements peuvent en bénécier. Par contre, l’inverse est aussi vrai. Ce régime exige une certaine connaissance de l’investissement que de nombreux employés ne possèdent pas. Aussi, il importe non seulement de sensibiliser les employés à épargner pour la retraite dès l’embauche, mais aussi de les encourager sur une base continue à contribuer. Il faut former les employés en ce sens et même faire un certain suivi de leurs résultats respectifs de manière à faciliter leurs choix de stratégies de placements. Traditionnellement, les régimes à cotisations déterminées étaient surtout oerts dans les organisations de petite taille. Toutefois, depuis quelques années, on observe un certain mouvement des employeurs vers ce type de régime, dont plusieurs le font en délaissant leur régime à prestations déterminées. Ainsi, cela a été le cas pour des sociétés telles que Groupe Pages Jaunes, Air Canada, IBM, Bell Canada, CN, la Banque Laurentienne et la Banque Royale. Dans les années 1990, alors que le marché boursier était en hausse, les caisses de retraite faisaient d’importants surplus, ce qui incitait des employeurs à cesser de les

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CHAPITRE 10

nancer. Cependant, le vieillissement de la population et la baisse du marché boursier ont entraîné de lourds décits actuariels pour bon nombre d’employeurs qui ont la responsabilité de renouer le régime par des cotisations annuelles importantes. Cela réduit leur ux de trésorerie (cash ow) et les empêche d’investir dans leur propre croissance et dans les services à la population (dans le cas des sociétés dans les secteurs public, parapublic et municipal). Pour certains employeurs, les inconvénients des régimes à prestations déterminées dépassent leurs atouts, et ce, surtout avec l’augmentation des exigences légales balisant leur gouvernance. Le remplacement d’un régime à prestations déterminées par un régime à cotisations déterminées permet de limiter la croissance des coûts et d’appuyer une culture de responsabilisation des employés. Certaines organisations favorisent plutôt l’adoption d’une clause de disparité de traitement (communément appelée « clause orphelin »), qui a pour eet de conserver les droits des travailleurs actuels aux dépens des futures recrues qui devront participer à un régime à cotisations déterminées. À titre d’exemple, le récent accord de principe intervenu entre Ford et le Syndicat national de l’automobile (TCA) prévoit une clause de disparité de traitement pour les futurs cotisants (Dubuc, 2013). Évidemment, les groupes de jeunes demandent que la Loi sur les normes du travail rende illégale une telle clause dans la gestion des régimes de retraite et d’assurance collective. (Collectif, 2013).

Les régimes agréés mixtes On peut décider d’adopter des régimes agréés de retraite mixtes qui ont certaines caractéristiques communes avec un régime à cotisations déterminées et d’autres caractéristiques communes avec un régime à prestations déterminées. Voici des exemples (Albert, 2011). 1. Le régime hybride. Ce régime garantit une rente minimale à l’employé, puisque à sa retraite il lui verse la rente la plus élevée des deux suivantes : soit la rente provenant de la composante à prestations déterminées (par exemple, 1,5 % de la moyenne des salaires des années de service), soit la rente pouvant être constituée par le solde du compte à cotisations déterminées (par exemple, l’employé verse 5 % de son salaire et l’employeur verse l’équivalent). 2. Le régime combiné. À la retraite, le participant touche les deux rentes : un montant de rente provenant de la composante à prestations déterminées, souvent payée par l’employeur (par exemple, 1 % de la moyenne des derniers salaires) et un montant de rente provenant de la composante à cotisations déterminées (les cotisations de l’employé y sont versées, mais l’employeur peut également y contribuer). 3. Le régime « à valeur déterminée » (cash balance). Ce régime compte deux approches. Selon la première approche, on attribue à l’employé des crédits annuels selon son salaire (par exemple, 5 % du salaire) qui sont déposés dans un compte rapportant des intérêts préétablis jusqu’au moment de la retraite. Le solde est alors transformé en une rente annuelle selon des taux de rente viagère précis. Selon la deuxième approche, on attribue à l’employé des points chaque année. Au moment de la retraite, le total de points est multiplié par la moyenne des derniers salaires et transformé en une rente annuelle selon des taux de rente viagère précis. 4. Le régime à paliers. Le salarié participe à un régime à cotisations déterminées pendant les 10 premières années de service. Après cette période, il peut conserver ce régime ou le remplacer par un régime à prestations déterminées. 5. Les régimes interentreprises ou multiemployeurs. Les montants des cotisations (par exemple, un certain nombre de cents par heure travaillée) et les montants des prestations (selon une formule uniforme) sont établis entre des employeurs qui, souvent, appartiennent à des secteurs connexes et où il existe une forte mobilité du personnel. Les prestations peuvent être réduites si les cotisations ne permettent pas de verser celles-ci.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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Le régime de pension agréé collectif et le régime volontaire d’épargne-retraite Étant donné que des millions de travailleurs canadiens ne participent pas à un régime de retraite oert par leur employeur, il leur est plus dicile d’épargner susamment en vue de la retraite. En décembre 2010, le ministre fédéral et les ministres provinciaux et territoriaux des Finances ont convenu d’instaurer le Régime de pension agréé collectif (RPAC), un nouveau type de régime de pension ayant une portée générale et qui est administré par le secteur privé an de combler des lacunes actuelles du système de revenu de retraite. En décembre 2012, la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs (RPAC) et la réglementation fédérale connexe sont entrées en vigueur et les règles d’impôt sur le revenu concernant ces régimes ont pris eet en vertu de la Loi de 2012 sur l’emploi et la croissance. Les régimes de pension agréés collectifs correspondent à un nouveau mécanisme de pension de retraite de grande taille et à faible coût à l’intention des employeurs, des employés et des travailleurs autonomes. Comme les fonds provenant des particuliers sont mis en commun, ce régime ore des possibilités de placement et d’épargne dont les frais administratifs seront moindres. Un particulier peut souscrire à ce régime par l’entremise de son employeur, si ce dernier choisit d’y participer, sinon il peut ouvrir un compte en s’adressant directement à un administrateur d’un RPAC. Les options de placement dans ce type de régime ressemblent à celles comprises dans le cadre d’un régime de pension agréé. Pour les personnes qui ne désirent pas s’engager dans la prise de décisions concernant les investissements, le RPAC prévoit une option implicite orant une combinaison de placements qui permet à la fois de protéger le capital et de générer un rendement. Cependant, les participants qui désirent s’engager davantage peuvent proter d’options plus complexes. Grâce au RPAC, les propriétaires de PME peuvent orir un régime de retraite à leurs employés. Étant donné qu’en vertu du cadre réglementaire fédéral établi les régimes de pension agréés collectifs sont oerts aux employés d’entreprises de compétence fédérale, plusieurs gouvernements provinciaux ont déjà déposé un projet de loi ou voté une loi permettant aux entreprises de compétence provinciale d’adhérer à un RPAC. C’est dans cette foulée qu’au Québec le gouvernement a adopté la Loi sur les régimes volontaires d’épargneretraite (RVER) qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014 (voir la rubrique « Le coin de la loi »). Les travailleurs qui ne participent pas à un régime de retraite auront accès à un régime d’épargne-retraite collectif oert par l’employeur et géré par un administrateur autorisé. Avec ce régime, les travailleurs pourront épargner pour la retraite dans un cadre structuré, au moyen de retenues sur le salaire ou de prélèvements périodiques, à faible

LE COIN DE LA LOI

Pour en savoir plus sur le Régime de pension agréé collectif (RPAC)

La loi créant le Régime volontaire d’épargne-retraite

Le Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) vise principalement les travailleurs salariés qui n’ont accès à aucun régime d’épargne-retraite collectif oert par l’employeur, qui sont âgés d’au moins 18 ans et qui comptent un an de service continu. Pour les travailleurs salariés, l’inscription au régime sera automatique. Ils n’auront donc aucune démarche à faire pour s’y inscrire. Les entreprises visées par la loi devront orir un RVER au plus tard : • le 31 décembre 2016, lorsqu’elles comptent 20 employés visés ou plus à leur service le 30 juin 2016 ; Source : Régime volontaire d’épargne-retraite (2014).

• le 31 décembre 2017, lorsqu’elles comptent de 10 à 19 employés visés à leur service le 30 juin 2017 ;

• à la date déterminée par le gouvernement, qui ne peut être antérieure au 1er janvier 2018, lorsqu’elles comptent de 5 à 9 employés visés à leur service. Le RVER sera aussi accessible aux travailleurs autonomes ainsi qu’à toutes les personnes qui souhaitent y adhérer en contactant un administrateur autorisé. Quant aux autres entreprises, elles pourront orir le RVER sur une base volontaire.

482

CHAPITRE 10

coût, tout en bénéciant d’avantages réservés aux régimes collectifs. Ce nouveau régime est simple, facile, exible et peu coûteux (les niveaux acceptables des frais de gestion que pourront exiger les fournisseurs sont inscrits dans la loi), autant de qualités recherchées par les employeurs qui n’ont pas de régime de retraite.

10.6.2 Les régimes non agréés ou les régimes supplémentaires Dans un régime agréé de retraite, les rentes sont assujetties à un plafond en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. An de pouvoir verser à leurs cadres supérieurs un revenu de retraite excédant ce plafond, un nombre croissant d’entreprises mettent sur pied divers autres mécanismes de revenus de retraite non agréés, tels que des régimes et des allocations supplémentaires de retraite (« régimes d’appoint »), des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) ou l’épargne-retraite des particuliers ou des régimes de participation diérée aux bénéces. Par ailleurs, les employés couverts par un régime de retraite non agréé paient des impôts sur les cotisations que leur employeur verse en leur nom, et les revenus de placement de la caisse de retraite sont imposables.

Les régimes et les allocations supplémentaires Étant donné que les règles scales imposent un plafond sur le revenu provenant d’un régime agréé de retraite, un nombre croissant d’entreprises implantent un régime supplémentaire de retraite, lequel verse des prestations qui s’ajoutent à celles du régime agréé de retraite aux employés ayant un revenu relativement élevé. La majorité des régimes supplémentaires de retraite ne sont pas oerts à tous les employés d’une entreprise, mais à une ou des catégories particulières de son personnel (par exemple, les cadres, les professionnels et les dirigeants). Comme mécanismes supplémentaires de retraite, il existe également les allocations de retraite, c’est-à-dire une prime de séparation ou une indemnité de départ qu’un employeur attribue souvent à un employé en un seul versement, en signe de reconnaissance de services ou lors de la perte de l’emploi. Pour ce qui est du traitement scal d’un tel paiement, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que l’employeur peut déduire le montant de cette allocation de ses revenus, dans la mesure où ce montant est raisonnable par rapport aux circonstances. Par ailleurs, cette indemnité doit être incluse dans le revenu imposable de l’employé, à moins qu’il ne préfère en diérer l’imposition (sous réserve de certaines limites) en transférant cet argent dans le régime de retraite oert par son employeur ou dans un régime enregistré d’épargne-retraite.

Les régimes enregistrés d’épargne-retraite ou l’épargne-retraite des particuliers

Pour en savoir plus sur les régimes enregistrés d’épargne-retraite

En raison de la complexité accrue des lois relatives aux régimes agréés de retraite, les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) collectifs deviennent une solution de rechange de plus en plus prisée. Le REER collectif s’avère essentiellement un regroupement de REER individuels dont les frais de gestion sont assumés par l’employeur et dont l’accès est facilité parce que l’employeur prélève directement les cotisations sur les salaires. Les employeurs peuvent préférer un REER collectif à un régime de retraite à cotisations déterminées parce que les REER ne sont pas assujettis aux lois sur les prestations de retraite ni aux contraintes qu’elles imposent. De plus, l’employeur n’est pas tenu d’y verser des cotisations. Pour les employeurs, toutefois, et contrairement à ce qu’on observe dans le régime à cotisations déterminées, leurs cotisations ne sont pas considérées comme des salaires et ne bénécient pas d’un abri scal. Pour les salariés, un REER collectif est semblable au régime à cotisations déterminées compte tenu du fait que les cotisations qu’ils versent et les revenus de placement qu’ils

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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génèrent sont à l’abri de l’impôt. De plus, si le régime collectif ne l’interdit pas, les employés peuvent eectuer des retraits en espèces du régime. Le REER individuel constitue cependant une solution de rechange au versement de cotisations volontaires à un régime collectif de retraite oert par les employeurs. La loi créant les REER a été adoptée en 1957 dans le but d’inciter les particuliers à épargner en vue de leur retraite tout en leur faisant bénécier d’une aide scale. Une personne souscrit à titre individuel à un REER (à son nom ou à celui de son conjoint) et les cotisations qu’elle y verse à même son revenu sont déductibles de son revenu imposable, sous réserve d’une limite déterminée. Les revenus provenant du placement de l’actif du REER bénécient d’un abri scal, mais les sommes qui en sont retirées sont imposables. L’employé peut individuellement contribuer à un REER à l’aide de retenues eectuées à la source sur sa paie régulière et, ce faisant, proter de déductions scales immédiates. Les REER individuels sont importants pour les travailleurs autonomes (non salariés), car ils leur permettent de se constituer un capital de retraite à l’abri de l’impôt. Les REER peuvent également être utilisés par les salariés, qu’ils soient inscrits ou non à un régime collectif de retraite ou à un régime de participation aux bénéces oert par leur employeur. Toutefois, l’employé doit déduire du montant de cotisation permis la valeur imputée par Revenu Canada (le « facteur d’équivalence ») au régime de l’employeur. Une personne peut déduire de son revenu les contributions qu’elle verse dans un REER au nom de son conjoint. La loi xe un plafond d’un certain pourcentage du revenu gagné, sous réserve d’un plafond pécuniaire absolu annuel, le montant d’épargne-retraite donnant droit à l’aide scale. Un montant maximal qu’une personne peut verser dans son REER au cours d’une année est xé selon son salaire et sous réserve d’un plafond.

Les régimes de participation diérée aux bénéces Dans le chapitre 9, nous avons traité des régimes de participation aux bénéces permettant d’accorder annuellement ou plus fréquemment des primes aux employés, dont le montant est fonction des bénéces annuels de l’entreprise. Ces régimes ne servent habituellement pas à procurer un revenu de retraite. Toutefois, certains régimes de participation aux bénéces procurent des prestations diérées, les primes des employés étant déposées dans un compte où sont versés des intérêts jusqu’à ce que le solde soit remis à l’employé au moment où il quitte l’entreprise. Avec un régime de participation diérée aux bénéces, il est impossible de prévoir la rente que l’employé recevra à sa retraite, puisqu’elle dépend des bénéces de l’entreprise, du taux de rendement des placements et du prix de souscription des rentes. La Loi de l’impôt sur le revenu distingue trois types de régimes de participation diérée aux bénéces : les régimes de pension agréés avec participation aux bénéces, les régimes de participation diérée aux bénéfices et les régimes de participation des employés aux bénéces. En conclusion, on constate que les gouvernements incitent de plus en plus les citoyens à mettre de l’argent de côté pour la retraite et les employeurs à contribuer à ces régimes.

10.7

Les autres types d’avantages privés complémentaires

En plus des régimes d’assurance collective et des régimes de retraite, les employeurs peuvent gérer bien d’autres programmes et politiques constituant des avantages pour les employés. En eet, on tente de plus en plus de gérer les avantages an d’en faire un levier stratégique pour attirer et garder les employés compétents, et ce, d’autant plus

Pour en savoir plus sur les régimes de participation diérée aux bénéces (RPDB)

Pour en savoir plus sur le Compte d’épargne libre d’impôt (CELI)

484

CHAPITRE 10

que la pénurie de main-d’œuvre s’accentue dans certains secteurs. Ainsi, on propose aux employés de nouveaux avantages dont ils pourront bénécier pendant qu’ils sont en bonne santé, comme des conditions visant à créer un équilibre entre le travail et la famille, un horaire de travail plus souple, la possibilité d’acheter un plus grand nombre de jours de vacances ou de prendre une année sabbatique, un abonnement à un club d’entraînement physique ou l’accès à des soins d’homéopathie. Par ailleurs, compte tenu du recours accru des entreprises aux services d’employés à temps partiel, l’admissibilité de ceux-ci aux régimes collectifs est à l’étude.

10.7.1 La rémunération du temps chômé Les jours fériés, les autres congés et les vacances constituent le temps chômé. Les jours fériés incluent les jours fériés légaux (comme le jour de Noël), les congés supplémentaires (comme le lendemain de Noël) et les congés mobiles oerts au personnel. Mis à part les congés mobiles, les organisations orent en général de 10 à 13 jours fériés par année à leur personnel. Ces chires varient peu d’une catégorie de personnel à l’autre. En plus des jours fériés payés, près de la moitié des entreprises accordent des congés mobiles payés à leur personnel. Ordinairement, les entreprises orent de un à trois jours de congés mobiles par année. En plus des jours fériés et des congés mobiles, la plupart des employeurs orent à leur personnel d’autres congés liés à des circonstances particulières, soit le deuil, le mariage ou l’obligation d’exercer la fonction de juré. Par ailleurs, certains employeurs orent également des congés parentaux (en plus de ceux qui sont prévus par la loi), de déménagement, de soins de compassion, etc., qui ne sont pas nécessairement payés. La durée des vacances est couramment liée à l’ancienneté de l’employé et presque tous les employeurs prévoient un nombre maximal de semaines. Ce nombre peut atteindre sept semaines, mais il est le plus souvent établi à cinq ou six semaines. Outre les employés du secteur public qui, dans plusieurs provinces, ont droit à quatre semaines de vacances dès les premières années de travail, il est de plus en plus fréquent, dans le secteur privé, d’orir trois semaines après une, deux ou trois années de service. Tous les sept ans, par exemple, les universités donnent la possibilité à leurs professeurs de prendre une année sabbatique payée, et ce, à diverses ns (pour la recherche, la rédaction d’ouvrages, le ressourcement, etc.), selon un certain pourcentage de leur salaire (par exemple, 80 % ou 90 %) et selon certaines conditions. Des employeurs proposent à leurs employés de mettre de côté chaque année une partie de leur salaire (par exemple, 20 % de leur salaire régulier) an qu’ils puissent, après un certain nombre d’années de service, s’orir un congé sabbatique de six mois à un an à des ns d’études ou de ressourcement. Lorsque le personnel est syndiqué, les conventions collectives mentionnent les dispositions relatives au temps de travail, notamment la durée de la semaine de travail, les repas payés, les allocations de repas associées aux heures supplémentaires, les heures supplémentaires (par exemple, le droit de refus, le paiement, l’accumulation) et les congés annuels payés. Dans ce domaine également, des dispositions innovatrices émergent, comme certains arrangements du gouvernement du Canada visant l’instauration d’un congé non payé pour les soins à long terme d’un parent.

10.7.2 Les programmes spécialisés De plus en plus d’organisations réunissent un certain nombre d’avantages plus ou moins traditionnels ou innovateurs dans des programmes spécialisés. Ainsi, il existe des programmes d’aide aux employés, qui orent des services de consultation condentiels et professionnels cherchant à aider les employés et les membres de leur famille à régler une vaste gamme de problèmes personnels. On trouve aussi des programmes de mieux-être,

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

qui visent à promouvoir une bonne santé en diusant de l’information et en facilitant l’amélioration de la santé et de la condition physique. De même, il existe des programmes de gestion favorables à la conciliation travail-famille et des programmes d’aménagement exible des conditions de travail, qui comportent un ensemble de pratiques ayant trait à l’assurance collective et aux congés, aux horaires de travail, aux services aux enfants et aux parents, à l’organisation du travail, à la gestion des carrières, etc. (voir l’encadré 10.3). Parmi les pratiques les plus courantes, on trouve la souplesse dans le choix des vacances, l’accumulation des heures supplémentaires et les horaires exibles ou variables.

ENCADRÉ 10.3

Des exemples de pratiques de gestion favorables à la famille Congés, avantages sociaux et services

Choix des vacances Congés. Congés payés ou non payés, pour raisons personnelles ou familiales. Congés sans solde, de courte ou de longue durée, pour obligations familiales ou soins aux autres. Année sabbatique payée. Journée de la famille.  Assurances. Assurances collectives familiales. Admissibilité et couverture des avantages pour les conjoints de même sexe. Compte de soins de santé exible. Avantages sociaux au prorata pour les employés à temps partiel. Programme d’aide aux employés. Compléments de salaire, congés à la naissance et à l’adoption. Aide au transport public ou privé. Programmes ou séminaires : bien-être, gestion du stress, mise en forme, nutrition, conciliation travail-famille, planication de la retraite, etc. Escomptes sur des achats de biens de la société. Escompte pour centres de santé physique. Salle d’exercices sur les lieux du travail. Présence de professionnels des soins de santé sur les lieux du travail.  Services. Services domestiques à accès rapide (guichets, nettoyeur, succursale bancaire, magasins, salon de coiure, etc.). Dépôt direct des salaires. Cafétéria au travail. Repas préparés pour apporter à la maison. Politique de remboursement des repas du soir pris au bureau. Salle confortable pour préparer et prendre un lunch. Distributrices de produits sains. Table pour prendre un lunch à l’extérieur. Politique d’habillement relaxe.  

Aménagement du temps et des lieux de travail 



Temps de travail. Temps partiel, horaire exible, horaire comprimé (par exemple, quatre jours), horaire à la carte, partage de poste, horaire d’été ou de vacances scolaires. L’accumulation des heures supplémentaires. Lieu de travail. Télétravail, travail à domicile. Aide aux membres de la famille

Aide aux enfants. Service de garde pour enfants, centre de la petite enfance, garde en milieu familial à proximité de la société, garde des enfants d’âge scolaire, camp de jour (période estivale et relâche scolaire), service de garde avant ou après les classes, services d’information et de référence (sur la garde, les écoles, etc.), aide nancière pour les frais de garde, remboursement des frais de garde engagés au cours de voyages d’aaires, aide nancière à l’éducation, aide d’urgence.  Aide aux personnes âgées. Aide aux personnes à autonomie réduite, centre d’information et de références (garde, soins inrmiers, maison d’hébergement, etc.), aide d’urgence, contribution à l’aide aux personnes âgées oerte dans le centre communautaire du quartier, assurance de soins à long terme, fourniture d’un téléavertisseur pour rester en contact avec des parents. 

Gestion des talents 

Autres types d’aide. Aide aux membres de la famille des expatriés, aide à la relocalisation et à la recherche d’emploi. Cheminement de carrière et gestion de la succession adaptés aux exigences familiales. Décisions de sélection ou de promotion tenant compte des besoins en matière de conciliation travail-famille. Programme de retraite progressive. Communication de l’ouverture à la conciliation travail-famille pendant le processus de sélection an de retenir les meilleurs candidats, de montrer que la vie personnelle est importante et que la gestion des carrières peut s’adapter à la vie personnelle.

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486

CHAPITRE 10

ENCADRÉ 10.3 Des exemples de pratiques de gestion favorables à la famille (suite)

Gestion au quotidien Nouvelles façons de faire. Prôner une culture de «résultats» plutôt qu’une culture de présence au bureau. Adopter une politique de respect de la vie privée : ne pas envoyer de courriel, ne pas téléphoner à la maison ou sur le cellulaire en dehors des heures de bureau. Éviter de planier des réunions tôt le matin ou à la n de l’après-midi. Éviter de xer des rencontres tôt le lundi matin car cela force les employés à raccourcir leur week-end pour se préparer ou se déplacer. Éviter les voyages d’aaires, privilégier les conférences téléphoniques. Accorder le droit de refuser de faire des heures supplémentaires. Permettre des pauses exibles.  Gestion des changements d’horaires. Pouvoir passer du temps plein au temps partiel, et vice versa. Accorder le droit de retrouver l’horaire initial en gardant son ancienneté. Permettre du temps pour le bénévolat, l’engagement dans la communauté.  Sensibilisation et formation du personnel. Encourager les cadres et les employeurs à ne pas renoncer à prendre leur lunch ou à prendre leurs vacances. Encourager les superviseurs à se montrer empathiques et désireux d’aider leurs employés et en tenir compte au moment de l’évaluation de leur performance.  Interaction avec la famille du personnel. Souligner les événements familiaux (naissance, adoption, décès, anniversaires, etc.). Mettre sur le tableau d’achage des photographies d’événements familiaux. Lier la reconnaissance à la famille (billets pour des événements familiaux, lms, etc.). Envoyer des eurs au conjoint d’un employé qui a fait des heures supplémentaires ou qui a été à l’étranger durant une longue période. 

Pour en savoir plus sur la norme «Entreprise en santé»

Finalement, depuis que le Bureau de normalisation du Québec a adopté une norme connue et diusée sous le nom de « Entreprise en santé », de nombreuses organisations se sont engagées dans une démarche d’amélioration durable de l’état de la santé des personnes en milieu de travail en ciblant quatre sphères d’activités reconnues comme ayant des impacts sur la santé des employés, soit les habitudes de vie, l’équilibre travail-vie personnelle, l’environnement de travail et les pratiques de gestion (voir l’encadré 10.4). ENCADRÉ 10.4

Les sphères de la norme «Entreprise en santé» comme démarche d’amélioration continue

Habitudes de vie Habitudes alimentaires Activité physique  Stress  Tabagisme

Équilibre travail-vie personnelle Flexibilité des horaires Aménagement du temps de travail  Congés pour raisons personnelles  Garderie au travail









Environnement de travail

Pratiques de gestion

Ergonomie Bruit-ventilation  Outils de travail disponibles  Installations physiques

Reconnaissance Formation et développement  Participation aux décisions  Communication  Travail d’équipe  Charge de travail









Source : Extrait de Grenier et Mallette (2011).

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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10.7.3 Les régimes d’avantages complémentaires ou de gratications Une autre catégorie d’avantages regroupe les gratications ou avantages indirects (perquisites) souvent oerts aux dirigeants, aux cadres supérieurs et à certaines catégories de professionnels. On dénombre plus d’une cinquantaine de gratications, allant des repas subventionnés à l’aide au logement, en passant par les billets de théâtre et les congés d’études. L’encadré 10.5 présente des exemples de ces gratications.

ENCADRÉ 10.5

Des exemples de gratications pouvant être oertes au personnel

Automobile En plus d’avoir une politique de remboursement des dépenses engendrées par l’usage d’une voiture personnelle pour les déplacements d’aaires, des employeurs fournissent un véhicule ou une allocation à cet égard à certaines catégories de personnel (par exemple, les cadres supérieurs ou les représentants commerciaux). Dans la mesure où ce véhicule est également utilisé à des ns personnelles, la Loi de l’impôt sur le revenu considère cet avantage comme imposable. La valeur du montant à ajouter au revenu imposable de l’individu dépend de la proportion de l’utilisation consacrée à un usage personnel. Un montant minimal pour droit d’usage est également prévu. Depuis quelques années, une valeur maximale est aussi déterminée pour le véhicule. Cependant, cette valeur ne touche que l’employeur, puisqu’elle limite le coût de location ou, dans le cas d’une voiture achetée, l’allocation en capital que peut déduire l’employeur de son bénéce imposable. Pour sa part, l’employé est taxé selon les mêmes règles, quel que soit le prix de l’automobile. Stationnement Plusieurs employeurs fournissent un stationnement ou paient les frais de stationnement ou une partie de ceux-ci (par exemple, en orant des taux privilégiés) à leur personnel ou à une partie de leur personnel. Réductions sur les produits ou les services Certains employeurs orent des rabais à leurs employés à l’achat de leurs produits ou de leurs services. Prêts au personnel Certaines entreprises orent à leur personnel des prêts à taux réduits pour se procurer des actions de l’entreprise, pour poursuivre des études, pour faire face à des dicultés nancières imprévues, pour acheter une maison ou des biens de consommation, etc. Logement ou propriété La plupart des employeurs dont le personnel doit travailler dans des régions éloignées lui orent un logement en exigeant un montant minimal. D’autres employeurs fournissent un logement à certains de leurs employés, notamment aux cadres supérieurs. Repas payés Certaines organisations mettent à la disposition de leur personnel une cantine (cafétéria) et assument parfois les coûts ou une partie des coûts des repas. Quelques entreprises disposent de salles à manger réservées à leurs cadres supérieurs. Droits de scolarité pour les employés et pour les personnes à charge La majorité des grandes organisations ont une politique de remboursement des droits de scolarité si les cours suivis ont un lien avec le travail. Dans un certain nombre de sociétés, il existe un programme de bourses d’études destiné aux personnes à charge des employés. Frais de congrès et d’associations professionnelles La plupart des organisations orent à leurs cadres et à leurs professionnels la possibilité d’assister à des congrès ou à des conférences. D’autres employeurs remboursent leurs frais d’adhésion à des associations professionnelles jusqu’à un montant maximal.

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CHAPITRE 10

ENCADRÉ 10.5

Des exemples de gratications pouvant être oertes au personnel (suite)

Adhésion à des clubs Certaines organisations paient l’adhésion, en totalité ou en partie, à des clubs sociaux, à des clubs d’aaires, à des clubs sportifs ou à des clubs de santé pour leur personnel ou une catégorie de leur personnel. Conseils nanciers et juridiques Certaines organisations orent des conseils nanciers et juridiques à leurs employés en matière, par exemple, de préparation à la retraite, de succession et d’assurances ainsi que de planication nancière. Congés sans traitement Certaines organisations donnent à leurs employés la possibilité de prendre des congés sans solde sous certaines conditions.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie basée sur les ressources Selon la théorie basée sur les ressources (Barney, 1991), la gestion des ressources humaines est susceptible de constituer une source d’avantage concurrentiel en particulier pour les entreprises des secteurs d’activité axés sur les savoirs ou pour les entreprises où le personnel est au cœur de leur réussite en raison de leurs comportements ou de leurs savoirs. En conséquence, cette théorie propose aux praticiens et aux chercheurs de mesurer l’ecacité de la GRH des organisations sur des critères d’attraction et de délisation de leur personnel.

10.7.4 Les programmes d’avantages sociaux à l’intention des travailleurs âgés Avec le vieillissement de la population et la rareté du personnel qualié, le contexte a pour eet de changer des modes de gestion des travailleurs âgés, incluant leurs avantages. Si, par le passé, on parlait plus de programmes d’incitation à la retraite, on devrait plutôt observer dans l’avenir l’adoption de pratiques d’incitation à prolonger la vie professionnelle des travailleurs âgés tant pour des considérations humaines que pour des considérations de coûts.

Les programmes de retraite anticipée Les programmes spéciaux de retraite visent à inciter les travailleurs à prendre une retraite anticipée grâce à divers moyens : une prime de départ, l’élimination de la réduction de la rente, l’élimination du nombre accru d’années de service décomptées, les prestations de raccordement supplémentaires ou les rentes majorées. Ces programmes ont émergé au cours de la récession qui s’est produite au début des années 1980, moment où un bon nombre d’employeurs comptaient beaucoup d’employés dans le groupe d’âge des 50 ans et plus et où les régimes de retraite avaient un actif excédentaire qui permettait de nancer ceux-ci sans qu’on ait à toucher aux prots. Les employeurs justient au moyen de divers arguments leur programme spécial de retraite. Toutefois, l’expérience indique que les programmes spéciaux de retraite n’ont pas vraiment les eets positifs attendus et qu’ils entraînent même plusieurs retombées négatives. Le tableau 10.5 présente une synthèse des répercussions de ces programmes. Par contre, si, pendant des années, les conditions de travail non adaptées aux travailleurs âgés, les préjugés à leur égard, les programmes de retraite anticipée et les régimes privés de retraite ont constitué autant d’éléments favorisant une retraite hâtive des personnes, dans les années à venir on prônera plutôt — tant dans le secteur privé que dans le secteur

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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TABLEAU 10.5 Une synthèse des retombées des programmes de retraite anticipée

Avantages présumés

Impacts négatifs constatés

Les programmes de retraite anticipée • Les programmes de retraite anticipée ne permettent pas aux employeurs permettent : d’épargner, car : • d’épargner, puisque les employés – des employés auraient pris leur retraite à court terme sans ces programmes ; les plus âgés qui ont des salaires – des départs seront suivis par des promotions et des augmentations de importants quittent l’organisation ; salaires ou par des embauches qui entraîneront des coûts ; • de donner un choix aux employeurs – des employés qui ont quitté l’organisation vont revenir en faisant dans le processus de réduction du de la sous-traitance pour l’entreprise. personnel ; • Les programmes de retraite anticipée : • de réduire le nombre de mises à pied – suscitent des attentes parmi le personnel, tout le monde s’attendant involontaires et d’éliminer rapidement à proter de la même ore, et alimentent des sentiments de jalousie un grand nombre de postes ; et d’iniquité parmi les plus jeunes employés qui doivent assumer une • de répondre aux attentes des syndicats. charge de travail accrue pour un même salaire et qui savent qu’ils n’auront pas droit à de tels privilèges dans l’avenir ; – entraînent la perte d’employés compétents et performants qui ne sont pas ceux que l’on veut voir partir ou qui n’occupent pas nécessairement les emplois que l’on devrait abolir ou restructurer.

public — la prolongation de la vie professionnelle des travailleurs âgés an de résoudre les problématiques contemporaines de la rareté du personnel et du contrôle des coûts (Poilpot-Rocaboy et al., 2013 ; Lagacé et Terrion, 2013 ; Saba et Guérin, 2004).

La prolongation de la vie professionnelle des travailleurs âgés Des études conrment que les employés, lorsqu’ils arrivent à l’âge de la retraite, choisissent généralement la retraite, à moins qu’ils n’obtiennent des conditions de travail adaptées ou une rémunération plus attrayante (Saba et Guérin, 2004). Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2 (voir la page 41), certains pays comme la France imposent aux employeurs leur engagement à cet égard en négociant un accord d’entreprise ou en élaborant un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés sous peine d’une pénalité. Au Canada, les organisations seront de plus en plus poussées à favoriser la prolongation de la vie professionnelle et songeront de plus en plus à mettre en place diverses pratiques qui touchent, certes, aux conditions de rémunération, mais aussi au contenu du travail et au contexte de celui-ci (Guérin et Saba, 2003 ; Saba et Guérin, 2004). Voici certaines de ces pratiques : • la exibilité des horaires, du temps de travail (temps partiel) et des lieux de travail (télétravail) ; • la modication de la charge et du rythme de travail ; • la gestion de la n de carrière : formation, mutations et promotions possibles ; • la participation à des activités de transfert des compétences : coaching, mentorat, communautés de pratique ou autres ; • la retraite progressive ; • la possibilité d’un engagement après la retraite, l’attribution de nouveaux rôles, la participation à des comités (expertise, conseil, etc.) ; • la reconnaissance pécuniaire de l’ancienneté ; • de nouvelles possibilités de retraite ou voies de passage à la retraite ; • la révision des structures salariales ; • la bonication des régimes de retraite, des vacances.

490

CHAPITRE 10

10.8

Les régimes exibles d’avantages sociaux

La plupart des régimes traditionnels d’avantages destinés aux employés sont de type « obligatoire », orant la même protection à tous les participants sans qu’il leur soit possible de choisir une protection plus ou moins étendue selon leurs besoins et leurs préférences. De fait, les participants n’ont que deux options : choisir le type de protection — individuelle, monoparentale, pour le couple ou pour la famille — ou décider de souscrire à une assurance vie facultative selon leurs besoins. Plusieurs régimes d’assurance vie collective orent un même montant d’assurance vie à tous les employés, quels que soient leurs besoins. Ce montant peut correspondre à une, deux ou même trois fois le salaire annuel régulier des employés, quel que soit leur salaire. Dans le contexte actuel, les régimes obligatoires d’avantages peuvent coûter cher aux employeurs sans nécessairement être appréciés par les employés, parce qu’ils ne répondent pas forcément à leurs besoins ou n’ont pas une valeur susante à leurs yeux. Cette situation va aussi à l’encontre du fait que les besoins d’assurance vie ne sont pas les mêmes d’une personne à l’autre ou pour une même personne à diérents moments de sa vie. Il en est ainsi pour les besoins et les préférences des employés à l’égard des caractéristiques des divers régimes de protection du revenu. Ces préférences varient non seulement selon des caractéristiques personnelles (âge, niveau de scolarité, état civil, responsabilités familiales, etc.), mais aussi selon le groupe auquel les employés appartiennent dans l’organisation. éoriquement, les régimes exibles d’avantages ne proposent pas de protection de base (toutes les garanties étant considérées comme accessoires) et laissent chacun des participants choisir le type de protection qu’il désire (l’assurance vie, l’assurance maladie, l’assurance invalidité, l’assurance dentaire, etc.). Ces régimes peuvent aussi prendre la forme d’un nombre préétabli de crédits que l’employeur accorde à l’employé, qui s’en sert pour acheter les assurances de son choix. Si les choix d’un participant mènent à un décit, il contribuera à combler celui-ci au moyen de déductions salariales, et s’ils mènent à un surplus, il pourra recevoir un remboursement ou bénécier d’autres avantages. En pratique, les régimes complètement exibles, dans lesquels l’employé répartit en avantages un montant préétabli, sont rares. D’ailleurs, ce concept, qui ne semble pas très réaliste en Amérique du Nord, soulève certaines réticences : • Il complique la comptabilisation de la rémunération. • Il ne s’applique qu’au personnel non syndiqué, puisque les syndicats s’opposent à ce régime. • Il remet en question la croyance selon laquelle les employés devraient obtenir une protection contre l’insécurité du revenu, peu importe s’ils la désirent ou non (quoiqu’il soit possible d’établir des minimums de protection pour certains régimes). • Il augmente les coûts, puisque ceux-ci sont fonction du nombre d’adhérents. • Il nécessite un renoncement à certains avantages lorsqu’on veut s’en procurer d’autres. En résumé, si les nouvelles formules de gestion des avantages apportent plus de souplesse, elles orent rarement un vaste choix ou une individualisation complète, et les options oertes n’incluent pas la possibilité de réaecter les contributions de l’employeur au régime de soins. Par ailleurs, il y a autant de régimes exibles que de possibilités d’adaptation. En eet, le moindre élément d’individualisation qu’on apporte à un programme d’avantages aux employés peut être interprété comme un pas vers la exibilité. Notons également que la exibilité est basée sur la volonté de l’employé de verser des cotisations additionnelles pour se procurer des options qui correspondent davantage à ses besoins. Aussi, l’adoption de régimes exibles ne signie pas que tous les employés ont adopté une

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

formule propre à leurs besoins, puisqu’un bon nombre d’entre eux retiennent l’option de base sans supplément. Nous verrons dans les sous-sections suivantes les principaux types de régimes exibles, leurs avantages et leurs inconvénients ainsi que le problème de l’antisélection qu’on associe à ce type de gestion des avantages.

10.8.1 Les types de régimes exibles d’avantages sociaux Les régimes exibles d’avantages permettent aux employés de choisir un régime parmi diérents types, modules ou plans d’avantages, et de revoir ou de modier périodiquement leur choix au cours de leur vie. Il n’est alors plus question d’adhérer automatiquement — pour la durée d’un contrat chez un employeur — à un programme uniforme ou standard établi pour tous les employés. Il n’existe pas de dénition standard des régimes exibles d’avantages, mais, dans la pratique, on distingue des approches telles que les régimes « base plus options » les régimes modulaires, et les comptes de gestion de santé.

Les régimes «base plus options» Les régimes « base plus options » proposent une protection de base obligatoire — comme l’assurance vie de base, l’assurance salaire de longue durée et l’assurance médicaments — dont le coût est assumé à 100 % par l’employeur. Ils comportent aussi des options complémentaires facultatives, c’est-à-dire laissées au libre choix de chacun des participants, dont le coût ou son équivalent est assumé à 100 % par l’employé qui y souscrit. Les options, qui sont payées par l’employé, peuvent être multiples : les soins médicaux, les soins dentaires, l’assurance vie, l’assurance décès, l’assurance habitation, l’assurance automobile, etc. Ce type de régime exible est le plus courant, puisqu’il permet à l’organisation de maîtriser ses coûts tout en orant des choix distincts aux employés. La complexité de son administration est liée au nombre d’options oertes. L’approche peut prévoir un montant de dollars exible que l’employé peut répartir selon ses besoins. Ce montant est alloué par l’employeur en fonction du statut familial ou de la sélection des types de protection. Il peut être xe ou constituer un pourcentage du salaire de base. La plupart des régimes implantés dans les organisations orent des options associées à l’ampleur de la protection, que la direction a souvent mises au point après avoir consulté le personnel. On trouve donc des options d’avantages (en général, trois ou quatre options incluant un régime de base obligatoire) plus ou moins coûteux parmi lesquels les employés font un choix.

Les régimes modulaires Cette approche propose diérents « modules » — chacun regroupant divers types de protection — qui ont été préétablis en fonction des caractéristiques démographiques des divers groupes d’employés. Les modules sont d’égale valeur. Les participants choisissent un module et ils peuvent augmenter leur protection en payant des cotisations. Cette approche est simple, mais elle comporte une exibilité limitée et rend dicile le contrôle des coûts.

Les comptes de gestion de santé Selon cette approche, l’employeur ouvre un compte au nom de chaque employé et y verse annuellement un montant xe que l’employé utilise pour payer des frais médicaux ou dentaires assurables, ou d’autres dépenses prévisibles et peu élevées ayant trait aux soins de santé qui ne sont pas assurées par le régime de base de l’employeur (cette approche n’élimine donc pas, par exemple, l’assurance vie). Le montant versé par l’employeur dans ce compte est imposable et les dépenses assurables sont précisées par la Loi de l’impôt sur le revenu.

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CHAPITRE 10

10.8.2 Les avantages et les inconvénients des régimes exibles d’avantages sociaux Sans aller jusqu’à l’approche à la carte, les employeurs sont quasiment forcés d’assouplir la gestion des avantages accordés aux employés, et ce, pour diverses raisons : le coût croissant des avantages oerts par les employeurs, la diversité du personnel, etc. De plus, le développement des nouvelles technologies de l’information (informatique) rend la gestion de tels régimes plus facile. Par ailleurs, bien des organisations donnent la gestion de tels avantages en sous-traitance, ce qui les aide à prendre ce tournant. Comme le montre le tableau 10.6, le fait d’orir des avantages exibles comporte des avantages et des inconvénients. En outre, des études conrment que la satisfaction en ce qui concerne les avantages a augmenté à la suite de l’introduction d’un régime exible et que l’amélioration de la satisfaction est d’autant plus élevée que le programme ore de nombreux choix aux employés et qu’il leur est expliqué avec soin (Barber et al., 1992 ; Rabin, 1994). Toutefois, on peut se demander si l’eet positif de l’adoption d’un régime TABLEAU 10.6 Les avantages et les inconvénients d’un régime d’avantages exibles

Avantages

• Permet de mieux répondre aux besoins de plus en plus diversiés des employés (par exemple, on évite d’attribuer certains avantages en double aux couples ayant deux carrières). • Permet aux employés de choisir les avantages qui correspondent le mieux à leurs besoins et qu’ils sont plus susceptibles d’utiliser. • Conscientise les employés à la nature et à la valeur des avantages qu’ils reçoivent. • Responsabilise les employés, puisque ce sont eux qui déterminent leur protection selon des choix oerts par l’employeur. • Favorise l’attraction et la délisation des employés. • Permet de mieux maîtriser les coûts (sans restreindre les avantages oerts) et les demandes des employés en matière d’avantages. • Réduit les demandes d’amélioration des avantages aux frais de l’employeur. • Permet d’orir de nouveaux avantages et d’élargir la gamme des avantages oerts à un coût moindre pour les employés. • Permet d’intégrer les avantages des employés à la suite de nombreuses fusions et acquisitions d’entreprises ou dans les unités ou les divisions d’une entreprise qui sont dispersées géographiquement. • Symbolise un changement de culture orienté vers l’intrapreneuriat, la responsabilisation, l’innovation, la mobilité du personnel, etc. • Permet aux employeurs de varier leurs contributions aux avantages selon la performance organisationnelle. • Optimise les incidences des avantages sur le plan scal ou améliore le revenu net des employés.

Inconvénients

• Risque d’augmenter les coûts des avantages. • Est assez complexe à élaborer, à implanter et à gérer, et exige un suivi important.

• Nécessite d’investir des ressources dans la communication entre assureurs, actuaires-conseils, employés et employeurs.

• Exige de donner de l’information et de la formation aux employés an qu’ils puissent faire les choix qui leur sont oerts. • Force à sonder régulièrement les besoins des employés pour s’assurer que les mesures oertes répondent adéquatement à ces besoins. • Requiert la formation de comités d’assurance. • Nécessite l’établissement de la valeur pécuniaire des diverses composantes de la rémunération totale, une tâche éventuellement très complexe, voire très subjective par moments. • Entraîne un phénomène d’antisélection, où les employés optent pour les avantages qu’ils utiliseront, an de rendre leur investissement le plus rentable à court terme, alors que ce comportement mène à une augmentation des primes des employés. • Met en avant une gestion moins paternaliste qui peut, si elle est poussée à l’extrême, signier une absence de contrôle sur une protection minimale (par exemple, l’assurance vie) et à de mauvais choix d’employés.

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exible d’avantages sur la satisfaction des employés se maintiendra à long terme et présumer qu’il devrait se résorber dans le temps.

10.8.3 Le problème de l’antisélection associé aux régimes exibles d’avantages sociaux Un des inconvénients des régimes exibles d’avantages repose sur le phénomène de l’antisélection, qui mène à une augmentation des primes des employés. En eet, plus l’assureur eectue de remboursements au cours d’une année, plus il doit augmenter ses taux l’année suivante, lors du renouvellement du contrat, car il doit répercuter l’augmentation des coûts sur les employés. Dans ce cas, le régime devient un simple plan de nancement. Ainsi, à long terme, l’économie d’échelle associée aux régimes de protection collectifs est de plus en plus réduite. Le phénomène de l’antisélection se produit lorsque, souvent pour répondre aux attentes des employés et des syndicats, les employeurs orent des assurances sur des services qui sont peu fréquemment utilisés et qui se révèlent peu coûteux, comme les soins dentaires et les examens de la vue — on est alors loin de l’invalidité ou du décès ! Sauf pour quelques employés prudents, les employés qui choisiront le module orant une bonne protection à l’égard d’événements moins fortuits exploiteront au maximum le « budget ». Les assureurs appellent d’ailleurs l’assurance sur les soins de la vue et les lunettes et sur les soins dentaires l’« assurance budget », puisqu’elle représente des frais prévisibles. Le concept sous-jacent à ce type d’assurance est qu’à la n du contrat la compagnie d’assurance estimera l’augmentation des coûts des primes pour ce module et l’employeur répercutera cette augmentation sur les employés qui l’ont choisi. On fait alors face à un dilemme. Il arrive que l’augmentation des primes soit si élevée pour les employés qui ont choisi ce module que les employeurs sont tentés de répercuter une partie de cette augmentation sur les employés qui ont choisi d’autres modules — moins élaborés, mais peu coûteux — an de ne pas avoir à subir les récriminations des plus grands utilisateurs ! L’antisélection inuence aussi les coûts des régimes de base pour les employeurs. En eet, les assureurs calculent les nouvelles primes à partir de la somme des remboursements des frais médicaux qu’ils ont eectués pour l’ensemble des employés, sans tenir compte de l’option ou du module choisi. Cette façon de faire provoque une redistribution des coûts de l’utilisation des services non seulement parmi les employés qui ont choisi l’option enrichie, mais aussi parmi ceux qui ont choisi les autres options incluant le régime de base. Pour atténuer le problème de l’utilisation excessive des services causée par l’antisélection, on peut proposer des pourcentages plutôt que des montants maximaux de remboursement, de manière que les employés soient obligés de débourser une somme d’argent chaque fois qu’ils consomment un service. Par ailleurs, on contraint généralement les employés à conserver leur choix d’option ou de module pendant au moins deux ou trois ans. Cela permet d’éviter que des employés s’inscrivent au module enrichi, se prévalent rapidement de certains services oerts (par exemple, le service d’orthodontie), puis se retirent du module. Certains employeurs s’en tiendront au principe consistant à répercuter l’augmentation des coûts sur les utilisateurs, car ils savent qu’un jour viendra où il n’y aura plus véritablement d’avantages nanciers du plan enrichi pour les employés ou que le montant de la prime sera tel que peu d’entre eux choisiront ce plan. Aussi n’est-il pas surprenant de constater une tendance des employeurs à laisser tomber progressivement les régimes de soins dentaires et d’examens de la vue, qui relèvent davantage de l’assurance budget. Dans ce contexte, il y a également un risque que certains employeurs décident de réduire leur protection liée à

Antisélection (adverse choice) Tendance des employés à choisir les avantages qu’ils sont les plus susceptibles d’utiliser, an que leur investissement soit le plus rentable possible à court terme.

