Galien, Œuvres. Tome I: Introduction générale sur l'ordre de ses propres livres - Sur ses propres livres - Que l'excellent médecin est aussi philosophe [Revised ed.]
 2251005366, 9782251005362

Table of contents :
INTRODUCTION GENERALE. Biographie. Histoire du texte. Le corpus galenique aujourd'hui. GALIEN, SUR L'ORDRE DE SES PROPRES LIVRES. Notice. Conspectus siglorum. Texte et traduction. Notes complementaires. GALIEN, SUR SES PROPRES LIVRES. Conspectus siglorum. Texte et traduction. Notes complementaires. QUE L'EXCELLENT MEDECIN EST AUSSI PHILOSOPHE. Notice. Conspectus siglorum. Texte et traduction. Notes complementaires.

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COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage cle V A SSO C IA T IO N GU ILLAUM E BUDÉ

GALIEN TOME I INTRODUCTION GÉNÉRALE SUR L’ORDRE DE SES PROPRES LIVRES SUR SES PROPRES LIVRES QUE L’EXCELLENT MÉDECIN EST AUSSI PHILOSOPHE

TEXTE ÉTABLI, TRADUIT ET ANNOTÉ PAR

V é r o n iq u e

BOTJDON-MILLOT

Directrice de recherche au C N R S

PARIS LES BELLES LETTRES 2007

Confoimément aux statuts de ΓAssociation Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l’approbation de la commission technique, qui a chargé M. Jacques Jouanna d’en faire la révision et d ’en surveiller la correction en collaboration avec Mme Véronique Boudon-Millot.

Tous droits de traduction, de reproduction et d ’adaptation réservés pour tous les pays. © 2007. Société d ’édition Les Belles Lettres 95 boulevard Raspail, 75006 Paris www. les belles lettres.com /S5/V ; 978-2-251-00536-2 IS S N : 0184-7155

INTRODUCTION GÉNÉRALE ·

I. BIOGRAPHIE À l ’inverse de ce que l ’on observe d ’ordinaire pour un auteur de l ’Antiquité, la difficulté à retracer une biogra­ phie de Galien tient moins à l’absence de sources qu’à leur abondance et à la nécessité d ’opérer un choix parmi elles. Je me limiterai donc dans le cadre de cette intro­ duction générale aux principaux événements de la vie et de la carrière du célèbre médecin de Pergame pour les­ quels il est possible d’avancer des dates précises, en me bornant à la simple évocation des épisodes moins connus pour lesquels l ’information nous fait défaut. Ainsi, je n ’entreprendrai pas ici de discuter en détail de la chrono­ logie très débattue des nombreux voyages scientifiques entrepris par Galien. De même, sur la question de la date de naissance de Galien, longtemps controversée, ainsi que sur les doutes qui pèsent encore sur le lieu et la date exacts de sa mort, je me bornerai chaque fois à renvoyer le lecteur aux principales et plus récentes publications sur le sujet. Chacun de ces points en effet, tout comme les principaux épisodes de la vie du médecin, mérite­ raient un traitement particulier. L ’ampleur d’une telle étude basée sur la confrontation du témoignage person­ nel de Galien avec les sources extérieures dont nous dis­ posons excéderait cependant largement les dimensions d ’une simple notice pour atteindre celles d ’une biogra­ phie dont aujourd’hui encore on est contraint de déplorer

INTRODUCTION GÉNÉRALE

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l’absence1. Dans l’attente de la réalisation de ce projet ambitieux, la présente contribution n ’a donc d ’autre but que de fournir au lecteur curieux d’aborder l’œuvre d ’un auteur aussi prolifique que le fut Galien, les quelques repères indispensables à sa compréhension2. Principales sources i

Notre principale source est sans conteste Galien luimême qui, trait remarquable et véritablement unique pour un auteur antique, non seulement s’est plu à émailler son œuvre de très nombreux récits et anecdotes autobiogra­ phiques, mais a, de plus, pris la peine de composer deux courts traités biobibliographiques (contenus dans le pré­ sent volume) destinés à indiquer, l’un, dans quel ordre il convenait de lire ses œuvres (Sur Γordre de ses propres livres) et l ’autre, dans quelles circonstances et à la demande de quels personnages il fut amené à composer ses principaux ouvrages (Sur ses propres livres). On mesure bien, cependant, ce qu’une telle abondance de témoignages autobiographiques doit réclamer de pru1. Les ouvrages de G. Sarton, Galen o f Pergamon, Lawrence, Kan­ sas, University of Kansas, 1954, L. Garcia Ballester, Galeno, Madrid, Ediciones Guadarrama, 1972 et O. Temkin, Galenism, Ithaca, New York, Comell University Press, 1973 sont des synthèses toujours utiles sur Galien et le galénisme auxquels ils constituent une excellente intro­ duction. Mais ils ne sauraient remplacer une biographie exhaustive qui repose sur la présentation de tous les témoignages et la critique des dif­ férentes sources. L’ouvrage récent d’H. Schlange-Schôningen, Die rômische Gesellschaft bei Galen. Biographie und Sozialgeschichte, Berlin-New York, W. de Gruyter, 2003, remarquablement bien in­ formé, souligne brillamment l’intérêt historique et sociologique du témoignage de Galien. 2. L ’ampleur relative de la notice consacrée ici à la vie de Galien se justifie cependant largement, en dehors de toute autre considération extérieure, par la présence dans ce même volume de deux importants traités biobibliographiques et par la nécessité de situer leur apport res­ pectif pour une biographie générale de Galien. Je nourris d ’ailleurs l’espoir de bientôt pouvoir publier une biographie du médecin de Per­ game.

BIOGRAPHIE

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dence de la part d’un éventuel biographe. Dans la mesure où Galien écrit à une époque où la médecine est dominée par la rivalité entre différentes écoles et où le discours médical est nécessairement polémique, l ’anecdote auto­ biographique se révèle occuper un statut très particulier et qui n ’est jamais neutre. Destiné à conférer une marque indiscutable d ’authenticité à une œuvre qui espère ainsi échapper aux faussaires et plagiaires de tout acabit, le récit autobiographique est toujours également un discours conquérant destiné par son auteur à constituer le fer de lance d’une vaste entreprise d’intimidation à l’encontre de ses principaux collègues et adversaires3. On mesure dès lors l’extrême degré de prudence avec lequel il convient de considérer ces confidences autobiographi­ ques et ce « Galien raconté par lui-même » auquel il fau­ drait donc, idéalement, pouvoir confronter le témoignage de ses contemporains4. Or, ces témoignages, immédiate­ ment après la mort du médecin de Pergame, restent rela­ tivement isolés et sont de toute façon parfois sujets à cau­ tion5. Quoi qu’il en soit, l’ampleur de l’œuvre galénique 3. V. Boudon, « Galien par lui-même : les traités biobibliogra­ phiques (De ordine librorum suorum et De libris propriis) », in Studi su Galeno. Scienza, filosofia, retorica e filologia. Atti dei seminario, Firenze 13 novembre 1998, a cura di D. Manetti, Università degli Studi di Firenze, Dipartimento di scienze dell’Antichità « Giorgio Pasquali », 2000, p. 119-133. 4. Les principaux récits autobiographiques ont été commodément rassemblés et traduits par P. Moraux, Galien de Pergame. Souvenirs d'un médecin, Paris, Les Belles Lettres, 1985. Sur Galien et l’écriture de l ’autobiographie, voir I. Veith, « Galen, the first medical autobiographer », Modem Medicine (Minneapolis) 27, 1959, p. 232-245 et V. Nutton, « Galen and medical autobiography », Proceedings of the Cambridge Philological Society, NS 18, 1972, p. 50-62. Voir aussi G. Misch, A History o f Autobiography in Antiquity, 3rd ed., London, 1950, p. 328-332 et J. Bompaire, « Quatre styles d’autobiographie au IIe siècle après J.-C. : Aelius Aristide, Lucien, Marc Aurèle, Galien », in M.-F. Basiez, Ph. Hoffmann et L. Pemot éd.. L'invention de l'autobio­ graphie d'Hésiode à Saint Augustin, Paris, PENS, 1993, p. 199-209. 5. Ces témoignages sont cependant loin d ’être aussi isolés que le

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semble avoir particulièrement frappé les esprits. Athénée dans les Déipnosophistes (c. 200), présente ainsi Galien comme ayant composé plus d ’ouvrages sur la philosophie et la médecine que tous ses prédécesseurs6. Le diction­ naire de la Souda, autour de l’an 1000, attribue à Galien « de nombreux livres de médecine et de philosophie, et aussi de grammaire et de rhétorique », dont l’auteur de la notice dit renoncer à faire la liste « étant donné qu’ils sont cdnnus de tous »7. Et Tzetzès dans ses Chiliades, au XIIe siècle, se fait encore l’écho de cette célébrité8. Plus curieusement, alors que le médecin Oribase (IVe s.), dans ses Collectiones medicae9, privilégie presque exclusive­ ment l’enseignement médical de Galien en multipliant les références et les citations, Eusèbe de Césarée (c. 265340), dans son Histoire ecclésiastique, choisit de men­ tionner notre auteur en tant que philosophe spécialiste des syllogismes10. Encore conviendrait-il de confronter le témoignage de ces sources grecques et byzantines à celui de la tradition arabe principalement représentée, au IXe siècle, par le célèbre traducteur nestorien Hunain ibn Ishaq et par son neveu Ishaq ibn Hunain, au Xe siècle par

pensait J. Scarborough, « The Galenic Question », Sudhoffs Archiv 65, 1981, p. 1-31, pour qui le nom de Galien, immédiatement après sa mort, serait tombé dans un relatif oubli. Ce jugement, comme le mon­ trent les testimonia rassemblés à la fin de cette notice, mérite aujour­ d ’hui d’être en grande partie nuancé. 6. Athénée, Déipnosophistes I le (voir infra, Testimonium n° 2). 7. Souda, éd. A. Adler, Stuttgart, Teubner, 1967-1971 (1ère édition 1928-1938), vol. I, p. 506 (voir Testimonium n° 10). 8. Jean Tzetzès, Chiliades II 16-25 ; VI 279-282 et 300-302 ; XII 397 (éd. P. A. M. Leone, Napoli, 1968 ; voir Testimonium n° 11). 9. Oribase, Collectiones medicae, éd. Raeder, Livres I-VIII in CMG VI 1, 1, 1928 ; Livres IX-XVI in CMG VI 1, 2, 1929 ; Livres XXIV-XXV, XLIII-XLVIII in CMG V I2, 1, 1931 ; Livres XLIX-L in CMG VI 2, 2, 1933 ; et Synopsis ad Eustathium. Libri ad Eunapium, CMG VI 3, 1926 (passim). 10. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique V, 28. 13-14 (voir Testimonium n° 3).

BIOGRAPHIE

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Ibn al-Nadim, Fauteur du Fihrist, et au XIIIe siècle par Osaybi’a 11. Aussi choisirai-je pour commencer de rassembler les principales données relatives à la vie de Galien telles qu’elles se laissent reconstituer d ’après le récit de notre auteur, avant de présenter succinctement les témoignages les plus anciens conservés en langue grecque12. Date de naissance : 129 ou 130 ?

, ''

Bien que plusieurs dates aient été soutenues pour l ’an­ née de naissance de Galien, la plus fortement étayée par nos sources et la plus unanimement admise est la date traditionnelle de 129 de notre ère. Le premier à s’être intéressé à la question fut J. Ilberg1314 qui, après avoir remarqué que E. Klebs dans la Prosopographia imperii Romaniu marquait quelque hésitation quant à la date de naissance exacte du médecin de Pergame (128 ou 129), montra, avec raison, que la date de 128 était impossible à 11. Pour une première approche, voir V. Boudon, « L’apport des sources arabes à la biographie de Galien », Actes de la Table ronde consacrée aux Vies anciennes d ’auteurs grecs : mythe et biographie (Tours, 15 juin 1994), Archipel 1, 1994-1995, p. 59-76 ; et aussi G. Strohmaier, « Die Ethik Galens und ihre Rezeption in der Welt des Islams », in J. Bames et J. Jouanna éd., Galien et la philosophie, XLIX Entretiens de la Fondation Hardt, Vandœuvres-Genève, 2003, p. 307329. 12. Il sera fait référence, pour la grande majorité des traités de Galien, à l’édition de C. G. Kühn (= Kühn), Galeni opera omnia, en vingt volumes (dont deux doubles) parue à Leipzig de 1821 à 1833 (réimpr. Hildesheim, 1965), ainsi que, pour certains autres, à l ’édition des Scripta Minora (= SM), en trois volumes, également parue à Leip­ zig de 1884 à 1893, ou encore, quand elles existent, aux éditions récentes du Corpus Medicorum Graecorum (= CMG) parues à Berlin et à celles de la Collection des Universités de France. 13. J. Ilberg, « Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der romischen Kaiserzeit », N eue Jahrbücher fur Klassische Altertum 15, 1905, p. 276-312 (voir en particulier p. 277, η. 1). 14. E. Klebs, Prosopographia imperii Romani saec. Ï.II.HL, Berlin 1897,/ w s 1, p. 374, n° 701 : Natus est anno fere 128/129.

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soutenir et que seule méritait d'être retenue celle de 129. Ilberg s’appuie, en effet, sur le passage du Sur ses propres livres où Galien nous dit être revenu dans sa patrie après son premier séjour à Rome alors qu’il était âgé de trente-sept ans révolus15. Par ailleurs, Galien, dans le Pronostic, date son départ de Rome au cours de l’été, à la fin de ce premier séjour, comme étant de peu anté­ rieur au retour dans la capitale des troupes de L. Vérus, alors associé à Marc Aurèle à la tête de l’Empire16. Or, ces événements qui marquèrent la victoire de Lucius Vérus contre les Parthes et précédèrent de peu le début d’une seconde guerre contre les Germains17 se situent sans doute possible au cours de l’été 166, comme d’autres sources l’attestent par ailleurs18. Ilberg en conclut donc que Galien, au cours de cet automne 166 qui marque son retour dans sa patrie, était alors âgé de trente-sept ans, ce qui situe sa naissance en 129. Mais cela suppose aussi, comme nous le verrons plus loin, que Galien soit directement rentré de Rome à Pergame et ne se soit pas attardé plusieurs mois en chemin, en particu­ lier pour effectuer certains de ces voyages scientifiques dont la chronologie est très mal établie. J. Walsh devait ainsi décider de reprendre le dossier quelques années plus tard. Après avoir successivement 15. Sur ses propres livres c. IL 1 : Έπανήλθον μέν ούν έκ 'Ρώμης εις την πατρίδα πεπληρωμένων μοι των έκ γενετής έτών έπτά καί τριάκοντα. 16. Pronostic 9 (Kühn XIV, 649, 12 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 118, 16) : Μ ετά χρόνον δ5 ού πολύν έπανεληλυθότος του Λευκίου. 17. Pronostic 9 (Kühn XIV, 649, 12 = V. Nutton, CMG V 8, 1, ρ. 118, 16) : πολέμου [δ’] έτέρου του προς Γερμανούς πολεμηθέντος αύτοΐς άρχή καθεστήκει. 18. Historia Augusta, Vita Marci 12, 8 ; Vita Commodi 11, 13. Sur ce point, outre Ilberg déjà cité n. 13, voir V. Nutton, « The Chronology of Galen’s Early Career », Classical Quarterly 23, 1973, p. 158171 (repris dans V. Nutton, From Democedes to Harvey : Studies in the History o f Medicine, London, 1988).

BIOGRAPHIE

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présenté et étudié les différents passages autobiogra­ phiques conservés à l’intérieur du corpus galénique, Walsh se prononce finalement en faveur de la date de 13019. J. Ilberg n’est alors pas long à réagir et à réaffir­ mer, dans un nouvel article, la date de 129, tout en dénon­ çant les erreurs de lecture et de traduction sur lesquelles, selon lui, Walsh fonde sa datation20. Se considérant atta­ qué, Walsh riposte par un second article où il publie une lettre qu’il adressa à Ilberg mais qui lui fut retournée, ce dernier étant mort dans l’intervalle. Tout en reconnaissant volontiers quelques erreurs de traduction, Walsh va, en effet, entreprendre de justifier point par point la date de 130, ajoutant au passage une chronologie de la vie de Galien qu’il fait mourir en 200 en accord, précise-t-il, avec le témoignage de la Souda21. Venons-en à présent aux principaux éléments de ce dossier et aux arguments développés par les tenants de l’une et l ’autre thèse. Dans son Commentaire aux articulations d ’Hippo­ crate, Galien, selon l’interprétation que donne Walsh de ce passage controversé et mal établi en grec, aurait écrit qu’il arriva à Rome pour la première fois à l’âge de trente-deux ans. Le texte grec tel qu’il nous a été transmis est en réalité peu sûr et susceptible de deux interpré­ tations. Galien, après avoir mentionné ses études à Smyme, ajoute en effet : μετά το τριακοστόν καί δεύ­ τερον έτος εν 'Ρώμη διέτριψα22, ce qui peut signifer 19. J. Walsh, « Date of Galen’s Birth », Armais o f Medical History 1, 1929, p. 378-382. 20. J. Ilberg, « Wann ist Galenos geboren », Sudhoffs Archiv 23, 1930, p. 289-292. 21. J. Walsh, « Réfutation of Ilberg as to the date of Galen’s Birth », Armais o f Medical Histoty 4, 1932, p. 126-146. Sur le témoi­ gnage de la Souda, voir infra, Testimonium n° 10. 22. Commentaire aux articulations I, 22 (Kuhn XVIIIIA, 347, 14) : Les mots και δεύτερον donnés par les éditions antérieures (et aussi semble-t-il par les manuscrits selon V. Nutton, « The Chronology... » cité n. 18, p. 160, n. 2) ont été omis par Chartier et Kühn. Ils sont cependant présents dans la traduction latine reproduite par Kühn

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« ensuite23, j ’ai séjourné à Rome au cours de ma trentedeuxième année », ou bien « après ma trente-deuxième année, j ’ai séjourné à Rome ». Dans le premier cas, Galien serait arrivé à Rome à trente et un ans, et dans le second à trente-deux ans révolus, interprétation qui a la faveur de Walsh. En outre, et toujours selon la lecture que fait Walsh d ’un passage du Sur ses propres livres c. I. 16, Galien aurait ensuite séjourné trois ans à Rome avant dé regagner sa patrie24. De plus, selon J. Walsh qui reproduit un raisonnement déjà fait par W. A. Greenhill et admis sans discussion par V. Nutton, Galien serait né en automne, et autour du 21-22 septembre25. En effet, Galien précise dans son traité Sur les médicaments cornposés selon les genres qu’à sa grande surprise et malgré son jeune âge, il fut appelé par le grand prêtre à remplir les fonctions de médecin des gladiateurs alors qu’il venait de commencer sa vingt-neuvième année (c’est-àdire tout juste âgé de vingt-huit ans)26, et qu’il exerça cette charge sept mois avant d’être reconduit dans ses fonctions par un deuxième grand prêtre. Galien explique dans son édition : Post trigesimum et secundum annum Romae degi­ mus. 23. On attendrait dans ce cas μετά . 24. Sur ses propres livres c. I. 16 : ετεσι δε τρισίν άλλοις έν 'Ρώμη διατρίψας. 25. Voir la notice consacrée à Galien par W. A. Greenhill in Smith ’s Dictionary o f Greek and Roman Biography, London, 1854, p. 208 et V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 159, qui toutefois s’en tiennent tous deux à une date comprise entre la fin août et le début septembre sans s’arrêter aussi précisément que Walsh à celle de l’équinoxe d’automne. 26. Et non de vingt-neuf ans comme l’a interprété par erreur J. Walsh dans son premier article de 1929 (as he had touched 29), erreur de traduction corrigée dans son article suivant de 1932 écrit en réponse à Ilberg. Voir Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 12) : δόξαν ούκ οίδ’ όπως τω κατά την πόλιν ημών άρχιερεϊ τήν θεραπείαν έγχειρήσαί μοι μόνω των μονο­ μάχων καίτοι νέορ τήν ηλικίαν οντν του γάρ ένάτου και είκοστου έτους ήρχόμην.

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en effet que le premier grand prêtre avait pris ses fonc­ tions à l’équinoxe d ’automne, tandis que le second suc­ céda au premier au milieu du printemps27. Walsh en déduit alors que Galien serait donc également entré en charge à l ’automne, alors qu’il venait de fêter son propre anniversaire de naissance, ce qui lui permet de fixer l’an­ niversaire de Galien en cette saison28. Ce point établi permet alors à Walsh de conclure que Galien était en réalité âgé de trente-deux ans et demi lors de son arrivée à Rome au printemps 163 et qu’après trois ans passés sur place, il quitta Rome à l’âge de trente-cinq ans et demi, à l’été 166, à la veille de son trente-sixième anniversaire, ce qui, toujours selon lui, impose de placer sa date de naissance à l’automne 130. Plusieurs passages cependant se heurtent à cette inter­ prétation, à la fois en ce qui concerne le mois et l’année de naissance de Galien. En ce qui concerne le mois de naissance, Ilberg29, à juste titre, a fait remarquer que Galien fait clairement allusion dans son Commentaire aux fractures d'Hippocrate à des combats de gladiateurs que les grands-prêtres offraient tous les ans à Pergame en été30. Galien, selon Ilberg, aurait donc toute chance d ’être en réalité entré en charge en été, à la veille des jeux, et sa propre nomination en tant que médecin des gladiateurs 27. Ibid. III, 2 (Kühn XIII, 600, 10) : ό μέν γάρ πρώτος περί τήν φθινοπωρινήν Ισημερίαν, ό δε δεύτερος άκμάζοντος του ήρος ήρχιερεύσατο. 28. Walsh va même jusqu’à en conclure que Galien serait né préci­ sément au mois de septembre, et qui plus est le jour même de l’équi­ noxe d ’automne, jour où le premier grand prêtre avait pris ses fonc­ tions et aurait appelé Galien (en quelque sorte en guise de cadeau d’anniversaire) à remplir la charge de médecin des gladiateurs, c ’est-àdire le 22 ou le 23 septembre !... 29. J. Ilberg, « Wann ist Galenos geboren ? », Sudhoffs Archiv 23, 1930, p. 289-292 (en particulier p. 289). 30.. Commentaire aux Fractures ΙΠ, 21 (Kühn XVIIIB, 567, 16) : και μάλιστα έν θέρει, καθ’ ον καιρόν άει παρ’ ήμΐν έν Π εργάμφ των άρχιερέω ν τάς καλουμένας μονομαχίας έπιτελούντων τούς κάκιστα τρωθέντας έθεράπευσα.

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n ’aurait pas nécessairement coïncidé avec celle du pre­ mier grand-prêtre à l’équinoxe d’automne. Toujours selon Ilberg, Galien ne serait donc pas né en automne mais plus vraisemblablement en été. Rien dans nos textes, en effet, n ’autorise une datation aussi précise que celle proposée par Walsh. Et le plus vraisemblable est que le grandprêtre *qui entrait traditionnellement en charge à l’au­ tomne ait également nommé Galien à cette date31. En de qui concerne l’année de naissance de Galien, la date de 130 proposée par Walsh, se heurte quant à elle au témoignage du Sur ses propres livres où Galien précise qu’il avait en réalité trente-trois ans au début de son pre­ mier séjour romain, mais aussi au passage sur lequel s’appuyait précisément Ilberg pour sa propre datation et où Galien fait explicitement allusion à des faits interve­ nus en 166 et qui ont précédé son retour dans sa partie à l’âge de trente-sept ans révolus32. Les arguments avancés par Walsh pour résoudre cette difficulté ne sont toutefois pas complètement dépourvus d ’intérêt. Walsh considère en effet que Galien a très bien pu arriver à Pergame à l ’âge de trente-sept ans, bien qu’étant parti de Rome à la veille de ses trente-six ans. Cela oblige à supposer un retour de Rome à Pergame d ’une durée d’environ un an qui soulève, certes, quelques difficultés sur lesquelles nous reviendrons plus loin, mais qui présente aussi l’avantage de permettre de situer une partie des nom­ breux voyages scientifiques auxquels Galien fait allusion dans ses écrits sans jamais donner de date précise. Autre difficulté : si Galien n’a effectivement été de retour dans sa patrie qu’à l’automne 167, son séjour y fut nécessaire­ ment très bref, puisqu’il fut rappelé par les deux empe­ reurs Marc Aurèle et Lucius Vérus, à Aquilée, à l ’automnel68. En revanche, l’objection faite par Walsh aux 31. Sur le calendrier alors en usage dans les cités d ’Asie et qui fait commencer l’année le 23 septembre, date de l ’anniversaire d ’Auguste, voir V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 164. 32. Sur ses propres livres c. I. 14 (cité n. 33) et c. II. 1 (cité n. 15).

BIOGRAPHIE

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tenants de la datation haute (129) ne tient pas. Walsh part, en effet, du principe que le premier séjour de Galien à Rome a duré trois ans. Or, si Galien était bien âgé de trente-sept ans en 166, et s’il est bien arrivé à Rome à l ’âge de trente-deux ans comme le suppose Walsh à par­ tir du passage du Commentaire aux articulations, cela signifie qu’il arriva en réalité dans la capitale dès 161, et que son premier séjour dura donc en réalité non pas trois ans, mais cinq ans (de 161 à 166). Remarquons toutefois que le texte du Sur ses propres livres sur lequel s’appuie Walsh pour en déduire que le premier séjour romain de Galien dura trois ans est loin d’être clair. Galien fait en effet allusion dans ce passage aux conférences publiques qu’il donna au début de son séjour à Rome, alors qu’il était encore jeune et dans sa trente-quatrième année, avant d’y renoncer par la suite. Galien ajoute alors : « je passai trois autres années à Rome »33 en comptant les trois années en question à partir de l ’arrêt de ses confé­ rences publiques. Galien, d’après ce témoignage, aurait donc séjourné à Rome non pas seulement trois, mais au moins quatre ans. En résumé, la date de 130 défendue par Walsh repose sur un seul et unique passage du Commentaire aux arti­ culations, tandis que nos autres sources permettent de reconstituer la chronologie suivante : Galien a été appelé à remplir la charge de médecin des gladiateurs alors qu’il venait tout juste d’avoir vingt-huit ans34, charge qu’il a exercée sous cinq grands prêtres pour une période d ’en­ viron quatre ans de vingt-huit à trente-deux ans35, il est 33. Sur ses propres livres c. I. 14 : και γάρ δή και νέος ών έτι τοΰτ’ έπραξα τέταρτον έτος άγων και τριακοστόν... et plus loin (c. I. 16) : έτεσι δέ τρισιν αλλοις έν 'Ρώμη διατρίψας. 34. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 12) : passage cité n. 26. 35. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 600, 8) : ό μετά τον έγχειρίσαντά μοι τότε την θεραπείαν δεύτερος άρχιερεύς, όμοίως και αύτός έπίστευσε τήν έπιμέλειαν των μονομάχων μετά μήνας έπτά μέσους* ό μεν γάρ πρώτος περί

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n ’aurait pas nécessairement coïncidé avec celle du pre­ mier grand-prêtre à l’équinoxe d’automne. Toujours selon Ilberg, Galien ne serait donc pas né en automne mais plus vraisemblablement en été. Rien dans nos textes, en effet, n ’autorise une datation aussi précise que celle proposée par Walsh. Et le plus vraisemblable est que le grandprêtre qui entrait traditionnellement en charge à l ’au­ tomne àit également nommé Galien à cette date31. En cè qui concerne l’année de naissance de Galien, la date de 130 proposée par Walsh, se heurte quant à elle au témoignage du Sur ses propres livres où Galien précise qu’il avait en réalité trente-trois ans au début de son pre­ mier séjour romain, mais aussi au passage sur lequel s’appuyait précisément Ilberg pour sa propre datation et où Galien fait explicitement allusion à des faits interve­ nus en 166 et qui ont précédé son retour dans sa partie à l’âge de trente-sept ans révolus32. Les arguments avancés par Walsh pour résoudre cette difficulté ne sont toutefois pas complètement dépourvus d’intérêt. Walsh considère en effet que Galien a très bien pu arriver à Pergame à l’âge de trente-sept ans, bien qu’étant parti de Rome à la veille de ses trente-six ans. Cela oblige à supposer un retour de Rome à Pergame d ’une durée d’environ un an qui soulève, certes, quelques difficultés sur lesquelles nous reviendrons plus loin, mais qui présente aussi l ’avantage de permettre de situer une partie des nom­ breux voyages scientifiques auxquels Galien fait allusion dans ses écrits sans jamais donner de date précise. Autre difficulté : si Galien n ’a effectivement été de retour dans sa patrie qu’à l’automne 167, son séjour y fut nécessaire­ ment très bref, puisqu’il fut rappelé par les deux empe­ reurs Marc Aurèle et Lucius Vérus, à Aquilée, à l’automnel68. En revanche, l’objection faite par Walsh aux 31. Sur le calendrier alors en usage dans les cités d’Asie et qui fait commencer l’année le 23 septembre, date de l’anniversaire d ’Auguste, voir V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 164. 32. Sur ses propres livres c. I. 14 (cité n. 33) et c. II. 1 (cité n. 15).

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tenants de la datation haute (129) ne tient pas. Walsh part, en effet, du principe que le premier séjour de Galien à Rome a duré trois ans. Or, si Galien était bien âgé de trente-sept ans en 166, et s’il est bien arrivé à Rome à l’âge de trente-deux ans comme le suppose Walsh à par­ tir du passage du Commentaire aux articulations, cela signifie qu’il arriva en réalité dans la capitale dès 161, et que son premier séjour dura donc en réalité non pas trois ans, mais cinq ans (de 161 à 166). Remarquons toutefois que le texte du Sur ses propres livres sur lequel s ’appuie Walsh pour en déduire que le premier séjour romain de Galien dura trois ans est loin d’être clair. Galien fait en effet allusion dans ce passage aux conférences publiques qu’il donna au début de son séjour à Rome, alors qu’il était encore jeune et dans sa trente-quatrième année, avant d’y renoncer par la suite. Galien ajoute alors : « je passai trois autres années à Rome »33 en comptant les trois années en question à partir de l ’arrêt de ses confé­ rences publiques. Galien, d’après ce témoignage, aurait donc séjourné à Rome non pas seulement trois, mais au moins quatre ans. En résumé, la date de 130 défendue par Walsh repose sur un seul et unique passage du Commentaire aux arti­ culations, tandis que nos autres sources permettent de reconstituer la chronologie suivante : Galien a été appelé à remplir la charge de médecin des gladiateurs alors qu’il venait tout juste d’avoir vingt-huit ans34, charge qu’il a exercée sous cinq grands prêtres pour une période d’en­ viron quatre ans de vingt-huit à trente-deux ans35, il est 33. Sur ses propres livres c. I. 14 : και γάρ 6ή και νέος ών ετι τοΰτ* επραξα τέταρτον έτος άγων καί τριακοστόν... et plus loin (c. I. 16) : έτεσι δε τρισίν άλλοις έν 'Ρώμη διατρίψας. 34. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 12) : passage cité n. 26. 35. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 600, 8) : ô μετά τον έγχειρίσαντά μοι τότε την θεραπείαν δεύτερος άρχιερεύς, όμοιως καί αύτος έπίστευσε την έπιμέλειαν των μονομάχων μετά μήνας έπτά μέσους· ό μέν γάρ πρώτος περί

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ensuite arrivé à Rome (non pas à trente-deux ans comme peut le laisser entendre le Commentaire aux articulations, mais plus vraisemblablement à trente-trois ans comme le confirme un autre passage du Sur ses propres livres36), il a ensuite séjourné à Rome pendant trois autres années37, de trente-quatre à trente-sept ans, jusqu’à la date de son départ en 166 à la veille de ses trente-sept ans qu’il atteint lors de son arrivée à Pergame38. Ce qui impose) la date de 129 pour sa naissance. L ’idée de Walsh, qui pouvait être séduisante, d ’un voyage de retour à Pergame ayant duré près d’une année, n ’est donc pas solidement étayée par nos textes, et on constate une convergence de nos sources en faveur d’une date de nais­ sance en 129, la datation de 130, proposée par Walsh, ne s’appuyant finalement que sur un unique passage du Commentaire aux articulations, au demeurant peu sûr. Pour ma part, je ne m ’arrêterai donc pas davantage aux objections de Walsh et adopterai la date de 129, la plus couramment admise, qui servira ici de base de calcul pour établir toutes les autres dates relatives à l ’existence de Galien39. Origines familiales Galien appartient à une lignée d ’intellectuels dont on peut suivre la formation sur trois générations : son père et son grand-père étaient architectes et tous deux passionτήν φθινοπωρινήν Ισημερίαν, 6 δέ δεύτερος άκμάζοντος τού ήρος ήρχιερεύσατο* πάλιν δ’ έπι τούτφ σωθέντων άπάντων 6 τρ ί­ τος και Ô τέταρτος και πέμπτος ώσαύτως ένεχείρισάν μοι τήν θεραπείαν των μονομάχων. Sur le nombre exact d ’années passées par Galien comme médecin des gladiateurs, voir infra. 36. Sur ses propres livres c. I. 14 : passage cité n. 33. 37. Ibid. c. I. 16 : passage cité n. 33. 38. Ibid. c. IL 1 : passage cité n. 15. 39. Même si une certitude absolue n ’existe pas en faveur de 129, comme l ’a fait remarquer Kudlien dans la notice consacrée à Galien du Dictionaiy o f Scientific Biography (vol. 5), en revanche les dates de 128 et 131 qui ont parfois été avancées, sont exclues.

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nés de géométrie, calcul, et arithmétique, tandis que son arrière-grand-père était géomètre40. Galien nous a laissé de son père et de sa mère des portraits aussi vivants que contrastés. Alors qu’il ne mentionne qu’une seule fois le souvenir de sa mère, n ’hésitant pas à la décrire comme sujette aux emportements et la comparant à une nouvelle Xanthippe, l’épouse acariâtre de Socrate, il témoigne à maintes reprises d’un profond attachement filial à ce père architecte, attentif, doux et cultivé : « J’ai eu l’immense bonne fortune d’avoir le père le moins colérique, le plus juste, le plus honnête et le plus humain qui soit. Ma mère, elle, était irascible, au point qu’elle mordait parfois ses servantes, criait sans cesse et cherchait querelle à mon père plus que Xanthippe à Socrate. En comparant les nobles actions de mon père aux honteuses passions de ma mère, je conçus le dessein d’em­ brasser et d’apprécier les unes, de fuir et de haïr les autres. Je voyais là une très grande différence entre mes parents : de même je voyais mon père ne jamais manifester son chagrin lors d’un désagrément, quel qu’il soit, alors que ma mère était importunée par les moindres pecca­ dilles »41.

40. Voir le Sur ses propres livres c. XIV. 4 et Sur Γinutilité de se chagriner 59 : ελεγε δε αύτόν ό πατήρ τοιοϋτον βεβιωκέναι βίον όποιον και αύτός άλλα καί τον έκείνου πατέρα και τον πάππον όμοίως έφη βιωκέναι, τον μεν άρχιτέκτονα, τον δε γεωμέτρην γενομένον. Le traité Sur Γ inutilité de se chagriner (Π ερί άλυπίας) que Ton croyait entièrement perdu en grec comme en arabe (à l’excep­ tion de quelques citations), vient d ’être miraculeusement retrouvé dans un nouveau manuscrit de Galien, le Vlatadon 14, récemment découvert par A. Pietrobelli. Sur cette découverte, voir infra p. 30 et pour la des­ cription du manuscrit, voir p. 42 sqq. Voir aussi mon édition « Un traité perdu de Galien miraculeusement retrouvé, le Sur Vinutilité de se chagriner : texte grec et traduction française », in La science médicale antique : nouveaux regards, Etudes réunies par V. Boudon-Millot, A. Guardasole et C. Magdelaine en l’honneur de J. Jouanna, Paris, Beauchesne (à paraître). 41. Du diagnostic et du traitement des passions de Vâme 8 (Kühn V, 40, 17-41, 8 = W. de Boer, CMG V 4, 1.1, p. 27-28). s

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Bien qu’il ne tarisse pas sur ses années de formation et de jeunesse, Galien ne parle pratiquement jamais de sa prime enfance, excepté là encore pour rappeler le soin que son père apportait au choix de son régime alimen­ taire42. Galien toutefois, du moins dans la partie conser­ vée de son œuvre, ne nous a pas laissé le nom de ce père qui devait par la suite exercer une si profonde influence sur sort itinéraire intellectuel. Une source plus tardive, le dictionnaire de la Souda, le désigne cependant sous le nom de Nicon, en précisant qu’il était géomètre et archi­ tecte43. Certains érudits ont cherché à identifier le Nicon père de Galien, soit avec un Aelius Nicon, architecte, soit avec son collègue Iulius Nicodemus (Nicon), tous deux mentionnés dans différentes inscriptions retrouvées sur le site de Pergame44. Aucun élément cependant ne permet de trancher entre ces deux candidats à la paternité de Galien et il n ’est même pas certain que le Nicon, père de Galien, doive être identifié avec l’un d ’eux45. L ’enjeu, on 42. Sur les bons et les mauvais sucs des aliments 1 (Kühn VI, 756 = G. Helmreich, CMG V 4, 2, p. 392). 43. Souda, éd. Adler, I, 1928, p. 506, s. v. Γαληνός : υίός Νίκωνος γεωμέτρου και άρχιτέκτονος (fils de Nicon géomètre et archi­ tecte). Le même renseignement nous a également été conservé par Tzetzès dans ses Chiliades XII, 397. 8. 44. Pour une présentation du dossier épigraphique, voir H. SchlangeSchoningen, Die rômische Gesellschaft bei Galen... (cité n. 1), p. 45 sqq. Toutes ces inscriptions présentent la particularité d ’être isopséphiques, c’est-à-dire qu’elles sont écrites en vers dont l’addition de chacune des lettres, réduites à leur valeur numérale, aboutit toujours au même résultat. Cette particularité a laissé supposer que l’auteur de la première inscription (IGRRIV, n° 502), Aelius Nicon, serait également l’auteur des autres inscriptions, y compris celles relatives à Iulius Nicodemus. Il s’agit des IGRR, IV, n° 502 : Α’ί λ 5 Ν είκων Ιλαρόν ίδίη σάτυρον ; IGRR, IV, n° 503 :... τοις τεχνίταις / την δια­ τριβήν έποίησε Ν είκω ν /... Θ εΐα καθόλου, φύσεως άμα ήδείας / άεί ό κώνος, ή σφαίρα, ό κύλινδρος ; IGRR IV, n° 506 ; pour Iulius Nicomedus, voir IGRR IV, n° 504 : Ί. Ν εικόδημος άγαθός, άμα δη ό και Ν είκων νέος ; IGRR IV, n° 505 ‘ Τ. Ν εικόδημος ό καί Νίκων / άγαθός είεν άν ήρως. 45. Voir J. Kollesch, « Galen und die Zweite Sophistik », in V.

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le devine, était de donner une identité plus complète à ce Galien (Galenos) dont nous ne connaissons vraisembla­ blement qu’un praenomen, en le dotant si possible d’un nomen et d’un cognomen. Au-delà, il s ’agissait de s ’assu­ rer par la présence des fameux tria nomina de sa qualité de civis romanus et de son appartenance supposée à la famille des Aelii46. Rien cependant ne permet d ’affirmer avec certitude que Galien jouissait bien de la qualité de citoyen romain et n ’était pas simple peregrinus, bien que cette dernière hypothèse semble aujourd’hui de plus en plus battue en brèche. Quoi qu’il en soit, et alors même que l’onomastique ne permet pas de trancher, la fortune et la position sociale dont la famille de Galien jouit à Per­ game désignent en revanche clairement son père comme un des membres marquants de l’élite municipale. Premières années de formation Si l ’appartenance de Galien à l’aristocratie municipale ne fait aucun doute, elle n ’explique pas pour autant le choix fait par ce dernier d ’une carrière médicale. Alors que les fils de famille, dans les provinces de l’Empire, se destinaient habituellement aux carrières de fonctionnaires Nutton éd., Galen : Problems and prospects, London, The Wellcome Institute for the History of Medicine, 1981, p. 9 n. 5, qui remarque que « hinsichtlich der Identifizierung von Galens Vater mit einem der beiden inschriftlich bezeugten pergamenischen Architekten Aelius Nikon und Iulius Nicodemus mit dem Beinamen Nikon... eine eindeutige Entscheidung nicht moglich ist ». Voir aussi V. Nutton qui dans le commentaire de son édition du Pronostic de Galien (CMG V 8, 1, p. 183) concluait déjà : « He (sc. Galen’s father) has generally been identified with the architect Aelius Nicon, who was also a dabber in verse, but it is equally possible that he is Aelius Nicon’s colleague, Iulius Nicodemus 6 και Ν είκω ν ». 46. Mais sous l’Empire, le système des tria nomina {praenomen ou prénom, nomen c ’est-à-dire nom du père ou patronyme, et cognomen c’est-à-dire surnom ou nom du père naturel en cas d’adoption) est de plus en plus concurrencé par de nouvelles pratiques. L ’emploi d ’une pluralité de noms et l’inversion de l’ordre habituel devait en effet aboutir à l ’effondrement du système.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

municipaux en embrassant des études de philosophie et surtout de rhétorique, Galien doit à l ’esprit scientifique et éclairé de son père de l’avoir encouragé dans le choix d ’une carrière médicale pourtant réputée moins presti­ gieuse et moins lucrative47. Galien est donc tout à fait conscient de devoir sa réus­ site intellectuelle non seulement à la fortune paternelle qui luil permit d’entreprendre des études d’une longueur tout à fait exceptionnelle pour l’époque, mais aussi à l’es­ prit éclairé et aux encouragements constants de son père. Voilà le jugement qu’il met dans la bouche d ’un de ses condisciples sur sa propre éducation : « Toi, tu es supérieurement doué, tu as reçu, grâce à Γ am­ bition de ton père, une éducation admirable, tu es à l’âge où l’on apprend bien (Galien a environ quinze ans) et tu disposes de ressources financières qui te donnent tout loi­ sir de t’adonner à l’étude. Pour nous, c’est tout différent. Notre première éducation a laissé à désirer, nous n’avons pas ton intelligence pénétrante, et ne disposons pas d’ar­ gent à dépenser. Nous devons déjà nous estimer satisfaits d ’avoir les connaissances que nous avons, quelle qu’en puisse être la qualité »48.