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CHAPITRE 10

certains événements fortuits, comme l’invalidité et la mort, pour maintenir la protection qu’ils orent sur les examens de la vue, les soins dentaires, la consultation de professionnels de la santé, etc. Ils pourront probablement brandir les résultats de sondages eectués auprès d’employés pour appuyer cette décision. En eet, dans le cas où l’on demanderait aux employés s’ils préfèrent l’assurance invalidité ou l’assurance dentaire, cette dernière aurait bien des chances de l’emporter parce qu’ils l’utilisent ! Toutefois, si l’on demandait à la veuve et aux enfants d’un employé décédé de faire la même comparaison, la réponse serait évidemment diérente. En somme, pour plusieurs employeurs, la diculté consiste à se retirer du régime d’assurance budget dont le but est de payer des dépenses non fortuites (des acquis que les employés apprécient et que d’autres employeurs peuvent orir) et à se limiter à orir une assurance contre les aléas véritablement fortuits et coûteux (par exemple, des problèmes nanciers potentiels pour les proches des employés si ces derniers deviennent invalides ou décèdent).

10.9

Les atouts et les limites des avantages sociaux

Plusieurs facteurs justient l’attribution d’avantages sociaux, tant du point de vue des employeurs que de celui des employés ou de leurs représentants syndicaux.

10.9.1 Le point de vue des employeurs Au Canada, les avantages oerts aux employés constituent des sorties de fonds importantes pour un bon nombre d’employeurs.

Une responsabilité à assumer Des employeurs estiment qu’ils ont la responsabilité d’aider leurs employés à surmonter certains aléas de la vie. Une telle préoccupation est parfois qualiée de paternaliste. Les employeurs se sentent particulièrement responsables des membres de la famille d’un employé qui décède après plusieurs années de service ou encore des retraités qui ont travaillé longtemps pour eux. Les régimes privés leur permettent d’aider les employés en boniant l’aide accordée par les régimes publics. Par ailleurs, l’ore d’avantages assure les employeurs que leurs employés seront moins préoccupés ou stressés par les aléas de la vie et les problèmes nanciers et, donc, plus concentrés sur leur travail. Historiquement, les exigences et les attentes des syndicats, des employés, des gouvernements et du grand public ont aussi contribué à faire évoluer l’ampleur et la variété des avantages oerts par les employeurs. Les syndicats ont d’ailleurs inué sur les avantages accordés aux employés non syndiqués et sur les avantages qu’orent les entreprises où il n’y a pas de syndicat et qui veulent éviter la syndicalisation ou réduire l’attrait de celle-ci chez les employés. Dans certaines industries (comme celle de la construction), il est possible d’établir des ententes entre plusieurs employeurs. De tels regroupements de petits et de gros employeurs permettent d’orir des avantages adéquats à une main-d’œuvre mobile.

Un levier pour se distinguer comme employeur Les employeurs peuvent aussi accorder des avantages à leurs employés ou à une catégorie d’entre eux pour diverses raisons. Ce peut être pour atteindre leurs objectifs d’aaires, pour renforcer une culture ou une philosophie de gestion, pour attirer et retenir le personnel, pour appuyer d’autres activités de gestion, pour inuencer les comportements

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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et les attitudes au travail des employés (par exemple, grâce à une politique sur l’absentéisme, un programme de préretraite ou une politique de congés), etc. Par exemple, il y a une cohérence dans le fait de gérer avec soin un régime de retraite si une entreprise se vante d’assurer un emploi à long terme et d’orir des possibilités de carrière. L’ore de programmes de préretraite inue sur l’âge moyen du personnel, et la nature et l’ampleur des avantages oerts ont une incidence sur l’attraction et la conservation du personnel de même que sur la notoriété d’un employeur. Comme c’est le cas pour les autres composantes de la rémunération, les employeurs peuvent gérer leurs avantages en copiant l’ore des autres organisations. Rappelons, toutefois, qu’il est plus dicile de s’assurer de la compétitivité des avantages que de s’assurer de la compétitivité des salaires. En eet, l’information sur les avantages oerts aux employés recueillie lors d’enquêtes de rémunération est plutôt mince et souvent insusante.

Des avantages scaux à saisir Sur le plan scal, certaines contributions des employeurs aux régimes d’avantages (régimes de participation diérée aux bénéces, régimes de retraite, etc.) sont déductibles. Par ailleurs, les employeurs ne sont pas imposés sur les revenus d’intérêts accumulés dans un fonds collectif de retraite. Comme certaines formes de rémunération indirecte bénécient d’un traitement scal avantageux pour les employés, l’attribution d’avantages peut permettre aux employeurs d’accorder à leurs employés un revenu après impôts plus important que s’ils accordaient la même somme d’argent sous forme de salaire.

Des coûts importants aux retombées incertaines Aujourd’hui, les coûts des régimes d’avantages et des régimes de retraite sont d’autant plus importants qu’ils ne sont pas le seul facteur à considérer : il faut aussi envisager les coûts élevés relatifs à leur gestion (communication, administration). Par ailleurs, on sait peu de chose sur les retombées des avantages sur l’attraction, la délisation et la satisfaction des employés. Les avantages sont généralement accordés à tous les employés au moment de leur embauche ou à la suite d’une période uniforme d’admissibilité. Par conséquent, comme l’obtention de tels avantages est associée au fait d’entrer dans l’entreprise et d’y rester, cela devrait contribuer à accroître la satisfaction des employés à l’égard de leur rémunération (Judge, 1993) et les inciter à rester dans l’entreprise pour ne pas perdre ces avantages sans pour autant avoir un eet positif signicatif sur la performance organisationnelle (Allen et Clark, 1987). Toutefois, si les avanD’une assurance aléas à une assurance budget tages réussissent à retenir les bons employés, ils retiennent Selon Jean-Paul Albert, auteur du Guide sur les régimes également les moins bons. Par ailleurs, étant donné que de retraite et les avantages sociaux au Québec, à l’origine, les avantages ne tiennent pas compte du rendement indiviles régimes privés de soins de santé reposaient sur la nécesduel des employés, ils n’incitent pas ces derniers à déployer sité de procurer aux salariés une protection appropriée plus d’eorts au travail. en cas de maladie ou d’accident très grave entraînant des frais considérables. En eet, on estimait qu’ils avaient les moyens d’assumer les frais des soins médicaux et dentaires 10.9.2 Le point de vue des employés courants et de les prévoir dans leur budget comme toutes Pour les employés, les avantages présentent des avantages les autres dépenses de subsistance. Aujourd’hui, les régimes et des inconvénients. privés de soins de santé couvrent beaucoup de soins courants parce que leur évolution a été guidée par le désir de Une aide pour pallier les aléas de la vie fournir aux salariés une rémunération plus avantageuse sur Les régimes d’avantages — plus précisément les régimes le plan scal de même que par les sondages indiquant que d’assurance collective — visent à pallier les aléas de la vie les salariés jugent très précieuse la composante des soins qui peuvent dicilement être prévus dans un budget — de santé dans leurs avantages. notamment la maladie, les accidents et la mortalité — et qui sont susceptibles d’entraîner des dépenses ou des pertes de Source : Extrait adapté d’Albert (2011, p. 538).

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CHAPITRE 10

revenus substantielles pour un employé et les membres de sa famille. Les régimes d’assurances et de retraite permettent aux employés de mieux faire face à certaines réalités plus prévisibles (comme la retraite, les dépenses de médicaments ou les frais dentaires) qui ont une incidence plus ou moins grande sur leurs revenus ou leurs dépenses.

Une sécurité ou des garanties impossibles à obtenir sur une base individuelle aux mêmes coûts Pour les employés, les avantages oerts par les employeurs sont plus généreux que ceux qu’attribuent les lois ou les régimes publics. En outre, sachant que les coûts et les risques sont partagés, les avantages accordés par un employeur sont presque toujours moins onéreux (en raison des économies d’échelle) que ceux qu’un employé décide d’acquérir sur une base individuelle. De plus, une participation minimale de 25 % de la prime totale est généralement exigée par l’assureur à l’égard de tous les régimes d’assurance collective établis au Québec. Comme l’indique Ferland (2004), cette exigence favorise le maintien du régime à long terme et légitime l’employeur dans son rôle de titulaire et de gestionnaire. Si l’employeur ne participait pas au régime, les employés seraient tentés de le remettre en question dès qu’une hausse importante surgirait. Par ailleurs, en vertu de plusieurs régimes d’avantages, les employés sont couverts dès leur embauche ou après une courte période d’attente. Comparativement à l’assurance que les employés devraient négocier sur une base individuelle, les garanties sont plus facilement accessibles étant donné que l’assurance collective n’exige généralement pas de preuve d’assurabilité (sauf certaines conditions). L’assurance collective donne aux personnes admissibles un pouvoir d’achat — proportionnel à la taille du groupe d’appartenance — leur permettant d’obtenir des garanties qu’elles pourraient dicilement obtenir sur une base individuelle. En dénitive, la protection de groupe évite aux employés d’avoir à se procurer leurs avantages, d’essuyer un refus d’être assuré sur une base individuelle ou d’avoir à assumer des coûts élevés liés à une protection personnelle. L’accessibilité aux avantages repose également sur le fait qu’elle est automatique, c’est-à-dire qu’elle est liée au fait d’appartenir à une catégorie de personnel, et que la contribution des employés est prélevée tout au long de l’année sur leur salaire, ce qui évite le versement d’une somme annuelle importante.

Des avantages scaux à saisir mais de moins en moins importants Sur le plan scal, il est plus intéressant pour les employés de recevoir, par exemple, 1 800 $ en avantages qu’en salaire, puisque le taux d’imposition des avantages est moindre. Par ailleurs, quoique cela se révèle de moins en moins important, certaines contributions des employés sont déductibles ou leur permettent d’obtenir un crédit d’impôt. En eet, les règles d’exonération d’impôt liées aux primes patronales de l’assurance collective permettent aux employés de réaliser des économies d’impôts fédéraux. En outre, les revenus d’intérêts se trouvant dans un fonds collectif de retraite s’accumulent en demeurant exempts d’impôts. C’est également le cas pour certains autres paiements accordés aux employés, notamment en vertu d’un régime de participation diérée aux bénéces ou de programmes de suppléments. Toutefois, pour les employés, le traitement scal des régimes de soins de santé et l’admissibilité à ces régimes s’avèrent de moins en moins avantageux et de plus en plus contraignants. Par exemple, au Québec, les cotisations patronales au régime de soins de santé entrent dans le calcul de l’impôt provincial à la charge du salarié comme avantage imposable. Les jeunes employés des entreprises sont ici pénalisés, puisque leur taux d’imposition est lié à l’âge moyen des employés de leur entreprise : plus l’âge moyen est élevé, plus le taux d’imposition des employés sur la contribution de l’employeur augmente.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

Des éléments de la rémunération à considérer dans la gestion de la carrière Les avantages peuvent aussi constituer pour l’employé une incitation supplémentaire à faire partie d’une autre catégorie de personnel, dans la mesure où ils dièrent de ceux que lui ore son employeur dans sa catégorie actuelle. Il sut de penser à l’eet d’un régime supplémentaire de retraite ou d’options d’achat d’actions sur les cadres supérieurs. Par ailleurs, les avantages peuvent encourager un employé à joindre une organisation ou à continuer de travailler au sein d’une organisation dans la mesure où il perçoit les avantages et les conditions de retraite comme intéressants.

10.10

L’importance d’une bonne gestion des avantages sociaux oerts aux employés

Depuis les années 1990, les employeurs doivent continuellement modier la gestion de leurs avantages pour l’adapter aux caractéristiques des nouveaux contrats d’emploi. Parmi ces caractéristiques, mentionnons la diversité du statut des employés (réguliers, permanents, à temps partiel, contractuels, etc.), la valorisation de la responsabilisation des employés ou du partenariat (par opposition au paternalisme et à la mentalité des droits acquis), la gestion d’une rotation de personnel ciblée (par opposition à la recherche de la stabilité), le départ graduel à la retraite (plutôt qu’à un moment préétabli), l’investissement sur le plan de la formation continue et du développement du personnel (par opposition à la sécurité d’emploi), la diversité de la main-d’œuvre et la variété des besoins qu’elle entraîne, la dispersion géographique de la main-d’œuvre. La mondialisation de l’économie soulève aussi des questions de gestion des avantages à un niveau international. Les nouvelles technologies bouleversent également la manière de gérer les avantages. Ainsi, des logiciels, très complexes à développer, sont adoptés an de faciliter la gestion des avantages. Outre l’ampleur des investissements qui sont en jeu et les changements environnementaux auxquels il faut s’adapter, les employeurs doivent gérer avec soin les avantages qu’ils orent, car cette décision est dicilement réversible. Lorsqu’un employeur décide d’accorder un avantage à son personnel, il est très dicile — et même illégal dans certains cas — de le retirer, même si la situation nancière le justie. Les employés réagissent mal au retrait d’un avantage, même s’ils accordent peu de valeur à celui-ci. Enn, des études révèlent que la satisfaction des employés à l’égard des avantages repose plus sur la manière de les gérer (la justice du processus, soit le « comment »), notamment la communication des avantages et la contribution des employés à travers le montant de la franchise, que sur la nature des avantages oerts (la justice distributive, soit le « quoi ») (Cole et Flint, 2005 ; Tremblay et al., 1998 ; Williams, 1995).

10.10.1 L’analyse des besoins du personnel Les décisions liées aux changements à apporter aux régimes d’avantages sont souvent fondées sur l’opinion et les préférences de certains cadres, sur des considérations légales et scales, sur la volonté de la direction, sur la connaissance des tendances du marché et de la compétition ou sur les besoins des employés. Cette façon de procéder risque d’amener des modications qui ne correspondent pas aux besoins réels des employés. Plusieurs armeront que le critère du coût doit primer celui des besoins, parce qu’il y va de la santé nancière de l’organisation. Cependant, à coûts équivalents, le critère des besoins relatifs devrait être prépondérant. On ne peut certes pas tout orir : il faut faire des choix. Mais il faut alors s’interroger sur la pertinence des choix eectués par rapport

497

498

CHAPITRE 10

aux personnes en cause. Par exemple, quelle est l’utilité relative d’un régime qui, lors d’une relocalisation, prévoit une aide hypothécaire, mais n’ore aucune aide au conjoint pour qu’il se trouve un nouvel emploi satisfaisant ? On peut également se poser des questions plus globales, comme celle de l’utilité d’un congé annuel de quatre ou cinq semaines, alors que les salaires accordés aux employés sont relativement faibles. Pourquoi orir un régime de soins dentaires couvrant les frais d’orthodontie, alors que les employés, en particulier ceux dont les charges nancières sont les plus élevées, ne sont pas protégés adéquatement en matière d’assurance vie ou d’assurance invalidité ? En matière d’avantages oerts aux employés, il est essentiel de bien saisir la notion de « besoins relatifs », et surtout d’en faire une analyse adéquate. Par exemple, l’importance des besoins de protection du revenu varie selon un certain nombre de caractéristiques, dont l’âge, l’état civil et les responsabilités familiales. Ainsi, ces besoins dépendent de trois variables : les besoins de l’employé, ceux de son conjoint ou de sa conjointe, en fonction de sa disponibilité sur le marché du travail, et ceux des enfants, en fonction de leur âge et de leur état civil. Par exemple, en cas de décès d’un employé, les besoins sont moins grands qu’en cas d’invalidité permanente. Les besoins évoluent également avec le temps, en fonction non seulement des personnes et de leur état civil, mais également de l’ination, des augmentations de salaires et du coût de la vie. Une mise à jour s’avère donc essentielle, laquelle doit s’appuyer sur l’évolution des besoins des employés plutôt que sur les résultats d’enquêtes menées auprès du marché. De plus, la mise à jour doit tenir compte de l’évolution de la législation sociale. À ce sujet, une grille d’analyse fondée sur l’approche par événement présente un intérêt certain. Il s’agit alors de déterminer, pour chacun des événements possibles (par exemple, le décès avant la retraite ou l’invalidité à long terme), la disponibilité et le niveau de protection oerts par les régimes publics et par les régimes de l’organisation. Une telle analyse permet de découvrir les faiblesses des régimes de même que les dédoublements d’un régime à l’autre. Cependant, il est dicile de diagnostiquer clairement les besoins des employés et de modier l’ore des avantages selon ces besoins. De plus, les besoins en la matière varient inévitablement d’un employé à l’autre. Vu le caractère hautement technique de plusieurs régimes, leur gestion est souvent conée à des spécialistes susceptibles de s’intéresser plus aux détails techniques qu’à la valeur relative de ces avantages pour les salariés. De même, la gestion des avantages au sein des organisations qui eectuent des opérations internationales se complexie, puisque ces organisations doivent tenir compte des besoins d’employés ayant des valeurs diérentes ainsi que de lois qui varient selon les régions et les pays. Enn, l’ore d’avantages destinée à certaines catégories de personnel, notamment le personnel de recherche et développement, doit être susamment substantielle pour attirer et garder les compétences requises. Dans ce contexte et pour toutes ces raisons, la question de la mesure des besoins des employés revêt une importance fondamentale. Il importe donc de consulter les employés en les faisant participer au processus, de manière à maximiser le rapport coûts-bénéces de leur investissement. Les méthodes de mesure des besoins des employés peuvent être classées en trois catégories, décrites dans l’encadré 10.6. Finalement, si les sondages eectués auprès des employés s’avèrent importants (voir le chapitre 3), certaines mises en garde s’imposent quant à leur usage à l’égard des avantages oerts aux employés : • Il faut gérer les attentes que tous les sondages suscitent chez les employés en communiquant clairement les objectifs du sondage et les intentions de l’organisation. Si la direction ne veut apporter aucun changement, il est préférable de ne pas faire de sondage. • Il faut assurer les employés du caractère condentiel des informations recueillies, an de susciter leur conance.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

ENCADRÉ 10.6

499

Les méthodes d’analyse des besoins des employés en matière d’avantages

Les groupes de discussion. On forme de petits groupes de personnes ayant des caractéristiques semblables, an de recueillir leur opinion sur des avantages proposés. Cette approche, qui n’implique pas la participation de l’ensemble des employés, permet toutefois d’approfondir l’objet d’étude.  Les questionnaires. Ils peuvent prendre diérentes formes : des questions ouvertes, des questions avec une échelle de réponses, le rangement des avantages et la comparaison par paires des avantages ou des options d’avantages ayant des coûts semblables. Cette approche permet de faire participer tous les employés, mais non d’obtenir des informations nombreuses et détaillées, car la longueur d’un questionnaire est limitée.  Les groupes de discussion et les questionnaires. On peut privilégier une démarche mixte recourant d’abord à des groupes de discussion en vue de déterminer les changements possibles. Par la suite, les réactions des employés aux propositions de changements peuvent être recueillies au moyen d’un questionnaire faisant appel à diérentes méthodes de mesure. Il est alors possible, en interprétant les réponses aux diérentes mesures, de dégager les pré­ férences des employés. 





Il importe de donner l’occasion à tous les employés de participer au sondage et de ne pas procéder par échantillonnage. Cependant, si, à la limite, la taille de l’organisation est telle qu’il ne serait pas pratique de procéder au sondage auprès de tous les employés, la direction devra exposer précisément la démarche privilégiée, les raisons pour lesquelles elle y a recours et la façon dont l’échantillon a été déterminé. Dans cette situation, il serait préférable d’indiquer que toute personne qui désire s’exprimer peut le faire. Lorsqu’on donne à tout le monde l’occasion de s’exprimer, il est nécessaire de s’assurer d’un taux minimal de réponses. Il faut fournir aux employés une rétroaction sur les résultats du sondage an de montrer le sérieux de l’engagement de la direction et de permettre aux employés de comprendre les décisions qui seront prises par la suite.

10.10.2 L’adoption d’une politique sur les avantages sociaux Compte tenu de l’importance du coût des régimes d’avantages dans la rémunération globale et de leur croissance constante, il est étonnant de constater que très peu d’employeurs ont une politique ou des principes directeurs en la matière. Pourtant, l’expérience a montré à plusieurs entreprises que certaines manières de gérer les avantages pouvaient inciter les employés à adopter des comportements indésirables. Par exemple, une étude conrme que, une fois l’eet des caractéristiques individuelles contrôlé, le type de politique de gestion des absences inuence le taux d’absentéisme des employés (Rocheleau et Renaud, 2003). Ainsi, une politique suivant laquelle les employés perdent les congés de maladie non utilisés augmente l’absentéisme, alors qu’une politique permettant aux employés d’accumuler les congés de maladie non utilisés réduit l’absentéisme. Le rôle des avantages comme composante de la rémunération globale et des conditions de travail doit être bien déni. Lorsqu’ils n’ont pas établi une stratégie intégrée, les dirigeants ont tendance à gérer les avantages sans tenir compte du contexte des aaires et en estimant que les avantages devraient les aider à atteindre leurs objectifs et à se distinguer des autres employeurs à cet égard. Si elle désire assurer une bonne planication des régimes d’avantages, la direction doit prendre en considération un certain nombre d’éléments, tels les objectifs de l’organisation en matière d’augmentation ou de diminution de la main-d’œuvre, la dispersion ou la centralisation géographique, les projets d’acquisitions ou de fusions, les caractéristiques de la main-d’œuvre, les exigences légales, l’industrie, la présence syndicale, le

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CHAPITRE 10

coût relatif des avantages oerts aux employés ou la stratégie de la rémunération globale. Par exemple, plus la proportion de femmes est forte dans une organisation, moins le coût d’un régime d’assurance vie est élevé, car les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Par ailleurs, plus l’âge moyen du personnel d’une organisation est élevé, plus le coût de certains régimes de retraite est élevé (les employés ayant moins d’années de cotisations avant l’âge de la retraite) et plus le coût des assurances est élevé (les risques de décès étant plus grands). En outre, l’augmentation des taux des salaires des employés entraîne la hausse du coût de la plupart des régimes de protection du revenu, puisque les cotisations ou les prestations sont généralement déterminées selon le niveau des salaires.

10.10.3 La communication des avantages sociaux À l’heure actuelle, les employeurs sont légalement tenus de remettre aux participants à un régime de retraite un relevé individualisé de leur situation personnelle. De plus, les participants doivent être informés de tout changement apporté au régime ainsi que de certains autres renseignements, comme les prestations payables en cas de départ ou de décès, les états nanciers du régime et les évaluations actuarielles. Toutefois, en ce qui a trait aux régimes d’avantages, les actions en matière de communication sont laissées au choix et à l’initiative de l’employeur.

La méconnaissance des avantages oerts et de leurs coûts Malheureusement, la méconnaissance des employés en ce qui concerne leurs avantages est notoire. Il arrive souvent qu’ils ne connaissent ni la nature des avantages dont ils bénécient, ni les coûts que leurs employeurs assument pour les leur orir. Un avantage ne peut évidemment être jugé pertinent que dans la mesure où son existence est connue. Comme la majorité des employés assurés ne connaissent pas les services qu’ils peuvent obtenir ni le coût de ces services, ils ne peuvent les apprécier à leur juste valeur.

La sous-estimation de la valeur et de l’importance des avantages Un grand nombre d’employés considèrent que les coûts des régimes sont liés à l’utilisation qu’ils en font. Ainsi, ils croient qu’un régime d’assurance maladie (médicaments) ou d’assurance dentaire coûte plus cher qu’un régime de retraite. Cette méconnaissance ne contribue certes pas à augmenter l’impact de ces avantages sur l’attraction, la conservation et l’engagement des employés.

L’amélioration de la satisfaction envers les avantages et la réduction des résistances aux changements Enn, il semble que plus les employés ont de l’information sur les avantages qu’ils reçoivent, plus ils en sont satisfaits (Dreher et al., 1988). Si l’on considère ces facteurs, de même que tous les bouleversements à venir dans le domaine des assurances (la responsabilisation des employés, l’apparition de nouveaux régimes, etc.), il est clair que les campagnes de communication et d’éducation auprès des utilisateurs devront prendre de plus en plus d’ampleur.

10.10.4 L’élaboration d’un programme de communication Le programme de communication doit fournir, de façon régulière et continue, une information précise, à jour et adaptée au destinataire et au moyen utilisé.

La gestion des avantages sociaux et des régimes de retraite

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Le programme de communication La communication doit surtout porter sur la valeur des avantages oerts à l’ensemble du personnel, sur la valeur des avantages oerts à chaque employé et sur la valeur que représenteraient ces régimes si les employés se les procuraient sur une base individuelle. Des explications portant sur les caractéristiques techniques des régimes et des politiques apparaissent comme moins nécessaires, puisque l’ecacité de la communication liée aux régimes d’avantages est appréciée en fonction non seulement de la connaissance qu’ont les employés de leurs détails techniques, mais également de la valeur qu’ils leur accordent. Pour déterminer le contenu d’un programme de communication, il faut franchir certaines étapes : dénir les objectifs du programme, connaître les besoins et les attentes des employés visés, dénir le message à transmettre à chaque destinataire, prévoir les réactions des employés an de pouvoir y répondre et de se préparer à rectier le tir en cours de route, s’assurer que tous les intervenants qui jouent un rôle dans le programme de communication se sentent responsables de son succès.

Les outils de communication Les organisations préparent couramment des documents explicatifs sur les divers régimes d’avantages destinés aux employés. Distribués lors de l’embauche ou au moment où des modications importantes sont apportées aux régimes, ces documents constituent des outils dont l’utilité peut se révéler limitée à cause de leur caractère statique. Au moment de l’embauche comme en cours d’emploi, bien des informations sont aussi données par une communication directe lors de rencontres individuelles ou de groupe, lors de réunions ou encore par un service d’information téléphonique ou en ligne. De nombreuses organisations recourent à un éventail d’autres moyens pour compléter ces documents et rendre plus dynamique et plus ecace le processus de communication, notamment le journal d’entreprise, les communiqués, le bilan social, les tableaux d’achage, les réunions d’information assorties de présentations audiovisuelles et la désignation d’une personne chargée de fournir des Les objectifs d’un programme de communication réponses aux questions des employés. en matière d’assurance collective De plus en plus, des organisations et des sociétés d’assuSelon François Desrochers, vice-président, et Jean-François Massé, conseiller principal, Optimum Actuaires & Conseillers rance collective font appel à des outils à la ne pointe de la inc., un processus de communication sur l’assurance collective technologie, comme les systèmes informatisés interactifs, devrait viser les objectifs suivants : qui permettent à l’employé d’accéder à l’information ou • Expliquer, sous l’angle de la rémunération globale, comd’analyser les eets de divers scénarios (à travers l’intranet, ment une gestion active et participative peut générer des les vidéos ou la messagerie vocale), comme les coûts d’un bénéces tant pour les participants que pour le promoteur. choix d’avantages, à l’aide d’un téléphone à boutons ou • Responsabiliser les consommateurs quant aux coûts de d’une vidéoconférence (télévision d’aaires). leur choix de traitements. Enn, tous ces moyens d’information présentent un intérêt • Encourager la sélection des fournisseurs de médicaments certain. Cependant, leurs eets seront d’autant plus assurés et de traitements les moins dispendieux, pour le même s’ils s’intègrent à un programme global de communication sur niveau de protection de la santé. les avantages. Un programme de communication bien conçu • Favoriser des modes alternatifs d’achat de médicaments amène l’employeur et l’employé à retirer le meilleur rendement qui peuvent entraîner des économies signicatives. possible du capital et des eorts investis. Un bon plan de com• Remettre en question certains nouveaux traitements munication a recours à divers moyens, tant visuels qu’écrits, dont l’ecacité accrue n’est pas signicative par rapport et dose l’information destinée aux employés de façon que ces à leur coût additionnel. derniers puissent l’assimiler. C’est là toute la diérence entre la communication de qualité et l’information livrée « en vrac ». Source : Extrait adapté de Desrochers et Massé (2011).

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CHAPITRE 10

LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA

Communiquer la rémunération globale : guide de survie Par Louis-Philippe Péloquin, Directeur communication, Morneau sobeco Conjuguer santé, reconnaissance et équilibre pour le bien-être de ses employés Par Sylvain Mandeville, CRHA, directeur des ressources humaines et secrétaire général au Cégep Marie-Victorin

Conclusion À l’égard des citoyens et des employés, une chose est sûre : au cours des années à venir, les programmes publics d’avantages devront évoluer au rythme de la nouvelle réalité canadienne. Sans doute l’État fera-t-il d’autres compressions dans les programmes sociaux. Les employeurs chercheront également à réduire leurs coûts dans ce domaine et l’on demandera aux particuliers d’assumer plus de responsabilités. Le principal dé consistera alors à trouver un équilibre entre les régimes privés et les régimes publics, et entre les responsabilités collectives et les responsabilités individuelles.

QUESTIONS DE RÉVISION

1. Quelles composantes de la rémunération globale sont incluses dans les régimes 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12.

d’avantages oerts aux employés ? Décrivez les diverses catégories d’avantages oerts par l’État. Décrivez les divers régimes d’assurance collective que peuvent orir les employeurs. Commentez les dés que certains de ces régimes entraînent. Décrivez les divers régimes de retraite que peuvent gérer les employeurs. Commentez la situation actuelle en matière de régimes privés de retraite. Pourquoi les régimes exibles d’avantages sont-ils adoptés plus fréquemment ? Quels sont leurs atouts par rapport aux régimes traditionnels ? Pour quelles raisons certains employés refusent-ils d’adopter un régime exible d’avantages ? Qu’entend-on par l’antisélection dans les régimes d’avantages ? Quelles raisons peuvent inciter les employeurs à orir des avantages à leurs employés ? Quels bénéces les employés retirent-ils du fait que leur employeur gère des régimes d’avantages à leur intention ? Montrez l’importance de l’analyse des besoins des employés en matière d’avantages. Présentez les divers outils que les employeurs peuvent utiliser. Quelle est l’importance de la détermination d’une politique ou d’une stratégie à l’égard de la gestion des régimes d’avantages ? Pourquoi insiste-t-on sur l’importance de la communication liée aux régimes d’avantages ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. Discutez l’ecacité des avantages ou leurs eets sur les comportements et les attitudes au travail des employés. Mentionnez les raisons susceptibles d’empêcher les employeurs d’orir plus d’avantages aux employés. 2. Selon vous, les régimes d’assurances collectives devraient-ils rembourser des dépenses prévisibles liées à la santé (comme celles liés aux lunettes, aux pilules pour maigrir ou contrer la calvitie, etc.) ? Pourquoi ? Quels en sont les eets positifs et négatifs possibles à court, à moyen ou à long terme ?

CHAPITRE

11

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

PLAN DU CHAPITRE

11.1 11.2 11.3 11.4

La rémunération des dirigeants d’entreprise La rémunération du personnel de vente La gestion de la rémunération à l’international La rémunération du personnel de recherche et développement 11.5 La rémunération des membres des conseils d’administration

11.6 La rémunération du personnel atypique 11.7 La gestion de la rémunération dans les secteurs privé et public 11.8 La gestion de la rémunération dans les milieux syndiqués 11.9 La gestion de la rémunération dans les petites et moyennes entreprises

O B J E C T I F S D ’A P P R E N T I S S A G E

Ce chapitre vise essentiellement à :

• Expliquer comment la gestion de la rémunération dière selon les catégories de personnel : les dirigeants d’entreprise, les vendeurs, le personnel expatrié, le personnel de recherche et développement, les membres des conseils d’administration et le personnel atypique. • Comprendre les particularités de la gestion de la rémunération dans divers contextes, notamment dans les secteurs privé et public. • Expliquer en quoi la gestion de la rémunération se distingue dans les milieux syndiqués. • Exposer les caractéristiques de la gestion de la rémunération dans les petites et moyennes entreprises.

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CHAPITRE 11

M I S E E N S I T U AT I O N

La rémunération des dirigeants sous forme d’options doit cesser Ce fut une erreur et la source de multiples entourloupettes d’octroyer des options d’achat sur le titre de la société comme un élément important de la rémunération des dirigeants. Cette forme de rémunération, proposée et chaudement appuyée au départ par les investisseurs institutionnels, semblait être un mécanisme simple, ecace sur le plan scal, pour aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires. En eet, ce mode de rémunération transforma plusieurs dirigeants en forcenés de la création de valeur pour les actionnaires. Le phénomène annonça la n du modèle de l’entreprise aux multiples parties prenantes. Pour beaucoup de sociétés, surtout celles ne comptant pas d’actionnaires importants pouvant exercer un certain contrôle, le conseil d’administration et la direction devaient désormais prendre leurs décisions dans l’intérêt d’une seule partie prenante : les actionnaires. Les ascos et scandales, qui ont pour nom Enron, WorldCom, Global Crossing et autres durant les premières années du e siècle, ont jeté une douche froide. Les rémunérations gigantesques, sous forme d’options, accordées à certains dirigeants ont joué un rôle de premier plan dans la genèse de ces scandales. Puis, on oublia cet épisode. Les marchés boursiers s’emballèrent derechef. Les dirigeants rent le plein d’options jusqu’à ce que la crise nancière survienne en 2008. Encore une fois, on blâma les formes de rémunération comportant des bonus extravagants. En fait, ce furent les options sur le titre qui alimentèrent la cupidité des principaux acteurs. Par exemple, les PDG de Bear Stearns et Lehman, dont la déconture déclencha la crise nancière, ont reçu entre 2000 et 2008 quelque 88 millions de dollars et 62 millions de dollars en bonus, mais ont réalisé par l’exercice d’options durant la même période 289 millions de dollars et 461 millions de dollars respectivement. Depuis, on cherche les moyens de mieux encadrer les rémunérations, d’en mitiger les abus. La part des options dans la rémunération globale diminue au prot des unités de performance. En eet, la rémunération sous forme d’options fait l’objet de critiques persuasives : • La loterie des options : les options sur le titre accordées aux dirigeants de sociétés ont tendance à récompenser la «chance» autant que la performance ; un marché boursier haussier fait monter toutes les barques ; à moins que le prix d’exercice ne soit indexé en fonction d’un indice boursier (une pratique rare qui soulève d’autres questions épineuses),









les dirigeants «veinards» qui traversent une de ces époques récurrentes de ambée des cours boursiers deviendront très riches ; ceux qui passeront une bonne partie de leur carrière en période de stagnation boursière auront moins de chance. Mais une loterie d’un type particulier, car les détenteurs des billets peuvent, à court terme, exercer une certaine inuence sur le numéro gagnant par diverses astuces comptables et nancières ; cette particularité devient une tentation à laquelle plusieurs n’ont pu résister. La volatilité de la richesse : les options sont une source importante d’enrichissement, mais cette « fortune de papier» est vulnérable aux aléas des uctuations boursières, ce qui ne peut qu’inuencer les motivations et comportements des dirigeants : millionnaire un jour, simple salarié le lendemain ; les options sont source d’anxiété devant les impondérables ; aussi, malgré que l’on puisse s’attendre à une grande aisance nancière par cette forme de rémunération, les dirigeants continuent de demander des multiples formes de protection, comme les contrats d’emploi avec de généreuses primes de départ, des régimes de retraite spéciaux, etc. L’incitation au risque : selon certains, les options incitent les dirigeants à prendre plus de risques qu’il n’est souhaitable puisqu’ils protent des poussées à la hausse du prix du titre, mais, en exerçant leurs options avec sagacité, ils ne sont pas pénalisés outre mesure par les mouvements baissiers. La vraie valeur des options : la pratique, la norme presque, fait que l’on attribue chaque année des options aux dirigeants. Pour les ns de rapporter aux instances appropriées le montant de la rémunération accordée aux dirigeants, il faut donner une valeur aux options accordées aux dirigeants. Pour y arriver, on a recours à une formule mathématique conçue pour d’autres ns et n’ayant qu’une pertinence marginale pour le type d’options accordées aux dirigeants. Néanmoins, ce modèle d’évaluation, dit Black-Scholes, sert à donner une valeur monétaire aux options pour les ns des rapports annuels.

Cette mesure ne fournit aucune indication de la véritable rémunération en espèces qui sera encaissée un jour. Les options sont acquises au l d’un certain nombre d’années, et peuvent généralement être exercées pour une période de 10 ans après leur attribution. On ne connaît pas, au moment de leur octroi, la valeur réelle en espèces que pourront en

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

tirer les dirigeants qui les détiennent, mais ces montants peuvent être plusieurs fois supérieurs à leur valeur estimée selon Black-Scholes. Le moment est venu de trancher le nœud gordien d’un système de rémunération largement appuyé sur les options d’achat d’actions. Les options sur le titre devraient être graduellement éliminées de la rémunération des dirigeants. On pourrait arriver à ce résultat par le biais de la réglementation, mais il n’est pas souhaitable de faire intervenir les gouvernements sur ces questions. Il revient aux conseils d’administration

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d’assumer leur responsabilité, de tenir compte des eets pervers et pernicieux de la rémunération sous forme d’options sur le titre, d’en réduire graduellement l’importance jusqu’à leur élimination éventuelle.

Questions 1. Qu’est-ce que les options d’achat d’action ? 2. Quels sont les principaux arguments mis en avant par l’auteur pour réduire, voire éliminer, le recours aux options d’achat d’actions dans la rémunération des dirigeants ?

Source : Yvan Allaire, professeur émérite, président du conseil, Institut pour la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP). Paru dans Le Monde.fr, le 04.12.2012, avec l’aimable autorisation de l’auteur et du site www.lemonde.fr

A

u début de cet ouvrage, nous avons insisté sur le fait que la gestion de la rémunération doit être adaptée au contexte et aux employés. Au l des chapitres, nous avons présenté les outils, les méthodes, les techniques et les régimes de rémunération qui sont susceptibles d’être généralement ou uniformément mis en place au sein des entreprises. L’objectif de ce chapitre est de mieux faire comprendre que la manière de gérer la rémunération et ses composantes dière selon les catégories de personnel et les contextes particuliers. Ainsi, dans les six premières sections, nous étudions les caractéristiques de la gestion de la rémunération pour les catégories de personnel suivantes : les dirigeants d’entreprise, le personnel de vente, le personnel exerçant à l’international et plus précisément les expatriés, le personnel de recherche et développement, les administrateurs siégeant aux conseils d’administration des sociétés ainsi que le personnel atypique. Nous examinons ensuite les diérentes méthodes de gestion au sein des secteurs privé et public, les dés que représente la gestion du personnel dans les milieux syndiqués et les diérents modes de rémunération au sein des petites et moyennes entreprises.

11.1

La rémunération des dirigeants d’entreprise

Au Canada, le débat sur la rémunération des dirigeants d’entreprise est devenu plus passionné depuis l’entrée en vigueur, en 1993, du règlement 638 obligeant les organisations inscrites à la Bourse de Toronto à divulguer les détails de la rémunération de leurs cinq plus hauts dirigeants. Les multiples tragédies nancières qui ont marqué le milieu des aaires depuis le débuts des années 2000 (scandales et fraudes, éclatement de la bulle technologique, crise économique, crise du papier commercial, faillites) ont amené les organismes de réglementation tant américains que canadiens (par exemple, loi Sarbanes-Oxley, projet de loi C-198) à accroître leurs exigences en matière de divulgation et de gouvernance. Comme dans tout débat, les points de vue, voire les croyances, dièrent. Nous présenterons dans cette section les principales composantes de la rémunération des dirigeants. D’entrée de jeu, il faut observer que, en comparaison des autres cadres et professionnels, les dirigeants ont des possibilités de bonication plus importantes et un accès privilégié à certaines composantes faisant qu’il est impossible d’estimer de manière able la valeur réelle de leur rémunération globale.

Gouvernance (governance) Ensemble des mesures, règles, mécanismes et instances de décision, d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’une organisation.

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CHAPITRE 11

11.1.1 Le salaire des dirigeants Le salaire est le montant fixe d’argent que le conseil d’administration (ou le comité de rémunération) s’engage à verser annuellement aux dirigeants quelles que soient En France, dans les années 1970, au sein d’une grande enles circonstances. Ce montant est important étant donné treprise, la rémunération la plus élevée dépassait rarement qu’il détermine (souvent sous forme d’un multiple ou 30 à 40 fois la rémunération la plus faible. Aujourd’hui, cet d’un pourcentage) plusieurs autres composantes de la éventail peut être de 1 à 350. Personne ne peut imaginer que les dirigeants d’aujourd’hui soient près de 10 fois rémunération, comme les avantages, la rente de retraite, plus performants que ceux d’hier. Bien sûr, ces sommes la valeur des octrois d’options d’achat d’actions ou les extrêmes ne concernent qu’une minorité du groupe. Il gratications. n’en reste pas moins que cette minorité-là tire à la hausse Depuis le début des années 1970, l’importance relative l’ensemble des rémunérations du groupe des dirigeants. du salaire dans la rémunération globale des dirigeants en Amérique du Nord a diminué — passant de près de 60 % Source : Extrait de Galambaud (2013, p. 101). à 30 %, voire moins dans certaines industries — au prot de la rémunération variable. Cela ne signie toutefois pas que les salaires ont peu augmenté en valeur absolue. En eet, en 1965, le salaire d’un président-directeur général (PDG) était en moyenne 50 fois plus élevé que celui de l’employé typique, alors que ce multiple est de près de 300 fois selon Callahan (2004). Pour cet auteur, la tendance à la modération ou à la retenue qui a marqué la période 1940-1960 rendait les organisations plus justes, les dirigeants ayant un plus grand sens de la propriété.

L’écart entre la rémunération des dirigeants et celle des employés en France

11.1.2 La rémunération variable à court et à moyen terme Les dirigeants sont tous admissibles à divers régimes de primes à court et à moyen terme qui visent à les récompenser pour une performance s’étendant sur quelques mois. Ces régimes prennent une variété de formes : ils peuvent être basés sur la réalisation d’objectifs organisationnels, sur une formule tenant compte d’une combinaison de la performance organisationnelle et du rendement individuel, sur un montant discrétionnaire déterminé à la n de l’année ou de la période de deux ou trois ans maximum, etc. La rémunération incitative à court terme pour les dirigeants du secteur privé varie selon les balises suivantes (Chartrand, 2009). Pour les présidents, la prime cible varie de 50 % à 100 % de leur salaire de base, alors que la prime maximale varie de 75 % à 200 % de leur salaire de base. Pour les vice-présidents, la prime cible varie de 30 % à 60 % de leur salaire de base, alors que la prime maximale varie de 45 % à 120 % de leur salaire de base.

11.1.3 La rémunération variable à long terme : quelques régimes possibles Les dirigeants d’entreprise dont les actions sont négociées à la Bourse sont admissibles à divers régimes de rémunération basée sur la performance boursière, tandis que les autres dirigeants sont admissibles à des incitations fondées sur le rendement comptable à long terme, notamment les actions ctives, les unités de rendement, les régimes de droits à la plus-value des actions et les régimes de primes de rendement à long terme. Comme le montre le tableau 11.1, l’intéressement à long terme, en plus des régimes de retraite, s’avère la composante de la rémunération dont l’importance relative a pris le plus d’ampleur au l des années. Pour les dirigeants canadiens, américains et français, la part de la rémunération à long terme dans leur rémunération directe s’est accrue de 15 % en 1970 à près de 70 % à la n des années 1990 (Milkovich et al., 2011). Le dé actuel consiste donc plus à réduire ce pourcentage, et non pas à le conserver comme le « marché » le fait,

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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TABLEAU 11.1 L’évolution historique de la rémunération des cadres supérieurs

Période

Composantes de la rémunération typiques (en plus du salaire et des primes annuelles) Intéressement à long terme et gratications

Valeur relative de Véhicules l’intéressement à Réglementation d’intéressement long terme dans en vigueur à long terme la rémunération globale Options d’achat Modeste Très limitée d’actions (conditions d’acquisition basées sur le temps seulement)

Équipe de direction, cadres intermédiaires et personnel clé

Intéressement à long terme et arrangement supplémentaire de retraite

Options d’achat Signicative d’actions (conditions d’acquisition basées sur le temps seulement)

Limitée (divulgation de la rémunération des cinq hauts dirigeants, 1993)

Équipe de direction et personnel clé

Intéressement à long terme et arrangement supplémentaire de retraite

Variété de véhicules, dont certains ont des conditions d’acquisition basées sur la performance : options d’achat d’actions, unités d’actions avec restrictions (UAR), unités d’actions diérées (UAD), etc.

Importante (charges aux états nanciers pour tous les véhicules d’intéressement à long terme sous forme d’actions, nouvelles règles d’approbation par les actionnaires de certains éléments, etc.)

Personnes considérées comme cadres supérieurs Équipe de haute direction

1970-1985

1990-2001

2002-2008

Signicative

Source : Extrait adapté de Chartrand et al. (2009).

ni à imaginer d’autres mécanismes de rémunération à long terme (en remplacement des options, qui ont mauvaise presse), lesquels comportent tous les mêmes limites. Les divers types de régimes d’intéressements à long terme — qui peuvent être gérés en parallèle — sont nombreux. Voici une dénition des principaux régimes1 : • Le régime d’octroi d’actions avec ou sans restrictions permet de donner aux dirigeants des actions qu’ils peuvent avoir à conserver un certain temps. Ces actions permettent aussi à ces derniers de recevoir des dividendes, d’exercer un droit de vote et de jouir dans certains cas d’un avantage scal. • Le régime d’options d’achat d’actions ou d’option sur les titres (stock option) donne aux dirigeants le droit d’acheter des actions à un prix xé d’avance (le prix de levée) durant une période préétablie (par exemple, 5, 7 ou 10 ans). Le gain potentiel correspond alors à la diérence entre la valeur des actions sur le marché boursier au moment où ils décident 1. Plusieurs des dénitions suivantes s’inspirent de celles que le personnel de la société PCI Perrault Conseil inc. adopte avec ses clients et qu’elle a bien voulu partager avec l’auteure de cet ouvrage.

508

CHAPITRE 11









• •

de lever leur option et le prix de levée de l’option. Ce droit de lever une option (soit l’acquisition de l’option) est généralement associé à une durée de service minimale et à une levée graduelle, par exemple 20 % par année, à compter du premier anniversaire de la date de l’octroi, dans la mesure où le dirigeant est toujours au service de la société. Le régime de droits à la plus-value des actions (DPVA) (stock appreciation rights) accorde aux dirigeants le droit d’encaisser en espèces l’appréciation de la valeur des actions que le conseil d’administration lui a oertes entre la date de l’octroi et la date de la levée. Ce droit est émis pour une période déterminée (par exemple, sept ans) et il est généralement assujetti à une durée de service minimale et à une levée graduelle, par exemple 20 % par année, à compter du premier anniversaire de la date de l’octroi, dans la mesure où le dirigeant est toujours au service de la société. Le régime d’unités d’actions restreintes ou avec restrictions (UAR) ou unités d’actions de performance (UAP) permet d’octroyer aux dirigeants des unités d’actions ctives dont la valeur est habituellement équivalente à la valeur marchande des actions de la société. Après une période préétablie (en général de trois ans au Canada, pour des raisons scales), les unités d’actions deviennent encaissables, en espèces ou en actions, dans la mesure où le détenteur a rempli les conditions d’acquition, ordinairement une durée minimale de service (on parle alors d’unités d’actions restreintes ou UAR), ou encore selon l’atteinte d’objectifs de performance ou d’un niveau de performance seuil ou cible préétabli en plus d’une durée minimale de service (on parle d’unité de performance ou UAP). Comparativement au régime d’options d’achat d’actions, ce régime donne le droit de recevoir la valeur entière de l’action (non seulement la plus-value). Le régime d’unités d’actions différées (UAD) permet d’octroyer aux dirigeants des unités ctives ayant la valeur marchande de l’action de la société qu’ils pourront encaisser à la n d’une période, d’un mandat, lors du départ ou à la cessation d’un contrat d’emploi. Les UAD doivent être encaissées — en espèces ou en actions — au plus tard avant la n de l’année qui suit l’année de la cessation d’emploi. Selon la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, la valeur marchande d’une UAD ne peut en aucun cas être garantie et aucune valeur seuil ne peut y être associée. Les UAD peuvent être soumises à des conditions d’acquisition sur le temps (par exemple, 20 % par année) ou sur la performance. Le régime d’unités de rendement (performance units) ou d’actions ctives permet d’octroyer aux dirigeants des « unités » selon la réalisation d’objectifs de performance nancière préétablis pour une période donnée (habituellement de trois à cinq ans). La valeur de l’unité est xée d’avance ou elle est égale à la valeur de l’action de l’entreprise sur le marché boursier (share units). Ici, le conseil d’administration promet à un dirigeant de lui verser une somme équivalente à la valeur des unités de rendement accordées si certains objectifs sont atteints à la n d’une période déterminée. Parfois, au lieu de verser au dirigeant une somme d’argent, on promet de lui attribuer un certain nombre d’actions de l’entreprise (on parle alors d’un régime d’actions de rendement). On peut aussi proposer un régime d’actions ctives (phantom stock) qui permet aux dirigeants de participer à l’appréciation de la valeur comptable d’une entreprise sous la forme d’unités de rendement. Le régime de primes (bonis) diérées fait en sorte qu’un montant en espèces « gagné » selon l’atteinte d’objectifs annuels (ou critères de rendement) puisse être, en partie ou en totalité, diéré, pour une période maximale de trois ans. Le régime d’allocations de retraite promet aux dirigeants qu’un montant déterminé en fonction de critères de performance ou de temps lui sera versé au moment de son départ à la retraite.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération



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Le régime de primes de rendement à long terme permet de reconnaître le rendement à long terme par l’octroi de primes (bonis). Il peut être retenu par toutes les entreprises, incluant celles dont les valeurs ne sont pas négociées à la Bourse, et pour toutes les organisations à caractère public.

11.1.4 Les régimes d’options d’achat d’actions Dans cette sous-section, nous traitons des régimes d’options d’achat d’actions en raison de l’importance qu’ils ont acquise dans la rémunération des dirigeants et des critiques dont ils font l’objet depuis bien des années. Comme nous l’avons expliqué dans le chapitre 9 (voir la sous-section 9.3.2), un régime d’options d’achat d’actions accorde à des personnes le droit (l’option) d’acheter des actions de leur entreprise à un prix xé d’avance (le prix de levée) durant une période donnée (généralement de 5 à 10 ans). La récompense potentielle des détenteurs d’options correspond alors à la diérence entre la valeur des actions sur le marché boursier au moment où ils décident de lever leur option et le prix de levée de l’option. Dans les années 1990, alors que les cours boursiers des sociétés étaient presque tous à la hausse, les options ont remplacé le salaire comme composante de la rémunération des dirigeants la plus importante, et ce, dans tous les secteurs industriels (Murphy, 1998). Aujourd’hui, les régimes d’options d’achat d’actions (que nous désignerons aux ns de ce chapitre par l’expression « régimes d’options ») sont Recommandation de l’IGOPP les régimes d’intéressement à long terme oerts aux dirisur les actions à exercice restreint geants qui demeurent les plus répandus. En réaction à la Les actions à exercice restreint devraient être assorties d’une période d’acquisition reétant les cycles d’investissement mauvaise presse qu’ont les options, certaines entreprises de la société, ce qui signierait une période de 5 à 10 ans. se sont tournées vers les régimes d’unités d’actions avec Ces actions devraient être gagnées en satisfaisant à des restrictions ou diérées, mais les limites fondamentales exigences de performance de nature qualitative et quantirestent les mêmes. On ne fait souvent que perpétuer une tative […]. De telles actions ne devraient pas être attribuées mécanique semblable, mais qui a un nom diérent. chaque année* ; il pourrait être souhaitable d’attribuer de telles actions à des moments signicatifs de la carrière d’un Les avantages et les inconvénients haut dirigeant de la société (par exemple, au moment de des options d’achat d’actions la nomination à un échelon supérieur, au moment de proPourquoi le recours aux régimes d’options est-il si fréquent, motions importantes ou selon des intervalles de plualors que certains auteurs recommandent leur abandon ? sieurs années). Les dirigeants devraient d’emblée détenir Globalement, on justie l’adoption des régimes d’options un multiple de leur salaire en actions de la société. en faisant ressortir leurs avantages, et on les conteste en soulignant leurs limites et les abus qu’ils ont entraînés (voir * L’italique est dans le texte original. le tableau 11.2, à la page suivante). Source : Extrait de IGOPP, (2012, p. 59). Une critique importante que l’on fait aux régimes d’options est qu’ils n’auraient pas vraiment pour eet d’apparenter les dirigeants à des actionnaires, puisque les options ne coûtent rien aux dirigeants, alors que les actionnaires achètent leurs actions. Les détenteurs d’options ne subissent pas de perte réelle — contrairement aux actionnaires — lorsque les actions baissent. Pour les dirigeants, il n’y a pas plus de risque à se voir donner des options que des actions (restricted stock awards). Même si l’action baisse, les dirigeants sont toujours plus riches que s’ils n’avaient pas détenu les options ou les actions qu’on leur a oertes. Les options ne sont donc associées à aucun risque de perte, la pire situation étant l’absence de gain. Les régimes d’options sont d’ailleurs souvent gérés en parallèle avec un programme de « droits à la plus-value des actions » qui permet aux dirigeants, lorsqu’ils veulent lever leurs options, de ne pas avoir à les acheter pour pouvoir encaisser leur gain. En réaction à cela, certains conseils d’administration exigent que

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CHAPITRE 11

TABLEAU 11.2 Les avantages et les inconvénients de la rémunération par options d’achat d’actions

Avantages Organisations • La rémunération par options d’achat d’actions aligne les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires et des investisseurs. – Elle relie la richesse des dirigeants à la richesse des actionnaires. – Elle incite les dirigeants à se soucier de la performance organisationnelle à long terme. – Elle favorise l’attraction et la rétention des dirigeants.

Dirigeants

• La rémunération par options d’achat d’actions ne comporte pas de risques étant donné que les options sont données. – Une légère hausse de la valeur des actions temporaire et ponctuelle permet de s’enrichir considérablement, et ce, quelle que soit la valeur de cette amélioration par rapport à celle des concurrents. – Le potentiel de gain est maximisé parce que la valeur des options n’est ni connue ni plafonnée. • Cette rémunération n’est pas imposée au moment de l’octroi de l’option ; elle l’est seulement sur le gain réalisé lors de sa levée selon des conditions intéressantes.

Inconvénients

• La rémunération par options d’achat d’actions n’amène pas les dirigeants à devenir des actionnaires à long terme. Ils constituent des actionnaires temporaires (au moment de lever leurs options), mais comme ils revendent leurs actions tout de suite après les avoir achetées, la performance future de l’entreprise n’aura pas d’incidence pour eux. • Elle récompense les dirigeants qui ont la «chance» de se trouver sur un marché boursier à la hausse. • Elle incite les dirigeants à prendre leurs décisions dans l’intérêt d’une seule partie prenante, soit les investisseurs, et surtout les investisseurs institutionnels (hedge funds) prooccupés par une performance à court terme. • Elle incite les dirigeants à recourir à diverses tactiques (nancières, comptables, informationnelles) et à prendre des décisions risquées en vue d’améliorer leurs gains personnels à court terme, de même qu’à rejeter des projets plus risqués, mais au potentiel de création de valeur importante pour les actionnaires. Elle est d’ailleurs à l’origine de nombreux ascos et scandales nanciers de sociétés. • Elle a pour eet de récompenser des dirigeants qui prennent des décisions qui ont des impacts positifs sur la valeur de l’action qui sont à court terme et temporaires et/ou qui peuvent résulter de manipulations des informations, de manigances, de délits d’initiés, etc. • Elle dilue l’avoir des actionnaires, c’est-à-dire leur potentiel d’enrichissement. • Elle s’avère une rémunération d’un montant réel futur illimité et impossible à calculer ou à estimer, les estimations faites pour les rapports annuels (en recourant à des modèles d’évaluation d’options) n’ayant rien à voir avec la réalité de la rémunération subséquente reçue par les dirigeants.

• La rémunération par options d’achat d’actions rend les dirigeants responsables de la performance boursière de leur entreprise alors que celle-ci est grandement fonction de facteurs qu’ils ne contrôlent pas.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

les dirigeants détiennent un nombre minimal d’actions équivalent à deux à cinq fois leur salaire pendant une longue période, et ce, même après leur départ à la retraite (Chartrand et al., 2009), an que les pertes et les prots de l’entreprise soient davantage partagés entre les dirigeants et les actionnaires. Une autre limite importante des options consiste dans le fait qu’il est dicile d’estimer leur valeur réelle étant donné que celle-ci repose sur des événements futurs. La valeur exacte d’une option n’est connue avec exactitude qu’à son expiration et elle est souvent bien plus élevée que celle qui avait été estimée lors de son octroi. Aussi, de nombreux faits remettent en question le présumé alignement, que permettraient les options, entre les intérêts des actionnaires et ceux des dirigeants : il n’y a en eet pour ces derniers aucun débours et aucun risque de perte de liquidités avec des options, et il est possible de vendre les actions dès que les options sont levées. La dépendance des dirigeants envers les options — quand on considère les sommes faramineuses qui sont en jeu — les inciterait à prendre des décisions dans leur intérêt plutôt que dans celui des actionnaires. Cela s’explique par la théorie prospective de la prise de décision (voir la rubrique « Une théorie d’intérêt »). Ainsi, lorsque le cours de l’action est inférieur au prix de levée de l’option, les détenteurs d’options seraient portés à prendre des décisions risquées étant donné qu’ils n’ont plus rien à perdre. Par contre, lorsque le cours de l’action est supérieur au prix de levée (in the money), ils auraient tendance à prendre des décisions prudentes ou conservatrices parce que la probabilité de réaliser un gain est très élevée ; ils sont alors susceptibles de rejeter des projets plus risqués, mais au potentiel de création de valeur important. Encore une fois, il s’agit du résultat inverse de celui présumé.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie prospective de la prise de décision Suivant cette théorie (Kahneman et Tversky, 1979), les personnes ressentent une aversion pour le risque dans un contexte où des gains sont sûrs. Ainsi, elles préfèrent un projet dont la valeur espérée est moindre, mais certaine, plutôt qu’un projet dont la valeur espérée est plus élevée, mais incertaine. À l’opposé, les personnes seraient incitées à prendre des décisions risquées seulement lorsque des gains sont incertains ou lorsque des pertes sont possibles.

Quelques pratiques douteuses entourant la gestion des options Compte tenu de la fréquence de l’octroi d’options et des sommes en jeu, les résultats des études sur les options sont relativement peu nombreux, méthodologiquement contestables et présentent des eets mitigés sur divers indicateurs de performance des entreprises qui, lorsqu’ils sont signicatifs, tendent à être limités à court terme et liés au moment d’accorder ou de lever les options2. Comme le résume l’encadré 11.1 à la page suivante, l’expérience montre que, par le passé, les dirigeants ont pu — avec l’accord de leur conseil d’administration — maximiser leurs gains sur options sans pour autant enrichir les actionnaires, notamment en recevant des options à un prix de levée inférieur au cours boursier courant, en recevant des options dont le prix de levée est ensuite révisé à la baisse an de maximiser le potentiel de gain (l’« antidatage ») ou en manipulant les résultats nanciers 2. Voir, par exemple, Aboody (1996), Core et al. (2003), Dechow et Sloan (1991), DeFusco et al. (1990), Fall et al. (1998), Gomez-Mejia et Wiseman (1997), Hanlon et al. (2003), Jensen et Murphy (1990), Lambert et al. (1991), Tosi et al. (2000).

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CHAPITRE 11

ENCADRÉ 11.1

















Des exemples de pratiques douteuses dans la gestion des options qui ont été adoptées ou qui peuvent être adoptées

La non-comptabilisation dans les états nanciers. Jusqu’en 2004, l’octroi et la levée des options n’inuaient pas sur les bénéces des sociétés canadiennes, ce qui incitait les conseils d’administration à les considérer comme «gratuites». L’«échange d’options» (swap). Lorsque le prix des actions se trouvait en dessous du prix de levée des options (out of the money), des entreprises ont annulé des octrois d’options antérieurs et xé un nouveau prix de levée égal (et même inférieur) au cours actuel de l’action qui était plus bas (cela s’est fait à la suite du krach boursier de 1987, par exemple). Le rechargement des options. Les dirigeants qui levaient leur option et qui conservaient les actions achetées durant une période minimale se voyaient octroyer une autre option équivalente. Le meilleur gain garanti. L’entreprise remboursait le manque à gagner aux dirigeants qui n’avaient pas levé leur option au moment où le cours de l’action était à son plus haut niveau pendant la période de levée. L’antidatage d’options. Cela consiste à manipuler les octrois d’options an qu’ils bénécient d’un cours d’exercice inférieur à la juste valeur du marché du titre à la date de l’octroi. Le forward-dating. Cela consiste à modier la date future en accordant un prix d’exercice inférieur aux options, et ce, dans l’avenir. Le springloading. Cela consiste à émettre des options juste avant que de bonnes nouvelles parviennent au marché, leur conférant ainsi une plus grande valeur. Le bullet-dodging. Cela consiste à retarder l’émission de l’option jusqu’à ce que les mauvaises nouvelles aient été complètement assimilées par le marché boursier.

Pour en savoir plus sur l’antidatage

an de faire uctuer le cours de l’action. Si certaines de ces pratiques douteuses ont été jugées illégales ou inappropriées dans le temps par les organismes de réglementation, d’autres restent peu balisées ou encore jugées légales si elles sont divulguées. Ainsi, au cours de la période 1995-2002, plus de 30 % des entreprises américaines ont eu recours à l’antidatage des octrois d’options (Heron et Lie, 2006 ; Heron et al., 2007), surtout dans certaines entreprises (entreprises de haute technologie, petites entreprises, entreprises dont le cours de l’action est volatil). Depuis 2006, à la suite d’un avis émis par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, la Bourse de Toronto exige que les sociétés inscrites à sa Bourse respectent certaines règles. Premièrement, le prix d’exercice des options ne doit pas être inférieur au cours des titres au moment de l’attribution. Deuxièmement, le prix d’exercice ne doit pas être fondé sur un cours établi sans tenir compte d’informations privilégiées importantes. Troisièmement, toute attribution d’option doit être déclarée à la Bourse de Toronto dans les 10 jours de la n du mois durant lequel elle a eu lieu. Très peu de temps auparavant, aux États-Unis, la Loi Sarbanes-Oxley réduisait aussi le recours abusif à l’antidatage en exigeant que soient communiquées les conditions de levée des options dans les deux jours suivant leur octroi. Notons que la valeur des options d’achat d’actions uctue non seulement en fonction de la performance de l’entreprise, mais surtout en fonction des perceptions du marché, sur lesquelles les dirigeants exercent une inuence. En eet, depuis des années, des chercheurs canadiens et américains observent que les stratégies de divulgation des entreprises, autour des dates d’octroi et de levée des options, semblent avantager systématiquement les dirigeants (Aboody et Kasznik, 2000 ; St-Onge et al., 1996, 1999b). Dès 1997, Yermack constatait que les octrois d’options aux dirigeants semblent précéder de peu de temps l’annonce, par les entreprises, de résultats nanciers favorables qui agiront positivement sur le prix du titre. De la même manière, les dirigeants tendent à recevoir des options lorsque la performance traverse un creux cyclique (Murphy, 1985) ou juste après avoir communiqué de mauvaises nouvelles ou des résultats prévisionnels peu favorables, ce qui a pour eet de réduire le prix de levée et de favoriser l’enrichissement futur des

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

dirigeants. Ils peuvent aussi retarder la communication de mauvaises nouvelles après la levée d’options an de pouvoir revendre à un prix plus élevé les actions ainsi acquises.

L’ecacité de la rémunération variable en général et des options en particulier Si la rémunération variable à long terme oerte aux dirigeants s’est grandement accrue, paradoxalement, seuls quelques chercheurs ont étudié ses eets sur la performance de leur entreprise. En général, leurs résultats révèlent que l’adoption de régimes de rémunération variable (par exemple, les unités de rendement, les options ou les primes) à l’intention des dirigeants entraîne une légère amélioration de la performance nancière de leur entreprise (Murphy, 1985). Cependant, cette légère amélioration de la performance peut également résulter du fait que les dirigeants qui prévoient une amélioration sensible d’un indicateur particulier de la performance organisationnelle (par exemple, les bénéces, les actions) tendent à demander à leur conseil d’administration d’adopter un régime de rémunération variable basée sur cet indicateur. Ainsi, dans le cas des options en particulier, il est probable qu’une faible corrélation à court terme entre leur octroi et la performance boursière d’un échantillon d’entreprises relève du fait que dans un contexte où ils prévoient une hausse des actions de leur entreprise, les dirigeants tendent à se faire octroyer des options. En eet, les dirigeants, qui ont accès à des informations privilégiées, savent davantage à quel moment l’action va s’améliorer et à quel moment elle va chuter. Dans la revue Fortune, Gimein (2002) a calculé que, sur les 25 sociétés dont la valeur boursière avait baissé d’au moins 75 % depuis 1999, 466 initiés travaillant pour ces sociétés avaient levé leurs options — juste avant que le cours de l’action plonge — pour empocher près de 23 milliards de dollars américains. Par ailleurs, estimer l’ecacité des régimes d’options par la hausse des actions d’une entreprise est discutable. En eet, la valeur boursière constitue une mesure qui est surtout fonction de l’industrie et des marchés boursiers en général comme les gains sur options tiennent compte de la uctuation absolue des prix des actions et non de leur uctuation relative en comparaison des concurrents. Conséquemment, sur un marché boursier à la hausse, tous les PDG d’un secteur d’activité s’enrichissent beaucoup, sans égard à la qualité de leurs décisions. Pour contrer cette limite, de nombreux experts recommandent depuis lontemps (sans que leur avis soit suivi) qu’on tienne compte de la performance « relative » des entreprises an de ltrer des éléments que ne peuvent contrôler les dirigeants pour se focaliser sur la portion résultant de leurs décisions (voir, par exemple, Allaire, 2007). De la même manière, et quoique cela soit rarement appliqué, d’autres auteurs suggèrent qu’on octroie des types d’options dont l’acquisition serait fonction, de diverses façons, du rendement propre à l’entreprise et à ses dirigeants (Craighead et al., 2005) : • les options indexées dont le prix de levée s’ajuste à la hausse ou à la baisse selon le secteur d’activité, les uctuations du marché ou celles du cours de l’action de sociétés semblables ; • les options à prime dont le prix de levée à la date de l’octroi est supérieur à celui de la juste valeur marchande de l’action ; • les options conditionnelles au rendement qui s’acquièrent seulement si un ou plusieurs objectifs sont atteints ; • les options à acquisition accélérée selon le rendement qui s’acquièrent après une période préétablie mais qui peuvent être acquises plus rapidement si certains objectifs de rendement sont atteints.

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CHAPITRE 11

Pour en savoir plus sur l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP) et sur ses prises de position

En dénitive, bien des experts reconnaissent aujourd’hui que l’octroi d’options sur le titre des sociétés comme composante importante de la rémunération des dirigeants s’est avéré une erreur. Comme l’indiquent Pfeer et Sutton (2006a : 64 ; traduction libre), l’utilisation et la défense des options d’achat d’actions illustrent très bien comment une « croyance se substitue aux faits » au détriment des organisations. Plus près de nous, un gestionnaire de portefeuille d’expérience, Stephen Jarislowsky (2005, 2008), estime aussi que les administrateurs doivent particulièrement se méfier des options pour trois raisons : elles sont injustes pour les employés, elles sont inéquitables envers les petits actionnaires et elles sont désastreuses pour la croissance des sociétés. Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) demande également aux sociétés côtées en Bourse d’éliminer progressivement les options comme forme de rémunération pour leurs dirigeants (Larocque, 2013). L’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP, 2012) suggère aussi qu’on réduise graduellement la place des options dans la rémunération des dirigeants avec l’objectif ultime de les éliminer et que les gouvernements éliminent tous les avantages scaux (personnels et organisationnels) qui favorisent l’utilisation des options. Le texte d’Yvan Allaire, président du conseil de cet Institut, est présenté dans la mise en situation en début de chapitre.

11.1.5 Les régimes supplémentaires de retraite Les dirigeants bénécient de régimes d’avantages sociaux (des assurances diverses, des congés, des services divers, etc.) et de retraite très intéressants, notamment des régimes supplémentaires de retraite. Comme le font des organisations envers leur catégorie de personnel ayant des salaires élevés, elles rendent les dirigeants admissibles à un régime supplémentaire de retraite qui vise à leur permettre d’avoir un ratio de remplacement du revenu à la retraite analogue à celui des employés en couvrant l’excédent de ce qui est permis par Revenu Canada. Que les dirigeants soient admissibles à un régime supplémentaire n’est donc pas surprenant. Ce qui surprend, c’est l’évolution des caractéristiques de ces régimes pour nombre de dirigeants. Dans un passé pas si lointain, les dirigeants d’entreprise bénéciaient de régimes de retraite semblables à ceux des autres employés (de 60 % à 65 % de leur salaire anuel versé comme rente de retraite jusqu’à la mort du PDG). Certes, les dirigeants ont droit à une retraite confortable, mais les bonications actuelles des rentes de retraite assurent non seulement leur retraite et celle de leurs conjoints survivants, mais aussi la richesse de leurs enfants et même de leurs petits-enfants. On peut alors parler de « régime de sécurité de richesse » pour les dirigeants retraités et leurs descendants aux frais des actionnaires. La hausse marquée des coûts des régimes de retraite des dirigeants est due à plusieurs tendances récentes dans leur gestion surtout aux États-Unis, mais par la suite copiées au Canada (Magnan et St-Onge, 2005a ; St-Onge et Magnan, 2008b), par exemple : • l’octroi d’un nombre croissant d’années de service « extra » dans le calcul des prestations de retraite ; • l’augmentation du pourcentage du salaire annuel qui sera payé chaque année après la retraite ; • l’adoption accrue de clauses de continuité des prestations de retraite, dans certains cas jusqu’à une valeur de 100 %, au conjoint survivant jusqu’à sa mort ; • le calcul des prestations de retraite sur la base du salaire et des primes et même, dans certains cas, de la rémunération à long terme (par exemple, les options), incitant les PDG à tout faire pour obtenir des « super » primes juste avant la retraite, quitte à nuire à la performance à long terme de l’entreprise ;

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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la bonication des clauses de calcul des prestations (par exemple, la moyenne des salaires et des primes annuels les plus élevés versés au cours des 10 dernières années de la vie active) ; la création de ducies garantissant le versement des prestations de retraite des dirigeants en cas de faillite et la conversion de leurs rentes en assurance vie an de permettre des transferts d’argent libres d’impôts aux héritiers ; le paiement de prestations de retraite à un âge précédant la retraite eective d’un dirigeant.

Par ailleurs, les clauses de prise en considération des primes annuelles de performance se révèlent des plus avantageuses pour les PDG retraités. Par exemple, la circulaire d’information d’une grande société canadienne indique que les prestations de retraite de son PDG sont basées sur « la moyenne des 5 années de salaires les plus élevées et des primes les plus élevées versées au cours des 10 dernières années de vie active ». Ainsi, dans le cas où le dirigeant n’aurait pas obtenu de prime au cours des cinq années précédant sa retraite, il pourra encore recevoir des prestations de retraite qui tiendront compte des primes reçues au cours des cinq premières années de la période. En somme, le coût pour les investisseurs rattaché à l’octroi d’une telle retraite excédera de plusieurs fois le coût des primes versées. Certaines entreprises vont même jusqu’à baser le calcul des prestations sur la moyenne des 3 salaires annuels et des 3 primes annuelles les plus élevés versés au cours des 10 années précédant la retraite. Le fait d’inclure les primes dans le calcul de leurs prestations de retraite incite les dirigeants à tout faire pour obtenir des primes très élevées juste avant de prendre leur retraite, sans égard aux eets de ces primes sur la performance organisationnelle à long terme. Plusieurs raisons expliquent pourquoi on parle peu des abus dans les régimes de retraite des dirigeants. D’abord, jusqu’à récemment, très peu d’information devait être divulguée sur les régimes de retraite. Ensuite, les normes comptables permettaient d’intégrer le coût et le passif des régimes de retraite des dirigeants à ceux des régimes et des autres avantages de retraite des employés — ce qui était une façon de dissimuler ce coût et ce passif. Ainsi, alors qu’il est obligatoire de comptabiliser la capitalisation des régimes des employés, le législateur ne prévoit pas cette exigence à l’égard des régimes de retraite des dirigeants. Finalement, le sujet est complexe pour les non-initiés et souvent présenté dans un langage obcur. Depuis plus d’une dizaine d’années, des experts traitent de l’importance des montants en jeu et du rôle que les conseils d’administration doivent remplir dans le réalignement à l’égard des régimes de retraite des dirigeants (Magnan et La largesse des régimes de retraite des dirigeants St-Onge, 2005a ; Bebchuk et Fried, 2004 ; Kalyta et Magnan, Selon Marc Chartrand, CRHA, sociétaire chez PCI Perrault 2008 ; Allaire, 2007 ; Revell, 2003). Les conseils d’adminisConseil inc., il faut que les membres du conseil d’adminis­ tration ont la responsabilité de revenir à « l’essence » des tration soient pleinement conscients de la valeur des régimes de retraite traditionnels des dirigeants (basés sur arrangements supplémentaires de retraite. Garantir 2 % leur salaire de n de carrière). Les coûts énormes qui sont de la rémunération totale en espèces par année de service à un cadre supérieur de 55 ans qui reçoit 1 000 000 $ par en jeu ne s’expliquent pas plus sur le plan de la capacité de année génère des coûts signicatifs. Il faut aussi que ces payer que sur le plan de l’éthique. En eet, il importe de arrangements tiennent compte de la philosophie de préciser que les coûts croissants des régimes de retraite rémunération globale. Si celle­ci permet aux dirigeants des dirigeants d’une entreprise (incluant ses PDG anciens, de s’enrichir de façon importante avec l’intéressement actuel et futurs) sont assumés directement par l’ensemble de à long terme dans la mesure où la performance de ses actionnaires étant donné qu’ils ne sont pas déductibles l’entreprise le justie, a­t­on aussi besoin d’un régime du revenu imposable de l’entreprise. En outre, pourquoi supplémentaire de retraite ? accorder aux dirigeants une garantie d’une rente de retraite avantageuse, et ce, aux frais des actionnaires, en plus de les Source : Extrait de Chartrand (s.d.).

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rendre admissibles à des régimes d’intéressement à long terme (par exemple, les options, les actions restreintes) leur permettant de toucher des sommes importantes qui seront aussi déduites de l’enrichissement des actionnaires, et donc encore soutirées à ces derniers ou payées par eux ? Si les seuls arguments tiennent au fait que d’autres organisations le font et qu’aucune loi ne l’empêche, cela ne rend pas cette décision plus légitime, socialement responsable ou acceptable au point de vue éthique. Il est encore plus troublant de constater que, en parallèle avec la largesse croissante des avantages de retraite accordés aux dirigeants, ces derniers sont de plus en plus nombreux à réviser les régimes de retraite de leurs propres salariés pour en réduire les coûts (voir le chapitre 10). Signe des excès fréquents et importants en la matière, dans une de ses prises de position, l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP, 2012, p. 60) exprime la recommandation légitime suivante : Les prestations de retraite devraient être liées au nombre réel d’années de service au sein de la société et leur quantum devrait maintenir un rapport raisonnable au salaire de base du dirigeant (et non à sa rémunération totale), et être payables uniquement à un âge de retraite prédéterminé. […] Plus les programmes de rémunération sont généreux, plus les paiements sont élevés, moins les dirigeants ne devraient bénécier de privilèges et de prestations durant leur retraite.

11.1.6 Les parachutes dorés et les indemnités de n d’emploi Introduits dans les contrats de rémunération des dirigeants dans les années 1970, les « parachutes dorés » sont devenus des clauses courantes avec les vagues de fusions et d’acquisitions qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990. Ces clauses comprennent diverses ententes dans l’éventualité d’une acquisition ou d’une fusion de l’entreprise ou encore du départ plus ou moins volontaire du PDG. En général, les conditions d’un contrat de parachute doré garantissent aux dirigeants qu’ils continueront de toucher leur salaire et leurs primes pendant de un à cinq ans, ainsi que divers honoraires de consultation, qu’ils pourront lever les options immédiatement ou de manière accélérée, qu’ils conserveront des assurances diverses et qu’on les aidera à trouver un autre emploi visant à bonier les dispositions entourant la retraite. Les membres des conseils d’administration justient de telles clauses en disant qu’elles sont nécessaires pour attirer et retenir les PDG compétents ou pour éviter que les PDG hésitent à améliorer la performance de leur organisation par peur de voir celle-ci faire l’objet d’une acquisition et de perdre leur emploi. Toutefois, certains observateurs croient que de tels octrois n’ont rien à voir avec la richesse des actionnaires, mais plutôt avec celle des dirigeants qui négocient des garanties de plus en plus « sûres » pour parer à tout aléa. D’ailleurs, alors que les clauses de parachutes dorés ont été mises en avant lors des vagues de fusions et d’acquistions dans l’éventualité d’un changement de contrôle de l’entreprise, on a étendu leur contenu à la quasi-totalité des cas de départ avant la n d’un mandat, et ce, manifestement, quelles que soient les raisons du départ. De fait, au cours des dernières années, les conseils d’administration en sont venus à accorder aux dirigeants des parachutes dorés et des indemnités de n d’emploi tellement avantageux que les dirigeants sont maintenant incités à se faire remplacer et à quitter leur poste (par une démission, une vente, etc.), sans égard aux intérêts des autres parties prenantes (comme les actionnaires, les employés ou la société). Une étude menée auprès de 50 banques américaines qui ont fait l’objet d’une acquisition (avec un groupe de contrôle de banques qui n’ont pas été acquises) conrme qu’avant le changement de contrôle, les dirigeants des entreprises absorbées se sont vu accorder des parachutes dorés (Evans et al., 1997). Tant dans le secteur privé que dans le secteur public, on assiste à une prodigalité alarmante en la matière (O’Connell et Slip, 2005) :

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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des parachutes dorés accordés également à des professionnels et à des cadres ; le calcul de l’indemnité de départ à multiples élevés – notamment à trois fois ou plus le salaire d’un cadre supérieur ; la prise en compte du salaire et des primes (à court et à long terme) dans le calcul de l’indemnité de départ ; la période de l’indemnité de départ validée comme période de service pour accumuler des droits à la retraite ; le droit de recevoir une indemnité de départ même en cas de démission ; la dénition élargie du « changement de contrôle » faisant que l’entente prend eet même lorsque moins de 50 % des actions avec droit de vote de la société changent de contrôle ; la dénition élargie du « motif valable » selon laquelle l’entente prend eet même si l’on ore un emploi comparable au cadre supérieur dans la mesure où, dans ses nouvelles fonctions, il ne relève plus de la même personne ou eectue des tâches diérentes ; l’acquisition accélérée ou immédiate des options d’achat d’actions ou les unités d’actions avec restrictions (UAR) à la suite d’un changement de contrôle.

Plusieurs justient aussi la nécessité de protéger les dirigeants étant donné que la durée de leur mandat est plus courte que par le passé. Ainsi, il apparaît qu’un chef d’entreprise restait en poste en moyenne huit ans entre 1992 et 1997, une durée qui est passée à six ans entre 1998 et 2005 (Kaplan et Minton, 2006). Par ailleurs, on peut penser que c’est justement la bonication de ces clauses qui pousse les dirigeants à partir avant la n de leur mandat. Des clauses trop avantageuses incitent à vendre l’entreprise ou à la quitter. Sans compter qu’elles ont rémunéré dans bien des cas (souvent publiés dans la presse d’aaires) l’échec, l’incompétence ainsi que des comportements déviants de certains dirigeants d’entreprise. Consécutivement à la crise nancière de 2008, toutefois, les excès liés à ces clauses semblent appelés à être réduits. En 2009, une enquête réalisée aux États-Unis montrait que 37 organisations répondantes avaient changé ou avaient l’intention de changer ces clauses au cours de la dernière année (Beker et Gerek, 2009). Dans une de ses prises de position, l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP, 2012, p. 59) recommande ce qui suit : « Un changement de contrôle de l’entreprise ne devrait pas déclencher l’acquisition automatique des droits aux programmes d’intéressement ; aucun aspect du programme de rémunération ne devrait constituer un incitatif pour les dirigeants à mettre la société en vente. »

11.1.7 Les gratications ou avantages divers Les dirigeants reçoivent aussi des gratications (perks) qui varient énormément quant à leur nature et à leur valeur selon leur secteur d’activité, la taille de leur organisation, etc. Il existe des gratications témoignant de leur statut privilégié au sein de l’organisation (par exemple, de grands bureaux luxueux, une place de stationnement réservée ou une salle à manger privée), à l’extérieur de l’organisation (par exemple, une automobile fournie par la société, voire un avion ou un bateau, un abonnement à divers clubs ou l’hébergement dans des hôtels) de même que des services liés à la vie personnelle (par exemple, des prêts avantageux, divers services de conseils nanciers ou légaux, l’aide à l’achat d’une maison, le paiement des frais de déménagement, le paiement des droits de scolarité des enfants ou la recherche d’un emploi pour la conjointe).

11.1.8 Des mesures d’encadrement : vers une tendance générale Les sous-sections précédentes ont montré que la gamme des composantes de la rémunération dont bénécient les dirigeants d’entreprise s’est étendue au cours des dernières décennies et que les montants en jeu ont augmenté de manière gigantesque. An de

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CHAPITRE 11

mieux encadrer les régimes de rémunération des dirigeants, des mesures ont été prises dans la plupart des pays occidentaux concernant les règles de divulgation et le vote des actionnaires, à l’égard de la rémunération des dirigeants d’une organisation dont les actions sont côtées à la Bourse.

Des règles de divulgation toujours plus précises et exigeantes

Pour en savoir plus sur les règles de divulgation de la rémunération des dirigeants

Avec les scandales nanciers qu’on a connus au début des années 2000 et sous la pression de diverses parties prenantes, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont suivi les modications sur la divulgation apportées en juillet 2006 par la Securities Exchange Commission (SEC) aux États-Unis et resserré les règles de divulgation depuis 2008. Le tableau 11.3 présente l’essentiel de ces modications. Il ne faut toutefois pas se leurrer : ces règles plus nombreuses ne se substituent pas à l’éthique. Aux États-Unis, les organisations publiques adoptent même des clauses de récupération (clawbacks) stipulant qu’un dirigeant peut avoir à rembourser un bénéce qu’il a reçu et qu’on juge ensuite inapproprié, non fondé ou reçu lors de cas particuliers (par exemple, lors de fraudes ou de malversations). Les règles de divulgation forcent maintenant les comités de rémunération et de resources humaines au sein des conseils d’administration à mieux décrire les principes et la philosophie de rémunération de même que les diverses composantes de la rémunération des dirigeants et à justier les moyens pris pour décider de leur montant, notamment la dénition de la performance et la mesure de celle-ci. Pour y parvenir, de nombreux consultants ont proposé des conseils en la matière, principalement sur la conduite des enquêtes de rémunération des dirigeants (voir, par exemple, Bout et Lane, 2011 ; Olsen et Tabaczynski, 2010 ; Hosken et Laddin, 2011).

Le vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants Ces dernières années, des pays comme les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont rendu obligatoire le vote consultatif des actionnaires à l’égard de la rémunération des dirigeants (say-on-pay) d’une organisation dont les actions sont côtées à la Bourse. En vertu d’une telle loi, les actionnaires peuvent dire, lors de leur assemblée, s’ils sont d’accord ou non avec le rapport fait par le comité de rémunération et des ressources humaines qui explique les décisions de rémunération (par exemple, la philosophie, les objectifs) et présente les composantes et les montants qui ont été versés l’année précédente. Ajoutons que ce vote est consultatif, les décisions en matière de rémunération des dirigeants restant sous l’autorité du conseil d’administration. Au Canada, la consultation des actionnaires n’est pas requise par la loi, mais un nombre croissant de sociétés, telles que les banques, le font sur une base volontaire. Adoptée à la suite des scandales nanciers des années 2000 et de la crise nancière de 2008, largement associés aux systèmes de rémunération des dirigeants jugés inadéquats, cette mesure vise à permettre aux administateurs d’avoir un certain impact — en faisant connaître leurs avis — sur les décisions que les conseils d’administration prennent à l’égard de la rémunération des dirigeants. Toutefois, et comme l’indiquent Mangen et Magnan (2012), selon toute vraisemblance cette pratique du vote des actionnaires n’est pas une panacée. Pire, elle peut avoir des eets non prévus ou plus négatifs que positifs. En outre, les composantes de la rémunération restent complexes, et un habile et convaincant rapport d’un conseil de rémunération, approuvé par les actionnaires, permet de mieux légitimer une rémunération excessive des dirigeants. Ensuite, certains petits actionnaires et surtout les gros investisseurs institutionnels (hedge funds) — qui s’opposent moins aux équipes de direction — peuvent être

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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TABLEAU 11.3 Présentation sommaire des modications apportées aux règles de divulgation

Éléments

Anciennes règles de divulgation (avant le 31 décembre 2008)

Nouvelles règles de divulgation (à partir du 31 décembre 2008, inclusivement)

Les cinq dirigeants dont • Chef de la direction • Similaires aux anciennes règles, mais basées sur la rémunération doit la rémunération totale directe (salaire, primes et • Chef des nances être divulguée RILT) plutôt que la rémunération totale en espèces • Les trois membres de la haute (salaire et primes). direction de la société les mieux rémunérés, exception faite du chef de la direction et du chef des nances, qui occupaient des postes de la haute direction à la n du dernier exercice et dont le total du salaire et des primes dépasse 150 000 $. Analyse de la rémunération

• Rapport du comité de rémunération

Graphique de performance

• Un graphique de performance

Tableau sommaire de la rémunération

• Présentation de la rémunération en

sur la rémunération des dirigeants qui inclut une description des politiques utilisées pour déterminer la rémunération des dirigeants.

présentant le rendement global aux actionnaires par rapport à un indice du marché considéré comme approprié par la société. espèces versée au cours des trois (3) dernières années (salaire et bonication) et les octrois eectués d’options d’achat d’actions et d’unités d’action restreintes (UAR).

• Dorénavant, les sociétés vont devoir commenter et analyser les éléments suivants : – la philosophie et les objectifs du programme de rémunération ; – les résultats que la politique de rémunération cherche à reconnaître ou à accomplir ; – chaque composante de l’enveloppe de rémunération de façon détaillée ; – le processus utilisé an de déterminer le niveau d’options d’achat d’actions octroyé et le rôle du comité de rémunération et des dirigeants dans ce processus ; – comment la société détermine les sommes ou octrois eectués et la formule utilisée, le cas échéant ; – les raisons qui ont amené la société à verser une rémunération sur les éléments d’intéressement ; – comment les primes versées rencontrent les objectifs de la rémunération adoptés par la société. • La société doit également présenter l’échantillon de comparaison sur lequel elle se base an de positionner la rémunération de ses dirigeants. • Finalement, les décisions prises par le comité de rémunération qui entreront en application l’année suivante, le cas échéant.

• En plus du graphique, la société doit aussi commenter la rémunération versée aux hauts dirigeants par rapport au rendement relatif de la société au cours de la même période.

• Deux changements importants ont été apportés : – présentation de la valeur des octrois à base d’actions et d’options en valeur de rémunération ($) plutôt qu’en nombre ; – introduction d’une colonne portant sur la valeur de constitution des arrangements de retraite encourue pendant l’année.

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CHAPITRE 11

TABLEAU 11.3 Présentation sommaire des modications apportées aux règles de divulgation (suite)

Éléments

Anciennes règles de divulgation (avant le 31 décembre 2008)

Octrois d’intéressement • Tableau des octrois à base d’actions et d’options d’achat d’actions eectués au cours de l’exercice. • Tableau des options/droits à la Plusvalue levés au cours de l’exercice et valeur des options/droits à Plusvalue, acquis et non acquis à la n de l’exercice.

Nouvelles règles de divulgation (à partir du 31 décembre 2008, inclusivement)

• Les tableaux précédents ont été remplacés par un tableau pour chaque dirigeant visé qui : – détaille chaque octroi d’options (nombre, prix de levée, date d’expiration et valeur marchande) ainsi que la valeur globale des octrois à base d’actions en cours à la n de l’exercice ; – représente la valeur globale des options et des octrois à base d’actions ainsi que les bonis en espèces acquis au cours de l’exercice.

Arrangements de retraite

• Présentation d’un tableau des régimes • Révision complète du tableau portant sur les éléments

Prestations en cas de cessation des fonctions et de changement de contrôle

• Description des modalités et des

de retraite concernant les plans à prestations déterminées ainsi que les caractéristiques propres au calcul des prestations.

de retraite an d’y inclure les obligations à l’égard des régimes à prestations et cotisations déterminées. • Présentation détaillée des diérents éléments des régimes de retraite an de permettre une compréhension complète de ces régimes.

• Présentation détaillée des prestations en cas de cesmontants de tout plan, arrangement sation des fonctions et de changement de contrôle compensatoire permettant à un pour chaque membre de la haute direction visé. membre de la haute direction visé • Tableau présentant la valeur des prestations que de recevoir plus de 100 K $ en cas de : pourrait toucher chaque dirigeant en supposant que – démission ; l’événement déclencheur ait eu lieu le dernier jour ouvrable de l’exercice de la société. – départ à la retraite ; – cessation des fonctions du membre de la haute direction ; – changement de contrôle ; – changement de fonctions suite à un changement de contrôle.

Source : Chartrand et Jauvin (2009). Les nouvelles règles de divulgation de la rémunération des cadres supérieurs et leurs impacts, CCH, Bulletin du Travail, vol. 11, no. 9

trop bien disposés à accepter des modes de rémunération risqués vu leurs eets à court terme sur le cours boursier, aux dépens de l’intérêt de l’organisation à long terme. Allaire et Firsirotu (2007) soulignent d’ailleurs plusieurs risques que l’émergence des fonds de couverture, avec leurs tactiques d’investissement orientées vers le court terme, fait courir au bien-être de l’économie. Par ailleurs, les décisions à l’égard de la rémunération relèvent des conseils d’administration et ces derniers ne doivent pas en venir à les prendre sur la base prépondérante de menaces ou de craintes de votes négatifs des actionnaires, ce qui irait à l’encontre de leur rôle de duciaire. Une recherche menée au Royaume-Uni, qui a adopté cette pratique en 2002, révèle que celle-ci n’a pas freiné l’augmentation de la rémunération des dirigeants, mais a plutôt uniformisé cette pratique en raison des exigences à satisfaire (étude citée dans Reilly, 2010). Dans une prise de position, l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP) estime qu’il n’est pas approprié d’imposer une démarche de vote consultatif à l’ensemble des entreprises canadiennes, un vote consultatif devant plutôt servir de mesure corrective dans des cas précis de rémunération problématique (IGOPP, 2010). Finalement, une telle mesure ne change pas le fait que les investisseurs votent peu et que, lorsqu’ils le font, il n’y a pas d’assurance que leur vote est compté (voir la rubrique « Regard sur la pratique »).

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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REGARD SUR LA PRATIQUE Une démocratie actionnariale basée sur un système de compilation bancal Selon David Masse, conseiller juridique principal chez CGI, un investisseur institutionnel s'est rendu compte que les votes associés à ses 14 millions d'actions d'une entreprise montréalaise n'avaient pas été comptabilisés. Computershare

estime que, en 2013, pas moins de 57 % des assemblées annuelles ont connu des problèmes de compilation de votes. Les caisses de retraite pressent les Autorités canadiennes en valeurs mobilières de procéder à un audit du système.

Source : Larocque (2014, p. 3).

11.1.9 La rémunération des dirigeants : mythes et réalité Au cours des dernières années, la rémunération globale des dirigeants d’entreprise s’est accrue de manière inégalée, radicale et sournoise. Cette sous-section vise à montrer comment cette escalade relève d’un entêtement à entretenir des mythes sur le sujet. Des recommandations sont aussi faites pour contrer ces mythes et résister au courant de la dérive3.

Mythe n° 1 : la performance des organisations est contrôlée par les dirigeants La performance des entreprises est due à bien des facteurs macroéconomiques et concurrentiels que ne contrôlent pas les dirigeants, et rémunérer ces derniers sur cette base ne leur donne pas plus le contrôle de ces facteurs. Par exemple, au Canada, entre 1998 et 2008, 90 % de l’évolution de la cote boursière des cinq grandes banques canadiennes s’explique par des caractéristiques du secteur bancaire, comme les taux d’intérêt faibles et un contexte macroéconomique favorable. En d’autres termes, au cours de cette décennie, moins de 10 % des diérences dans la performance boursière de ces banques canadiennes est attribuable à des facteurs propres à chacune d’elles, dont les décisions et les initiatives du PDG en place, mais aussi à une foule d’autres facteurs, comme leur personnel, leur clientèle, la localisation de leurs places d’aaires, etc. Pour certains, l’octroi massif d’options et d’actions aux dirigeants expliquerait la hausse de la Bourse au cours des 25 dernières années (voir, entre autres, Holmstrom et Kaplan, 2003). S’il est vrai que, depuis 1982, les marchés boursiers des États-Unis ont connu une meilleure performance que ceux du Japon et de l’A llemagne, l’inverse s’est produit au cours des 20 années précédentes, même si les sociétés américaines oraient déjà une rémunération variable (incluant les options et les actions) beaucoup plus importante que les entreprises japonaises ou allemandes. Lors de la crise des prêts à risque et du papier commercial en 2008, plusieurs organisations (notamment les institutions nancières) dont la rémunération des dirigeants est fortement liée à la performance boursière ont frôlé la faillite, leurs actionnaires perdant souvent presque toute leur mise. Enn, un simple regard historique sur les marchés boursiers canadiens montre que l’accroissement du cours des matières premières (pétrole, potasse, gaz, métaux, charbon, etc.) peut faire bondir la rémunération des PDG de nombreuses entreprises bien plus que la motivation que sont susceptibles de leur donner des régimes de rémunération variable. Même l’ancien président de la Banque centrale américaine (Federal Reserve), Alan Greenspan, reconnaît que la hausse des marchés boursiers au cours de la période 1992-2005 — qui a mené à l’augmentation burlesque de leur rémunération en raison des options — était largement inuencée par de multiples facteurs qui échappent au contrôle des PDG (comme le taux d’intérêt ou l’ination) (Greenspan, 2007). Rappelons 3. Cette section s’appuie sur des extraits résumés et mis à jour d’un texte de St-Onge et Magnan (2008b).

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CHAPITRE 11

aussi le krach boursier de l’automne 1987 qui a touché toute l’économie et sur lequel les dirigeants n’ont eu aucun contrôle non plus. Avec des options et des actions données, les dirigeants ne perdaient aucune liquidité (ils ne sont pas obligés de lever leurs options), alors que les investisseurs réels — qui, eux, paient leurs actions — voyaient leurs avoirs fondre. Au contraire, au vu du désastre, dont on reconnaissait qu’il échappait au contrôle des PDG, bon nombre de dirigeants se sont vu orir de nouveaux octrois d’options plus généreux et ont fait réviser à la baisse le prix de levée de leurs options an de rester motivés !

Mythe n° 2 : la rémunération des dirigeants doit être comparable à celle des vedettes Un dirigeant n’est pas comparable à un athlète, à un chanteur, à un comédien, à un acteur ou à un producteur de lms. Contrairement au PDG, la performance des vedettes est claire. On sait que c’est Tiger Woods qui frappe la balle et qui accumule des victoires au golf. On sait aussi que c’est Céline Dion qui est sur scène, qui chante et qui vend des disques et des billets de spectacles. La hausse des actions et des bénéces des organisations, par contre, résulte d’autres facteurs qui échappent à la maîtrise des dirigeants. Par ailleurs, les risques et les aléas de la vie et des performances des vedettes sont beaucoup plus élevés, sans compter que leur durée de vie « utile » est souvent bien plus courte. Les composantes de la rémunération des vedettes sont nettement plus limitées et moins complexes que celles des dirigeants. Si Céline Dion disparaissait demain matin, ce serait la n de ses enregistrements et de ses spectacles. Qu’un P.D.G. meure, quitte l’entreprise ou soit licencié, cette entreprise survivra et il sera vite remplacé, et même par une personne aussi compétente, sinon plus, que lui par un conseil d’administration. Ainsi, Borokhovich et ses collaborateurs (2006) montrent que la mort subite d’un PDG ou d’un dirigeant est liée à une augmentation de la valeur boursière, et ce, encore plus lorsque le conseil d’administration est indépendant, cela lui donnant l’occasion d’améliorer l’équipe de direction. En outre, alors qu’un imprésario négocie la rémunération des vedettes, c’est un conseil d’administration — composé d’administrateurs qui ne peuvent jamais être totalement indépendants parce qu’ils sont choisis et souvent rémunérés pour assumer leurs fonctions — qui décident de la rémunération des PDG. Finalement, les vedettes — comme les chercheurs, les athlètes et les artistes — ont des compétences exportables et plus directement et clairement « enrichissantes » pour d’autres parties comme des imprésarios, des publicitaires ou des commanditaires. De leur côté, des dirigeants d’entreprise ont des compétences plus contextuelles. La grande majorité d’entre eux occupent leur poste en raison de leur connaissance d’une industrie, d’une province et d’un pays, d’un réseau de relations, d’alliances politiques, etc.