Cette éducation de premier ordre, et en particulier sa connaissance de la langue grecque, Galien est bien conscient de la devoir d ’abord à son père sur lequel il ne tarit pas d’éloges : « Mon père était un parfait connaisseur de la langue grecque, un maître et un pédagogue grec. J’ai grandi dans

47. Sur le statut social du médecin dans l’antiquité, voir entre autres V. Nutton, « Archiatri and the medical profession in antiquity », Papers o f the British School at Rome 45, London, 1977, p. 191-226 (= F rom Democedes to Harvey : Studies in the History of Medicine, London, 1988) et H. W. Pleket, « The social status of physicians in the Graeco-Roman world », in Ph. van der Eijk et alii éd., Ancient medicine in its socio-cultural context, 1995, vol. I, p. 27-34. 48. Sur la méthode thérapeutique VIII, 3 (Kühn X, 560).

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l’amour de la langue... j ’ai été nourri de la lecture des livres des Anciens »49.

La formation du père de Galien était très solide puisque son fils le décrit ailleurs comme particulièrement compétent en géométrie, arithmétique, architecture, cal­ cul, astronomie et grammaire50. C ’est à lui encore que Galien doit d’avoir été élevé « au milieu de ces disci­ plines et des autres connaissances qui font partie de l’éducation »51. Mais c ’est surtout à partir de l ’âge de quatorze ans que nous pouvons très précisément suivre les différentes étapes de la formation de Galien. Après avoir commencé par des études de philosophie, Galien va en effet, à partir de l’âge de seize ans, aborder ses études de médecine de façon tout à fait exceptionnelle pour l ’époque en les commençant de façon relativement tar­ dive (on commençait habituellement des études de méde­ cine vers douze ans) et en s’y consacrant ensuite non pas seulement trois ou quatre ans, comme la plupart de ses condisciples, mais, au total, plus d ’une dizaine d ’années. Aussi Galien n ’hésite-t-il pas lui-même à parler de voca­ tion en rappelant tout ce qu’il doit à son père en un tel domaine : « Il faut que cet homme-là (sc. celui qui veut entreprendre à la fois l’étude de la médecine et de la philosophie) ait en même temps un esprit aiguisé, une bonne mémoire et l’amour du travail ; il doit, en outre, avoir connu une chance telle que celle que nous avons connue en bénéfi­ ciant de l’éducation paternelle : après nous avoir élevé de façon à nous rendre savant en arithmétique, calcul et grammaire, au milieu de ces disciplines et des autres connaissances qui font partie de l’éducation, alors que 49. Sur les différences du pouls II, 5 (Kühn VIII, 587, 3-8). 50. Du diagnostic et du traitement des passions de l ’âme 8 (Kühn V, 42, 4-6 = W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, p. 28). Sur les bons et les mauvais sucs des aliments 1 (Kühn VI, 755, 12-17 = G. Helmreich, CM GV 4, 2, p. 392, 21). 51. Sur l ’ordre de ses propres livres c. IV. 4.

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nous étions dans notre quinzième année, il nous amena à l ’étude de la dialectique pour que nous attachions notre esprit à la seule philosophie, puis, influencé par des songes clairs52, il nous fit en outre, alors que nous étions dans notre dix-septième année, nous entraîner à la méde­ cine en même temps qu’à la philosophie. Mais même moi qui ai connu une telle chance et qui apprenais plus vite qiie tous les autres tout ce qu’on m ’enseignait, si je ne mlétais pas appliqué ma vie tout entière à m ’entraîner aux principes de la médecine et de la philosophie, je n’aurais rien su d’important »53.

Galien nous a laissé un récit parallèle de ces années de formation dans le Sur le diagnostic et le traitement des passions de Vâme où il nous livre en plus le nom de ses principaux maîtres : « Voici donc l ’éducation que je reçus de mon père. Lorsque j ’eus accompli ma quatorzième année, je suivis l’enseignement des philosophes de ma cité, surtout d’un stoïcien disciple de Philopator, et aussi d’un platonicien élève de Gaios, mais pendant peu de temps : il avait en effet peu de loisir, ayant été appelé à des tâches politiques par ses concitoyens, à qui seul il paraissait être juste, audessus des intérêts pécuniaires, accessible et amène. Làdessus vint un autre de nos concitoyens, élève d’Aspasios le péripatéticien, après un long voyage à l’étranger, et après lui, d ’Athènes, un autre épicurien »54. 52. Il s’agit de songes envoyés au père de Galien par une quel­ conque divinité. Rien dans nos sources ne permet de conclure qu’il s’agit de songes envoyés par Asclépios dont le culte, il est vrai, était très vivant au sein du célèbre Asclépiéion de Pergame pendant tout le IIe siècle de notre ère. Il en va autrement des rêves envoyés à Galien lui-même et invoqués par le médecin de Pergame devant Marc Aurèle pour décliner son invitation à le suivre dans ses campagnes contre les Germains (voir Sur ses propres livres c. III. 5). Dans ce dernier cas, Galien relie clairement ces songes à l’intervention du dieu de la méde­ cine en personne. 53. Sur Γordre de ses propres livres c. IV. 3-5. 54. Du diagnostic et du traitement des passions de Vâme 8 (Kühn

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D ’après ce témoignage, il apparaît donc que Galien reçut une formation philosophique aussi complète que variée, se faisant initier aussi bien aux doctrines stbïciennes, péripatéticiennes qu’épicuriennes. L ’ordre dans lequel ces trois courants de la philosophie ancienne sont énumérés reflète d’ailleurs davantage les préférences et les choix personnels de Galien que l ’ordre chronologique exact dans lequel il aborda ces différentes branches, de la philosophie. Toutefois, et alors même que la philosophie stoïcienne, citée ici en premier, est sans doute celle qui influença le plus durablement le médecin de Pergame, Galien va très rapidement se heurter à ses maîtres en dénonçant non seulement les désaccords des philosophes entre eux, mais aussi les contradictions internes à chacun des systèmes. Malgré toutes les précautions prises par son père, celui-ci ne put, en effet, empêcher que Galien éprouvât une violente déception à l’égard de l’enseigne­ ment des philosophes : « Mon père examinait pour chacun d’eux leur vie et leurs doctrines, en allant les visiter avec moi. Lui-même était surtout instruit en géométrie, en arithmétique, en architec­ ture et en astronomie, désirant que le maître recoure de même dans son enseignement aux démonstrations de type géométrique55. Pour cette raison, , il ne fallait pas qu’il y ait de désaccord entre mes maîtres au sujet des sciences nobles, de la même manière que les Anciens V, 41 = W. de Boer, CMG V 4, 1, 1, p. 28). Voir la traduction de V. Barras, T. Birchler et A.-F. Morand dans Galien. L ’âme et ses pas­ sions, Paris, 1995, p. 31. Sur Gaios, un des plus célèbres représentants du platonisme moyen et Aspasios surtout connu comme commentateur d’Aristote, voir le Dictionnaire des philosophes antiques (= DPhA) édité par R. Goulet, Paris, CNRS, et en particulier DPhA III, p. 437 (G 2) et DPhA I, p. 635 (A 461). Ajoutons que, outre cet élève anonyme de Gaios, Galien a eu pour maître à Smyme un second disciple du même Gaios, Albinos. Sur Philopator, disciple de Chrysippe, nous ne savons rien de très précis. 55. Ici le texte grec est peu sûr.

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étaient d’accord au sujet des arts susmentionnés, dont les premiers sont la géométrie et Γarithmétique »56.

Cependant, alors même que Galien s’était mis à l’école des philosophes dans l ’espoir d ’apprendre d’eux une méthode logique capable, efficace et sûre, pour atteindre la vérité, il constate rapidement que la philosophie ne peut dp réalité prétendre au même degré d’exactitude que les mathématiques et la géométrie : « Je m’en remis donc à tous les stoïciens et péripatéticiens célèbres de cette époque, et si j ’appris une grand quantité de théorèmes logiques dont, en les examinant par la suite, je découvris qu’ils n’étaient d’aucun secours pour les démonstrations, j ’appris que n’étaient qu’en bien petit nombre les recherches qu’ils avaient menées utilement et qui tendaient au but que je me proposais d’atteindre, mais que même celles-ci trahissaient des divergences entre eux et que certaines de leurs propositions allaient même jus­ qu’à s’opposer aux notions de la physique. Et par les dieux, pour autant qu’il dépendait de mes maîtres, je serais moi aussi tombé dans le doute pyrrhonien si ne m’en avaient retenu les enseignements de la géométrie, de l ’arithmétique et du calcul auxquels j ’avais dès le début été formé et que j ’avais poussés fort avant, sous la conduite de mon père qui avait lui-même hérité ces objets d’étude de mon grand-père et de mon arrière-grand-père. Quand je vis donc que m ’apparaissaient d’une vérité évi­ dente non seulement les calculs relatifs aux prédictions des éclipses, mais aussi à la construction des horloges et des clepsydres, ainsi que toutes les autres considérations intervenant en architecture, je pensai que le mieux était d’user du modèle des démonstrations géométriques. Et de fait je découvris que même les plus habiles en dialectique et philosophes, bien qu’ils eussent eux-mêmes des avis divergents, non seulement les uns avec les autres, mais aussi entre eux, faisaient cependant tous pareillement l’éloge des démonstrations géométriques. En vertu de 56. Du diagnostic et du traitement des passions de Vâme 8 (Kühn V, 42 = W. de Boer, CMG V 4, 1, 1, p. 28).

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cela, je reconnus donc encore mieux qu’il fallait prendre ses distances avec les discours des philosophes et se conformer au caractère des démonstrations linéaires »?7.

On a vu plus haut que Galien, dès l ’âge de seize ans, entreprit conjointement des études de médecine et de phi** losophie. Galien ne manque pas de souligner ce qu’avait d’exceptionnelle cette double formation qui, en outre, avoue-t-il sans aucune modestie, requérait de rares quali­ tés intellectuelles : « Mais même moi qui ai connu une telle chance et qui apprenais plus vite que tous les autres tout ce qu’on m ’en­ seignait, si je ne m’étais pas appliqué ma vie tout entière à m’entraîner aux principes de la médecine et de la philoso­ phie, je n’aurais rien su d’important De fait, il n’y a rien en cela qui doive étonner quand une grande majorité des hommes qui s’entraînent à la médecine et à la philosophie ne réussissent en aucune des deux. C’est en effet ou bien qu’ils n ’étaient pas naturellement doués, ou bien qu’ils n’ont pas reçu l’éducation qui convenait, ou qu’ils n’ont pas persisté à s’entraîner, mais se sont détournés vers l’ac­ tion politique »5758.

Galien a alors pour maître Aischrion, représentant de l’école empirique59, Stratonicos, lui-même élève de Sabi­ nos, décrit comme partisan d’un hippocratisme pur60 et Satyros61, disciple de Quintos et dont l ’influence sur

57. Sur ses propres livres c. XIV. 3-6. 58. Sur Vordre de ses propres livres c. IV. 5-6. 59. Sur Aischrion, voir De la faculté des médicaments simples XI, 24 (Kühn XII, 536) et DPhA I, p. 94 (A 73). 60. Sur Stratonicos, voir Sur la bile noire 4 (Kühn V, 119 = W. de Boer, C M G V 4, 1, l ,p . 78). 61. Sur Satyros, voir le Sur les procédures anatomiques I, 2 (Kühn II, 225 = I. Garofalo, Napoli, 1986, p. 11, 19) où Galien fait allusion aux dissections et aux cours d’anatomie qu’il suivit auprès de ce maître : « Eh bien, quand Satyros taillait dans une des parties mises à nu, nous, qui regardions, nous les reconnaissions tout de suite, et nous procédions à un examen bien différencié ».

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Galien devait être la plus décisive62, À ces trois noms, il convient d ’ajouter celui d ’Aiphicianos que Galien men­ tionne à trois reprises et toujours en même temps que Satyros63. Pour avoir été sauvé du scepticisme, le fameux doute pyrrhonien, par les mathématiques et la géométrie, Galiep en tirera la conclusion qu’il ne faut jamais se pro­ clamer d’aucune école mais, après les avoir étudiées cha­ cune â leur tour, se situer au-dessus de toutes. Telle sera en effet sa devise, héritée des précieux conseils paternels, dans le domaine de la philosophie comme dans celui des sciences médicales, elles-mêmes partagées entre diffé­ rents courants ou écoles : « De même, disait-il (sc. son père), il ne convient pas que tu te réclames ouvertement d’une école ; mais tu dois 62. Sur Quintos, voir M. D. Grmek et D. Gourevitch, « L ’école médicale de Quintus et de Numisianus », Mémoires du Centre Jean Palerne 8, 1988, p. 43-60 et des mêmes auteurs, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien : l ’enseignement de Marinus, Quintus et Numisianus », ANRW II 37.2, 1994, p. 1491-1528. L ’hypothèse selon laquelle Quintos, tout comme Galien, serait originaire de Pergame, repose sur le texte peu sûr de l ’unique manuscrit grec (Marcianus gr. 282) qui nous a transmis cette partie du commentaire à Epidémies VI, livre IV, 10 (Kühn XVIIB, 151 = E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 2, p. 207) : κατά τήν πατρίδα ήμών passage pour lequel il convient d ’adopter la correction de Wenkebach qui s’appuie sur la traduction arabe (κατά τούς πατέρας ήμών). 63. Le nom exact de ce médecin que Galien mentionne à trois reprises dans son œuvre n’est pas clairement fixé dans nos manuscrits (Ephicianos, Iphicianos, Phècianos ou Phicianos, corrigé en Aiphicianos), voir le Sur Γordre de ses propres livres III. 6 et la note à cet endroit. Pour M. Grmek et D. Gourevitch, ainsi que D. Manetti et A. Roselli, qui suivent ici P. Moraux, « Ein unbekannter Lehrer Galens », ZPE 53, 1983, p. 85-88, il est très plausible que Galien ait suivi les cours d ’Aiphicianos, en même temps que ceux de Satyros auquel il l’associe régulièrement, soit à Pergame, soit à Smyme, dans les années 151-152, voir M. Grmek-D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... » (cité n. 62), p. 1520 sqq. ; D. Manetti-A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocrate », ANRW II 37. 2, Ber­ lin, 1994, p. 1590-91.

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longtemps les étudier et les juger. Ainsi, les sciences que tous les hommes louent, et que tous les philosophes s’ac­ cordent à trouver enviables, il faut les exercer dès mainte­ nant et tout au long de la vie... Voilà, disais-je, les ins­ tructions que j ’ai reçues de mon père et que j ’ai observées jusqu’à présent ; je ne me suis réclamé d’aucune école, mais je les examine toutes avec le plus grand soin »64. 4

Ce que défend ici Galien, c ’est son indépendance d ’es­ prit et son entière liberté de jugement que les tenants des différentes écoles ont irrémédiablement et définitivement aliénées. En effet, faisant là encore figure d ’exception, et à la grande différence des autres étudiants, Galien refu­ sera toujours de faire allégeance à tel ou tel représentant de telle ou telle école dont il se verrait contraint de défendre les thèses partout et en toutes occasions : « Je n’ai nulle raison de mentir comme le font ceux qui n’apprennent que dans une seule école et qui ont ensuite l’ambition de devenir célèbres par tous les moyens en se conformant à l’enseignement de cette école. Immanqua­ blement ces gens-là doivent soutenir de mauvaises que­ relles au sujet de la vérité de leur école, la seule qu’ils connaissent ; ils se comportent comme s’ils ne pouvaient arriver à la gloire qu’en se fondant sur la doctrine d’une seule école »65.

Galien ne cessera de dénoncer le poids de la tradition familiale dans le choix d ’une école et le souci de s’assu­ rer rapidement des moyens d ’existence : « En réalité, parmi les médecins et philosophes, l’un tien­ dra l’autre en admiration, non pour avoir suivi son ensei­ gnement, ni s’être exercé à la science de la démonstration qui lui permettrait de distinguer les faux discours des vrais, mais pour certains, c’est parce leurs pères étaient empiriques, dogmatiques ou méthodiques, pour d’autres leurs maîtres, pour d’autres leurs amis ou parce que dans 64. Du diagnostic et du traitement des passions de Vâme 8 (Kühn V, 42 = W. de Boer, CMG V 4, 1, 1, p. 28). 65. Sur les lieux affectés III, 3 (Kühn VIII, 143).

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leur cité on avait tenu en admiration quelque membre de telle ou telle école. De même, parmi les membres des écoles de philosophie, l’un pour une cause, et l’autre pour une autre, s’est fait platonicien, péripatéticien, stoïcien ou épicurien ; et de nos jours, depuis également que les chaires de philosophie existent, il n ’est pas rare, pour cette raison, qu’ils se proclament membres de l’école où ils sont formés, principalement quand ils sont dépourvus d’autres njoyens d’existence »66.

En réalité, le véritable enjeu pour Galien en se situant ainsi au-dessus des écoles est d’essayer d’imposer l’idée d’une voie unique d’accès à la connaissance enseignée au sein d ’une école idéale, la sienne : « Je fus cependant contraint pour les raisons que j ’ai dites à écrire encore un livre Sur la meilleure école, qui ne res­ semblât pas à ce qu’écrivirent beaucoup des médecins et des philosophes qui ont précédé quand ils font nommé­ ment l’éloge de leur propre école, mais où j ’indique la voie unique qu’il conviendrait de suivre pour constituer une école qui soit la meilleure, aussi bien au regard de la médecine que de la philosophie ou de tout autre art »67.

La fin de ces premières années de formation est mar­ quée par la mort de son père que Galien, malgré tout son attachement, n ’évoque que très brièvement et de façon presque allusive : « Quand j ’étais enfant, c’est lui qui, réglant mon régime alimentaire, me tint à l’abri des maladies. Mais alors que j ’étais jeune homme, mon père s’était retiré à la cam­ pagne, car il aimait les travaux des champs, et je m’adon­ nais, moi, à l’étude plus assidûment que tous mes cama­ rades, non seulement le jour, mais aussi la nuit. Pendant toute la fin de l’été cependant, avec les jeunes gens de mon âge, je me gavai de tous les fruits de la saison et souf66. Sur Vordre de ses propres livres c. I. 3-4. 67. Ibid. c. I. 6.

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fris à la fin de l’automne d’une maladie aiguë au point qu’une saignée s’imposa. Mon père revint donc en ville, me gronda et m ’ayant rappelé le régime qui avait été Je mien quand il le réglait, il m’invita à m’y tenir à l’avenir en me gardant de l’intempérance des jeunes gens de mon âge. Et de fait, dans toute l’année qui suivit, il s’appliqua à me faire observer mon régime, veillant à ce que je ne mange de fruits qu’en petite quantité. J’étais à l’époque dans ma dix-neuvième année68 et cette année-là, je restai à l’abri de la maladie. Puis, l’année suivante, mon père étant mort, avec les jeunes gens de mon âge, je me nourris des fruits de fin d’été en quantités abondantes, et je fus atteint d’une maladie fort semblable à la précédente, si bien qu’alors aussi une saignée s’avéra nécessaire »69.

La chronologie des faits est la suivante. A l ’âge de dixhuit ans, à l’automne 147, Galien se laisse entraîner à une importante consommation de fruits et tombe malade. L ’année qui suivit (147/148), dans sa dix-neuvième année, confié à la surveillance de son père, il évite la maladie. Mais l’année suivante, c’est-à-dire entre l ’au­ tomne 148 et l’automne 149, son père meurt et Galien retombe dans ses excès alimentaires. Ces nouveaux excès se situent donc à l ’automne 149, alors que son père est déjà mort et que Galien vient d ’atteindre ses vingt ans70. Désormais libre d’utiliser la fortune paternelle pour voya­ ger à sa guise et parfaire sa formation en dehors de sa 68. Et non « J ’avais dix-neuf ans à l’époque » comme le traduit P. Moraux, Galien de Pergame..., p. 36 et comme le comprend A.-M. Ieraci Bio, Galeno De bonis malisque sucis, Napoli, p. 18 : « Ero allora diciannovenne ». Le texte grec est en effet le suivant : ήγον δέ τηνικαΰτα τής ήλικίας έτος έννεακαιδέκατον c ’est-à-dire « j ’étais alors dans ma dix-neuvième année ». 69. Sur les bons et les mauvais sucs des aliments 1 (Kühn VI, 756 = G. Helmreich, CMG V 4, 2, p. 393). 70. Ce qui ne signifie donc pas, comme on le lit très souvent (voir notamment P. Moraux, Galien..., p. 18), que Galien perdit son père à l’âge de vingt ans, mais que son père était vraisemblablement déjà mort quand Galien atteignit cet âge.

ΧΧΧΙί

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patrie, Galien entame alors toute une série de voyages d’étude qui le mèneront successivement auprès des meilleurs maîtres à Smyme, Corinthe et Alexandrie. Smyrne On ne sait précisément à quelle date Galien quitta Pergamé pour se rendre à Smyme, après la mort de son père, mais!ses voyages d ’étude successifs à Corinthe puis Alexandrie le tinrent éloigné de sa patrie jusqu’en 157, date à laquelle, comme on le verra plus loin, il fut choisi par le grand-prêtre pour occuper la charge enviée de médecin des gladiateurs. C’est donc ainsi près de dix ans que Galien a dû passer à parfaire sa formation médicale auprès des plus célèbres maîtres de l ’époque. Galien se rend d’abord à Smyme pour suivre les cours du médecin Pélops qu’il considère comme son « second maître » après Satyros71 et ceux du philosophe platoni­ cien Albinos72. Galien fait en particulier allusion, lors de son séjour à Smyme, à une discussion qui opposa Pélops au médecin Philippe sur le rôle de l ’expérience, « Pélops soutenant que la médecine ne pouvait être constituée par l’expérience seule, et Philippe démontrant qu’elle le pou71. Voir Sur Vordre de ses propres livres c. III. 9 : « Notre maître Satyros cependant -car c ’est lui que nous avons d’abord fréquenté avant de suivre l’enseignement de notre maître Pélops... » ; et aussi Pratiques anatomiques I. 1 (Kühn II, 217 = I. Garofalo, Napoli, 1986, p. 3) : « Lorsque je séjournais à Smyme pour écouter Pélops qui fut mon second maître après Satyros, disciple de Quintos... » (δς δεύ­ τερός μοι διδάσκαλος έγένετο μετά Σάτυρον τον Κοίντου μαθ­ ητήν). 72. Sur ses propres livres c. II. 1. Peut-être Galien, au cours de ce séjour à Smyme, suivit-il aussi les cours d ’Aiphicianos (voir supra n. 63), c’est en tout cas ce que laisse entendre Al-Mubassir (XIIIe siècle) dans sa notice sur la vie de Galien citée par F. Rosenthal, Das Fortleben der Antike im Islam, Zürich-Stuttgart, Bibliothek des Morgenlandes, 1965, p. 55 : « Il (Galien) alla à Corinthe à cause d’un autre homme illustre, élève de Quintos, qui s’appelait Aificianus [mais le nom arabe est peu sûr] ».

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vait »73, et à l’activité de Pélops comme commentateur d’Hippocrate74. Mais Galien voit surtout en Pélops un élève de Numisianos, et donc indirectement de Quintps que Galien décrit comme le meilleur médecin de son temps75. Bien que critique, à l’égard de l’activité de com­ mentateur de Quintos76, Galien vouait cependant une grande admiration à son enseignement. Quintos avait luimême été l’élève de Marinos77, célèbre anatomiste auteur d ’un traité en vingt livres aujourd’hui entièrement perdu et auquel Galien consacra un important résumé eri quatre livres78. Galien pourtant n’eut, semble-t-il, qu’une connais­ sance indirecte de l ’enseignement de Quintos (mort vers 145)79 qui n ’avait laissé aucun écrit80. Galien dut donc se contenter de l’enseignement de ses disciples, d ’abord 73. Ibid. c. II. 3. 74. Sur Vordre de ses propres livres c. III. 2. 75. « . . . Quintos qui se distinguait par sa prééminence au temps d ’Hadrien dans la ville de Rome. Il a été très connu et a obtenu une célébrité considérable par sa perspicacité en anatomie, mais il n’a pas composé d’écrits anatomiques, ce qu’ont fait Marinos et aussi Numi­ sianos », Pratiques anatomiques XIV. 1 (texte conservé seulement en arabe, traduction italienne d ’I. Garofalo, Milano, 1991, vol. III, p. 1039, traduction française de M. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », cité n. 62, p. 1504). 76. « Quintos et les disciples de Quintos n ’ont pas exactement compris la pensée d ’Hippocrate, c’est pourquoi en de nombreux pas­ sages ils ne donnent pas d ’explications correctes », Sur Vordre de ses propres livres c. III. 7. 77. On situe habituellement l ’activité de Marinos au tournant du 1er et du IIe siècle. 78. Sur le contenu de l’ouvrage de Marinos abrégé par Galien, voir Sur ses propres livres c. IV. 9-33. 79. Voir les éléments de datation rassemblés par M. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... » (cité n. 62), p. 1512. 80. « Il y en a quelques-unes (sc. des célébrités) qui n ’ont laissé aucun écrit, comme Socrate et Pythagore, et comme aussi Quintos, parmi les médecins illustres de notre époque », Commentaire à la Nature de l'Homme I, 25 (Kühn XV, 68 = J. Mewaldt, CMG V 9, 1, p. 36).

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Satyros à Pergame81, puis Pélops à Smyme, et surtout Numisianos qu'il espère rencontrer en se rendant à Corinthe. Il n ’est pas certain cependant que lorsque Galien se rendit à Corinthe pour le rencontrer, Numisia­ nos (mort vers 151) fût encore vivant. Du moins, Galien, quand il se mit en route, le croyait-il. 4

Corinthe \ Un grand mystère entoure la personne et l ’enseigne­ ment de Numisianos : « C’était un homme très érudit, avec d’excellentes idées concernant l’anatomie. Il écrivit plusieurs livres, mais peu de gens en eurent l’accès de son vivant »82.

Ses disciples, et en particulier le premier d’entre eux, Pélops, tout comme le propre fils de Numisianos, Héracleianos, que Galien rencontrera plus tard à Alexandrie, sont critiqués par le médecin de Pergame pour s’être approprié la doctrine du maître et avoir dissimulé ses écrits : « Quant à Pélops, qui était le disciple principal de Numi­ sianos, il n’a pas expliqué [les écrits de ce dernier] et ne les a montrés à personne, car il préférait qu’on lui attribuât certaines théories qui n’étaient pas encore connues »83.

La quête de Galien à Corinthe devait toutefois s’avérer infructueuse, si l’on en croit ce texte, hélas peu sûr : « Par la suite, je me suis trouvé à Corinthe pour connaître Numisianos qui était, lui aussi, un illustre élève de Quin81. « Or il est reconnu que Satyros conserve avec la plus grande exactitude les doctrines de Quintos, sans rien y ajouter ni retrancher », Sur Vordre de ses propres livres c. III. 9. 82. Pratiques anatomiques XIV. 1 (traduction française de M. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », cité n. 62, p. 1513). 83. Ibid. XIV. 1 (traduction française de M. Grmek et D. Goure­ vitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », cité n. 62, p. 1521).

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tos ; puis je me suis trouvé à Alexandrie et chez quelques autres peuples, auprès desquels j ’entendais dire que rési­ dait Numisianos, illustre élève de Quintos {vel auprès des­ quels j ’entendais dire que résidait un illustre élève de Quintos ou de Numisianos) »84.

Si l ’on suit la tradition grecque, Galien, ayant échoué à rencontrer Numisianos à Corinthe, se serait ensuite rendu dans ce but à Alexandrie et « chez quelques autres peuples ». En revanche, si l ’on suit le texte de la traduc­ tion arabe, Galien aurait poursuivi son voyage vers Alexandrie non pas à la recherche de Numisianos, mais d’un de ses disciples. Dans ce dernier cas, il faut suppo­ ser que Galien ayant appris à Corinthe le décès de Numi­ sianos avait renoncé à le rencontrer et décidé de partir à la recherche d ’un disciple de Quintos ou de Numisia­ nos85. Dans la mesure où aucune des deux versions de ce texte ne nous permet de conclure que Galien ait réelle­ ment fréquenté Numisianos, le doute subsiste. Tout au plus peut-on supposer que le séjour de Galien à Corinthe fut au total assez bref. Alexandrie

Galien arrive à Alexandrie attiré par l’ancienneté et la réputation d ’une École qui connut son apogée au IIIe siècle avant notre ère avec l’essor des études anato84. Ibid. I. 1 (Kühn II, 217-218 = I. Garofalo, Napoli, 1986, p. 3). Garofalo, sur la foi de la traduction arabe, propose de corriger le texte grec de Kühn έν οίς έπυνθανόμην Κοίντου μαθητήν ένδοξον Νουμισιανόν διατρίβειν en έν οϊς έπυνθανόμην Κοίντου μαθητήν ένδοξον ή Νουμισιανοϋ διατρίβειν. Galien ne se serait donc pas rendu à Corinthe pour suivre les cours de Numisianos illustre disciple de Quintos (sens autorisé par le texte grec), mais pour suivre ceux d’un illustre disciple de Quintos ou de Numisianos (sens tiré de la traduction arabe). 85. V. Nutton, « Numisianus and Galen », Sudhoffs Archiv 71, 1987, p. 235-239, note à l ’appui de ce scénario le fait que Galien ne semble témoigner que d ’une connaissance indirecte de l’enseignement de Numisianos qu’il cite toujours de seconde main.

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miques et l’émergence de nouveaux savoirs liés notamment aux noms célèbres d’Hérophile et Erasistrate. À l’époque impériale, l’enseignement de l’anatomie un moment tombé en désuétude devait connaître un regain d’intérêt. Galien a évoqué dans un de ses traités cette première arrivée à Alexandrie au début de l’automne86. La date exacte de ce premier séjour en revanche ne peut être précisée87. Une fois arrivé à Alexandrie, Galien ne perd pas de vue le but principal de son voyage, à savoir l’approfon­ dissement de sa connaissance de l’enseignement de Numisianos. Il se rapproche ainsi d ’Héracleianos, le fils de Numisianos, dans l ’espoir de parvenir aux écrits du père. Mais malgré tous ses efforts, Galien échouera à se procurer les précieux écrits : « Il (sc. Numisianos) écrivit plusieurs livres, mais peu de gens en eurent l’accès de son vivant. C’est pour cette rai­ son que, après sa mort, son fils Héracleianos désirait rester le seul propriétaire de tout l’héritage de son père et ne voulut rien montrer à personne. Et on raconte que, à l’heure de son propre trépas, il fit brûler (ces livres). Et pourtant, cet Héracleianos était l’un de ceux qui, lors de mon séjour à Alexandrie, m’avaient reçu de façon la plus hospitalière. C’est par un homme du cercle de ses amis intimes que j ’ai pu l’approcher. Je lui ai toujours été extrê­ mement dévoué, au point que, contrairement à l’idée que j ’avais au début, j ’en arrivais presque à le courtiser. Mais tout cela ne m’a pas fourni les écrits de Numisianos, que bien peu de gens avaient déjà obtenus. Héracleianos traî­ nait les choses en longueur avec ces livres et me ressortait toujours des excuses pour ces atermoiements. Il n’était pas 86. ... έν Α λεξάνδρειά γινόμενον, ή νίκα πρώτον είς αυτήν κατεπλεύσαμεν έν άρχή φθινοπώρου, Sur le tremblement 7 (Kühn VII, 635, 8-9). 87. La date traditionnelle de 152 défendue par G. Sarton, Galen o f Pergamon... (cité n. 1), p. 18 a été avancée à l’année 151 par M. Grmek et D. Gourevitch, « L’école médicale... » (cité n. 62), p. 5052. V. Nutton, quant lui, dans « Galen and Egypt », in J. Kollesch et D. Nickel éd., Galen und das hellenistische Erbe, Stuttgart, 1993, p. 12, la situe au plus tard à l ’automne 153.

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de ceux qui ignorent ou ne comprennent pas l’anatomie. Au contraire, il avait dans le domaine de la science anato­ mique des opinions qu’il m’a exposées à la façon qui cor­ respondait à celle de Satyros »88.

Mais une autre raison devait présider à la décision de Galien de séjourner à Alexandrie : le désir d ’approfondir ses connaissances anatomiques. Galien souligne en parti­ culier qu’on pratiquait à Alexandrie une étude des os et du squelette particulièrement poussée89. Au début dé ses Pratiques anatomiques, après avoir insisté sur la néces­ sité de commencer par l’apprentissage des os et de leurs différentes formes qui déterminent à leur tour la forme des autres parties du corps, Galien donne les conseils sui­ vants au futur médecin : « Je juge bon que tu acquières avant tout une expérience exacte des os humains (έμπειρίαν άκριβή λαβειν), non pas en les considérant de façon superficielle, mais pas non plus en te limitant à la lecture des livres (άλλα μηδ3 έκ βιβλίου μόνον άναλεξάμενον) que certains intitulent Ostologies, d’autres Squelettes, d’autres simplement Sur les os comme est intitulé le nôtre90, qui, j ’en suis persuadé, par l’exactitude des faits (τη των πραγμάτων άκριβεία), la rapidité et la clarté de l’explication (τω τάχει τής έρμηνείας και τή σαφηνεία), est supérieur aux écrits de tous mes prédécesseurs. Ton activité et tes efforts doivent viser à ce que tu n’apprennes pas seulement dans les livres (μή μόνον έκ του βιβλίου) la forme exacte (άκριβώς) de chaque os, mais à ce que tu deviennes toi-même un obser88. Pratiques anatomiques XI\A) 1 (traduction française de M. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... » cité n. 62, p. 1516-1517). 89. En revanche, Galien ne fait jamais allusion à une pratique de la vivisection, ni même à une pratique de la dissection humaine qui se serait maintenue à Alexandrie au-delà de l’enseignement d’Hérophile et Érasistrate. Les historiens de la médecine s’accordent pour considé­ rer qu’à l ’époque de Galien la dissection humaine n ’était plus prati­ quée dans l’Empire romain, ou alors de façon très exceptionnelle. 90. Galien, Sur les os (Kühn II, 732-778 = I. Garofalo, CUF, 2005).

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vateur diligent (σύντονον αύτόπτην) qui a examiné les os humains de ses propres yeux (διά των όμμάτων). La chose est très facile à Alexandrie, si bien que les médecins de l’endroit peuvent inclure l’observation directe (μετά τής αύτοψίας) dans l’enseignement des os qu’ils donnent à leurs élèves. S’il n’y en avait d’autres, cette raison suffirait, à elle seule, pour que tu tâches d’aller à Alexandrie »91.

Lè lecteur ne manquera pas toutefois de s’étonner du peu d’informations conservées par Galien sur le contenu de l’enseignement qu’il reçut à Alexandrie, soit qu’il n ’y ait finalement rien appris qu’il ne sût déjà, soit plutôt qu’il ait volontairement sous-estimé l’étendue de ce savoir dans le but de minimiser sa dette à l’égard de ses maîtres alexandrins. Peut-être aussi son intérêt se mani­ festa-t-il dans d’autres domaines que celui de l’anatomie, comme celui des commentaires à Hippocrate et leur ancienne tradition alexandrine92. Galien suivit en particu­ lier l’enseignement de Julianos, un médecin méthodique dont Galien nous a laissé un portrait peu flatteur dans sa Méthode thérapeutique composée plus de vingt ans après son séjour à Alexandrie : « Plus de vingt années déjà se sont écoulées depuis que nous l ’avons (se. Julianos), à Alexandrie, fréquenté en personne et il a écrit Introduction sur Introduction, toutes différentes, car sans cesse il les remodèle et les refaçonne, vu que celles qu’il a écrites ne l’ont encore jamais satis­ fait. Or dans aucune d’elles il n’a osé dire ce que peut bien être une maladie... Un jour, je l’ai interrogé et il m’a fait un exposé si long et si obscur que je n’ai rien compris à ce qu’il m ’a dit »93.

Galien devait marquer son désaccord avec le commen­ taire de Julianos aux Aphorismes d ’Hippocrate en rédi91. Galien, Pratiques anatomiques I, 2 (Kühn II, 220, 11 sqq. = Garofalo, p. 7, 2 sqq.). 92. Sur ce thème, voir V. Nutton, « Galen and Egypt » (cité n. 87), p. 19 sqq. 93. Sur la méthode thérapeutique I, 7 (Kühn X, 54), traduction J. Boulogne, STEMMA, tome 2, 1992, p. 120.

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géant lui-même un peu plus tard un ouvrage Contre les objections faites par Julianos aux Aphorismes d'Hippo­ crate94, Quant à Lycos de Macédoine, disciple ingrat de Quintos, Galien ne paraît pas avoir jugé bon de suivre ses cours d’anatomie à Alexandrie malgré sa réputation95. Par ailleurs, il n’est pas impossible que Galien ait rap­ porté d’Alexandrie quelques connaissances relatives à ij des remèdes égyptiens96. Il attribue en effet certains de il ses succès remportés à Pergame lors de son retour a cer­ tains remèdes inconnus de ses collègues97. Plus générale­ ment, Galien manifeste son intérêt pour l ’Égypte en général et le mode de vie des Égyptiens. Cependant, s’il paraît assuré que sa connaissance du pays ne se limite pas à la seule ville d’Alexandrie, il est difficile de dire avec certitude ce qu’il a exactement vu en Égypte et si par exemple il a réellement visité le temple de Ptah/Héphaïstos à Memphis98. Des coutumes égyptiennes, il retient le procédé de filtrage mis en œuvre par les autochtones pour boire l’eau du Nil99, sa conservation dans des jarres où elle est maintenue au frais100. Il mentionne aussi le vin 94. Galien, Contre Julianos, éd. E. Wenkebach, CMG V 10, 3, Berlin, 1951. 95. Pratiques anatomiques XIV. 1 (éd. Duckworth, p. 184). 96. Même si V. Nutton, « Galen and Egypt » (cité n. 87), p. 23 n. 48 privilégie en ce domaine une connaissance livresque, acquise notamment à travers l’œuvre de Pamphile. 97. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 7) : έπει δ5 έκαστον ών έπενόησα φαρμάκων εδωκα τοίς φίλοις Ιατροΐς, οό μόνον τοΐς πολίταις, άλλα και τοΐς άστυγείτοσιν ενεκεν του βεβαιωθήναι πάντα τη πείρ$. 98. Comme le soutient J. Bergman, Ich bin Isis, Leiden, 1968, p. 43 en se basant sur le Sur les médicaments composés selon les genres V, 2 (Kühn XIII, 776) où il est fait allusion à un nom de médicament gravé dans un temple d ’Héphaïstos en Égypte (κατά τό Ή φ αίστειον έν ΑΙγύπτω) vs. J. Jouanna, « Médecine égyptienne et médecine grecque », in J. Jouanna et J. Leclant éd., La médecine grecque antique, Paris, De Boccard, 2004, p. 18-19. 99. Sur les facultés des médicaments simples I, 4 (Kühn XI, 389). 100. Commentaire aux Epidémies V7, IV, 20 (E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 2, p. 227, 7-13).

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égyptien qu'il apprécie peu101 et les habitudes alimen­ taires égyptiennes102 qu'il n ’apprécie pas davantage que le climat du pays103. Galien passa donc à Alexandrie plusieurs années pour un résultat paradoxalement assez maigre. Dans ces condi­ tions, on peut légitimement s’interroger sur les raisons qui l’amenèrent à prolonger son séjour dans un pays qu’il appréciait apparemment si peu. Quoi qu’il en soit des dif­ férentes hypothèses avancées, la quête infructueuse des écrits de Numisianos fut sans doute loin d’y être étran­ gère104. Tout ce que l’on sait, c’est que Galien revint d’Alexandrie à Pergame, dans sa vingt-huitième année (c’est-à-dire âgé de vingt-sept ans), ce qui situe la date de son retour entre la fin 156 et plus vraisemblablement le début 157105. Galien médecin des gladiateurs

De retour dans sa patrie, Galien remporte rapidement quelques succès dont la renommée dut venir aux oreilles du grand-prêtre et orienter son choix quand, l’année sui101. Commentaire au Régime des maladies aiguës III, 8 (G. Helmreich, CMG V 9, 1, p. 229, 25) ; Sur les antidotes 4 (Kühn XIV, 25). 102. Les Égyptiens consomment de la viande de singe et de cha­ meau (Sur les facultés des aliments I, 2, 8 : G. Helmreich, CMG V 4, 2, p. 220, 8-23) et même de vipères et autres serpents (Ibid. III, 2, 1 : CMG V 4, 2, p. 337, 16) ; leurs dattes sont de mauvaise qualité (Sur le régime amaigrissant 12, 29 : K. Kalbfleisch, CMG V 4, 2, p. 447, 710), tout comme leurs pistaches (Sur les facultés des aliments II, 30 : CMG V 4, 2, p. 300, 2-5). 103. Commentaire aux Aphorismes III, 14 (Kühn XVIIB, 597). 104. Sur cet apparent paradoxe et sur les différentes hypothèses formulées pour le résoudre (incapacité des médecins alexandrins à lui enseigner beaucoup plus que ce qu’il savait déjà ou volonté délibérée de Galien de minimiser l ’enseignement de ses maîtres), voir V. Nutton, « Galen and Egypt » (cité n. 87), p. 26 sqq. 105. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 5) : έτι νέος ών, ήνίκα πρώτον έκ τής Α λεξάνδρειάς έπανήλθον είς την πατρίδα γεγονώς έτος όγδοον έπι τοΐς είκοσι.

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vante, il fallut désigner le médecin des gladiateurs106. Nous avons vu plus haut que Galien fut appelé à exercer cette charge sous le pontificat de cinq grands-prêtres et qu’il fut pour la première fois élevé à cette responsabilité, à sa plus grande surprise et malgré son jeune âge, alors qu’il venait juste d ’avoir vingt-huit ans : : « Il arriva, je ne sais comment, que le grand-prêtre de 1 notre cité jugeât bon de me charger, moi seul, du Jraitement des gladiateurs bien que je fusse encore jeune : j ’étais au début de ma vingt-neuvième année »107.