Mythe n° 3 : les dirigeants doivent être rémunérés toujours davantage en fonction de la performance organisationnelle Une croyance largement véhiculée et légitimée au cours des dernières décennies consiste à croire aux vertus de la rémunération variable, qui serait toujours nécessaire et souhaitable. Ainsi, lorsque la performance organisationnelle augmente, la rémunération variable doit récompenser les PDG, et lorsqu’elle baisse, la rémunération variable doit les encourager à maintenir leurs eorts. Toutefois, les faits révèlent le paradoxe suivant : l’adoption croissante et de plus en plus poussée de programmes de rémunération variable pour le PDG n’entraîne pas nécessairement une meilleure performance organisationnelle. Ainsi, une analyse globale des résultats de plusieurs études montre qu’entre 5 % et 10 % de la rémunération des PDG s’explique par la performance de leur organisation et que 55 % de leur rémunération s’explique par

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

la taille de leur entreprise (Tosi et al., 1998). En somme, la rémunération des dirigeants est dans une large mesure fonction de la taille de leur entreprise et dépend très peu de la performance de leur entreprise. De fait, même si la majorité des entreprises rémunèrent de plus en plus leurs dirigeants au moyen de régimes basés sur la performance (à court ou à long terme), les résultats de centaines d’études4 — adoptant diverses méthodologies (des échantillons diérents, des mesures de performance variées, des composantes de la rémunération diérentes, etc.) — indiquent constamment un faible lien positif entre la performance organisationnelle et la rémunération des dirigeants, tant au Canada qu’aux États-Unis. Aussi, comme l’ont mis en avant Magnan et St-Onge (2005a), lorsque des conseils d’administration augmentent la portion variable de la rémunération des dirigeants, cela a manifestement un eet positif bien plus clair sur l’enrichissement personnel des dirigeants que sur la performance de leur entreprise. Ce paradoxe n’est certainement pas dû au fait qu’on n’a pas encore trouvé la « bonne incitation » et qu’il faut mettre au point une autre méthode de rémunération variable et l’ajouter aux précédentes qu’on conserve toujours, ce qui a caractérisé les dernières décennies. Soulignons également que ce n’est pas parce qu’on dit qu’un programme de rémunération d’un dirigeant est fonction de la performance qu’il l’est vraiment. En eet, les montants « cibles » de la rémunération variable à court terme sont quasiment toujours versés en totalité, devenant de ce fait une rémunération xe (Indjejikian et Nanda, 2002). Comme nous l’avons vu précédemment, les divers régimes d’intéressement à long terme ne font courir aucun risque de perte nancière aux dirigeants. Pire, l’expérience indique qu’une rémunération des dirigeants axée fortement sur la performance organisationnelle, surtout sur les incitations à long terme, est souvent associée à des erreurs dans les états nanciers, à des manipulations comptables et à des fraudes (Fogarty et al., 2009 ; Efendi et al., 2007 ; Harris et Bromiley, 2004 ; Johnson et al., 2003 ; Lee et al., 2006). En outre, plus on accorde une importance indue aux résultats (comme les bénéces ou les actions) en leur rattachant un potentiel élevé de rémunération variable, plus les dirigeants deviennent aveugles au caractère éthique et moral des moyens pris pour atteindre ces résultats (voir l’étude de Reynolds rapportée par Pfeer, 2006). En somme, à l’inverse de ce mythe, le temps est venu de diminuer la portion variable de la rémunération des dirigeants, notamment en restreignant davantage la part occupée par les divers modes d’incitations à long terme. Il ne s’agit pas ici de retirer toutes les incitations pécuniaires basées sur l’atteinte de niveaux de performance. Toutefois, il faut assurément revoir la nature et l’ampleur de la rémunération variable à la lumière des faits. Dans leur article intitulé « Oui, les cadres devraient être plus payés comme des bureaucrates », Frey et Osterloh (2005) démontrent, sur la base de plusieurs études, que l’eet net de la rémunération variable, surtout si elle est à long terme et même si elle est bien conçue, tend à nuire aux intérêts à long terme des organisations. Aussi, il importe que les organismes de réglementation (par exemple, la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance) révisent l’énoncé de certains de leurs principes ou de leurs recommandations en matière de rémunération des dirigeants. En eet, même si cela est contraire à leurs intentions, certaines de leurs prescriptions (qu’on enseigne dans les cours destinés aux administrateurs de sociétés) contribuent à alimenter les mythes à l’égard de la rémunération des dirigeants, et donc son escalade et ses excès pernicieux sur les organisations et sur la société en général.

4. St-Onge et Magnan (2008b) donnent les références de certaines de ces études.

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Pour en savoir plus sur la Coalition canadienne pour une saine gouvernance

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CHAPITRE 11

Mythe n° 4 : le contrôle de la rémunération des dirigeants passe par sa divulgation et la conduite d’enquêtes de rémunération Le Canada a adopté en 1993 le principe de la divulgation publique de la rémunération des dirigeants. En France, ce principe a été récemment voté. Pourtant, avec les scandales nanciers et la crise économique qu’on a connus dans les années 2000, les exigences en matière de divulgation se sont encore accrues partout en Amérique du Nord : on veut plus d’informations sur les objectifs, les principes ou la stratégie poursuivis, sur la manière dont les montants de toutes les composantes ont été estimés et l’on établit des règles sur le format de présentation des données. L’idée derrière ce principe est que la transparence de la rémunération permet un contrôle plus strict de celle-ci. Paradoxalement, c’est l’inverse qui se produit. Aux États-Unis, pays où les dirigeants sont les mieux payés du monde, la divulgation de la rémunération des dirigeants existe depuis 1950. Des études conrment que l’adoption de la divulgation obligatoire de la rémunération des dirigeants — tant au Canada qu’en Grande-Bretagne — a entraîné une accélération de l’augmentation de la rémunération octroyée aux dirigeants ainsi qu’une uniformisation à la hausse du type et de la valeur des composantes de la rémunération globale (Bourgeois et al., 1996a, 1996b ; Craighead et al., 1998, 2004 ; Ezzamel et Watson, 1998 ; Gélinas, 2001 ; Park et al., 2001). Pourquoi s’entête-t-on à demander de l’information alors que la comparaison entraîne manifestement la surenchère de la rémunération des dirigeants et ne mène certainement pas à la baisse de celle-ci ? Essentiellement, les dirigeants ont tout intérêt à faire revoir sur une base annuelle, et même continuelle, la compétitivité des multiples composantes de leur rémunération, car cela contribue directement à hausser leur valeur sur le marché. En eet, comme presque tous les conseils d’administration veulent payer entre le 50e et le 75e percentile, les ajustements des composantes de la rémunération mènent à une hausse constante de la moyenne ou la médiane du marché. Par ailleurs, le fait pour les dirigeants d’apprendre ce que d’autres dirigeants reçoivent de plus sur le marché accroît leurs attentes et les incite à demander davantage de façon à être aussi bien payés sinon plus payés que le marché (Park et al., 2001 ; omas et Martin, 1999). On fait souvent référence au « marché » lorsqu’on traite de la rémunération des PDG, un peu comme on le fait pour justier les salaires des autres emplois (techniciens, professionnels, etc.). Par contre, toutes les limites attribuées aux enquêtes dont nous avons traité dans le chapitre 4 s’appliquent aussi aux enquêtes de rémunération pour les postes de direction. Pire, toutes les étapes du processus d’enquête de rémunération des dirigeants sont davantage teintées de choix à caractère politique : la délimitation du marché géographique, les organisations à sonder (leur taille, leur structure, leur industrie, etc.), le choix des emplois comparables, les indicateurs de tendance centrale à privilégier (moyenne ou médiane), etc. De fait, le marché en question avec lequel on se compare ne correspond souvent qu’à une dizaine d’organisations de taille comparable et du même secteur triées soigneusement. Par ailleurs, on mandate souvent des consultants pour qu’ils fassent des enquêtes sur une composante ou sur un nombre très limité de composantes de la rémunération des dirigeants, souvent des composantes dont on pressent qu’elles sont inférieures à celles du marché. Dans ce contexte, chaque enquête indique où se situe par rapport au « marché choisi » une composante de la rémunération d’un dirigeant, sans toutefois donner d’information sur la compétitivité des autres composantes. Aussi, si une enquête montre que le salaire et les primes à court terme oerts à un PDG sont inférieurs à la médiane du salaire et des primes à court terme des 10 dirigeants de comparaison, cela ne signie absolument pas qu’il faille recommander une augmentation de son salaire et de ses primes à court terme. En eet, peut-être que ce dirigeant reçoit une rémunération variable bien plus élevée à long terme, un régime de retraite des plus avantageux, etc. Il

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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est déplorable de constater que les conseils d’administration se bornent à imiter ce qu’orent les autres entreprises « Le lien faible entre la rémunération des PDG pour légitimer leurs décisions, alors que leur responsabilité et la performance ne me dérange pas » est de « gérer » la rémunération des dirigeants en prenant Les employés et les investisseurs — et les commentateurs en considération bien d’autres principes, valeurs, etc. En désabusés — devraient arrêter de faire tout un plat avec outre, ils doivent tenir compte d’autres parties prenantes cela. Les cibles nancières et la valeur des actions reètent et d’autres principes d’équité, comme le principe d’équité plusieurs facteurs, comme les actions passées, la santé interne, en s’assurant que la rémunération de la direction de l’industrie et les changements macroéconomiques. ne dépasse pas un certain multiple de la rémunération de Pourquoi aligner la rémunération des dirigeants sur des ses employés de la base. résultats qui échappent en quelque sorte à leur maîtrise ? Que faire dans un contexte de transparence toujours plus Est-ce que les Yankees de New York, par exemple, devraient grande paradoxalement prôné pour limiter l’escalade de la réduire le salaire du gérant Joe Torre après leur défaite de rémunération, alors qu’en fait celle-ci ne fait que légitimer l’an dernier dans la Série mondiale contre les Red Sox de la poursuite de l’escalade ? On ne peut certes pas songer Boston ? Cela ne signie pas que les incitations n’ont pas leur place. Les incitations nancières devraient être suà retourner au « secret ». Par contre, étant donné que le santes pour communiquer de la reconnaissance et célébrer processus d’enquête sur la rémunération des dirigeants est les réalisations, mais pas trop élevées sinon elles risquent particulièrement subjectif et politique (par exemple, le choix d’entraîner de mauvais comportements. des organisations de référence retenues, de la composante de la rémunération analysée, de la société-conseil et du consul- Source : Extrait traduit de Pfeer (2005, p. 64). tant), ses résultats ne peuvent pas être rationnels et objectifs, et il faut les considérer à titre indicatif seulement. Les conseils d’administration doivent prendre les mesures suivantes : considérer les résultats des enquêtes avec plus de scepticisme, de prudence et de distance ; cesser de limiter leur rôle à celui d’un « copieur du marché » ou d’un « agent de conformité aux lois et aux règlements » en matière de divulgation seulement ; réduire la fréquence des enquêtes de rémunération ; et établir des ententes de rémunération sur une base à long terme. Pour accomplir leur devoir, les conseils d’administration doivent refuser de s’enliser dans cette démarche annuelle et établir des contrats avec les membres des équipes de direction sur une période plus longue de trois à cinq ans. Finalement, comme l’a proposé il y a une vingtaine d’années un consultant (Crystal, 1992), si, en faisant des enquêtes, le véritable objectif des conseils d’administration est de contrôler les coûts de rémunération, ils devraient penser à prendre une voie qui a été démontrée, celle de pourvoir davantage les postes de direction en faisant appel à des candidates. En eet, les études révèlent qu’historiquement l’arrivée des femmes dans un emploi ou une profession est signicativement liée à une baisse de rémunération.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT Les théories institutionnelle et symbolique Selon une perspective institutionnelle et symbolique, en décidant de la rémunération des PDG, les conseils d’administration tentent de répondre aux pressions de l’environnement et de se conformer aux pratiques de gestion jugées acceptables, souhaitables et légitimes. Aussi, on peut s’attendre à ce que les conseils d’administration soient davantage portés à imiter les actions des autres organisations dans ce domaine an d’être moins obligés de se justier. Sources : DiMaggio et Powell (1983) ; Meyer et Rowan (1977).

Mythe n° 5 : la rémunération des dirigeants est déterminée par des instances rationnelles, objectives et sans biais Au cours des dernières années, plusieurs balises ou lignes directrices ont été mises en avant en ce qui concerne la composition des conseils d’administration an d’en assurer l’indépendance, la compétence et la responsabilité (par exemple, la Bourse de Toronto,

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CHAPITRE 11

la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance). Ces règles portent surtout sur la proportion d’administrateurs externes, l’actionnariat des administrateurs, la taille des conseils d’administration, le fait que le PDG soit aussi président du conseil, la présidence des sous-comités, la rémunération du conseil et des dirigeants, etc. Aujourd’hui, les recherches montrent toutefois que ces règles n’ont pas l’eet attendu sur la qualité de la gouvernance (Finkelstein et Mooney, 2003). De nombreux facteurs compromettent l’indépendance et donc l’objectivité des administrateurs dans leur prise de décision, et il importe de les connaître.

Les liens entre les PDG et les administrateurs Les PDG et leur équipe de direction sont à l’origine de la nomination de 20 % des membres des conseils d’administration (Spencer Stuart, 2010). Aussi, près de 40 % des administrateurs des conseils d’administration aux États-Unis ont des liens nanciers, familiaux ou sociaux avec les PDG (Hwang et Kim, 2009), ce qui réduit leur impartialité. Comme la propriété des entreprises est bien plus concentrée au Canada, ce pourcentage devrait y être plus élevé. Ainsi que l’exprime Leonhardt (2006), on n’assiste pas à des négociations sur la rémunération, mais plutôt à des conversations amicales avec la direction et les conseillers externes (Bebchuk et Fried, 2004).

L’homogénéité et le réseautage Les conseils d’administration en Amérique du Nord restent une instance où l’on trouve très peu de diversité, soit 15 % des membres, sur le plan démographique (par exemple, présence de femmes, d’Africains, d’Asiatiques, d’Hispanophones) (Spencer Stuart, 2010). De plus, très souvent, les conseils d’administration sont composés de membres manquant d’hétérogénéité sur le plan professionnel, de sorte qu’ils sont susceptibles de partager les mêmes valeurs personnelles et sociales (Mangen et Magnan, 2012). En outre, pour prendre leurs décisions en matière de rémunération, ces administrateurs, assez semblables, retiennent dans une proportion de 78 % les services de consultants qui, dans 60 % des cas des sociétés américaines et canadiennes, viennent des grandes sociétés suivantes : Towers Watson, Mercer et Hewitt Associates (Murphy et Sandino, 2010). Par ailleurs, les administrateurs qui sont membres d’un comité de rémunération sont aussi membres, en moyenne, de trois autres conseils d’administration. Ce réseau alimente le phénomène d’imitation entre les entreprises et renforce le partage des mêmes valeurs, idées, croyances et mythes (Oliver, 1992) au sein des conseils d’administration. Ajoutons à cela le phénomène de la « pensée groupale » (group thinking) qui incite les administrateurs à moins penser de manière indépendante et critique, à rechercher l’unanimité dans leurs décisions (Forbes et Milliken, 1999) et à préférer le statu quo. Tous ces facteurs — homogénéité, réseaux d’administrateurs interreliés, partage des valeurs, etc. — font qu’il devient dicile de voir la réalité sous un autre angle, de faire valoir des points de vue diérents, etc. (Mangen et Magnan, 2012).

Les sources de pouvoir du PDG

Le contrat d’emploi des dirigeants des organisations s’avère très particulier. En eet, dans ce contrat d’emploi, les vendeurs de services que sont les PDG exercent un pouvoir d’inuence et de récompenses sur les acheteurs de services que sont les administrateurs membres de leur conseil d’administration. En raison de leurs expériences, de leur rémunération, de leur prestige personnel, de leur expertise, de leur personnalité, de leurs relations et de leur position comme présidents du conseil d’administration, les PDG exercent toujours un certain pouvoir sur les membres des conseils d’adaministration et sur les conseillers de rémunération qu’ils recrutent5, 5. Il n’y a pas si longtemps, bien des PDG embauchaient et rémunéraient eux-mêmes les conseillers externes qui devaient proposer leur nouvelle enveloppe de rémunération aux membres des conseils d’administration, qui ne voyaient là aucun problème. Comme quoi la gouvernance et la reconnaissance des conits d’intérêts ne vont pas de soi et constituent une question de contexte et d’époque.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

et donc sur leur propre rémunération. De nombreuses recherches montrent que plus la balance du pouvoir penche du côté des PDG, plus ils tendent à nommer des administrateurs passifs (respectueux de l’autorité et conants en elle) et plus leur rémunération est excessive6. Plus précisément, plus les conseils d’administration ont de pouvoir, moins la rémunération — tant à court terme (salaires et primes) qu’à long terme (options, etc.) — des dirigeants est élevée. À l’inverse, moins les administrateurs des conseils d’administration ont de pouvoir, plus la rémunération à court terme des dirigeants est élevée, et plus ils ont de possibilités de s’enrichir au moyen d’options. On peut expliquer ce résultat par le fait que plus les conseils d’administration ont de pouvoir, plus ils suivent de près les décisions d’aaires des dirigeants d’entreprise, plus ils négocient de manière serrée les conditions de leurs contrats de rémunération, et plus ils restreignent l’octroi d’incitations à long terme.

Les récompenses reçues par les administrateurs

Dans le secteur privé et encore plus dans les grandes organisations dont les actions sont négociées à la Bourse, les administrateurs sont portés à ressentir de la gratitude envers le PDG — et à renvoyer l’ascenseur — pour avoir été nommés à un poste d’administrateur — souvent prestigieux, assez lucratif et relativement peu exigeant — qui leur permet d’entrer en contact avec des personnes inuentes. Moriarty (2006) indique une rémunération moyenne de près de 180 000 $ annuellement pour les administrateurs des 200 plus grandes sociétés américaines, sans compter les nombreux autres privilèges, pour 20 jours de travail. Être membre d’un conseil d’administration peut être associé à plusieurs types de récompenses pour lesquelles des administrateurs peuvent se sentir redevables et qu’ils voudront préserver le plus possible : accès à des personnes inuentes, prestige personnel, bonication du curriculum vitæ, rémunération comme administrateurs, retombées sur les contrats de services professionnels ou les opérations commerciales avec leur entreprise, etc. Cela est d’autant plus probable que les dirigeants d’entreprise peuvent utiliser leur pouvoir de récompenses pour inuencer les membres de leur conseil d’administration.

Les conits d’intérêts parmi les administrateurs, notamment ceux qui sont PDG ou dirigeants d’autres sociétés Dans le secteur privé et encore plus dans les grandes organisations dont les actions sont négociées à la Bourse, les administrateurs sont en position de conit d’intérêts, puisqu’il est démontré que plus les PDG ont une rémunération élevée, plus les administrateurs de leur conseil d’administration sont payés (O’Reilly et al., 1988 ; Ezzamel et Watson, 1998). Cela va dans les deux sens : il est dicile pour des administrateurs (qu’on coopte) et qui acceptent des options de refuser d’en octroyer à la direction ! Les membres du conseil d’administration d’une société — qui occupent un poste de PDG ou de haute direction dans une entreprise comparable à cette société — sont aussi en conit d’intérêts. En eet, la rémunération du PDG et de l’équipe de direction qu’ils déterminent fera partie de la poignée d’entreprises comparables que leur propre conseil d’administration considérera pour établir leur propre rémunération (Hallock, 1997 ; Mangen et Magnan, 2012). Cette situation a des répercussions importantes parce qu’on perçoit que la gouvernance, même aux États-Unis, se trouve entre les mains d’un petit nombre de PDG d’entreprises siégeant réciproquement à leurs conseils d’administration (Davis et al., 2003), ce qui est encore plus évident au Canada.

Les coûts et les autres conséquences négatives des décisions non assumées

Les membres des conseils d’administration n’ont pas à payer « de leur poche » la rémunération qu’ils décident de verser aux dirigeants. Ce sont les investisseurs qui assument les coûts de leurs décisions, et souvent de futurs investisseurs, et ce, pendant plusieurs dizaines 6. Voir Beatty et Zajac (1994), Finkelstein et Hambrick (1989), Malette et al. (1995), Magnan et St-Onge (1997), Magnan et al. (2001), Mangen et Magnan (2012), Mehran (1995), O’Reilly et al. (1988), Sridharan (1996), Westphal et Zajac (1994, 1995), Yermack (1997).

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CHAPITRE 11

Pour en savoir plus sur les comités de rémunération et des ressources humaines

d’années à venir : il s’agit de penser aux coûts de l’intéressement à long terme (comme les options) ou à ceux des régimes de retraite couvrant non seulement les dirigeants, mais leurs conjoints. Une fois qu’on a mis au jour ces facteurs qui compromettent le jugement des administrateurs, que peut-on faire ? L’étude de Finkelstein et Mooney (2003) montre que la meilleure voie pour améliorer l’ecacité des conseils d’administration repose sur les actions clés suivantes : une sélection soignée des membres ; la mise en place d’une structure de gouvernance du conseil d’administration ayant de la substance ; la promotion d’un contexte propice à la tenue de réunions. Étant donné que dans les grandes organisations la question de la rémunération des dirigeants relève souvent du comité de rémunération et des ressources humaines du conseil d’administration, il importe de se soucier de la qualité des membres de celui-ci de la même façon qu’on tend à le faire pour les comités de vérication. Les administrateurs doivent s’interroger, se remettre en question, faire preuve de courage et de fermeté et posséder des habiletés de communication, de négociation et de persuasion. Dans la même veine, Allaire (2007) recommande aux administrateurs d’apprendre à négocier durement et habilement, ainsi que les PDG modernes le font. Pour cela, il faut répondre à la question de gouvernance suivante : en tant que membres d’un conseil d’administration d’une organisation ou en tant que membres du comité de rémunération et des ressources humaines d’une organisation, comment des dirigeants d’autres organisations ou des dirigeants à la retraite — qui sont souvent admissibles ou qui ont été admissibles aux mêmes largesses — peuvent-ils négocier sans biais la rémunération des dirigeants de cette organisation ? Comment éviter ou limiter les renvois d’ascenseur, surtout au Canada où la propriété des entreprises, qui est particulièrement concentrée, favorise l’« eet de cliques » ?

Mythe n° 6 : la rémunération doit être compétitive pour attirer les dirigeants talentueux sur le marché externe Les processus actuels visant à pourvoir les postes de PDG sont marqués par des conits d’intérêts, des mouvements de « chaises » continus et des administrateurs, souvent des PDG d’autres sociétés (interlocking boards of directors), qui choisissent le candidat retenu et ses conditions de rémunération. Tous ces facteurs favorisent autant, sinon plus, la réciprocité des contrats de rémunération que les habiletés des PDG (Harris, 2006). Par ailleurs, de nombreux conseils d’administration justient ce qu’ils orent aux PDG canadiens en faisant des comparaisons avec les conditions qui sont accordées à des PDG américains, alors qu’en réalité très peu de PDG canadiens peuvent ou veulent partir pour les États-Unis. De fait, le marché de l’emploi des dirigeants d’entreprise est rarement aussi vaste qu’on le prétend, car leur expertise repose sur la connaissance d’un réseau et d’un contexte d’aaires souvent propres à un pays ou à une province. Comme l’indiquent Lucier et ses collaborateurs (2006), il faudrait voir les choses sous un autre angle et considérer que si un PDG mécontent décide de quitter l’entreprise, c’est plutôt lui qui risque de ne pas être en mesure de trouver des conditions similaires ou plus avantageuses à la tête d’une autre société. Notons que les études montrent que le recrutement de dirigeants à l’extérieur de l’organisation exerce une pression à la hausse sur la rémunération sans qu’il y ait de lien avec la performance (Pfeer, 2006 ; Wade et al., 2008), alors qu’historiquement les PDG qui ont amené leur entreprise à atteindre des niveaux de performance exceptionnelle ne sont pas des PDG-vedettes à l’ego envahissant, mais des personnes modestes, discrètes, méconnues et souvent promues à l’interne et rémunérées sans excès (Collins, 2006). Selon Pfeer et Sutton (2006c), plutôt que de tenter de recruter les meilleurs dirigeants, les conseils d’administration devraient chercher à éviter les mauvais leaders parce qu’il est clair que ces derniers peuvent aggraver considérablement la performance des entreprises

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

par des actions qui augmentent la rotation du personnel, diminuent la motivation de celui-ci, encouragent le mensonge et le vol, etc. Pour remédier à cette situation, il faudrait revoir le processus de sélection des dirigeants, pourvoir les postes en privilégiant les promotions internes et établir des plans de relève et de succession. Pour contrôler la rémunération des dirigeants, les conseils d’administration devraient se préoccuper d’adopter et de gérer un plan de relève ou de succession — ce que la plupart des conseils négligent de faire — plutôt que de mandater des chasseurs de têtes dont les honoraires seront fonction de la valeur de la rémunération qui sera versée au candidat externe retenu.

Mythe n° 7 : les dirigeants ne pensent qu’à s’enrichir La réalité est souvent bien diérente. Les dirigeants n’ont pas besoin de régimes complexes et abusifs pour être motivés et récompensés équitablement. C’est à se demander comment les dirigeants des sociétés d’État, dans les milieux coopératifs et sans but lucratif ainsi que dans les petites organisations, qui n’ont pas accès aux options ni à autant de largesses, peuvent être autant motivés au travail. Au contraire, l’histoire regorge de cas de dirigeants d’entreprise du secteur privé qui se sont avérés des modèles d’inspiration et d’humilité dans lesquels le personnel pouvait avoir conance et qui ont grandement contribué au bien-être de leur société. Certains dirigeants refusent d’être payés avec des options, d’autres tiennent à ce que leur rémunération ne dépasse pas un certain multiple de la rémunération de leur employés de la base, d’autres encore remettent même en question le caractère éthique de leur propre rémunération. Ainsi, en 2011, Emmanuel Faber, l’un des dirigeants de la société agroalimentaire Danone, écrivait : « Les fondements de la loi du marché ne sont plus susants pour me mettre à l’aise avec les sommes qui transitent sur le compte en banque familial. Que cette loi l’inonde chaque mois de liquidités qui représentent des années de salaire des gens que je croise tous les jours dans la rue ou dans mon travail est une réalité qu’il n’est pas évident de justier » (cité dans Galambaud, 2013, p. 101). Il fut un temps pas si éloigné où la grande majorité des PDG semblaient motivés à bien faire leur travail sans recevoir d’options, en échange d’un excellent salaire, de primes raisonnables et d’une retraite libre de soucis, mais sans abus. On peut se demander pourquoi, au cours des 40 dernières années, les PDG en sont venus à accepter et à vouloir qu’on les rémunère toujours plus (et donc qu’on les perçoive et qu’on les traite) suivant la prémisse qu’ils sont des êtres égoïstes et de moins en moins compétents, puisqu’il faut recourir de plus en plus à des régimes de rémunération variable pour les contrôler et leur indiquer la direction de leurs eorts dans leur poste. Comment en sommes-nous arrivés là ? Il faudrait s’interroger sur les prémisses des enseignements et de la recherche en gestion, notamment ceux qui s’appuient sur la théorie de la délégation (agency theory). Pour comprendre l’importance d’apporter des correctifs, rappelons le contexte et le but de la création des écoles de gestion en Amérique du Nord vers la n du e siècle. Khurana (2007) indique que les écoles de gestion — comme Wharton, Harvard ou Chicago — ont été créées an d’ouvrir les horizons des dirigeants et des gestionnaires, de leur permettre de porter leur réexion au-delà des considérations techniques et de leur faire prendre conscience du fait que, outre les considérations nancières, l’entreprise joue un rôle social. En d’autres termes, on voulait élever la gestion au rang de profession au service de la société, au même titre que la médecine ou le droit. À cette époque, des concepts tels que le devoir, les responsabilités, la responsabilisation, la conance ou le respect mutuel prenaient tout leur sens et devenaient les points de repère ou les fondements de l’enseignement de la gestion. Or, ces qualités de duciaires attendues des dirigeants ont presque disparu de la plus grande partie de l’enseignement et de la recherche sur la rémunération des dirigeants. En

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CHAPITRE 11

eet, depuis le début des années 1970, l’enseignement et la recherche en gestion s’appuient davantage sur les prémisses de théorie de l’agence7 (Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen et Murphy, 1990) pour comprendre comment traiter les dirigeants « gestionnaires », lesquels sont toujours plus nombreux dans l’économie, comparativement aux dirigeants qui sont à la tête d’une entreprise qu’eux ou leur famille ont fondée. Khurana discute des conséquences corrosives du discours émanant de la théorie de l’agence. Selon cette théorie, qui a été conçue par des économistes dans les années 1960, étant donné que, d’une part, les dirigeants sont tentés de se servir de leur position privilégiée an de maximiser leur bien-être personnel, quitte à prendre des décisions qui réduisent la richesse des actionnaires, et que, d’autre part, les actionnaires ne sont pas en mesure de surveiller de près leurs comportements, il est nécessaire d’adopter des programmes de rémunération variable à l’intention des dirigeants an qu’ils alignent leurs intérêts sur ceux des actionnaires (Jensen et Meckling, 1976 ; Fama, 1980). C’est à croire que l’on parle des dirigeants comme on parlait des ouvriers au début du e siècle avec le déploiement du taylorisme (voir le tableau 11.4). Une autre prémisse de la théorie de l’agence entretient le mythe précédent selon lequel la création de valeur pour les actionnaires est la seule, sinon l’ultime, raison d’être de l’entreprise. En d’autres termes, la quasi-totalité des enseignements dans certains départements universitaires et des recherches publiées dans de nombreuses revues scientifiques postulent que les dirigeants sont des opportunistes qu’il faut soudoyer pour qu’ils se préoccupent des intérêts des actionnaires ou qu’ils sont des mercenaires à la solde d’intérêts nanciers dont la perspective est souvent à très court terme (Khurana, 2007). Pourtant, l’histoire nous a appris que, en parcellisant le travail des ouvriers et en les rémunérant à la pièce en se fondant sur l’idée qu’ils étaient paresseux, cela les incitait justement à le devenir. En rémunérant les dirigeants suivant la mentalité de la rémunération à la pièce, où l’on présume également qu’ils sont paresseux, égoïstes et pas assez brillants pour concentrer leurs eorts dans la bonne direction, ne les incite-t-on pas à agir de la sorte ? Cette prémisse incite aussi les analystes nanciers à exercer une pression indue à court terme sur les dirigeants d’entreprise qui a des eets pervers : dès qu’un des indicateurs de performance ne s’améliore pas, la prévision ou la demande du remplacement potentiel du PDG est exprimée dans les médias, ce qui encourage les dirigeants — et même les experts en comptabilité auxquels ils versent des honoraires — à s’adonner à des manipulations des données nancières (Alston, 2006). Il devient très important pour les PDG d’atteindre les résultats, non seulement pour gagner plus, mais aussi pour préserver leur image et, par le fait même, leur capacité de rester dans le peloton des dirigeants « performants » an d’assurer leur avenir. Du coup, cette prémisse incite les TABLEAU 11.4 Un parallèle entre le taylorisme et la théorie de l’agence

La prémisse du taylorisme envers les ouvriers au début du xxe siècle

La prémisse de la théorie de l’agence envers les dirigeants à la n du xxe siècle et au début du xxe siècle

• Les ouvriers ont un penchant à la paresse.

• Les dirigeants ont un penchant à utiliser

• Le salaire selon le rendement permet de

leur position privilégiée pour maximiser leur bien-être personnel. • La rémunération variable permet d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires.

lutter contre les temps morts découlant de la tendance des ouvriers à âner.

7. Certains la qualient aussi de « théorie de la délégation ».

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

dirigeants et les analystes nanciers à justier ou à rationaliser le discours de la suprématie de la mesure de la performance boursière et nancière sur toutes les autres mesures de performance, tout comme la suprématie des actionnaires sur toutes les autres parties prenantes. Aussi, cette théorie, en évacuant des notions comme le respect mutuel dans les organisations, les responsabilités duciaires des dirigeants envers les actionnaires et l’entreprise dans son ensemble ainsi que le rôle de l’entreprise dans la société, a transformé les dirigeants en agents libres, ou en mercenaires (hired hands), avec les attitudes et les comportements qui s’ensuivent. Même Murphy, un économiste qui recommandait de rémunérer les dirigeants selon les prémisses de la théorie de l’agence, constatait en 1999 : « Quoique soit bien documenté le fait que les PDG (et les autres employés) réagissent de manière prévisible à des modes de rémunération dysfonctionnels, il s’avère plus dicile de démontrer que le recours accru aux incitations basées sur la valeur boursière a mené les PDG à travailler plus fort, de façon plus intelligente et davantage dans l’intérêt des actionnaires » (p. 2 555 ; traduction libre). Sur la base de la théorie psychoéconomique de Bénabou et Tirole (2006), résumée dans la rubrique « Une théorie d’intérêt » (voir aussi la sous-section 7.2.2 dans le chapitre 7), on peut penser que plus la rémunération des dirigeants est importante, moins la population percevra ceux-ci comme voulant contribuer à la société, et plus elle les percevra comme motivés par l’appât du gain. En eet, les décisions à l’égard de la rémunération des PDG donnent des informations ou des signaux sur la façon dont la société conçoit leur travail. Les modes de rémunération adoptés changent aussi la manière dont les dirigeants conçoivent leurs rôles étant donné qu’ils inuencent les normes sociales au sein des organisations et de la société en général. En outre, il est possible que les excès constatés dans la rémunération des dirigeants d’entreprise fassent aujourd’hui fuir les meilleurs candidats véritablement intéressés par le bien collectif parce qu’ils ne veulent pas être considérés comme des personnes attirées seulement par l’argent. On risque même de dégoûter les meilleurs et les bons successeurs au prot de candidats qui sont sans gêne et sans scrupules, à l’image des prémisses des modes de rémunération adoptés à leur égard. Dans le même ordre d’idées, Ghoshal (2005) recommande que les écoles de gestion cessent d’enseigner certains concepts, dont ceux liés à la théorie de l’agence, car ils donnent aux futurs gestionnaires et dirigeants une vision fausse de la réalité qu’ils auront à gérer, ce qui les amènera à adopter des pratiques potentiellement néfastes au bien-être à long terme

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie psychoéconomique : pourquoi ne pas payer pour inciter les gens à donner du sang ? Selon cette théorie (Bénabou et Tirole, 2006), l’adoption de comportements prosociaux (par exemple, donner du sang, faire du bénévolat, agir pour la communauté) dépend de trois motifs ou incitations qui interagissent entre eux : la motivation intrinsèque (le plaisir qu’on reçoit à donner), la motivation extrinsèque (les biens ou l’argent reçus en échange) et la réputation (l’image de soi que l’on veut projeter aux autres et à soi-même). Ainsi, le fait d’orir plus d’incitations extrinsèques peut diminuer la motivation intrinsèque et modier le gain d’image lié à un comportement prosocial (motivation liée à la réputation). Par exemple, si l’on rémunère le don de sang dans une société, il est probable que, plutôt que d’inciter davantage les personnes à donner du sang, elles seront moins tentées d’en donner, car le sens de ce geste change à leurs propres yeux (il devient un échange économique qui procure moins de plaisir). En outre, elles ne veulent pas que leur entourage pense qu’elles donnent du sang pour de l’argent, pas plus qu’elles ne veulent penser d’elles-mêmes qu’elles le font pour de l’argent.

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CHAPITRE 11

de la société. Comme il le dit, « de mauvaises théories de gestion détruisent les bonnes pratiques » (traduction libre). Si certaines idées contenues dans la théorie de la délégation peuvent être utiles selon les circonstances, il reste qu’il s’agit d’une conception très simple, abstraite et peu élogieuse de l’humain. Il semble paradoxal que de nombreuses institutions d’enseignement et des recherches en gestion postulent qu’on ne peut faire conance aux dirigeants des organisations parce qu’ils sont foncièrement motivés par la satisfaction de leurs propres intérêts. Il est pour le moins surprenant que cette perspective théorique ait pris autant d’importance dans l’enseignement et la recherche dans le domaine de la gestion de la rémunération dans la seconde moitié du e siècle. Les défenseurs de la théorie de l’agence diront que les abus dans la rémunération des dirigeants sont justement la preuve qu’ils se comportent comme le postule cette théorie et que les conseils d’administration ne jouent pas leur rôle de duciaires, un rôle qui exige d’utiliser la rémunération variable an de s’assurer que la rémunération est alignée sur les intérêts des actionnaires, et le débat, la spirale et l’escalade se poursuivent ! Inévitablement, la prédominance du discours inspiré de la théorie de l’agence, répété auprès de plusieurs générations d’étudiants, de professeurs, de chercheurs, de gestionnaires et de dirigeants, colore les perceptions et les discours sur la gouvernance et la gestion de la rémunération des dirigeants. De toute évidence, certains dirigeants sont opportunistes et réussissent à obtenir une rémunération excessive. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces traits sont inévitables, et même qu’ils sont requis pour pourvoir un poste de direction. C’est une chose de dire que certains dirigeants sont davantage préoccupés par leurs propres intérêts, c’en est une autre de postuler que tous les dirigeants sont motivés par leurs intérêts personnels et qu’il faut tous les contrôler par la rémunération variable pour les amener à se préoccuper d’autres intérêts que les leurs. En dénitive, il importe de reconnaître l’existence des mythes qui ont été décrits, lesquels, s’ils persistent, sont susceptibles d’entretenir les situations suivantes : • la poursuite de l’escalade de la rémunération des dirigeants en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde en raison de la mondialisation des aaires ; • l’écart croissant des richesses dans les sociétés entraînant tous les problèmes éthiques, sociaux et organisationnels que l’histoire nous enseigne ; • l’éloignement accru des dirigeants d’entreprise, qui vivront de plus en plus déconnectés, retranchés et menacés dans leurs bureaux, leurs villas et « leur monde » sous la protection de gardes du corps, d’avocats, d’outils de surveillance toujours plus sophistiqués. Pour les organisations, ces conséquences sont aussi inquiétantes. Les contrats de rémunération des dirigeants des organisations publiques sont trop souvent en porte-àfaux avec tout discours prônant l’engagement, la mobilisation et le respect des employés ainsi que les intérêts des actionnaires. L’abus des montants et des privilèges — quels que soient les eorts pour les légitimer — alimente le cynisme, le scepticisme, la fraude parmi les employés et la population, qui inévitablement tiennent compte de la rémunération et des comportements des dirigeants pour évaluer l’équité de leur propre rémunération (Wade et al., 2006) et déterminer leurs comportements au travail et la qualité de leur travail (Cowherd et Levine, 1992 ; Siegel et Hambrick, 2005). Une prise de position de l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées (IGOPP, 2012, p. 12) fait d’ailleurs une recommandation en ce sens : « Les conseils d’administration des sociétés cotées en Bourse devraient établir un rapport juste et productif entre la rémunération totale des dirigeants et le revenu médian des salariés de l’entreprise. »

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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D’un point de vue sociétal, les conséquences de cette problématique sont préoccupantes. Diamond (2005) indique que les comportements et les décisions des élites sont déterminants dans le succès ou l’eondrement d’une société humaine. Son analyse de civilisations qui ont disparu alors qu’elles semblaient au faîte de leur puissance révèle que leurs élites politiques, religieuses ou d’aaires bénéciaient de pratiques nuisibles à la société et à l’environnement et n’avaient pas à rendre compte de leurs actions. Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montre combien la part des revenus détenus par les 1 % les plus riches par rapport aux revenus du reste de la population s’est accrue entre 1981 et 2012 dans la plupart des pays : par exemple, au Canada, ce pourcentage est passé de 8,1 % à 12,2 % (Dubuc, 2014). Pour freiner cette tendance, l’OCDE suggère l’élimination de privilèges scaux à l’égard de revenus ou de déductions qui protent plus aux riches et une concertation accrue entre pays pour s’attaquer aux rémunérations excessives des dirigeants. C’est ce que les Suisses ont voulu rappeler aux dirigeants des entreprises en 2013 (voir la rubrique « Le coin de la loi »).

LE COIN DE LA LOI

Le vote des Suisses contre certaines composantes de la rémunération des dirigeants

Le 3 mars 2013, avec 68 % des voix exprimées lors d’un référendum, les Suisses ont appuyé un texte « contre les rémunérations abusives » visant à ajouter un alinéa à la Constitution fédérale pour obliger toutes les sociétés

11.2

anonymes suisses à faire voter l’ensemble des rémunérations des dirigeants et à interdire les indemnités de départ, les primes d’attraction ainsi que les primes d’achat ou de vente d’entreprise.

La rémunération du personnel de vente

La gestion de la rémunération du personnel de vente se distingue souvent par le fait qu’elle relève de la responsabilité du directeur des ventes ou du premier responsable du marketing, et non pas du directeur des ressources humaines (ou de la rémunération) de l’organisation. Certes, la direction des ventes élabore les programmes de rémunération des vendeurs en consultant les experts en nances, en gestion des opérations et en technologies de l’information an de s’assurer d’obtenir leur appui. Par contre, il importe que les professionnels des ressources humaines fassent valoir leur valeur ajoutée pour bien gérer la rémunération du personnel de vente, notamment leur expertise ou leur connaissance de la rémunération oerte aux autres catégories de personnel, de la conduite des enquêtes de rémunération, des exigences légales et des opinions des vendeurs (entre autres celles exprimées lors de la conduite des entrevues d’embauche et de départ) (Albrecht, 2010). En outre, les professionnels des ressources humaines doivent améliorer leur connaissance des produits, des clients, du processus de vente et des rôles des vendeurs au sein de l’organisation, et il leur faut poser les bonnes questions. Cette section vise à les aider à cette n. Après avoir déni ce qu’est le personnel de vente, nous traiterons de la gestion des changements à l’égard de leur rémunération, de l’importance relative de leur rémunération xe et variable, des composantes de leur rémunération variable ainsi que des conditions à respecter pour rendre le plus ecace possible les modes de rémunération des vendeurs.

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CHAPITRE 11

11.2.1 Les particularités du personnel de vente et de leur rémunération Certains experts estiment qu’un emploi de vendeur exige que son titulaire soit en contact avec des clients et que son rôle principal consiste à persuader le client d’agir (Cichelli, 2004). Le personnel de vente répond aux particularités suivantes (Darmon, 2000) : • Il assure souvent le contact entre le client et l’entreprise ; pour le client, il est le fournisseur, alors que pour bien des employés de l’entreprise, il est le client ou son intermédiaire. • Il est souvent tenu pour responsable, à tort ou à raison, du chire d’aaires dans son territoire. • Il travaille généralement en dehors de l’entreprise, sans encadrement ni observation directs, et bénécie d’une certaine autonomie. • Il doit souvent faire face à des refus de la part des clients, ce qui rend son travail très dicile sur le plan psychologique (estime de soi) et accroît le taux de rotation dans l’entreprise. • Il tend, en matière d’équité, à comparer ses gains avec ceux qu’il croit faire réaliser à son employeur. Comme pour les autres membres du personnel, les vendeurs reçoivent souvent un salaire et sont admissibles à des régimes collectifs de rémunération variable (par exemple, la participation aux bénéces ou l’achat d’actions) et aux régimes d’assurance collective et de retraite de l’employeur. Toutefois, la rémunération totale de la force de vente se distingue par la nature d’autres composantes, notamment la rémunération variable comme les commissions ou les primes individuelles ou d’équipe, la participation à des événements de reconnaissance (comme des galas) ou des récompenses pour des rendements exceptionnels, l’admissibilité à un programme de remboursement de dépenses et à des gratications particulières.

11.2.2 La gestion des changements dans la rémunération du personnel de vente Les dirigeants d’entreprise changent régulièrement les modes de rémunération de leur personnel de vente pour diverses raisons : pour les aligner davantage sur les objectifs d’aaires, sur la stratégie de marketing et sur les objectifs de ventes ; pour mieux les adapter aux caractéristiques du travail des vendeurs ; pour attirer et retenir les meilleurs vendeurs ; pour récompenser des mesures diérentes ou supplémentaires de rendement ; pour contrôler les coûts. Lorsque les programmes de rémunération présentent certains problèmes, on a souvent tendance à vouloir modier ces programmes avant même d’avoir analysé leurs causes. À titre d’exemple, le tableau 11.5 liste un ensemble de symptômes et de ce qu’ils peuvent signier.

REGARD SUR LA PRATIQUE Les changements continuels apportés à la rémunération des vendeurs Une enquête menée par WorldatWork et e Alexander Group inc. montre que plus de 90 % des organisations apportent des changements à leurs programmes de Source : Cichelli (2012, p. 27).

rémunération des ventes sur une base annuelle. Au moins, 70 % d’entre elles font des changements substantiels et de 10 % à 12 % disent procéder à des révsions majeures.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

TABLEAU 11.5 Les symptômes des programmes de rémunération

et leur signication possible Symptômes

Signication

«Nous devons accroître les ventes.»

Le marché peut avoir changé au l du temps. Est-ce que les programmes de rémunération des ventes permettent d’y répondre ?

«Nous voulons davantage faire la vente de solutions (stratégie).»

Pour se diérencier, l’entreprise devrait peut-être vendre de la valeur plutôt qu’un produit. Le programme de rémunération est-il adéquat à un processus de vente plus complexe et au cycle de vente ?

«Le taux de désabonnement nous nuit énormément.»

Dans le passé, l’entreprise peut avoir mis l’accent sur l’acquisition de nouveaux clients sans déliser sa clientèle. Le programme de rémunération favorise-t-il la rétention des clients, la pénétration de nouveaux marchés et l’acquisition de nouveaux comptes clients ?

«Nous combattons les conits entre les canaux.»

L’entreprise pourrait avoir ajouté de nouveaux canaux (par exemple, la vente directe, des distributeurs, des revendeurs) pour alimenter la croissance sans considérer le risque que ces diérents canaux se concurrencent pour faire des ventes aux mêmes clients au risque d’engendrer une baisse des prix. Le programme de rémunération favorise-t-il l’alignement des comportements ?

«Nos représentants doivent apprendre à vendre en équipe (ou vente croisée).»

L’organisation du travail peut avoir incité la vente indépendante d’une seule gamme de produits. Plusieurs groupes devraient coordonner leurs eorts en fonction des possibilités combinant divers clients et produits. Le programme de rémunération motive-t-il les représentants à faire ce qui est bon pour l’entreprise ?

«Nous devons mettre en place une culture de vente.»

Après avoir connu un marché à maturité ou une industrie réglementée, l’entreprise vit dans un environnement concurrentiel. Le programme de rémunération favoriset-il la poursuite d’une stratégie de vente ?

«Nos représentants les mieux rémunérés ne sont pas les plus performants.»

Le programme est-il conçu pour permettre de diérencier la rémunération sur la base de mesures de performance clés (par exemple, axer la rémunération sur la croissance plutôt que sur la clientèle de base) ?

«On ne comprend pas la rémunération. Nous avons besoin de simplicité.»

Avec des produits et des priorités variés, le programme de rémunération est-il devenu trop complexe en termes de mécanique et de mesures de performance ?

«Notre plan de commissions est trop généreux et nous devons réduire la taille des territoires de vente.»

Après être passé d’une croissance rapide à un stade de maturité, le plan de commissions est lié aux revenus provenant de la clientèle actuelle, mais il ne prend pas assez en considération la croissance de nouveaux marchés. Ce plan tient-il compte des rôles du personnel dans chacun des territoires de ventes ?

Source : Traduit de Donnolo (2005, p. 58).