La scène a donc lieu en 157 et assez vraisemblable­ ment à l’automne108. Les combats de gladiateurs étaient en effet traditionnellement liés au culte impérial qui exis­ tait dans chaque cité et il appartenait au grand-prêtre de les organiser régulièrement109. En particulier, les grandsprêtres qui se succédaient à la tête d’une cité pouvaient hériter d’une même troupe de gladiateurs, à charge pour celui qui perdait un gladiateur de le remplacer en enga­ geant une nouvelle recrue. Dans cette perspective, Galien a donc dû apporter ses soins à une même troupe tout au long de ses différents mandats. Galien ne donne ici aucun renseignement sur la façon dont le grand-prêtre procédait au recrutement du médecin des gladiateurs, préférant 106. Sur cet épisode, voir J. Scarborough, « Galen and the gladiators », Episteme 5, 1971, p. 98-111. 107. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 599, 12) : texte grec cité supra n. 26. 108. Il ne semble pas possible en revanche de préciser le mois exact de l’entrée en charge de Galien. Rien ne permet de dire avec Walsh, « Date... » (cité n. 19), p. 378, que Galien entra en charge le jour de son anniversaire à la date de l’équinoxe d’automne, le 22 sep­ tembre, ni avec Ilberg, « Wann ist Galenos... » (cité n. 20), p. 290, que Galien prit ses fonctions avant les jeux de l’été 157. 109. L. Robert, Les gladiateurs dans l ’orient grec, Paris, 1940, p. 256 ; 270-274 ; 284-286. Voir aussi H. Schlange-Schoningen, Die romische Gesellschaft... (cité η. 1), en particulier le chapitre intitulé « Gladiatorarzt in Pergamon », p. 101-136, très bien documenté.

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manifestement insister sur l’effet de surprise que suscita un tel choix. Il est toutefois vraisemblable que le récit que fait ailleurs Galien, dans le Comment reconnaître le meilleur médecinno, d ’une démonstration d’anatomie entreprise à la demande d ’un grand-prêtre, s’applique au présent épisode. Dans ce cas, le choix qui fut fait de Galien comme médecin des gladiateurs a moins résulté d ’urie surprise que d’un concours régulièrement orga* niséi11. Peut-être même la position sociale occupée à Per­ game par la famille de Galien ne fut-elle pas étrangère à cette nomination. Quoi qu’il en soit, Galien se voit chargé de veiller au soin des gladiateurs amenés à parti­ ciper à des jeux qui, toujours selon le témoignage de Galien, avaient lieu, semble-t-il, chaque année en été. Galien rappelle, en effet, dans son commentaire aux Fractures qu’il est nécessaire d’humidifier les plaies pour éviter l’ulcération, « tout particulièrement en été, à l’époque où de tout temps chez nous, à Pergame, les grands-prêtres célèbrent ce que l’on appelle les combats de gladiateurs, j ’ai soigné ceux qui étaient très grièvement blessés » 10112. En revanche, les historiens diffèrent sur la durée pen­ dant laquelle Galien remplit effectivement cette charge de médecin des gladiateurs. Galien ajoute en effet plus loin : « Le deuxième grand-prêtre qui succéda à celui qui m ’avait autrefois chargé du soin des gladiateurs, me 110. Comment reconnaître le meilleur médecin (De optimo medico cognoscendo) 9, 4, éd. A. Z. Iskandar, CMG, Suppl. Orient. IV, Berlin, 1988, p. 103-105. 111. Voir H. Schlange-Sfoôningen, Die rômische Gesellschaft... (cité n. 1), p. 107. Sur les différents modes de recrutement des méde­ cins dans Γantiquité, voir V. Nutton, « Archiatri and the medical pro­ fession in Antiquity », Papers o f the British School at Rome 45, 1977, p. 191-226 (repris dans V. Nutton, From Democedes to Harvey). 112. Commentaire aux Fractures III, 21 (Kühn XVIIIB, 567568) : texte grec cité n. 30. En revanche, et en l’absence de toute source épigraphique, il n ’est pas possible de préciser combien de temps duraient ces jeux ni quelle était leur nature exacte.

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confia lui aussi pareillement (όμοίως) cette charge après un intervalle de sept mois113. Le premier des.grandsprêtres prit ses fonctions à l’équinoxe d’automne, le deuxième au milieu du printemps. À nouveau, après celui-ci, comme je les (sc. les gladiateurs) avais tous maintenus en vie, le troisième, le quatrième et le cin­ quième me chargèrent sans changement (ώσαύτως) du soin des gladiateurs » 11415. Pour autant, il ne convient pas d’en déduire que Galien exerça cette charge pendarit une durée totale de cinq ans correspondant aux cinq mandats d’un an exercé par les cinq grands-prêtres qui se succé­ dèrent dans cette période. Bien au contraire, le soin apporté par Galien à nous informer de la saison précise de l’entrée en charge du premier et du deuxième grandprêtre indiquerait plutôt que la succession n ’a vraisem­ blablement pas eu lieu dans les délais habituels et qu’un événement inattendu (comme par exemple la mort pré­ maturée du premier grand-prêtre) est venu romprç l’alter­ nance régulière d ’un an, le premier mandat/de Galien n’ayant au total duré que sept mois. J. Walsh se livre cependant à un tout autre calcul qui repose! sur l’interpré­ tation qu’il donne de l’adverbe ώσαύτως dans ce pas­ sage : selon lui, en effet, le premier grand-prêtre appointa Galien pour sept mois et les autres/firent de même (ώσαύτως), ce qui porterait, selon lui, (e temps passé par Galien comme médecin des gladiateurs^ à une durée totale de trente-cinq mois (cinq fois sept mois), soit de sep­ tembre 158 (Walsh fait naître Galien en 130) à août 161u5. Ilberg, sans donner d ’autres précisions sur son mode de calcul avait, quant à lui, précédemment proposé de dater cette activité de Galien de l’été 157 à l’automne 113. « Un intervalle de neuf mois » (μετά μήνας έπτά μέσους) ; et non « sept mois et demi » comme le traduit, selon moi à tort, P. Moraux, Galien. .., p. 64. 114. Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 600, B) : texte grec cité n. 35. 115. J. Walsh, « Réfutation of Ilberg... » (cité n. 21), p. 127-128.

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161, soit pendant un peu plus de quatre ans116. Pour ma part, je préfère rejoindre V. Nutton117 pour conclure que le premier grand-prêtre, vraisemblablement décédé avant la fin de son mandat, ne put exercer ses fonctions que pendant une durée inhabituelle de sept mois (de l’automne 157 au printemps 158)118, qu’un deuxième grand-prêtre fut alors chargé d ’assurer la transition (du printemps à l’automne 158), avant que trois autres grands-prêtres se succèdent dans des conditions régu­ lières, chacun pour une durée d ’un an (de l’automne 158 à la fin de l’été 161). L ’activité de Galien en tant que médecin des gladia­ teurs fut couronnée de succès puisqu’il se félicite de n ’avoir eu à déplorer la mort que de deux gladiateurs au cours de ses différents mandats, alors que seize d’entre eux étaient morts du temps de ses prédécesseurs119. Galien ne mentionne, en revanche, aucune raison qui aurait pu motiver l’interruption de son activité comme médecin des gladiateurs, et bien que l ’on ignore dans quelles conditions il mit fin à son mandat, il est certain qu’il eut là l ’occasion d’enrichir et de mettre à l’épreuve f ses connaissances anatomiques, et en particulier celles acquises lors de son précédent séjour à Alexandrie120. 116. J. Ilberg, « Wann ist Galenos... » (cité n. 20), p. 290. 117. V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 161-165. 118. Le début de l’année civile, fixé dans les provinces d’Asie le 23 septembre, marquait aussi l’entrée en charge des magistrats. 119. Comment reconnaître le meilleur médecin 9, 7 (A. Z. Iskandar, CMG, Suppl. Orient. IV, p. 105). Dans le Sur les médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 600, 5), Galien précise qu’aucune mort parmi les gladiateurs n ’ayant été à déplorer sous le premier et le deuxième grands-prêtres, le troisième, le quatrième et le cinquième lui renouvelèrent d’autant plus volontiers leur confiance. Il est en revanche beaucoup plus vague dans ce passage sur le nombre de morts imputables à ses prédécesseurs et qu’il qualifie sans plus de pré­ cisions de « nombreux ». 120. Voir les notations particulières de Galien sur la nourriture des gladiateurs (Kühn VI, 529) ; sur les blessures (Kühn XIII, 564 et 601) et sur le traitement des blessures ouvertes avec du vin (XVIIIB, 567).

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Nous ignorons également à quelle date exactement et pour quelles raisons précises Galien prit ensuite la déci­ sion de se rendre à Rome où il arriva dans le courant de l’année 162. Aussi certains de ses biographes, dont Ilberg, cherchèrent-ils à imputer le départ du médecin de Pergame pour Rome à une stasis qui aurait alors sévi dans sa patrie. Cette hypothèse s’appuie sur un passage du Pronostic où Galien, lors de son premier séjour à Rome, exprime sa ferme résolution de revenir dànis sa patrie dès que la stasis aura cessé121. En réalité, et comme l’a bien montré G. Bowersock, un intellectuel comme Galien n’avait pas besoin de motif pour aller faire car­ rière à Rome. En outre, le terme de στάσις désigne prio­ ritairement en grec des troubles internes à la cité et non une guerre (πόλεμος) menée contre l’étranger, comme la guerre contre les Parthes qui sévit effectivement entre 161 et 165 dans l ’ouest de l’Empire et que certains tentè­ rent abusivement d’identifier avec la stasis mentionnée par Galien122. Le silence de Galien à propos d’éventuels troubles qui l’auraient contraint à quitter Pergame rend de toute façon l’hypothèse de la stasis aussi vaine qu’in­ vérifiable123. Ce qui est certain en revanche, c’est que Galien put ainsi disposer environ d ’une année entière entre le moment où il quitta son poste de médecin des gladiateurs en 161 et son premier séjour à Rome en 162124 pour 121. Pronostic 4 (Kühn XIV, 622 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p, 92, 6) : Ά λ λ α τό γέ μοι προκείμενον, εφην, άκήκοας ήδη πολλάκις, ώς έπειδάν ή κατά την πατρίδα μου στάσις παύσηται παραχρήμα θεάση με τής πόλεως τήσδε χωριζόμενον. 122. Voir la mise au point de G. Bowersock, Greek Sophists in the Roman Empire, Oxford, 1969, p. 62 sqq. 123. La stasis à laquelle fait allusion Galien dans le Pronosctic a en effet toute chance d ’avoir éclaté après l’arrivée du médecin de Per­ game à Rome, c ’est-à-dire après 162. 124. Le premier J. Ilberg, « Wann ist Galenos... » (cité n. 20), p. 291-292, a proposé de dater l’arrivée de Galien à Rome en 162 en se basant sur la mention faite par le médecin de Pergame, au cours de sa

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voyager et parfaire sa formation de médecin. Aussi V. Nutton propose-t-il de situer certains des voyages de Galien dans cette période. Voyages scientifiques Il peut paraître paradoxal qu’un médecin voyageur comme Galien,7 héritier de la tradition du médecin itinéy rant hippocratique, condamne dans un de ses traités inti­ tulé Comment reconnaître le meilleur médecin la pratique des voyages qui ne seraient qu’une perte de temps125. Mais il faut distinguer ici le voyage d ’agrément, qui engendre la distraction et détourne le médecin de son but initial, des nombreux voyages scientifiques entrepris par Galien dont malheureusement on ne peut fixer la date avec certitude126. Aussi a-t-il paru commode de regrouper ici les données relatives à ces différents voyages en renonçant exceptionnellement à l’ordre chronologique suivi dans le reste de cet exposé. Ces différents voyages menèrent notamment Galien en Syrie, en Palestine, à Chypre, à Lemnos et en Lycie. Il apparaît en tout cas que Galien ne s’est rendu qu’une seule fois en ces différents lieux (si l’on excepte un pre­ mier voyage infructueux à Lemnos dont il sera question ci-dessous). Galien dit en effet avoir veillé à se procurer deuxième année à Rome, du consulat de Severus (Pronostic 2 : Kühn XIV, 613 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 82, 6). Tenant la date du consu­ lat de ce Cn. Claudius Severus, en 163, pour bien établie, Ilberg en a déduit que Galien était arrivé à Rome en 162. Cependant, et même si la date de ce consulat a depuis été remise en cause (voir la discussion de V. Nutton dans son commentaire au Pronostic, p. 166-167), la date de 162, confirmée par ailleurs, reste correcte pour la chronologie de Galien. 125. Comment reconnaître le meilleur médecin c. 9, 17 (A. Z. Iskandar, CMG Suppl. Or. IV, p. 113, 2). 126. Sur la chronologie des voyages de Galien, voir V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 164 sqq. et G. Harig, « Zur Datierung der Reisen Galens. Ein Nachtrag », Beitràge zur Hochschulund Wissenschaftgeschichte Erfurts 21, 1987-88, p. 13-20.

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chacun des médicaments originaires de ces différentes régions « en quantités si abondantes qu’ [il] puisse en disposer pendant toute [sa] vie » 127. Un unique passage où Galien mentionne les voyages à Chypre et eri Pales­ tine comme antérieurs à ceux de Lemnos permet d ’orien­ ter la chronologie : « De la même façon donc que j ’avais fait le voyage à Chypre à cause de ses minerais, et celui en Cœlésyrie128, une région de la Palestine, à cause de l’asphalte et d’autres produits dignes d ’étude, de même aussi je n ’ai pas hésité à faire voile pour Lemnos pour voir quelle quantité de sang on mélange à la terre » 129. La date exacte des voyages à Lemnos est cependant ellemême difficile à préciser. Galien dit s ’être rendu deux fois dans l ’île dans l’espoir de se procurer la fameuse terre lemnienne utile à la préparation de cachets, sa pre­ mière tentative ayant échoué : « Et de fait la deuxième fois que je revins d’Asie à Rome, alors que j ’étais en route par voie de terre à travers la Thrace et la Macédoine, j ’ai d’abord fait voile depuis Alexandrie de Troade jusqu’à Lemnos (και τό γε δεύτε­ ρον έξ Α σίας είς ΊΡώμην άφικέσθαι, πεζή πορευόμενος δια Θράκης τε και Μακεδονίας, επλευσα πρότερον άπό Τρωάδος Α λεξάνδρειάς είς Λήμνον), me trouvant par hasard à bord d’un bateau qui reliait Thessalonique et le capitaine ayant consenti à se diriger d’abord vers Lemnos. Il y aborda, mais pas dans la cité qu’il fal­ lait. Car au début, je ne savais même pas qu’il y avait deux cités dans l’île, mais je pensais que tout comme à Samos, 127. Sur les facultés des médicaments simples IX, 3 (Kühn XII, 216). C’est ainsi par exemple que Galien n’hésita pas à faire l ’acquisi­ tion à Lemnos de 20 000 cachets (ibid. IX, 2 : Kühn XII, 174, 6-7). 128. En grec « Syrie Creuse » (εις τε τήν κοίλην Συρίαν), région de Palestine enfoncée dans le Liban. 129. Sur les facultés des médicaments simples IX, 2 (Kühn XII, 171, 6-10). Galien croyait qu’on fabriquait les fameux cachets lemniens en mélangeant de la terre à du sang de bouc. Cette croyance devait d ’ailleurs un peu plus tard lui attirer les rires des habitants de Lemnos {ibid. IX, 2 : Kühn XII, 174, 1).

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Chios, Cos, Andros, Tinos et toutes les îles de l’Egée, il y avait, de même, à Lemnos une seule cité homonyme (ie portant le nom de l ’île en question) dans toute l’île. De sorte qu’en débarquant du navire, j ’appris que la cité s’ap­ pelait Myrinas et que ni les territoires (ego add. τα) du temple de Philoctète ni celui de la colline sacrée d’Héphaïstos n’étaient sur le territoire de cette cité, mais dans une autre du nom d’Héphaïstias, qui n’était pas tout près de cette cité de Myrinas ; et comme le capitaine ne pou­ vait pas m ’attendre, je remis à une autre fois, quand je reviendrais de Rome en Asie, de voir cette Héphaïstias. Et c’est ce que j ’ai fait, conformément à ce que j ’avais espéré et projeté. De fait, voyageant d’Italie en Macédoine, et l’ayant parcourue presque entièrement, j ’arrivai à Philippes qui est la cité limitrophe de la Thrace, de là je rejoi­ gnis le bord de mer le plus proche distant de cent vingt stades, je fis d’abord voile vers Thasos distante d’environ deux cents stades, puis vers Lemnos distante de sept cents stades, et ensuite à nouveau je repartis de Lemnos vers Alexandrie de Troade située à la même distance de sept cents stades »130.

La datation de ces deux voyages à Lemnos dépend de la traduction adoptée pour la première phrase de ce pas­ sage. En effet Galien mentionne une traversée à pied de la Thrace et de la Macédoine censée avoir succédé à une traversée en bateau d ’Alexandrie de Troade à Thessalonique. Or de Thessalonique qui est en Macédoine, pour rejoindre Rome, il n ’est pas nécessaire de traverser la Thrace. P. Moraux et V. Nutton se sont donc chacun efforcés de résoudre cette difficulté d’ordre géographique en proposant différentes interprétations de cette première phrase. Ou bien en effet on comprend, comme P. Moraux le propose : « À vrai dire, la seconde fois que je me ren­ dis d ’Asie Mineure à Rome, je fis la route par voie de terre, à travers la Thrace et la Macédoine. Antérieure­ ment, j ’avais fait par mer le trajet d ’Alexandrie de 130. Ibid. IX, 2 (Kühn XII, 171, 11-172, 18).

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Troade à Lemnos »131, ce qui signifie que la première tentative de visite à Lemnos se situerait lors du premier voyage de Galien à Rome en 162. Ou bien, comme V. Nutton le suppose, sans il est vrai se risquer à donner une traduction de la phrase en question, la mention de la Thrace et de la Macédoine se rapporterait en réalité au premier voyage de Galien vers Rome, effectué par voie de terre en 162, mais l’épisode de la navigation entre Alexandrie de Troade et Thessalonique, avec éscale à Lemnos, se situerait lors de son second voyage vers Rome au cours de l ’hiver 168/169. Galien se serait donc arrêté pour la première fois à Lemnos lors de son second voyage de Pergame à Rome (en réalité Aquilée où il se rendait à l’appel des deux empereurs), et y serait ensuite retourné après cette date, alors qu’il était établi à Rome au cours de son second séjour132. Si j ’arrive bien aux mêmes conclusions que V. Nutton sur la chronologie de ces deux voyages, je ne comprends cependant pas la phrase grecque de la même façon. Plutôt que de supposer que le premier membre de la phrase se rapporte au pre­ mier voyage et le second à un deuxième voyage, une troi­ sième solution consisterait à comprendre que lors de ce deuxième voyage de Pergame à Rome, au cours de l’hi­ ver 168/169, et alors qu’il s’était mis en route133 par voie de terre projetant de passer par la Thrace et la Macé­ doine, Galien a finalement saisi l’occasion de prendre un bateau pour Thessalonique et choisi la voie maritime (voir traduction proposée plus haut). En conclusion, la première visite infructueuse à Lemnos se situerait donc 131. P. Moraux, Galien de Pergame..., (cité η. 1), p. 75 n. 2. P. Moraux fait valoir en faveur de son interprétation que Galien ne fait nulle part mention d ’un retour à Pergame au cours de son second séjour romain, mais on ne peut rien tirer de sûr de cet argument a silen­ tio. 132. V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 166 sqq. 133. Sens autorisé, me semble-t-il, par l’emploi du participe pré­ sent πορεύομενος qui s’oppose ici à l’aoriste επλευσα.

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assez vraisemblablement au cours de l’hiver 168/169, et la seconde lors d’un retour de Galien dans sa patrie, pos­ térieur à l’année 169. Galien dit en effet très clairement que sa seconde visite à Lemnos est intervenue lors d’un de ses voyages de retour de Rome à Pergame. Or, il ne peut s’agir de son premier retour en 166 où il nous donne son itinéraire précis par Corinthe et Athènes134. D ’après le récit que Galien nous a laissé de cette traversée en bateau avec un marchand irascible de Gortyne, il est en effet d’abord passé par Corinthe où il a débarqué et décidé de faire route par voie de terre jusqu’à Athènes135. 11 a alors vraisemblablement poursuivi son voyage par mer en empruntant le chemin le plus direct par Milet, Éphèse ou Smyme, puis Pergame, de préférence à la voie de terre par la Thessalie et la Macédoine, d ’où il lui aurait fallu s’embarquer pour Lemnos et Alexandrie de Troade136. Il faut donc supposer que le second voyage à Lemnos se situe en réalité lors d’un retour de Galien dans sa patrie, situé entre 169 et sa mort (c. 215). Il paraîtrait du reste assez invraisemblable que pendant cette longue période de plus d’une quarantaine d’années, Galien n ’ait jamais éprouvé le désir de revoir sa patrie. Cette datation concorde d’ailleurs parfaitement avec ce que nous dit Galien de la rédaction des livres IX à XI du Sur la faculté des médicaments simples qu’il ne put achever que vingt ans après les premiers (rédigés sous le règne de Marc Aurèle), faute d ’avoir pu rassembler auparavant une documentation suffisante137. 134. Sur le diagnostic et le traitement des passions de Vâme 4, 923 (Kühn V, 18 = W. De Boer, CMG V 4, 1,1, p. 13, 9-15, 5). Voir la carte de cet itinéraire établie par R. Van der Elst, Paris, 1914, p. 96 (même si la chronologie de R. Van der Elst qui situe ce premier retour non en 166 mais après 173 est impossible). 135. Ibid. 4, 9-23 (Kühn V, 18 = W. De Boer, CMG V 4, 1,1, p. 13, 9-15, 5). 136. Sur les différents itinéraires possibles alors suivis par Galien, voir V. Nutton, Pronostic, CMG V 8, 1, p. 209 (et p. 118, 4). 137. Sur les facultés des médicaments simples IX, 21 (Kühn XII, 227, 6).

BIOGRAPHIE

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En ce qui concerne les voyages à Chypre, en Palestine, et probablement aussi sur la côte lycienne, on a vu plus haut que Galien les situait avant ses voyages à Lemnos, donc selon toute probabilité avant 168. Mais là encore, il est impossible d ’en donner une chronologie exacte. Si Walsh les place en 167/168, Ilberg préfère les situer en 161/162138. Ces visites dans la partie orientale de l’Em­ pire trouveraient en effet assez naturellement leur place lors du retour de Galien d ’Alexandrie, c ’est-à-dire dans les années 161/162. Les réticences d’Ilberg à les placer plus tard, lors du bref retour de Galien à Pergame entre ses deux séjours romains, repose sur une interprétation très littérale du passage du Sur ses propres livres où Galien dit s’être alors livré à Pergame « à ses occupations habituelles », cette formule excluant, selon lui, la possibi­ lité de tout déplacement139. Pour V. Nutton, cette formu­ lation n ’exclut pas que Galien ait compris dans ce genre d ’occupations quelques-uns de ces voyages auxquels étaient de toute façon régulièrement contraints les méde­ cins pour se procurer les ingrédients nécessaires à l’exer­ cice de leur art140. Quoi qu’il en soit, le fait que Galien n’associe jamais son voyage en Syrie et en Palestine -qui le conduisit jusque sur la rive orientale de la Mer Morte et d’où il rapporta certaines pierres aux propriétés curieuses-141 avec la figure du consul Flavius Boéthus rencontré à Rome lors de son premier séjour, semble en revanche indiquer que Galien n ’aurait pas visité cette région une fois qu’il en était devenu le gouverneur (c’està-dire en 167/168), mais vraisemblablement plus tôt. 138. J. Walsh, « Date... » (cité n. 19), p. 379 ; J. Ilberg, « Wann ist Galenos geboren ? » (cité n. 20), p. 291. 139. Sur ses propres livres c. III. 1. 140. V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 169. Le pas­ sage cité plus haut (n. 127) où Galien dit s’être efforcé, au cours de ses voyages, de faire provision de médicaments pour toute une vie, semble toutefois démentir cette interprétation. 141. Sur les facultés des médicaments simples IX, 8 (Kuhn XII, 216).

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le voyage à Chypre d’où il rapporta différents types de minerai de cuivre, dont la célèbre cadmie, et où il vit les esclaves dans les mines de cuivre à Soles a toute chance, quant à lui, d’avoir été effectué à la même date que le voyage en Syrie et en Palestine. Galien associe en effet assez souvent ces trois voyages, ainsi que la visite en Lycie142. Toutefois, il est également possible de placer cetté visite à Chypre avant le début du deuxième séjour de Galien à Rome, c ’est-à-dire autour de 167143. Quant à la visite sur la côte lycienne, elle est évoquée par Galien dans le Sur la faculté des médicaments simples où il nous dit « avoir parcouru toute la côte de Lycie avec une petite embarcation pour enquêter sur les produits de cette région » 144. Géographiquement, elle pourrait assez naturellement se situer lors du retour de Galien d ’Alexandrie à Pergame en 161, mais peut tout aussi bien avoir eu lieu en 166/168. Comme le souligne avec raison P. Moraux, tous ces voyages, quelle qu’en ait été la date, avaient cependant un but commun : examiner sur place et se procurer des produits rares, en particulier d ’origine minérale et végé­ tale, entrant dans la composition de différents médica­ ments. Les principaux résultats de ces voyages sont consignés dans les grands traités sur les médicaments, le Sur la faculté des médicaments simples commencé sous 142. La Lycie, Chypre et la Syrie sont mentionnées ensemble dans Kühn XII, 216 ; la Syrie et Chypre dans Kühn XII, 171. 143. G. Harig, « Zur Datierung... » (cité n. 126), p. 15. Ajoutons que Galien dans le Sur la.faculté des médicaments simples IX, 21 (Kühn XII, 227, 6) mentionne cette visite à Chypre comme antérieure de trente ans à la rédaction de ce IXe livre, lui-même composé vingt ans après les huit premiers. Il est toutefois impossible d’en tirer argu­ ment pour une datation du voyage à Chypre dans la mesure où la date de rédaction de la première partie du Sur les facultés des médicaments simples ne peut pas elle-même être exactement fixée (sous le règne de Marc Aurèle). 144. Sur les facultés des médicaments simples IX, 10 (Kühn XII, 203).

BIOGRAPHIE

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Marc Aurèle (livres I à VIII) et achevé vingt ans plus tard sous le règne de Septime Sévère (livres IX à XI). Alors que Galien manquait encore de certaines informations lors de la rédaction de la première partie de cet ouvrage, les voyages scientifiques entrepris par la suite devaient lui permettre de compléter ses connaissances et d ’achever la rédaction des trois derniers livres de son ouvrage. Galien rédigea ensuite, toujours sous le règne de Septime Sévère, deux vastes ouvrages Sur les médicaments com­ posés selon les genres (en sept livres)145 et Sur les médi­ caments composés selon les lieux (en dix livres) qui font suite au précédent sur les médicaments simples. C’est ainsi notamment que, dans le Sur la faculté des médica­ ments simples , Galien mentionne une pierre de couleur noire qui, quand on l’approche du feu, répand une odeur pareille à celle du bitume et qu’à la suite de Dioscoride il appelle pierre de Gagatès, du nom du fleuve près duquel on la trouve146. Dans le même passage, Galien dit égale­ ment avoir rapporté de Cœlésyrie « de nombreuses pierres noires de forme plate qui, si on les met sur le feu, dégagent une petite flamme ». Ces pierres provenaient des hauteurs qui bordent la Mer Morte dans sa partie orientale où on trouvait aussi du bitume. De Chypre, et en particulier des mines de Soles, Galien dit avoir rap­ porté un minerai, résidu de la fonte du cuivre, autrement appelé cadmie, dont le préposé à la mine lui assura qu’il ne pouvait servir à rien et que Galien utilisa cependant avec succès dans le traitement des ulcères147. De Lemnos 145. Dont nous ne possédons en réalité, pour les deux premiers livres, que la seconde version. Galien avait en effet déjà rédigé les deux premiers livres de cet ouvrage quand un incendie ravagea son cabinet de travail et le contraignit à les écrire à nouveau. 146. Sur la faculté des médicaments simples IX, 2 (Kühn XII, 203). P. Moraux dans Galien de Pergame. .., a traduit ce passage et propose (p. 67) d ’identifier cette pierre avec une espèce de lignite. 147. Ibid. IX, 8 (Kühn XII, 214). Sur la cadmie, voir aussi ibid. IX, 11 (Kühn XII, 219 sqq.).

LIV

INTRODUCTION GÉNÉRALE

enfin, il ramena les précieux cachets fabriqués à base d ’un mélange de terre et selon les cas de genièvre ou de vin, et susceptibles de guérir aussi bien les blessures que les morsures de vipère et de bêtes sauvages148. Premier séjour à Rome (162-166) Nbus avons vu plus haut que les dates du premier séjoür romain de Galien étaient cruciales pour rétablisse­ ment de toute la chronologie de Galien. Rappelons que Galien indique dans ses Pratiques anatomiques qu’il arriva pour la première fois à Rome « au début du règne d’Antonin » (sc. Marc Aurèle). Il précise également dans le Sur ses propres livres qu’il était alors âgé de trentetrois ans149, ce qui situe son arrivée en 162. Galien ajoute encore avoir ensuite séjourné pendant trois autres années à Rome après son premier succès, la guérison du philo­ sophe péripatéticien Eudème qui intervint au cours de l’hiver 162/163. Ce qui porte la durée totale du séjour de Galien dans la capitale de l’Empire à quatre ans150, de trente-trois à trente-sept ans, jusqu’à la date de son départ, au plus tard en juillet ou en août 166, à l ’âge de trente-sept ans151. Si la date de son départ pour Pergame est bien confir­ mée par des sources extérieures152, les historiens diver­ gent cependant quelque peu sur le moment précis de son arrivée dans la capitale romaine, qu’ils situent soit au début, soit à la fin de l’année 162, avec des conséquences évidentes sur la durée totale de ce premier séjour. V. Nut148. Ibid. IX, 2 (Kühn XII, 174). 149. Pratiques anatomiques I, 1 (Kühn II, 215 = I. Garofalo, Napoli, 1986, p. 1) ; Sur ses propres livres c. L 14 : passage cité n. 33. 150. Sur ses propres livres c. I. 16 : passage cité n. 33. 151. Sur ses propres livres c. II. 1 : passage cité n. 15. 152. Rappelons que Galien dit explicitement avoir quitté Rome avant le retour de L. Vérus et de ses troupes à Rome, retour qui dut nécessairement intervenir quelques semaines avant la célébration du triomphe sur les Parthes en octobre 166.

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ton propose de placer l ’arrivée de Galien à Rome, au plus tôt en août 162 et au plus tard en septembre/octobre 162. V. Nutton part, en effet, du principe qu’il paraît invrai­ semblable que Galien ait attendu l ’hiver 162/163 pour rencontrer Eudème, -dont il avait semble-t-il brièvement été l’élève à Pergame153- , s’il est vrai qu’il était déjà à Rome depuis le début de l ’année 162, c ’est-à-dire depuis plusieurs mois154. H. Schlange-Schoningen fait, quant à lui, remarquer que l ’existence de liens étroits *entre Eudème et le père de Galien s ’accorde mal avec un autre jugement du philosophe également rapporté par Galien155. Ayant ainsi écarté la thèse d ’une familiarité ancienne et balayé toute objection à une arrivée précoce de Galien dont Eudème n’aurait pas été prévenu, SchlangeSchoningen propose de placer l’arrivée du jeune médecin à Rome au début de 162. Cette solution présente un avan­ tage. Elle permet de ménager un délai suffisant à Galien 153. Pronostic 3, 1 (Kühn XIV, 613 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 82, 12) : έγώ 6έ καί οία διδασκάλφ et ibid. 4, 17 (Kühn XIV, 624 = Nutton, p. 92, 26) : φίλτατε διδάσκαλε. 154. V. Nutton, « The Chronology... » (cité n. 18), p. 159. V. Nut­ ton s’appuie sur un passage du Pronostic où Galien fait allusion au fait qu’Eudème savait que son propre père l’avait amené à entreprendre, à côté de ses études de philosophie, des études médicales approfondies, ce qui permet de supposer des liens d ’amitié étroits entre Eudème et la famille de Galien. Voir Pronostic 2, 12 (Kühn XIV, 608 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 78, 2) :...έκδιδάξαι καί τα τής ιατρικής ούχ ώς πάρεργόν τι μάθημα. 155. Η. Schlange-Schoningen, Die rômische Gessellschaft... (cité n. 1), p. 140-141 qui s’appuie sur un autre passage du Pronostic 2, 11 (Kühn XIV, 608 = Nutton, p. 76, 27) où Eudème, après avoir été favo­ rablement impressionné par les talents médicaux de Galien, reconnaît avoir d ’abord pensé qu’il avait davantage reçu une formation de philo­ sophe que de médecin (έν φιλοσοφώ θεωρία μόνη πεπεισμένος άξιόλογον εξιν εϊναί μοι, των δε κατά τήν Ιατρικήν έν παρέργω πεφροντικέναι). Une telle méconnaissance de la formation intellec­ tuelle de Galien fait supposer à Schlange-Schoningen qu’Eudème tire en réalité ses renseignements d ’un informateur extérieur, en l’occur­ rence Epigène à qui, de fait, est adressé le traité et qui introduisit le médecin de Pergame auprès du philosophe.

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pour se livrer à ses premières conférences publiques et se faire une clientèle156, mais aussi pour formuler ses pre­ miers pronostics et remporter ses premiers succès, en par­ ticulier auprès d’un jeune homme qu’il dit avoir soigné à l’automne pour une maladie aiguë. Et c’est précisément la nouvelle de cette guérison, lorsqu’elle parvint aux oreilles d ’Eudème, qui devait l’encourager lui aussi à faire! appel à Galien157. Quoi qu’il en soit cependant de la date précise de l’arrivée de Galien à Rome, et donc de la durée exacte de ce premier séjour, il est certain que le succès remporté auprès d ’Eudème, en lui permettant de rencontrer les plus hauts personnages de l’État, allait alors marquer pour Galien le début d ’une carrière excep­ tionnelle. Aussi vaut-il la peine de s’arrêter quelque peu sur la maladie d’Eudème et sur l’entourage de ce philo­ sophe tels qu’ils sont décrits dans le Pronostic. Le Pronostic est notre source principale sur le premier séjour de Galien à Rome. Il y raconte comment jeune médecin peu averti de la dangereuse rivalité régnant entre collègues, il se risqua à formuler des pronostics qui, lors­ qu’ils se vérifièrent, lui attirèrent la haine des autres médecins158. Lorsqu’Eudème qui souffrait de poussées de fièvres depuis déjà quelques jours décide de faire appel à Galien sur les conseils d’Épigène, il a déjà pris l’avis de plusieurs médecins qui, en particulier, lui ont prescrit une thériaque. Galien se distingue alors aussitôt de ses col­ lègues en désapprouvant le remède prescrit. Il choisit, en outre, d ’examiner les urines et de tâter le pouls, avant de prendre congé d’Eudème en lui annonçant un nouvel 156. Sur ses propres livres c. I. 14. 157. Pronostic 2, 13 (Kühn XIV, 609 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 78, 3). 158. Sur le statut du pronostic dans la médecine antique et sur les règles auxquelles il doit nécessairement obéir dans le cadre de la méde­ cine rationnelle pour se soustraire à l’accusation de charlatanerie, voir V. Boudon-Millot, « Aux marges de la médecine rationnelle : méde­ cins et charlatans à Rome au temps de Galien », Revue des Etudes Grecques 116, 2003, p. 109-131.

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accès de fièvre. Or cet accès se produit effectivement dès le lendemain dans les conditions prévues par Galien, alors qu’Eudème est entouré de quelques-uns de ses amis venus le saluer, en particulier Sergius Paulus et Flavius Boéthus, deux influents personnages de l’État159. Impres­ sionnés par la science de Galien, ils devaient rapidement manifester leur désir de rencontrer le médecin de Per­ game et d ’être informés de ses principales découvertes anatomiques. Flavius Boéthus en particulier, féru de phi­ losophie et disciple d’Aristote, pria bientôt Galien de faire une démonstration publique d’anatomie consacrée aux mécanismes de la voix et de la respiration. C’est éga­ lement lui qui présenta Galien à Sergius Paulus et invita ce dernier à assister à la démonstration160. Entre-temps, semble-t-il, Galien avait cependant commencé à s’attirer la jalousie des autres médecins, notamment celle d ’Anti­ gène, un disciple de Quintos et de Marinos, présenté comme le médecin le plus influent de Rome et qui le prit à parti161. Tel fut aussi le cas de Martialios, anatomiste réputé, qui accusa Galien de divination162. Galien pro­ cède finalement à la démonstration anatomique réclamée par Flavius Boéthus, en réalité une expérience de vivisec­ tion animale pour laquelle bon nombre de chevreaux et de porcs avaient été mis à sa disposition163, La démons­ tration cependant tourne court, Galien ayant été inter­ rompu par un des spectateurs, Alexandre de Damas164, 159. Galien dit ici de Sergius Paulus qu’il devint peu après préfet de Rome et de Flavius Boéthus qu’il avait déjà exercé le consulat. 160. Pronostic 2, 24 (Kühn XIV, 612 = V. Nutton, CMG V 8, 1, p. 80, 15 sqq.). 161. Ibid. 3, 2 (Kühn XIV, 613 = Nutton, p. 82, 14 sqq.). 162. Ibid. 3, 6 (Kühn XIV, 615 - Nutton, p. 84, 2 sqq.). 163. Plus faciles à se procurer que les singes et beaucoup moins chers, ces petits animaux présentent en outre un appareil respiratoire et une voix puissante particulièrement indiqués pour ce genre de démons­ tration. 164. Alexandre de Damas, philosophe aristotélicien présenté par Galien comme le maître de Boéthus, est parfois identifié avec

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qui en mettant en cause la méthode d ’observation prônée par Galien, le contraint bientôt à interrompre sa confé­ rence165. Cette querelle eut cependant le résultat inverse de celui escompté par le contradicteur de Galien. L ’inci­ dent fut connu, écrit Galien, de tous les érudits de Rome, au nombre desquels il cite alors, outre Sergius Paulus, Clapdius Sévérus et Vettulénus Civica Barbarus, hauts personnages ayant tous deux exercé le consulat. A leur demande, une nouvelle conférence fut donc organisée qui cette fois dura plusieurs jours. Galien conduisit alors la démonstration de façon apparemment si pertinente que, de son propre aveu, « tous ceux qui étaient intervenus pendant qu’[il] faisait cette démonstration se déclarèrent convaincus ». Cette démonstration couronnée de succès marque aussi les débuts et la reconnaissance de Galien comme écrivain, puisqu’à la demande de Boéthus qui lui demanda un résumé de tout ce qu’il avait dit, Galien fut amené à dicter tout ce qu’il avait montré et expliqué à un secrétaire envoyé recueillir son enseignement166. Les faits rapportés ici se situent dans le courant de l’année 163, Galien ayant pris la peine de préciser dans le Pronostic, composé en 178, que quinze ans s’étaient écoulés depuis lors sans que personne n ’ait pu apporter la contradiction à ce qu’il avait exposé. Il est impossible ici de retracer les divers épisodes qui marquèrent ce premier séjour romain, les innombrables démonstrations publiques auxquelles se livra Galien pour asseoir sa gloire naissante167, le détail de sa pratique N

Alexandre d ’Aphrodise. Contre cette identification, voir P. Thillet, Alexandre d ’Aphrodise, Traité du destin, Paris, CUF, 1984, p. XLVIII et S. Follet, « Alexandros de Damas », dans Dictionnaire des philo­ sophes antiques (= DPhA), éd. R. Goulet, Paris, CNRS Editions, 1994, p. 140-142. En faveur de cette identification, voir V. Nutton in CMG V 8, 1, Berlin, 1979, p. 96, 7 et la note p. 189. 165. Pronostic 5 (Kiihn XIV, 626, 17 sqq. = Nutton, p. 96, 7 sqq.). 166. Ibid. 5 (Kühn XIV, 630, 14 = Nutton, p. 98, 28-100, 1). 167. Voir A. Debru, « L’expérimentation chez Galien », in ANRW

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médicale168, le nombre et l ’origine sociale de ses patients169, ainsi que les incessantes querelles entretenues avec les autres médecins170. · « Celles-ci avaient le plus souvent pour cadre les inter­ ventions publiques de Galien dont il convient de distin­ guer deux sortes : les démonstrations publiques propre­ ment dites avec recours à la dissection ou la vivisection, et les conférences sur un sujet donné dont le point com­ mun est toutefois qu’elles sont toutes destinées à assurer la renommée du nouveau médecin et lui attirer une nom­ breuse clientèle171. Aussi Galien, fort de ses premiers succès, semble-t-il avoir assez vite renoncé à ces activités qui lui apportaient certes du renom, mais également la haine de ses collègues excédés d ’être ainsi pris à parti en public. Quand exactement ? Toujours est-il que lors de son second séjour romain, il y a renoncé : « Mais à partir de cette époque-là, je me fixai de ne plus enseigner en public, ni de faire de démonstrations, ayantI*15 II 37.2, Berlin, 1994, p. 1718-1756 et du même auteur, « Les démons­ trations médicales à Rome au temps de Galien », in Ph. Van der Eijk, H. F. J. Horstmanshoff et P. H. Schrijvers éd., Ancient medicine in its socio-cultural context, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1995, vol. I, p. 6981. 168. Voir J. Ilberg, « Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der romischen Kaiserzeit », N eue Jahrbücher fur Klassische Altertum 15, 1905, p. 276-312; E. Wolfflin, « Einiges aus der Praxis von Galen » », Gesnerus 1, 1944, p. 91-99. 169. Voir H. F. J. Horstmanshoff, « Galen and his patients », in Ph. Van der Eijk et alii éd., Ancient medicine... (cité n. 167), vol. I, p. 83-100, ainsi que le livre déjà plusieurs fois cité d’H. SchlangeSchoningen, Die rômische Gesellschaft... (cité η. 1). 170. P. Moraux a commodément rassemblé et traduit les épisodes marquants de ce premier séjour romain dans le livre qu’il a consacré à Galien de Pergame (cité η. 1), à l ’intérieur du chapitre V intitulé « Mes débuts à Rome », p. 79-100. 171. Sur cette distinction, voir Sur ses propres livres c. I. 15 :.. .οϋτε διδάσκων έν πλήθει, καθάπερ έμπροσθεν, οΰτ’ έπιδεικνύμενος (...ni en dispensant mon enseignement devant la foule comme auparavant, ni en me livrant à des démonstrations).

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rencontré avec les gens que je soignais un succès qui dépassait mes vœux »m .

Au sein de cette nouvelle clientèle désormais toute acquise à Galien, quelques nouveaux cas émergent à côté de celui d ’Eudème déjà cité. Galien rapporte ainsi le suc­ cès remporté au chevet d ’un médecin d ’origine sicilienne auquel il associe le nom de Glaucon, lui-même philo­ sophe et médecin, inconnu par ailleurs sinon comme ami et grand admirateur de Galien172173. Le médecin de Pergame a raconté dans le Sur les lieux affectés comment il avait favorablement impressionné son jeune ami en se livrant devant lui, au chevet du médecin sicilien, à un pronostic spectaculaire basé sur les plus curieux stratagèmes. Le récit débute par une rencontre avec Glaucon dans une rue de Rome. Le jeune homme prie alors Galien de l’accom­ pagner chez un de ses propres patients, un médecin sici­ lien : ✓

« Etant donné, dit-il (sc. Glaucon), que des amis de Gor­ gias et Apelas m’ont raconté hier que tu avais fait des dia­ gnostics et des prévisions qui tenaient plus de l’art divina­ toire que de la médecine, je désire pour ma part non pas tant te mettre à l’épreuve toi-même que ce qui relève de l’art médical, pour savoir s’il est possible d’établir de tels diagnostics et pronostics »174.

Sommé de s’exécuter et mis en quelque sorte au pied du mur, Galien arrive bientôt devant la porte de ce malade dont il ne connaît rien, s’efforçant de glaner ici et là le moindre indice susceptible d ’étayer un pronostic : s

« A notre entrée, nous tombâmes sur quelqu’un qui portait de la chambre à coucher au tas d’immondices un bassin 172. Sur ses propres livres c. I. 14. Sur la date exacte à laquelle Galien est censé avoir mis fin à ces démonstrations publiques, voir la note à ce passage dans le présent volume. 173. Voir la notice que j ’ai consacrée à ce personnage, dans le DPhA, tome III, 2000, p. 482, n° 20. 174. Sur les lieux affectés V, 8 (Kühn VIII, 362, 4 sqq).

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contenant quelque chose comme de l’eau où on a lavé des viandes d’abattoir, une humeur sanguinolente assez claire, indice très certain d’un foie malade. Je fis comme si je n’avais rien vu du tout et entrai avec Glaucon près du malade ».

Galien affecte alors de procéder à un geste médical en prenant le pouls du malade. Mais son attention reste en éveil à l’affût de tout ce qui l’entoure : ■·»>■ · « Ensuite, ayant aperçu près de la fenêtre un petit pot contenant de l’hysope macérant dans de l’eau miellée, je déduisis que le médecin se croyait atteint de pleurésie, du fait que sa souffrance se localisait dans la région des fausses côtes, ce qui arrive aussi parfois dans les inflam­ mations du foie ».

Conscient que le hasard vient de lui fournir le moyen de briller, Galien annonce au malade qu’il souffre du côté droit. Quant au jeune Glaucon, persuadé, dans sa can­ deur, que Galien vient de découvrir la région douloureuse par simple examen du pouls, il se montre éperdu d’admi­ ration. Et Galien d’en rajouter : « Et moi, je vais, dis-je, ajouter encore une divination (μαντείαν) à ce que j ’ai dit : je vais vous dire l’opinion que le malade se fait au sujet du mal dont il est atteint. Et quand je dis qu’il croyait que la maladie dont il était affligé était une pleurésie, il assura, plein d’admiration, que c’était bien vrai... À partir de ce moment-là, Glaucon me tint moi-même, ainsi que toute la médecine, en haute estime, alors quAuparavant il ne croyait pas que l’art médical eût quelque importance, parce qu’il n’avait pas rencontré d’hommes remarquables chez ceux qui s’y étaient formés »175.

Un tel récit semblerait donner raison aux détracteurs de Galien quand ils l’accusent de davantage recourir à la divination et à la mantique qu’à l’art rationnel du pronos­ tic, tel un certain Martialios que Galien mentionne dans 175. Ibid. V, 8 (Kühn VIII, 365, 9-11).

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deux de ses écrits176. Ce Martialios, se faisant l’écho des reproches proférés contre Galien, le prit un jour violem­ ment à partie dans une rue de Rome177 : « Un jour qu’il descendait au Sandaliarium (quartier des libraires à Rome), Martialios me rencontra par hasard, et de but en blanc, sans me saluer comme il le faisait d’ordiI naire, il me demanda si j ’avais lu le second livre des P rότ­ ι rhéîiques d’Hippocrate, ou si j ’ignorais totalement l’ou­ vrage. Je répondis que je l’avais lu et qu’à mon avis les médecins qui se refusaient à y voir un ouvrage authentique d’Hippocrate avaient émis un jugement correct et expé­ dient178179. Alors il dit : ‘Donc, tu connais parfaitement ce qui est écrit : Pour moi, je ne ferai point de telles divina­ tions rejoindre la conclusion de B. Mondrain pour qui tous ces manuscrits doivent être mis en relation « avec le milieu de médecins érudits qui gravitaient à Constantinople autour du xenon du Kral avant la chute de la ville en 1453 ». Au terme de cette présentation, nécessairement succinte, de la tradition manuscrite directe, il convient de souligner, à la suite de N. G. Wilson, que celle-ci est loin d’être aussi récente qu’on l ’affirme parfois un peu rapi­ dement. Plusieurs et importants traités du corpus galé­ nique, nous l’avons vu, nous ont été transmis par des manuscrits du XIIe siècle, voire antérieurs. Outre le Laurentianus plut. 74, 7 daté des IXe-Xe siècles, le Vaticanus gr. 2254 et le Parisinus Suppl, gr. 446, tous deux du début du Xe siècle et déjà cités, signalons encore le Parisinus Suppl, gr. 1297, de la deuxième moitié du Xe siècle, ainsi que 1’Urbinas gr. 69, des Xe-XIe siècles, qui est le plus ancien témoin pour le Sur Γutilité des parties, traité qui nous a également été transmis, mais en partie seule­ ment (livres X, XIV et début de XV), par le Parisinus gr. 2253, du XIe siècle374, qui présente des leçons proches de Y Urbinas pour la partie conservée.

373. Édition du Π ερί άλυπίας par V. Boudon-Millot, « Un traité perdu de Galien miraculeusement retrouvé : le Sur l'inutilité de se chagriner : texte grec et traduction française », cité p. xix, n. 40. 374. Voir G. Helmreich, Leipzig, 1907, vol. I, p. III-IV. D’abord daté du Xe siècle par Littré et Ilberg, J. Irigoin in Miscellanea Marciani di Studi Bessarionei, Padua, 1976, p. 171, n. 29, est ensuite revenu à la date traditionnelle déjà avancée par Omont et Diels (XIe s.).

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Autre fait marquant : plusieurs opuscules ne nous ont été transmis que par un unique manuscrit, et le plus sou­ vent des XIVe-XVe siècles, comme le commentaire de Galien aux Épidémies VI dont les livres I à V et le début du livre VI ne sont contenus que dans le Marcianus gr. 283, la suite (livres VII et VIII) étant perdue en grec et seulement conservée en arabe375. Même chose pour le Sur ses propres livres et Sur Vordre de ses propres livres transmis en Occident jusqu’à une date récente par le seul Ambrosianus Q 3 Sup. qui a d ’ailleurs servi de modèle à l’Aldine376. Même chose encore pour le Sur Vinutilité de se chagriner conservé dans un unique manuscrit du XVe siècle, le Vlatadon 14377. Dans d’autres cas, comme celui du Protreptique, c’est l ’édition princeps (l’Aldine de 1525), en l’absence de tout manuscrit conservé, qui fait figure de témoin unique378. Dans de tels cas, on peut supposer que la copie effectuée au XIVe ou au XVe siècle visait à se substituer à un modèle déjà unique et vraisem­ blablement déjà gravement endommagé. L ’exemple de PAmbrosianus Q 3 Sup., lui-même détérioré par l ’humi­ dité et qui, dans le cas du Sur ses propres livres, repro­ duit à intervalles réguliers les lacunes héritées de son modèle, illustre parfaitement Cette situation. Dans d’autres cas, ceux de certains traités physiologiques et thérapeu­ tiques dont la tradition se révèle particulièrement récente, on peut supposer que leur consultation régulière par les médecins, en précipitant l’usure et la destruction des copies les plus anciennes, a entraîné la production de copies récentes seules aujourd’hui conservées. 375. Voir l’édition de E. Wenkebach et F. Pfaff, CMG V 10, 2, 2, Berlin, 1940. 376. Sur ce manuscrit, voir la notice aux Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres. Un second manuscrit récemment découvert, le Vlatadon 14, nous a également transmis ces deux opus­ cules. 377. Sur ce traité voir supra n. 373. 378. Voir mon édition de ce traité dans la CUF, Paris, Les Belles Lettres, 2000, p. 46 sqq.

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Enfin, il convient sans doute de relativiser certaines des conclusions de J. Irigoin quand il notait : « la pro­ portion importante de manuscrits d’origine italiote, le fait que pour la production de Johannikos N. Wilson n ’exclut pas une attribution à Palerme au temps des rois nor­ mands, l’absence enfin de manuscrits de Galien contem­ porains rattachés avec certitude à l’Orient byzantin, tous ces faits paraissent favoriser l’hypothèse d’une origine anticjue pour la tradition de Galien attestée dans la Sicile et l’Italie du sud »379. Sans dénier toute réalité à « l ’hy­ pothèse italo-grecque », il serait cependant sans doute également abusif d’assigner trop rapidement une origine italiote à tous les traités de Galien dont l’origine est débattue. Et il est par ailleurs très probable que certains de ces manuscrits copiés en Italie méridionale ont pu avoir comme modèles des manuscrits d’origine orientale, comme l’atteste la présence à Naples à la cour de Robert d’Anjou d ’un important manuscrit de Galien offert par Andronicos III dans les années 1332-1335 et dont il sera à nouveau question plus loin (infra, p. ccvm). L ’histoire du texte de Galien est donc bien loin de se confondre avec celle de la constitution d ’un véritable N Corpus galenicum. A l’exception, toute relative, des trai­ tés ayant très tôt figuré dans le canon alexandrin, elle apparaît au contraire le plus souvent comme la somme d ’histoires individuelles dont l’écriture détaillée appar­ tient, en dernière instance, aux éditeurs de chaque traité particulier. Il n ’en reste pas moins que vers le milieu du XIVe siècle, commence à se trouver réunis en Italie, sous la forme de traductions ou dans le texte original, la majeure partie de ce qui constitue aujourd’hui les œuvres complètes de Galien380. 379. J. Irigoin, « Autour des sources manuscrites... » (cité n. 7), p. 209. 380. Les hasards de la transmission sont aussi responsables du fait que certains traités ne furent longtemps connus qu’en traduction latine. Tel est le cas du De victu attenuante conservé uniquement dans une

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Les traductions dans ΓOccident latin Les textes galéniques, pour assurer leur survie, durent parfois emprunter d’autres voies, dont celle privilégiée des traductions latines. Après les premières traductions gréco-latines qui virent le jour au tournant du VIe siècle et déjà évoquées plus haut, il convient d’aborder à pré­ sent une deuxième étape de traduction qui plonge ses racines dans la seconde moitié du XIe siècle, de Naples à la Sicile, mais aussi l’Espagne, là où se côtoient Latins, Grecs et Arabes. Dès cette époque, coexistent, en effet, traductions gréco-latines et arabo-latines. Ces dernières se partagent à leur tour en deux courants selon le chemin emprunté pour leur pénétration en Occident. Celles de Constantin l’Africain (c. 1015-1087) et de ses élèves réa­ lisées au Mont Cassin et à Saleme commencent naturel­ lement à investir l’Italie, tandis que celles composées à Tolède par Gérard de Crémone (mort en 1187) tardent davantage à être connues. Ainsi, à la fin du XIIe siècle, les traductions de Gérard n ’avaient pas encore atteint Saleme, et on n ’en trouve pas trace dans le recueil plus tard popularisé sous le nom d"Articella qui, à l ’inverse, se fait nettement plus accueillant aux traductions de Constantin. Enfin, il faut généralement attendre le XIIIe siècle, quand de nouvelles écoles de médecine, comme celle de Bologne, commencent à suipasser celle de Saleme, pour assister à une diffusion plus massive du Corpus Toletanum, désormais capable de rivaliser avec le Corpus Constantinum^ 1. traduction latine incomplète jusqu’à ce que Minoïde Mynas, en 1840, au cours d ’un de ses voyages en Orient découvrît enfin un manuscrit grec de ce traité. Tel est également le cas de YInstitutio logica dont un manuscrit grec fut découvert par Mynas dans un monastère du Mont Athos en 1844. 381. Sur les traductions latines d ’ouvrages scientifiques réalisées au cours du Moyen Âge, voir l ’ouvrage de L. Thorndike et P. Kibre, A Catalogue oflncipits o f Mediaeval Scientific Writings in Latin, revised and augmented édition, Cambridge, Mass., 1963 (19371). À compléter

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Le personnage incontournable de cette première période est Constantin l’Africain382. Vraisemblablement né en Afrique du Nord, il devint moine au monastère bénédictin du Mont Cassin où il traduisit de l’arabe en latin un grand nombre de textes médicaux et, parmi eux, plusieurs traités galéniques. On lui doit en particulier la traduction de YIsagoge, version abrégée des Questions sur la médecine de ftunain ibn Ishaq, véritable miroir du galénisme alexàndrin vu par les Arabes et qui, bien souvent, dans les manuscrits, devait servir d’introduction au Tegni (titre latin médiéval de YArt médical) de Galien. De même, il inséra en tête de sa traduction du Pantegni - sorte de libre adaptation du Livre royal composé à la fin du Xe siècle par le médecin arabe Haly Abbas et qui fut destinée à un immense succès - la liste des traités constitutifs du Canon galénique alexandrin, orientant par là de façon décisive les études médicales dans la voie du galénisme. Il n ’a tra­ duit cependant que très peu de traités authentiques de Galien, et cette liste est aujourd’hui encore sujette à dis­ cussions. Il est, de façon à peu près certaine, le traducteur des commentaires de Galien aux Aphorismes383 et au par « Addenda and corrigenda to the revised édition of L. Thomdike and P. Kibre », Speculum 40, 1965, p. 116-122 et « Further addenda and corrigenda to the revised édition of L. Thomdike and P. Kibre », Speculum 43, 1968, p. 78-114. Bien que constituant une aide irrempla­ çable, ce catalogue recèle cependant aussi des informations erronées. La difficulté dans ce genre d’enquête tient en effet en grande partie au fait que les titres latins médiévaux sous lesquels nous ont été trans­ mises ces traductions sont parfois fort éloignés de ceux couramment admis. 382. Voir la mise au point de V. von Falkenhausen dans Dizionario biografico degli Italiani, vol. XXX, 1984, p. 321-324. 383. La traduction latine du commentaire aux Aphorismes a été éta­ blie sur la base de la traduction arabe de Hunain ibn Ishaq. Burgundio de Pise allait bientôt en donner une nouvelle traduction basée cette fois sur le grec. Avec ce commentaire de Galien, Constantin aurait égale­ ment traduit le Liber Aphorismorum d ’Hippocrate en recourant cette fois directement au texte grec sans se contenter de traduire les lemmes la citation parfois abrégée que fait Galien des mots d ’Hippocrate avant

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Pronostic d’Hippocrate384. Parmi les autres traductions parvenues sous son nom, celle qui est désignée sous le titre Megategni correspond en réalité à un abrégé de la Méthode thérapeutique vraisemblablement élaboré par les Arabes. Il en va sans doute de même pour la Disputatio Platonis et Hippocratis in sententiis, réfection arabe éla­ borée sur la base du Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon, mais dont ni la traduction, ni le texte arabe n ’ont encore pu à ce jour être localisés. Il convient, en revanche, d ’écarter définitivement l’attribution à Constan­ tin d’une traduction de YArt médical sous le titre latin Tegni, cette traduction étant en réalité l’œuvre de Gérard de Crémone385. Quoi qu’il en soit, en mettant à la disposi­ tion des maîtres de Saleme les toutes premières traduc­ tions latines de traités de Galien établies à partir de l’arabe, Constantin devait favoriser le retour à l’œuvre galénique, tout en assurant la renommée de ce qui allait devenir, pour près de deux siècles, le principal centre médical occidental386. Une autre figure marquante devait participer à cette redécouverte de la médecine grecque par l ’intermédiaire des traductions arabo-latines, Gérard de Crémone, mort de les commenter. Ainsi, se trouvent réunis dans la traduction latine de Constantin un modèle grec pour Hippocrate et un modèle arabe pour Galien. 384. Il est en revanche plus douteux qu’il ait traduit le Pronostic d ’Hippocrate en même temps que le commentaire de Galien à ce traité. Et on a en particulier été amené à se demander si cette traduction n ’avait pas, elle aussi, été faite à partir d’un modèle grec et non pas arabe, comme semble l’attester Vexplicit donné par le manuscrit d’Erfurt, Amplonianus Q. 178 : secundum translationem grecam Constan­ tini. 385. Voir mon édition de YArt médical, Paris, CUF, 2000, p. 244 sqq. 386. ✓ Même si l’influence des traductions de Constantin sur la toute proche Ecole de Salerne ne fut vraisemblablement pas immédiate. Sur ce point, voir P. O. Kristeller, « The School of Salerno, its develop­ ment and its contribution to the history of leaming », Bulletin o f the Histoty o f Medicine 17, 1945, p. 138-194.

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un siècle après Constantin, en 1187387. Cet italien vrai­ semblablement né à Crémone et qui apprit l’arabe en Espagne, à Tolède, déploya une intense activité qui lui permit, avec l’aide de collaborateurs, de traduire aussi bien les auteurs arabes que grecs, et aussi bien Aristote que Ptolémée ou Galien. Il traduisit une dizaine d’œuvres du médecin de Pergame dont six du Canon alexandrin, évitait soigneusement de doubler les traductions de Constantin quand elles existaient388. Citons, en particu­ lier, sa traduction du commentaire de Ali ibn Ridwan au Te gni de Galien qui devait avoir une profonde influence sur l ’interprétation des différentes voies de la connais­ sance médicale appréhendées au travers des différents modes aristotéliciens de la démonstration389. Cette tra­ duction, ainsi que celle du Tegni (Art médical) lui-même, comptent parmi les traductions les plus utilisées pendant tout le Moyen Age. Il faut y ajouter les traductions des traités Sur les éléments (De elementis), Sur les tempéra­ ments (De complexionibus), Sur le tempérament mal équilibré (De malicia complexionibus diverse). Sur la faculté des médicaments simples (De simplici medi­ cina)390, Sur les jours critiques (De creticis diebus), Sur les crises (De crisi) et celles des commentaires de Galien au Régime des maladies aiguës (Expositiones super 387. De nombreux détails de sa vie nous ont été conservés par la Vita rédigée par ses disciples et placée dans plusieurs manuscrits latins à la fin de la traduction du Tegni de Galien dont la version arabo-latine est vraisemblablement la dernière œuvre de Gérard de Crémone. Voir K. Sudhoff, « Die kurze Vita und das Verzeichnis der Arbeiten Gerhardts von Cremona », Archivfür Geschichte der Medizin 8, 1914, p. 73-82. 388. Sur les traductions de Gérard de Crémone, voir E. Grant, A source book in médiéval science, Cambridge, Mass., 1974, p. 35-38 et la notice de R. Lemay dans le Dictionary o f scientific biography, vol. XV, New York, 1978, p. 173-192. 389. Voir dans mon édition la notice de YArt médical, Paris, CUF, 2000, p. 164 sqq. 390. Livres I à V seulement.

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Librum Ypocratis De regimine acutorum egritudinum) et au Pronostic {De expositione libri Ypocratis in pronosticatione). Il semble avoir également traduit les livres I à VI du Sur la méthode thérapeutique {Megategnï). L’œuvre de traduction, commencée par Constantin FAfricain, puis Gérard de Crémone, devait encore se pour­ suivre au XIIe siècle à travers les traductions arabo-latines de Marc de Tolède (fl. 1210), et au siècle suivant, à travers celles du médecin d’origine espagnole Arnaud de Villeneuve (c. 1240-1311). Citons également les noms d’Armengaud Biaise (fl. 1280) et d’Accursino de Pistoie qui donna, en 1297, une traduction arabo-latine du Sur les facultés des aliments, traité déjà précédemment traduit du grec par Guillaume de Moerbeke (c. 1215-1286). En effet, à partir du milieu du XIIe siècle, une nouvelle orientation avait déjà commencé à se dessiner en faveur du retour à l’original grec, enfin débarrassé des gloses et des approxi­ mations de la traduction arabe. Le principal inspirateur de cette entreprise est Burgundio de Pise (c. 1110-1193), presque exactement contemporain de Gérard de Crémone, et qui apporta une contribution décisive à la redécouverte de la médecine galénique à travers les traductions gréco-latines. Il a déjà été question de cet italien qui séjourna deux fois à Constantinople à propos d’un groupe de manuscrits attri­ bués au cercle de Johannikos où on a retrouvé sa main. Vers la fin de sa vie, et alors qu’il se trouvait en Italie, Burgundio aurait traduit du grec en latin, une dizaine de traités de Galien391, pour la plus grande part empruntés au Canon alexandrin. Parallèlement, il a également complété un certain nombre de traductions, dont celle anonyme de YArt médical composée au XIIe siècle et restée inache­ vée392. Certaines de ces traductions peuvent être précisé391. Le nombre exact est incertain. 392. C’est, selon le colophon du manuscrit latin de Vienne 2504 (f. 39) cité par R. J. Durling, « Corrigenda... » (cité n. 273), p. 463, Bartholomaeus de Saleme qui engagea Burgundio de Pise à compléter

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ment datées comme celle des six premiers livres du Sur la préservation de la santé {De sanitate tuenda) achevée en 1179, ou celle du Sur les écoles {De sectis) dédicacée en 1184-1185 au futur empereur Henri VI. Il est égale­ ment l ’auteur d’une traduction (inachevée) du commen­ taire de Galien aux Aphorismes d ’Hippocrate. Le traduc­ teur j pisan suit manifestement un plan bien établi, s’appliquant à combler les manques les plus criants dans les versions existantes de Galien, traduisant par exemple les seuls livres VII à XIII de la Méthode thérapeutique {De methodo medendi) qui vinrent ainsi s’ajouter aux livres I à VI déjà précédemment traduits de l’arabe, vrai­ semblablement par Gérard de Crémone. D ’autres traduc­ tions, non signées, lui ont été attribuées, comme celle du Sur les tempéraments {De temperamentis)393. La nouvelle orientation imprimée par Burgundio devait à son tour se confirmer dans la personne du médecin et philosophe Pietro d’Abano (1257-1315) qui procéda aussi bien à la traduction intégrale de nouveaux traités de Galien qu’à l’achèvement de certaines traductions de son prédécesseur. On lui attribue ainsi une dizaine de traduc­ tions latines d’œuvres galéniques394 : Sur la bile noire la traduction latine de TA™ medica. Voir sur ce point mon édition de YArt médical, Paris, CUF, 2000, p. 247 sqq. 393. Sur le vocabulaire et la méthode de traduction de Burgundio, voir R. J. Durling, Burgundio o f Pisa’s Translation o f Galen’s Περί κράσεων, ‘De complexionibus \ Galenus Latinus I, Ars Medica II 6, 1, Berlin-New-York, 1976 ; en général sur la vie et les œuvres de Bur­ gundio, voir P. Classen, « Burgundio von Pisa : Richter, Gesandter, Übersetzer », Sitzungsberichte Heidelberg Philos, hist. Klasse 4, 1974, qui toutefois ne s’est pas intéressé aux traductions médicales, et Ch. H. Haskins, Studies in the History o f Mediaeval Science, Cambridge, Har­ vard University Press, 1927, p. 208 sqq. Voir enfin l’étude de N. G. Wilson, « New Light on Burgundio of Pisa », Studi Italiani difilologia classica s. 3, vol. IV, 1986, p. 113-118 qui a noté que la main de Burgundio se retrouvait dans plusieurs manuscrits de Johannikos qui lui avaient manifestement servi de modèle pour ses traductions. 394. L. Thomdike, « Translations of works of Galen from the Greek by Peter of Abano », îsis 33, 1942, p. 649-653, lui attribue les

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(De colera nigra) ; Sur la meilleure constitution du corps humain (De optima constitutione) ; Sur le régime salu­ taire (De regimine sanitatis) que L. Thorndike propose d’identifier avec le Therapeutica ars c ’est-à-dire le Sur la méthode thérapeutique395 ; Sur le marasme (De.tabe) ; Sur les jours critiques (Librum creticorum) ; De anatomia et Liber inchoationis anatomie (traductions non iden­ tifiées) ; Liber prognosticorum (vraisemblablement la traduction du commentaire de Galien au Pronostic d ’Hip­ pocrate) et Sur le jeu de la petite balle (De exercitio cum sphera parva). À ces traductions, L. Thorndike ajoute encore quatre titres de traités couramment attribués à Pietro d’Abano dans les manuscrits396 : Sur le tempérament mal équilibré (De inequali discrepantia) ; Sur les écoles (De sectis) ; Sur Vutilité de la respiration (De utilitate respirationis) et Sur le tremblement, la palpitation, le frisson et le spasme (De tremore iactigatione rigore et spasmo)397. Il faudrait encore citer pour mémoire, en ce tournant du XIIIe siècle, les noms de Robert Grosseteste (c. 1168-1253) qui traduisit quelques opuscules de Galien, de Guillaume de Moerbeke (c. 1215-1286), auteur, comme nous l’avons vu, d’une traduction gréco-latine du traité Sur les facultés des aliments réalisée en 1277, et enfin de Guillaume de Brescia qui donna une nouvelle traduction du commentaire de Galien aux Aphorismes. traductions suivantes en se fondant pour l’essentiel sur les indications et les allusions de Pietro d ’Abano lui-même dans son célèbre ouvrage Conciliator differentiarum philosophorum et precipue medicorum. 395. Pietro d ’Abano dans ce cas se serait contenté de compléter la traduction de Burgundio en traduisant le quatorze et dernier livre. La traduction de ce vaste ouvrage apparaît donc comme l’œuvre de trois traducteurs différents : Gérard de Crémone (livres I à VI) ; Burgundio de Pise (livres VII à XIII) et Pietro d’Abano (livre XIV). 396. L. Thorndike, « Translations...by Peter of Abano » (cité n. 393), p. 653. 397. Cette dernière traduction étant parfois également attribuée à Amauld de Villeneuve.

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La figure qui marque le XIVe siècle est, en revanche, sans conteste celle de Nicolas Deoprepio, originaire de Reggio et médecin personnel de Robert 1er d’Anjou à la cour de Naples, à qui Ton doit la traduction de plus d’une trentaine de traités de Galien des années 1308 à 1345398, selon la méthode héritée des traductions bibliques du mot pour mot399. Nicolas s’est employé aussi bien à compléter des traductions partielles déjà existantes qu’à traduire à partir du grec les traités de Galien pour lesquels il n’exis­ tait pas encore de traductions, même arabo-latines. Plu­ sieurs petits traités jusqu’alors assez largement méconnus côtoient donc des œuvres plus vastes pour lesquelles les traductions de Nicolas jouent un rôle essentiel quand le texte grec a disparu. Sur les cinquante-six traductions de Galien que L. Thomdike attribue à Nicolas, plusieurs concernent en réalité des traités non authentiques {De historia philosophorum ; Aquis ; De clisteribus...), des doublets ou des traités non clairement identifiés. Citons parmi les traités unanimement attribués à Galien et tra­ duits par Nicolas, le De utilitate respirationis {Sur Γuti­ lité de la respiration) et le De flebotomia {Sur la sai­ gnée), deux œuvres de jeunesse dédicacées à Robert de Naples avant son accession au trône en mai 1309 ; des petits traités comme le An omnis animalis quod fetatur particule fiant simul {Si toutes les particules qui compo­ sent Uêtre vivant se forment en même temps) ; le De marasmo {Sur le marasme) et le De bona habitudine ou De euechia {Sur le bon état du corps) ; mais aussi l ’imposant ouvrage De utilitate particularum {Sur l ’uti­ lité des parties du corps humain) en dix-sept livres en

398. L. Thomdike, « Translations...by Niccolo da Reggio » (cité n. 294), p. 213-235. La date de 1308 est attestée par une dédicace à Robert de Naples avant que celui-ci accède au trône en mai 1309, et celle de 1345 correspond à la dernière traduction connue de Nicolas. 399. Sur la technique de traduction de Nicolas de Reggio, voir I. Wille, « Die Schrift Galens... » (cité n. 295).

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1317400 ; le De subtiliante dieta (Sur le régime amaigris­ sant) ; le De optima constructione corporis (Sur la meilleure constitution du corps humain) ; le De pronosticatione (Pronostic) ; le De spermate (Sur le sperme) ; le De tumoribus praeter naturam (Sur les tumeurs contre nature) ; le De temporibus totius egritudinis (Sur les moments opportuns dans les maladies). Nicolas de Reggio a également complété (c. 1314) la traduction inache­ vée de Burgundio de Pise du commentaire de Galien aux Aphorismes d’Hippocrate. Mais surtout, pour certains traités galéniques dont aucun manuscrit grec n ’a été conservé (Sur les causes antécédentes^1, Esquisse empirique402), les traductions de Nicolas font figure de témoin unique. Dans d ’autres cas, comme celui du De partibus artis medicativae (Sur les parties de Part médical), également perdu en grec, seule subsiste la traduction latine de Nicolas et une tra~ duction arabe403. Paradoxalement, l’influence de ces tra­ ductions semble être restée limitée à un cercle étroit de médecins et de spécialistes sans avoir jamais réellement pénétré l’enseignement universitaire contemporain404. On s’est naturellement interrogé sur l’origine des manuscrits grecs ayant servi de modèle à Nicolas, et on s’est demandé s’il avait pu tous les trouver à Reggio ou dans ses environs. On a parfois évoqué l’existence de cet 400. Il existait seulement une traduction arabo-latine de cet ouvrage et elle s’arrêtait au dixième livre. 401. Ou Sur les causes procatarctiques, voir l’édition de R. J. Hankinson, On antecedent causes, Cambridge University Press, 1998. 402. Galeni Subfiguratione empirica, édition de Max Bonnet, Bonn, 1872. Voir aussi du même auteur, « The translators from the Greek of the Angevin court of Naples », Rinascimento 1, 1950, p. 184-236. 403. La traduction latine de Nicolas a été publiée par H. Schone, « Galenus De partibus artis medicativae », Festschrift der Universitàt Greifswald, 1911, p. 1-39. La traduction arabe a été éditée par M. C. Lyons, On the parts o f medicine, Berlin, 1969, (CMG Suppl, or. II). 404. G. Baader, « Galen im mittelalterlichen Abendland », Problems and Prospects... (cité n. 83), p. 216 sqq.

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important manuscrit de Galien que Robert d’Anjou reçut en présent du souverain Andronicos III dans les années 1332-1335405. Mais cette explication, si elle est plausible, ne saurait être suffisante. Il faudrait, en effet, supposer un énorme manuscrit grec rassemblant plus d ’une cinquan­ taine de traités galéniques. Si cette hypothèse ne suffit donc pas à épuiser le mystère des sources de Nicolas, l’his|oire de ce don royal illustre en revanche de façon remarquable l’intérêt que la médecine antique inspirait à cette époque à la cour de Naples. Avant d ’évoquer l’histoire du texte de Galien à la Renaissance, il convient de dire un mot du célèbre recueil intitulé Articella qu’E. Lieber a justement décrit comme « a brief Latin travesty of a Galenic-Hippocratic cor­ pus »406. Il a été récemment établi que le nom même d yArticella (Petit Art) sous lequel fut imprimé, aux XVe et XVIe siècles, ce choix de textes médicaux, était d ’ori­ gine relativement récente et se référait en réalité à « une appellation diffusée par les éditeurs de la Renais­ sance »407. Après avoir commencé par désigner, au début du XIVe siècle, les seuls Aphorismes d’Hippocrate accompagnés du commentaire de Galien dans la traduc­ tion de Constantin l ’Africain, l’appellation d'Articella s’étendit ensuite au cours de la Renaissance à un corpus plus large intégrant des textes connus pour avoir été com­ mentés à Saleme dans la seconde moitié du XIIe siècle. Le noyau de ce recueil se compose ainsi de traductions 405. Voir N. G. Wilson, Scholars of Byzantium (cité n. 163), p. 269 qui cite sur ce point R. Weiss, Médiéval and Humanist Greek, Padua, 1977, p. 117-118. 406. E. Lieber, « Galen in Hebrew... » (cité n. 83), p. 183. 407. Voir D. Jacquart, La médecine médiévale dans le cadre pari­ sien, Paris, Fayard, 1998, p. 161 sqq. qui renvoie sur ce point à l’étude de T. Pesenti, « Articella dagli incunabili ai manoscritti : origini e vicende di un titolo », in M. Cochetti éd., Mercurius in Trivio, Studi di Bibliografia e di Biblioteconomia per Alfredo Serrai nel 60° cornpleanno, Roma, 1993, p. 129-145.

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latines effectuées, pour certaines, dès le XIe siècle à partir du grec et de l’arabe. Dans sa forme finale, ΓArticella regroupe les traités suivants : YIsagoge de Johannitius, c’est-à-dire l ’abrégé des Questions sur la médecine de Hunain ibn Ishaq, les Aphorismes et le Pronostic d ’Hip­ pocrate408, les traités d’origine byzantine Sur les urines de Théophile Protospatharios (VIe ou VIIe siècle) et Sur le pouls attribué à un certain Philaret409, ainsi que le Tegni (titre latin de YArt médical) de Galien. Et ce sont précisément ces mêmes traités qui, dès le XIIe siècle, avaient offert aux maîtres salemitains l’occasion de pré­ ciser leur vision de l’art médical et de nourrir leurs pre­ miers commentaires. On renverra sur ce point à l’impor­ tante étude que P. O. Kristeller a consacrée à l ’activité des plus célèbres de ces commentateurs, Bartholomaeus, Musandinus et Maurus de Salerne410. Il convient donc de se poser la question de l’origine de ces textes qui servirent de base aux commentaires salernitains si l’on veut également tenter de cerner l’origine d ’un tel recueil. Le premier des textes de l'Articella, YIsagoge, apparaît dans deux manuscrits bénéventains de la fin du XIIe siècle. Cette date et cette localisation géo-

408. Auxquels vint plus tard s’adjoindre le Régime dans les mala­ dies aiguës. 409. Mais qui, en réalité, dérive en grande partie d ’un traité pseudo-galénique, voir l’édition avec traduction allemande et commen­ taire de J. A. Pithis, Husum, 1983. 410. P. O. Kristeller, « Bartholomaeus, Musandinus and Maurus of Salerno and other early commentators of the ‘Articella’, with a tenta­ tive list of texts and manuscripts », Italia medioevale e umanistica 19, 1976, p. 57-87 (trad. italienne avec mise à jour dans P. O. Kristeller, Studi sulla scuola medica Salernitana, Naples, 1986, p. 97-119). Sur l’histoire du recueil, voir A. Beccaria, « Sulle tracce... » (cité n. 170). Et en particulier Beccaria II, p. 24-25 et O. Temkin, Galenism... (cité n. 81), p. 100-109. Selon P. O. Kristeller, c’est Musandinus, l’élève de Bartholomaeus, qui aurait mis en forme certains de ces commentaires aujourd’hui conservés dans des manuscrits datés des environs de 1200 sur la base de l’enseignement de son maître.

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graphique laissent supposer que la traduction, sans doute établie à partir d ’un modèle arabe, fut l’œuvre de Constantin l’Africain ou d’un de ses associés411. Si tout semble indiquer que le cœur du recueil fut donc rassem­ blé au tout début du XIIe siècle, en revanche on ne sait ni où ni par qui. En ce qui concerne l’unique traité de Galien intégré à ce recueil, le Tegni, il ne fait son appari­ tion dans les manuscrits de YArticella qu’après le milieu du XIIe siècle et occupe habituellement la dernière place de la collection. Qu’il soit juste permis de préciser ici que, contrairement à ce que l’on lit souvent, la traduction latine du Tegni imprimée dans YArticella, n’est pas due à Constantin, mais est l’œuvre d ’un traducteur resté ano­ nyme qui a utilisé un modèle grec, et non arabe, et dont la traduction restée inachevée a plus tard été complétée par Burgundio de Pise412. Ajoutons enfin que YArticella fut imprimée pour la première fois à Padoue en 1476 chez Nicolas Petri. La Renaissance La période de la Renaissance représente un champ si vaste dans l’histoire du texte de Galien, une floraison si riche d’éditions et de traductions qu’il serait vain d ’en tenter ici une présentation exhaustive413. Notre propos se limitera donc volontairement à deux faits marquants : la parution dans les presses des Aide à Venise de l’édition 411. Voir P. O. Kristeller, « Bartholomaeus... » (cité n. 409), p. 66. 412. L ’incipit de la traduction du Tegni est le suivant : Tres sunt omnes doctrinae quae ordine habentur. Sur cette traduction grécolatine complétée par Burgundio de Pise à la demande de Bartholomée de Saleme, voir mon édition de YArt médical de Galien, Paris, CUF, 2000, p. 246 sqq. De façon générale, sur les innombrables commen­ taires alimentés par le Tegni, voir P. G. Ottosson, Scholastic Medicine and Philosophy. A Study o f Commentaries on Galen’s Tegni (ca. 13001450), Napoli, Bibliopolis, 1984. 413. À cet égard, la synthèse déjà citée d’O. Temkin, Galenism... (cité n. 81), reste la meilleure introduction disponible à cette période.

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princeps en grec des œuvres de Galien, VAldine de 1525, et Γ activité inlassable des traducteurs tout au long de ce XVIe siècle414. La première édition des opera omnia de Galien en grec débute à Venise en 1525, un an avant celle d ’Hippo­ crate, pour s’achever en 1526415. Elle avait déjà été pré­ cédée de la publication, à Padoue en 1476, chez Nicolas Petri, du recueil de traductions médiévales intitulé Articella, par la parution, en 1490 à Venise, chez Philippe Pintius de Caneto de l’édition latine de Diomède Bonardus416, elle-même suivie, en 1515/1516 à Pavie, par l’édi­ tion des Galeni opera omnia de Rusticus Placentinus, et enfin par l’édition parue en 1522 à Venise chez les Junte417. En grec, une seule édition avait vu le jour, celle du Sur la méthode thérapeutique et À Glaucon parue en 1500 à Venise chez Callierges et Blastos. Dès la parution de l ’édition princeps des œuvres d ’Aristote en 1497, qui intégrait déjà le traité pseudogalénique De historia philo414. J’ai donc choisi de privilégier les aspects volontairement lais­ sés de côté par A. Wear, « Galen in the Renaissance », Problems and Prospects (cité n. 83), p. 229-262, qui centre son étude sur les princi­ paux problèmes méthodologiques soulevés par la réception de la pen­ sée médicale de Galien à la Renaissance. 415. Si du moins on s’en tient à la date proposée par P. Potter dans « The Editiones principes of Galen and Hippocrates and their relationship », Text and Tradition (cité n. 65), p. 243-261 (en part. p. 257). S’appuyant sur le fait que seuls les quatre premiers volumes de l’édi­ tion aldine de Galien sont explicitement datés de 1525, alors que le cinquième est sans date, P. Potter en conclut, arguments à l’appui, que ce dernier volume fut en réalité publié fin avril 1526, c’est-à-dire après l’édition d’Hippocrate elle-même datée de la même année 1526. 416. Il s’agit de la première édition latine d ’un choix de textes de Galien reposant pour l ’essentiel sur des traductions de la période antéhumaniste, de Constantin l’Africain à Nicolas de Reggio. 417. Il faudrait encore citer au nombre des éditions latines ayant précédé l’Aldine, celles de H. Surianus (Venise, 1502) et B. Benalius (Venise ou Pavie ?, 1511/1513). En général, sur les éditions latines de Galien, voir R. J. Durling, « A chronological census of Renaissance éditions and translations of Galen », Journal o f the Warburg and Courtauld Institutes 24, 1961, p. 230-305.

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sopha, l’imprimeur Aide Manuce avait annoncé son intention de bientôt procéder à celle des œuvres d’Hippo­ crate et Galien. Mais l’édition princeps des œuvres de Galien en grec ne verra finalement le jour qu’en 1525, lorsqu’André Torresani, originaire d’Asola (Andréas Asulanus), à la fois beau-père et successeur d’Alde Manuce, décida d’en confier la réalisation à ses propres fils, frédéric et Jean-François418. Cette édition en cinq volurhes in-folio a également reçu le concours de JeanBaptiste Opizzoni, professeur de médecine à l’université de Pavie qui, devant l’ampleur de la tâche, devait s’assu­ rer la collaboration de médecins et philologues venus du nord de l’Europe, et notamment d’Angleterre. Tel est le cas de John Clement qui se chargea plus particulièrement de la préparation du commentaire de Galien aux Épidé­ mies I et III d’Hippocrate, de Thomas Lupset ou encore Georges Agricola419. Leur but, selon les termes mêmes d’Andréas Asulanus dans la préface qu’il écrivit au cin­ quième volume, était de restaurer l ’œuvre des médecins grecs (Galien et Hippocrate) jusque-là seulement acces­ sible dans des traductions infidèles et barbares (f. Ir : 418. Sur l’histoire de cette édition, voir N. Mani, « Die griechische Editio princeps des Galenos (1525), ihre Entstehung und ihre Wirkung », Gesnerus 13, 1956, p. 29-52. En général, sur les méthodes de travail appliquées par Aide et ses collaborateurs, voir M. Lowry, Le monde d ’Alde Manuce, s. L, 1989. Sur les sources manuscrites utili­ sées, voir V. Nutton, John Caius and îhe manuscripts of Galen, Cam­ bridge, 1987, p. 39-42, ainsi que J. Irigoin, « Autour des sources manuscrites... » (cité n. 7). Dans le cas particulier du De sectis, voir D. Béguin, « Sur la méthode de travail suivie dans la préparation de l’édition aldine des Opera omnia de Galien (1525) : Analyse du De sectis ad introducendos », in A. Garzya et J. Jouanna éd., Histoire et ecdotique des textes médicaux grecs, Actes du IIe colloque internatio­ nal (Paris, 24-26 mai 1994), Napoli, M. D ’Auria Editore, 1996, p. 3142. Voir également la thèse de C. Domingues, Recherches sur les édi­ tions grecques et latines de Galien à la Renaissance (soutenue le 20 février 2004 à l’université de la Sorbonne-Paris IV). 419. Sur ces personnages, voir N. Mani, « Die griechische Edi­ tio... » (cité n. 418), p. 41.