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Un plan de rémunération qui encourage les ventes inappropriées Steven Slutsky, un consultant chez PricewaterhouseCoopers, cite le cas d’une société-conseil en technologie qui constate qu’elle ne vend plus la gamme de ses services parmi les unités d’aaires de ses clients, que les incitations pécuniaires à l’égard des ventes augmentent mais que ses bénéces diminuent. En analysant son plan de rémunération des ventes, elle constate que, comme elle avait bonié les récompenses pour les ventes aux nouveaux clients, ses vendeurs ne prenaient plus le temps d’entretenir leurs relations avec les clients et de développer les ventes croisées parmi les clients actuels ; ils cherchaient plutôt à trouver de nouveaux clients pour maximiser leur rémunération. En somme, an de diminuer les coûts de ses ventes et d’augmenter ses bénéces, l’entreprise encourageait l’adoption de comportements parmi son personnel de vente qui n’étaient pas cohérents avec sa stratégie de pénétration des marchés. Source : Extrait traduit de Slutsky (2012, p. 34).

FIGURE 11.1

À cet égard, Donnolo (2005) propose un cadre stratégique à analyser allant de la direction (la détermination de la stratégie des ventes) à l’organisation (la planication de la couverture du marché), à l’exécution (l’élaboration du processus de vente et des régimes de rémunération des ventes) et aux systèmes d’appui (les outils et les processus) (voir la gure 11.1). Dans cette perspective globale et intégrée (verticalement et horizontalement) et an de s’assurer que les changements apportés à la rémunération variable du personnel sont appropriés, Slutsky propose d’analyser la rémunération variable selon un processus de rémunération incitative qui porte sur huit aspects (voir la gure 11.2). Ainsi, avant de modier un programme de rémunération, il faut s’assurer que l’organisation du travail des postes de vente est eciente. En outre, on recommande que soit consacré à la vente de 35 % à 45 % du temps de travail, sinon il faudra réduire le nombre d’actions qui ne sont pas rattachées à la vente ou le temps qui est consacré à celle-ci (Cichelli, 2008). Il faut aussi veiller à la qualité de l’attribution et de la gestion des territoires et des quotas de ventes et établir le lien avec les programmes de rémunération destinés aux représentants commerciaux.

Le système de gestion de la croissance des ventes

Source : Traduit de Donnolo (2005, p. 58).

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

FIGURE 11.2

537

La conception d’un processus de rémunération incitative

Source : Traduit de Donnolo (2005, p. 60).

11.2.3 L’importance relative de la rémunération variable et de la rémunération xe Selon les caractéristiques de l’emploi, des produits et des services ainsi que du contexte de travail des employés, le dé consistant à orienter leurs eorts et leurs comportements an de les aligner sur les intérêts de l’entreprise et des clients peut être plus ou moins important. Pour orienter les eorts de l’équipe de vente vers les intérêts de l’organisation — par exemple, vers la vente des produits les plus rentables, vers le développement de la clientèle ou vers la vente dans des industries particulières —, il est souvent nécessaire de rémunérer les activités ou les résultats jugés prioritaires. On parlera alors d’une combinaison de la rémunération variable et de la rémunération xe. Cette combinaison de la rémunération qualie la relation entre le salaire de base et les composantes incitatives de la rémunération des vendeurs. Par exemple, un programme 90/10 correspond à 90 % de la rémunération en salaire de base et à 10 % de la rémunération en possibilités d’augmentation du revenu. La majorité des entreprises utilisent une rémunération mixte combinant une portion xe (le salaire de base) avec une portion variable, pouvant inclure des commissions et des primes. Comme le montre le tableau 11.6 à la page suivante, le pourcentage relatif de rémunération xe et de rémunération variable change selon les diérents types d’emplois de vente. Selon Coletti et Cichelli (1991), il existe quatre types de vente, allant de celui qui requiert le moins de mesures incitatives à celui qui en requiert le plus : le maintien des ventes, soit la vente de produits établis à des clients existants ; la conversion des ventes, c’est-à-dire la vente de produits établis à de nouveaux clients ; les ventes par inuence, soit la vente de nouveaux produits à des clients existants ; et les ventes sur un nouveau

Commission (sales commission) Pourcentage des ventes, pourcentage du bénéce brut des ventes ou somme d’argent par unité vendue.

538

CHAPITRE 11

marché, à savoir la vente de nouveaux produits à de nouveaux clients. De plus, il semble que le secteur de la vente de produits de consommation privilégie une portion xe plus élevée que la portion variable, alors qu’on observe l’inverse dans le secteur de la vente de produits industriels (Coughlan et Sen, 1986). Le tableau 11.6 illustre le fait que la proportion de la rémunération variable sera plus ou moins importante selon le domaine de vente. Finalement, une revue des écrits (par exemple, Carey, 1992 ; Darmon, 2000 ; Jacobs, 1997 ; Tremblay et al., 2003) révèle qu’il est souhaitable d’accroître la portion variable (commissions ou primes) ou la portion xe liée au salaire selon diverses caractéristiques du contexte, lesquelles sont résumées dans le tableau 11.7. Par exemple, la nécessité de maintenir des relations à long terme avec les clients devrait favoriser une importance accrue de la proportion xe de la rémunération totale et la prise en compte de mesures de performance à plus long terme. TABLEAU 11.6 La variation des pourcentages de rémunération xe

et variable des vendeurs selon les domaines Combinaison de la rémunération xe et de la rémunération variable

Caractéristiques du domaine de vente Gestion de comptes nationaux Gestion des clients majeurs Attribution d’un territoire de vente Démarrage d’un marché Vente à des distributeurs Création de valeur (par exemple, recours à des courtiers)

80 % – 20 % 75 % – 25 % 70 % – 30 % 50 % – 50 % 30 % – 70 % 0 % –100 %

Source : Cichelli (1994).

TABLEAU 11.7 Les conditions justiant une proportion plus élevée de la rémunération variable

ou de la rémunération xe pour le personnel de vente Il faut accroître la rémunération variable (commissions et primes) dans les cas suivants

• Le prol des achats est non répétitif et imprévisible et le prol des clients est peu clair. Les ventes sont diciles et complexes à obtenir et les habiletés de persuasion requises par le personnel de vente sont importantes, parce que les produits ou les services sont peu diérenciés de ceux des concurrents.

• Le cycle des ventes de produits ou de services (la période qui s’écoule entre la rencontre d’un nouveau client et la n d’une transaction) est court.

• Les représentants sont capables d’améliorer leur rendement (ils en ont la maîtrise) en matière de résultats ou de comportements et ils déterminent les ventes, car ils sont aptes à adapter les produits et les services aux besoins des clients. Leur objectif est d’aller à la «chasse» aux nouveaux clients.

Il faut accroître la rémunération xe (salaire) dans les cas suivants

• Le prol des achats est répétitif et prévisible et le prol des clients est bien connu. Les ventes sont faciles et simples à eectuer (elles s’apparentent à des commandes faites par une clientèle stable et dèle, ou il s’agit de vendre des produits ou des services diérents de ceux des concurrents). Les habiletés de persuasion requises par le personnel de vente sont peu importantes (entre autres parce que les produits ou les services sont diérenciés de ceux des concurrents).

• Le cycle des ventes de produits ou de services (la période qui s’écoule entre la rencontre d’un nouveau client et la n d’une transaction) est long.

• Les représentants sont peu capables d’améliorer leur rendement (ils le maîtrisent peu) en matière de résultats ou de comportements. Ils ne peuvent déterminer réellement les ventes, car ils ne sont pas en mesure d’adapter les produits et les services aux besoins des clients. Leur objectif est de «cultiver» les clients actuels.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

539

TABLEAU 11.7 Les conditions justiant une proportion plus élevée de la rémunération variable

ou de la rémunération xe pour le personnel de vente (suite) Il faut accroître la rémunération variable (commissions et primes) dans les cas suivants • Les ventes résultent d’un eort individuel et indépendant des représentants, comme lorsque le produit est commun et dicile à diérencier du produit oert par les concurrents au moyen de la publicité, du nom ou du prix.

Il faut accroître la rémunération xe (salaire) dans les cas suivants • Les ventes résultent d’un eort collectif des représentants (comme lorsque le produit est distinct et facile à diérencier du produit oert par les concurrents au moyen de la publicité, du nom ou du prix) et il est dicile d’identier les représentants qui ont conclu les ventes.

• Les résultats des ventes sont plus importants à maîtriser

• Les résultats des ventes sont moins importants à maîtriser

que les comportements des représentants (le service, le suivi, etc.).

• Le personnel de vente est capable et désireux d’assumer un risque et il éprouve un fort besoin d’accomplissement.

• La détermination, la mesure et le suivi d’indicateurs de rendement sont assez précis.

que les comportements des représentants (le service, le suivi, etc.).

• Le personnel de vente est incapable ou peu désireux d’assumer un risque, il éprouve un faible besoin d’accomplissement et il préfère la rémunération xe (le salaire) à la rémunération variable. La tradition d’une industrie (comme le secteur industriel ou le secteur immobilier) peut promouvoir l’usage exclusif du salaire même si un régime combiné est plus approprié.

• La détermination, la mesure et le suivi d’indicateurs de rendement sont imprécis.

• Le travail des représentants est plus dicile à programmer • Le travail des représentants est plus facile à programmer et l’on exerce peu de contrôle sur eux. Par exemple, les représentants passent plus de temps à l’extérieur de l’organisation ou sur la route. En somme, l’employeur fournit peu de supervision, d’appui ou d’information aux représentants.

• L’écart entre le rendement du représentant exceptionnel et le rendement du représentant moyen est important.

• Le personnel de vente est facilement remplaçable pour l’employeur, car il ne possède pas d’actifs particuliers, c’està-dire des compétences et des connaissances essentielles à l’employeur.

• Les ressources de l’organisation sont limitées. Une petite

et l’employeur exerce un contrôle strict sur ces derniers et adopte une philosophie protectrice. Par exemple, les représentants passent peu de temps à l’extérieur de l’organisation ou sur la route. En somme, l’employeur fournit de la supervision, un appui et de l’information aux représentants.

• L’écart entre le rendement du représentant exceptionnel et le rendement du représentant moyen est faible.

• Le personnel de vente n’est pas facilement remplaçable pour l’employeur, car il possède des actifs particuliers, c’està-dire des compétences et des connaissances essentielles à l’employeur, et le remplacement de ce personnel engendre des coûts de sélection et de formation importants.

• La capacité de payer de l’organisation est bonne.

organisation ou une organisation dont la situation nancière est précaire ne peut envisager d’autres possibilités que celle de payer à commission.

• Les résultats des ventes et le développement de marchés sont importants, mais il faut aussi contrôler les comportements du personnel de vente (normes, service à la clientèle, etc.) et veiller à ce que d’autres activités, exigeant souvent de la coopération, soient bien eectuées. Le nombre d’activités qui ne sont pas liées à la vente comme telle est élevé.

• Plus la part du marché est faible, plus la portion variable de la rémunération tend à être grande parce que les ventes sont susceptibles d’être plus faciles à réaliser.

• Moins la taille du marché est délimitée, plus la portion variable de la rémunération tend à être grande parce que les vendeurs peuvent augmenter la taille du marché.

• Les résultats des ventes et le développement de marchés sont plus importants que les comportements du personnel de vente (normes, service à la clientèle, etc.) ou la bonne exécution d’autres activités nécessitant souvent de la coopération. Le nombre d’activités qui ne sont pas liées à la vente comme telle est peu élevé.

• Plus la part du marché est grande, plus la portion variable de la rémunération tend à être faible parce que les ventes sont susceptibles d’être plus diciles à réaliser.

• Plus la taille du marché est délimitée, plus la portion variable de la rémunération tend à être faible parce que les vendeurs peuvent moins augmenter la taille du marché.

540

CHAPITRE 11

11.2.4 Les commissions et les primes comme formes de rémunération variable La portion variable de la rémunération du personnel de vente inclut souvent des commissions et des primes.

Les commissions Les commissions constituent la principale forme de rémunération variable ou la forme la plus fréquente. Elles correspondent souvent à un pourcentage des ventes en dollars, à un pourcentage du bénéce brut des ventes ou à un montant d’argent par unité vendue. Dans la plupart des cas, les commissions s’ajoutent au salaire, mais elles peuvent être calculées de diverses façons. L’encadré 11.2 présente les approches les plus courantes. La formule des commissions est fréquente pour deux raisons. D’abord, elle est généralement simple à établir et à gérer pour les employeurs et désirée par le personnel de vente. Ensuite, pour les vendeurs, qui ne travaillent pas souvent en équipe, les commissions s’avèrent faciles à comprendre et sont fortement incitatives (motivantes) parce qu’elles leur donnent une rétroaction immédiate sur leur rendement et qu’elles permettent de voir un lien direct entre leurs ventes et leur rémunération. Les commissions comportent aussi des inconvénients. Cela explique qu’en pratique peu d’organisations basent totalement la rémunération des vendeurs sur des commissions. Ainsi, le fait que les employés soient payés à commissions seulement rend leur situation nancière imprévisible et peut avoir pour eet d’augmenter la rotation dans leurs rangs. De plus, il est possible que les représentants ne concluent pas de ventes, et ne puissent donc obtenir de commissions, sans que cette situation soit attribuable aux eorts qu’ils font. Pensons, par exemple, au contexte d’une récession, qui limite les ventes, à la qualité discutable d’un produit, qui entraîne la perte de clients, ou aux périodes de formation et de vacances, auxquelles sont associées des revenus moins élevés. De fait, plus une rémunération est fonction de commissions sur les ventes, plus elle est susceptible d’inciter les vendeurs à adopter des attitudes telles que les suivantes : • Négliger d’eectuer les tâches qui n’augmentent pas directement les ventes à court terme, au détriment de la performance de l’entreprise à long terme : le développement de la clientèle, le service après-vente, le perfectionnement personnel, la formation des nouveaux employés, le nettoyage et l’entretien, etc. • Voler des clients aux autres représentants commerciaux, entrer en concurrence avec ces derniers. ENCADRÉ 11.2 ■







Quelques types de formules de commissions

Formule des commissions à taux constant. Cette formule verse un seul taux de commission sur tous les montants de ventes (par exemple, 2,5 % du volume de ventes). Formule des commissions comportant un seuil. Cette formule consiste à payer une commission sur les ventes au-delà d’un minimum préétabli (par exemple, 4 % des ventes au-delà de 30 000 $ par mois ou 400 $ pour chaque nouveau client recruté en un mois, au-delà de 3 clients). Formule des commissions à taux croissant. Cette formule accorde un taux de commission plus élevé pour des paliers de ventes supérieurs (par exemple, 2 % des ventes atteignant 140 000 $ plus 4 % des ventes atteignant de 140 001 $ à 180 000 $ plus 6 % des ventes atteignant ou dépassant 180 001 $). Formule des commissions avec retrait. Cette formule accorde aux représentants une avance ou un prêt qui sera soustrait de leurs commissions subséquentes. La possibilité de recevoir ces avances ou ces prêts réduit les inquiétudes des représentants, car ils peuvent être rassurés à l’idée d’obtenir un minimum de revenus durant toute l’année. Cette formule implique que l’employeur assume le risque d’avancer de l’argent.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

• • • • • • •

541

Faire de la vente sous pression. Négliger de servir les petits clients ou les clients qui n’achètent pas les produits associés aux meilleures commissions. Résister aux changements (de territoire, de produits, d’approche, etc.) parce qu’ils maîtrisent la situation actuelle. Se quereller avec d’autres représentants surtout s’il est dicile d’identier la personne qui a permis de conclure une vente parce que celle-ci résulte d’un eort collectif. Accorder des rabais trop importants sur les prix de manière à conclure des ventes. Promettre une livraison dans des délais trop serrés an de conclure des ventes. Proposer aux clients les produits les plus faciles à vendre ou les plus coûteux (et donc les plus payants en termes de commissions), plutôt que les produits qui sont les plus rentables (marge bénéciaire) pour l’entreprise.

Les primes de rendement En plus de recevoir une commision, de nombreux vendeurs reçoivent des primes de rendement ou d’atteinte d’objectifs (comme un quota de ventes) qui peuvent être exprimées en un pourcentage du salaire, en un montant cible préétabli ou en un montant d’argent. Par exemple, une prime équivalente à 25 % du salaire de base peut être payée si 100 % des L’atteinte des résultats, oui, mais pas normes de ventes sont atteintes. Une prime peut également au prix de n’importe quels comportements être versée de façon irrégulière selon la réalisation d’objectifs Dans son livre, Carey (1992, p. 32 ; traduction libre) particuliers qui ne se reéteront pas à court terme sur les énumère les comportements qu’adoptait le meilleur ventes totales. Pensons, par exemple, à des objectifs liés à représentant commercial d’un grossiste en alimentation la vente d’un nouveau produit, à l’adhésion de nouveaux (il eectuait un volume de ventes 30 % plus élevé que le clients ou à la participation à une exposition commerciale. deuxième meilleur représentant de l’entreprise) qui était Selon la situation, il peut être plus ecace de faire appel payé à commissions seulement. Ainsi, ce représentant davantage à des primes comme formule incitative pour le refuse d’assister aux réunions de vente de son employeur personnel de vente (voir le tableau 11.8, à la page suivante). en fournissant la justication suivante : «Les autres repréEn eet, le recours aux primes (plutôt qu’aux commissions) sentants vendent moins que moi, aussi je n’ai rien à gagner. Je n’ai pas l’intention de partager mes connaissances avec a pour eet d’orienter les eorts du personnel de vente non eux.» Il travaille environ 60 heures par semaine à partir seulement vers des mesures de rendement quantitatives de sa maison en conservant un inventaire complet des (comme la part du marché, en plus des ventes ou des marges échantillons sur les étagères de son garage pour épargner brutes), mais aussi vers des indicateurs plus qualitatifs du temps et éviter de se rendre au siège social. Il passe au permettant d’apprécier notamment la qualité du suivi et bureau de son entreprise seulement lorsque le président la satisfaction des clients. l’exige. Il est impossible de le superviser, car il ne montre Certaines organisations abandonnent une formule établie aucune coopération et travaille comme un loup solitaire. uniquement sur les commissions (basées sur un pourcentage Finalement, lorsque les commissions représentent 100 % du revenu des ventes) au prot de l’octroi d’une prime cible de la rémunération, les employeurs peuvent être tentés rattachée à la réalisation d’un revenu des ventes préétabli, d’accorder moins de soin à la sélection, à la formation et où chaque quota de revenu dépassant le but xé paiera de au suivi des activités des équipes de vendeurs étant donné deux à trois fois plus que l’incitation gagnée avec l’objectif que ces derniers absorbent le risque lié à un mauvais rendement. Comme l’indique Long (2002, p. 152 ; traduction de revenu de ventes de base (voir Gott, 2008, pour une libre) : «Quand certains vendeurs n’ont pas une bonne perétude de cas). formance, plutôt que de tenter de les aider à s’améliorer, à En dénitive, tout n’est pas blanc ou noir. Selon leurs travers la formation et le coaching, les cadres peuvent être niveaux hiérarchiques et leurs rôles, certains vendeurs tentés de les laisser “nager ou se noyer” et d’embaucher peuvent être rémunérés sur la base de primes déterminées d’autres vendeurs pour les remplacer.» Cette façon de faire en partie selon un pourcentage d’atteinte de résultats prééentraîne cependant une perte de revenus provenant des tablis et en partie selon l’atteinte d’objectifs discrétionnaires ventes et une augmentation des dépenses d’embauche et ou personnalisés (voir le tableau 11.9, à la page suivante). de formation des nouveaux employés. Ainsi, plus il s’agit d’un poste de débutant en vente, plus

542

CHAPITRE 11

TABLEAU 11.8 Les avantages et les inconvénients de la rémunération

du personnel de vente par commissions et par primes Caractéristiques

Commission sur les ventes

Prime

• D’une compréhension facile • Incitation à l’amélioration • Incitation maximale • Récompenses/punitions immédiates • Contrôle limité des eorts de vente • Incitation à adopter les comportements maximi-

Avantages

Inconvénients

sant les gains personnels • Traitement égal pour toutes les ventes • Écarts importants entre les gains • Diculté à modier les territoires

• Gestion des ventes rendue possible • Stabilisation des gains • Récompenses/punitions cohérentes par rapport aux ventes et aux cycles d’aaires

• Coûts potentiellement très élevés par rapport aux bénéces nets dans le temps

• Obligation d’une communication explicite et cohérente sur le rendement

• D’une compréhension parfois dicile • Récompenses faibles dans certains cas lorsque plusieurs primes sont calculées

TABLEAU 11.9 La prime cible du personnel de vente : déterminée par une formule ou de manière personnalisée

Types de postes en vente

Pourcentage de la prime cible totale Basé sur une formule Basé sur l’atteinte d’objectifs (ventes, bénéces, etc.) discrétionnaires ou personnalisés

Membres de l’équipe

100 %

0%

Premier et deuxième niveau de supervision

80 %

20 %

Cadres intermédiaires

75 %

25 %

Cadres supérieurs

70 %

25 %

Cadres dirigeants

60 %

40 %

0%

100 %

Cadres dirigeants en chef Formule

Dimensions

Prime personnalisée

Peu de mesures, critères de mesure clairs, la plupart pouvant être intégrés dans une formule standard

Complexité

Complexe, plusieurs mesures, certaines diciles à quantier

Ventes correspondant à une responsabilité clé

Responsabilités allant au-delà des ventes

Au-delà des ventes (opérations, réglementation, etc.)

Principale cible constituée par l’augmentation des ventes mensuelles ou annuelles ; planication limitée pendant plusieurs années

Planication des aaires

Au-delà des résultats des ventes à court terme (mensuelles, trimestrielles, annuelles), importance du développement des aaires

Activités ayant des incidences sur un canal de vente

Impact sur les autres canaux de distribution

Activités ayant des incidences sur plusieurs canaux de vente

Marché pour ce poste adoptant surtout des incitations basées sur les ventes

Pratiques du marché

Marché pour ce poste adoptant des programmes de primes basées sur la performance annuelle

Source : Traduit et adapté de Feder (2009, p. 57 et 58).

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

543

on liera sa rémunération à des résultats de ventes quotidiens. À l’inverse, plus le poste est stratégique et orienté vers l’atteinte d’un objectif de développement à long terme, plus les primes seront fonction de l’atteinte d’objectifs de performance au cas par cas ou discrétionnaires.

11.2.5 Les conditions de succès et les dés à relever L’art de gérer la rémunération variable du personnel de vente repose d’abord sur le choix de diérentes mesures de rendement et sur le poids relatif qui leur est accordé. En s’appuyant sur des écrits sur le sujet, on peut regrouper les mesures de rendement des vendeurs en plusieurs catégories listées dans le tableau 11.10 (Cichelli, 2004 ; Khlat, 2012b). Évidemment, ce regroupement vise à proposer une synthèse et les diérentes catégories ne sont pas mutuellement exclusives, un indicateur pouvant être classé dans plus d’une catégorie. Une enquête menée par WorldatWork (Stoeckmann, 2007) indique que les entreprises sélectionnent le plus fréquemment trois mesures, puis deux mesures. Quant aux mesures choisies le plus souvent, elles sont, dans l’ordre : le revenu total, les bénéces bruts, l’atteinte des objectifs et les seuils de ventes. Cette enquête révèle aussi que les deux principaux dés que doivent relever les organisations consistent à aligner davantage leurs modes de rémunération des vendeurs sur les objectifs d’aaires et à réduire la complexité des régimes. Quels conseils peut-on donner à cet égard ?

TABLEAU 11.10 Des exemples d’indicateurs de performance des vendeurs

Résultats nanciers Marché

• Bénéces, marge de prot brut, niveau d’atteinte du prix cible • Parts du marché (maintien, développement, etc.), pénétration des territoires, marchés inexploités, nouveaux revenus, revenus renouvelés, etc.

Résultats de ventes ou des étapes de ventes

• Nombre de contrats de vente, de commandes ou d’achat, d’unités vendues, de nouveaux clients, de renouvellements, etc.

• Nombre de soumissionnaires approuvés, de fournisseurs approuvés, de premières commandes, etc. Ecacité ou ecience ou valeur ajoutée des ventes

• Eorts ciblés sur les produits : par exemple, équilibre entre les produits, combinaison

Impact sur les attitudes et les comportements des consommateurs ou des clients

• Satisfaction des clients (enquêtes), plaintes, délité ou loyauté des clients, continuité

Comportements attendus

• Participation à des activités clés de réseautage, nombre d’appels de prospection,

des produits, ventes croisées, ensemble des produits, solutions aux problèmes posés par les produits, atteinte des quotas de ventes • Eorts ciblés sur les comptes : par exemple, nouveaux comptes, comptes retenus, croissance des comptes • Eorts ciblés sur les commandes : par exemple, nombre de commandes, taux de réussite, durée des contrats, recevabilité des commandes, coût par dollar de la commande • Eorts ciblés sur la gestion des prix : par exemple, escomptes, rabais des commandes, retours de marchandises, etc.

nombre de démonstrations de produits, qualité de la communication avec les fournisseurs, indicateurs de la qualité de la supervision pour les gérants ou les administrateurs des ventes (rotation, communication, mobilisation, etc.)

544

CHAPITRE 11

Il est recommandé de ne pas utiliser plus de trois mesures de rendement de manière que l’attention des vendeurs soit dirigée vers les indicateurs prioritaires et mesurables. Plus il y a de mesures, plus celles-ci diluent le message et alimentent la confusion, d’autant plus qu’elles riquent d’être redondantes. Chacune de ces mesures ne devrait pas avoir un poids inférieur à 15 % et il faudrait regrouper les mesures dans une formule simple à comprendre et à utiliser pour le personnel de vente. Il est essentiel de mesurer les bons indicateurs de rendement, lesquels devraient, entre autres, être orientés vers des résultats que les vendeurs contrôlent et non vers des activités précédant les résultats de ventes (par exemple, le nombre d’appels de vente ou de propositions écrites de vente). Il faut également considérer ce qui est important pour l’organisation et non pour les vendeurs. Ainsi, il peut être approprié de payer les vendeurs en fonction des revenus si l’organisation se préoccupe davantage de ses bénéces. Par ailleurs, si l’on xe des seuils (souvent appelés « déclencheurs ») avant qu’une rémunération incitative soit accordée ou encore un maximum quant à la rémunération variable, il est nécessaire de le justier. Selon la situation, il faut décider s’il est préférable d’établir des mesures au niveau individuel, de l’équipe ou du groupe. En outre, dans des milieux comme le domaine pharmaceutique, où certaines sociétés adoptent une stratégie de vente basée sur une équipe de représentants qui visitent les clients, les modes de rémunération devraient être revus de façon à inclure la récompense d’équipe. En pratique, toutefois, une enquête menée par WorldatWork montre que les deux tiers des programmes de rémunération des ventes tiennent compte du rendement individuel seulement et que moins de 10 % d’entre eux considèrent uniquement le rendement d’équipe (Bremen, 2006). Lorsque la vente se fait en équipe, les organisations mesurent fréquemment les contributions du vendeur au succès du groupe. Il est nécessaire que les vendeurs voient un lien entre leur rendement et leur rémunération variable. Des experts recommandent la conception de programmes selon lesquels les excellents vendeurs (dans le 90e centile et plus) reçoivent entre deux et trois fois la rémunération variable cible (Ulrich et Ledford, 2006). Trop souvent, les vendeurs ne comprennent pas le programme de rémunération. Aussi, il faut le communiquer adéquatement et s’assurer que les gestionnaires des ventes l’expliqueront. Finalement, les objectifs de rendement xés aux vendeurs doivent comporter un dé sans être perçus comme irréalistes ou inatteignables. La gure 11.3 montre comment un simple schéma peut permettre de représenter clairement un programme de rémunération des ventes. Une enquête indique que l’administration des programmes de rémunération des vendeurs pose plusieurs dés, concernant des ajustements manuels trop fréquents, des programmes trop complexes ou inexibles à gérer, des problèmes de qualité ou de volume de données à traiter, des ressources insusantes pour faire une gestion adéquate (technologies de l’information ou autres) (Lane, 2012). Cette enquête montre aussi que, surtout dans les organisations ayant des équipes de vente comptant moins de 100 vendeurs, Microsoft Excel continue d’être l’outil le plus utilisé pour gérer la rémunération des vendeurs. Toutefois, il est probable que les suivis sur Excel et les banques de données Access seront vite dépassés avec l’évolution des nouvelles technologies, les systèmes intégrés de gestion et les logiciels commercialisés (par exemple, SaaS), dont les prix baisseront et qui auront divers eets positifs sur l’établissement des rapports pour la direction et les vendeurs, sur la productivité, sur la précision et le suivi des données, sur le calcul des incitations, etc. Il est donc essentiel de former (en personne et en ligne) les superviseurs et leur équipe de représentants à accéder en ligne aux rapports, à les examiner, à faire des ajustements, à faire des scénarios, à suivre continuellement leurs résultats et leur rémunération variable, etc.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

FIGURE 11.3

545

La représentation schématique des composantes d’un programme de rémunération des ventes Directeur de comptes majeurs

Rôle du personnel

Combinaison et bonication

• Négocier des ententes contractuelles avec des clients

Combinaison

stratégiques. • Établir et renforcer les relations avec les clients grâce à une gestion de comptes ecace.

Total de la rémunération cible actuelle

60/40 100 00 $

Bonication

3,0 X

Prime d’excellence

200 %

Mesures et poids Incitation totale 40 % de la rémunération totale 40 000 $ Revenus totaux 50 % de l’incitation 20 000 $

Revenus pour nouveaux clients 30 % de l’incitation 12 000 $

Produits stratégiques 20 % de l’incitation 8 000 $

Mécanique et lien Mesure 1

Mesure 2 Quotas

Type de mécanique

50 %

Seuil Plafond Accéléré

Non Sur la base de l’atteinte à 100 % des deux premières mesures

Lien

Non

Mesure

À ce jour cette année

Versement

Trimestriel

Mesure 3

Type de mécanique

Quotas

Type de mécanique

Seuil

–50 %

Seuil

Non

Plafond

Oui

Lien

Non

Plafond Accéléré

Non Sur la base de l’atteinte à 100 % des deux premières mesures

Lien Mesure

Non

Mesure Versement

À ce jour cette année

Versement

Trimestriel

Source : Traduit de DiMisa (2007, p. 26).

11.3

La gestion de la rémunération à l’international

Avec la mondialisation des aaires, la gestion des organisations prend de plus en plus un caractère international tant pour les PME que pour les multinationales. Cette section porte sur le dé lié à la gestion de la rémunération du personnel à l’international en insistant sur la gestion de la rémunération (composantes et méthodes de rémunération, dés en la

Objectifs

Annuelle Annuel

546

CHAPITRE 11

matière, etc.) d’une catégorie distincte de travailleurs ayant une mobilité internationale, à savoir le personnel expatrié.

11.3.1 Les dés de la gestion de la rémunération à l’international Gérer la rémunération à l’international implique de nombreux dés. Cette sous-section se penche sur les dés les plus importants, soit le choix entre la standardisation et l’adaptation aux particularités locales ainsi que le dé lié à l’emploi et au respect des droits humains.

Le choix entre la standardisation et l’adaptation aux particularités locales Depuis des années — et il est probable que cette situation perdurera —, un dé important de la gestion de la rémunération (et des ressources humaines au sens large) à l’international consiste à jongler constamment entre deux tensions : l’alignement sur les stratégies de l’organisation de manière uniforme (siège social) et l’adaptation ou la conformité aux particularités locales (Bloom et Milkovich, 2003 ; Chen et al., 2011 ; Greene, 2007). Comme le démontre la mise en situation au début du chapitre 2 relatant l’établissement d’une image de marque de McDonald’s dans le monde, il importe que les conditions de travail, et donc la rémunération à l’international du personnel d’une organisation, s’appuient sur des valeurs, des principes et une culture globaux et s’alignent sur une stratégie globale. En outre, l’organisation n’a pas le choix de gérer la rémunération de son personnel à l’international en respectant les particularités locales sur le plan des lois et des règlements, les réalités de l’industrie, la dynamique de la concurrence et du marché, les diérences culturelles, etc. Selon l’importance de l’écart entre un alignement de la rémunération sur le siège social et la conformité aux règles locales, une organisation fera face à une résistance plus ou moins grande. Des recherches révèlent toutefois que plus la centralisation de la prise de décision en matière de rémunération est élevée, plus les dirigeants des unités vont, passivement ou autrement, résister à implanter cette rémunération dans leur établissement s’ils perçoivent qu’elle est peu alignée sur leur contexte local (Trevor, 2011). Cette tension sera d’autant plus vive pour des organisations américaines dont la culture tend à être plus « universaliste » en instaurant les mêmes ensembles de règles pour tous, alors que des régions comme l’Asie, l’Amérique latine ou l’Europe latine partagent des cultures plus « locales » valorisant les particularités des situations (Greene, 2007). La gestion des personnes est aussi fonction de valeurs sociétales. Ainsi, en France, le fait pour une personne d’avoir étudié dans une grande école a une inuence sur la gestion de son rendement et de sa rémunération tout au long de sa carrière, tandis qu’en Amérique du Nord la gestion

REGARD SUR LA PRATIQUE Cinq cent vingt googlers parisiens doivent vivre en respectant des us et coutumes mondialisés Partout où il s’installe, le géant américain Google vise le centre-ville. Dès l’entrée dans son établissement à Paris, le visiteur comprend qu’il pénètre sur les terres du clan Google. Dans la cafétéria, le menu est très californien avec des panneaux précisant si les aliments comportent des gras, sont végétariens, etc. Cette signalisation est la même dans tous les restaurants des unités d’aaires de Google de la planète an de faire en sorte que le googler japonais Source : Adapté de Loubière (2013, p. 54).

ou australien ne soit pas dépaysé. Et la langue ocielle est partout dans le monde l’anglais. Toutes les liales du monde, à Paris comme à Pékin, organisent les « événements» de 16 heures, moment où la cloche sonne et où tous doivent se retrouver au quotidien. Aujourd’hui, à Paris, au menu, c’est la barbe à papa. Pour tout le monde ! Rien n’est obligatoire, mais Google n’encourage pas les gens à ne pas venir à ces retrouvailles de 16 heures.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

de la rémunération valorise davantage les accomplissements personnels dans le travail. Dans des pays comme l’Angleterre, le Canada, les États-Unis, l’Australie et l’Allemagne, la force de vente veut être rémunérée sur la base du rendement individuel, alors que dans d’autres pays comme la France, le Japon, les Philippines, les Pays-Bas et la Chine (cela a tendance à changer dans ce dernier cas), les représentants préfèrent des programmes orientés davantage vers l’équipe (Bremen et Briggs, 2008). En Inde comme au Mexique, les représentants commerciaux considèrent comme des parties importantes de leur rémunération le remboursement des dépenses en soins de santé, transport, nourriture et habitation. Il importe de considérer ces diérences locales, sinon les personnes seront tentées de contourner les politiques mondiales qui, à leurs yeux, vont à l’encontre de leurs valeurs nationales. Comme l’observe Chênevert (2009), le droit du travail local a aussi des incidences importantes sur la gestion de la rémunération à l’international. Par exemple, les pays latins (comme la France et l’Espagne) s’appuient sur un pluralisme syndical et la négociation de branche, ce qui procure à l’ensemble des entreprises d’un même secteur d’activité des conditions salariales similaires et réduit la exibilité en matière de gestion des salaires. Les pays anglo-saxons (comme les États-Unis et le Canada), pour leur part, ont des régimes distincts de représentation collective qui entraînent des diérences marquées entre les salaires oerts au sein des entreprises. Mais comment peut-on s’assurer du respect de principes mondiaux permettant d’unier les eorts, d’augmenter l’ecience et de gérer les risques (Scott et al., 2007), tout en étant localement ecaces, pertinents et légaux ? Après avoir fait un inventaire des pratiques de rémunération en place en prêtant attention aux meilleures pratiques ainsi qu’un inventaire des lois, des règles et des normes sur les marchés locaux, Bremen et Briggs (2008) recommandent aux organisations multinationales les mesures suivantes : établir une liste de principes qui devront être respectés partout dans le monde (les balises internationales à instaurer dans toutes les unités) ; relever les composantes qui pourront être adaptées localement (les marges de manœuvre ou ce qui relève du pouvoir discrétionnaire des unités) ; et proposer une liste de modèles de programmes de rémunération préétablis et préapprouvés par le siège social et que les directions régionales ou locales peuvent choisir tels quels ou adapter (voir l’encadré 11.3, à la page suivante). Si l’exemple de ces auteurs porte sur la rémunération des vendeurs, il peut être appliqué à d’autres catégories de personnel.

Le dé lié à l’emploi et au respect des droits humains Le dé concernant la rémunération du personnel à l’étranger s’avère aussi une préoccupation croissante pour les syndicats. Dans un contexte où le succès se mesure à l’échelle internationale, les syndicats doivent constamment revoir l’équilibre entre l’ajustement des pratiques de rémunération locales et la standardisation des pratiques au niveau international par divers mécanismes plus ou moins élaborés à ce jour, notamment les comparaisons entre les négociations collectives, les échéanciers de négociation coordonnés, l’établissement de liens avec les fédérations internationales, l’établissement d’alliances sociales élargies et le recours à des ententes internationales, comme l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et l’Organisation internationale du travail. Dans le contexte de la compétition entre les pays, les syndicats doivent dorénavant défendre davantage le respect des règles du commerce visant à assurer le bien-être des employés, entre autres celles qui ont trait au droit d’association, à la démocratie, à l’interdiction du travail des enfants, du travail forcé direct ou indirect (esclavage) et de la discrimination. Bien entendu, les dirigeants d’entreprise sont interpellés. Il leur faut aller au-delà des lois de nombreux pays, respecter des principes d’action sur ces diérentes questions et s’assurer que ces principes sont respectés tout au long de leur chaîne de production (comme les fournisseurs, les distributeurs). Les enjeux sur les plans de l’éthique et des droits humains que posent les conditions de travail dans bien des pays sont cruciaux, et les États ont le devoir d’intervenir.

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CHAPITRE 11

ENCADRÉ 11.3

La gestion de la rémunération à l’international

1. Préciser les principes que tous les programmes de gestion de la rémunération à l’international doivent respecter (autorité de prise de décision : siège social) Exemples : ■ Les programmes proposent des mesures de performance cohérentes pour chaque type de rôle en matière de vente. ■ Chacun des programmes n’inclut pas plus de quatre mesures de performance. ■ Aucune mesure de performance n’aura un poids inférieur à 20 %. ■ Les aspects discrétionnaires ne peuvent avoir une importance supérieure à 35 %. ■ Tous les plans s’appuient sur des mesures nancières claires. ■ Les développeurs de comptes reçoivent des commissions mensuelles, alors que les gestionnaires de comptes reçoivent une prime trimestrielle. 2. Relever les caractéristiques des programmes de gestion de la rémunération qui peuvent être adaptées (autorité de prise de décision : régionale ou locale) Exemples : ■ Les niveaux de salaires et la combinaison de la rémunération variable et de la rémunération xe sont fonction du marché selon le poste, l’industrie et la localisation et ne dépassent pas un certain écart. ■ Les mesures de performance et leur dénition sont créées par les unités d’aaires. ■ Le poids des mesures de performance est déterminé localement (selon des balises mondiales). ■ La fréquence de versement des incitations est basée sur le cycle des aaires et des ventes aussi bien que sur les coutumes locales. ■ Les formules d’octroi des incitations (par exemple, les accélérateurs, les facteurs multiplicatifs) sont décidées localement en fonction d’une échelle de performance attendue et en accord avec les balises nationales. 3. Proposer une liste de modèles de programmes de gestion de la rémunération préétablis, préapprouvés par la direction du groupe à l’international, et que les directions régionales ou locales peuvent choisir tels quels ou adapter* Exemples : ■ Un modèle d’un programme de commissions est établi pour les développeurs de comptes. ■ Un modèle d’un programme de primes est établi pour les représentants commerciaux. * L’expérience montre que de 70 % à 80 % des unités d’aaires de l’organisation retiennent un des modèles préétablis. Source : Traduit et adapté de Bremen et Briggs (2008, p. 33-34).

REGARD SUR LA PRATIQUE La servitude pour cause de dettes Pour marier sa lle, Settu, 35 ans, devait trouver moyen d’orir une dot à la future belle-famille. Settu a emprunté 20 000 roupies, soit 370 $, au propriétaire d’une briqueterie de la banlieue de Chennai, en Inde. En échange, il a dû quitter son village pour aller fabriquer des briques an de rembourser sa dette. Settu se lève tous les matins à cinq heures pour travailler pieds nus sur le toit d’un four à brique à empiler des briques sur sa tête et à charger les camions. Depuis 10 ans, il s’échine comme cela en gagnant presque rien, tout juste de quoi payer ses repas, incapable de rentrer chez lui ou même de changer d’emploi avant d’avoir remboursé le propriétaire jusqu’au dernier sou. Source : Extrait adapté de Hachey (2014, p. A).

La servitude est illégale en Inde depuis 1976, mais elle se pratique encore en raison de la connivence entre les organismes de surveillance, la police, les politiciens et les maîtres d’esclaves. On estime qu’il y a entre 10 et 40 millions de personnes en servitude pour cause de dettes au pays. Selon Human Rights Watch, l’un des fondements de la servitude pour dettes relève du traditionnel système des castes, pourtant illégal depuis des années. Sous ce système, les gens s’attendaient à ce que les dalits, les «intouchables», travaillent gratuitement et n’aient pas accès à la terre. Aujourd’hui encore, ce préjugé persiste et contribue à maintenir des personnes dans un état d’esclavage et de perpétuelle pauvreté.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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11.3.2 La gestion de la rémunération en fonction des types de mobilité internationale Les organisations gèrent diérents types d’employés à l’international, comme l’indique l’encadré 11.4 (Cerdin, 2011 ; Collings et al., 2007 ; Suutari et al., 2012). La gestion de la rémunération varie selon le statut d’emploi et la durée du séjour à l’étranger. Évidemment, les caractéristiques du séjour à l’étranger inuencent la gestion de la rémunération oerte aux employés ayant une mobilité internationale. Cet eet de la durée du séjour peut être illustré comme suit (Salamin, 2012) : • Dans le cas des employés à qui l’on demande de faire de très courts séjours ponctuels — de trois mois ou moins — à l’étranger, l’employeur ne change pas leur rémunération ; il ne fait que couvrir les frais de transport et les dépenses sur place (hôtel, repas, taxi, etc.). À l’occasion, il peut orir une indemnité. • Dans le cas des employés aectés à court terme à l’étranger (pour des rencontres à l’étranger ou dans le pays d’origine), soit entre trois mois et une année, leur rémunération reste celle du pays d’origine, mais on leur accordera des allocations en ce qui concerne les transports et la location d’un appartement ou d’une maison an que la famille puisse y venir une fois par mois, ou bien on rembourse les dépenses de l’employé qui veut venir au pays retrouver sa famille tous les deux ou trois week-ends. • En ce qui a trait aux mandats exécutés par des expatriés dont le séjour à l’étranger dure de un à trois ans, il implique le déplacement des employés et de leur famille. Il faut ainsi prendre des mesures pour intégrer les familles à l’étranger, pour traiter les impôts, pour gérer les incidences sur le régime de retraite, pour pallier le diérentiel du coût de la vie, etc. • Pour ce qui est des personnes que l’organisation engage à l’international, comme une entreprise qui pourvoit un poste à l’étranger en embauchant un candidat d’un autre pays étranger qui devra y déménager avec sa famille, l’organisation établit souvent des contrats locaux de rémunération en y ajoutant des allocations diverses.

ENCADRÉ 11.4

Les diérents types de mobilité internationale

Des personnes aectées à l’étranger par leurs employeurs (statut d’emploi) ■ L’expatriation. Un employé va travailler temporairement dans une unité d’aaires de son organisation située dans un autre pays pour y mener des projets ou y exécuter un travail, puis il retourne dans son milieu d’origine (le lieu de résidence). C’est ce lieu de résidence qui servira à déterminer la manière dont il sera rémunéré. ■ Des missions de courte durée. Un employé est aecté ou muté à l’étranger pour une période inférieure à un an ou à six mois, pendant laquelle le plus souvent sa famille ne l’accompagne pas et il continue à être rémunéré en fonction du système de son entreprise d’origine. ■ Des aectations de voyages d’aaires (commuter assignment). Un employé fait régulièrement la navette entre son pays de résidence et un pays de travail (par exemple, dans deux pays d’Europe) en continuant à être rémunéré selon son pays d’origine où habitent les membres de sa famille. ■ Des ressortissants de pays tiers (third country national). Un employé d’une entreprise travaille à l’étranger sans avoir l’intention de revenir au pays (mutation permanente). ■ Des employés internationaux. Une organisation canadienne qui embauche à l’international un employé pour réaliser un mandat dans une de ses unités dans un pays étranger versera à ce dernier une rémunération internationale. Des personnes qui entreprennent leur mobilité à l’étranger ■ Des personnes sont parties travailler à l’étranger par leurs propres moyens et de leur propre initiative pour diverses raisons: – elles ont décroché elles-mêmes un emploi à l’étranger ; – elles partent avec l’espoir de se trouver un emploi à l’étranger ; – elles sont à leur compte et exécutent des contrats à l’étranger pour des entreprises.

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CHAPITRE 11

Comme on le constate, la rémunération à l’international est une réalité aux multiples facettes. En plus de la durée des aectations à l’étranger, la gestion de la rémunération à l’international varie selon certaines caractéristiques de l’organisation et de son environnement, notamment le stade du processus d’internationalisation, le secteur d’activité économique, la culture et les valeurs de gestion, les types de liales, les objectifs stratégiques, les exigences légales et scales, les contraintes nancières et les autres activités de gestion des expatriés. En outre, l’organisation ne gère pas de la même façon les personnes, qui n’ont pas un statut d’employés, et qu’elle embauche sur une base contractuelle. En raison du nombre important d’employés expatriés, la prochaine sous-section porte sur la gestion de la rémunération de ce personnel.

11.3.3 La rémunération du personnel expatrié : importance et composantes particulières Les employés expatriés correspondent aux employés qui sont aectés temporairement d’une unité d’aaires d’une organisation de leur pays d’origine à une autre unité d’aaires de la même organisation, mais située dans un pays étranger. Les organisations recourent à des expatriés pour deux raisons (Aoun, 2012 ; Salamin, 2012). Premièrement, les employeurs envoient des personnes du siège social à l’étranger pour que ces dernières réalisent des projets précis, souvent à des postes de direction ou stratégiques associés au développement d’aaires ou à la nance, an de transmettre des savoirs ou une culture de gestion dans d’autres parties du monde. Deuxièmement, les employeurs recourent aux expatriés en relation avec le développement des talents, l’expérience internationale étant jugée importante par eux ou par les employés dans le déroulement de leur carrière. L’ecacité de la gestion des expatriés repose en grande partie sur la gestion de leur rémunération. Là-dessus, une enquête réalisée auprès d’entreprises multinationales localisées au Canada ainsi que des entrevues menées auprès d’experts du Québec montrent que les organisations doivent relever des dés croissants en matière de gestion de la rémunération à l’égard des aspects suivants (Biouele, 2000 ; Lebire, 2000 ; St-Onge et al., 1998) : contrôler les coûts, attirer des candidats compétents et motivés à l’expatriation, accroître la loyauté des expatriés et réduire le nombre de retours prématurés, préserver les perceptions d’équité parmi le personnel expatrié et parmi l’ensemble du personnel et, enn, retenir les employés rapatriés après leur retour dans le pays d’origine. La gestion de la rémunération du personnel expatrié s’avére très complexe vu la multiplicité des composantes à gérer. D’ailleurs, elle est souvent placée sous la responsabilité de professionnels qui ont acquis une expertise sur le sujet ou encore elle fait l’objet de la sous-traitance auprès de sociétés-conseils spécialisées. Le personnel expatrié bénécie d’un salaire de base, auquel peuvent s’ajouter diverses incitations pécunaires découlant de son admissibilité à certains régimes de rémunération variable basée sur le rendement individuel (par exemple, le salaire au mérite ou la prime de rendement) ou collectif (par exemple, la participation aux bénéces ou la participation à la propriété). Toutefois, en plus de ces dernières composantes, les expatriés reçoivent bien d’autres avantages pécuniaires (voir le tableau 11.11).

Les diverses primes Les organisations peuvent aussi accorder une prime de qualité de vie ou une prime de risque (hardship premium) à un expatrié qui va s’installer dans un pays politiquement instable et comportant des risques pour sa sécurité, dont le niveau de vie est très bas, les conditions de vie diciles (par exemple, un accès limité aux services de santé, l’insécurité) ou encore pour compenser un plus grand isolement ou des conditions climatiques

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

551

TABLEAU 11.11 Les composantes de la rémunération des employés expatriés

Composantes

Exemples

Salaire Rémunération variable

• Basée sur le rendement individuel ou sur la performance collective (augmentation, primes, actions, options, unités de rendement, etc.)