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« tam infeliciter tamque faede ac barbare conversis »)420. L ’édition aldine fut très vite appelée à faire figure de codex vulgatus et à jouer un important rôle de référence pour des générations d’humanistes et de traducteurs latins qui la prirent pour modèle. Alors que la connaissance de l’œuvre galénique reposait jusqu’alors très largement sur les traductions arabo-latines, puis gréco-latines, réalisées au cours des siècles précédents, l’édition Aldine marque le début de la renaissance de Galien et d ’une lecture humaniste du corpus, renaissance qui sera marquée par une multiplication des traductions latines désormais en grande partie établies à partir des éditions imprimées. Les éditeurs aldins, pleinement conscients que la réus­ site de leur entreprise reposait prioritairement sur l’éta­ blissement du texte grec, eurent à cœur de rassembler des manuscrits de Galien susceptibles de leur servir de modèles. Il semble bien qu’Alde Manuce, dans cette perspective, ait dès 1497 cherché à rassembler des copies de divers traités de Galien421. Un scribe inconnu que Ph. Hoffmann a nommé Anonymus Hatyardianus semble en particulier avoir joué un rôle décisif dans cette entre­ prise422. Il est en effet à l ’origine, soit comme copiste, soit en tant que simple correcteur, d ’une dizaine de manuscrits de Galien dont trois au moins, le Vaticanus Reg. gr. 173 et les Parisini gr. 2148 et 2161, servirent directement d ’exemplaires d ’imprimerie. Pour le reste, les éditeurs eurent en général recours à des manuscrits 420. Andréas vise évidemment ici les traductions arabo-latines du Moyen Âge. 421. Plusieurs de ces copies destinées à l ’impression entrèrent dans la bibliothèque royale de Fontainebleau par l’intermédiaire de JeanFrançois d’Asola et sont aujourd’hui conservées à la Bibliothèque nationale de France 422. Ph. Hoffmann, « Un mystérieux collaborateur d ’Alde Manuce : ΓAnonymus Harvardianus », Mélanges de l ’Ecole française de Rome (MEFRM) 97, 1985, p. 45-143 et du même auteur, « Autres données relatives à un mystérieux collaborateur d ’Alde Manuce : ΓAnonymus Harvardianus », MEFRM 98, 1986, p. 673-708.

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grecs récents, du XVe ou même du XVIe siècle. Et même s'il revient encore largement à chaque éditeur, pour chaque traité particulier, d’identifier le ou les manuscrits grecs ayant servi de modèle à l’Aldine, certains d’entre eux qui servirent de modèle à plusieurs traités, sont cependant suffisamment connus pour mériter ici une mention. Tel est le cas du Vaticanus Reg. gr. 173 (XVe s.) identifié comme modèle de l’édition du commentaire à la Mature de Γhomme423, des Parisini gr. 2164, 2165 et 2170 sortis de l ’atelier vénitien de Bartolomeo Zanetti et dus aux copistes Nicolas Pachys et Constantin Mésobotès424425.Le Parisinus gr. 2165, écrit par Nicolas Pachys et qui, tout comme le Parisinus gr. 2167, appartint à John Clément (1495-1572), servit également de modèle aux éditeurs aldins pour tous les traités qu’il contient dont le Sur la constitution de Part médical425 et le Sur la plé­ thore426. Tel est encore le cas du Marcianus gr. 282 (coll. 648) écrit par Georges Trivizias427 pour le cardinal Bessarion et qui fut utilisé pour l’édition du Sur les écoles, du Parisinus gr. 2148 qui servit de modèle pour le Sur Putilité des parties du corps, ou encore du Parisinus gr. 2273 écrit par un certain Anonyme 5 récemment identifié avec le philosophe et humaniste Nicolo Leonico Tomeo428 et qui, tout comme le précédent, appartint à 423. Ce manuscrit porte des annotations et corrections tirées d’un autre manuscrit, preuve que les éditeurs aldins n ’hésitaient pas à recou­ rir à plusieurs témoins pour établir leur copie d ’impression (voir éd. J. Mewaldt, CMG V 9, 1, 1912). 424. E. Gamillscheg, « Nikolaos Pachys, ein Kopist aus dem Umkreis des Bartolomeo Zanetti », Jahrbuch der Ôsterreischischen Byzantinistik 41, 1991, p. 283-292. 425. S. Fortuna, CMG V 1, 3, p. 17-18. 426. Ch. Otte, Serta Graeca, Band 9, 2001, p. 10. 427. Né en Crète, mort en 1485, Georges Trivizias a copié plus de vingt manuscrits pour le cardinal Bessarion à Venise. 428. Ce personnage jusque là désigné sous le nom d'Anonymus 5 à la suite de D. Harlfinger a récemment été identifié par F. Vendruscolo, « Manoscritti greci copiati dall’umanista e filosofo Nicolo Leonico Tomeo », Le vie délia ricerca, Studi in onore di F. Adomo, M. Serena

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Nicolas Leoniceno et servit de modèle pour YArt médi­ cal. Tel est encore le cas du manuscrit Rosanbo 286 récemment identifié comme ayant servi de copie d ’im­ pression pour le Sur les médicaments composés selon les lieux429. Il serait fastidieux d ’accumuler les exemples de ce type. Notons simplement que les actuels Parisini 2165, 2166, 2167, 2168, 2172 et 2173 qui se trouvaient à Venise aux alentours de 1525 ont, à ce titre, plus ou moins directement servi de modèle à l’édition princeps sortie des ateliers des Aides430. Le jugement de V. Nutton selon qui les manuscrits utilisés par les Aide « furent presque tous découverts dans un rayon de quelques kilo­ mètres autour du Rialto », reste donc encore en grande partie valable431. Et l ’on peut en particulier déplorer que les éditeurs se soient privés de recourir aux précieux manuscrits de Florence, Urbino ou même Rome, même si, dans le cas de Florence notamment, les éditeurs ont, dans certains cas, pu avoir une connaissance indirecte de certains manuscrits par l’intermédiaire d’un apographe432. Funghi éd., Firenze, 1996, p. 543-555. Voir mon édition de Y Art médi­ cal, Paris, CUF, 2000, p. 220, n. 161 et p. 259. 429. A. Guardasole, « Un nouveau modèle de l’Aldine de Galien : le manuscrit Rosanbo 286 » in La science médicale antique (cité n. 373). 430. E. Wenkebach, « Der hippokratische Arzt als das Idéal Galens », Quellen und Studien zur Geschichte der Naturwissenschaften und der Medizin, 1933, Band 3 Heft 4, p. 168, η. 1. 431. V. Nutton, John Caius... (cité n. 417), p. 40-41. 432. Tel est le cas du De sectis pour lequel les éditeurs aldins ont utilisé comme manuscrit secondaire l ’actuel Parisinus Suppl. gr. 35, apographe du Laurentianus plut. LXXIV, 5. Voir D. Béguin, « Sur la méthode de travail... » (cité.n. 417), p. 35 sqq. Tel est également le cas des deux livres du traité de Galien intitulé Sur le diagnostic et le traitement des passions de Pâme pour lesquels les éditeurs aldins ont utilisé le Laurentianus plut. LXXIV, 3 (ou un manuscrit proche) : voir sur ce point G. Magnaldi, « Per un’ edizione critica del Π ερί παθών di Galeno », Bollettino dei Classici, fasc. 11, 1990, p. 5-47 ; voir aussi l ’édition de ce traité due au même auteur et pâme à Rome dans la col­ lection des Scriptores Graeci et Latini de l’Académie des Lyncei en 1999, p. VIII. Déjà A. Barigazzi dans son édition du De optima doc-

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L ’ordre des traités galéniques retenu à l ’intérieur de ces cinq volumes de l ’édition princeps est aussi l’occa­ sion de s’interroger sur l’émergence d ’une nouvelle orga­ nisation du corpus galénique dont L-B. Opizzoni apparaît comme le principal responsable433. Le premier volume rassemble en effet les écrits isagogiques, puis physiolo­ giques pi anatomiques ; le deuxième, les traités pharma­ cologiques ; le troisième, les œuvres traitant du diagnos­ tic, du pronostic, de sphygmologie et de pathologie ; le quatrième, les écrits consacrés à la thérapeutique et l ’hy­ giène ; le cinquième, les commentaires de Galien aux écrits hippocratiques. Cette nouvelle organisation du cor­ pus galénique prend donc quelque peu ses distances, d’une part avec les vœux exprimés par Galien lui-même, et d ’autre part avec le canon alexandrin. En effet, si le médecin de Pergame recommandait déjà dans le Sur Vordre de ses propres livres d ’aborder la lecture de son œuvre par les écrits pour les débutants, effectivement ras­ semblés par Opizzoni dans le premier volume, en revanche, la physiologie y précède l’anatomie contraire­ ment aux explications développées de Galien sur ce point434. Suivent, en bonne place, les traités pharmacolo­ giques (volume II) cependant séparés des ouvrages sur l ’hygiène (volume IV) avec lesquels Galien les fait pour­ tant figurer en étroite relation à l ’intérieur du Sur l'ordre de ses propres livres. L ’Aldine se clôt sur les commentrina, CMG V 1, 1, Berlin, 1991, p. 22 avait identifié le Laurentianus plut. LXXIV, 3 (ou un manuscrit proche de L) comme le modèle de l ’Aldine. Voir aussi dans ce volume notre notice au Que Vexcellent médecin est aussi philosophe. 433. Nous disposons depuis peu de la thèse de C. Domingues, Recherches sur les éditions... (cité n. 418). Voir aussi du même auteur, « L’aménagement du continent galénique à la Renaissance : les édi­ tions grecques et latines des œuvres complètes de Galien et leur orga­ nisation des traités », in V. Boudon-Millot et G. Cobolet éd., Lire les médecins grecs à la Renaissance. Aux origines de Védition médicale, Paris, diff. De Boccard, 2004, p. 163-185. 434. Sur Vordre de ses propres livres IL 5 et 6.

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taires à Hippocrate (volume V) auxquels, toujours selon Galien, devait succéder la lecture de ses ouvrages, hélas perdus, sur la logique et la démonstration, ainsi que sur le vocabulaire attique. On constate, malgré tout, que l’orga­ nisation des traités orchestrée par Opizzoni est finalement assez proche de celle souhaitée par Galien. Après les ouvrages d’anatomie et de physiologie (dont l ’ordre est inversé par rapport aux prescriptions galéniques) suivent, en effet, les traités relatifs à la pharmacologie, au dia­ gnostic, à la pathologie et à la thérapeutique, dans un ordre cette fois relativement conforme aux recommanda­ tions de Galien dans ses deux traités biobibliographiques, même si la lecture des livres consacrés au pronostic est censée intervenir plus tard. Au total, le choix des éditeurs aldins s’avère donc plus fidèle à l ’esprit galénique que celui des Alexandrins qui, tout en respectant la succes­ sion des écrits isagogiques, anatomiques, physiologiques, pathologiques et thérapeutiques, n’hésitèrent pas, à l’inté­ rieur du canon, à bannir la presque totalité des commen­ taires hippocratiques, seulement représentés par le Sur les éléments selon Hippocrate. L ’édition Aldine de 1525 devait ainsi durablement res­ ter la source principale de toutes les éditions qui suivront et qui s’en inspireront largement : édition de Bâle de 1538435, de R. C hartier (Paris, 1679)436 et de C. G. Kuhn (Leipzig, 1821-1833)437. Certains exemplaires de 435. J. Camerarius, L. Fuchs et H. Gemusaeus, Galeni opera omnia, 5 volumes, Bâle, Froben, 1538. Sur les sources utilisées par les éditeurs pour la préparation de cette édition, voir B. Gundert, « Zu den Quellen der Basler Galen-Ausgabe (1538) » in Àrzte und ihre Interpreten (cité n. 74), p. 81-100. 436. R. Chartier, Galeni opera omnia, 13 volumes, Paris, 16391679 (première édition bilingue gréco-latine). Sur R. Chartier, voir J. Kollesch, « René Chartier als Herausgeber der Werke Galens », Anti­ quitas Graeco-Romana ac tempora nostra. Acta congressus intemationalis habiti Brunae diebus 12-16 mensis Aprilis MCMLXVI, Prag, 1968, p. 525-530. 437. C. G. Kühn, Galeni opera omnia, vol. I-XX, Leipzig, 1821-

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ces éditions doivent tout particulièrement retenir l’atten­ tion des éditeurs de Galien, car ils portent des notes manuscrites susceptibles d’en améliorer le texte. Principales éditions imprimées et annotées -L’Aldine de John Clement438 iUn exemplaire de l’édition aldine de Galien, aujour­ d’hui cônservé à TUniversitatsbibliothek de Leyde439, et malheureusement incomplet (il manque le volume I, la première partie du volume III, les ff. 1-6 du volume IV440 et le volume V), porte les traces d ’annotations manus­ crites marginales que B. Gundert a récemment mises en relation avec les mêmes annotations portées par la même main en marge du Parisinus gr. 2165. Ce manuscrit de Paris est bien connu des éditeurs de Galien pour avoir servi de modèle à l ’Aldine pour tous les traités galé­ niques qu’il nous a transmis et nous avons vu plus haut qu’il avait appartenu à John Clement (1495-1572), un des principaux artisans de Veditio princeps de Galien. Aussi B. Gundert propose-t-elle d ’identifier cette main annotatrice comme celle de John Clement. Cet érudit aurait collationné son exemplaire personnel de l’Aldine avec le Parisinus gr. 2165 en sa possession et sur lequel il avait autrefois noté les corrections qu’il désirait intro­ duire dans l’édition aldine alors en préparation. Ces cor­ rections n ’ayant pas été toutes prises en compte ni inté­ grées par les éditeurs aldins, le travail préparatoire de John Clement fut finalement utilisé par les éditeurs de 5

1833 (réimpr. Hildesheim, G. Olms, 1965 et Paris, Bibliothèque Inter­ universitaire de Médecine, Collection Médic@, 2002). 438. Ce développement emprunte à la communication de B. Gun­ dert (citée n. 435). 439. Sous la cote 1366 A 9-11. 440. Perte qui correspond à la chute du temion** qui contenait le De libris propriis et le De ordine librorum suorum.

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Bâle qui intégrèrent, dans leur nouvelle édition de Galien parue en 1538, bon nombre des variantes ainsi notées par John Clement. -L’Aldine de Comarius441 L ’érudit allemand originaire de Zwickau, Janus Cornarius (ca. 1500-1558)442 acquit en septembre 1532 un exemplaire de l’édition Aldine de 1525 aujourd’hui conservé à la Bibliothèque universitaire d ’Iéna443 et qu’il annota de 1532 à sa mort, ou plus vraisemblablement de 1532 à 1549, date à laquelle parut à Bâle chez Froben son édition latine des œuvres de Galien pour laquelle il avait effectué ce travail préparatoire. Plusieurs de ces correc­ tions et conjectures sont susceptibles d’améliorer le texte de Galien et méritent l ’attention des éditeurs. -La Basiléenne de Caius Le médecin et helléniste anglais John Caius ( 1 5 1 0 1573)444 a porté des notes et des corrections dans son exemplaire personnel de l’édition de Bâle de 1538 aujourd’hui conservé à la bibliothèque de l ’Eton Col­ lege445. Plusieurs de ces corrections sont attribuées par J. Caius à un mystérieux codex Adelphi qui a de longue date attisé la curiosité des philologues446. 441. Chr. G. Gruner, îani Cornarii... conjecturae et emendationes Galenicae, Iena, 1789 ne donne qu’un relevé incomplet des notes de Comarius. 442. B. Mondrain, « Éditer et traduire les médecins grecs au XVIe siècle. L ’exemple de Janus Comarius », Les voies de la science grecque, D. Jacquart éd., Genève, Droz, 1997, p. 391-417. Sur Coma­ rius, voir aussi la thèse de M.-L. Monfort, L'apport de Janus Coma­ rius (ca. 1500-1558) à l'édition et à la traduction de la collection hip­ pocratique, Thèse de doctorat soutenue en 1998 à l’université de la Sorbonne-Paris IV. 443. Sous la cote ThULB Jena : 2 Med. V, 2. 444. Voir la monographie de V. Nutton, John Caius... (cité n. 417). 445. Sous la cote Fc 2 6-8. 446. Sur le codex Adelphi, voir infra p. ccxx-ccxxv.

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-La Basiléenne de Coray Adamante Coray (1748-1833) a porté des corrections en marge d’un exemplaire de l’édition de Bâle déjà annoté par un précédent possesseur et actuellement conservé dans la bibliothèque de Chios447. Une partie de ces corrections (on recense plus de mille corrections inégalepient réparties dans les cinq volumes) a été utili­ sée et incorporée par Kühn dans sa propre édition44849. -Le Codex Adelphi de Caius et l’édition Goulston Il est difficile de déterminer avec certitude l’origine de l’appellation codex Adelphi (ou codex του άδελφου). John Caius semble avoir été le premier à mentionner, vers 1550, un codex Adelphi dans les notes manuscrites qu’il porta en marge de son exemplaire personnel de l’édition de Bâle. J. Caius mentionne en effet, à la fin du dernier volume de cette édition, qu’il a effectué ses cor­ rections secundum codicem Adelphi. L ’érudit anglais Theodore Goulston (1574-1632) dont l ’édition posthume mise au point par Thomas Gataker paraît à Londres en 1640, eut également recours à ce témoin qu’il mentionne sous le même nom de codex Adelphi449. Cette édition de Goulston contient neuf traités galéniques et une intéres­ sante postface (p. 249) intitulée In Galenum lectiones 447. N° 5621 des livres de la Bibliothèque de Chios. 448. Sur Tactivité philologique de ce savant, voir J. Jouanna, « Coray et la médecine grecque », in R. Andréani, H. Michel et E> Pélaquier éd., Hellénisme et hippocratisme dans ΓEurope méditerra­ néenne : autour de D. Coray, Montpellier, 2000, p. 71-88. Voir aussi A. Bazou, « Adamantios Coray et ses corrections inédites sur Galien », Ecdotica e ricezione dei testi medici greci, Actes du Vé Col­ loque international (Naples, 30 septembre-2 octobre 2004) édités par V. Boudon-Millot, A. Garzya, J. Jouanna et A. Roselli, Napoli, M. D ’Auria Editore, 2006, p. 465-480. 449. Nous avons conservé les notes préparatoires de Goulston à son édition dans un exemplaire de l’édition de Bâle aujourd’hui conservé à la Marsh Library de Dublin. Jean-Paul Pittion m ’a cepen­ dant indiqué que seul le premier volume de cette édition annotée était conservé à Dublin.

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variae et adnotationes dans laquelle Goulston a rassem­ blé toutes les corrections, additions, variantes et conjec­ tures trop importantes ou trop longues pour être mention­ nées et discutées dans le texte ou dans les marges. C’est là l’occasion pour Goulston de donner de précieuses indi­ cations sur ses outils de travail. Cette postface se com­ pose en effet de deux parties respectivement intitulées : I-

De exemplaribus quibus utimur, tam manu quam typo aratis II- De textu et emendatione nostra consacrée aux diffé­ rentes corrections et annotations proposées par l’édi­ teur. Seule la première partie nous intéresse ici. Elle contient l’inventaire des manuscrits utilisés par Goulston, au nombre de quatre : Manuscripti Codd. Graeci veteres (qui vel ipsi, vel eorum transcripta ad manus nostras per­ venerunt) numero IV sunt. Suit la liste de ces quatre manuscrits, ou considérés comme tels, avec l ’indication du sigle utilisé pour les désigner : 1- Adelphi Codicem manuscriptum notat, Ad450. 2- Regium, seu Bibliothecae Regis Britannici Codi­ cem, Re. 3- Londinensem Codicem manuscriptum, Lond. 4- Venetum manuscriptum, Ven. Puis viennent les éditions proprement dites, désignées sous le nom latin d 'excusi Codices Graeci, c ’est-à-dire : 1-Editio Aldina, anno 1525, Aid. et 2-Basiliensis, anno 1538, Ba. Deux traductions latines sont en outre signa­ lées, la première désignée sous le nom de Latinus anti­ quus Interpres, excus. Papiae, 1515 (= Ant.) et une seconde désignée sous le nom de Latina editio Veneta luntarum, anno 1597 (= Vet. Lat.) que l’on peut identi450. Mais on trouve aussi dans l’édition de Goulston, en concur­ rence avec Ad., le sigle Adel.

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fier, étant donné les dates, la première comme l ’édition de Rusticus Placentinus451 et la seconde comme la sep­ tième édition Juntine des Œuvres complètes de Galien452. G. Kaibel, en 1894, dans son édition du Protreptique de Galien, croit encore en l ’existence des pseudo-manuscrits de Goulston et en déplore la perte : « Pari fortunae iniqui­ tate accidit ut ei quoque duo codices quos Theodorus Goulston adhibuit cum Cl. Galeni Pergameni opuscula varia Lôndini a. 1640 ederet, Londinensis alter, alter Adel­ phi quem appellavit codex, aut perierint aut ita lateant ut adhuc reperiri non potuerint »453. De même H. Diels, dans son catalogue des manuscrits grecs des anciens médecins, paru en 1905, continue de mentionner le codex Adelphi au nombre des « griechischen Handschriften ». Or, comme l’a bien montré V. Nutton dans sa mono­ graphie consacrée à J. Caius, il existe au moins deux rai­ sons de douter sérieusement de l ’existence de ce mysté­ rieux manuscrit : la première tient à l’absence de tout manuscrit susceptible de correspondre à la description du codex Adelphi dans nos différents catalogues de manus­ crits actuels ; la seconde tient aux dimensions tout à fait inhabituelles que devrait revêtir un tel manuscrit, puisque les annotations de Caius concernent la plupart des traités du volume I de l’édition de Bâle, soit quinze traités dont certains sont composés de plusieurs livres pour lesquels Caius a noté à chaque fois des leçons tirées du codex AdelphP54. Cependant la nature des annotations de Caius évoque plus des leçons tirées de la collation de manuscrits que de simples conjectures d ’érudits455. Aussi, V. Nutton 451. Voir supra, p. ccxi. 452. Voir supra, p. ccxi. 453. Claudii Galeni Protreptici quae supersunt edidit Georgius Kaibel, Berolini apud Weidmannos, 1894. 454. Voir la liste de ces quinze traités donnée par V. Nutton, John Caius... (cité n. 417), p. 60. 455. Même si, sur ce dernier point, les avis diffèrent. Voir en par­ ticulier D. Béguin, « L’édition Goulston et les prétendus manuscrits

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estime-t-il que J. Caius, sous le nom de codex Adelphi, se réfère en réalité à un exemplaire imprimé (vraisemblable­ ment un exemplaire de l’édition Aldine parue à Venise en 1525) mais déjà annoté, peut-être par un certain Adel­ phus. Sur l’auteur de ces collations (ou annotations), on peut seulement affirmer qu’il semble avoir été actif au plus tôt dans les années 1525-1526 et avoir eu accès à plu­ sieurs manuscrits grecs de qualité. Quant à Caius, d’après l’examen de son écriture, à propos de laquelle V. Nutton est parvenu à distinguer différentes périodes, il aurait eu accès au codex Adelphi dans le milieu ou vers la fin des années 1550, si ce n’est encore plus tard. Ensuite, Goulston lui-même devait à nouveau collationner pour son propre compte le codex Adelphi en procédant, semble-t-il, à des collations plus systématiques que celles de Caius puisqu’il attribue au codex Adelphi des leçons non rele­ vées par ce dernier456. La personnalité de cet Adelphus reste cependant aujourd’hui encore entourée du plus grand mystère. E. Wenkebach457 a émis plusieurs hypothèses à son sujet : Adelphus serait une déformation de Filelfus ; ou encore Adelphus désignerait un « frère », c ’est-à-dire un moine et plus précisément Thomas Clement, fils de John Clé­ ment, ou bien encore Thomas Lupset (mort en 1530) qui résidait alors à Oxford. Thomas Lupset, tout comme John Clement qui possédait une importante bibliothèque et de nombreux manuscrits grecs dont plusieurs furent utilisés par les éditeurs aldins, firent en effet tous deux partie de l ’équipe éditoriale chargée de préparer l’édition Aldine perdus de Galien », Revue d ’Histoire des Textes 19, 1989, p. 341-349 qui n ’est pas parfaitement en accord avec V. Nutton pour reconnaître la supériorité des corrections de J. Caius. 456. Voir les exemples relevés par V. Nutton, John Caius... (cité n. 417), p. 62 et par moi-même dans mon édition du Protreptique, Paris, CUF, 2000, p. 55 sqq. 457. E. Wenkebach, « Textkritische Beitrâge zu Galens Protreptikosfragment », Sudhoffs Archiv 26, 1933, p. 211 et « Der hippokratische Arzt als das Idéal Galens » (cité n. 428), p. 376.

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de Galien. Mais en réalité aucune de ces hypothèses ne peut être sérieusement envisagée, le nom d ’Adelphus pouvant difficilement servir à désigner l’un ou l’autre de ces personnages. V. Nutton, quant à lui, a dans un pre­ mier temps proposé d’identifier notre Adelphus avec le seul humaniste connu pour avoir adopté ce nom latin : Johannps Müling (ou Mühling) de Strasbourg458 dont le floruit Se situe entre 1500 et 1523, traducteur d’Érasme et éditeur ^d’œuvres anatomiques. Mais la date de sa mort est inconnue et en particulier il n ’est pas certain qu’il fût encore vivant en 1525, date de la parution de l’édition Aldine et encore moins qu’il ait pu disposer du temps suffisant pour collationner les manuscrits correspondant à la quinzaine de traités annotés. Reste en outre à expliquer comment son exemplaire personnel annoté a pu passer de Suisse, où il travailla à la fin de sa vie, en Angleterre où Caius, puis Goulston eurent l ’occasion de le consulter. Aussi V. Nutton, en 1992, a-t-il proposé une autre identi­ fication en la personne de John Freare ou Friar (c. 14991563), collègue et ami de John Clement459. Quoi qu’il en soit de l’identité exacte de ce mystérieux Adelphus, ce qui paraît en revanche assuré, c’est que le propriétaire de l ’édition aldine en question l ’a annotée de sa main entre les années 1525-1550 et que cet exemplaire annoté, vendu après sa mort, se trouvait en Angleterre au moment où Caius, puis Goulston, l ’ont successivement utilisé et annoté, en le désignant sous le nom de codex Adelphi, dans leurs travaux respectifs. Depuis, le codex Adelphi a disparu. L ’origine des corrections apportées par Adelphus en marge de son exemplaire personnel de ce qui paraît avoir été une édition aldine reste, quant à elle, inconnue. Dans le cas particulier du Protreptique, A. Barigazzi, dans son édition du CMG, avait supposé qu’outre l’Aldine, Adelphus avait pu puiser à la traduc458. V. Nutton, John Caius... (cité n. 417), p. 63. 459. V. Nutton, « The Galenic codices of Theodore Goulston », Revue d'Histoire des Textes 22, 1992, p. 267. ..

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tion latine d ’Érasme. Pour ma part, j ’avais cependant noté, au moins dans le cas précis du Protreptique, que parmi les corrections imputables au codex Adelphi et reconstruites à partir des témoignages conjoints de Caius et de Goulston, certaines s’éloignaient notablement à la fois de l’édition Aldine de 1525 et de la traduction érasmienne460. Aussi n ’est-il pas impossible de supposer qu’au moins dans ce cas l’annotateur du codex Adelphi ait pu avoir accès à une source inconnue de nous, un manuscrit du Protreptique aujourd’hui perdu. En outre, l’accord constaté à plusieurs reprises461 entre le texte adopté par Caius et celui attribué par Goulston à un certain codex Londinensis permet de conclure sans hésitation possible que Goulston se réfère en réalité, sous cette appellation, à l’exemplaire personnel de J. Caius, c ’est-à-dire à l’édition de Bâle annotée par ses soins. On sait en effet que Goulston eut l ’occasion de consulter cet exemplaire à Londres, vers 1600/1601, avant son acquisi­ tion par l’Eton College, d’où ce nom de codex Londinen­ sis. Outre les leçons attribuées au codex Adelphi, dont Goulston a fait une collation personnelle, il a pu y relever quantité de leçons tirées des manuscrits italiens collation­ nés par Caius, ainsi que de nombreuses conjectures cependant jamais distinguées en tant que telles. Quant au codex Venetus utilisé par Goulston, V. Nutton s’est légitimement étonné qu’un érudit qui était connu pour n’être jamais sorti d’Angleterre puisse avoir eu la possibi­ lité de collationner des manuscrits conservés en Italie462. Aussi V. Nutton a-t-il émis l’hypothèse que l’expression codex Venetus employée par Goulston renvoyait là encore à des notes prises par Caius à partir de marginalia conser­ vées dans l’une des nombreuses éditions Juntines de 460. Voir mon édition du Protreptique dans la CUF, Taris, 2000, p. 54 sqq. 461. Toujours à propos du Protreptique, voir les exemples cités, Ibid., p. 57. 462. V. Nutton, John Caius... (cité n. 417), p. 54.

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Galien, précisément parues à Venise dans les années 1550463. Quant au codex Regius, V. Nutton n ’en a trouvé nulle trace dans nos catalogues modernes de manuscrits. Le plus vraisemblable est qu’il s’agissait d ’une édition anno­ tée de Galien, conservée à la Royal Library de Whitehall, et qui ayrait péri lors d’un des deux incendies successifs qui frappèrent cette bibliothèque en 1691 et 1698, hypo­ thèse là fencore impossible à vérifier. -Les notes imprimées de Gadaldini Agostino Gadaldini (1515-1575), médecin de Modène, étudia à Ferrare dans les années 1539464. Il participa de façon active à l’entreprise initiée par Montanus pour publier les œuvres complètes de Galien en latin chez les Junte. La première édition dite Juntine (Venise, 1541-42) doit ainsi beaucoup à ses notae manuscrites. Mais il faut attendre les deuxième et troisième éditions Juntines de 1550 et 1556 qu’il prépara lui-même pour en avoir une connaissance directe. Il établit en effet à cette occasion de nouvelles traductions latines de plusieurs traités qu’il accompagna de notes marginales imprimées. -L’Aldine de Scaliger L’érudit Joseph Justus Scaliger (1540-1609)465 nota dans les marges de son exemplaire personnel de l’Aldine, aujour­ d’hui conservé à l’Herzog August Bibliothek de Wolfenbüt463. V. Nutton, John C aius. . p. 54 ; du même, « The Galenic codices... » (cité n. 451), p. 261. 464. Sur A. Gadaldini, voir I. Garofalo, « Agostino Gadaldino (1515-1575) et le Galien latin », in Lire les médecins grecs à la Renaissance (cité n. 433), p. 283-321. Il est possible de retrouver la trace de certains de ses manuscrits à la bibliothèque Estense de Modène, voir D. Fava, « Alfonso d’Este raccoglitore di codici greci », Rend. Ist. Lomb. Sc. Leît . s. 2, 51, 1918, p. 490-493. 465. Sur cet érudit, voir les travaux d’A. Grafton, Joseph Scaliger. A Study in the History ofC lassical Scholarship, Oxford, Warburg Studies, t. I et II, 1983-1993, et R. Smitskamp, The Scaliger Collection, Supplément by A. T. Grafton et H. J. De Jonge, Leiden, 1993.

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tel466, des corrections et conjectures vraisemblablement ins­ pirées par les manuscrits grecs qu'il vit en Italie lors d’un voyage entrepris dans les années 1565. Selon V. Nutton, il se serait rendu à Florence, et peut-être à Pavie467. La Renaissance devait ainsi voir s’épanouir la diffusion du texte galénique avec la parution, pour la seule année 1537, de seize traductions latines suivies, en 1538, de plus d’une vingtaine de traductions nouvelles, année décidé­ ment faste pour les études galéniques qui, outre la publi­ cation en grec des Galeni opera omnia à Bâle, s’accom­ pagna de la première traduction de Galien en français468. En fait, depuis 1525, date de l ’édition princeps du cor­ pus galénique en grec et depuis l ’époque florissante de la Renaissance qui voyait paraître chaque année des édi­ tions latines ou grecques de tel ou tel traité particulier, peu de progrès semblent véritablement avoir été accom­ plis au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Ni l ’édition de Chartier (Paris, 1639-1679)469, ni celle de Kühn (Leipzig, 1821-1833) n’ont beaucoup contribué au progrès des études galéniques. 466. Sous la cote : 8. Gud. Lat. ’2. 467. V. Nutton, John C aius. .. (cité n. 417), p. 93, n. 28. Dans le cas du Pronostic , Scaliger a ainsi pu consulter un manuscrit aujourd’hui perdu (voir l ’édition du Pronostic par V. Nutton dans le CMG V 8, 1, p. 46), même si ces annotaions ne présentent pas d’intérêt pour l’éta­ blissement du texte (p. 45, n. 2). 468. Sur les traducteurs latins de la Renaissance dont le nombre impressionnant (plus d ’une centaine) exclut tout traitement systéma­ tique, voir R J. Durling, « A chronological census... » (cité n. 417) et les travaux de S. Fortuna notamment « Edizioni e traduzioni del De locis affectis di Galeno tra Cinquecento e Seicento », Bollettino dei classici 14, 1993, p. 3-30. La première traduction française concerne le livre XIII de la Méthode thérapeutique traduit par J. Canappe à Lyon. L ’apogée fut atteint en 1549 avec plus de trente éditions séparées parues en une seule année. Le déclin ne s’amorça que dans les années 1560 et suivantes. 469. Sur René Chartier, outre l’article cité n. 436, voir J. Kollesch, « René Chartier Herausgegeber Fàlscher der Werke Galens », Klio 48, 1967, p. 183-198.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

L ’édition de Kühn, la dernière en date des éditions complètes de Galien en grec, mérite une mention spé­ ciale. Bien que dépourvue d ’apparat critique470 et de tra­ duction dans une langue moderne, l ’édition de Kühn, malgré ses nombreux défauts, continue en effet aujour­ d’hui encore à faire figure d ’édition de référence471. Si l ’on excepte les Galeni Scripta Minora parus à Leipzig entre 1$84 et 1893 qui ne concernent que quelques traités particuliers472, la seule édition destinée à être complète et vraiment scientifique était celle du Corpus Medicorum Graecorum dont la cinquième partie est consacrée à Galien avec un premier volume paru en 1914473. Le pro­ jet d ’édition des Œuvres de Galien dans la C.U.F. est né, quant à lui, dans les années 1990 et l’article paru en juin 1993 pour annoncer et présenter cette entreprise constitue en quelque sorte son véritable acte de naissance474. Depuis cette date, outre le présent volume, deux tomes sont effectivement parus, un autre est sous presse et plu­ sieurs autres sont en préparation au sein de l’UMR 8167, laboratoire « Médecine grecque », signe de la vitalité de cette équipe de recherche du CNRS. L ’histoire du texte galénique ainsi retracée dans l’Introduction générale de la présente édition, sans se substituer aucunement aux édi­ teurs de chaque traité particulier, n ’a donc d ’autre ambi­ tion que d’ouvrir la voie à ces travaux futurs. 470. A quelques exceptions près. 471. Sur cette édition Karl Gottlob Kühn and His Edition o f the Works o f Galen. A Bibliography Introduced and Compiled by V. Nutton, Oxford, Oxford Microform Publications, 1976. Voir aussi K. Schubring, Bibliographie Hinweise zu Galen dans le volume 20 de la réimpression parue à Hildesheim, 1960, p. xvii-lxi. 472. Voir les Scripta Minora I, éd. J. Marquardt, Leipzig, 1884 ; SM II, éd. I. Müller, 1891 ; SM III, éd. G. Helmreich, 1893. 473. Cette collection compte aujourd’hui vingt-sept volumes de Galien parus et sept en préparation. 474. J. Jouanna et V. Boudon, « Présentation du projet d ’édition de Galien dans la Collection des Universités de France », BAGB juin 1993, p. 101-135.

HISTOIRE DU TEXTE

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En conclusion, l’histoire du texte galénique ne saurait se confondre avec les étapes constitutives d ’un véritable corpus clairement identifié. S’il y eut des moments dans l ’histoire où, comme à Alexandrie, ou plus modestement à Saleme, certains maîtres de médecine manifestèrent cette ambition de rassembler les textes galéniques au sein d’un unique corpus, cette ambition aussi idéale qu’hypothé­ tique resta toujours limitée dans le temps et dans ses dimensions. L ’œuvre de Galien, en effet, avec plus de cent cinquante traités conservés en grec, se prêtait mal à une telle entreprise. Le cardinal Bessarion en fit lui même l’expérience quand il entreprit de réunir l’œuvre du méde­ cin de Pergame. De ce point de vue, en effet, le corpus galénique, bien qu’étant l’œuvre d’un seul auteur, n ’est en rien comparable, par ses dimensions et son histoire, au corpus hippocratique. L ’histoire du texte de Galien conti­ nue donc de s’écrire, aujourd’hui encore, au fil des édi­ tions séparées, consacrées à tel ou tel traité ou ensemble de traités, qui continuent de paraître régulièrement. Aussi le nom de Corpus Galenicum, bien plus modestement, n ’est-il plus guère utilisé désormais, parmi les Galénistes, que pour désigner la liste, au demeurant très utile, établie par G. Fichtner de tous les traités de Galien, conservés ou non, et accompagnés d ’une bibliographie475. Signalons enfin le site Internet de la Bibliothèque Interuniversitaire de médecine à Paris qui, en accueillant la vaste entreprise de numérisation des éditions imprimées de Galien476, consultables en ligne depuis le monde entier, constitue l’un des tout derniers avatars de la longue histoire du galé­ nisme et de sa diffusion. 475. Corpus Galenicum. Verzeichnis der galenischen und pseudogalenischen Schriften, zusammengestellt von G. Fichtner, Tübingen, Institut für Geschichte der Medizin, régulièrement enrichi et mis à jour (écrire à l’auteur pour obtenir la dernière version : Goethestr. 6 D-72076 Tübingen). 476. Le site de la BIUM est accessible à l’adresse suivante : http ://www.bium.univ-paris5.fr (rubrique Médic@).

III. LE CORPUS GALÉNIQUE AUJOURD’HUI Au terme de cette présentation du corpus galénique, il convient de fournir, à tout lecteur désireux d ’aborder l’œuvré du médecin de Pergame, les quelques clés qui lui permettront d’entrer dans cet univers aussi dense que complexe. Pour autant, nous devons renoncer ici, dans l’espace nécessairement limité de cette édition, à dresser la liste de tous les traités galéniques, authentiques et inauthentiques, conservés ou non1. Nous pourrions sans doute céder à la facilité qui consisterait à affirmer, à la suite de l’auteur de la Souda, qu’il est de toute façon inutile de dresser la liste des œuvres de Galien, étant donné qu’elles sont connues de tous2. En réalité, une telle entreprise a déjà été tentée, notamment par G. Fichtner, dont le Corpus Galenicum cité plus haut constitue un vade-mecum indispensable pour tout lecteur de Galien3. Mais surtout, je me bornerai à indiquer ici les principaux outils à la disposition du lecteur curieux pour, selon ses goûts, ses motivations et ses compétences linguistiques, aborder le corpus galénique dans les meilleures condi­ tions possibles. S’il faut donner quelques chiffres, il convient de rap­ peler que le corpus galenicum rassemble plus de 440 trai­ tés galéniques ou pseudo-galéniques, conservés ou non4. 1. J ’ai le projet de rassembler un ensemble de courtes notices consacrées à chacun des traités de Galien, conservés ou non, et présen­ tées sous la forme de liste alphabétique. Ces notices auront pour ambi­ tion de rendre les mêmes services que celles rédigées par J. Jouanna dans son Hippocrate, Paris, 1992, p. 524 sqq. 2. Voir Testimonium n° 10. 3. Voir supra n. 475. 4. 441 traités très exactement selon le dernier relevé de G. Fichtner dans son Corpus Galenicum (cité n. 475). Il en mentionnait 434 en 1990. Cette liste ne cesse donc de s’élargir.