• Prime de baisse de la qualité de vie ou prime de risque • Prime d’incitation à l’expatriation Allocations • Diérentiel du coût de la vie ou indemnités • Logement diverses • Déménagement • Voyages • Instruction • Etc. Avantages • Assurance collective • Régimes ou conditions de retraite • Autres avantages oerts aux expatriés ou aux membres de leur famille : cours de langue, formation ou Primes

orientation interculturelle, aide au conjoint dans sa recherche d’emploi à l’étranger, montant compensatoire pour la perte de revenu du conjoint, recherche d’un établissement d’enseignement pour les enfants, entreposage des biens, chaueur, domestiques, gardes du corps, dépenses liées aux examens médicaux et aux visas, services à destination lorsqu’ils arrivent pour les orienter dans le choix des appartements ou du logement, transport, voyages de retour, etc. • Aide sur le plan scal : nivellement ou neutralisation des impôts, aide et conseils pour la déclaration de revenus, etc. • Services ou avantages oerts aux expatriés qui reviennent au pays (rapatriés) et aux membres de leur famille.

rudes. Ce montant, qui peut être imposable ou non imposable, varie souvent de 5 % à 25 % du salaire, mais il peut atteindre de 30 % à 40 % du salaire de base (Aoun, 2012). Finalement, certaines organisations versent des primes an d’inciter une personne à accepter un mandat à l’étranger (foreign service premium). Traditionnellement, cette prime était toujours versée et représentait de 10 % à 30 % du salaire de base (Phillips et Fox, 2003), mais des employeurs tendent à en réduire l’ampleur à un pourcentage variant de 10 % à 15 % (Salamin, 2102), et même à l’éliminer depuis quelques années (Aoun, 2012).

Les diverses indemnités ou allocations Les employeurs accordent aussi aux employés expatriés diverses indemnités ou allocations an de rembourser ou de pallier les coûts additionnels qu’entraîne l’expatriation. En outre, une allocation pour diérentiel du coût de la vie (cost of leaving allowance ou COLA) peut être versée pour combler la diérence du coût de la vie entre deux pays et protéger le pouvoir d’achat des expatriés. De même, une allocation pour le logement peut être versée pour couvrir le coût du logement dans un pays d’accueil qui excède le montant dépensé dans le pays d’origine. On peut également accorder une indemnité de déménagement pour couvrir les frais de déplacement, d’entreposage, de transport des aaires personnelles, etc. Certaines organisations orent une aide pour la vente ou la location de la résidence des expatriés dans le pays d’origine et assument toutes les dépenses liées à ces transactions. Les indemnités de voyages dans le pays d’origine visent à permettre aux expatriés de maintenir des liens avec leurs proches et leur organisation d’origine au cours de l’année.

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CHAPITRE 11

On octroie aussi des allocations pour la scolarité des enfants an de maintenir la qualité de l’instruction dont les enfants des expatriés bénécieraient dans leur pays d’origine. Ces indemnités, qui peuvent représenter un montant xe ou un pourcentage des dépenses annuelles par enfant (droits de scolarité, achat de livres, transport écolier, pension, uniformes, etc.), occupent souvent une part très importante de la rémunération des expatriés.

Les avantages sociaux Les avantages sociaux comprennent les régimes de retraite et l’assurance collective qui sont analogues à ceux des employés réguliers (voir le chapitre 10), ce qui inclut l’assurance soins de santé, l’assurance vie et invalidité ainsi que les congés. Au surplus, selon les pays, les organisations doivent prévoir des clauses de contrats d’assurances pour couvrir des incidents liés à la guerre, au terrorisme, aux enlèvements ou aux rançons, etc. En outre, les organisations doivent trouver d’autres instruments que les régimes de retraite pour protéger les expatriés « de carrière » ou dont l’absence est plus longue que la période maximale (de cinq ans au Québec). Par ailleurs, la retraite des expatriés qui changent de pays tous les trois ans, et ce, cinq ou six fois de suite, pose un problème d’atomisation des rentes (bites and pieces) et de localisation de la caisse de retraite. Selon Salamin (2012), il est possible d’adopter les solutions suivantes : • Garder la caisse de retraite de l’expatrié dans son pays d’origine, ce qui exige que son salaire ou une partie de celui-ci soit payé à cet endroit. • Séparer le salaire (split salary) en payant une partie à l’étranger et l’autre partie dans le pays d’origine. La proportion relative peut être laissée au choix de l’expatrié. • Gérer une caisse de retraite oshore dans un trust localisé dans un pays neutre. Cette solution n’est valable que pour l’organisation qui emploie un grand nombre d’expatriés et qui est nancièrement en mesure de gérer cette caisse. Les organisations accordent une panoplie d’autres avantages aux expatriés et aux membres de leur famille (voir le tableau 11.10, à la page 543). Certaines entreprises orent des programmes d’aide aux expatriés qui reviennent au pays (rapatriés) en ce qui a trait notamment à la gestion de leur carrière, à la réinstallation dans le pays d’origine ou à des prêts. Enn, comme les employeurs de la plupart des pays ont l’obligation de retenir des impôts à la source, les employeurs doivent pallier le problème de la double imposition dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil. La principale approche en cette matière consiste dans le nivellement ou la neutralisation des impacts scaux (ou égalisation scale ou péréquation scale, tax equalization) qui fait payer à l’expatrié pendant tout son séjour à l’étranger un montant d’impôts équivalent (pas plus ni moins) à celui qu’il payait dans son pays d’origine avant son départ, quel que soit le montant qu’il gagnera à l’étranger (Aoun, 2012 ; L’épineux problème de l’allocation de logement Salamin, 2012). L’objectif est de faire en sorte que ce qui Selon Alain Salamin (2012, p. 36), expert en rémunération, reste dans la poche de l’expatrié à la n de l’année (net l’allocation de logement est un aspect dicile à gérer de manière claire et équitable. Un expatrié ayant une famille in the pocket ou net spendable equivalent) soit companombreuse disposera d’un logement plus grand qu’un rable à ce qu’il lui resterait dans son pays d’origine. Des célibataire sans enfant. Un cadre qui possède une maison organisations utilisent aussi un facteur correcteur pour spacieuse aux États-Unis et qui va travailler à Paris ou à compenser les diérences de valeur d’un emploi sur le Genève aura du mal à conserver le même mode de vie. marché (local market adjustment). De plus, si certains Dans le cas des pays émergents, le problème arrive plus employeurs assument la responsabilité de gérer le paiement tard : le cadre qui revient dans son pays d’origine perd des impôts des expatriés, la grande majorité d’entre eux la grande maison qu’il avait pendant l’expatriation, sans préfèrent que leurs expatriés soumettent leur déclaration compter les services de domestiques, de jardiniers, etc. à une rme-conseil.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

LE COIN DE LA LOI

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Surveiller les expatriés involontaires

Certaines règles scales prescrivent que la présence d’un employé dans un pays pendant plus de X jours dans le courant d’une année le dénit comme un expatrié et entraîne des obligations en ce qui a trait au permis de travail et aux remises d’impôts. Pensons aux ingénieurs et aux techniciens qui travaillent sur des projets à l’étranger où ils eectuent des réparations ou des suivis auprès de clients et qui peuvent passer dans ces pays de quatre à six mois par année. Ces

employés peuvent être arrêtés aux frontières parce qu’ils doivent détenir un permis ou un visa de travail et non pas un visa d’aaires. Il s’agit d’un risque pour l’image des entreprises, surtout de grandes entreprises comme Bombardier, SNCLavalin ou General Electric qui ont une rotation constante de 1 000 à 1 500 personnes voyageant dans plusieurs pays et qui devront absorber ces coûts.

Source : Extrait adapté d’Aoun (2012, p. 43-44).

11.3.4 Les méthodes de gestion de la rémunération du personnel expatrié La gestion de la rémunération du personnel expatrié peut s’appuyer sur diverses méthodes qui sont synthétisées dans le tableau 11.12 à la page suivante. Notons que la plupart des organisations adoptent une méthode standardisée ou universelle, principalement l’approche bilan du pays d’origine, qui vise à orir aux employés expatriés un niveau de vie équivalent à celui qu’ils avaient dans leur pays d’origine (la modalité la plus fréquente) ou qui est en vigueur dans le pays d’origine de la maison mère. Dans la quasi-totalité des cas d’expatriation du siège social vers des opérations internationales, on utilise le pays d’origine comme salaire de référence pour trois raisons (Aoun, 2012). Premièrement, le pays d’origine est le marché de comparaison de l’expatrié. En eet, un cadre dont le salaire s’élève à 80 000 $ au Québec refusera une ore de 50 000 $ pour aller travailler au Sénégal malgré que le coût de la vie y soit inférieur. Deuxièmement, cela favorise la délité du personnel. En eet, si un employeur du Québec accordait un salaire plus élevé à un expatrié qu’il envoie travailler en France, ce dernier serait tenté d’y chercher un poste, une fois son aectation terminée. Troisièmement, une société qui a des opérations dans trois ou quatre pays doit orir des salaires compétitifs avec le marché d’origine pour ne pas favoriser une destination plus que l’autre. L’objectif de l’approche bilan est d’encourager la mobilité en faisant en sorte qu’un expatrié ne soit ni gagnant ni perdant au point de vue nancier comparativement à ses pairs du pays d’origine, tout en présumant qu’il fait face aux mêmes dépenses à l’étranger que dans son pays d’origine. Cette approche se concrétise de deux façons. D’une part, la protection du revenu consiste à payer aux employés expatriés des suppléments en monnaie de leur pays d’origine pour compenser le diérentiel de coûts entre le pays d’origine et le pays d’accueil pour diverses catégories de dépenses engendrées par l’aectation. D’autre part, l’égalisation du revenu consiste à payer aux expatriés le diérentiel entre les dépenses eectuées dans leur pays d’accueil et les dépenses faites dans leur pays d’origine, l’objectif étant de leur permettre de maintenir leur pouvoir d’achat. L’approche bilan est exible, simple à communiquer et elle rend attrayantes les aectations à l’étranger, tout comme elle aide les expatriés et les membres de leur famille à s’adapter aux changements de mode de vie. Toutefois, l’approche bilan s’avère coûteuse et dicile à administrer parce qu’elle requiert beaucoup d’informations (par exemple, l’indice du coût de la vie, des enquêtes salariales, la législation scale à l’étranger). Elle peut aussi avoir un eet négatif sur la socialisation des expatriés à l’étranger en les encourageant à se cantonner dans leur « tour d’ivoire ».

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CHAPITRE 11

TABLEAU 11.12 Les diverses méthodes de gestion de la rémunération du personnel expatrié

Méthodes

Description

Méthode du pays d’origine

Elle vise à faciliter l’aectation à l’étranger ainsi que le retour de l’expatrié dans son pays d’origine. Elle se subdivise en quatre pratiques : 1. La négociation. Il s’agit d’une gestion au cas par cas ou sur une base individuelle. Cette pratique risque de créer des iniquités entre les expatriés et d’être coûteuse lorsque leur nombre est élevé. Les organisations qui adoptent cette pratique ont souvent des opérations internationales en émergence, un petit nombre d’expatriés et veulent conserver de la exibilité dans leur gestion. 2. L’approche bilan. Cette pratique, qui est la plus répandue, vise à maintenir le pouvoir d’achat ou le niveau de vie des expatriés dans le pays d’accueil en accordant un salaire en fonction du pays d’origine et en assumant les coûts qui excèdent les dépenses auxquels ils devraient normalement faire face dans leur pays d’origine en matière d’impôts, de logement ainsi que de biens et de services selon l’indice du coût de la vie. 3. L’approche du montant forfaitaire. Cette pratique consiste à accorder un montant, en plus du salaire de base, que les expatriés peuvent dépenser à leur guise. 4. L’approche cafétéria. Cette pratique consiste à orir, en plus du salaire, diverses options (assurance vie, adhésion à un club, etc.) parmi lesquelles les employés expatriés choisissent selon leurs besoins jusqu’à concurrence d’une valeur globale préétablie. Cette approche présente plus de exibilité pour les expatriés, mais sa gestion peut s’avérer coûteuse.

Méthode du siège social

Elle consiste à traiter tous les employés expatriés, sans égard à leur origine, comme s’ils arrivaient du pays du siège social de l’organisation. Ainsi, l’organisation octroie diverses allocations pour permettre à l’expatrié d’atteindre un niveau de vie analogue à celui de ses pairs qui vivent dans le pays du siège social.

Méthode du pays d’accueil

Elle consiste à déterminer le salaire des expatriés en fonction de la structure salariale de l’unité d’aaires dans le pays d’accueil, les autres composantes de la rémunération étant souvent déterminées en fonction de ce qui est oert dans leur organisation d’origine. Très peu fréquente, cette méthode peut être adoptée lorsque les expatriés s’installent dans des pays où l’économie est saine et où les salaires sont élevés. Lorsque le salarié est muté dans un pays où le niveau de vie est inférieur à celui de son pays d’origine, il faut ajouter des indemnités (pour le logement, le transport, l’instruction, etc.). Cette méthode est aussi utilisée pour des séjours de longue durée où le retour des expatriés est très loin dans le temps ou incertain. Une autre option consiste à verser à l’expatrié une prime lors de la première et de la deuxième année de son séjour à l’étranger. Cette méthode réduit les iniquités entre les employés expatriés et les employés locaux et s’avère simple et peu coûteuse.

Méthode du meilleur entre le pays d’origine et le pays d’accueil

Elle consiste à comparer les conditions de rémunération oertes selon la méthode du pays d’origine et selon la méthode du pays d’accueil et à retenir celle qui est la plus favorable pour l’employé expatrié.

Méthode du pays tiers

Elle consiste à retenir un pays tiers ou un marché régional comme référence pour déterminer la rémunération des expatriés. Dans ce dernier cas, chaque région (par exemple, l’Amérique du Nord, l’Europe, l’Asie) a sa propre structure salariale. Si elle peut réduire ses coûts, cette méthode est complexe et elle risque de créer de l’insatisfaction étant donné que la rémunération devient fonction du lieu de leur mutation.

Méthode internationale

Elle consiste à dénir un système de rémunération unique pour l’ensemble des expatriés à l’échelle internationale. Lorsqu’il quitte son pays d’origine, l’expatrié est payé selon une grille internationale de rémunération, alors qu’à son retour sa rémunération redevient gérée en fonction de la rémunération de son pays d’origine. L’organisation opte pour cette méthode, assez coûteuse, dans la mesure où elle peut orir à ses expatriés un cheminement de carrière à long terme avantageux.

Méthode mixte ou hybride

Elle consiste à rémunérer diverses catégories d’expatriés (comme les plus expérimentés et les nouveaux) selon diérentes combinaisons de méthodes (par exemple, pays d’accueil, pays d’origine). Ainsi, on peut retenir des composantes de la méthode du pays d’origine auxquelles on ajoutera des composantes de la méthode du pays d’accueil. Cette exibilité peut permettre de répondre à des besoins particuliers, mais elle risque de susciter des sentiments d’iniquité et d’être coûteuse à gérer.

Source : Adapté de St-Onge et al. (2002).

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

11.3.5 Le dé d’optimiser les perceptions d’équité des expatriés Lorsqu’on passe de la sphère nationale à la sphère internationale, le respect des principes d’équité pose un dé particulier, puisque l’organisation doit comparer les contributions et les rétributions relatives de plusieurs types de référents en gérant la rémunération des employés expatriés : celles des employés du pays d’origine, des expatriés du pays d’origine, des expatriés du pays tiers et des employés du pays d’accueil.

L’équité externe Appliqué à la rémunération des employés expatriés, le principe de l’équité externe entraîne des exigences particulières. D’abord, la conduite des enquêtes de rémunération à l’étranger et l’interprétation des données colligées s’avèrent plus complexes, longues et coûteuses, en raison notamment des devises étrangères et des diérences de scalité. En outre, la détermination du marché de référence est plus complexe. Ainsi, des expatriés peuvent comparer leur rémunération avec celle oerte à des expatriés travaillant pour d’autres organisations internationales situées dans le pays d’accueil qui font un travail plus ou moins similaire et, souvent, pour une autre entreprise œuvrant dans un autre secteur industriel.

L’équité interne À l’égard des expatriés, le principe de l’équité interne comporte aussi des dés particuliers. D’abord, il est dicile de décrire avec précision les exigences des postes à l’étranger, de tenir à jour les descriptions d’emplois et de revoir leurs exigences lorsque leur contenu change. De plus, le respect du principe de l’équité interne nécessite que l’on compare la rémunération oerte aux expatriés avec celle qui est accordée aux salariés du pays d’origine occupant des emplois semblables. Par ailleurs, les allocations ou autres privilèges accordés aux expatriés risquent de créer un sentiment d’iniquité chez les salariés non mobiles. En outre, les employés expatriés de nationalités diérentes (issus de pays diérents) travaillant au même endroit compareront également entre eux leurs contributions et leurs rétributions respectives. Songeons, par exemple, aux expatriés de pays tiers qui sont envoyés à l’extérieur de leur pays d’origine par une entreprise étrangère. Les dirigeants doivent pouvoir justier des diérentiels, puisqu’ils susciteront des sentiments d’iniquité. On doit aussi se rappeler que les expatriés compareront leur rémunération avec celle que, selon eux, ils auraient obtenue s’ils étaient restés dans leur pays d’origine. Enn, des études conrment qu’il faut également se préoccuper de l’équité entre la rémunération des salariés expatriés et celle des salariés locaux (par exemple, Chen et al., 2011). Cela requiert de tenir compte des attentes, des besoins et des normes culturelles des employés locaux.

L’équité individuelle et collective Le respect des principes d’équité individuelle et collective, lorsqu’il est appliqué aux expatriés, s’avère plus complexe. En eet, il est dicile de dénir les attentes de manière claire, de suivre le rendement des expatriés en cours d’année et d’ajuster les attentes de l’organisation à leur égard en raison de la distance. Par ailleurs, les employés expatriés pourront accepter de limiter leurs gains à court terme s’ils croient que les aectations dans d’autres pays constituent des étapes dans la progression de leur carrière et des expériences enrichissantes pour les membres de leur famille. Toutefois, historiquement, de nombreuses organisations ne reconnaissent pas susamment la valeur des expériences acquises grâce au travail à l’étranger (Oemig, 1999). En outre, dans un contexte international, la mobilisation du personnel par rapport aux objectifs globaux de l’entreprise devient particulièrement importante. Comme il est plus dicile de faire le suivi des

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556

CHAPITRE 11

aaires à l’étranger, il s’avère crucial de pouvoir compter sur la loyauté, l’intégrité et l’engagement du personnel expatrié.

La justice du processus À l’égard de la rémunération des salariés expatriés, la perception quant à la justice des moyens pris pour gérer leur rémunération est très importante compte tenu du nombre accru des composantes et de la complexité de celles-ci. En outre, il faut insister sur l’importance de communiquer, à la fois par écrit et oralement, les politiques de rémunération des employés expatriés en se conformant à certains critères. Également, an de gérer les attentes, il faut expliquer les objectifs précis du programme de rémunération ainsi que ce qu’il accorde et n’accorde pas aux employés expatriés et aux membres de leur famille.

11.3.6 Le dé de contrôler les coûts de la rémunération du personnel expatrié Traditionnellement, la gestion de la rémunération du personnel était un processus individualisé de négociation dans lequel intervenait un nombre restreint d’expatriés occupant des postes de dirigeants et de cadres supérieurs. Dans plusieurs grandes organisations, les expatriés — souvent des cadres supérieurs — représentaient une petite caste de personnes privilégiées qu’on traitait, ainsi que les membres de leur famille (très souvent une conjointe sans emploi et des enfants), à grands frais, traitement que l’on devait garder secret pour éviter les réactions en relation avec une perception d’iniquité parmi le personnel local. Aujourd’hui, l’augmentation du nombre d’expatriés occupant des emplois de professionnels, de techniciens ou de cadres de premier niveau a pressé des organisations de réduire ce traitement privilégié. En somme, le prol démographique et sociologique de la nouvelle main-d’œuvre expatriée évolue et sa proportion dans la main-d’œuvre s’est accrue. Étant donné que l’internationalisation des aaires a entraîné une grande variété dans la durée, la fréquence, les lieux et les raisons des aectations à l’extérieur des frontières, on révise de plus en plus les manières traditionnelles de les gérer an d’en améliorer l’ecience. Il s’avère très important pour les entreprises de mieux contrôler la rémunération, puisqu’on estime que le coût d’un salarié expatrié est environ trois fois plus élevé que celui d’un salarié local (Dowling et al., 1999), sans compter les coûts supplémentaires rattachés à l’information additionnelle et à l’expertise particulière nécessaires pour gérer la rémunération des expatriés. L’encadré 11.5 énumère des voies possibles qu’ont proposées récemment des consultants sur la base de leurs expériences et de leurs enquêtes (par exemple, Aoun, 2012 ; Mullaney, 2007 ; Salamin, 2012 ; Stark et al., 2008). Cette liste permet d’observer que les organisations révisent non seulement leurs coûts, mais aussi les rôles attendus des expatriés en cherchant à attribuer à ces derniers des rôles jugés « stratégiques » ou, si l’on veut, à valeur ajoutée. Sinon, elles songent à pourvoir les postes localement ou par des employés internationaux. Aussi, les questions suivantes sont à l’ordre du jour (Norman et Whitbeck, 2010) : jusqu’à quel point les rôles rattachés à ce poste ont-ils une valeur ajoutée sur le plan économique ou inuencent-ils la réalisation de la stratégie de l’organisation ? Des employés locaux peuvent-ils assumer ces rôles ou combien de temps cela leur prendra-t-il pour les assumer adéquatement ? Jusqu’à quel point le titulaire de ce poste doit-il avoir une connaissance approfondie de la culture, de la structure et des parties prenantes de l’organisation ? Pourquoi faut-il recourir à un employé expatrié ? En somme, il faut se questionner sur la pertinence des postes à l’étranger occupés au l des ans par des expatriés et se demander si cela empêche trop le recours à des employés locaux ou internationaux. En dénitive, force est de constater que, depuis 20 ans, la gestion des employés expatriés est axée sur la conciliation des tensions ou sur la découverte d’un certain équilibre entre

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

ENCADRÉ 11.5 ■

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Des mesures pour réduire les coûts du personnel expatrié

Réviser ou remettre en question l’approche scale (le coût des impôts), notamment l’égalisation scale pour les employés internationaux qui ne réintégreront pas le siège social. Réduire le nombre des expatriés et la durée de leur aectation à l’étranger. Embaucher un plus grand nombre d’employés locaux ou d’employés internationaux pour pourvoir les postes à l’étranger. Verser des incitations aux expatriés an qu’ils forment une relève locale (en faire une attente ou un objectif explicite) et procéder à leur rapatriement une fois leur contribution stratégique ou à valeur ajoutée réalisée (rapport coûtsbénéces insusant). Investir davantage dans la formation des employés locaux. Embaucher un plus grand nombre d’employés étrangers dont le contrat sera établi localement avec des aménagements (mais qui n’auront pas le statut d’expatrié). Faire une sélection plus soignée des expatriés an de diminuer le nombre des retours prématurés. Recourir davantage aux aectations ou aux expatriations de plus courte durée (avec des retours fréquents dans le pays d’origine), ou encore au début ou à la n de la carrière, an de réduire les coûts de déplacement des familles et les coûts de scolarité. Simplier ou réduire les composantes ou les conditions d’accès aux composantes de la rémunération des expatriés (par exemple, le recours accru à des enveloppes globales que les expatriés sont libres de gérer). Réviser les composantes de la rémunération des expatriés pour s’assurer de mieux aligner celles-ci sur leurs contributions et sur la durée de leur aectation. Aligner certaines composantes de la rémunération sur ce qui est oert localement (pays d’aectation). Dans ce cas, il s’agit d’un programmes «local plus» ou «d’expatriés locaux», consistant essentiellement dans la rémunération cible oerte à des employés locaux pour cet emploi plus un montant forfaitaire couvrant certaines dépenses. Adopter une clause de retrait ou de réduction de certaines allocations dans le temps an que la rémunération des expatriés devienne plus «locale» avec le temps. Adopter des programmes de rémunération davantage alignés sur la valeur ajoutée (comme mesure de performance). Réduire l’aide au déménagement des biens des expatriés (notamment les automobiles) à l’étranger. Remplacer les primes de service à l’étranger intégrées aux salaires tout au long de la durée de l’expatriation par des primes de mobilité ponctuelles octroyées avant, pendant et après l’aectation. Diminuer les privilèges et les allocations de biens, de services et d’autres avantages (notamment les avantages relatifs aux automobiles). Réduire les allocations de séjour dans le pays d’origine des expatriés et des membres de leur famille. Réduire les divers types de protection oerts lors de la vente des maisons des expatriés au moment du départ du pays d’origine (par exemple, retirer la garantie sur la valeur du marché, le prix d’évaluation, le prix d’achat plus les coûts d’amélioration). Fixer un montant maximal pour certaines allocations (indemnités) ou primes et non plus seulement pour un pourcentage du salaire. Orir des montants forfaitaires pour défrayer des dépenses plutôt que de rembourser les dépenses (par exemple, au lieu de payer les dépenses de l’employé liées à un séjour d’un mois à l’hôtel, lui octroyer un montant forfaitaire qu’il gérera). Gérer de façon plus serrée et plus intégrée des contrats avec des fournisseurs de services (par exemple, pour la recherche du lieu de résidence, la relocalisation, les cours et l’orientation, la gestion). Adopter des structures de rémunération plus ecientes et adaptées aux types d’aectations (par exemple, mutations permanentes, employés internationaux, expatriés).

la centralisation et la décentralisation des politiques, entre la planication des carrières et l’autodéveloppement des employés expatriés, entre le contrôle des coûts et l’ecacité de la mobilité du personnel et, enn, entre la standardisation et la exibilité des modes de gestion à leur égard (Schell et Solomon, 1997).

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CHAPITRE 11

11.4

La rémunération du personnel de recherche et développement

La gestion du personnel de recherche et développement (R&D) devient plus cruciale dans un contexte de pénurie croissante de personnel qualié sur le marché local de l’emploi, ce qui oblige souvent les employeurs à recruter du personnel à l’étranger. Par ailleurs, le taux de rotation du personnel de R&D est élevé dans le contexte de la mondialisation des marchés : attirés par des ores de rémunération alléchantes, certains employés quittent leur employeur pour d’autres organisations au Canada ou à l’étranger. On parle alors d’un exode des cerveaux. En somme, la performance des organisations de ce secteur s’appuie principalement sur leur capacité d’attirer et de retenir des employés qualiés de plus en plus rares et mobiles, et donc sur le contenu de la rémunération globale qui leur est oerte.

11.4.1 Les particularités du personnel Le personnel de R&D comporte diverses caractéristiques qui lui sont propres (Jodoin, 2003 ; St-Onge et al., 1999b). D’abord, ces employés ont un certain pouvoir parce qu’ils constituent une source importante d’avantage concurrentiel et que leurs compétences sont rares. Comme, dans bien des cas, ils peuvent facilement se trouver un emploi semblable ailleurs, ils sont susceptibles de se montrer prompts à quitter l’entreprise lorsque leurs attentes et leurs besoins ne sont pas comblés. Cela est d’autant plus vrai au sein d’une concentration géographique d’entreprises employant du personnel de R&D comme la Silicon Valley aux États-Unis, puisque cette proximité facilite le changement d’employeur et en réduit les coûts et les inconvénients.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie de la dépendance des ressources Selon la théorie de la dépendance des ressources (Balkin et Bannister, 1993), le personnel de R&D a un certain pouvoir de négociation de ses conditions de rémunération, pouvoir qui se base sur ses expertises, souvent essentielles au succès de l’entreprise et dicilement remplaçables.

Ensuite, on estime souvent que ces employés sont plutôt individualistes parce qu’ils préférent généralement travailler seuls et qu’ils tendent à démontrer un attachement plus grand à leur profession qu’à leur employeur. Par ailleurs, plusieurs emplois en R&D comportent un travail ayant un horizon à long terme, des tâches non répétitives, uides et un équipement qui évolue. Tout cela a pour eet que les connaissances du personnel de R&D peuvent devenir rapidement obsolètes. Aussi, ces employés doivent maintenir et accroître leurs compétences en obtenant plus de temps pour assister à des cours et à des conférences et en exerçant un travail plus intéressant. Finalement, sur le plan de l’équité, les employés de R&D sont plus portés à comparer leur rémunération avec celle de leurs collègues ayant la même expertise et la même expérience qu’eux dans l’entreprise ou sur le marché, ou avec celle versée aux jeunes diplômés qui entrent sur le marché du travail ou au service de l’entreprise. Ce personnel se compare moins avec d’autres catégories d’employés (personnel de bureau, de vente, etc.) au sein de l’organisation.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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11.4.2 Les particularités de la gestion de la rémunération du personnel D’entrée de jeu, il faut constater que même si les employés de R&D constituent une catégorie de personnel à part, cela ne signie pas que leur rémunération soit gérée de manière uniforme dans toutes les organisations. Une étude menée auprès d’entreprises de haute technologie montre que les pratiques de rémunération du personnel de R&D varient selon la taille des entreprises (voir le tableau 11.13). Il est aussi évident que l’on ne gère pas la rémunération des chercheurs dans l’industrie pharmaceutique comme celle des programmeurs ou encore celle des concepteurs de jeux vidéo, car les expertises, les emplois et les secteurs industriels représentent des facteurs importants de la gestion de la rémunération. Malgré que la gestion de la rémunération du personnel de R&D soit fonction de nombreuses caractéristiques contextuelles, on peut dégager les dés particuliers suivants à relever dans ce domaine.

La gestion des salaires et des incitations pour favoriser l’attraction et la rétention Étant donné le pouvoir que détient le personnel de R&D, il importe de répondre de manière optimale à ses attentes et à ses besoins pour pouvoir attirer ce personnel, le satisfaire et le retenir. Pour cela, il faut réaliser des enquêtes de rémunération an de justier les composantes de la rémunération globale qui lui sont octroyées, mais aussi pour être en mesure d’attirer et de conserver ce personnel. Par ailleurs, certains emplois de R&D sont propres à l’entreprise et, pour cette raison, il est dicile de les comparer. Les données des enquêtes faites par les sociétés de consultation peuvent alors avoir une utilité trop limitée et l’organisation doit mandater des consultants pour procéder à des enquêtes maison. Le personnel de R&D ne vit pas en vase clos et les professionnels de la rémunération doivent aussi justier ses conditions de rémunération auprès des autres employés. En eet,

TABLEAU 11.13 Les pratiques de rémunération du personnel de recherche

et développement selon la taille de l’entreprise Entreprises de petite taille ou en démarrage : de 25 à 50 employés

• Enquêtes salariales locales • Absence de structure salariale ocielle permettant plus de exibilité : détermination des salaires au cas par cas selon les caractéristiques des employés (expérience, scolarité, etc.) • Révision des salaires sur une base bisannuelle, annuelle ou semestrielle • Primes de rendement individuel et d’équipe • Pas de participation aux bénéces • Priorité accordée à la rémunération non pécuniaire, comme la participation aux décisions ou l’octroi de responsabilités

Source : Barrette et al. (2002, p. 58-61).

Entreprises de taille moyenne : de 150 à 250 employés

• Enquêtes salariales nationales • Révision des salaires de deux à

Entreprises de grande taille ou bien établies : plus de 350 employés

• Pratiques semblables à celles des

organisations de taille moyenne avec en plus une ore variée de quatre fois par année primes, soit des primes pour les idées • Rémunération selon le mérite créatrices, des primes aux employés individuel des primes pour la réa• Réseau informel d’échange d’informa- exceptionnels, lisation de projets particuliers, des tion sur les salaires primes de performance de l’unité, • Structure salariale ocielle des primes à la discrétion du super• Primes de rendement individuel viseur et des primes «cadeaux» lors et d’équipe (résultats d’un projet) d’événements particuliers • Participation aux bénéces pour • Avantages exibles de type cafétéria l’ensemble des employés ou • Pratiques de reconnaissance pour les employés clés • Rémunération basée sur les • Achat ou octroi d’actions compétences • Importance du budget consacré aux avantages

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CHAPITRE 11

ces conditions de rémunération sont souvent perçues comme inéquitables par les autres catégories de personnel. En outre, il est fréquent que les employés de R&D ayant moins d’expérience trouvent injuste leur rémunération par rapport à celle de leurs collègues possédant plus d’expérience. À leurs yeux, les salaires devraient être liés aux compétences plus qu’à l’expérience. D’autre part, les organisations versent assez souvent des primes d’attraction, de rétention, d’étapes ou de rareté (voir le chapitre 4) au personnel de R&D, car cela leur permet de reconnaître le dé particulier que pose ce personnel sans trop nuire au principe d’équité interne au sein de l’entreprise (Tremblay et Chênevert, 2008). Aussi, bon nombre d’entreprises qui procèdent à l’élargissement des bandes salariales — une approche décrite dans le chapitre 6 — appartiennent également au secteur de la haute technologie.

La gestion des compétences et du rendement du personnel Il est dicile de décrire, d’évaluer et de maintenir les compétences des employés de R&D étant donné que la nature de leurs emplois évolue sans cesse et que ce personnel présente un taux de rotation élevé, ce qui complexie la poursuite des projets et du suivi en matière de rendement. La gestion du rendement et de la rémunération variable du personnel de R&D pose des dés particuliers aux employeurs. En eet, il est nécessaire d’utiliser des méthodes de gestion du rendement et de la rémunération de ce personnel qui favorisent l’alignement des comportements de ces employés sur les exigences d’aaires de l’organisation. De façon plus précise, le personnel de R&D doit s’adapter au travail en équipe, car la plupart des activités se font en équipe, et apprendre à collaborer. De plus, on estime souvent que le personnel de R&D ne fait pas preuve d’esprit d’entreprise et qu’il est préoccupé par des objectifs à long terme, alors que la direction doit respecter des normes de rentabilité à court terme. Par ailleurs, les employeurs doivent souvent inciter leur personnel de R&D à partager davantage ses connaissances et à développer une relève. En eet, comme le contrôle de l’information et de l’expertise est une source de pouvoir pour ces employés, et donc pour la négociation de leurs conditions de travail, ils peuvent être moins enclins à partager leurs expertises. Selon Bartol et Srivastava (2002), les employeurs peuvent encourager le partage des connaissances en établissant et en tenant à jour des banques de données communes, en favorisant les interactions informelles et les communautés de pratique sur des sujets d’intérêt de même qu’en faisant appel aux régimes de rémunération variable. Ainsi, ils peuvent gérer un régime de salaire au mérite en faisant en sorte que l’évaluation du rendement tienne compte du partage des connaissances. Ils peuvent aussi adopter des régimes collectifs de rémunération variable de manière à appuyer l’importance de la collaboration entre les personnes, les équipes, les services et les unités pour le bénéce de tous. Toutefois, étant donné que le rendement du personnel de R&D est souvent dicile à évaluer et à suivre, il faut gérer avec prudence la rémunération variable à court terme à son égard. De plus, certaines organisations hésitent à récompenser le rendement Les pratiques de rémunération pour favoriser l’attraction et la rétenindividuel, car le rendement de l’équipe est plus tion du personnel de R&D varient selon la taille de l’entreprise, les important au sein de son personnel de R&D. Aussi, secteurs industriels et les expertises. elles recourent plus souvent pour ce personnel aux

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

régimes collectifs (par exemple, le partage des bénéces et l’achat d’actions) et à des programmes de reconnaissance, notamment ceux qui donnent une visibilité aux réalisations importantes (le développement de nouveaux produits, le progrès de recherches, etc.).

La rémunération des cheminements de carrière en recherche et en gestion Plusieurs organisations dans le secteur technologique gèrent des lières professionnelles an de permettre aux employés qui veulent bâtir leur carrière sur l’acquisition de compétences techniques ou spécialisées ou sur l’accumulation d’expériences dans des postes de gestion de pouvoir le faire. Il importe alors que ces deux lières soient perçues comme aussi attrayantes nancièrement parlant pour les employés an d’y attirer et d’y retenir les personnes les plus compétentes. Par ailleurs, de plus en plus d’organisations s’eorcent de gérer ces lières de manière exible an de permettre aux employés de passer de l’une à l’autre durant une longue période comme durant une période plus courte. Encore là, les organisations doivent faire preuve de exibilité sur le plan de la rémunération.

La gestion de la rémunération globale À l’égard du personnel de R&D, il est particulièrement important pour l’organisation de miser sur une stratégie de rémunération globale alignée sur la marque d’employeur. Il est nécessaire de présenter au personnel de R&D la rémunération oerte au sens large, c’est-à-dire les conditions de travail, les avantages sociaux, les possibilités d’enrichissement, le salaire, la rémunération à court terme et à long terme (options, primes, etc.). Ce personnel est aussi très soucieux de l’environnement de travail, c’est-à-dire le service de la R&D, le contenu du travail, la nature des projets, les dés actuels et futurs en matière de R&D, la qualité et l’autonomie de ce personnel ainsi que les infrastructures de R&D (équipements et locaux). Plus le recrutement se fait à l’international, plus on peut tabler sur les attraits de l’organisation et sur ceux de la ville ou de la province. On peut ainsi vanter l’organisation, c’est-à-dire son potentiel de croissance, sa réputation, sa performance, sa culture, les possibilités de carrières oertes et la qualité de la vie au travail, la diversité culturelle et ethnique de sa main-d’œuvre, de même que la situation géographique de la ville, ses écoles (leur proximité, leur qualité, les droits de scolarité), la facilité à se loger et le coût du logement, la qualité de la vie, les loisirs et les sports, etc.

11.5

La rémunération des membres des conseils d’administration

Une enquête menée au Canada auprès de sociétés dont les actions sont négociées à la Bourse montre que la rémunération moyenne des administrateurs externes s’élève à 128 851 $ et qu’elle a augmenté beaucoup plus rapidement que celle des autres catégories de personnel non dirigeant. Si cette rémunération varie selon la taille, l’industrie ou le secteur de l’entreprise, dans près de la moitié des cas, elle est oerte sous forme d’honoraires annuels (médiane = 49 999 $), de jetons de présence (médiane = 1 500 $) et de certains types de capital-actions (dans 80 % des cas, des actions et dans 26 % des cas, des options) (Conference Board du Canada, 2014). Cette section8 vise à démonter qu’il faut faire preuve de prudence à l’égard des tendances émergentes en matière de rémunération des administrateurs, étant donné qu’on semble vouloir y répandre les mêmes mythes que ceux qu’on observe envers la rémunération des dirigeants. S’il est essentiel de rémunérer convenablement les membres des conseils 8. Cette section s’appuie sur des extraits d’un texte à paraître de Magnan et St-Onge (2014).

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d’administration de certaines entreprises pour leurs contributions, il est aussi important de maintenir l’indépendance des administrateurs (réelle et apparente) et de s’assurer que celle-ci reète leurs obligations de duciaires envers les diverses parties prenantes. Sur la base des croyances ou des arguments avancés, nous verrons les questions qu’il faut se poser sur la rémunération des membres des conseils d’administration.

11.5.1 Faut-il rémunérer les administrateurs comme des consultants expérimentés qui exercent une activité à temps plein ? Puisque les membres des conseils d’administration peuvent assumer des responsabilités plus grandes ou plus lourdes — surtout chez ceux qui sont également membres de comités, comme le comité de vérication, le comité des ressources humaines ou le comité de rémunération —, certains auteurs allèguent qu’il faut les rémunérer davantage en leur accordant une rémunération semblable à celle versée à des experts, à des conseillers ou à des consultants de haut niveau comme balise ou critère de la détermination de leur rémunération. Toutefois, on doit reconnaître qu’il y a des diérences entre la position des consultants et celle des membres des conseils d’administration des sociétés. Les consultants chevronnés négocient la rémunération de leurs services avec leur client, alors que les administrateurs conviennent entre eux de leur niveau et de leur mode de rémunération mutuels de même que de ceux du PDG de l’entreprise, cet argent ne sortant cependant pas de leurs poches. La position des administrateurs est parfois considérée comme une situation de copinage entachée de tracs d’inuence en raison du lien positif existant entre la rémunération des PDG et celle des membres de leur conseil d’administration (Brick et al., 2006 ; O’Reilly et al., 1988 ; Ezzamel et Watson, 1998). Dans cette délicate position de conit d’intérêts eu égard au fait que les administrateurs conviennnent entre eux de leur rémunération, il faut garder une certaine retenue sur les montants des composantes de la rémunération (par exemple, des jetons de présence aux réunions, le remboursement de dépenses, le taux horaire, les montants forfaitaires) et s’assurer que le montant est clair et simple à communiquer. Aussi, les hausses de la rémunération xe devraient être attribuées à des administrateurs engagés activement dans des comités ou remplissant des mandats particulièrement exigeants dont on peut apprécier les résultats et les heures qui y sont consacrées, et reconnaître les mérites personnels, comme l’expérience, la formation et l’expertise.

REGARD SUR LA PRATIQUE La rémunération des administrateurs des sociétés publiques au Canada Une enquête menée auprès d’un échantillon de 224 sociétés dont les actions sont négociées à la Bourse montre que la rémunération moyenne des administrateurs non salariés s’élève à 128 851 $, soit plus qu’en 2010, où elle se chirait à 112 651 $. Cette rémunération augmente beaucoup plus rapidement que les tendances en matière de rémunération des autres catégories de personnel non dirigeant et elle varie considérablement selon la taille, l’industrie ou le secteur de l’entreprise. Par exemple, dans les grandes entreprises, la rémunération s’élève à 139 891 $, dans les moyennes Source : Extrait adapté de Conference Board du Canada (2014, p. iv).

entreprises, elle est de 125 348 $ et dans les petites entreprises, de 108 222 $. Près de la moitié des entreprises (47 %) versent aux administrateurs une combinaison d’honoraires annuels et de jetons de présence, ainsi que certains types de capital-actions. En 2012, les honoraires annuels médians s’élevaient à 49 999 $ et le jeton de présence médian valait 1 500 $. Les trois quarts des entreprises rémunèrent en partie leurs administrateurs sous la forme de capital-actions, la majorité (80 %) utilisant des attributions à base d’actions, contre 26 % des attributions à base d’options.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

On remarque aussi une tendance à recruter des « administrateurs professionnels », soit des administrateurs qui n’ont pas d’emploi à temps plein et qui limitent presque toutes leurs activités professionnelles à sièger à un ou des conseils d’administration de sociétés. Il s’agit souvent de professionnels qui se trouvent au milieu ou à la n de leur carrière et qui font ce choix, ou encore de retraités qui veulent rester actifs. Si chaque cas est diérent et que cela puisse comporter certains avantages (disponibilité, compétences, etc.), il faut également songer que des administrateurs professionnels peuvent se sentir plus dépendants du maintien de leurs postes au sein des conseils d’administration et voir leur indépendance menacée, surtout si leur participation à ces conseils s’avère très bien rémunérée. Comment un administrateur payé à temps partiel sur une base régulière, et donc traité un peu comme un employé, peut-il conserver l’indépendance et l’objectivité exigées par sa fonction ? Les administrateurs possèdent une valeur pour l’entreprise et ses parties prenantes parce qu’ils sont détachés de celle-ci et qu’ils peuvent apporter un point de vue plus objectif : s’ils deviennent quasiment des salariés, de plus en plus payés, cette indépendance risque davantage de donner lieu à de la complaisance ou à la peur de perdre un revenu. Comme dans le cas des PDG, seront-ils tentés de s’accorder mutuellement des formes de garanties contractuelles (comme une prime de n de mandat) pour parer à l’éventualité d’être remplacés ou de devoir quitter le conseil d’administration de l’entreprise ? En somme, une hausse de la rémunération des administrateurs devrait rester raisonnable, clairement estimable et facile à communiquer, car elle symbolise l’indépendance vis-à-vis de la direction et le souci de donner des services à toutes les parties prenantes. Aussi, s’il peut être intéressant de compter sur des administrateurs professionnels qualiés au sein des conseils d’administration, il ne faudrait pas qu’ils deviennent trop nombreux au sein d’un même conseil parce que cela menacerait l’indépendance objective ou perçue de cette instance.

11.5.2 Faut-il compenser pécuniairement les administrateurs pour certains risques ? Des administrateurs peuvent justier l’augmentation de leur rémunération par le fait qu’ils assument plus de responsabilités et de risques avec la hausse des réglementations, l’intervention accrue des actionnaires et l’examen plus serré de leurs décisions par plusieurs parties prenantes. En réalité, des experts ont constaté le peu de risques que courent les administrateurs sur le plan de la réputation. Ainsi, des études menées aux États-Unis montrent que les occasions de travail oertes aux administrateurs des conseils d’administration sont compromises seulement lors de faillites frauduleuses des entreprises. De fait, la majorité des administrateurs reconnus qui ont travaillé dans les conseils d’administration de sociétés qui ont connu des résultats désastreux, voire la faillite, ont poursuivi leur carrière sans problème (Schloetze, 2010 ; Yermack, 2004). D’autres auteurs notent que les conseils d’administration sont des réseaux endogènes de personnes tissés tellement serré que la valeur des services et la réputation des administrateurs sont relativement insensibles aux chocs externes (comme la faillite de l’entreprise, les malversations des dirigeants) (Hermalin et Weisbach, 2003 ; Slaughter et Rhoades, 2004). Certes, il faut admettre que la participation d’administrateurs à titre de témoins ou d’accusés dans une cause peut requérir du temps et engendrer du stress. Toutefois, la probabilité qu’un administrateur se retrouve dans une telle situation est très faible et, dans la quasi-totalité de ces cas, cela n’occasionne aucuns frais juridiques à l’administrateur. Après avoir examiné les conséquences pécuniaires de poursuites engagées contre les administrateurs indépendants dans quatre pays assujettis au droit anglo-saxon (Australie,

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Canada, Grande-Bretagne et États-Unis) ainsi que dans trois pays soumis au droit civil (France, Allemagne et Japon), des chercheurs constatent que la responsabilité enchâssée dans les textes juridiques se traduit rarement par l’obligation pour des administrateurs de payer personnellement des dommages ou des frais juridiques (Black et al., 2005). Cette dernière conclusion est cohérente avec une analyse eectuée : « Il semble que les organisations se sont entendues tacitement pour éviter d’imputer aux membres des conseils d’administration la responsabilité d’avoir failli à leurs devoirs » (Fairfax, 2005, p. 394 ; traduction libre). Les risques pour les administrateurs impliqués dans des décisions désastreuses d’avoir à assumer des coûts sont donc largement exagérés : entre 1980 et 2006, les administrateurs de seulement deux sociétés ouvertes aux États-Unis ont été appelés à verser personnellement des dommages à la suite de manquements en vertu des lois de leur État (Davido, 2011). Notons aussi qu’aujourd’hui les organisations couvrent très bien tous ces risques, si limités soient-ils, par des assurances. Aussi, le fait de justier la hausse de la rémunération des administrateurs sur la base des risques courus semble peu légitime ou conforme à la réalité, d’autant que la plupart des administrateurs sont maintenant protégés de tout aléa par des assurances payées par l’entreprise.

11.5.3 Faut-il contrôler la rémunération des administrateurs par sa divulgation et la tenue d’enquêtes sur le sujet ? En ce qui a trait à la rémunération des administrateurs, certains réclament — comme cela a été le cas pour les dirigeants — que l’on divulgue davantage leur rémunération et qu’on justie les montants en jeu sur la base d’enquêtes, l’objectif étant de prouver leur caractère raisonnable. Si l’on va dans ce sens, il est probable que la conduite d’enquêtes régulières et la communication constante des changements à l’égard de la rémunération des administrateurs mèneront à une uniformisation de leurs modes de rémunération et à la hausse continue de leur valeur, comme cela a été et est toujours le cas pour les dirigeants. Encore ici, il faut adopter des principes et s’y tenir pour vraiment gérer la rémunération des administrateurs — et non pas copier le marché —, ce qui impliquera certainement, de temps en temps, de laisser partir un administrateur insatisfait ou de ne pas réussir à attirer un candidat en particulier. Par contre, bien des candidats sont toujours susceptibles de compléter l’agencement des compétences dans le conseil d’administration.