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Les seuls traités conservés de Galien représentent ainsi près du huitième de la littérature conservée d ’Homère à la fin du IIe siècle de notre ère, et près du dixième de tous les textes conservés d ’Homère à 350 de notre ère. Toute­ fois, comme le note à juste titre V. Nutton, un décompte exact s’avère impossible5. En effet, d ’une part Galien a lui-même omis dans ses deux traités biobibliographiques, Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres, de mentionner ceux de ses ouvrages qu’il croyait défini­ tivement perdus ou détruits par l ’incendie de 192, et d’autre part, il n ’existe pas de liste ancienne des traités galéniques. Hunain ibn ishaq lui-même, quand il entre­ prend dans sa Risala, au IXe siècle de notre ère, de dres­ ser la liste des traités de Galien connus de lui à cette date et ayant bénéficié d’une traduction syriaque ou arabe, mentionne 129 titres dont 50 non cités par Galien dans ses traités biobibliographiques6. La part des traités conservés seulement en traduction (arabe ou latine) représente ainsi près de vingt à trente pour cent de la tota­ lité du corpus disponible aujourd’hui7. 5. V. Nutton, Ancient Medicine, London and New York, Rout­ ledge, 2004, p. 390, n. 22. 6. Voir Hunain ibn Ishaq iiber die syrischen und arabischen Galen-Übersetzungen (cité p. cxv, n. 82). 7. Les récentes découvertes de textes en traduction notamment arabe (voir par exemple I. Garofalo pour la découverte de la Synopsis du Sur la méthode thérapeutique dans « Una nuova opera di Galeno in traduzione araba », Studi classici e orientali 47, 1999, p. 9-19 et l’édi­ tion du Commentaire à Airs, eaux, lieux en préparation par G. Strohmaier dans le CMG), ou latine (voir par exemple le traité pseudo-galé­ nique Galeni qui fertur ad Glauconem liber tertius mais qui rassemble des matériaux galéniques authentiques, édité par K. D. Fischer dans I. Garofalo et A. Roselli éd., Galenismo e medicina tardoantica... , cité p. cxxvii, n. 124, p. 285-346) ne cessent d’accroître cette proportion. La récente découverte du manuscrit Vlatadon 14 qui nous a conservé tout ou partie de quatre traités de Galien (Sur Vinutilité de se chagriner, Sur ses propres opinions, Sur Vordre de ses propres livres et Sur ses propres livres ) permet cependant de nourrir l’espoir de retrouver encore d’autres textes galéniques, en grec cette fois.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

La manière la plus rapide, sinon la plus sûre, pour aborder le corpus galénique reste toujours l’édition de Kühn (Leipzig, 1821-1833) qui avec ses vingt-deux volumes et ses près de 16 000 pages continue de faire référence pour tous les traités de Galien qui n’ont pas encore fait l ’objet d’une édition critique récente8. Pour les autres, on consultera les éditions parues dans la col­ lection allemande du Corpus Medicorum Graecorum qui, de 1914 (date du premier volume paru) à 2001, compte exactement dix-neuf volumes auxquels il faut ajouter quatre volumes parus dans le Supplementum et quatre autres dans le Supplementum Orientale, et enfin sept autres dont la parution est annoncée ou en préparation9. En français, il faut bien sûr signaler le projet d ’édition des Œuvres de Galien engagé dans la Collection des Uni­ versités de France, projet annoncé dès 1993 et qui, avec le présent volume, compte désormais trois volumes parus, un sous presse et plusieurs autres en préparation10. Il faudrait aussi citer les éditions séparées qui ont récem­ ment vu le jour dans des collections et chez des éditeurs divers, mais sans appartenir à un projet d ’édition de l’en­ semble du corpus11. 8. Voir Karl Gottlob Kühn and His Edition o fth e Works ofG a len . . cité p. ccxxvm, n. 471. L’édition de Kühn présente, dans la partie supé­ rieure de chaque page, le texte grec accompagné, dans la partie infé­ rieure, d’une traduction latine elle-même empruntée à différentes sources et qui, dans bien des cas, ne correspond que de très loin avec le texte grec qu’elle est censée traduire. Rappelons également qu’il ne s’agit pas d’une édition critique et qu’à quelques exceptions près, elle est également dépourvue d’apparat critique, de notes et de commentaires. 9. On trouvera une annonce régulièrement mise à jour de toutes ces parutions, ainsi que le titre exact et le contenu de chacun des volumes de la collection du CMG sur le site internet de la Brandenburgische Akademie der Wissenschaften (http ://cmg.bbaw.de). 10. Voir V. Boudon et J. Jouanna, « Présentation du projet d’édi­ tion de Galien dans la Collection des Universités de France », Bulletin de VAssociation Guillaume Budé, 1993, p. 101-135 (avec bibliographie sommaire sur chacun des traités). 11. Voir H. Leitner, Bibliography to the A ncient M edical Authors,

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Toutefois, le corpus galénique n ’a jusqu’à ce jour jamais fait l ’objet, dans son ensemble, d ’une traduction dans une langue moderne. Aussi les non hellénistes devront-ils se contenter, pour les lecteurs francophones, du choix de traductions publiées à Paris à partir de 1854 par Ch. Daremberg12 et liront avec profit l ’ouvrage de P. Moraux consacré à la traduction des passages et anec­ dotes autobiographiques puisés dans l’ensemble du cor­ pus13, ou encore les quelques traités philosophiques et logiques traduits par P. Pellegrin et son équipe14. Les lec­ teurs anglophones disposent, entre autres, depuis 1997, des traductions de P. N. Singer pour une quinzaine de traités de Galien15. Un autre ensemble de traités philoso­ phiques et autobiographiques (dont certains communs aux recueils précédemment cités) a été traduit en espa­ gnol par T. Martinez Manzano16, tandis que les lecteurs italiens disposent depuis 1978 de l ’important volume publié par I. Garofalo et M. Vegetti17. Il est naturellement impossible de signaler en détail les traductions parues pour un grand nombre d’œuvres séparées et seuls ont été with a préfacé by Ema Lesky, Bem-Stuttgart-Wien, 1973, et surtout la bibliographie rassemblée par J. Kollesch et D. Nickel, « Bibliographia Galeniana. Die Beitrâge des 20. Jahrhunderts zur Galenforschung », A N RW 37.2, 1994, p. 1351-4120. 12. Ch. Daremberg, Œ uvres anatomiques, physiologiques et médi­ cales de Galien , Paris, deux volumes, 1854 et 1856. 13. Cité p. ci, n. 37. 14. Galien, Traités philosophiques et logiques , traductions inédites par P. Pellegrin, C. Dalimier et J.-P. Levet, Paris, GF, 1998. Signalons aussi les traductions de V. Barras, T. Birchler et A.-F. Morand parues sous le titre L ’âme et ses passions , Paris, Les Belles Lettres, La Roue à Livres, 1995. 15. Galen. Selected Works, A new translation by P. N. Singer, Oxford-New York, Oxford University Press, 1997. 16. Galeno. Tratados filosoficos y autobiograficos , introducciones, traduccion y notas de T. Martinez Manzano, Madrid, Editorial Gredos, 2002 . 17. I. Garofalo e M. Vegetti, Opere scelte di Galeno , Torino, UTET, 1978.

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retenus ici les principaux recueils consacrés à un ensemble plus ou moins important de traités choisis. En ce qui concerne la chronologie des œuvres de Galien, il faut citer les études désormais classiques de J. Ilberg18 et K. Bardong1920. V. Nutton signalait en outre dans un article de 1997 que R. J. Durling, après sa contri­ bution * fondamentale sur les traductions latines de Galien^0, préparait une nouvelle chronologie de l’en­ semble des traités galéniques21. En ce qui concerne les traditions syriaques, arabes et hébraïques, signalons brièvement les travaux déjà cités de R. Degen22, M. Steinschneider23, F. Sezgin24 et M. Ullmann25. Enfin, nous l’avons dit, le lecteur moderne aussi curieux que soucieux d ’efficacité, consultera avec grand profit le site Internet de la BIUM26 qui, sous la rubrique Médic@, met actuellement à la disposition du lecteur un vaste corpus des médecins de l’Antiquité où les œuvres galéniques occupent une place de choix. Figurent en 18. J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei des Klaudios Galenos », Rheinisches M useum 44, 1889, p. 207-239 ; 47, 1892, p. 489-514 ; 51, 1896, p. 165-196 ; 52, 1897, p. 591-623 (réimprimé à Darmstadt, 1974). 19. K. Bardong, « Beitrâge zur Hippokrates- und Galenforschung », Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften zu Got tingen, phil.~ hist. Klasse, 1942, 7, p. 577-640. 20. Voir R. J. Durling, « A chronological census of Renaissance éditions... » (cité p. ccxi, n. 417). 21. V. Nutton, « Galen on theriac : problems of authenticity », Text and Tradition (cité p. cix, n. 65), p. 144 n. 23. Ce travail à ma connaissance n ’est pas encore paru. 22. R. Degen, « Galen im Syrischen... » (cité p. cxlix , n. 199). 23. M. Steinschneider, D ie hebraïschen Übersetzungen... (cité p. clxiv , n. 253). Voir aussi du même auteur, D ie arabisehen Überset­ zungen aus dem Griechischen , Graz, 1960 (Nachdruck der Zeitschriftenaufsàtze, 1889-1896). 24. F. Sezgin, Die Geschichte des arabischen Schrifttum s... (cité p. cxxvi, n. 124). 25. M. Ullmann, Die M edizin... (cité p. exx, n. 109). 26. Adresse citée p. ccxxix, n. 476.

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effet, directement accessibles en ligne, toutes les éditions majeures du corpus galénique, des premières éditions de la Renaissance aux grandes éditions du XIXe siècle27. Pour conclure, il convient de souligner que le niveau des études galéniques est encore loin d’atteindre le niveau des études hippocratiques. Galien, à la différence d’Hippocrate, n’a pas rencontré son Littré et, alors même que l ’édition par Kühn des œuvres d ’Hippocrate a été complètement éclipsée par celle du savant français et n ’est presque plus jamais citée par les spécialistes et phi­ lologues, dans le cas de Galien, comme nous l’avons vu, les vingt-deux volumes publiés à Leipzig continuent de faire référence. De même, il n ’existe pas, pour s’aventu­ rer dans l’immensité du corpus galénique, l’équivalent de l’index hippocratique publié à Gottingen à partir de 198628. Le lecteur de Galien pourra cependant trouver une aide substantielle dans les Testimonien zum Corpus Hippocraticum qui rassemblent, éditent et commentent les très nombreux passages du corpus galénique où il est fait allusion à Hippocrate29. 27. Cette entreprise de numération est le fruit d ’une collaboration active, développée dès 2001, entre la BIUM et son directeur G. Cobo­ let et plusieurs chercheurs de l’actuelle UMR 8167 Orient et Méditer­ ranée (laboratoire Médecine grecque). L ’organisation d’un colloque dont les actes ont été publiés par G. Cobolet et moi-même sous le titre « Lire les médecins grecs à la Renaissance », (Actes du colloque de Paris, 19-20 septembre 2003) chez De Boccard en 2004, a permis de présenter les principaux résultats et les enjeux majeurs de cette entre­ prise. 28. De ce point de vue, le D ictionaty o f M edical Terms in Galen publié par R. J. Durling, Leiden, Brill, 1993, ne peut apporter qu’une aide limitée et relativement ponctuelle. 29. A. Anastassiou und D. Irmer, Testimonien zum Corpus H ippo­ craticum, Teii I : Nachleben der hippokratischen Schriften bis zum 3. Jahrhundert n. Chr., Gottingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006 ; Teil II : Galen 1. Band Hippokateszitate in den Kommentaren und im Glossar, 1997 ; Teii II : Galen 2. Band : Hippokrateszitate in den übrigen Werken Galens einschliesslich der alten Pseudo-Galenica, 2001 (ces deux dernières parties fondamentales).

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Enfin, le lecteur trouvera une aide précieuse dans la succession de colloques organisés depuis la fin des années 1970 et consacrés à tel ou tel aspect particulier de l ’œuvre galénique. Sans constituer, là encore, une série aussi régulière et clairement établie que celle des col­ loques hippocratiques inaugurée à Strasbourg en 1972 par J. Jpuanna et L. Bourgey30, cette série d’études n ’en constituent pas moins une introduction indispensable au corpus galénique31. La série des colloques sur l’ecdotique régulièrement organisés alternativement à Naples et à Paris depuis 1990 recèlent également plusieurs contribu­ tions fondamentales sur l’état d’avancement des études galéniques et sur les dernières découvertes relatives à l’histoire du texte32. Munis de ces différents outils, le lec30. La collection hippocratique et son rôle dans Γ histoire de la médecine, Colloque de Strasbourg (23-27 octobre 1972), Leiden, Brill, 1975. 31. Il convient de citer dans cette catégorie : -1979 Cambridge : Galen. Problems and Prospects, V. Nutton éd., London, 1981. -1982 Kiel : G alen's method o f Healing, F. Kudlien and R. J. Durling éd., Leiden, Brill, 1991. -1986 Pavie : Le opere psicologiche di G aleno , P. Manuli e M. Vegetti éd., Napoli, 1988. -1988 Madrid : Galeno : Obra, pensamiento e influenda , J. A. Lopez Ferez éd., Madrid, 1991. -1995 Lille : Galen on Pharmacology, A. Debru, éd., Leiden, Brill, 1997. -1998 Florence : Studi su Galeno , D. Manetti éd., Firenze, 2000. -1999 Londres : Galen beyond Kühn , V. Nutton éd., London,

2002. -2002 Sienne : Galenismo e medicina tardo antica , A. Roselli e I. Garofalo éd., Napoli, 2003. -2002 Genève : Galien et la philosophie , J. Bames et J. Jouanna éd., 49e Entretiens de la Fondation Hardt, Genève, 2003. D ’autres rencontres ne sont pas encore publiées (Exeter 2005). 32. Les actes de ces colloques ont été publiés à Naples chez M. D’Auria Editore par J. Jouanna et A. Garzya : Tradizione e ecdotica dei testi medici tardoantichi e bizantini (Anacapri 29-31 ottobre 1990), 1992 ; Storia e ecdotica dei testi medici greci (Parigi 24-26 maggio

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teur pourra ainsi s’aventurer à la découverte du vaste continent galénique dont certaines parties restent encore largement inexplorées, au risque certes de s’y perdre un peu parfois, mais aussi de faire les plus belles décou­ vertes. Remerciements Mes remerciements vont en priorité à J. Jouanna pour les encouragements qu’il m ’a sans cesse prodigués et la confiance qu’il m’a toujours témoignée au long des diffé­ rentes étapes de mes études sur Galien, d ’abord en accep­ tant de diriger mes premiers travaux, puis en me confiant la responsabilité du projet d ’édition des œuvres de Galien dans la Collection des Universités de France, enfin eii m ’offrant la possibilité d ’en publier le premier volume dans cette collection. La présente édition dont il a accepté d’être le réviseur a tout particulièrement bénéficié de sa relecture attentive et exigeante, de ses précieux conseils et de ses suggestions éclairantes. Encore une fois, qu’il en soit profondément et sincèrement remercié. Mes col­ lègues galénistes, membres du laboratoire du CNRS Médecine grecque méritent également toute ma recon­ naissance, et en particulier A. Garzya, I. Garofalo, A. Roselli, D. Manetti et V. Nutton dont les travaux respec­ tifs mais aussi les réactions et les suggestions, notamment au cours des rencontres organisées dans le cadre des col­ loques sur l ’Ecdotique, ont beaucoup contribué à amélio­ rer ce travail. Je dois des remerciements tout particuliers à Z. Vesel, spécialiste du monde iranien, qui m’a aidée à obtenir les deux manuscrits arabes de Meshed utilisés dans cette édition, à A. Pietrobelli « inventeur » du 1994), 1996 ; I testi medici greci tradizione e ecdotica (Napoli 15-18 ottobre 1997), 1999 ; Trasmissione e ecdotica dei testi medici greci (Parigi 17-19 maggio 2001), 2003 ; et par V. Boudon-Millot, J. Jouanna, A. Garzya et A. Roselli, Ecdotica e ricezione dei testi medici greci (Napoli 1-2 ottobre 2004), 2006.

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manuscrit Vlatadon, à H. von Staden qui m ’a donné l’occasion de présenter les nouveaux textes de Galien découverts en grec à l’Institute for Advanced Study de Princeton. Enfin, je remercie ma collègue A. Guardasole pour sa disponibilité et son écoute toujours amicale et attentive.

SUR L’ORDRE DE SES PROPRES LIVRES

NOTICE

Les deux traités de Galien respectivement intitulés Sur Vordre de ses propres livres et Sur ses propres livres for­ ment une unité à l’intérieur du coipus galénique comme à l ’intérieur des deux manuscrits grecs qui nous les ont transmis. Il a donc été jugé plus commode de leur consa­ crer une notice commune. Rédigés par Galien au seuil de la vieillesse, à un moment où celui-ci sentit le besoin de faire le point sur son œuvre et sur sa vie, ces deux opus­ cules rassemblent de précieux et rares renseignements sur l ’enfance et la formation intellectuelle du médecin de Pergame, sur ses deux séjours romains, sur sa carrière médicale et sur les circonstances qui ont entouré la rédac­ tion de chacun de ses traités. Aussi le Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres méritent-ils plei­ nement le nom de traités biobibliographiques1. Place des deux opuscules biobibliographiques à l'inté­ rieur du corpus galénique Même si Galien n’est jamais avare d ’anecdotes et de confidences personnelles dont il se plaît à émailler les 1. Voir sur le genre biobibliographique, outre mon article « Galien par lui-même : les traités biobibliographiques (De ordine librorum suorum et De libris propriis ) », in St udi su Galeno. Scienza, filosofia, retorica e filologia. Atti dei seminario, Firenze 13 novembre 1998, a cura di D. Manetti, Università degli Studi di Firenze, Dipartimento di scienze dell’Antichità « Giorgio Pasquali », 2000, p. 119-133, l’étude de J. Mansfeld, Prolegomena. Questions to be Settled Before the Study o f an Author, or a Text, Leiden, Brill, 1994, chap. 4 et 5, p. 116-176.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

pages de son œuvre immense, les deux opuscules Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres pré­ sentent cependant la singularité d ’être entièrement dédiés à la vie et l ’œuvre de leur auteur. Il s’agit là d’une entre­ prise extrêmement originale pour l’époque et dont on cherchera en vain un parallèle exact chez les autres auteurs antiques2. Si l ’on excepte le traité Sur la calom­ nie cité|dans le Sur ses propres livres (c. XV. 5) dont Galien précise qu’il y était également question de sa propre vie, mais qui est hélas perdu en grec comme en arabe, deux autres traités méritent toutefois d ’être rappro­ chés de nos deux opuscules biobibliographiques : le Sur le pronostic, daté de 178 par son dernier éditeur, et dont une large part est déjà consacrée au récit des succès et événements de la vie personnelle de Galien propres à lui attirer la sympathie et l ’admiration de ses futurs patients, et le Sur ses propres opinions, sorte de testament spiri­ tuel, où Galien fait le point sur son savoir médical et ses convictions philosophiques3. Ce traité est considéré comme l’un des derniers, sinon le dernier traité, rédigé par Galien au plus tôt à la fin des années 1904. Le traité s’ouvre sur le récit de la mésaven2. G. Misch dans son H istoty ofautobiography, 3ème édition, Lon­ don, 1950, p. 328-332 a, à juste titre, souligné l’originalité et le carac­ tère novateur de l’entreprise galénique. 3. Ces deux traités de Galien ont été édités par V. Nutton dans le CMG : De Praecognitione (On Prognosis), CMG V 8, 1, Berlin, 1979 et De propriis placitis (On my own opinions), CMG V 3, 2, Berlin, 1999. Dans le cas de ce dernier traité pour lequel V. Nutton ne dispo­ sait en grec que de fragments, voir le texte intégral édité en grec d’après le nouveau témoignage du manuscrit Vlatadon 14 dans « Galien ressuscité : édition princeps du texte grec du De propriis pla­ citis », édité et traduit par V. Boudon-Millot et A. Pietrobelli, Revue des Etudes G recques 118, 2005, 1, p. 168-213. 4. V. Nutton se base pour cette datation sur une allusion au Sur ses propres livres dans le chapitre 1 du Sur ses propres opinions (voir V. Nutton, De propriis placitis. .., p. 37 et p. 131 du commentaire où cette allusion est étendue au Sur P ordre de ses propres livres ). On verra tou­ tefois que le texte grec est loin d’être aussi clair. V. Nutton dispose

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ture arrivée au poète Parthénios. Ayant fait la rencontre de deux grammairiens dont l’un proposait une interpréta­ tion fausse de ses poèmes, Parthénios entreprit, sans se faire reconnaître, de lui faire entendre raison ; mais comme ce dernier refusait de reconnaître en lui l’auteur du poème en question, Parthénios dut recourir au témoi­ gnage de ses esclaves pour confirmer à la fois son iden­ tité et l ’authenticité de son interprétation. Une telle mésa­ venture, conclut Galien, m’arriva à moi aussi, mais je n ’eus pas besoin de faire appel à des amis, car ce sont mes propres écrits qui témoignent en ma faveur. V. Nutton a voulu voir dans ce passage une allusion directe de Galien à ses deux traités Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres et il en tire en particulier argu­ ment en faveur de l’authenticité et de la date tardive du Sur ses propres opinions5. Or cette allusion est beaucoup moins évidente en grec que dans la traduction latine que V. Nutton pouvait alors seule utiliser. Au texte latin « sed ego conuoco in testimonium illud quod composui de meis libris » traduit en anglais par « I bring as my witnesses what I hâve written about my own books » correspond en grec έγώ δέ τα γεγραμμένα μαρτυροϋντά μοι παρέχομαι que nous avons traduit par « moi, je produis mes écrits pour témoigner en ma faveur »6. cependant pour cette datation tardive d’un autre témoignage, celui de l’historien arabe Abu Sualyman al-Sijistani (Xe s.) dans son Siwan alhikma (cité par V. Nutton, D e propriis placitis. . p. 37-38) qui suggère une date encore postérieure, d ’une dizaine d’années au moins, vers 209/210. Rien ne s’oppose donc à continuer de considérer le Sur ses propres opinions comme un des derniers traités rédigés par Galien. 5. « This reference to De libris propriis (Scr. min. II 91-124 Mill­ ier - XIX 8-48 K.) and to De ordine librorum suorum (Scr. min. II 8090 Muller = XIX 49-61 K.) not only helps to establish the authenticity of the présent treatise but also explains why it is not mentioned in any of Galen’s bibliographical writings : it was written at the very end of Galen’s life. », V. Nutton, op. cit. , p. 131. 6. Sur ses propres opinions c. 1 (éd. Nutton, p. 55-56 = éd. V. Bou-

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

Quoi qu’il en soit, et même s ’il est peu probable que Galien fasse ici directement référence à ses deux traités biobibliographiques, le récit du Sur ses propres opinions fait exactement écho à l ’anecdote rapportée par Galien au début du Sur ses propres livres et qui fut, dit-il, directe­ ment à l’origine de sa décision de composer son opus­ cule. Le Sur ses propres livres s’ouvre en effet sur le récit d ’ùn incident survenu dans le Sandaliarium, le quar­ tier desi libraires à Rome. Galien y a été témoin d ’une curieuse scène. Un acheteur, heureusement averti, a refusé d ’acheter un livre mis sous le nom de Galien, mais dont il ne reconnaissait pas le style. À partir de cet incident, se fit jour pour Galien la nécessité de faire échec au plagiat et aux falsifications de toute sorte en indiquant pour cha­ cun de ses ouvrages à quelle époque de sa vie il les avait rédigés, dans quelle intention, et pour quel destinataire. Galien établit ainsi un parallèle étroit entre le but pour­ suivi dans le Sur ses propres livres et le Sur ses propres opinions. De même que l ’entreprise de catalogage de ses propres œuvres menée dans le Sur ses propres livres a pour but principal de protéger l’intégrité de ses écrits et de garantir leur authenticité, de même l ’exposé de ses opinions philosophiques les plus personnelles, dans le Sur ses propres opinions, a également pour but de dénon­ cer comme l ’œuvre de faussaire tout traité qui serait en contradiction avec ses convictions les plus intimes. L ’opuscule qui apparaît cependant comme le plus proche de nos deux traités biobibliographiques, à la fois chronologiquement et par le thème traité, est le Sur Γinu­ tilité de se chagriner (Π ερί άλυπίας) précisément cité dans le Sur ses propres livres (c. XV. 1), mais jusqu’alors considéré comme perdu en grec comme èn arabe. Or ce petit texte vient d’être miraculeusement retrouvé dans un manuscrit grec récemment découvert par A. Pietrobelli à don-Millot et A. Pietrobelli, p. 172 pour le grec et p. 191 pour la tra­ duction).

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Thessalonique7. D ’après les événements retracés par Galien, le Sur Γinutilité de se chagriner apparaît en effet comme antérieur à nos deux traités biobibliographiques mais comme postérieur au terrible incendie de Rome qui, en 192, ravagea le Temple de la Paix et un grand nombre de bibliothèques situées sur le mont Palatin. Au lende­ main du désastre qui vit périr un grand nombre de ses livres et autres médicaments rares, Galien, refusant de céder au chagrin, fait preuve d’une étonnante fermeté d ’âme. La perte subie devient ainsi pour lui l ’occasion d’esquisser déjà un premier inventaire de ses ouvrages. Toutefois, le sujet du Sur Γinutilité de se chagriner ne recoupe qu’imparfaitement celui de nos deux opuscules bio-bibliographiques dans la mesure où, sans se limiter aux ouvrages détruits par l’incendie, Galien nous donne également la liste des ouvrages des autres auteurs antiques qu’il possédait dans sa bibliothèque personnelle. Si le témoignage du Sur Γinutilité de se chagriner est ainsi particulièrement précieux par les renseignements qu’il nous donne sur les outils de travail et les lectures de l’homme antique, il ne nous dit rien en revanche des ouvrages de Galien ayant échappé à l’incendie et compo­ sés par lui avant et après cette date. De ce point de vue, le témoignage de nos deux petits traités biobibliogra­ phiques reste donc irremplaçable. Il convient enfin de rapprocher l’entreprise bibliogra­ phique menée par Galien dans nos deux opuscules du catalogue de ses œuvres esquissé à la fin de VArt médical (c. XXXVII. 6) dont il forme la conclusion. Le classe7. Sur ce manuscrit de Thessalonique, le Vlatadon 14, qui nous a entre autres conservé le Sur Γordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres , le Sur ses propres opinions (cité dans la note précé­ dente) et le Sur l ’inutilité de se chagriner (cité p. xix, n. 40), voir V. Boudon-Millot et A. Pietrobelli, « De l’arabe au grec : un nouveau témoin du texte de Galien (le Vlatadon 14) », CR A l 2005, fasc. II (avril-juin), p. 497-534, et la description du manuscrit donnée plus loin dans cette notice p. 42.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

ment alors retenu par le médecin de Pergame est claire­ ment thématique et apparaît déjà destiné à guider le futur médecin qui voudrait approfondir renseignement dis­ pensé dans Y Art médical en étendant ses lectures aux traités spécialisés du corpus. Car c ’est à la fin de l'Art médical et à la fin de cette première esquisse de cata­ logue que prend réellement corps chez Galien le projet de rédiger |un, voire deux, traités bibliographiques, dont le titre n'èst toutefois pas encore exactement fixé. L'Art médical se clôt en effet sur ces mots : « Quant aux autres ouvrages et commentaires que nous avons rédigés, il n ’est pas nécessaire d ’en parcourir la liste à présent, puisque nous avons l’intention de les mentionner tous en un autre lieu, dans un ou peut-être deux livres qui auront pour titre : De Galien, Sur ses propres ouvrages »8. À la fois introduction et conclusion, le Sur Vordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres sont donc la clé nécessaire et indispensable à la compréhension de l’œuvre tout entière. À la fois catalogue raisonné, notice biobibliographique, et guide de lecture, ce sont, selon le vœu même de leur auteur, les compagnons destinés à gui­ der et éclairer tout lecteur désireux de s’aventurer dans l’immensité de l’œuvre galénique. Date de composition D ’après les relations entretenues entre les traités précé­ demment cités, la rédaction du Sur l'ordre de ses propres livres et du Sur ses propres livres intervint nécessaire­ ment après celle du Sur l'inutilité de se chagriner (posté­ rieur à 192) et de YArt médical (rédigé après 193)9 et avant celle du Sur ses propres opinions, c ’est-à-dire, 8. A rt médical c. XXXVII. 15 (éd. V. Boudon, p. 392). 9. Rappelons que Y Art médical est cité dans le Sur l'ordre de ses propres livres (c. II. 19) et le Sur ses propres livres (c. VI. 8) et que le Sur Γ inutilité de se chagriner est cité dans le Sur ses propres livres (c. XV. 1).

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assez vraisemblablement, au cours de la décennie qui sépare le milieu des années 190 et le début des années 200, soit entre 195 et 20510. Il est en outre possible de préciser Tordre respectif de rédaction de nos deux opuscules puisque la rédaction du second est annoncée dans le premier. Dans le Sur Vordre de ses propres livres, Galien exprime par deux fois son intention de composer un second traité qui complète le premier. Ayant appris les falsifications dont a été T objet l’un de ses traités écrit pour un ami, il fait part de son projet de « rédiger un autre livre contenant à la fois l’ex­ posé de (ses) propres ouvrages et cceux relatifs aux écrits 10. La datation à laquelle nous sommes ainsi parvenue permet de préciser la datation de J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei des Klaudios Galenos », Rheinisches M useum 44, 1889, p. 208 sqq. et ibid. 51, 1896, p. 195-196 qui, sans autre précision, situe la rédaction de nos deux traités sous le règne de Septime Sévère, après 193. K. Bardong, « Beitrâge zur Hippokrates- und Galenforschung », Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften in Gôttingen, Phil.-Hist. Klasse 1942, Nr. 7, p. 640, situe la rédaction du Sur ses propres livres dans la même période mais en précisant que celle-ci est comprise entre 193 et 199 (la date traditionnelle de 199 étant alors seule retenue pour la date de la mort de Galien). K. Bardong s’oppose en revanche à Ilberg pour la datation du Sur Vordre de ses propres livres qu’il place sous le règne de Commode (180-192) en s’appuyant sur le passage (c. III. 5-6) où Galien, dans ce traité, déclare son intention de rédiger des com­ mentaires aux traités d ’Hippocrate qu’il n ’a pas encore commentés s’il demeure en vie jusque-là. La datation haute proposée par Bardong impose cependant de placer la rédaction du Sur Γ ordre de ses propres livres avant celle de l'A rt médical et l ’oblige donc par conséquent à comprendre la fin de Y Art médical où Galien annonce son projet de rédiger « un ou peut-être deux livres qui auront pour titre : De Galien, Sur ses propres ouvrages » (Art médical , c. XXXVII. 15) de manière très restrictive. Cette déclaration de Galien ne s ’appliquerait, selon Bardong, qu’au seul traité Sur ses propres livres. Mais cette opinion de Bardong qui ne pouvait lire le Sur Vordre de ses propres livres que dans l’édition lacunaire de Muller se trouve infirmée par le récent témoignage du manuscrit Vlatadon qui nous a conservé un texte com­ plet et qui cite, entre autres, le commentaire de Galien à la Nature de l'homm e que Bardong considérait, à tort, comme postérieur au Sur l'ordre de ses propres livres. Il n ’y a donc pas lieu de dissocier le sort de nos deux traités en leur assignant une date différente.

10 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES d ’Hippocrate>, et l’indication principaux points abordés » (c. IL 23). De même, à propos de ses ouvrages philosophiques, il précise à nouveau (c. IV. 7) : « Quels sont les sujets abordés dans ces ouvrages et en quel nombre, je l ’ai consigné pour chacun d ’eux et je l’expo­ serai grâce à cet écrit où je projette de dresser la liste de tous mes livres (του γράμματος, έν φ την γραφήν ποιήσομαι άπάντων των έμών βιβλίων) ». Cet ordre chronolégique n ’a cependant été respecté ni dans les deux manuscrits grecs qui nous ont transmis les deux opuscules, ni dans les éditions imprimées depuis l’Aldine de 1525 jusqu’à l ’édition de Kühn de 1830 où on conti­ nue de lire le Sur ses propres livres avant le Sur Vordre de ses propres livres11. Il fallut en effet attendre l’édition de Müller en 1891 pour que le Sur l ’ordre de ses propres livres fût pour la première fois édité avant le Sur ses propres livres conformément à la chronologie de leur rédaction respective. Et c’est également l ’ordre qui sera adopté dans la présente édition. Les dédicataires Nos deux opuscules sont dédiés à deux destinataires différents, le Sur l ’ordre de ses propres livres à un cer­ tain Eugénianos et le Sur ses propres livres à un certain Bassus. Galien avait déjà dédicacé au même Eugénianos les livres VII à XIV de sa Méthode thérapeutique (rédi­ gés sous le règne de Septime Sévère à la fin des années 190). En ce qui concerne Bassus, le dédicataire du Sur ses propres livres, plusieurs identifications ont été propo­ sées jusqu’à la dernière en date avancée par H. SchlangeSchoningen qui propose de l ’identifier avec le préfet de Rome du même nom en charge en 19312. Bien que la question ne puisse être tranchée avec certitude, l’identité

11. Sur l’histoire de ces éditions, voir infra. 12. Voir sur ce point la note 1 au début du Sur ses propres livres.

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de ces deux dédicataires nous oriente donc malgré tout vers la même période, celle des années 190 et du règne de Septime Sévère. Analyse du traité Sur Tordre de ses propres livres Le Sur Vordre de ses propres livres est un traité paradoxal, consacré à ses propres œuvres par un auteur qui n ’hésite pas à déclarer ne jamais avoir voulu la publica­ tion de certains de ses ouvrages et refuser désormais d’écrire à la demande d’amis, alors même qu’il adresse le présent traité à un de ses intimes, Eugénianos. Le Sur Vordre de ses propres livres, comme le remarquait déjà Müller dans la préface de son édition de 1874, a toutes les apparences du traité épistolaire, à deux détails près qui ont cependant leur importance : il manque à la fois la formule initiale de salut et, à la fin, les traditionnels vœux de bonne santé13. Par sa forme, le Sur l'ordre de ses propres livres peut toutefois être rapproché d’un autre petit traité intitulé Conseil pour un enfant épileptique où Galien répond par lettre à la demande du père de l’enfant, un certain Cécilius, qui Ta sollicité sur le meilleur traite­ ment adapté à son fils14. Mais il doit surtout être rappro­ ché du Sur Vinutilité de se chagriner, déjà mentionné plus haut, qui se présente sans ambiguïté comme une

13. L Müller, Galeni libellum qui inscribitur Π ερί τής τάξεω ς των ιδίων βιβλίω ν, Erlangen, 1874, ρ. 4. 14. Puero epileptico consilium (Kühn XI, 357-378) où, dans les premières lignes de sa lettre, Galien fait cependant part à son interlo­ cuteur de sa répugnance à mettre par écrit des prescriptions destinées à un malade qu’il n ’a pu examiner. Seule sa confiance en la formation et l’intelligence du père et le fait qu’il le sache assisté sur place par un bon médecin ont pu décider Galien à proposer un régime adapté à cet enfant. De même dans le De locis affectis IV, 2 (Kühn VIII, 224), Galien confessera avoir « soigné par lettres » (έθεράπευσα διά γραμ­ μάτων) des patients souffrant de cataracte et qui vivaient à l’étranger. Il déclare avoir ainsi reçu des demandes de soin d ’Espagne, de Gaule, d ’Asie Mineure, de Thrace et d ’autres régions.

12 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

réponse à une lettre adressée par un ami15. Galien toute­ fois, au début du Sur Vordre de ses propres livres se contentera de rendre hommage à la clairvoyance d ’Eugénianos pour l’avoir incité à dresser la liste de ses ouvrages, sans préciser si cet ami lui a fait cette sugges­ tion par oral ou par écrit et sans faire aucune allusion à une lettre qu’il lui aurait précédemment écrite. Le Sur Vordre île ses propres livres n ’appartient donc pas à pro­ prement! parler au genre épistolaire mais revêt la forme d’une lettre factice. Dans la mesure où le projet de dresser la liste de ses propres ouvrages a déjà été annoncé par Galien dans YArt médical, il n ’est pas inutile de rappeler ici brièvement l’ordre de lecture prescrit dans le catalogue sur lequel se clôt ce traité pour le confronter à celui développé dans le Sur Γ ordre de ses propres livres. Dans YArt médical (c. XXXVII), Galien réserve la possibilité aux gens for­ més à la logique de se consacrer aux traités sur l’art (6 et 14). Il cite ensuite ses ouvrages de physiologie (7-8) dont la lecture doit en réalité être précédée de l’étude de ses traités d’anatomie (9) englobant ceux destinés aux débu­ tants et d ’anatomo-physiologie (10). Suit un groupe de traités définis comme utiles au diagnostic et comprenant les ouvrages de sphygmologie (11), puis des traités utiles au pronostic (12) et enfin à la thérapeutique parmi les­ quels des ouvrages de pharmacologie et d ’hygiène (13). Mais avant toute chose, il faut s’appliquer à l’étude du traité Sur la démonstration (14). Voyons à présent ce qu’il en est dans le Sur Vordre de ses propres livre16. Le médecin de Pergame part d ’un constat et d’une situation que l’on pourrait presque qualifier de force majeure. Bien qu’il n ’ait écrit à l’origine que pour ses 15. Έ λ α β ό ν σου την έπιστολήν έν ή παρεκάλεις μοι δηλώσαί σοι ... Ainsi commence le Περί άλυπίας dans l’unique manuscrit qui nous a conservé ce petit opuscule, le Vlatadon 14, f. lOv. 16. Sur ce classement, voir tableau ci-dessous p. 16.

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seuls amis et étudiants, et n ’ait jamais désiré que ses trai­ tés fussent diffusés dans le public, ceux-ci se mirent à cir­ culer dans le public et tombèrent parfois entre les mains de gens peu scrupuleux (c. I. 1-2). S’étant personnelle­ ment heurté à l ’aveuglement des médecins et philosophes auquel conduit immanquablement la compétition entre écoles médicales et philosophiques rivales, et bien per­ suadé que sa voix ne saurait être entendue, Galien préféra donc dans un premier temps s’abstenir de toute publica­ tion et même d’offrir à quiconque l ’un de ses travaux (3-5). Pressé par ses élèves et amis, il consent toutefois à écrire encore un livre intitulé Sur la meilleure école où il trace une voie de connaissance parfaitement originale pour l’époque, puisque renonçant à revendiquer son appartenance à l’une des grandes écoles médicales du temps, il choisit de se situer au-dessus des écoles en pri­ vilégiant l ’apprentissage de la logique et des procédés de démonstration selon une méthode qu’il qualifie de scien­ tifique (6-11). Cette méthode consiste précisément en la poursuite d ’un cursus progressif où l’apprentissage des modes de démonstration enseignés dans le Sur la démons­ tration permettra aux jeunes gens de démêler le vrai du faux, et d’éviter de s’attacher aux pas d ’un mauvais maître (12-13). Après avoir ainsi établi un premier lien puissant entre bibliographie et enseignement, mais aussi entre bibliogra­ phie et formation médicale, Galien peut alors entrer dans le vif du sujet et aborder l’objet même du présent traité, à savoir l’ordre de lecture idéal recommandé à tout homme à la fois intelligent par nature et ami de la vérité (c. II. 1). Mais le médecin déçoit encore une fois l’attente de son lecteur en précisant qu’il existe une autre voie de connaissance qui dispensera celui qui s’y engagera de l’apprentissage long et difficile de la logique et de ses procédés de démonstration. À côté de cette voie royale réservée à une élite et empruntée par Eugénianos (c. IV. 1), Galien indique en effet une seconde voie basée sur la

14 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

confiance accordée en la personne du bon maître, confiance bâtie d’après l’observation de tous ses faits et gestes et de son existence tout entière (2-3). Ayant ainsi tissé un nouveau lien en apparence moins essentiel que le premier entre bibliographie et biographie, entre la qualité de l’enseignement dispensé et la respectabilité de la per­ sonne dp maître, Galien jette en réalité les bases d’une idée profondément originale et qui lui est particulière­ ment chère, celle de la relation personnelle, profonde et privilégiée du maître et du disciple17. À partir de là se dessinent donc deux voies d’apprentissage distinctes mais non pas exactement deux ordres de lecture diffé­ rents, car il existe en quelque sorte un tronc commun de connaissance que doivent partager tous les étudiants. Ce tronc commun se compose des traités intitulés « aux débutants » (4), des traités d’anatomie (5), d ’anatomophysiologie (6) et de physiologie (7-9). En ce qui concerne la connaissance des éléments dont tous les corps sont formés, Galien distingue toutefois entre les lectures réservées aux étudiants d ’« élite » (8) et les autres (9). Suit la lecture des traités sur les médicaments (10) qui font à nouveau partie du tronc commun. Le traité Sur les tempéraments dont le troisième livre est consacré aux médicaments (11) va permettre d ’introduire les notions de meilleure constitution et de bon état du corps que le médecin devra précisément avoir en vue dans son usage des médicaments (12) et dans sa prescription d ’un 17. Sur ce thème, voir J. Mansfeld, Prolegom ena..., p. 116 sqq. « The De ordine librorum. The Two Orders of Study » ; voir aussi mes deux articles « Galien par lui-même... » (cité η. 1), p. 123 sqq. et « Figures du maître chez Galien », in J. Boulogne et A. Drizenko éd., L'enseignem ent de la médecine selon Galien (Journées d’Etude orga­ nisées à Lille, 22-23 octobre 2003), Université Charles-de-Gaulle Lille 3, coli. UL 3, 2006, p. 15-30, et mon article à paraître « Life and Method in Galen : From Ways of Life to Paths of Knowledge », Actes du colloque international édités par Christopher Gill, Tim Whitmarsh and John Wilkins, Galen and the world o f knowledge (University of Exeter, UK, July 18-21 2005), Cambridge University Press.