11.5.4 Faut-il lier la rémunération des administrateurs à la performance de l’organisation ? L’état des connaissances nous enseigne qu’il faut éviter de lier la rémunération des administrateurs à la performance organisationnelle et s’en tenir à leur accorder des honoraires annuels ou des jetons de présence préétablis. La situation constatée chez les dirigeants laisse présager que, en augmentant la rémunération variable des administrateurs (surtout l’intéressement à long terme), le lien entre leur rémunération et la performance organisationnelle ne sera pas plus étroit et que, chose sûre, ils s’enrichiront. Octroyer aux administrateurs des incitations basées sur la performance boursière aura les mêmes conséquences négatives qu’elles ont dans le cas des dirigeants. Plus fondamentalement, rémunérer les membres des conseils d’administration selon une mesure de la performance organisationnelle particulière (à court ou à long terme) va à l’encontre de la responsabilité de duciaire consistant à se soucier de diverses parties prenantes et de plusieurs indicateurs de performance, sans compter que la gestion de l’organisation ne relève pas d’eux mais de la direction. Si l’expérience montre que les PDG contrôlent peu

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

les diérentes mesures de la performance organisationnelle (par exemple, les bénéces, la cote boursière), il s’avère peu probable que les membres de leur conseil d’administration aient un eet plus clair sur la performance de leur entreprise. Après avoir revu les études sur le sujet, Allaire (2008) conclut que le lien entre la rémunération des administrateurs et la performance organisationnelle est ambigu et fortement associé au contexte. Dans le jugement BCE, la Cour suprême du Canada note que les administrateurs, lorsqu’ils s’acquittent de leurs obligations de duciaires envers la société, dans le contexte de sa continuité, doivent se préoccuper des intérêts à long terme de la société et tenir compte de ceux des actionnaires, des employés, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de l’environnement (Galway et Gans, 2008). De fait, la présence de diverses parties prenantes oblige les administrateurs à considérer la performance organisationnelle de manière plus globale et non strictement nancière ou boursière. Le fait de rémunérer les administrateurs en fonction d’un critère de performance va donc à l’encontre du mandat de cette instance et limite leur objectivité dans le règlement de conits d’intérêts potentiels entre les parties prenantes. À l’inverse, le rôle de duciaires des administrateurs exige plutôt que leur rémunération reste indépendante des résultats organisationnels parce qu’ils ne gèrent pas l’entreprise et qu’ils ont le devoir d’optimiser la satisfaction des intérêts de toutes les parties prenantes.

UNE THÉORIE D’INTÉRÊT La théorie des parties prenantes Cette théorie propose une solution de rechange au modèle de gouvernance centré sur l’actionnaire issu de la théorie de l’agence (Freeman et al., 2004) en postulant qu’une entreprise a des comptes à rendre non seulement aux actionnaires, mais également à diverses parties prenantes, comme les principaux créanciers, les employés, les clients, les fournisseurs, l’État, les communautés locales et le public en général.

11.5.5 Les meilleurs conseils d’administration sont-ils ceux qui paient le plus ? De nombreuses études montrent que l’ecacité des conseils d’administration relève surtout de la combinaison d’expériences, de connaissances et de compétences parmi les membres, laquelle s’avère utile à une compréhension du modèle d’aaires, et de la façon dont les administrateurs gèrent leurs réunions et leur prise de décision (temps susant pour les discussions et la prise de décision, diusion de la documentation avant les rencontres, qualité de la documentation reçue, gestion des conits, etc.) (par exemple, Finkelstein et Mooney, 2003). Par conséquent, plutôt que de tenter à tout prix de recruter une ou des personnes en particulier, il vaut mieux s’assurer de la présence d’une combinaison de compétences et de se doter de bons modes de gestion. Le fait de regrouper des administrateurs-vedettes ne signie absolument pas que le conseil sera ecace. Pire, de nombreux conseils d’administration fonctionnent mal en raison de la présence d’un petit nombre d’administrateurs-vedettes qui ne savent pas travailler en équipe ou qui ne respectent pas leurs rôles au sein d’un conseil d’administration. Dans le choix des administrateurs — comme dans celui d’un PDG (Pfeer et Sutton, 2006b) —, il importe non pas de trouver les meilleurs administrateurs, mais d’éviter d’embaucher de mauvais administrateurs dont les comportements et les attitudes sont dysfonctionnels. Des études révèlent d’ailleurs qu’il faut se méer des administrateurs-vedettes étant donné que leur présence s’est avérée liée au risque de fraude ou d’irrégularités nancières par les dirigeants (Magnan et al., 2012).

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Traditionnellement, la valeur d’un administrateur se mesure surtout en termes de ressources (Pfeer et Salancik, 1978) qu’il a accumulées avec les années — comme son expertise, ses expériences, ses relations — et qu’il met au service d’une entreprise. En eet, certains administrateurs peuvent, par leurs réseaux, favoriser la conduite des aaires, améliorer la réputation de l’entreprise et permettre à l’entreprise d’acquérir des ressources qui, autrement, lui seraient dicilement accessibles (Hillman et Dalziel, 2003). Ainsi, en raison de ses relations sociales, politiques et d’aaires, un membre d’un conseil d’administration pourra faciliter l’acquisition par l’entreprise d’actifs ou de moyens essentiels à son succès futur. Également, en raison de sa réputation ou de sa stature, un administrateur pourra apporter une légitimité ou une crédibilité au conseil d’administration de l’entreprise. Jusqu’à maintenant, tout cela était plus du ressort d’un engagement social que d’une relation strictement économique. Notre système de gouvernance (le politique) s’appuie sur un esprit d’entraide et sur un don certain de la part des administrateurs (l’économique) au collectif ou à la société. Certes, le contexte réglementaire croissant peut justier une hausse de la rémunération xe, mais il faut se rappeler qu’il ne s’agit pas d’une relation d’emploi. Pour la plupart des administrateurs, la rémunération n’a pas été, au l des ans, le facteur premier qui a conditionné leur décision de joindre un conseil d’administration. Cela vaut certainement pour les conseils des organisations sans but lucratif et du secteur public, mais aussi pour nombre d’administrateurs dans le secteur privé. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? On sait aussi que le poste d’administrateur apporte une reconnaissance, des sources d’enrichissement psychologique et une valorisation intrinsèque. Ces retombées positives rattachées à l’engagement dans un conseil d’administration seront toujours présentes, et la plupart des administrateurs éprouvent davantage un sentiment de reconnaissance que de l’avidité. En eet, une enquête conrme que la décision de joindre un conseil d’administration comporte plusieurs avantages aux yeux des administrateurs qui n’ont rien à voir avec la rémunération (Boren et al., 2010) : • Cela donne l’occasion de relever des dés permettant de contribuer au succès ou au redressement d’une entreprise. • Il est possible d’apprendre de nouvelles manières de faire, des pratiques ou des idées, lesquelles pourront être protables dans d’autres contextes organisationnels et permettre de se développer personnellement (par exemple, en matière de gouvernance ou de gestion). • On peut alors joindre une organisation respectée ou prestigieuse ainsi que son réseau d’administrateurs. • Cela permet de demeurer actifs et utiles au moment de la retraite. De plus, l’investissement en matière de temps et de compétences des administrateurs devrait être ponctuel, temporaire et comporter une dimension de don au collectif, soit à la société. En eet, comme le rôle des administrateurs est de concilier les intérêts de toutes les parties prenantes, on peut dès lors considérer qu’ils doivent assumer un rôle de « bons citoyens organisationnels ou sociétaux » (Coleman et Borman, 2000 ; Borman et Penner, 2001 ; Smith et al., 1983) qui adoptent volontairement des comportements prosociaux (Brief et Motowildo, 1986) pour le bien collectif (voir la rubrique « Une théorie d’intérêt » à la page 565). Aussi, même si ce sont souvent les conseils d’administration des grandes sociétés publiques qui sont en cause, les décisions à l’égard de la rémunération des administrateurs donnent des signaux importants sur la façon dont on conçoit le travail des administrateurs et changent la signication de leur fonction à leurs propres yeux et aux yeux des observateurs. Ainsi, plus la rémunération des administrateurs des grandes sociétés s’accroît, plus ces derniers seront perçus comme motivés davantage par l’appât du gain, vu l’ampleur du gain qu’ils en retirent, et moins la population les percevra comme voulant contribuer à la société. Lorsque les privilégiés abusent de la situation, le cynisme s’installe dans la population. C’est justement parce que ce système de gouvernance

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est à sa base politisé et propice aux conits d’intérêts (quel que soit le nombre de règles que l’on se donne) qu’il faut manifester de la réserve sur le plan de la rémunération des administrateurs. Le respect de la population envers les instances de gouvernance et envers les pouvoirs économique et politique est en jeu. En dénitive, la problématique n’est pas simple et il faut aussi tenir compte des situations. Par contre, si l’on veut mieux rémunérer les administrateurs, la voie la plus sûre est celle de la rémunération xe (par exemple, jetons, salaire). Certes, des montants plus élevés peuvent être versés aux administrateurs dont les fonctions au sein du conseil sont nettement plus exigeantes ou liées à un mandat précis. Surtout, il faut éviter de répéter le discours découlant de la théorie de l’agence selon laquelle les administrateurs auraient besoin d’être motivés, récompensés et contrôlés pour assumer adéquatement leur rôle de duciaires. Plus on rémunérera les administrateurs sur la base de cette prémisse, plus on attirera des membres de conseils conditionnés par la rémunération. Cela ne correspond d’ailleurs pas à la situation de la majorité des administrateurs bénévoles (ou presque) qui œuvrent au sein des diverses organisations de la société, que ce soient les organismes sans lut lucratif, les sociétés d’État, les PME ou les grandes entreprises. La plupart des administrateurs sont des personnes compétentes qui veulent consacrer du temps et leurs expertises au prot du bien collectif et qui désirent relever des dés, redonner à la société, se développer, joindre un réseau, être plus visibles et renommés, rester actifs lors de la retraite, etc. Il importe que les modes de rémunération des administrateurs sauvegardent l’indépendance, le rôle de duciaire des conseils d’administration et le désir d’œuvrer d’abord et avant tout pour des considérations sociétales et personnelles autres que nancières.

11.6

La rémunération du personnel atypique

Depuis le début des années 1970, les organisations du Québec et du Canada proposent de moins en moins d’emplois à temps plein et permanents et davantage d’emplois atypiques, soit des postes à temps partiel, des emplois temporaires, des emplois de remplacement pour une agence, le travail autonome, le travail contractuel à court terme, le travail saisonnier, etc. Cette situation a des conséquences pour la rémunération des personnes visées. On observe ainsi des avantages et une protection juridique moindres, des régimes de retraite très limités, un accès très restreint à des programmes d’assurance salaire en cas de maladie et, pour les travailleurs autonomes, une absence de congés de maternité et parentaux et l’inaccessibilité aux prestations d’assurance emploi. Les employeurs embauchent du personnel sur une base contractuelle pour diverses raisons : pour accroître la exibilité dans l’organisation du travail an de tenir compte de uctuations dans la demande de travail, pour se doter de certaines expertises, pour contrôler les coûts du personnel, pour avoir la possibilité d’évaluer les employés pendant une période probatoire avant de les embaucher de manière permanente, pour contrôler les coûts des avantages sociaux et préserver l’emploi des employés permanents (Lebrun, 1997). La possibilité de travailler sous des formes atypiques peut être appréciée et assumée de façon volontaire sur une période plus ou moins longue par des personnes en raison des avantages que cela comporte dans la vie personnelle. Toutefois, l’ampleur nouvelle du travail atypique fait que de nombreux travailleurs n’ont pas le choix d’y recourir et qu’il s’agit là de leur seule voie d’accès au travail. Il importe alors de considérer les répercussions négatives (sur la santé, sur le bien-être de la personne et des membres de sa famille, etc.) que provoquent l’impossibilité pour des citoyens de ne pouvoir accéder à un emploi susamment payé à lui seul et l’obligation de prendre deux ou trois emplois atypiques, souvent sur appel et donc imprévisibles, pour parvenir à gagner un revenu susant.

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CHAPITRE 11

De plus, au sein d’une organisation, les employés atypiques sont souvent moins payés que les employés réguliers occupant des emplois équivalents, et ils bénécient de très peu d’avantages sociaux. Devant cette diérence importante de traitement, il faut se méer des coûts directs et indirects associés aux perceptions d’iniquité que cela peut entraîner dans les milieux de travail entre deux catégories de personnel. Certains auteurs voient dans l’ore de travail atypique une certaine protection des conditions de travail des employés permanents étant donné que ce seraient les organisations qui accordent les conditions de travail les plus coûteuses pour leurs employés permanents qui tendent à embaucher davantage d’employés contractuels (Houseman, 1997). Il faut redouter ce clivage entre deux catégories de personnel. Une étude révèle que l’engagement des employés à temps partiel à l’égard de leur employeur dépend principalement de la certitude qu’ils ont d’être traités équitablement (en ce qui a trait au salaire, aux vacances, à l’assurance collective, etc.) comparativement à leurs collègues qui ont un emploi à temps plein (Tansky et al., 1997). Les dirigeants qui insistent sur l’importance du personnel et de sa mobilisation sont plus crédibles lorsqu’ils orent la base à la plus grande partie de leur personnel, à savoir un travail à temps plein, selon des horaires prévisibles et avec des conditions de rémunération et d’avantages sociaux alignées sur le marché.

11.7

La gestion de la rémunération dans les secteurs privé et public

La gestion de la rémunération est très diérente selon qu’on se trouve dans le secteur privé ou dans le secteur public. L’encadré 11.6 relève certaines particularités du secteur public en ce qui concerne aussi bien le contexte d’aaires, la gestion en général ou la gestion du personnel que la gestion de la rémunération. Notons que plusieurs de ces particularités caractérisent aussi certaines entreprises de grande taille et dotées de lourdes structures hiérarchiques.

ENCADRÉ 11.6

Les particularités du secteur public

1. Les particularités du contexte d’aaires ■ Absence de bénéces et d’actions négociées sur le marché boursier ■ Monopole ou faible compétition ; dans certains cas, risque de privatisation ■ Produits souvent intangibles : services ■ Scepticisme de la population quant à la qualité de la gestion ■ Exigences accrues de la population à l’égard des services ou des produits oerts (variété, quantité, rapidité, etc.) ■ Aléas politiques : horizon de direction à court terme, électoralisme, etc. 2. Les particularités de la gestion ■ Objectifs de gestion : la qualité des services et l’ecience, c’est-à-dire l’art de faire davantage avec moins de ressources (compressions budgétaires, réduction des services ou des produits oerts) ■ Stratégies et lignes directrices oues et tributaires des changements de leadership ■ Modes de gestion très standardisés et formalisés ■ Culture de gestion axée sur le contrôle ■ Style de gestion accordant peu de pouvoir décisionnel aux cadres ■ Préoccupation marquée pour la justice des processus de gestion ■ Bureaucratie

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

ENCADRÉ 11.6

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Les particularités du secteur public (suite)

Gestion par budgets : contrôle des coûts et respect des budgets Productivité dicile à comptabiliser ■ Organisation du travail traditionnelle axée sur la division des tâches ■ Gestion peu participative ■ Diculté à innover, à expérimenter, à changer en raison des traditions, du nombre élevé d’employés visés et de la décentralisation géographique des employés 3. Les particularités de la gestion des ressources humaines ■ Main-d’œuvre syndiquée ■ Relations de travail souvent tendues entraînant des griefs à régler ■ Gestion standardisée et ocielle (moins d’individualisation, de cas par cas) ■ Sécurité d’emploi ■ Faible rotation du personnel ■ Diculté à recruter des employés ayant des compétences clés ■ Eorts pour respecter les lois (équité salariale, équité en matière d’emploi, Charte des droits et libertés de la personne, etc.) de manière à agir comme modèle ■ Souci d’éviter le favoritisme, les comportements discrétionnaires et la subjectivité ■ Procédures d’appel et de règlement des griefs connues ■ Accent mis sur la sélection et la promotion des employés et non sur l’évaluation du rendement des employés ■ Accès à une panoplie de pratiques de conciliation travail-famille (travail à temps partiel, horaire exible, congés, etc.) ■ Possibilités de développement et de mobilité interne élevées 4. Les particularités de la gestion du rendement et de la rémunération directe et indirecte ■ Préoccupation pour la réduction des frais de gestion de la rémunération en préconisant la standardisation des conditions de travail des employés entre les régions, les villes et les provinces ■ Transparence, standardisation et formalisation de la gestion importantes en vue d’une réduction des perceptions selon lesquelles les décisions sont politiques ; multiples politiques touchant à de nombreuses catégories d’emplois fort variés ■ Rémunération liée aux budgets octroyés et aux conventions collectives, les employés n’étant pas en mesure de «générer» des revenus qui permettraient de mieux les payer ■ Objectif de contrôle des coûts de rémunération, parce qu’ils sont scrutés par les citoyens, les journalistes, etc., et qu’il est dicile de transmettre les hausses de rémunération aux contribuables (sous forme de taxes, d’impôts, etc.) ■ Politique relative aux salaires : égaler le marché ■ Avantages sociaux et régimes de retraite souvent supérieurs à ceux du marché ■ Politiques et programmes gérés sur les plans national et provincial ; prise en considération de la productivité du pays ou de la province ■ Compression des salaires ou aplatissement des structures salariales : salaires plus élevés aux employés situés au bas de la hiérarchie qu’aux employés du secteur privé qui occupent des emplois comparables ou exigeant des compétences semblables, l’inverse étant vrai pour les emplois situés au sommet de la hiérarchie ■ Souci plus grand pour l’équité interne et l’équité (relativité) salariale ; souci moins grand pour l’équité externe et l’équité individuelle ; importance de l’évaluation et de la hiérarchisation des emplois ; classication des emplois fondée sur leurs responsabilités relatives ■ Rendement individuel et performance collective diciles à dénir et à mesurer : évaluation du rendement individuel (le cas échéant) faite dans un but de communication et de développement, et non pour la xation des salaires ; reconnaissance pécuniaire des années de service plutôt que du rendement ; rendement reconnu par l’octroi de promotions ■ Peu de pouvoir discrétionnaire accordé aux cadres et peu d’individualisation de la rémunération (par exemple, rémunération au mérite, rémunération des compétences) ■ Peu de régimes collectifs de rémunération variable applicables : possibilités de régimes de suggestions ou de partage des gains ■ ■

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CHAPITRE 11

Pour en savoir plus sur la rémunération dans le secteur public

Dans le secteur public, la gestion de la rémunération se fait en fonction des budgets à respecter et des conventions collectives ou des programmes ociels auxquels sont soumis un grand nombre d’employés dans tout le pays ou la province. De plus, le Conseil du Trésor est réticent à améliorer la rémunération des dirigeants de la fonction publique étant donné la visibilité de leur salaire et la résistance des contribuables au fait de payer mieux les employés du secteur public qu’eux-mêmes. En général, partout en Amérique du Nord, la politique relative aux salaires dans le secteur public consiste à égaler la rémunération du marché ou à se situer un peu en dessous de lui. Comme le secteur public doit aussi relever le dé de l’attraction et de la rétention — souvent pour des postes clés —, des entrevues auprès de professionnels des ressources humaines œuvrant dans le secteur public américain montrent qu’on gagne à communiquer davantage les composantes de la rémunération globale qu’on trouve dans ce secteur (Stoeckmann et Kelley, 2010). En eet, il importe de mieux faire valoir aux jeunes les nombreux avantages qui compensent un salaire ou une rémunération directe moins élevés, soit la sécurité d’emploi, les pratiques de conciliation travail-famille, les bénéces, la retraite, les possibilités de mobilité, etc. En outre, la sécurité d’emploi oerte aux employés permanents comporte des privilèges comme la garantie de ne pas être congédiés faute de travail, le droit au placement prioritaire dans des postes vacants, le maintien de leur traitement en cas de suppression ou de cession de postes, le droit de refuser, à certaines conditions, une autre aectation si le poste est à l’extérieur de leur catégorie d’emplois ou de leur unité administrative ou s’il est situé à plus de 50 kilomètres de leur port d’attache (Muller, 2005). Des travaux menés par l’Institut de la statistique du Québec (La Presse Canadienne, 2012) indiquent que 82 % des employés du secteur public âgés de 50 à 54 ans se disent conants quant à leurs revenus de retraite, un taux qui s’élève à 61 % chez les employés du même âge dans le secteur privé. Cela n’a rien de surprenant étant donné que les employés du secteur public sont couverts par des régimes à prestations déterminées et que leur employeur ne peut déclarer faillite. Toutefois, avec le vieillissement de la population, il faut s’attendre à ce que les gouvernements — provinciaux et fédéral — prennent diverses mesures an de réduire les coûts croissants des prestations de retraite et des assurances diverses de leurs employés. En ce qui a trait à la rémunération variable dans le secteur public, on observe qu’elle concerne davantage certaines catégories de personnel et qu’elle est surtout versée sous forme de primes basées sur le rendement individuel. De plus, elle représente souvent un pourcentage plus restreint de la masse salariale que dans le secteur privé. La gure 11.4 illustre ces constats au Québec. Des études menées dans divers pays sur la rémunération au mérite dans le secteur public conrment qu’elle a des résultats plutôt négatifs (voir la revue de St-Onge et Buisson, 2012 ; Perry et al., 2009) en raison des caractéristiques propres au secteur public (voir l’encadré 11.6, à la page 568).

11.8 Syndicat (union) Dans le contexte des rapports collectifs de travail, association de salariés vouée à la sauvegarde et au développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres.

La gestion de la rémunération dans les milieux syndiqués

Comparativement aux entreprises dans lesquelles les syndicats ne sont pas implantés, celles qui comportent au moins un syndicat ont une gestion de la rémunération qui tend à posséder les caractéristiques suivantes : d’une part, on tient à ocialiser (à mettre par écrit) et à uniformiser davantage les conditions de rémunération des employés ; d’autre part, on y détermine les salaires plus en fonction du marché, des classes d’emplois, des années de service ou du coût de la vie et moins en fonction du rendement.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

FIGURE 11.4

Les taux de présence de la rémunération variable à court terme par catégorie d’emplois, secteurs public et privé

Source : Ducharme (2010, p.4).

Dans les milieux syndiqués, c’est la convention collective qui balise les composantes de la rémunération totale telles que les salaires et les primes diverses, la durée de la semaine de travail, les repas payés, les allocations de repas liées aux heures supplémentaires, les heures supplémentaires (droit de refus, paiement, accumulation, etc.), les avantages sociaux, les congés annuels payés, le régime de retraite, les vêtements et les chaussures de travail ou les équipements de sécurité. Au Canada comme aux États-Unis, des études conrment que la présence d’un syndicat dans les entreprises a un impact moyen positif de près de 10 % sur les taux de salaires (Benjamin et al., 1998 ; Drost et Hird, 2000 ; Gunderson et Hyatt, 1995 ; Renaud, 1997). De manière plus précise, on observe les faits suivants : • L’écart des salaires entre les employés syndiqués et les employés non syndiqués varie selon l’industrie et le secteur. Cet écart est très élevé dans le secteur de la construction ; il est plus important dans le secteur des services que dans le secteur manufacturier, dans le secteur privé que dans le secteur public. • Cet écart est plus important parmi la main-d’œuvre peu qualiée et semi-qualiée que parmi la main-d’œuvre qualiée. • Il est plus important parmi la main-d’œuvre féminine ; de fait, les femmes sont moins syndiquées, mais elles font plus de gains que les hommes qui sont syndiqués. On invoque souvent la syndicalisation pour expliquer la diérence entre le salaire des femmes et celui des hommes sur le marché du travail, les femmes étant sousreprésentées par des syndicats proportionnellement à la place qu’elles occupent sur le marché du travail. • Il augmente avec le pourcentage d’employés syndiqués dans l’industrie, la région ou l’entreprise. • Il augmente en période de récession. La syndicalisation a aussi un eet sur les avantages sociaux oerts aux employés. Au l des années, on constate que les syndicats ont un impact positif important sur la présence et l’ampleur des avantages sociaux, dont les régimes de retraite, les régimes d’assurances, les vacances et les congés.

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CHAPITRE 11

Par ailleurs, au sein des entreprises où l’on trouve à la fois des employés syndiqués et des employés non syndiqués, les augmentations de salaires négociées pour les employés syndiqués peuvent exercer une pression à la hausse sur les salaires des employés non syndiqués. En eet, ces derniers seront insatisfaits si leurs conditions de rémunération ne s’améliorent pas dans une proportion semblable à celle du personnel syndiqué. Soulignons que ce n’est pas seulement la présence d’un syndicat qui inuence l’ecacité de la gestion des ressources humaines, mais aussi la volonté des employeurs d’éviter une éventuelle syndicalisation de leurs employés. Cette volonté explique pourquoi les organisations où il n’y a pas de syndicat — et qui veulent voir cette situation demeurer — doivent souvent orir des conditions de travail (des avantages sociaux, des salaires, la sécurité d’emploi, etc.) qui soient aussi alléchantes, voire plus, que celles qu’orent les entreprises concurrentes où il y a un syndicat. On parle alors d’un eet d’entraînement (spillover eect [Solnick, 1985]). Plusieurs entreprises qui ne comptent aucun syndicat, comme IBM, ont d’ailleurs adopté des pratiques de GRH plus coûteuses et des conditions de travail plus avantageuses que celles d’un grand nombre d’entreprises concurrentes du même secteur industriel dans lesquelles il y a un syndicat.

REGARD SUR LA PRATIQUE Syndiqués et contexte Des travailleurs de Pizza Hut, Burger King, McDonald’s, Wendy’s et plusieurs autres chaînes de restauration rapide ont tenu des grèves d’un jour à New York, à Chicago, à Detroit, à Saint Louis, à Kansas City et à Milwaukee an de faire passer le salaire des employés du secteur de la restauration rapide à 15 $ l’heure — alors que le salaire médian est de 9,05 $ l’heure et de moins de 8 $ l’heure au Kansas — et d’obtenir le droit de former un syndicat sans être intimidés par la direction. Il faut laisser tomber le mythe du jeune employé étant donné que l’âge moyen des employés de ce

secteur est de 28 ans chez les hommes et de 32 ans chez les femmes. Il faut aussi se questionner sur l’argument des possibilités d’avancement élevées, car une récente étude du National Employment Law Project montre qu’à peine 2,2 % des emplois dans cette industrie sont des emplois de gestionnaires ou d’administrateurs (la moyenne dans les autres industries aux États-Unis étant de 31 %). Notons qu’aucun des 200 000 établissements de chaînes de restauration rapide aux États-Unis n’est syndiqué et que le pays a vu son taux de syndicalisation passer de 30 % en 1962 à 1,3 % en 2012.

Source : Adapté de Bérubé (2013, p. A21).

Pour des raisons philosophiques, les syndicats préfèrent les structures salariales égalitaires (certains parlent d’aplatissement), où il y a peu de diérences entre les salaires accordés aux emplois les mieux rémunérés et les salaires accordés aux salaires moins bien rémunérés. Comme les syndicats s’eorcent de représenter surtout les titulaires des emplois situés au bas de la structure hiérarchique et d’améliorer leurs salaires, les structures salariales en milieux syndiqués tendent à être plus plates. On peut également penser que la présence syndicale presse l’employeur de justier adéquatement ses décisions en matière salariale en recourant, par exemple, à des méthodes d’évaluation des emplois structurées, comme la méthode des points. An de protéger les salariés de l’arbitraire patronal (dans les évaluations du rendement), les syndicats sont traditionnellement plus enclins à réclamer des structures salariales où les salaires progressent en fonction de l’ancienneté, un indicateur objectif qui avantagera tout le monde (dans la mesure où tout le monde vieillit !). Une enquête menée au Canada montre que, en moyenne, la grande majorité des employés non syndiqués voient leur performance évaluée (85 % dans le secteur public et 99 % dans le secteur privé), alors que seulement 3 employés syndiqués sur 10 voient leur performance évaluée (Conference Board du Canada, 2010).

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

Toutefois, l’attitude et le pouvoir des syndicats en matière de gestion de la rémunération ont évolué au cours des dernières années. La mondialisation des marchés a fait que les salaires et les conditions de travail oerts par les entreprises sont de moins en moins à l’abri de la concurrence (c’est le cas pour la société Bell Canada). Le niveau de scolarité accru des salariés et de leurs représentants a aussi modié leurs attentes ou leur ouverture en matière de rémunération. De plus, les nouvelles formes d’organisation du travail exigent que les entreprises soient plus exibles et qu’elles accordent une moins grande importance à des règles qui donnent du pouvoir aux syndicats — notamment les augmentations de salaires en fonction des années de service, les procédures de règlement des griefs, la classication stricte des emplois ainsi que les lourdes structures salariales et politiques relatives aux mouvements de personnel. À cet égard, selon une enquête réalisée par le Conference Board du Canada (Stewart et Lamontagne, 2013), les cinq plus importants enjeux des syndicats lors des négociations ont été, dans l’ordre, les salaires, la sécurité d’emploi, les avantages sociaux, les régimes de retraite et la sous-traitance. Avec la crise économique et la baisse du dollar américain qu’on a connues au Canada, de nombreuses entreprises manufacturières où l’on trouve un syndicat ont traversé une période dicile, les syndicats faisant alors face à la situation de se contenter de maintenir, voire de réduire, les conditions de rémunération de leurs membres, surtout les nouveaux, pour sauver des emplois. À titre d’exemple, en 2013, an de garder leurs coûts d’exploitation à un niveau comparable à celui des États-Unis alors que la valeur du dollar canadien s’accroissait, les travailleurs syndiqués du fabricant automobile Ford ont accepté une nouvelle convention collective qui entraînerait la création de 600 emplois, dont 35 emplois dans les usines Ford d’Oakville et de Windsor, en Ontario, mais qui diminuerait les salaires des nouveaux employés et rendraient ces derniers admissibles à un régime de retraite hybride plutôt qu’au régime à prestations déterminées dont bénécient les autres employés (La Presse Canadienne, 2012). Les pressions contextuelles changent aussi les composantes de la rémunération des travailleurs syndiqués. Une étude longitudinale menée au Canada fait ressortir l’évolution des composantes « avantages sociaux », « salaire » et « rémunération variable » en fonction de la présence syndicale au sein des entreprises (Long et Shields, 2009). Il aparaît que plus la présence syndicale est marquée, plus les avantages sociaux restent signicativement plus importants dans la rémunération totale, mais cela se fait au détriment de la proportion des salaires xes, laquelle diminue au prot de la proportion de la rémunération variable. Aussi, dans le temps, les diérences entre la rémunération variable dans les milieux syndiqués et dans les milieux non syndiqués sont moins grandes. Ce résultat est conforme à d’autres recherches qui conrment que les programmes de rémunération variable, surtout collectifs (participation aux bénéces, partage des gains, etc.), mais aussi individuels (primes), sont de plus en plus fréquents dans les milieux syndiqués canadiens et américains, et ce, depuis la n des années 1990 au sein des plus grandes organisations (Heneman et al., 1997 ; Hynes, 2002). Une étude du Conference Board du Canada (Hallamore, 2005) montre qu’au cours des cinq années précédentes un peu moins de 10 % des syndicats qui comptaient au moins 500 membres ont conclu une entente de rémunération au mérite faisant en sorte que la performance individuelle des syndiqués soit reconnue sous la forme d’une prime versée en plus du salaire. Aux yeux des employeurs, une prime a l’avantage de ne pas hausser les salaires à long terme (ainsi que les avantages sociaux), tandis que pour les syndicats, elle a pour eet de rendre le salaire identique pour tous. La gure 11.5 à la page suivante compare le taux de fréquence de la rémunération variable entre divers groupes d’employés selon qu’ils se trouvent dans des milieux syndiqués ou dans des milieux non syndiqués au Québec. De même, une enquête réalisée auprès d’organisations comptant

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574

CHAPITRE 11

FIGURE 11.5

Les taux de présence de la rémunération variable à court terme par catégorie d’emplois, secteur privé syndiqué et non syndiqué

Source : Ducharme (2010 p. 4).

plus de 200 employés (ISQ, 2011) indique que 85 % des entreprises privées ont au moins un régime de rémunération variable, alors que ce taux est de 37 % pour celles du secteur « autre public » (soit le secteur public, parapublic et municipal). Notons que les chires publiés peuvent sous-estimer la présence de régimes de rémunération variable, car dans bien des cas les règles relatives à ces programmes sont exprimées dans un document distinct de la convention collective, les parties préférant éviter qu’ils deviennent un droit acquis et voulant s’assurer que leurs règles de gestion pourront être révisées et même abandonnées. À ce jour, des études ont montré que la rémunération variable dans les milieux syndiqués a eu des eets positifs, notamment une augmentation de la productivité (une réduction des coûts) et de la qualité, une meilleure compréhension de l’organisation parmi le personnel et une amélioration des relations de travail (Dalton, 1997 ; Hynes, 2002). Par contre, la rémunération variable peut avoir des eets négatifs, entre autres le fait d’être établie au détriment des augmentations de salaires annuelles, et donc de la rémunération xe, ou celui d’alimenter une compétition malsaine entre les travailleurs. En général, an

REGARD SUR LA PRATIQUE Le programme de partage des gains de productivité chez Corus S.E.C./L.P. La lettre d’entente signée en juillet 2001 entre Corus S.E.C. et le Syndicat des travailleurs et des travailleurs de l’aluminium du Cap-de-la-Madeleine (CSN) indique ceci : «Le programme de partage des gains de productivité sera géré par le comité d’amélioration continue et son mandat sera : d’assurer le suivi et la communication des résultats à chaque trimestre. De mettre en place les éléments nécessaires pour réaliser les objectifs du programme. De recueillir les suggestions

pouvant améliorer les résultats des diérents indicateurs de performance, […] indicateurs qui ont été choisis en fonction de leur importance pour l’avenir de l’usine et du pouvoir que les salariés ont d’en inuencer les résultats. Advenant que des circonstances imprévues obligent l’entreprise à devoir changer un ou des indicateurs, leur remplacement sera soumis au comité d’amélioration continue.»

Source : [En ligne], www.travail.gouv.qc.ca/publications/gestion_des_ressources_humaines/regimes_collectifs_de_remuneration_variable/ le_partage_des_gains_de_productivite_corus_seclp.html

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

qu’un régime de rémunération variable soit accepté par un syndicat, les dirigeants d’une organisation devraient remplir les conditions suivantes : • Bâtir un climat de conance avec les syndicats en partageant avec eux l’information liée à leur position concurrentielle et nancière. • Accorder une reconnaissance égale aux employés (plutôt qu’une reconnaissance liée au rendement individuel) en fonction de la performance collective mesurée sur la base de critères objectifs et équitables (résultats). • Adopter un régime simple, requérant la participation des acteurs, et proposer de le communiquer et d’orir de la formation à ce sujet. • Orir des salaires compétitifs, les régimes de rémunération variable ne devant pas compenser des salaires plus faibles qui permettent de réduire des coûts en ce qui a trait aux avantages sociaux et aux retraites.

11.9

La gestion de la rémunération dans les petites et moyennes entreprises

Au Canada, la majorité des personnes travaillent dans une petite entreprise comptant moins de 100 employés ou dans une moyenne entreprise comptant entre 100 et 500 employés. La gestion des ressources humaines au sein des PME se distingue par diverses caractéristiques interreliées (Fabi et al., 2005, 2007 ; Louart et Vilete, 2010) : • l’omniprésence du propriétaire-dirigeant, qui veut souvent tout décider et centraliser à l’égard de la fonction ressources humaines et qui a de la diculté à déléguer ; • l’absence de responsable des ressources humaines et d’expertise dans les méthodes et les techniques de GRH ; • les ressources limitées sur les plans nancier, temporel, informationnel et matériel ; • l’absence fréquente d’un syndicat ou d’une partie représentant les intérêts du personnel ; • le peu de formalisation (écrits) ou de structuration de la GRH. Ces caractéristiques constituent tout autant des atouts que des limites pour les PME. Eectivement, ces caractéristiques, lorsqu’elles sont combinées avec d’autres facteurs, permettent aux PME d’être plus exibles pour s’adapter rapidement aux situations qui se présentent. Comptant peu de niveaux hiérarchiques, elles sont avantagées en ce qui concerne la rapidité, la simplicité des communications et un personnel qui tend à être polyvalent. Par contre, on se rend compte que, en l’absence d’un professionnel des ressources humaines ainsi que de procédures et de méthodes de GRH, les dirigeants et les cadres généralistes des PME assument eux-mêmes toutes les activités de GRH, telles que la dotation, la formation, la rémunération, la santé et la sécurité. Avec le temps, les dirigeants et les cadres éprouvent alors beaucoup de diculté à gérer systématiquement et convenablement leur personnel, surtout s’ils doivent compter sur des employés spécialisés rares sur le marché, s’ils doivent répondre à des exigences légales pointues ou s’ils ont des opérations à l’international. Au Québec, la présence de la Loi sur l’équité salariale a certainement contribué à inciter les PME à formaliser davantage leurs modes de gestion de la rémunération, notamment des salaires, malgré que cela ne soit pas l’objectif de la loi. Par ailleurs, en général, les organisations de plus petite taille tendent à accorder des salaires inférieurs à ceux des grandes entreprises. Le tableau 11.14 à la page suivante énumère des facteurs qui permettent de mieux comprendre les eets de la taille des organisations sur les montants des salaires versés. Toutefois, même si les organisations de petite taille sont souvent moins en mesure d’être à la tête du marché sur le plan de la rémunération (xe et variable), elles peuvent attirer

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576

CHAPITRE 11

TABLEAU 11.14 Les facteurs permettant de comprendre les eets de la taille

des organisations sur les montants des salaires versés Pourquoi les plus grandes organisations accordent-elles des salaires plus élevés ?

Pourquoi les plus petites organisations accordent-elles des salaires moins élevés ?

• Les grandes organisations tendent à réaliser des bénéces supérieurs en

• Les petites organisations tendent à avoir

raison d’une plus grande productivité, ce qui les rend en mesure d’orir de meilleures conditions de rémunération. • Elles tendent à adopter des systèmes de production nécessitant un personnel plus qualié qu’elles doivent attirer et retenir en orant de meilleures conditions. • Elles sont souvent plus connues et elles ont plus de prestige, elles tendent à attirer des employés plus scolarisés, plus stables et comptant plus d’années d’expérience, ce qui les contraint à leur accorder de meilleures conditions de rémunération pour les embaucher et les retenir, mais aussi pour conserver leur image d’employeurs de choix ou prestigieux. • Elles tendent à être localisées dans de grandes villes, où le coût de la vie est plus élevé et où il y a plus de concurrence sur le marché de l’emploi. De meilleurs salaires facilitent l’embauche et la délisation du personnel. • Elles ont plus fréquemment un personnel syndiqué et doivent négocier les conditions de rémunération avec les syndicats ou, s’il n’y a pas de syndicat, elles ont tendance à orir des conditions avantageuses pour éviter la syndicalisation. • Elles accordent une rémunération élevée à leur PDG, et cela se répercute sur la rémunération du personnel des niveaux hiérarchiques inférieurs.

moins de revenus et une moins grande capacité de payer. • Elles tendent à embaucher des travailleurs sur une base horaire, à temps partiel ou temporaire pour contrôler le coût de leur main-d’œuvre. • Elles ont plus tendance à gérer une maind’œuvre dont les caractéristiques commandent de plus faibles salaires : plus jeune, plus féminine, moins scolarisée, moins qualiée, ayant moins d’ancienneté, comportant moins de cadres. • Elles tendent à être localisées dans des milieux ruraux, où le coût de la vie est moins élevé et peut justier des salaires moins élevés. • Elles tendent à lier davantage la rémunération du personnel à des mesures de rendement pour limiter le coût de la rémunération xe et permettre de récompenser son personnel lorsqu’elles en ont les moyens (exibilité).

et conserver une main-d’œuvre de grande qualité en mettant l’accent sur d’autres composantes de la rémunération globale, comme la formation et le perfectionnement au travail, les possibilités de promotion, les dés stimulants ou l’aménagement exible des horaires. Des recherches menées au Québec montrent que, en considérant le temps et les ressources humaines et nancières que les entreprises investissent dans l’implantation de programmes de suggestions, les PME sont plus productives ou ecaces que plusieurs grandes entreprises (Carrier et Gélinas, 2012). Comme l’ont constaté ces chercheures, ce n’est pas parce que les primes sont plus généreuses que les idées sont meilleures, et dans les PME la proximité entre les employés favorise une certaine contagion, les plus créatifs ayant un eet d’entraînement sur les autres employés.

Conclusion Dès le chapitre 2, nous avons insisté sur le fait que la gestion de la rémunération est fonction des caractéristiques de l’environnement, des organisations et des catégories de personnel. Le présent chapitre a approfondi cet aspect LE COIN DE L’ORDRE DES CRHA en montrant comment la rémunération de certaines catégories de personnel est particulière, soit les dirigeants, le personnel de vente, le personnel expatrié, le personnel de R&D, les membres des conseils d’administration et le La rémunération des cadres supérieurs : le juste équilibre entre la saine gouvernance et la performance personnel atypique. Le contexte étant aussi fort important, Par Marc Chartrand, CRHA, associé, PCI Perrault Conseil inc. nous avons décrit la gestion de la rémunération dans un contexte international, dans le secteur public, dans les India’s Fascinating and Unique HR Challenges milieux syndiqués ainsi que dans les petites et moyennes Par Mamta Wasan, vice-présidente principale, ressources humaines chez FIS Global Business Solutions entreprises.

Les diérentes catégories de personnel et les contextes particuliers en gestion de la rémunération

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QUESTIONS DE RÉVISION

1. Quelles sont les composantes de la rémunération à court et à long terme des diri2. 3. 4.

5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13.

geants d’entreprise ? Quels sont les avantages et les inconvénients potentiels de la rémunération par options d’achat d’actions ? Que révèlent les études quant à l’ecacité de ce mode de rémunération ? Quels facteurs compromettent l’indépendance et l’objectivité des administrateurs dans leur prise de décisions en matière de rémunération des dirigeants ? Expliquez chacun de ces facteurs. Quelle est la diérence entre les commissions et les primes comme formes de rémunération variable pour le personnel de vente ? Comparez-les sur la base des facteurs qui privilégient le recours à l’un ou l’autre de ces modes de rémunération ainsi que de leurs avantages et inconvénients respectifs. Quelles caractéristiques permettent de déterminer l’importance relative à accorder à la portion xe et à la portion variable dans la rémunération du personnel de vente ? Quels sont les principaux dés que pose la gestion de la rémunération à l’international ? Quelles sont les méthodes de gestion de la rémunération du personnel expatrié ? Décrivez-les. Quelles sont les caractéristiques du personnel de recherche et développement ? Quels dés posent-elles en matière de gestion de la rémunération ? Quels principes devraient être respectés en matière de rémunération des administrateurs ? Quels sont les principaux dés et particularités relatifs à la gestion de la rémunération du personnel atypique ? En comparaison du secteur privé, quelles sont les particularités du secteur public sur le plan de la gestion de la rémunération ? Quelles incidences la présence d’un syndicat au sein d’une entreprise a-t-elle sur la rémunération oerte aux employés ? Quels facteurs permettent de mieux comprendre les eets de la taille des organisations sur les montants des salaires versés ?

QUESTIONS DE DISCUSSION

1. John Bremen et Ted Briggs (2008, p. 33 ; traduction libre), conseillers chez Watson Wyatt Worldwide, rappellent une expérience qu’ils ont vécue. « Un PDG d’une société pharmaceutique américaine a imposé au personnel de vente situé au Japon de travailler en fonction d’un plan d’incitation à la vente basé sur le rendement individuel. À la n de cette année-là, alors que nous marchions dans les bureaux du service des ventes du Japon, nous avons vu des notes accrochées à un tableau indiquant le montant du budget global de primes pour l’équipe. Le superviseur de l’équipe nous a expliqué qu’à la n de chaque mois tous les représentants commerciaux encaissaient leurs chèques et lui donnaient l’argent reçu an de l’ajouter au budget de reconnaissance qui était partagé également parmi tout le personnel de vente à la n de l’année.» Qu’est-ce que ce fait vécu illustre ? 2. Quels aspects la fonction publique devrait-elle mettre en avant dans ses campagnes de recrutement an d’attirer les jeunes ? Comment pourrait-elle s’y prendre pour communiquer ecacement ses messages ?

Glossaire Alignement horizontal (horizontal alignment) Cohérence entre la gestion de la rémunération et les autres activités de gestion des ressources humaines de même qu’avec les autres fonctions de gestion de l’organisation.

Classe d’emplois ( job class) Regroupement d’emplois et de postes ayant des exigences de valeur semblables et dont les salaires sont gérés selon des taux et des balises de progression salariale semblables (même échelle salariale).

Alignement vertical (vertical alignment) Arrimage entre la gestion de la rémunération et les priorités d’aaires de l’organisation, sa stratégie, ses objectifs d’aaires, ses valeurs de gestion et ses facteurs clés de succès.

Commission (sales commission) Pourcentage des ventes, pourcentage du bénéce brut des ventes ou somme d’argent par unité vendue.

Ancienneté dans l’organisation (years of service in the organization) Période d’emploi qui s’est écoulée depuis la date à laquelle un salarié a été embauché par l’organisation. Ancienneté dans le poste (years of service in the job ou job tenure) Période d’emploi qui s’est écoulée depuis la date à laquelle un salarié a été sélectionné pour occuper le poste. Antisélection (adverse choice) Tendance des employés à choisir les avantages qu’ils sont les plus susceptibles d’utiliser, an que leur investissement soit le plus rentable possible à court terme. Autorité de conseil (authority to advise) Autorité exercée par des personnes qui ont des connaissances spécialisées et reconnues et qui ont la légitimité pour donner des conseils dans le champ de leurs compétences. Autorité fonctionnelle ( functional authority) Autorité qui confère le pouvoir d’intervenir dans une unité administrative autre que la sienne, d’y analyser des situations et de formuler des directives, lesquelles doivent être suivies comme s’il s’agissait d’ordres provenant de cadres détenant une autorité hiérarchique. Autorité hiérarchique (hierarchical authority) Autorité exercée par des personnes qui peuvent donner des ordres à leurs subordonnés et s’attendre à ce que ces ordres soient suivis. Calibrage (grading) Sessions au cours desquelles plusieurs gestionnaires se rencontrent pour discuter de l’attribution des cotes de performance dans le souci de favoriser une certaine cohésion quant à l’interprétation, à l’attribution et à la distribution des cotes de performance qu’ils accordent aux employés.

Compétence clé (key competency) Compétence fondamentale pour la réussite d’une activité ou l’atteinte d’un objectif d’aaires. Compétences (competencies) Capacités reconnues d’une personne au regard de certains aspects du savoir (connaissances), du savoir-faire (habiletés, comportements) et du savoir-être (attitudes, aptitudes, traits de personnalité). Convention collective (collective agreement) Entente relative aux rapports et aux conditions de travail signée entre les parties patronale et syndicale d’une organisation. Déclencheur (threshold) Seuil, souvent établi sur la base des résultats nanciers de l’entreprise (par exemple, le bénéce avant intérêts, impôts et amortissement – BAIIA), dont l’atteinte autorise le versement des primes et qui vise à lier l’octroi des primes à la capacité nancière de l’entreprise. Discrimination systémique (systemic discrimination) Forme de discrimination qui relève d’un système, d’un ordre établi provenant de pratiques volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts salariaux entre les emplois traditionnellement occupés par les hommes et ceux traditionnellement occupés par les femmes. Distribution forcée ( forced distribution) Octroi de cotes de performance selon une certaine distribution : le pourcentage de personnes se voyant attribuer chacune des cotes est préétabli, souvent selon une courbe normale. Échelle salariale (pay scale) Balises permettant de déterminer les salaires et la progression des salaires versés à des titulaires occupant des emplois ou des postes regroupés dans une même classe d’emplois et qui sont de valeur semblable au regard des exigences.

Engagement organisationnel (organizational commitment) Force du lien d’attachement qui unit l’employé à son organisation. Enquête de rémunération (compensation survey) Outil qui consiste à colliger des informations sur la rémunération oerte pour des emplois sur le marché du travail. Équilibre travail-famille (work and family balance) Style de vie qui permet d’éviter que le travail empiète sur sa vie personnelle. Équité collective (collective equity) Ampleur avec laquelle un employé perçoit un lien entre sa rémunération et la performance de son unité ou de son organisation. Équité externe (external equity) Ampleur avec laquelle un employé perçoit que la rémunération qu’il reçoit est comparable à celle que d’autres organisations octroient aux titulaires qui occupent un poste semblable au sien. Équité individuelle (individual equity) Mesure dans laquelle les titulaires d’un même emploi estiment que leur rémunération tient compte de leur contribution individuelle évaluée en fonction de leurs années de service, de leur performance, de leurs compétences, de leur expérience ou de leur potentiel. Équité interne (internal equity) Ampleur avec laquelle un employé perçoit que les salaires versés sont équivalents pour des emplois de même valeur et qu’ils sont diérents pour des emplois de valeur inégale. Équité salariale (pay equity) Rémunération accordée à des emplois à prédominance féminine de valeur X équivalant à celle accordée à des emplois à prédominance masculine de même valeur ou de valeur équivalente. Évaluation des emplois ( job evaluation) Hiérarchisation des emplois dans une organisation en fonction de leurs exigences relatives, de façon à accorder des salaires de base proportionnels à ces exigences. Gestion de la performance (performance management) Ensemble des activités de planication, de direction, de suivi, de contrôle, de développement et de reconnaissance visant à optimiser la contribution des personnes au travail. Gouvernance (governance) Ensemble des mesures, règles, mécanismes et instances de décision, d’information et de

Glossaire

surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’une organisation. Image de marque d’employeur (employer brand) Notoriété et caractéristiques que l’on attribue à une organisation en tant qu’employeur. Meilleurs talents (best talents) Employés qui présentent un potentiel élevé laissant penser qu’ils seront les dirigeants de demain. Paiement direct (direct payment) Procédé électronique entre une pharmacie et une compagnie d’assurance permettant de connaître l’admissibilité du médicament et le prix que le participant doit payer. Performance (performance) Ensemble des contributions fournies par une ou plusieurs personnes dans leur travail au cours d’une période (comportements, résultats, etc.). Personnel contingent (contingent, contractual or part time sta) Personnel qui travaille sur une base temporaire, contractuelle ou à temps partiel. Politique de rémunération (compensation policy) Ensemble de valeurs, de normes, de pratiques et de principes orientant la gestion de la rémunération et pouvant être énoncé ociellement (c’est-à-dire par écrit) ou non. Préjugé (prejudice) Opinion préconçue, positive ou négative, à l’endroit d’une personne ou d’une chose ; idée toute faite, souvent inculquée par le milieu, l’éducation ou les valeurs.

Prime (bonus) Pourcentage du salaire, pourcentage d’un montant cible préétabli ou simple montant d’argent lié à une performance comparée avec un but (par exemple, un quota de vente, la vente d’un nouveau produit, l’adhésion de nouveaux clients, la participation à une exposition commerciale). Prime cible (target bonus) Pourcentage du salaire ou du point milieu d’une échelle salariale qui sera versé si les objectifs individuels et collectifs sont atteints. Prime maximale (maximum bonus) Pourcentage maximal du salaire ou de la prime cible qui peut être versé si la performance organisationnelle et celle de l’employé sont supérieures aux attentes. Rangement (ranking) Méthode qui consiste à classer les employés selon leurs performances les uns par rapport aux autres. Ratio comparatif (compa-ratio) Ratio calculé en divisant le salaire du titulaire d’un poste par le salaire correspondant au point milieu de son échelle salariale (ou point maxi-normal ou point de contrôle). Rémunération globale ou récompense totale (total rewards) Ensemble des conditions de travail qu’ore une organisation, notamment la rémunération directe, les avantages sociaux, les possibilités d’avancement et les récompenses. Rémunération variable (variable pay) Forme de reconnaissance qui regroupe des programmes individuels et collectifs de rémunération, comme les salaires, les primes au

579

mérite, les commissions, la participation aux bénéfices et à la propriété, le partage des gains, etc. Sous-traitance (outsourcing) Forme d’externalisation des activités d’une organisation par laquelle un donneur d’ordre cone à une entreprise assujettie une partie de ses activités d’exploitation, d’entretien ou d’administration. Stéréotype (stereotype) Tendance à attribuer des comportements particuliers à une personne en raison de son appartenance à un groupe. Structure salariale (pay structure) Ensemble de règles et de procédures balisant officiellement la détermination et la gestion des salaires versés aux titulaires de certains emplois ou au personnel affecté à certains postes de travail. Syndicat (union) Dans le contexte des rapports collectifs de travail, association de salariés vouée à la sauvegarde et au développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres. Système d’information de gestion des ressources humaines ou SIRH (human resources information system ou HRIS) Ensemble de ressources technologiques (essentiellement des logiciels ou des progiciels) qui permettent de recueillir, de trier, d’analyser et de diuser des informations relatives aux ressources humaines.

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Index A Absentéisme, 471 politique de gestion de l’, 93 taux d’, 93 Acceptation du changement, 88 Accident du travail, 383, 420, 431 indemnité d’, 464 Accréditation, unité d’, 197, 209 Actions, régime d’achat et d’octroi d’, 440-441 avantages du, 441 fréquence du, 440-441 inconvénients du, 441 Actions, régime d’option d’achat d’, 442 avantages du, 443-444, 509-511 conditions de succès du, 445-446 fréquence du, 442 inconvénients du, 444-445, 509-511 pour les dirigeants, 509-514 Activité de gestion du personnel, 50 gestion de la rémunération et, 48-51 Administrateur, voir aussi Conseil d’administration conit d’intérêt de l’, 527, 562 divulgation de la rémunération de l’, 564 enquête de rémunération de l’, 564 performance organisationnelle et rémunération de l’, 564-565 récompense reçue par l’, 527 rémunération de l’, 526-528, 561-567 risques encourus et rémunération de l’, 563-564 Aaires stratégie d’, 48-49, 62-63 unité d’, 131-132, 173 Agence, théorie de l’, 530-532 Aide scale sur l’épargne-retraite, 483 Alignement, principe d’, 12, 63, 65-70 horizontal, 67 sur la stratégie et les valeurs de gestion de l’organisation, voir vertical sur les attentes et les besoins des clients et des consommateurs, 66 sur les attentes et les besoins des employés, 67 sur les autres activités de gestion des ressources humaines, voir horizontal sur les autres fonctions de gestion, 67-68 sur les changements dans l’environnement externe, 68-69 vertical, 66, 385-386 Allocation, 8-9 au survivant, 462-463 de retraite, 482 pour le personnel expatrié, 551-552

Analyse des emplois, 191, 223-225 par consultation de sources externes, 224-225 par des notes ou un questionnaire ouvert, 224 par observation directe, 224 par un entretien en personne ou par téléphone, 223-224 respectant le principe de neutralité, 229-230 Ancienneté dans l’organisation, 363 dans le poste, 363 reconnaissance de l’, 282 Annuité, 294, 373 Antisélection, 493-494 Appariement des emplois repères, 150-151 des groupes professionnels ou fonctionnels, 151-152 par l’évaluation des emplois, 152 qualité de l’, 165-167 Approche axée sur la reconnaissance, 344 bilan, 553 punitive, 344 Assurance collective, régime privé d’, 465-473, 495-496 -emploi, 463 hospitalisation, 461-462 maladie, 461, 465-466 médicament, 461, 466 mort accidentelle, 473 mutilation, 473 salaire, voir Assurance salaire sans franchise, 466 vie, 473 Assurance salaire de courte durée, 470-471 de longue durée, 471 régime privé d’, 470-473 Attentes des employés et des candidats, 169, 405-406 théorie des __ de Vroom, 323, 378, 448-449 Attitude et régime collectif de rémunération variable, 414-415 Attraction des employés, 22-24, 57-60, 67, 559-560 Attribution, théorie de l’, 325 Augmentation(s) de salaire, 83 au mérite, voir Mérite, augmentation de salaire au matrice liant les __ à la cote de performance, 363-364

prévisions annuelles en matière d’, 137-138 Autodétermination, théorie de l’, 330 Autorité du conseil, 118 fonctionnelle, 118-119 hiérarchique, 117-118 Avantages complémentaires, voir Avantages complémentaires scaux, 495-496 indirects, voir Gratication sociaux, voir Avantages sociaux Avantages complémentaires, 8, 11 privés, 483-489 Avantages sociaux, 8, 10, 39-40, 55, 83, 459-460 à l’intention des travailleurs âgés, 488489 atouts et limites des, 494-497 «base plus options», 491 communication des, 500-501 exibles, régime des, 490-494 gestion des, 497-501 politique sur les, 499-500 pour le personnel expatrié, 552-553 programme de communication des, 500-501 régimes d’__ gérés par l’État, 460-465

B Bande(s) d’emplois, gestion des salaires basés sur les, 300-301 de cheminement de carrière, 295-303 salariale élargie, 70-71, 168-169, 295 Biais dans l’évaluation des emplois, 197-198 Biens, reconnaissance à travers les, 319-320 Bilan, approche, 553 Bonus, voir Prime(s) Bourse, 440-441, 505-506, 509, 512, 527

C Cadre(s), 116 formation du, 302, 343-345 implantation d’un programme de rémunération et, 94 partenariat entre les professionnels de la rémunération et les, 78 rôle du, 78 Calibrage, 398 séance de __ entre les cadres, 398-399 Capital humain, 54 théorie du, 54 Capitalisation, voir Provisionnement Caractère distinctif de l’organisation, 90

Index

Caractéristiques des tâches, théorie des, 324 Carrière, bande de cheminement de, 295303 Catégorie(s) d’emplois écart salarial des __ à prédominance sexuelle, 214-217 méthode et outil d’évaluation des, 212-213 prédominance sexuelle selon la, 210-212 rémunération des __ à prédominance sexuelle, 213-214 Catégorie de personnel, 131 Cellule de production, voir équipe semiautonome Centre de services, 102 Changement(s) acceptation du, 88 gestion des __ dans la rémunération du personnel de vente, 534-537 optimisation du succès des, 120 résistance au, 61, 94-96 Charte des droits et libertés de la personne du Québec, 198, 201 Classe(s) d’emplois, 267 chevauchement entre les échelles salariales des, 280-281 création de, 268 critères de progression dans les échelles salariales de chaque, 282-285 détermination ou mise à jour de l’échelle salariale associée à chaque, 276-286 détermination ou mise à jour des, 267-272 écart entre les points milieux des échelles salariales des __ adjacentes, 281-282 échelons de l’échelle salariale de chaque, 279-280 étendue des, 269 longueur de l’échelle salariale associée à chaque, 278 nombre de, 268-269 point de contrôle de l’échelle salariale de chaque, 278-279 taux de l’échelle salariale de chaque, 279 taux unique de salaire pour chaque, 276-277 traitement des emplois situés à proximité des bornes des, 271-272 Classement des emplois, 255 Classication des emplois, méthode de la, 234-235 avantages de la, 235 limites de la, 235 Clause orphelin, voir Disparité de traitement, clause de Climat de travail, 122 organisationnel et régime collectif de rémunération variable, 415-416 Coassurance, 465-467 Comité

d’équité salariale, 209-210 d’évaluation des emplois, 256-257 de projet d’élaboration ou révision du programme de rémunération, 88-89 Commission, 537, 540-541 de l’équité salariale, 206-207 Communication conditions de succès de la __ sur la rémunération, 105-106 des caractéristiques distinctives, 99-100 des messages clés, 99-100 du programme de reconnaissance, 342-343 du programme de rémunération globale, 96-100 en matière de gestion des salaires, 308309 ecacité de la, 101-102 fréquence de la, 101-102 moyen de, 101-105 outil de, 501 reconnaissance à travers la, 318-319 rémunération globale relative à la, 71 sur le processus d’enquête de rémunération, 174-175 vers l’externe, 104-105 Comparaison de l’emploi avec le marché, méthode de, 232-233 du salaire oert avec l’ore du marché, 272-276 marché de, 85 Compétence(s), 265 clé, 168 mode de rémunération des, 294 outil de mesure des, 404 reconnaissance des, 284-285 Compétitivité de la rémunération versée aux titulaires des emplois à temps partiel et atypiques, 173 des composantes de la rémunération totale, 167-168 des salaires dans un contexte de bandes salariales élargies ou de salaires basés sur la compétence, 168-169 indice de, 161-163 internationale, 42 Comportement reconnaissance à travers le, 319 régime collectif de rémunération variable et, 414-415 Composante de la rémunération, 132-133 Compression salariale, 309-311 Compte de gestion de santé, 491 Conciliation travail-famille, voir Équilibre travail-famille Concurrence, 121 état de la, 45-46 Conditionnement opérant, théorie du, voir Renforcement, théorie du Conditions

601

de retraite, 10 de travail, 8, 11, 320 Condentialité, 122 Conit d’intérêt de l’administrateur, 527, 562 Congé de maladie, 470-471 de maternité, 463 parental, 463 personnel, 470-471 pour adoption, 463 pour soins de compassion, 463 Conjoint survivant, rente du, 462-463 Conseil d’administration, voir aussi Administrateur ecacité du, 566-567 Consultant externe sur l’élaboration ou révision du programme de rémunération, 88-89 Contexte organisationnel, programme de rémunération et, 91 Contrat psychologique, 94 Contribution au rendement de l’équipe, régime de, 435 Contrôle de la masse salariale, 307-308 des salaires individuels, 304-306 gestion axée sur le, 343-344 Convention collective, 119, 257 Cote globale de performance approbation de la, 396-398 détermination de la, 393-396 révision de la __ par l’équipe de direction, 398 révision de la __ par le supérieur hiérarchique du superviseur, 397 révision de la __ par les professionnels des ressources humaines, 398 vérication de la __ par un exercice de calibrage, 398 Courbe de maturité, 164, 313 Coût(s) de gestion et régime collectif de rémunération variable, 416 de la main d’œuvre, 45-46 réduction des, 120 Couverture des soins de santé, 460-462, 467-470 Culture de gestion, voir Culture organisationnelle Culture organisationnelle, 71, 93, voir aussi Valeur de l’organisation dominante, 51 inuence de la, 22-23, 51-52 Cycle de vie de l’organisation, 46-47

D Date anniversaire d’entrée dans le poste, 368-369 commune, 368 Décentralisée, organisation, 120

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Index

Décès, 462, 464, 498 Déclencheur, 439 Décit de solvabilité, 478 Délégation, théorie de la, 324-325 Dépendance aux partenaires externes, 121-122 Description des emplois, 225-229 respectant le principe de neutralité, 229-230 Détresse psychologique, 339 Développement de l’organisation, 121 Diagnostic préalable des problèmes et des besoins de l’organisation, 85-87 Diérenciation, principe de, 63, 69 Diérentiel compensatoire, théorie du, 332 Dilemme éthique, 84 Directeur des ressources humaines et comité de projet, 88 Direction, voir aussi Dirigeant(s) appui de la, 70-71 Dirigeant(s), 114-116, voir aussi Direction administrateur et, 526 compétitivité de la rémunération et, 528-529 désir d’enrichissement et, 529-533 divulgation de la rémunération des, 518, 524-525 encadrement de la rémunération des, 518-521 enquête de rémunération et rémunération des, 524-525 gratication pour les, 517-518 indemnités de n d’emploi pour les, 516-517 mythe sur la rémunération des, 521-533 octroi d’actions pour les, 513-514 parachute doré pour les, 516-517 performance organisationnelle et rémunération des, 521-524 régime d’option d’achat d’actions pour les, 509-514 régimes supplémentaires de retraite pour les, 514-516 rémunération des, voir Rémunération des dirigeants salaire des, 506 source de pouvoir des, 526-527 vote des actionnaires sur la rémunération des, 518-521 Discrimination basée sur le sexe, voir Discrimination basée sur le sexe perpétuation de diérentes formes de, 173 systémique, 197 Discrimination basée sur le sexe modèle proactif de respect des lois canadiennes luttant contre la, 199-200 modèle réactif de respect des lois canadiennes luttant contre la, 198-199 Disparité de traitement, clause de, 311-313 Dispositions personnelles, théorie des, 57

Distribution forcée, 403 préétablie de la cote de performance individuelle, 403-404 Divulgation de l’information de l’administrateur, 564 Double justication, théorie de la, voir Attribution, théorie de l’ Droits humains, respect des, 547-548

E Écart salarial entre les hommes et les femmes, 205 Échelle(s) salariale(s), 263 chevauchement des, 280-281 étendue des, 140, 268 indice de progression dans l’, 306 point de contrôle des, voir point milieu, 278-279 taux de l’__ de chaque classe d’emploi, 279 Eet de surjustication, 330 de tri, 328 Ecacité indicateurs de l’, 93 principe d’, 14 Ecience, amélioration de l’, 120 Emploi(s) à temps partiel, 173 analyse des, voir Analyse des emplois atypique, 173 classe d’, voir Classe(s) d’emplois classement des, 255 description des, voir Description des emplois évaluation des, voir Évaluation des emplois famille d’, 131 féminin, 196-197 marché potentiel géographique de l’, 146 marché réel des employeurs concurrents pour l’, 146-147 niveau hiérarchique de l’, 131 sécurité d’, 46 statut d’, 52 Employé(s), 116, voir aussi Personnel âgé, voir Travailleur âgé analyse des besoins des, 497-499 attraction des, 22-24, 57-60, 67, 559-560 augmentation de salaire au mérite des nouveaux, 369-370 besoins et attentes de l’, 54-55 caractéristiques démographiques des, 55 diérences générationnelles entre les, 55-56 compétence de l’, voir Capital humain engagement de l’, 57-61, 67 expertise de l’, 88, 433 délisation de l’, 57-60, 67 manuel de l’, 110-111 meilleurs, voir Meilleurs employés

mobilisation de l’, voir engagement de l’ préoccupation des, 95 statut de l’, 55-56 Employeur, image de marque d’, 37, 58-60 Engagement organisationnel, 324 Enquête au cours d’un entretien personnel, 154 de rémunération, voir Enquête(s) de rémunération par questionnaire papier ou électronique, 152-153 par téléphone, 154 Enquête(s) de rémunération, 140-142 à portée générale ou particulière, 143-144 actualisation et pondération des données des, 155-157 analyse des données de l’, 154-166 aspect politique du processus d’, 169-171 collecte des données sur la rémunération pour l’, 152-154 communication sur le processus d’, 174-175 conseils sur la gestion des, 174-177 critères de référence dans l’, 146 critères de sélection des, 148-149 de l’administrateur, 564 dés des, 166-173 étape du processus d’, 141-142 étendue et spécicité de l’, 144 faite par une tierce partie, 138 indicateurs statistiques sur les données des, 157-160 information colligée dans une, 140-141 maison, 138-139 marché de référence de l’, 145-147 mesures de distribution des données des, 160-161 méthode d’, 150-152 objectifs de l’, 142-143 ocialisation du processus d’, 174 participation du personnel dans le processus d’, 174-175 qualité des réponses des employeurs aux, 167 sélection des, 148-149 subjectivité du processus d’, 169-171 Entente(s) idiosyncratique(s) entre superviseurs et employés contexte pressant les cadres à vouloir une, 180 gestion des, 181-184 raisons pour lesquelles les cadres veulent des, 180 Entretien annuel d’évaluation, 406-407 Épargne-retraite aide scale sur l’, 483 des particuliers, voir Régime enregistré d’épargne-retraite régime volontaire d’ (RVER), 481-482 Équilibre travail-famille, 11, 55, 485, 570

Index

Équipe(s) de travail, 432-433 de travail autogérée, voir semi-autonome parallèle, voir Groupe de projet régime de rémunération des, 432-439 semi-autonome, 433-434 types d’, 432-434 Équité collective, 18, 555-556 de la rémunération, 105 externe, voir Équité externe individuelle, 17-18, 555-556 interne, voir Équité interne légale, 16-17 perception d’, 84 principe d’, 14-18, 64, 79 salariale, voir Équité salariale théorie de l’, 15, 81-82, 324 Équité externe, 17, 127-128 conit entre l’__ et les autres principes d’équité, 171-173 équilibre entre l’__ et l’équité interne, 175-177 facteur inuençant l’importance de l’, 128-130 incitations favorisant l’, 177-185 personnel expatrié et, 555 politique de l’, 130-137 Équité interne, 17, 189-190 équilibre entre l’__ et l’équité externe, 175-177 facteurs inuençant l’importance de l’, 190-191 personnel expatrié et, 555 pratique visant à s’assurer de l’, 191 problème d’, 171-172 respect du principe d’, 189-191 Équité salariale, 85, 194, voir aussi Loi sur l’équité salariale achage des résultats de l’exercice d’, 220-221 avantages et inconvénients d’une législation proactive en matière d’, 202-206 comité d’, 209-210 Commission de l’, 206-207 conditions de succès de l’exercice d’, 221-222 exercice d’, 208-209 maintien de l’, 217-220 plainte en matière d’, 199-200 processus d’établissement et de maintien de l’, 206-221 Esclavage, 84 Éthique dilemme, 84 principes d’, 84-85 Évaluation cognitive, théorie de l’, 325, 330 Évaluation des emplois, 17, 85, 231-239 appariement par l’, 152 biais dans l’, 197-198 comité d’, 256-257

communication du processus d’, 258-259 erreur d’, 372 facteur et sous-facteur d’, 235, 243-244, voir aussi pondération des facteurs et sous-facteurs d’ gestion du processus d’, 256-259 niveau de présence des facteurs et sousfacteurs d’, 244-246 planication du processus d’analyse et d’, 257-258 pondération des facteurs et sousfacteurs d’, 246-247, 253-255, voir aussi facteur et sous-facteur d’ questionnaire d’, voir Questionnaire d’évaluation des emplois traitement des plaintes en matière d’, 259 Éviction, théorie de l’, 325-326 Examen de la vue, 461 Expatrié, voir Personnel expatrié Expertise de l’employé, 88, 433

F Facteur et sous-facteur d’évaluation des emplois, 235, 243-244 Famille d’emploi, 131 Femme, 194-195, voir aussi Stéréotype envers les travailleuses Flexibilité de la gestion des ressources humaines, 106-108 de la rémunération globale, 61 Formation du cadre, 302, 343-345 du professionnel des ressources humaines, 302 programme de, 105 Formulaire d’évaluation de la rémunération, 91 Frais médicaux, régime d’assurance, voir Assurance maladie Franchise, 461, 465-468 Fraude, 85 rémunération variable et, 329-330 théorie de la, 326

G Gel des salaires, 83 Gestion axée sur la reconnaissance, 343-344 axée sur le contrôle, 343-344 d’une structure salariale, 303-309 de la performance, voir Gestion de la performance de la rémunération, voir Gestion de la rémunération de la valeur ajoutée, 69 des absences, politique de, 93 des avantages sociaux, 497-501 des ententes idiosyncratiques entre superviseurs et employés, 181-184

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des impressions, théorie de la, 332 des ressources humaines, voir Gestion des ressources humaines des salaires basés sur le mérite, 360-361, 367 des salaires basés sur les bandes d’emplois, 300-301 des signaux, théorie de la, voir des impressions, théorie de la du personnel, activité de, 50 en silo, 72 par objectifs, théorie de la, 324 valeur de, 51-52 Gestion de la performance, 384 choix stratégiques en matière de, 386-387 conditions de succès d’un programme de, 389-407 dans un contexte de rémunération variable, 384-389 priorité d’aaires et, 385-387 Gestion de la rémunération à l’international, 545-557 activité de gestion et, 48-51 aspect démographique de la, 43 aspect socioculturel de la, 42-43 attraction du personnel et, 22-24 caractéristiques des emplois et, 54-57 caractéristiques des employés et, 54-57 caractéristiques organisationnelles et, 43-54 contexte et, 39-57 culture organisationnelle et, 22-23 dans les milieux syndiqués, 570-575 dans les petites et moyennes entreprises, 575-576 en tant que domaine d’expertise professionnelle, 26-30 environnement externe et, 39-43 délisation du personnel et, 22-24 globale, 62-65 incidences de la, voir Incidences de la gestion de la rémunération mobilisation du personnel et, 22-24 mode traditionnel de, 50 modèle de la, 12-18 objectifs de la, 12, 14-15, 70-71 performance organisationnelle et, 21 perspective historique de la, 4-7 Gestion des ressources humaines exibilité de la, 106-108 informatisation des processus de, 103 standardisation de la, 106-108 système d’information de, 102-104 Gouvernance, 505 Gratication, 487-488 Grille d’augmentation au mérite, voir Matrice d’augmentation au mérite Groupe d’amélioration, 433 de discussion, 89 de projet, 433

604

Index

du processus, principe de, 79, 82, 324, 556 interactionnelle, principe de, voir interpersonnelle interpersonnelle, principe de, 79 perception de, 388-389

H Heures de travail, 464-465 supplémentaires, 85 Histogramme, 161 Horaire de travail exible, 484 Hospitalisation, assurance, 461-462

I Image de marque d’employeur, 37, 58-60 Impartition de la rémunération, 119-123 atouts de l’, 120-121 conditions de succès de l’, 122-123 incidence sur les coûts de l’, 122 limites de l’, 121-122 Impôt sur le revenu, Loi de l’, 474, 482-483, 491, 508 Improshare, régime, 426 Incidences de la gestion de la rémunération, 19-26 organisationnelles, 21-24 personnelles, 25-26 sociales, 20 Indemnité d’accident du travail, 464 de déménagement, 551 de vie chère (IVC), 157 de voyage, 551 pour le personnel expatrié, 551-552 Indice de compétitivité, 161-163 de progression dans l’échelle salariale, 306 des prix à la consommation (IPC), 9, 105, 155, 304, 360 Inégalité de la rémunération selon le sexe, 194-198 Informatisation des processus de gestion des ressources humaines, 103 Iniquité, perception d’ dans les unités d’aaires, 173 sur le plan individuel, 173 Intégrité des professionnels des ressources humaines, 85 Intérêt des parties prenantes, 84 général, théorie de l’, 327 Internet, 102, 104-105, 139, 154, 343 Intranet, 102, 343 Invalidité coût des régimes d’, 471-473 rente d’, 462 IPC, voir Indice des prix à la consommation IVC, voir Indemnité de vie chère

J Jeton de présence, 561-562, 564 Justice distributive, principe de, 79, 81-82, 324

L Législation, 39-42, voir aussi Loi proactive, 202-206 Localisation de l’organisation, 47-48 de l’unité d’aaires, 173 Loi, voir aussi Législation de l’impôt sur le revenu, 474, 482-483, 491, 508 Sarbanes-Oxley, 512-513 sur l’équité salariale, voir Loi sur l’équité salariale sur le salaire minimum, 197 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, 464 sur les prestations de pension, 474 Loi sur l’équité salariale, 47, 54, 89, 201-206, voir aussi Équité salariale en matière d’information, 99 objectif et champ d’application de la, 201-202 obligations de l’employeurs en vertu de la, 207-208

M Main d’œuvre, coût de la, 45-46 Maladie professionnelle, 464 Malversation, 85 Manuel de l’employé, 110-111 Marché à la remorque du, voir Politique de rémunération à la remorque du marché comparaison du salaire oert avec l’ore du, 272-276 de comparaison, 85 potentiel géographique de l’emploi, 146 réel des employeurs concurrents pour l’emploi, 146-147 salaire égal au, 133 salaire supérieur au, 133-136 Marque d’employeur, voir Image de marque d’employeur Masse salariale, 303-304 contrôle de la, 307-308 Matrice d’augmentation au mérite, 364-366 Médiane, 159-160 Meilleurs employés, voir Meilleurs employés talents, 177, 404-407 Meilleurs employés, gestion des, 405 reconnaissance des, 405-407 Membre du conseil d’administration, voir Administrateur

Menottes dorées, 85, 444 Mérite augmentation de salaire au, voir Mérite, augmentation de salaire au études sur la rémunération au, 373-375 gestion des salaires basés sur le, 360-361, 367 régime de rémunération au, 360-376 Mérite, augmentation(s) de salaire au, 366-367 avantages des, 370-371 des nouveaux employés, 369-370 inconvénient des, 371-373 matrice d’, 364-366 versement des, 368-369 Mesure de relation par des régressions multiples, 165 des compétences, outil de, 404 Méthode des points et facteurs, voir Points et facteurs, méthode des Mobilité internationale, 549-550 Mode, 160 de rémunération des compétences, 294 Modèle d’aaires de l’organisation, 62 Mondialisation, 42 Montant forfaitaire, voir Prime(s) Motivation extrinsèque, 325-326 intrinsèque, 325-328, 330-331 liée à la réputation, 326 théories de la, 321-326 Moyenne pondérée ou non pondérée, 157-159

N Négociation, 556 Neutralité, principe de, 285-286 Niveau de performance, 394 de présence des facteurs et sous-facteurs, 244-246 hiérarchique de l’emploi, 131 Normes du travail, 464-465

O Observation directe, 224 Octroi d’actions, voir Actions, régime d’achat et d’octroi d’ Ore et la demande, théorie économique classique de l’, 39 Options d’achat d’actions, voir Actions, régime d’option d’achat d’ gestion des, 511-513 Organisation caractère distinctif de l’, 90 cycle de vie de l’, 46-47 du travail, 51-53 décentralisé, 120

Index

développement de l’, 121 diagnostic préalable des problèmes et des besoins de l’, 85-87 localisation de l’, 47-48 modèle d’aaires de l’, 62 situation nancière de l’, 47 taille de l’, 46-47 valeur de l’, 90, Outil de communication, 501 de mesure des compétences, 404

P Paiement direct, 466 Parachute doré, 9, 516 Partage des gains de productivités, régime de, voir Partage des gains de productivités, régime de des responsabilités, 114-117 du rendement de l’équipe, régime de, 434-435 du succès, régimes de, voir Partage du succès, régimes de Partage des gains de productivités, régime de, 423-424 caractéristiques du, 426-427 ecacité du, 423-424 fréquence d’adoption du, 423-424 types de, 424-426 Partage du succès, régimes de, 427 dénition des, 430-432 origine des, 427-430 Partenaires externes, dépendance aux, 121-122 Partenariat entre les cadres hiérarchiques et professionnels de la rémunération, 78 Participation aux bénéces, régime de, 420-421 caractéristiques du, 421-423 diérée, 483 ecacité du, 420-421 fréquence d’adoption du, 420-421 Parties prenantes intérêt des, 84 théorie des, 27 Percentile, 160-161 Perception d’iniquité, voir Perception d’iniquité de justice, 388-389 Perception d’iniquité dans les unités d’aaires, 173 sur le plan individuel, 173 Performance, 360, voir aussi Rendement collective et rémunération variable, 328-329 cote globale de, voir Cote globale de performance gestion de la, voir Gestion de la performance

individuelle et rémunération variable, 328-329, 360-385 matrice liant les augmentations de salaires aux cote de, 363-364 matrice salariale basée sur la, 362-3677 niveau de, 394 organisationnelle et rémunération variable, 564-565 reconnaissance de la, 407 régime collectif de rémunération variable et, 414-415 suivi de la, 406 tableau de bord de la, 386, 427, 430 Performant, haut, 404-407 Personnel, voir aussi Employé(s) activité de gestion du, 50 âgé, voir Travailleur âgé atypique, rémunération du, 567-568 catégorie de, 131 contingent, 135 de vente, voir Personnel de vente, rémunération du expatrié, voir Personnel expatrié Personnel de recherche et développement, 558 attraction et rétention du, 559-560 gestion de la rémunération globale du, 561 gestion des compétences du, 560-561 gestion du rendement du, 560-561 particularités de la gestion de la rémunération du, 559 particularités du, 558-561 rémunération du cheminement de carrière du, 561 Personnel de vente, rémunération du, 533-545 conditions de succès de la, 543-545 xe, 537-539 gestion des changements dans la, 534-537 particularités de la, 534 variable, 537-539 Personnel expatrié, 550-553 avantages sociaux pour le, 552-553 contrôle des coûts de la rémunération du, 556-557 indemnité pour le, 551-552 méthode de gestion de la rémunération du, 553-554 perception d’équité du, 555-556 Plainte en matière d’équité salariale, 199-200 en matière d’évaluation des emplois, 259 Point de repère, voir Référent Points et facteurs, méthode des, 235-238 approche basée sur la grille d’évaluation maison des emplois, 243-247 approche basée sur la grille d’évaluation préétablie des emplois, 240-243

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approche basée sur un questionnaire d’évaluation des emplois, 247-255 avantages de la, 239 limites de la, 239 Politique d’équité externe, 130-137 de gestion des absences, 93 de rémunération, voir Politique de rémunération diérenciée, 130-133 sur les avantages sociaux, 499-500 Politique de rémunération, 17, 111-113 à la remorque du marché, voir Politique de rémunération à la remorque du marché à la tête du marché, voir Politique de rémunération à la tête du marché Politique de rémunération à la remorque du marché incidences d’une, 136-137 prol des emplois associés à une, 136 prol des organisation associées à une, 136 Politique de rémunération à la tête du marché incidences d’une, 135-136 prol des emplois associés à une, 133-135 prol des organisations associées à une, 133-135 Potentiel, haut, voir Meilleurs talents Préjugé, 195-196 Préoccupation des employés, 95 Présence, jeton de, 561-562, 564 Prestation(s) d’aide au réemploi, 463 d’assurance-emploi, 463 d’invalidité, 464, 471 de pension, Loi sur les, 474 de retraite, 370, 463, 475, 515-516 Prime(s), 8-9 avantages des, 377-378 basée sur la performance individuelle, 377-379 cible, 438 d’équipe de travail, régime de, 434-437 de réalisation de projet ou d’équipe de projet, régime de, 437 de rendement individuel et de performance collective, régime mixte de, 438-439 de rendement pour le personnel de vente, 541-543 de rétention ou de réalisation de projets, 179-180 inconvénients des, 378-379 liée à l’attraction, 177-179 maximale, 438 personnel expatrié et, 550-551 régime mixte d’augmentations de salaires et de, 379-380 Principe d’ecacité, 14 d’éthique, 84-85

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de diérenciation, 63, 69 de justice du processus, 79, 82, 324, 556 de justice distributive, 79, 81-82, 324 de justice interactionnelle, voir de justice interpersonnelle de justice interpersonnelle, 79 de neutralité, 285-286 de rémunération, 65-70, 92-93 de valeur ajoutée, 63, 69-70 Prix de levée, 442, 507 Production, cellule de, voir Groupe semiautonome Productivité et régime collectif de rémunération variable, 416 Professionnel de la rémunération, 26-30, 72, 78, 117 des ressources humaines, 85, 117, 302 Programme d’aide aux employés, 484 de formation, 105 de gestion de la performance, voir Programme de gestion de la performance de management des idées, voir de suggestions de reconnaissance, voir Programme(s) de reconnaissance de rémunération globale, voir Programme de rémunération globale de retraite anticipée, 488-489 de suggestions, 348-349 spécialisé, 484-486 Programme de gestion de la performance conditions de succès de, 389-407 suivi de l’ecacité d’un, 391-393 Programme(s) de reconnaissance, 334-339, voir aussi Reconnaissance appui des cadres aux, 352-353 aspect administratif et scal, 345-347, 350 attentes du personnel et, 350 comité de gestion des, 345, 348, 350 communication du, 342-343 conditions de succès d’un, 348-353 contexte organisationnel et, 351-352 de l’ancienneté, 336-337 de cadre à employés, 337 de départ à la retraite, 337 entre pairs, 338 évaluation d’un, 347-348 formation des cadres relative aux, 343-345 gestion des, 340-348, 350-351 objectifs d’un, 340-342, 348 organisationnelle, 338-339 retombées positives des, 339-340 sous-traitance du, 346-347 Programme de rémunération globale application du, 108-113 communication du, 96-100 compréhension du, 98-99

conditions d’une implantation ou d’une révision réussie du, 94-108 élaboration du, 88-91 étapes de l’implantation du, 85-93 objectifs du, 89-91, 93 participation du personnel au, 88 perception des employés sur l’équité du, 98-99 période d’implantation du, 91 planication du, 88-91 prétest du, 91 révision du, 91-92 Projet, groupe de, 433 Proposition de valeur, voir Rémunération globale Protection du revenu lors de l’invalidité, 462 lors de la retraite, 462-463 lors du décès, 462 Provisionnement, 475-476 Punition, 344

Q Qualité du service, 122 Quartile, 160-161 Questionnaire d’évaluation des emplois, 247-249 avantages du, 250-251 compilation et traitement des réponses du, 252 limites du, 250-251 pré-test et distribution du, 251-252 validation des réponses du, 252-253

R Rangement, 399 des emplois, méthode de, 233-234 forcé, 399-403 Ratio comparatif, 364 contribution-rétribution, 15-16, 81 Récompense(s), voir aussi Reconnaissance exible, 56 reçue par l’administrateur, 527 théories critiques face aux __ tangibles ou pécuniaires, 325-326 théories favorables aux __ tangibles ou pécuniaires, 321-325 totales, voir Rémunération globale Reconnaissance, voir aussi Programme(s) de reconnaissance ; Récompense(s) à travers la communication, 318-319 à travers la rémunération variable, 320 à travers la visibilité, 319 à travers le comportement, 319 à travers les biens, 319-320 à travers les conditions de travail, 320 à travers les symboles honoriques, 319 approche axée sur la, 344

de l’ancienneté, 282 de la contribution au travail, 321-333 du rendement individuel, 283-284, formes de la, 318-320 gestion axée sur la, 343-344 programme de, voir Programme de reconnaissance Réduction des salaires, 83 REÉR, voir Régime enregistré d’épargneretraite Référent, 15-16, 64, 82 Régime(s) collectif de rémunération variable, voir Régime collectif de rémunération variable d’achat et d’octroi d’actions, voir Régime d’achat et d’octroi d’actions d’appoint, voir supplémentaire d’option d’achat d’actions, voir Régime d’option d’achat d’actions de partage des gains de productivité voir Régime de partage des gains de productivité de partage du succès, voir Régimes de partage du succès de partage du rendement de l’équipe, 434-435 de participation aux bénéces, voir Régime de participation aux bénéces, 420-421 enregistré d’épargne-retraite (REÉR), 482-483 Improshare, 426 modulaire, 491 non agréé, 482-484 privé de retraite agréé, voir Retraite agréé, régime privé de Rucker, 425-426 Scanlon, 425 supplémentaire, 482 Régime collectif de rémunération variable, 412 à court terme, 418-439 à long terme, 440-446 avantages d’un, 412-414 limites d’un, 414-416 Régime d’achat et d’octroi d’actions, 440-441 avantages du, 441 fréquence du, 440-441 inconvénients du, 441 Régime d’option d’achat d’actions, 442 avantages du, 443-444, 509-511 conditions de succès du, 445-446 fréquence du, 442 inconvénients du, 444-445, 509-511 pour les dirigeants, 509-514 Régime de partage des gains de productivité, 423-424 caractéristiques du, 426-427 ecacité du, 423-424

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fréquence d’adoption du, 423-424 types de, 424-426 Régime de participation aux bénéces, 420-421 caractéristiques du, 421-423 diérée, 483 ecacité du, 420-421 fréquence d’adoption du, 420-421 Régimes de partage du succès, 427 dénition des, 430-432 origine des, 427-430 Régressions multiples, mesure de relation par des, 165 Relation supérieur-subordonné, 11 Rémunération à la pièce, voir Rémunération à la pièce compétitive, 90 composante de la, 132-133 de l’administrateur, 526-528, 561-567 des dirigeants, voir Rémunération des dirigeants du personnel atypique, 567-568 diérenciée, politique de, 130-133 équité de la, 105 extrinsèque, voir Rémunération extrinsèque formulaire d’évaluation de la, 91 gestion de la, voir Gestion de la rémunération globale, voir Rémunération globale impartition de la, voir Impartition de la rémunération philosophie de la, 109-110 satisfaction envers la, 82-84 sources d’information sur la, 137-142, 148 variable, voir Rémunération variable Rémunération à la pièce, 381 avantages de la, 382-383 conditions de succès de la, 383-384 fréquence d’adoption de la, 381 inconvénients de la, 382-383 Rémunération des dirigeants rémunération des vedettes et, 522 variable à court et à moyen terme, 506 variable à long terme, 506-509 variable, ecacité des régimes de, 513-514 Rémunération extrinsèque, 8-9 directe, voir Rémunération extrinsèque directe indirecte, 8-11 non versée en espèces, voir indirecte versée en espèces, voir directe Rémunération extrinsèque directe, 8-10 de base, 9 variable à court terme, 9-10 variable à long terme, 9-10 variable à moyen terme, 9-10

Rémunération globale, 36-39 choix stratégique inhérent à la, 63-64 communication relative à la, 71 composantes de la, 8-11 conditions de succès d’une stratégie de, 70-72 dés et enjeux liés à la gestion de la, 62-65 extrinsèque, voir Rémunération extrinsèque exibilité de la, 61 incidences potentielles de la, 65 intangible, voir intrinsèque intrinsèque, 8-9, 11 principes de la, 65-70 stratégie de, 57-61 tangible, voir Rémunération extrinsèque Rémunération variable, 8, 90, 320, 330-333, 357 avantages présumés des régimes de, 359-360 basée sur la performance individuelle, 328-329, 360-384 basée sur la performance collective, 328-329 caractéristiques de l’organisation fonctionnant avec un régime de, 453-454 caractéristiques des régimes de, 447-448 choix du régime de, 416-418, 446-447 conditions de succès des régimes de, 446-454 contexte du travail dans un régime de, 452-453 eet sur la fraude de la, 329-330 eet sur la motivation sur la, 327-328, 332-333 gestion de la performance dans un contexte de, 384-389 gestion des régimes de, 448-452 reconnaissance à travers la, 320 régime collectif de, voir Régime collectif de rémunération variable types de régimes de, 358-359 Rendement, voir aussi Performance de l’équipe, régime de, 435 individuel, reconnaissance du, 283-284, standard, 381 Renforcement, théorie du, 323-324 Rente d’invalidité, 462 du conjoint survivant, 462-463 Représentation des femmes et des hommes, taux de, 211 Réputation, motivation liée à la, 326 Résistance au changement, 61, 94-96 Respect des droits humains, 547-548 du principe d’équité interne, 189-191 Responsabilités, partage des, 114-117 Responsable des ressources humaines, voir Directeur des ressources humaines

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Ressources amélioration de l’ecience et de la cohérence de l’utilisation des, 60 consacrées aux aspects stratégiques, augmentation des, 120 théorie basée sur les, 332 Retraite agréé, régime privé de, voir Retraite agréé, régime privé de anticipée, programme de, 488-489 Retraite agréé, régime privé de, 474-476 à cotisations déterminées, 478-480 à prestations déterminées, 477-478 collectif, 481-482 mixte, 480 Revenu familial, supplément de, 463 garanti, supplément de, 462-463 protection du, voir Protection du revenu Risques encourus et rémunération de l’administrateur, 563-564 Rôle des cadres hiérarchiques, 78 des professionnels de la rémunération, 78 RPAC, voir Retraite agréé, régime privé de, collectif Rucker, régime, 425-426 RVER, voir Épargne-retraite, régime volontaire d’

S Salaire(s), 8-9 basés sur le mérite, gestion des, 360-361, 367 basés sur les bandes d’emplois, gestion des, 300-301 comparaison du __ oert avec l’ore du marché, 272-276 de base, 83 égal au marché, 133 gel des, 83 individuels, révision et contrôle des, 304-306 minimum, 44-45, 197 pour chaque classe d’emplois, taux unique de, 276-277 réduction des, 83 supérieur au marché, 133-136 Sarbanes-Oxley, Loi, 512-513 Satisfaction envers la rémunération, 82-84 Scanlon, régime, 425 Secteur d’activité économique et industrielle, 44-45 privé, 46, 568-570 public, 46, 568-570 Sécurité d’emploi, 46 Signaux, théorie des, 23 SIRH, voir Système d’information de gestion des ressources humaines

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Site Web, voir Internet Situation nancière de l’organisation, 47 Soins de santé, couverture des, 460-462, 467-470 dentaires, 461 paramédicaux, 467 Solvabilité, décit de, 478 Sources d’information sur la rémunération, 137-142, 148 Sous-traitance, 121 du programme de reconnaissance, 346-347 internationale, 6 Spécialiste de la rémunération, voir Professionnel de la rémunération Standardisation de la gestion des ressources humaines, 106-108 Statut d’emploi, 52 de l’employé, 55-56 Stéréotype, 196 envers les travailleuses, 195-196, voir aussi Femme Stratégie d’aaires, 48-49, 62-63 de récompenses totales, voir Rémunération globale de rémunération globale, 57-61 de ressources humaines, 62-63 Structure(s) salariale(s), 17, 83, 143 à deux paliers, 311-313 ajustement de la, 303-304 augmentation de la, 366-367 basée sur les bandes de cheminement de carrière et les bandes d’emplois, voir Structures salariales basées sur les bandes de cheminement et les bandes d’emplois basée sur les compétences, voir Structure(s) salariale(s) basée(s) sur les compétences basée sur les exigences relatives des emplois, voir Structure salariale basée sur les exigences relatives des emplois caractéristiques d’une, 193, 263-265 description d’une, 264-265 gestion d’une, 303-309 illustration d’une, 191-192 importance d’une, 265 nombre de, 266-267 respectueuse des lois visant à contrer la discrimination, 193-194 Structure salariale basée sur les exigences relatives des emplois, 191-194

élaboration ou mise à jour d’une, 266-286 Structures salariales basées sur les bandes de cheminement et les bandes d’emplois, 295 conditions de succès de la gestion des, 301-303 gestion des, 295-300 Structure(s) salariale(s) basée(s) sur les compétences, 286-287 dés liés aux, 291-292 ecacité et conditions de succès d’une, 292-294 générale, 290-291 technique, 287-290 Suivi de la performance, 406 Supplément de revenu familial, 463 garanti, 462-463 Surjustication, eet de, 330 Symboles honoriques, reconnaissance à travers les, 319 Syndicat, 52-53, 116-117, 570 Système d’information de gestion des ressources humaines (SIRH), 102-104

T Tableau de bord de la performance, 386, 427, 430 Taille de l’organisation, 46-47 Taux d’absentéisme, 93 de l’échelle salariale de chaque classe d’emplois, 279 de représentation des femmes et des hommes, 211 unique de salaire pour chaque classe d’emplois, 276-277 Taylorisme, 324, 530 Technologies gestion des salaires au mérite à l’aide des, 367 inuence des, 53-54 Télétravail, 67 Temps chômé, 8, 10, 464-465, 484 éorie(s) basée sur les ressources, 332 critiques face aux récompenses tangibles ou pécuniaires, 325-326 de l’agence, 530-532 de l’attribution, 325 de l’autodétermination, 330 de l’équité, 15, 81-82, 324 de l’évaluation cognitive, 325, 330 de l’éviction, 325-326

de l’intérêt général, 327 de la délégation, 324-325 de la double justication, voir de l’attribution de la fraude, 326 de la gestion des impressions, 332 de la gestion des signaux, voir de la gestion des impressions de la gestion par objectifs, 324 de la motivation, 321-326 des attentes de Vroom, 323, 378, 448-449 des caractéristiques des tâches, 324 des dispositions personnelles, 57 des parties prenantes, 27 des signaux, 23 du capital humain, 54 du conditionnement opérant, voir du renforcement du diérentiel compensatoire, 332 du renforcement, 323-324 économique classique de l’ore et de la demande de travail, 39 favorables aux récompenses tangibles ou pécuniaires, 321-325 prospective de la prise de décision, 511 psychoéconomique, 326 Travailleur âgé avantages sociaux à l’intention du, 488-489 prolongation de la vie professionnelle du, 489 Travailleuses, stéréotype envers les, 195-196, voir aussi Femme Tri, eet de, 328

U Unité d’accréditation, 197, 209 d’aaires, 131-132, 173

V Valeur ajoutée, principe de, 63, 69-70 de gestion, 51-52 de l’organisation, 90, voir aussi Culture organisationnelle proposition de, voir Rémunération globale Versement des augmentations de salaire au mérite, 368-369 Visibilité, reconnaissance à travers la, 319 Vroom, théorie des attentes de, 323, 378, 448-449

L’ouvrage le plus à jour et le mieux structuré pour comprendre les enjeux des entreprises en matière de rémunération La nouvelle approche pédagogique de cette 3e édition présente les stra­ tégies actuelles appliquées par les gestionnaires de la rémunération dans divers contextes organisationnels et adaptées aux différentes catégories de personnel. Une facture visuelle dynamique rend la lecture attrayante tout en consolidant l’intérêt du lecteur. Tous les outils nécessaires pour faciliter le passage de la théorie à la pratique sont ainsi réunis !

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••• Sylvie St-Onge, Ph. D., CRHA, ASC est professeure titulaire à HEC Montréal. Elle détient un doctorat en comportement organisationnel et relations industrielles de la Schulich School of Business de l’Université York de Toronto. Directrice et rédactrice en chef de la revue (2007 à 2013), elle s’est méritée une Bourse d’excellence en enseignement de l’admi­ nistration du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2009­2014). En 2013, elle a reçu le Prix du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie pour l’ouvrage .

ISBN 978-2-7650-4253-2

www.cheneliere.ca/st-onge