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régime (13), la pharmacologie et l ’hygiène formant les deux principales branches de la thérapeutique. L ’étude des ouvrages de pathologie (14-15) doit cependant néces­ sairement précéder celle de la thérapeutique (16-17). En ce qui concerne la réflexion sur l’art médical lui-même, un nouvel excursus est consacré aux traités sur l’art recommandés aux seuls étudiants d’« élite » (18), les autres devant se limiter à la somme représentée par YArt médical (19). Est ensuite recommandée pour tous la lec­ ture des ouvrages relatifs à la séméiotique (20-21) enten­ due au sens de diagnostic et pronostic, et à la sphygmologie (22). À partir de là, Galien considère l’essentiel de son programme d’étude comme terminé. Si on le com­ pare à celui du catalogue final de YArt médical (voir tableau p. 16), on constate donc à la fois des constantes (antériorité de l’anatomie par rapport à la physiologie) et des variantes (sur la part relative du pronostic, du dia­ gnostic et de la sphygmologie, sur celle de la pharmaco­ logie, et sur la reconnaissance des écrits « aux débu­ tants » et de ceux relatifs à la pathologie comme des écrits à part entière). Enfin, dans le Sur Vordre de ses propres livres, la primauté de la logique n ’est plus posée comme un postulat nécessaire, mais s’applique aux seuls étudiants d’« élite ». Malheureusement, la suite du Sur Vordre de ses propres livres manque totalement dans l ’un de nos manuscrits et ne nous a été transmise que de façon lacu­ naire dans le second. L ’idée d’ensemble se laisse pour­ tant dégager. Ayant appris qu’un de ses ouvrages confié à un ami a fait l’objet de réécriture et de falsification, Galien confie son intention de faire échec aux faussaires en composant « un autre livre » à l ’intérieur d’un pas­ sage qui annonce ainsi la rédaction du Sur ses propres livres (23). C’est là l’occasion pour Galien d ’exposer la distinction qui sera effectivement reprise dans le Sur ses propres livres entre ouvrages rédigés pour un large public et ceux destinés à un cercle restreint de disciples et

16 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES Art médical c. XXXVII

Sur Vordre de ses propres livres

logique (14)

logique réservée à une élite (I. 12)

traités sur l ’art (6)

traités sur l ’art (IL 18-19)



! anatomie dont trai­ tés « aux débu­ tants » (9)

Sur ses propres livres

traités « aux débu­ tants » (IL 4)

traités « aux débu­ tants » (I. 2-5)

anatomie (IL 5)

anatomie (c. IV)

physiologie (7-8)

anatomo-physiologie (II. 6)

anatomo-physiologie (10) diagnostic dont sphygmologie (11)

physiologie (IL 7-9)

pronostic (12)

pathologie (IL 14-15)

thérapeutique dont pharmacologie et hygiène (13)

thérapeutique dont hygiène (IL 16)

thérapeutique (c. VIVII)

séméiotique c ’est-àdire diagnostic et pronostic (IL 20-21) sphygmologie (IL 22)

pronostic (c. VIII) dont sphygmologie

autres ouvrages et commentaires (15)

physiologie (c. V)

pharmacologie (IL 10-13)

commentaires à Hippocrate (c. III) et autres ouvrages (logi­ que c. IV ; linguisti­ que c. V)

commentaires à Hippocrate (c. IX) et autres ouvrages (c. X à XX)

d’amis (24-25), avant d ’aborder les commentaires rédigés aux traités hippocratiques (26). Galien regroupe ainsi dans le chapitre suivant aussi bien ses commentaires à un traité particulier d’Hippocrate que ses traités consacrés à tel ou tel aspect de la pensée du médecin de Cos (c. III, 1-5), avant de citer les ouvrages rédigés par ses prédéces-

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seurs (6-12). Suivent les traités consacrés à la logique (c. IV) comprise comme une partie de la philosophie. Cette présentation est l’occasion d ’un excursus autobio­ graphique destiné à illustrer, par l ’exemple personnel de Galien, les qualités requises pour s’engager dans la voie ardue de l’étude de la médecine menée conjointement à celle de la philosophie (2-6). La liste des ouvrages philo­ sophiques est cependant repoussée à la rédaction, une nouvelle fois annoncée, du Sur ses propres livres (7). Un chapitre de conclusion (c. V) est enfin presque entière­ ment consacré au vaste ouvrage de Galien sur le vocabu­ laire attique en quarante-huit livres. Analyse du traité Sur ses propres livres Le traité s’ouvre sur le récit d ’une scène dont Galien nous dit avoir lui-même été témoin dans le quartier des libraires à Rome. Un marchand peu scrupuleux tentait d’écouler des livres mis sous le nom de Galien mais écrits par un faussaire (Proi). Cette anecdote qui tend à prouver que le nom de Galien était considéré comme un bon argument commercial fait directement écho, comme nous l’avons vu plus haut, à celle du poète Parthénios relatée au début du Sur ses propres opinions. Confronté à cette situation de plagiat, Galien affirme sa volonté de rédiger un traité qui à la fois indique « la raison des outrages » subis par ses écrits et précise, pour les écrits dont il est l’auteur, « le sujet de chacun d ’eux » (ProL 5). Le plan, ici seulement esquissé, se révélera bientôt beaucoup plus complexe. Si Galien expose de fait immé­ diatement après les raisons à l ’origine des manipulations et falsifications dont ses écrits furent l’objet (6-12)18, en revanche il ne se bornera pas dans les chapitres suivants à indiquer le sujet de chacun de ses écrits, mais plus lar­ gement s’attachera à préciser les circonstances particu18. Sur cet aspect de l’activité littéraire de Galien et sa pratique éditoriale, voir infra p. 23.

18 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES lières qui entourèrent leur rédaction, le nombre de livres qui les composent et éventuellement le nom de leur dédicataire. Le traité s’organise dès lors en deux grandes parties, l’une à contenu plus strictement autobiographique (c. IIII) et l ’autre, de loin la plus importante, à vocation net­ tement plus bibliographique (c. IV-fin). La volonté de Galiei| de relier la rédaction de chacun de ses traités à une période précise ou à une expérience personnelle par­ ticulière le contraint en effet, dans cette première partie, à une relecture de sa propre vie et à une mise en perspec­ tive de son existence qui doit précéder la mise en ordre de ses propres ouvrages. Sa carrière médicale apparaît ainsi organisée et découpée en deux grandes périodes correspondant à chacun de ses deux séjours à Rome. Le Sur ses propres livres nourrit donc une ambition plus grande que le Sur Vordre de ses propres livres. À la mise en ordre (τάξις) de ses traités réalisée dans le Sur Γordre de ses propres livres, Galien va en effet, dans un premier temps, superposer dans le Sur ses propres livres la liste (άπογραφή) chronologique de ses ouvrages, suivant le découpage opéré entre les principales étapes de son exis­ tence. Cependant, pleinement conscient des limites impo­ sées par un ordre chronologique trop strict, Galien va progressivement s’affranchir de ce cadre de départ pour adopter, dans la deuxième partie de son traité un ordre clairement thématique. Un premier développement est ainsi consacré aux ouvrages composés lors du premier séjour romain (c. I) et aux démêlés de Galien avec ses collègues médecins (c. I. 7-12). Mais ce premier chapitre marque dès le début les limites d ’un cadre chronologique trop étroit en multi­ pliant déjà les allusions au second séjour romain (c. I. 1 ; 5 ; 13). Un deuxième et bref chapitre est consacré au retour de Galien dans sa patrie, Pergame (c. II). Mais là encore, l’occasion qui est alors donnée à Galien de récu­ pérer des ouvrages qu’il avait composés au tout début de

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sa carrière, avant même son premier départ pour Rome, institue une nouvelle dérogation au principe de l’ordre chronologique et ouvre le champ au récit de ses années d’étude. Semblant désormais renoncer à une chronologie trop précise, Galien se borne à indiquer dans le titre du chapitre suivant qu’il mentionnera les livres composés « après cette période ». De fait, tout le début de ce chapitre (c. III. 1-7), le dernier à suivre un ordre strictement chronologique, est consacré au récit événementiel du retour de Galien à Aquilée, sur ordre des deux empereurs, Marc Aurèle et Lucius Vérus, à la terrible épreuve de la peste et à la façon dont le médecin de Pergame réussit finalement à repousser la demande qui lui était faite d ’ac­ compagner les armées en campagne et à demeurer à Rome. Car c ’est seulement alors que Galien renoue avec le thème principal de son traité en mentionnant enfin le titre des traités composés par lui au cours de cette seconde période romaine (8-11). Mais la polémique qui entoure la publication de son ouvrage majeur Sur Vutilité des parties contraint Galien à multiplier les conférences et les démonstrations publiques pour démontrer la véra­ cité de ses observations et à rédiger un nouveau livre inti­ tulé Sur les ignorances de Lycos en matière d'anatomie (15). Le récit de cet épisode (12-17) est aussi l’occasion pour Galien de redéfinir l’objet même de son traité. En effet, il s’agira désormais pour lui de s’affranchir du cadre chronologique précédemment mis en place en se bornant à préciser, à l’intérieur des ensembles théma­ tiques adoptés dans la suite du traité, à quel l ’âge et pour quelle raison il rédigea chacun de ses ouvrages (18). De même, son propos se limitera désormais à ses seuls écrits conservés, à l’exclusion de ceux dont il ne possède plus de copies ou qui ont été entièrement détruits (19). Cette seconde partie obéit, quant à elle, à une construc­ tion relativement complexe. En effet, Galien aura bien du mal à s ’en tenir à un découpage strictement thématique et oscillera régulièrement dans la suite entre des recomman-

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

dations relatives à l’ordre de lecture de ses ouvrages et des considérations sur leur caractère nécessaire (c. IV. 17), utile (8) ou simplement complémentaire (38). Il ira même jusqu’à envisager deux classifications possibles pour un même ouvrage (c. VII. 5). L ’ordre de succession de ces chapitres thématiques à l’intérieur du Sur ses propres livres reste cependant fidèle, dans ses grandes lignes,! à celui inauguré dans YArt médical et le Sur V ordréde ses propres livres19. Notre traité évolue donc, à partir de cette seconde partie, vers une bibliographie raisonnée qui renoue, mais en partie seulement, avec le projet du Sur Γordre de ses propres livres . Galien va ainsi énumérer ses ouvrages d ’anatomie (c. IV) en com­ mençant par les traités nécessaires, c ’est-à-dire ceux des­ tinés aux débutants (c. IV. 1) ainsi que ses Pratiques ana­ tomiques plus élaborées (2-7). Cet ordre de lecture n ’a toutefois rien de systématique puisque la possibilité est finalement laissée au lecteur de choisir sa propre progression(2)20. Un important passage est ensuite consacré au résumé de Galien, en quatre livres, de l’ouvrage du célèbre anatomiste Marinos en vingt livres21 (9-33), puis à un autre résumé de Galien, en deux livres cette fois, de dix-neuf livres de l’ouvrage anatomique de Lycos (3437), deux résumés présentés comme faisant partie des ouvrages utiles. Suivent enfin les traités considérés comme complémentaires (38-41). Dans le chapitre suivant consacré à l’étude de la fonc­ tion des organes (c. V), c ’est-à-dire à la physiologie, Galien abandonne la distinction entre ouvrages néces­ saires, utiles ou simplement complémentaires pour recommander un ordre de lecture progressif qui lui per­ mette de conclure sur ces deux monuments de la littéra­ ture médicale que sont le Sur les doctrines d'Hippocrate 19. Voir supra le tableau comparatif p. 16. 20. Même liberté est laissée au lecteur au c. VI. 4-5. 21. Sur l’importance du témoignage de Galien sur l’anatomie de Marinos, voir infra p. 30.

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et de Platon en dix livres et le Sur Vutilité des parties du corps en dix-sept livres (c. V. 4).

Suit, selon le même ordre de lecture progressif, la liste des ouvrages introductifs à l’étude de la thérapeutique (c. VI) complétée dans le chapitre suivant (c. VII) par celle des ouvrages considérés comme appartenant en propre à la méthode thérapeutique. Galien revient d’ail­ leurs dans ce chapitre VII à une stricte organisation thé­ matique, en partant de son ouvrage fondamental Sur la méthode thérapeutique , en quatorze livres, et en citant ensuite les écrits qui entretiennent avec lui les relations les plus étroites jusqu’à ceux qui entretiennent des rap­ ports plus lâches, au point d’être susceptibles d’apparte­ nir à une autre classification22. Cette remarque faite par Galien à propos du traité Sur le régime d'Hippocrate dans les maladies aiguës (c. VII. 5) a son importance puisqu’elle lui sert à justifier la création d ’une catégorie thématique à part entière regroupant les commentaires hippocratiques. En effet, consacrés à des sujets aussi divers que la thérapeutique, le diagnostic ou le pronostic, ces écrits sur Hippocrate échappent par définition à toute qualification univoque et constituent un groupe distinct23. En attendant, Galien se consacre donc à ses écrits sur le pronostic (c. VIII) dont font partie ses traités de sphygmologie. Ces derniers sont l’occasion d ’une mise au point sur l ’étendue de la connaissance requise pour un débutant en ce domaine (c. VIII. 2-4). Suivent les commentaires à Hippocrate (c. IX) et l ’im­ portante distinction effectuée par Galien entre commen­ taires écrits à usage personnel ou à la demande d ’amis (Ι­ ό) et ceux composés pour un plus vaste public (7-12), auxquels s ’ajoutent les traités relatifs à tel ou tel point de la doctrine hippocratique (13-14). 22. Même remarque à propos du traité Sur la dyspnée (c. VIII. 6). 23. Un développement spécifique leur sera de fait consacré un peu plus loin (c. IX).

22 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES À partir du chapitre X, Galien inaugure une série nou­ velle désignée dans les catalogues précédents de Y Art médical et du Sur Vordre de ses propres livres sous l ’ap­ pellation fort vague d’« autres ouvrages »24 ou « autres travaux »25. Or cette catégorie représente sans nul doute l ’apport le plus novateur de notre traité, et ce pour deux raisons : les ouvrages en question constituent en effet une série également absente du catalogue final de YArt médi­ cal ou elle est simplement annoncée et du Sur Yordre de ses propres livres où elle n’est qu’esquissée26 ; en outre, cette série rassemble les œuvres médicales, mais surtout philosophiques (logiques et morales) et littéraires où le naufrage a été le plus considérable. Il convient cependant de noter que Galien, à partir de ce chapitre X et jusqu’à la fin du traité27, adopte un style beaucoup plus dépouillé se contentant de dresser de simples listes de titres dépour­ vues de tout commentaire. Un premier ensemble regroupe ainsi les ouvrages inspirés à Galien par les théories des autres médecins, Érasistrate (c. X), Asclépiade (c. XI), ou des autres écoles médicales, empirique (c. XII) et métho­ dique (c. XIII). Les ouvrages philosophiques sont, quant à eux, répartis entre les traités définis comme utiles aux démonstrations (c. XIV) et les traités éthiques (c. XV). Suivent les ouvrages consacrés par Galien aux philo­ sophes anciens présentés selon un ordre chronologique, Platon (c.^ XVI), Aristote (c. XVIII), les Stoïciens (c. XVII) et Épicure (c. XIX). Le traité se clôt sur un déve24. Art médical c. XXXVII. 15 (περί δέ των άλλων συγ­ γραμμάτων). 25. Sur Γordre de ses propres livres c. IV. 1 (έπι τα λοιπά των ήμετέρων υπομνημάτων). 26. Les chapitres du Sur Γordre de ses propres livres traitent seu­ lement et très rapidement des œuvres logiques (c. IV) et des traités sur le lexique et la langue grecque (c. V). 27. À l ’exception toutefois du c. XIV consacré aux livres de logique et introduit par un développement autobiographique sur les souvenirs d’étudiant de Galien et sur sa première formation à l’école des philosophes (c. XIV. 1-7).

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loppement parallèle au chapitre final du Sur Vordre de ses propres livres que Galien reprend et complète en ajoutant à son vaste ouvrage sur le vocabulaire attique ses autres études sur le vocabulaire comique et la langue grecque. Le travail d'écrivain et l'activité éditoriale de Galien

Outre les nombreuses données autobiographiques ras­ semblées dans le Sur l'ordre de ses propres livres et Sur ses propres livres 28, l’intérêt majeur de nos deux opus­ cules réside dans le témoignage exceptionnel de Galien sur son travail d ’écrivain et sur son activité éditoriale, deux aspects qui ont déjà donné lieu à plusieurs études29. Je me bornerai donc ici à indiquer brièvement les princi­ paux apports de ce témoignage. En ce qui concerne son travail d ’écrivain, et même s’il convient toujours en pareil cas de faire la part de la fausse modestie et de la reconstruction, Galien déclare avoir d’abord rédigé pour son propre usage des notes de cours destinées à lui servir d’aide-mémoire (ύπομνήματα) et écrit pour lui-même, à titre d ’exercice person­ nel, sur chacune des parties de l ’art médical. Il entreprend en particulier de composer sur ce mode les premiers com­ mentaires hippocratiques à l’origine exclusivement desti­ nés à son usage privé30. Il précise également avoir rédigé 28. Sur l’intérêt des données autobiographiques rassemblées par Galien dans nos deux opuscules, voir la partie consacrée à la Biogra­ phie p. vu sqq. 29. Le témoignage de Galien dans nos deux opuscules a entre autres nourri et inspiré une bonne partie de l’ouvrage de T. Dorandi, Le stylet et la tablette. Dans le secret des auteurs antiques , Paris, Les Belles Lettres, 2000 (voir en particulier les chapitre 4 et 5, p. 77-128) qui renvoie pour Galien (p. 78 n. 4) au travail de K. Dziatzko, Untersuchungen über ausgewàhlte Kapitel antiken Buchwesens , Leipzig, 1900, p. 163-166. Voir aussi J. Mansfeld, Prolegom ena..., p. 131 sqq. Et pour la rédaction des commentaires, voir D. Manetti et A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocrate », ANRW II 37. 2, Berlin, 1994, p. 1560 et 1568-1569. 30. Sur ses propres livres c. IX. 1-2 où Galien distingue ses pre-

24 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES ses premiers traités pour des amis ou disciples (à Per­ game, puis à Rome) et n ’avoir envisagé qu’une diffusion limitée de ses œuvres, en quelque sorte utilitaire et non destinée à lui survivre31. Ces premiers écrits furent donc rédigés sous une forme adaptée à leur destinataire et leur niveau scientifique était également destiné à varier selon les compétences du lecteur auquel ils étaient destinés32. Et mëtne si Galien les donna à ses disciples sans leur donner: de titres, de tels écrits se rattachaient en réalité à la catégorie des « esquisses », « ébauches », « introduc­ tions », « synopsis » ou autres « guides »33. Galien a cependant lui-même créé en quelque sorte un nouveau genre littéraire, celui des écrits « aux débutants » (τοΐς είσαγομένοις), puisque telle est finalement la mention dont il accompagna ces petits traités quand, bien des années plus tard, il put les récupérer et les corriger avant de décider finalement de les publier sous son nom34. À l’origine de cette décision de rassembler ses pre­ miers écrits pour les publier sous son nom, Galien cite la diffusion involontaire de ses traités parvenus en des mains étrangères et le plagiat dont il fut victime35. Cer­ tains en effet s’approprièrent les livres de Galien en les mettant sous leur propre nom, d’autres en firent com­ merce, d’autres encore les falsifièrent36, d ’autres enfin miers commentaires à Hippocrate rédigés à titre d ’exercice personnel des commentaires plus élaborés destinés à la publication. 31. Sur Vordre de ses propres livres c. I. 2. 5 ; Sur ses propres livres Prol. 6. et c. IL 1. On verra en réalité plus loin que, dès cette pre­ mière époque, Galien avait commencé à composer des traités destinés à la publication. 32. Sur ses propres livres Prol. 9-10. 33. Sur le sens précis de chacun de ces genres littéraires, voir le Sur ses propres livres Prol. 11 et les notes à ce passage. 34. Sur ses propres livres Prol. 12. 35. Sur l ’ordre de ses propres livres c. I. 5 ; et voir surtout l’anec­ dote sur laquelle s’ouvre le Sur ses propres livres Prol. 1-5, et aussi c. II. 6. 36. Sur ses propres livres Prol. 7.

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mirent sous le nom de Galien pour mieux les vendre des livres qu’il n ’avait jamais composés. Quand Galien se rend compte que ses livres sont tombés entre des mains autres que celles auxquelles il les destinait, il prend para­ doxalement deux décisions opposées. Dans un premier temps, le médecin de Pergame nous confie sa volonté de s’abstenir désormais d’offrir tout traité à ses amis et semble-t-il de renoncer à l’écriture37. Mais d ’un autre côté, constatant l’incompréhension et la polémique susci­ tée par certains de ses écrits, il décide alors de composer un dernier traité qu’il conçoit comme la justification de ses travaux antérieurs. Dans cette sorte de discours de la méthode intitulé Sur la meilleure école38, il entreprend de défendre l’originalité de sa démarche au sein d ’une com­ munauté scientifique scindée et violemment tiraillée entre écoles médicales rivales. Galien ne fait ici qu’une simple allusion au climat exceptionnellement polémique et aux conflits parfois violents qui opposèrent à Rome les tenants des différentes écoles médicales ou philoso­ phiques tout au long du IIe siècle de notre ère39. Mais il lui attribue la lecture erronée et la mauvaise interpréta­ tion dont ces premiers traités furent vicitimes. Galien conçoit donc ce traité Sur la meilleure école où il prône la nécessité de recourir à une méthode scientifique et d’être formé à la connaissance de la logique, comme la défense et l ’illustration de ses écrits antérieurs. Mais en 37. Sur l ’ordre de ses propres livres c. I. 5-6 ; cette résolution de ne plus offrir ses écrits à ses proches peut être rapprochée d’une autre décision que Galien eut semble-t-il tout autant de mal à respecter, celle de ne plus se livrer à des démonstrations publiques (Sur ses propres livres c. I. 14). 38. Sur les problèmes d’authenticité posés par le traité aujourd’hui conservé sous ce titre, voir infra p. 104 n. 3. 39. Sur les principales écoles médicales citées par Galien dans le Sur l ’ordre de ses propres livres c. I. 3 (empirique, dogmatique ou méthodique), voir son traité Sur les écoles (Kühn I, 64-105), ainsi que Ph. Mudry et J. Pigeaud éd., Les écoles médicales à Rom e , Université de Lausanne, Publications de la Faculté des Lettres 33, Genf, 1991.

26 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES même temps, il en recommande la lecture avant toute autre chose et en fait la première étape d ’une formation médicale de qualité40. À la fois conclusion et introduc­ tion, la rédaction du Sur la meilleure école est donc pré­ sentée comme une étape décisive dans la carrière litté­ raire de Galien. Elle clôt en effet la période antérieure réservée à une écriture d’ordre privé et inaugure cette phase ; de composition active et exceptionnellement féconde qui voit la composition des écrits destinés au grand nombre et à une édition (εκδοσις) publique41. Dès lors, Galien éprouve donc la nécessité d’éclairer le lecteur sur l’existence de ces deux catégories de traités, ceux d ’ordre privé et ceux destinés à la publication, et ces deux niveaux d ’écriture, afin qu’il ne se retrouve pas confronté à des écrits dont l’inachèvement pourrait à juste titre le surprendre comparé à la forme achevée de ses autres écrits. Car, conclut Galien, « il est différent de chercher à atteindre l’ensemble des futurs lecteurs ou de s’adresser seulement à ceux à qui j ’ai personnellement remis mes ouvrages »42. Cependant, les différences entre ces deux catégories d’écrits apparaissent moins tranchées qu’on ne pourrait le croire puisque Galien concède avoir autrefois offert à des amis des écrits dont il s’était luimême préoccupé de conserver des copies précisément parce qu’il s’agissait de compositions achevées (δια το τελέως έξειργάσθαι)43. Au-delà de leur appartenance chronologique (écrits de jeunesse ou de la maturité) et de la personnalité de leurs destinataires (disciple, ami ou 40. Sur Γ ordre de ses propres livres c. I. 12. Le Sur les écoles dis­ pute cependant cette première place au Sur la meilleure école dans l’ordre de lecture et de formation proposé aux étudiants dans le Sur ses propres livres c. I. 2. 4L Même s’il s’agit en grande partie d ’une reconstruction de Galien, puisque dès cette première période il avait entrepris de rédiger des traités destinés à la publication et dont il avait pris soin de conser­ ver des copies (voir Sur ses propres livres c. I. 6). 42. Sur Γ ordre de ses propres livres c. II. 24. 43. Sur ses propres livres c. I. 6.

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grand public), la seule différence véritablement perti­ nente établie par Galien entre ses différents écrits concerne donc en définitive le degré d ’achèvement de leur écriture. Dès l ’époque de Galien, ces deux catégories de textes connaissent donc des voies de transmission et de diffu­ sion également différentes. Les écrits de forme plus relâ­ chée, destinés à des disciples ou amis, ne comportaient pas de titre et Galien n ’en avaient pas conservé de copies44. Ce n ’est en effet que lors de son second séjour romain que Galien s’employa à les récupérer, à les corri­ ger, et à les rassembler en leur donnant un titre et en veillant à en établir des copies. Parmi ces premiers écrits cependant, d’autres, de composition plus achevée et dont Galien possédait des copies, avaient déjà commencé à circuler dans le public. Aussi Galien distingue-t-il, au sein même de ses écrits de jeunesse, d’un côté les traités rédigés à Pergame et à Smyme lors de ses années de for­ mation et récupérés lors de son premier retour dans sa patrie (Sur Vanatomie de l ’utérus, Sur le diagnostic des affections oculaires, Sur l ’expérience médicale et Sur le mouvement du poumon et du thorax)4546; d ’un autre, les écrits composés lors de sort premier séjour romain et récupérés lors de son second séjour à Rome où il les met en forme et les réunit sous le titre « pour les débutants » (Sur les écoles, Sur les os, Sur le pouls, Sur l ’anatomie des veines et des artères, Sur l ’anatomie des nerfs) aux­ quels il faut ajouter une Ébauche de la démarche empi­ rique116 ; d’un autre côté encore, le Sur les causes de la respiration et Sur la voix, écrits de forme achevée, rédi­

gés lors du premier séjour romain et dont des copies autorisées circulèrent très tôt dans le public47 ; et enfin le 44. Sur ses propres livres c. I. 1. 45. Ibid. c. IL 1-5. 46. Sur ces différents traités tous cités dans le Sur ses propres livres c. I. 2-5, voir les notes complémentaires. 47. Ibid. c. I. 6.

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Sur Vanatomie d'Hippocrate et Sur l'anatomie d'Érasistrate , écrits polémiques par excellence dont la diffusion

sauvage échappa à Galien48. Ce premier séjour romain offrit en tout cas à Galien l’occasion de fourbir ses premières armes d ’écrivain et d’éditeur (ces deux fonctions restant largement confon­ dues dans l ’Antiquité entre les mains du même homme), puisque dès la fin des années 160 et avant même son pre­ mier retour dans sa patrie, le médecin de Pergame met en chantier deux de ses œuvres majeures le Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon (dont il rédige à Rome les six premiers livres) et le Sur l'utilité des parties du corps (dont il rédige le premier livre)49. Dès lors, il n ’aura de cesse, durant son second séjour romain, de consacrer l’essentiel de son activité à la composition de son œuvre médicale, littéraire et philosophique, et à la rédaction de traités tous destinés à être publiés. Il achève ainsi et com­ plète les deux grands ouvrages commencés à la fin de son premier séjour romain et leur ajoute ses traités d ’anato­ mie (Sur ses propres livres c. IV), de physiologie (c. V), de thérapeutique (c. VI et VII) et de pronostic (c. VII) les plus marquants, sans oublier la somme impressionnante de ses commentaires aux œuvres d’Hippocrate (c. IX) enrichis et prolongés par les traités consacrés à ses prédé­ cesseurs médecins (Érasistrate c. X ; Asclépiade c. XI ; empiriques c. XII ; méthodiques c. XIII), philosophes (logique et éthique c. XIV-XV ; Platon c. XVI ; Aristote c. XVII ; Stoïciens c. XVIII ; Epicure c. XIX) ou rhé­ teurs (c. XX).

48. Ibid. c. I. 7-13. La politique éditoriale de Galien se révèle donc en définitive un peu plus complexe que ne la résume T. Dorandi dans Le stylet et la tablette..., p. 78 : « Pour l’ensemble de sa généreuse production littéraire, Galien de Pergame avait à plusieurs reprises choisi entre ces deux possibilités, réserver certains de ses écrits à un cercle restreint d ’élèves, d’amis, ou les mettre en circulation ». 49. Sur ses propres livres c. I. 17.

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Importance du témoignage des traités biobibliogra­ phiques sur Γœuvre galénique

Nos deux opuscules biobibliographiques fourmillent de renseignements uniques et importants sur la genèse du corpus galénique. Je n ’en retiendrai ici que les aspects principaux. Tout d’abord, ils nous ont conservé l’intitulé de plu­ sieurs ouvrages de Galien perdus en grec comme en tra­ duction syriaque, arabe, latine ou hébraïque et dont nous ne saurions absolument rien sans ce témoignage. Tel est en particulier le cas de plusieurs traités de philosophie morale cités au c. XV du Sur ses propres livres dont il faut nous résoudre à ne connaître que le titre comme le Sur la calomnie, Sur la fin de la philosophie, Sur la consolation, Sur le plaisir et la peine, Sur la pudeur et

d’autres encore50. Par ailleurs, nos deux opuscules nous livrent des rensei­ gnements nouveaux et complémentaires sur des ouvrages que nous ne possédons pas dans leur intégralité. Tel est le cas du Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon dont nous possédons les neuf premiers livres mais que Galien avait rédigé en dix livres51 ; ou encore du traité Sur le mouve­ ment du thorax et du poumon dont nous ne possédons que des fragments mais sur la genèse duquel Galien nous ren­ seigne avec précision dans le Sur ses propres livres où il dit qu’il rédigea à Smyme ce traité consacré à l’enseigne­ ment de son maître Pélops, en trois livres, et compléta un peu plus tard le troisième et dernier livre avec l’exposé de ses propres découvertes, quand il récupéra l’ouvrage à Per­ game pour le corriger et le publier. Les indications données par Galien dans ses opuscules biobibliographiques sur le contenu de tel traité particulier nous permettent également de vérifier, quand le sujet en 50. Voir à propos de chacun des ouvrages cités dans ce chapitre les informations données dans les notes complémentaires. 51. Sur ses propres livres, c. III. 8 et la note.

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apparaît manifestement trop éloigné de l’ouvrage qui nous a été transmis, que nous possédons en réalité, sous un titre semblable, un traité différent de celui composé par le médecin de Pergame. Tel est le cas du Sur la meilleure école dont le contenu décrit par Galien ne cor­ respond que de manière très imparfaite au traité que nous lisons aujourd’hui sous ce titre52. Enfin, Galien ne se contente pas de nous renseigner sur le noln de ses principaux maîtres ou prédécesseurs et sur le contenu de leur enseignement53, il nous livre des infor­ mations d’une valeur irremplaçable sur les ouvrages, pour la plupart perdus, de plusieurs illustres médecins ou philosophes. Sans parler des œuvres perdues du rhéteur Favorinos auxquelles Galien fait plusieurs fois allusion54, je me limiterai aux deux exemples de Marinos (fl. 129) et de Lycos ( lère moitié du IIe s. de n.è.), deux grands ana­ tomistes de l’antiquité, auteurs de deux vastes ouvrages anatomiques dont, sans le témoignage de Galien dans le Sur ses propres livres, on ne saurait aujourd’hui presque rien55. La chute d’un bifolium dans le manuscrit grec de Milan, qui était le seul témoin connu pour nos deux opus­ cules jusqu’à la découverte récente en janvier 2005 d’un manuscrit de Thessalonique56, nous a longtemps privés de la description complète des deux ouvrages de Lycos et Marinos. La lecture de ce nouveau témoin est venue confirmer les données de la traduction arabe réalisée par Hunain, elle-même conservée dans un unique manuscrit

52. Sur Vordre de ses propres livres c. I. 6. 53. Sur son maître Pélops, sur Numisianos, Sabinos, Rufus d ’Éphèse, Quintos et Aiphicianos, voir Sur Vordre de ses propres livres c. III. 6 sqq. ; sur Pélops et Albinos, voir Sur ses propres livres c. II. 1. 54. Sur les ouvrages relatifs à Favorinos d’Arles et cités par Galien dans le Sur ses propres livres c. XIV. 21 et XV. 1, je renvoie à la récente édition d’E. Amato, Paris, CUF, 2005. 55. Sur ses propres livres c. IV. 9 sqq. 56. Sur ce nouveau manuscrit de Thessalonique, voir infra p. 42 sqq.

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de Meshed, et dont j ’avais donné la première traduction française dès 199957. Grâce au témoignage du Sur ses propres livres ressuscité en grec comme en arabe, nous apprenons ainsi le contenu exact de chacun des vingt livres dont se composait la somme anatomique de Marinos et celui des dix-neuf livres dont se composait l’ou­ vrage de Lycos. Ce développement dont le lecteur occi­ dental fut longtemps privé recèle en effet de précieuses informations sur l ’état de la science anatomique antique tant pour les spécialistes de Galien eux-mêmes que pour les historiens de la médecine. Le témoignage de Galien sur Marinos et sur ce qui semble bien avoir été le plus ancien traité complet d’anatomie et de physiologie de l’antiquité constitue de fait notre seule source sur l ’œuvre de ce célèbre anatomiste. Suit immédiatement la descrip­ tion des livres d’anatomie de Lycos pour lesquels l ’ap­ port de la tradition arabe (puis du Vlatadon) s’est révélé encore plus déterminant. En effet, nous ignorions tout jusque-là de l’œuvre de Lycos, y compris le nombre de livres que comptait son ouvrage. Nous savons depuis que ce vaste ensemble rassemblait dix-neuf livres auxquels Galien avait consacré un Epitomé aujourd’hui perdu en deux livres, le premier étaint consacré au résumé des livres I à IX de Lycos, et le second aux livres X à XIX. Là encore, grâce aux nombreux renseignements que Galien nous livre sur le contenu détaillé de chacun de ces dix-neuf livres, le Sur ses propres livres constitue une source précieuse pour les historiens de la médecine, en 57. Voir mes deux articles « Galen’s On my own Books : New Material from Meshed, Rida, Tibb. 5223 », in V. Nutton éd., The Unknown Galen, Proceedings of the International Symposium on the Unknown Galen : Galen beyond Kühn (Thursday & Friday 25-26 November 1999), London, Institute of Classical Studies, Bulletin o f the Institute o f Classical Studies, Supplément 77, 2002, p. 9-18 et « Deux manuscrits médicaux arabes de Meshed (Rida tibb 5223 et 80) : nou­ velles découvertes sur le texte de Galien », CRAI, avril-juin 2001, fasc. II, Paris, De Boccard, 2001, p. 1197-1222.

32 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES particulier pour retracer l’histoire de l’anatomie des pre­ miers siècles de notre ère58. L ’importance des renseignements transmis par le Sur Vordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres relatifs à la vie et l’œuvre de Galien, mais aussi aux ouvrages de ses prédécesseurs, permet ainsi de mieux mesurer ce que notre connaissance du corpus galénique doit à|ces deux opuscules. Or, les aléas de la transmis­ sion dès textes ont bien failli nous priver de la lecture de ces deux traités qui ne nous ont été transmis que dans deux seuls manuscrits grecs dont le premier (un manus­ crit de Milan) est gravement lacunaire et le second (un manuscrit de Thessalonique), comme nous l ’avons dit, vient à peine d ’être découvert. L ’occasion va ainsi nous être donnée, à propos de l’histoire du texte de nos deux opuscules, mieux encore peut-être que pour tout autre traité du corpus, de mesurer à la fois la part de hasard mais aussi de chance attachée à toute recherche philolo­ gique. Histoire du texte Les deux traités de Galien respectivement intitulés Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres ont une histoire et une tradition en grande partie communes. Ils ont en effet tous deux fait l’objet de traductions latines et arabe réalisées aux mêmes dates par les mêmes traduc­ teurs et nous ont été transmis par les mêmes témoins. Aussi a-t-il été jugé plus commode de leur consacrer une seule et unique notice.

58. Sur l’anatomie de Marinos et Lycos, voir M. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien : l’enseigne­ ment de Marinus, Quintus et Numisianus », ANRW, IL 37.2, BerlinNew York, 1994, p. 1491-1528 et la bibliographie donnée à cet endroit.

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N o u v e a u té d e la p r é s e n te é d itio n

L ’histoire de la tradition de ces deux textes est, à plus d’un titre, tout à fait exceptionnelle. Notre connaissance de ces deux traités reposait en effet jusqu’à une date récente sur la connaissance d ’un unique manuscrit grec de Milan, hélas gravement lacunaire, dont dépendaient à leur tour l’édition princeps (Aldine de 1525) et toutes les autres éditions, jusqu’à la dernière en date (Müller, 1891). Deux importantes découvertes ont cependant per­ mis de renouveler notre connaissance de ces opuscules galéniques. On savait depuis les années 1970, grâce à F. Sezgin, que chacun de nos deux traités avait été traduit en arabe et que chacune de ces deux traductions se trou­ vait conservée dans un unique manuscrit. Cependant cès deux précieux manuscrits arabes, conservés en Iran dans une bibliothèque religieuse de Meshed, étaient jusque-là restés inaccessibles aux chercheurs59. J ’ai eu la chance, grâce à l ’aide efficace et aux interventions répétées d’un chercheur spécialiste du monde iranien, de pouvoir me procurer des photocopies de ces précieux manuscrits de Meshed60. Si j ’ai pu constater que le premier manuscrit ne nous avait conservé qu’un seul folio recto-verso de la traduction arabe du Sur l'ordre de ses propres livres, j ’ai pu en revanche, grâce à la traduction arabe du Sur ses propres livres, combler l’importante lacune entraînée dans le manuscrit grec de Milan par la chute d ’un bifolium et ainsi restituer un long développement anato­ mique resté inconnu de l’Occident depuis au moins le XVe siècle61. Il n ’avait cependant pas été possible, à

59. F. Sezgin, Geschichte des Arabischen Schrifîtums, Leiden, Brill, 1970, Band III, p. 78-79 (n° 1 et 2). 60. J ’adresse ici tous mes remerciements à Ziva Vesel, chercheur au CNRS et spécialiste du monde iranien, pour son aide efficace et sa généreuse disponibilité. Grâce à elle, j ’ai pu obtenir des photocopies des deux manuscrits arabes Rida 5214/1 et Rida tibb. 5223. 61. Voir mes deux articles cités n. 57.

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l ’aide de la traduction arabe, de combler la lacune symé­ trique entraînée à l ’intérieur du Sur Γordre de ses propres livres dans le manuscrit de Milan en raison de la chute de ce même bifolium. Un autre fait est intervenu tout récemment avec la découverte, à Thessalonique, par Antoine Pietrobelli un de mes doctorants qui a précédemment été l’élève de J. Jou|nna, d ’un nouveau témoin grec du texte galénique, le Vlcàadon 14, un manuscrit resté jusqu’alors inconnu des spécialistes de la médecine antique et qui a considé­ rablement renouvelé notre connaissance de ces deux trai­ tés62. En effet, ce manuscrit nous a transmis nos deux petits opuscules exempts de l ’importante lacune traver­ sante du manuscrit de Milan et nous a ainsi permis de combler en grec les deux portions de texte manquantes à la fois dans le Sur Γ ordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres dont seule la seconde avait pu être complétée grâce à la traduction arabe. La présente édition, qui est donc en réalité une édition princeps pour les deux importants passages restitués à l’aide du manuscrit Vlatadon , propose, pour la première fois, le texte grec intégral de ces deux traités galéniques que l’occident, depuis le XVe siècle, ne lisait plus que sous une forme gravement lacunaire. 62. Le Vlatadon 14 nous a transmis en grec non seulement les deux opuscules bio-bibliographiques de Galien mais également deux impor­ tants traités galéniques le Sur ses propres opinions (dont nous ne pos­ sédions que quelques fragments en grec, voir éd. V. Nutton, Galeni De propriis placitis , CMG V 3, 2, Berlin, 1999) et Sur Γ inutilité de se chagriner (Π ερί άλυπίας) entièrement perdu en grec comme en tra­ duction arabe ou latine. Sur l ’apport du manuscrit Vlatadon au De pro­ priis placitis, voir V. Boudon-Millot et A. Pietrobelli, « Galien ressus­ cité : édition princeps du texte grec du D e propriis placitis », Revue des Etudes Grecques 118, 2005, 1, p. 168-213 ; sur le Π ερί άλυπίας, voir V. Boudon-Millot, « Un nouveau traité inédit de Galien, le Sur Γ inutilité de se chagriner », in La science médicale antique : nou­ veaux regards , Etudes réunies par V. Boudon-Millot, A. Guardasole et C. Magdelaine en l’honneur de J. Jouanna, Paris, Beauchesne (à paraître).

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La tradition grecque Le Sur Γordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres nous ont été transmis par deux manus­ crits : Ambrosianus gr. 659 s. XIV 187r-197r (De lib. propr.) (olim Q 3 Sup.) 197r-200r (De ord. libr. suor.) A Vlatadon 14 s. XV 62v-65v (De lib. propr.) 65v-67r (De ord. libr. suor.) Vlat

auxquels on ajoutera une courte citation du Sur ses propres livres contenue dans le : Vaticanus Barberinianus gr. 5

s. XVI 248 Barb63

L ’Ambrosianus gr. 659 (olim Q 3 Sup.) (= A)64 est un manuscrit de papier de 272 folios, de 210 x 139 mm, et daté du XIVe siècle65. Il comprend au total quatorze trai­ tés de Galien, en général très brefs, à l’exception notable du Sur les lieux affectés qui occupe les folios 45 à 128. Une souscription (f. 21 lr) indique qu’il a été acheté en Thrace en mars de l’année du monde 6974 (c’est-à-dire en mars 1466) pour la somme de 25 aspres ottomans par Démétrios Angelos, qui fut l’élève de Jean Argyropoulos

63. Ce manuscrit est non folioté mais paginé. 64. Ce manuscrit a été désigné sous la lettre A par H. Diels dans son édition du commentaire de Galien au Prorrhétique I d’Hippocrate (in Hippocratis Prorrheticum I, Leipzig-Berlin, CMG V 9, 2, 1915, p. X), suivi par V. Nutton, dans ses éditions du Pronostic (De praenotione, CMG V 8, 1, Berlin, 1979) et du Sur ses propres opinions (De propriis placitis, CMG V 3, 2, Berlin, 1999), et enfin par Ch. Otte dans son édition du Sur la pléthore (De plenitudine, Wiesbaden, Dr. Ludwig Reichert Verlag, Serta Graeca 9, 2001). I. Müller, dans son édition des deux opuscules de Galien (Scripta M inora II, Leipzig, 1891) désignait le manuscrit sous la lettre Q. 65. Voir A. Martini et D. Bassi, Catalogus codicum gr aecorum bibliothecae Ambrosianae , tome II, Milan, 1906, p. 738-740. Voir aussi les notes manuscrites de Ch. Daremberg conservées à la biblio­ thèque de l’Académie Nationale de Médecine (Ms. 480.25, p. 30-31).

36 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES à Constantinople autour de 144866. Le manuscrit se trou­ vait en Italie au XVIe siècle quand les éditeurs de Γ Al­ dine l’utilisèrent67. Il a ensuite été vendu à Pise en 161168, vraisemblablement après un passage à Pavie ou Padoue69. On distingue deux mains à l’intérieur du manuscrit, une main ancienne que D. Harlfinger date du XIVe siècle, et de façon assez vraisemblable entre 1320 66. ' Sur l’humaniste byzantin Démétrios Angelos, voir B. Mondrain, « Jean Argyropoulos professeur à Constantinople et ses audi­ teurs médecins, d’Andronic Eparque à Démétrios Angelos », M iscella­ nea fü r Peter Schreiner zu seinem 60. Geburtstag, Byzantinisches Archiv 19, München-Leipzig, K. G. Saur, 2000, p. 223-250 (en parti­

culier, p. 238 sqq.). Démétrios a acquis le manuscrit auprès d’un cer­ tain Papas Démétrios « fils de celui de Medeia », désignation qui, selon B. Mondrain, « Comment était lu Galien à Byzance dans la pre­ mière moitié du XVe siècle ? », in A. Garzya-J. Jouanna éd., Trans­ mission et ecdotique des textes médicaux grecs , Napoli, M. D ’Auria Editore, 2003, p. 378-379, pourrait désigner Théodore Agallianos, alias Théophane de Medeia, un proche de Georges Scholarios, et qu’Angelos a lui-même dû connaître. 67. V. Nutton, dans son édition du De propriis placitis de Galien dans le CMG V 3, 2, p. 43, a établi que les éditeurs aldins avaient uti­ lisé pour le chapitre 13 de ce traité le manuscrit de Milan (= A) qui était alors le seul témoin conservé en grec. Nous nous trouvons dans une situation semblable pour le Sur l'ordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres dont le manuscrit de Milan était là encore, avant la récente découverte du Vlatadon , l’unique témoin conservé et pour lesquels il a servi de modèle aux éditeurs aldins. 68. A. Martini et D. Bassi, dans la préface de leur catalogue, pré­ sentent l’hypothèse que le manuscrit acheté à Pise en 1611 par Gratia Maria Gratius, l’homme de confiance du cardinal Frédéric Borromée, aurait fait partie des manuscrits de Hieronymus Mercurialis mort à Pise en 1606 et dont la bibliothèque avait alors été vendue. 69. Voir A. Martini et D. Bassi, Catalogus..., p. 740. V. Nutton, dans son édition du Pronostic , CMG V 8, 1, p. 45-46, en se basant sur l’examen des notes manuscrites portées par Joseph Justus Scaliger dans son exemplaire personnel d’une Aldine de Galien conservé à l’Herzogbibliothek de Wolfenbüttel, a supposé que le manuscrit A se trouvait à Pavie ou à Padoue quand Joseph Justus Scaliger entreprit un de ses voyages en Italie aux environs de 1565 et qu’il eut l’occasion de l’utiliser. Toutefois, J. J. Scaliger n’a pas porté d ’annotations sur nos deux traités.

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et 1380 ; et une main plus récente qui a annoté et res­ tauré le manuscrit gravement endommagé par l’humidité. Cette main plus récente a été rapprochée par B. Mondrain de celle du copiste désigné sous le nom d ’Anonyme 19 par D. Harlfinger et qui peut à présent être identifié avec Démétrios Angélos lui-même70. Le manuscrit étant déjà très endommagé quand il parvint entre les mains de Démétrios Angelos, ce dernier l’a restauré en copiant des folios ou même des cahiers entiers pour suppléer aux mutilations. Mais, d ’une façon générale, Démétrios est fort peu intervenu à l’intérieur de nos deux traités (qu’il néglige de mentionner dans son inventaire du contenu du manuscrit f. 128v), se contentant ici et là de repasser un mot ou quelques lettres effacées comme par exemple le. τ de διαίτης au f. 193r. Le Sur Γordre de ses propres livres (~ OPL) contenu aux folios 197r-200r et accompagné du titre Π ερί τής τάξεως των ιδίων βιβλίων suit dans le manuscrit de Milan le Sur ses propres livres (= PL), contenu aux folios 187r-197r et précédé du titre Γαληνού περί των ίδιων βιβλίων71. Une importante lacune affecte successivement nos deux traités en deux endroits différents, une première fois au bas de Γ actuel folio 192v où le Sur ses propres livres 70. Sur l’Anonymus 19, voir D. Harlfinger, Die Textgeschichte der pseudoaristotelischen Schrift Π ερί ατόμω ν γραμμώ ν. Ein kodikologisch-kulturgeschichte Beitrag zur Klàrung der Überlieferungsverhàltnisse im Corpus Aristotelicum , Amsterdam, 1971, p. 419. Sur Démé­

trios Angelos, voir B. Mondrain, « Jean Argyropoulos professeur à Constantinople... », p. 238.240. 71. L ’ordre où les deux traités nous ont été transmis à l’intérieur du manuscrit A est donc en contradiction avec l’ordre chronologique de leur rédaction par Galien, ce dernier ayant clairement indiqué, à l’inté­ rieur du Sur Vordre de ses propres livres , son projet de rédiger le second. Dans son édition, I. Müller a d ’ailleurs interverti l’ordre des deux opuscules de Galien par rapport à celui où ils se présentent dans A, éditant pour la première fois le Sur Vordre de ses propres livres avant le Sur ses propres livres.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

s’interrompt après ειτα (c. IV. 32) nous privant ainsi d’un développement consacré à la fin de l ’épitomé des livres de Marinos, à l ’ensemble de l’épitomé des livres de Lycos et aux œuvres anatomiques de Galien, puis une seconde fois dans le Sur Vordre de ses propres livres au bas de l’actuel folio 198v après κατασκευής (c. IL 13). Il est possible de calculer que la quantité de texte ainsi disparu correspond, dans chacun des deux cas, à une soixantaine de lignes dans A et à quarante-deux lignes laissées en blanc dans l’Aldine, soit environ quatre pages (ou soixante-seize lignes) dans l’édition Kühn. Il s’agit en réalité, dans les deux cas, d ’un même accident qui a affecté conjointement les deux opuscules. L ’examen codicologique du manuscrit A permet de reconstituer son origine. Origine de la double lacune présente dans A

Le manuscrit A est en effet composé de quatemions dont le vingt-quatrième (quatemion κδ' qui correspond aux actuels ff. 193-198) a été assez gravement endom­ magé par la perte de son bifolium extérieur. Une main postérieure, vraisemblablement celle de Démétrios, a pris le soin d’indiquer dans la marge inférieure droite du folio 192v, après ειτα, la perte d’un folio (λείπει τι), indica­ tion reprise en haut du folio 193r suivant (λείπει). De même, dans la marge inférieure droite du folio 198v après κατασκευής mais aussi en haut du folio 199r, la même main a de nouveau signalé la perte du folio man­ quant. La perte de ce bifolium est ainsi à l’origine des deux grandes lacunes traversantes qui affectent successi­ vement le Sur ses propres livres et le Sur Γordre de ses propres livres dans le manuscrit A. Outre cette importante lacune due à un accident maté­ riel, le manuscrit A présente plusieurs espaces laissés

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blancs et correspondant soit à une ligne et demie de texte, soit à des lacunes plus réduites correspondant tout au plus à la perte d ’un ou deux mots. Aux dires de leur dernier éditeur, I. Müller, le Sur Γordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres , mériteraient d ’ailleurs mieux le nom de fragments que de traités7273. Une série de cinq passages correspondant chaque fois à une ligne et demie laissée en blanc apparaît en effet régulièrement dans le Sur ses propres livres (à l ’exclu­ sion du Sur l ’ordre de ses propres livres qui en est resté exempt). Ces cinq lacunes se répètent en effet toutes les 26 à 29 lignes dans le manuscrit de Milan : après ίδίοις (au lieu de ίδια in Prol. 7) ; après επιγραφήν (c. I. 1) ; après έπαινοΐμι (c. I. 9) ; après μηδενί (c. 1.16) et après ταυτα (c. II. 7). Ces lacunes de A qui ont toutes été reproduites non seulement dans l’Aldine mais aussi l’édi­ tion de Bâle jusqu’à celle de Kühn et celle de Müller qui les signale par trois astérisques, ont toutes les chances de remonter au modèle de A, un modèle lui-même déjà endommagé en raison de taches d ’humidité ou de quelque autre accident (rognure) et dont plusieurs folios successifs, vraisemblablement dans leur partie inférieure, 72. Voir I. Müller, Claudii Galeni Pergameni Scripta m inora , vol. II, Leipzig 1891 où le De ordine librorum suorum et le De libris p ro ­ priis occupent respectivement les pages 80 à 90 et 91 à 124. Dans la préface (p. LVI), I. Müller écrit exactement : « Textus igitur libello­ rum ad aetatem nostram pessime mulcatus pervenit ; cum permultis locis lectionis pravitate laborat, tum detruncatus miserrime est ; desunt singulae voces, desunt sententiae integrae, quid ? quod partes aliquae deperditae sunt, ut fragmenta potius quam libros Π ερί τής τάξεως των Ιδίων βιβλίων et Π ερί των Ιδίων βιβλίων exstare dicas ». 73. Dans ce modèle de A, tel que nous pouvons essayer de le reconstituer et qui devait compter 27 à 30 lignes à la page, le texte du Sur ses propres livres devait commencer en haut d ’un folio puisque la première lacune, comme les suivantes, intervient après un intervalle d ’environ 30 lignes. Ces lacunes au nombre de cinq au total (soit un chiffre impair) permettent également de supposer que notre traité com-

40 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES étaient déjà devenus illisibles au moment de la copie73. Outre ces cinq lacunes, on relève de façon plus ponc­ tuelle et intervenant à intervalles très irréguliers de simples blancs laissés par le scribe dans le manuscrit A pour signaler qu’il ne pouvait déchiffrer un ou deux mots. Le iSur Vordre de ses propres livres présente ainsi deux espaces laissés blancs (c. V. 4) respectivement après έτέροις êt άθροισαμένων (donné par A au f. 200r au lieu d’aÔpolaaç). I. Müller a signalé la première de ces lacunes dans le texte de son édition par trois astérisques après έτέροις, et a comblé à juste titre la seconde par l’addition de έκ των entre άθροισάμενος (leçon adoptée par Müller à la suite de Chartier et Kühn) et Αττικών. Le texte grec du Sur ses propres livres est, quant à lui, lacunaire en de plus nombreux endroits. C’est le cas après βιβλία (c. I. 17), après διατριβών (c. II. 7) ; et aussi après περί et avant έκφύσεις (c. IV. 18). D ’autres lacunes, en revanche, ne sont pas signalées matériellement dans A : après δογμάτων (c. III. 8-9) ; après Βοηθώ (c. III. 9) ; après χιτώνων (c. IV. 12) ; après Σεβήρω (c. XII. 1) ; après εξ (c. XIII) ; après εν (c. XIV. 22). Elles n ’ont pas non plus été signalées par Müller, mais sont identifiables grâce à la tradition arabe. La main ancienne a copié nos deux opuscules dans une écriture hâtive. Ainsi les finales ne sont pas toujours notées : -OPL c. IL 3 : επιστημ A lu έπιστήμην par l’Aldine et έπιστήμης par Chartier, Kühn et Müller (et avant eux par Comarius) ; c. IV. 4 : προσέξαντ A lu προσέξαντα par l’Aldine et προσέξοντας par Chartier, Kühn et Müller ; c. IV. 5 : θεωρηματ A lu θεωρήματα par l’Aldine et θεωρημάτων par Chartier, Kühn et Müller. mençait au verso (et non au recto) d ’un folio déjà endommagé dans sa partie inférieure.

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Voir aussi dans le PL c. II. 4 τουτ mis pour τούτο ; c. IV. 28 περιε* pour περιέχει ; c. IX. 14 Ίπποκρατ pour 'Ιπποκράτει ; c. X. 3 et XVI. 3 δυ- pour δυνά­ μεων ; c. XI Άσκληπιά8pour Άσκληπιάδου et c. XII. 3 Ήρακλείδροω· Ήρακλείδου.

Les abréviations elles-mêmes sont nombreuses et pas toujours clairement différenciées74. Le manuscrit A présente également plusieurs fautes d’iotacismes. Les graphies οι/ει, η/ει, ι/ει sont souvent confondues. On rencontre ainsi dans le OPL : διαδοχή pour διαδοχαί, Έ πικούριος pour Ε πικούρειος, συγγινόμενοι pour συγγενομένοι, δηχθήσεται pour δειχθήσεται et dans le PL : μοιράκιον pour μειράκιον, προεληλύθη pour προεληλύθει, Έ ρασιστράτιον pour Έ ρασιστράτειον, προεδρεία pour προεδρία, έξήγησις pour έξηγήσεις, ειδει pour ήδη etc. On lit également assez souvent la graphie γίν- pour γίγν- : on a ainsi dans le OPL γινώσκων, συγγινόμενοι et άναγινώσκειν pour γιγνώσκων, συγγιγνόμενοι et άναγιγνώσκειν ; et dans le PL άναγινώσκοντες, άνεγίνωσκον et παραγινομένων pour άναγιγνώσκοντες, άνεγίγνωσκον et παραγιγνομένων. Parfois le scribe s’est corrigé lui-même : -PL Prol. 8 χρησαμένων A : κτησαμένων A1 ; c. I. 17 άρξων A : άρξοντος A1 ; c. IV. 31 τάς A : τής A1. Une main postérieure (peut-être celle de Démétrios) a ajouté deux mots à l ’encre rouge dans le PL à la fin 74. Ainsi au c. I. 2, là où les éditeurs aldins ont lu μεθ5 έμφ (sic), et où Muller à la suite de Kühn a choisi d’éditer μετ’ έμέ, le manuscrit A a simplement μεθ’ ή μ- surmonté de l’abréviation -ας assez proche il est vrai de celle de -cov utilisée ailleurs (on pourra sur ce point compa­ rer l ’abréviation d ’ ήμών utilisée à la dernière ligne du folio 198v et celle d’ ή μάς utilisée au premier mot de la deuxième ligne du folio 199v). Il faut donc lire ici dans A μεθ’ ήμάς et non comme l’indique à tort Müller dans son apparat critique μεθ5 έμοΰ (sic).

42 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES du c. IX. 14 : Γαληνού Ιπποκράτης. Ces deux mots aujourd’hui très difficilement lisibles dans le manuscrit de Milan sont presque invisibles sur le microfilm et ont échappé à tous les éditeurs75. Ce manuscrit de Milan, bien que gravement lacunaire, a ensuite servi de modèle à l’édition Aldine76 et est resté, en occident du moins, le seul témoin connu de nos deux opuscules bio-bibliographiques jusqu’à la découverte toute récente d’un manuscrit de Thessalonique conservé au monastère des Vlatades, le Vlatadon 14. Le V la ta d o n 1477 est un manuscrit de papier de 281 folios78, de 305 x 220 mm79, et daté du XVe siècle80. 75. Lecture plus tard confirmée par la découverte du Vlatadon. Seul Müller dans son édition citée ci-dessous indique à cet endroit dans son apparat critique « cf. Praef. p. LXXXIII » et écrit de fait dans sa préface qu’il faut lire à cet endroit Γαληνού πραγματεία, ce qui est une lecture fautive des dernières lettres par ailleurs décrites comme « paene evanidae ». 76. Nous verrons en effet que l’Aldine présente les mêmes lacunes et les mêmes fautes que A aux mêmes endroits du texte. 77. Il ne nous a malheureusement pas été possible, malgré un séjour à Thessalonique, de voir ce manuscrit actuellement conservé dans le bureau personnel de l’Higoumène. Nous avons dû nous conten­ ter de la lecture du microfilm et des indications rassemblées par S. Eustratiadès dans son Κ ατάλογος τω ν εν zrj μονχ\ Β λατέω ν (Τσαοο ςΜ οναστήρι) άποκειμένω ν κω δίκω ν , Thessalonique, 1918, ρ. 57 (cata­ logue également publié sous le titre « Κατάλογος των έν τη μονή των Βλατέων άποκειμένων κωδίκων », dans Γρηγόριος ό Παλαμάς 2, 1918, ρ. 97 sqq.). 78. Et non 276 comme l’indique S. Eustratiadès, Κ ατάλογος ..., p. 57 car, comme le remarque A. Pietrobelli dans notre article commun « De l’arabe au grec... », cité n. 7, p. 502, n. 11, deux folios sont numérotés 233 et deux autres 258 auxquels il faut ajouter trois folios au début du manuscrit non pris en compte dans la foliotation. 79. Là encore les dimensions données par S. Eustratiadès (30 X 32 cm) diffèrent de celles indiquées en tête du microfilm (220 x 305 mm). 80. Datation proposée par S. Eustratiadès mais qui mériterait d’être vérifiée. À la lueur des rapports étroits entretenus entre A et Vlat, une datation plus haute (XIVe siècle), au moins pour la partie du manuscrit qui nous intéresse, n’est pas imposssible.

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C’est un manuscrit composite, écrit par plusieurs mains, et qui contient une trentaine de traités galéniques ou pseudo-galéniques81. En ce qui concerne l’histoire du Vlatadon, le seul élément fiable est la présence au f. 147v d’un schéma illustrant Γ Υ γ εία ς πλάτος, Γ« étendue de la santé » telle que définie par Galien au chapitre IV.8 de son A rt médical dont il donne une illustration. Ce schéma du Vlatadon est pratiquement identique à ceux contenus dans trois autres manuscrits qui nous ont conservé Y Art médical , le Parisinus gr. 2271 du milieu du XVe siècle, le Marcianus gr. V, 9 en partie copié par le même scribe que le précédent, et le Vaticanus gr. 285 de la fin XVe ou du début du XVIe siècle auxquels il faut ajouter le Mosquensis gr. 466 du XVe siècle. B. Mondrain s’est intéres­ sée à ce schéma qu’elle a mis en relation avec l’ensei­ gnement de Jean Argyropoulos à Constantinople grâce à une note accompagnant le tracé du schéma en question à l’intérieur du Marcianus et elle a, en particulier, identifié la main de Démétrios, un des possesseurs du manuscrit A, comme l ’auteur de cette note et comme le scribe du Parisinus et d ’une partie du Marcianus 82. Ces données 81. Exactement vingt-sept traités complets. La liste d’Eustratiadès compte en effet vingt-trois traités (qui se ramènent à vingt et un en ras­ semblant les trois livres du traité Sur les crises dénombrés séparément) auxquels il convient d’ajouter le De indolentia (Περί άλυπίας f. ΙΟν) pour lequel le Vlatadon est notre unique témoin conservé, mais aussi le De causa affectionum (Περί αίτιας παθών f. 15r), le De paroxysmorum temporibus (Περί των έν τοΐς παροξυσμοΐς καιρών f. 44ν), le De totius morbi temporibus (Περί τών του όλου νοσήματος καιρών f. 53ν), le De ordine librorum suorum (f. 65v) également omis par erreur et le De di g notione in somniis (f. lOOv). 82. Sur ce groupe de trois manuscrits que je n’ai pas retenus dans l’apparat critique de mon édition de Y A rt médical dans la CUF, Paris, 2000, sauf dans les passages où leur modèle commun, le Vaticanus gr. 1845, était lacunaire, voir ma thèse soutenue à l’Université de la Sor­ bonne-Paris IV en décembre 1990. Voir depuis, l’étude de B. Mondrain sur « Jean Argyropoulos... », cité n. 66, p. 231 qui situe l’enseigne­ ment de Jean Argyropoulos au xénon du Kral dans la période d ’un peu moins d’une dizaine d’années qui précède la chute de Constantinople en 1453.

44 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES semblent donc orienter vers une origine constantinopolitaine. Le manuscrit n ’est pas dans un très bon état de conservation, de nombreuses taches d’humidité ont endommagé çà et là les folios, rendant par endroits la lec­ ture très difficile, voire impossible. L ’apport considérable du Vlatadon à l’édition de nos deux opuscules tient cependant au fait qu’il est exempt de l ’importante lacune traversante observée dans A. Il nous a ainsi permis de restituer plusieurs pages du texte grec original de Galien dont le lecteur occidental était resté privé depuis plus de quatre siècles, vraisemblablement depuis la fin du XVe ou le début du XVIe siècle, date à laquelle est intervenue la dramatique lacune qui affecte aujourd’hui le manuscrit grec de Milan. A et Vlat remontent à un modèle commun déjà partielle­ ment lacunaire

Le Vlatadon a de nombreux traits communs avec A avec lequel il entretient des rapports particulièrement étroits. Il présente en particulier la même séquence de dix traités écrits dans le même ordre que dans A83. Il possède également les mêmes fautes que A, les mêmes blancs et reproduit les mêmes lacunes d ’une ligne et demie déjà constatées plus haut à l’intérieur du Sur ses propres livres. 83. Dans le manuscrit Vlatadon , tout comme dans le manuscrit de Milan, on lit à la suite : 1-De propriis placitis ; 2-De libris propriis ; 3-De ordine librorum suorum ; 4 -De parvae pilae exercitio ; 5-Quod qualitates incorporeae sint ; 6-De sophismatis penes dictionem (seul traité absent dans le Vlatadon) ; 7 -Adversus eos qui de typis scripse­ runt ; 8-De atra bile ; 9-De purgantium medicamentorum facultati­ bus ; \0-D e plenitudine ; 11 -De praenotione. Mais alors que la chute

accidentelle d ’un cahier (vraisemblablement un quaternion) dans le manuscrit de Milan nous a privé de la majeure partie du texte du De propriis placitis pour ne nous en conserver que les trois derniers cha­ pitres (c. 13 à 15), le manuscrit Vlatadon nous a, quant à lui, miracu­ leusement conservé l’intégralité du texte grec de ce traité de Galien, voir l ’article de V. Boudon-Millot et A. Pietrobelli cité n. 3.

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On citera pour commencer un certain nombre de fautes présentes dans nos deux manuscrits grecs et absentes de la tradition arabe, c ’est-à-dire la traduction réalisée dans la région de Bagdad par Hunain ibn Ishaq au IXe siècle de notre ère. J ’emprunterai ici mes exemples au seul traité Sur ses propres livres puisque malheureusement nous n ’avons conservé que le début de la traduction arabe du Sur Vordre de ses propres livres84 : -PL c. I. 9 ή Έρασιστρατείους ego sec. Ar. : om. A Vlat passage où Galien revendique de se situer au-dessus des écoles et critique les philosophes et médecins contem­ porains qui se font appeler du nom de leur maître à penser « Hippocratéens », « Erasistratéens », ou encore « Praxagoréens » (τούς έαυτούς άναγορεύσαντας Ίπποκρατείους ή Πραξαγορείους). -PL c. IV. 16 ιερού Ar. : έτέρου A Viat où nous avons une confusion en grec entre l’os dit « sacré » et un « autre » os. -PL c. IV. 23 θ’ ύμένος Garofalo sec. Ar. {membrane) : ύμένος Comarius θυμού A Vlat où nous avons de même une confusion en grec entre la « membrane » (qui est ici la bonne leçon, conjecturée par I. Garofalo85 et déjà en partie par le médecin et philologue Comarius au XVIe s.) et le « cœur » (thumos) donné par A et Vlat -PL c. VIII. 6 κρίσιν ego sec. Ar. : χρήσιν A Vlat -PL c. XIV. 21 εύρέσεως ego sec. Ar. : αίρέσεως A Vlat et 22 εύρέσεως Müller Ar. : αίρέσεως A Vlat -PL c. XX. 2 έπτα ego sec. Ar. : ς έν αλλοις ζ' A Vlat où les deux manuscrits grecs possèdent la même variante et partagent la même hésitation sur le nombre de livres dont se composait le traité de Galien aujourd’hui perdu Contre ceux qui blâment les auteurs de solécismes dans lalangue. 84. Sur la tradition arabe, voir infra p. 50. 85. I. Garofalo, « Note filologiche sull’anatomia di Galeno », ANRW, II. 37. 2, Berlin-New York, 1994, p. 1823-1829.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

A et Vlat présentent en outre les mêmes fautes de mécoupure et les mêmes abréviations : -OPL c. IL 2 πράττομεν άει Eberhardt : πραττόμενα εί A Viat -OPL c. IL 3 έπιστήμης Com. : -μην Aid. έπιστημ. A Vlat

M |is surtout, Vlat possède les mêmes lacunes d ’une lignent demie que celles déjà présentes dans A, même si, en plusieurs endroits, Vlat nous a conservé un texte plus complet que dans A nous permettant d ’emblée d’écarter l’hypothèse que A ait pu servir de modèle à Vlat. En effet, dans deux de ces cinq passages lacunaires, Vlat nous permet de restituer quelques mots supplémentaires par rapport à A : -PL Prol. 7 ώς ίδίοις A : ώς ίδια* τινές δε και ζώντων Vlat -PL c. IL 7 post ταΰτα add. Περί των μετά ταΰτα γραφέντων βιβλίων. Έγώ μεν Vlat

De même, Vlat permet de combler quelques-unes des lacunes de la longueur d ’un à deux mots signalées par des blancs dans le manuscrit de Milan. Tel est le cas à la fin du Sur Vordre de ses propres livres où le témoignage de Vlat nous permet de restituer trois mots laissés en blanc dans A : - OPL c. V. 4 μέμφεσθαι Vlat : om. A in lac. Il έκ των Vlat : om. A in lac.

Mieux encore, les deux manuscrits se complètent par­ fois presque miraculeusement, comme dans ce locus des­ peratus à propos des muscles de la face qui avait donné lieu à plusieurs conjectures toutes inexactes, et où le rap­ prochement des témoignages de A et Vlat permet de réta­ blir la mention des « attaches styloides » : -PL c. IV. 18 περί έκφύσεις A : περί τάς στιλοειδεΐς Vlat περί τάς στυλοειδεΐς έκφύσεις ego scripsi τάς τής γλώττης έκφύσεις Com. sec. Fich.

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(de musculis juxta linguae exortus) τάς ύμενώδεις Müller de.. .musculis qui circa earum alas sunt Caius om. Ar. Ya.

S’il est désormais évident, d’après ces exemples, que A ne peut avoir servi de modèle à Vlat, il convient encore, dans la mesure où nous n ’avons pu vérifier la datation de Vlat par un examen direct du manuscrit, de nous assurer que Vlat n ’est pas le modèle de A. Cette hypothèse peut être rapidement écartée par la présence de fautes ou d’omissions dans Vlat restées ignorées de A : -OPL c. I. 7 όρθός A Ar. : άγαθός Vlat PL c. VIII. 3-4 το σημείοv. Άλλ* oi μή μαθόντες παρά διδασκάλοις, έοικότες A : om. Vlat (Vlat ayant peutêtre omis ici une ligne de son modèle)

Ces observations permettent de poser l’existence d ’un modèle commun à A et Vlat et déjà partiellement lacu­ naire. Il est cependant remarquable que, dans plusieurs de ces passages lacunaires, le copiste du Vlatadon ait réussi à nous préserver un texte légèrement plus complet que celui de A, soit qu’il ait fait preuve de davantage d’acribie que le scribe de A dans la lecture de son modèle, soit encore que le scribe de A ait utilisé un modèle intermédiaire encore un peu plus détérioré, soit enfin (hypothèse pour le moment encore invérifiable) que Vlat soit en réalité antérieur à A et ait donc pu utiliser ce modèle commun à un stade de dégra­ dation moins avancé que n’a pu le faire un peu plus tard le scribe de A. L ’hypothèse la plus vraisemblable cependant, sans aller jusqu’à remettre en cause la chronologie relative des deux manuscrits A et Vlat, est que le copiste de Vlat se révèle en réalité plus conservateur. Le manuscrit Vlat nous a en effet transmis un texte supérieur à celui de A en nous conservant plusieurs bonnes leçons qui, pour les unes, sont confirmées par la tradition arabe, pour d ’autres viennent confirmer des conjectures proposées par les érudits, et pour d’autres enfin sont tout à fait inédites et permettent d ’amé­ liorer notablement le texte grec.

48 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES Apports de Vlat à rétablissement du texte grec Plusieurs bonnes leçons de Vlat inconnues de A sont confirmées par la tradition arabe : -PL Prol. 10 είσαγομένοις Vlat Ar. : είρημένοις A À propos de livres destinés « aux débutants » (τοϊς είσαγομένοις) et non « aux personnes précédemment citées ». -PL c. IV. 16 £άχιος Vlat Ar. : όσχεως A όσχέου Chartier δσφύος Garofalo Passage où il est en réalité question du rachis (βάχιος), et non de la hanche (όσφύος), ni davantage du testicule (όσχεως). -PL c. XIV. 14 έταίροις Vlat Ar. : έτέροις A

Plusieurs leçons de Vlat viennent confirmer des conjectures antérieures. Je me limiterai à trois exemples parmi plus d ’une dizaine : -PL c. IV. 23 πρώτον μεν κεφάλαιον Vlat sed iam Schone : & μεν κεφάλαια A κεφάλαια τάδε Comarius τα μεν κεφάλαια Chartier seçl. Müller où l’abréviation a utilisée pour πρώτον dans le modèle com­ mun A/Vlat n ’a pas été comprise par A et a entraîné plu­ sieurs réfections avant la suppression pure et simple du passage dans la dernière édition en date, l’édition Müller. -PL c. IX. 10 έν κεφαλή Vlat sed iam Chartier : έγκεφάλου A -PL c. IX. 11 προρρητικόν Vlat sed iam Irigoin : προ­ γνωστικόν A Barb om. Ar.

Le témoignage de Vlat nous permet enfin de rétablir plusieurs bonnes leçons dans des passages fautifs dans A et omis (ou illisibles) dans la traduction arabe : -PL c. IV. 18 τών μασητήρων Vlat : και τών μυκτήρων A om. Ar. où il est possible de restituer la mention des muscles « masséters » et non des muscles « des narines ». -PL c. VIII. 1 τό περί χρείας σφυγμών και το περί σφυγμών τοις είσαγομένοις γεγραμμένον Vlat : το περί χρείας σφυγμών τοις είσαγομένοις γεγραμμέ­ νον A Ar.

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où Galien mentionne en réalité deux traités, un traité Sur Γutilité du pouls et un traité simplement intitulé Sur le pouls, écrit pour les débutants. Un saut du même au même a entraîné de façon parallèle dans le manuscrit de Milan (A) et dans la traduction arabe (Ar.) Γ omission des mots και το περί σφυγμών faisant du même coup, contre toute vérité, du Sur Γutilité du pouls un traité « pour les débutants ».

Vlat témoin unique pour la lacune due à la chute d ’un bifolium dans A Mais là où le témoignage de Vlat se révèle véritable­ ment déterminant c ’est dans le comblement de la grande lacune entraînée par la chute d ’un bifolium et qui a suc-, cessivement frappé nos deux traités dans A. Le Vlatadon est en effet indemne de cet accident matériel intervenu dans le manuscrit de Milan et nous permet donc de resti­ tuer successivement dans le Sur Vordre de ses propres livres et le Sur ses propres livres un total d ’une dizaine de pages de grec pour lesquelles la présente édition est une édition princeps. Qui plus est, si la traduction arabe, avant la découverte du Vlatadon, m ’avait déjà permis de présenter le contenu de la lacune affectant le Sur ses propres livres, en revanche dans le cas du Sur l ’ordre de ses propres livres, pour lequel la traduction arabe est presque entièrement perdue, il avait été impossible de restaurer un texte grec complet. L ’enthousiasme de la découverte a cependant dû être tempéré par des difficul­ tés de lecture parfois insurmontables, dues à des passages effacés dans le Vlatadon, difficultés d ’autant plus grandes que nous ne disposons plus alors des « béquilles » de la traduction arabe pour déchiffrer le texte grec. Dans le cas du Sur ses propres livres en revanche, pour lequel nous possédons désormais le texte grec du Vlatadon et la tra­ duction arabe de Hunain, nous avons aujourd’hui l’occa­ sion inespérée de confronter le témoignage de la tradition arabe avec le texte de Galien et de mesurer ainsi l’extra­ ordinaire fidélité de celle-ci au grec original.

50 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES L a tr a d itio n a ra b e

Le célèbre traducteur nestorien Hunain ibn Ishaq (808877) nous a laissé de précieux renseignements sur le contenu et l ’histoire des traductions de nos deux opus­ cules tels que Ton pouvait les lire au IXe siècle dans la région de Bagdad. À l’intérieur de sa Risala, missive rédigée en 856 et adressée à Ali ibn Yahya « sur les livrées de Galien qui ont été traduits, à sa connaissance, et sur quelques-uns de ceux qui n ’ont pas été traduits », Hunain décrit en ces termes le Sur Γ ordre de ses propres livres86 : « En ce qui concerne le livre intitulé Sur Γordre de lecture de ses livres , il consiste en une seule partie. Il (sc . Galien) y poursuit le but d ’indiquer dans quel ordre la lecture de ses livres doit être menée, livre par livre et du premier au dernier. Je n ’ai pas traduit cet écrit en syriaque, c ’est mon fils Ishaq qui l’a traduit pour Bahtisu’8687. Mais je l’ai traduit en arabe pour Abu 1-Hasan Ahmad ibn Musa88. Je n ’ai pas eu connaissance que quel­ qu’un l’ait traduit avant moi89 ». 86. Voir G. Bergstrâsser, « Hunain ibn Ishaq. Über die syrischen und arabischen Galen-Übersetzungen », Abhandlungen fu r die Kunde des M orgenlandes , XVII, 2, Leipzig, 1925, p. 3 n° 1 (sur le De libris propriis) et n° 2 (sur le De ordine librorum suorum). À noter que Hunain présente les deux opuscules selon leur ordre d’importance et non selon l’ordre chronologique de leur rédaction par Galien. 87. Sur Bahtisu’, médecin et commanditaire de Hunain, voir F. Micheau, « Mécènes et médecins à Bagdad au IIIe/IXe siècle : les commanditaires des traductions de Galien par Hunayn ibn Ishaq », Les voies de la science grecque , D. Jacquart éd., Paris-Genève, Droz, 1997, p. 157 sqq. 88. Sur Abu 1-Hasan Ahmad ibn Musa, voir F. Micheau, loc. cit., p. 167 sqq. 89. Dans un autre manuscrit de la Risala découvert par H. Ritter après la publication de G. Bergstrâsser, on lit non pas « avant moi » mais « en dehors de moi », voir G. Bergstrâsser, « Neue Materialen zu Hunain ibn Ishaq’s Galen-Bibliographie », Abhandlungen fü r die Kunde des M orgenlandes , XIX, 2, Leipzig, 1932. Dans les deux cas, il ne semble pas avoir existé de traductions syriaques ou arabes anté­ rieures à Hunain.

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Il ressort de cette notice qu’aucune traduction syriaque ou arabe de notre traité ne circulait dans le monde arabe au IXe siècle, du moins à la connaissance de Hunain, et que son fils fut le premier à en donner une traduction syriaque, tandis que lui-même traduisait ce même traité en arabe. La traduction syriaque de Ishaq est malheureu­ sement perdue, mais il a été possible de retrouver la trace de la traduction arabe de Hunain. F. Sezgin a en effet été le premier à signaler l ’existence d’un manuscrit qui contient la traduction arabe de notre traité composée par Hunain pour Muhammad ibn Musa90. Aujourd’hui conservé dans la bibliothèque religieuse iranienne de Meshed, le R id a 5214/1 est un manuscrit de 220 x 130 cm ; 48 folios ; 19 lignes à la page ; temions et quinions. L’examen matériel suggère une date plus haute que celle proposée par Ullmann et Sezgin91. Le manuscrit a en effet vraisemblablement été copié au Ve siècle de l’Hégire (soit au XIe s. de n. è.), et non au VIIe (XIIIe s. de n. è.) époque où de fait on s ’intéressait déjà beaucoup moins à la science grecque92. Sezgin indique dans sa notice que différentes parties du traité ont été dispersées à l’intérieur du manuscrit à la suite d ’un accident de reliure93. Or nous verrons que cette observa­ tion s’applique en réalité, non au Rida 5214/1 mais à un second manuscrit de Meshed qui nous a transmis le Sur ses propres livres et pour lequel il nous sera effective­ ment donné d’observer de tels déplacements dans l ’ordre

90. F. Sezgin, Geschichte..., Band III, p. 79 (n° 2). 91. M. Ullmann, Die Medizin in islam, Leiden-Kdln, 1970, p. 35 et F. Sezgin, Geschichte. .., Band III, p. 79. 92. Je dois ces informations à Ziva Vesel qui, au terme de tracta­ tions nombreuses et complexes, a pu examiner sur place ce manuscrit et obtenir à ma demande des photocopies de ce témoin fort rare et jusque là resté inaccessible aux éditeurs de Galien. 93. « ...Teile der Schrift, im Sammelband an verschiedenen Stellen, da falsch zusammengebunden », in F. Sezgin, Geschichte..., Band III, p. 79.

52 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES des folios94. Dans le cas du Sur Vordre de ses propres livres, la situation se présente en effet comme plus défa­ vorable encore, puisque seul le début de notre traité a été conservé sur le folio 1 recto et verso. Notre texte se lit au début du manuscrit (f.lr) précédé de l’invocation tradi­ tionnelle à Allah et accompagné du titre suivant : « Au nom d ’Allah le miséricordieux parmi les miséricordieux. Livret de Galien Sur Vordre de lecture de ses livres tra­ duit ptar Hunain ibn Ishaq pour Muhammad ibn Musa ». La traduction s’interrompt cependant brusquement au bas du verso de ce premier folio, au c. I. 7 (après αύτάς) et les folios manquants, même déplacés, sont restés introu­ vables dans le reste du manuscrit. Dans le cas du Sur ses propres livres, l’apport de la tradition arabe s’est révélé plus favorable. Toujours dans sa Risala, Hunain nous décrit le traité en ces termes95 : « Le Pinax de Galien, dans lequel il décrit ses propres livres, est composé de deux parties : dans la première, Galien énumère ses livres sur la médecine, dans la seconde, ses livres de logique, philosophie, rhétorique et grammaire. Dans de nombreux manuscrits grecs, nous avons trouvé ces deux parties réunies comme si elles for­ maient un tout. Il (,sc. Galien) y exprima le projet de décrire les traités qu’il avait composés, d ’indiquer la fin qu’il poursuivait quand il décida de les écrire, leur desti­ nataire et leur date de composition. Avant moi, Ayyub alRyhawi al-Abrash (sc. le Tâcheté) l’avait traduit en syriaque, je l ’ai personnellement traduit en syriaque pour Dawud al-Mutattabib (sc. le Praticien)96, et en arabe pour 94. Dans la notice consacrée au Sur ses propres livres, F. Sezgin, Geschichte..., Band III, p. 78-79, semble curieusement ne s’être avisé d ’aucun de ces déplacements quand il retranscrit, dans un ordre pour­ tant perturbé, les différents titres de chapitres du traité. 95. G. Bergstrasser, « Hunain ibn Ishaq... », p. 3 n° 1. 96. Cette traduction syriaque de Hunain, tout comme la précédente due à Ayyub al-Ryhawi al-Abrash, est aujourd’hui perdue. Seul sub-

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Ga’far Muhammad ibn Musa97. Cependant, comme Galien n ’eut jamais l ’occasion de composer une liste complète de ses écrits, j ’ai ajouté aux deux parties de ma traduction syriaque une troisième partie, plus courte98. J ’y ai montré que Galien, dans son traité, avait omis de mentionner une partie de ses livres, et j ’ai cité beaucoup d’entre eux dans la mesure où je les avais vus ou bien en avais entendu parler, et j ’ai donné la raison pour laquelle il les avait omis » ". La division du traité en deux parties, attestée par Hunain à l’intérieur de quelques rares manuscrits, est res­ tée inconnue de l ’Occident. Elle est ignorée par nos deux manuscrits grecs100. Hunain, lui-même, dans sa traduc­ tion arabe ne la reproduit pas. D ’après les indications qu’il nous donne, dans les rares manuscrits où cette divi•1 .1 . · siste, dans une traduction arabe postérieure, l’appendice ajouté par Hunain à sa traduction syriaque. 97. Sur la famille Musa dont plusieurs membres furent les com­ manditaires de Hunain pour ses traductions arabes d ’œuvres de Galien, voir F. Micheau, « Mécènes et médecins à Bagdad... », cité n. 87, p. 167 sqq. 98. Sur cet appendice ajouté par Hunain à sa traduction syriaque et destiné à compléter la liste donnée par Galien dans le Sur ses propres livres, voir G. Bergstrâsser, « Neue Materialen zu Hunain ibn Ishaq’s Galen-Bibliographie », cité n. 89. Cet appendice a été découvert par H. Ritter dans une traduction arabe du texte syriaque de Hunain conservée dans un manuscrit d ’Istanbul (Ayasophya 3590, ff. 34r-37r, VIe siècle de l ’Hégire/XIF siècle de n. è.). 99. Hunain voit plusieurs raisons pour lesquelles Galien a pu omettre de mentionner certains de ses traités dans le Sur ses propres livres : ou bien il ne les avait pas encore composés à cette date, ou bien il n ’en possédait pas de copies et les considérait comme perdus, ou bien encore ils avaient brûlé dans le grand incendie du Temple de la paix en 192, ou enfin il s’agissait d ’écrits apocryphes. La dernière sec­ tion de l ’opuscule de Hunain est d ’ailleurs consacrée à cette dernière catégorie d ’ouvrages qui, à date ancienne, circulaient déjà sous le nom de Galien. 100. Cette partition en deux livres est en revanche encore attestée au XIIIe siècle de notre ère par l ’historien arabe Ibn Abi Usay’bia dans son ouvrage sur les Classes des médecins, éd. A. Müller, Kônigsberg, 1884, tome I, p. 90.

54 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES sion en deux parties était effective, elle devait intervenir entre les actuels chapitres I à XIII d ’une part, et XIV à XX d’autre part. La traduction de Hunain du Sur ses propres livres est aujourd’hui conservée dans un unique manuscrit arabe appartenant, tout comme le précédent, à la bibliothèque de Meshed. Il s’agit de l’actuel Rida tibb. 5223 (VIIe s. de l’Hégire/XIIIe siècle de n. è.) qui entretient des liens étroits avec le Rida 5214/1 qui contient le Sur Vordre de ses propres livres : même reliure, même format, même alternance de temions et de quinions, même nombre de lignes à la page (19), même écriture. Ces deux manuscrits semblent à l’origine n’en avoir formé qu’un seul qui aurait été séparé en deux volumes distincts à l’occasion d ’une opération de reliure. La date du Rida tibb. 5223, tout comme celle du Rida 5214/1, semble également devoir être revue (Ve siècle de l’Hégire, c’est-à-dire XIe siècle de n. è. plutôt que XIIIe siècle)101. F. Sezgin a, le premier, signalé l’existence de ce manuscrit, et donné en transcription les titres arabes des dix premiers chapitres présents dans le manuscrit de Meshed102. Ce faisant, il ne semble pas s’être aperçu de l’importante perturbation intervenue dans l’ordre des chapitres de la traduction arabe par rapport au texte grec. Notre traité se lit aux folios 22r-38v (et non 22v-40v comme l’indique F. Sezgin par erreur). Il apparaît en outre que des folios ont non seulement été déplacés, mais ont été perdus, puisque le début et la fin du Sur ses propres livres sont également absents de la traduction arabe. Voici l’ordre dans lequel se présente notre traité dans le manuscrit de Meshed : le titre et le début manquent f. 22r-v = c. V. 2-VII. 2 ff. 23r-31v = Prol. 5-c. V. 2 101. Comme pour le Rida 5214/1, je dois ces renseignements et cette proposition de datation à Z. Vesel. 102. F. Sezgin, Geschichte..., Band III, p. 78-79, n° 1.

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ff. 32r-40v = c. VII. 2-XIX. 2 la fin manque

Comme on le voit, la place primitive de Factuel folio 22 se situait entre les actuels folios 31 et 32, où il formait avec le folio 31 le bifolium central du quinion composé par les folios 27 à 35103. L ’actuel folio 22 a en effet été déplacé pour combler un accident intervenu à l’intérieur du quinion formé par les folios 17 à 26 : la perte de son cinquième folio contenant le début de notre traduction arabe, perte que l ’on a maladroitement cherché à combler en collant par erreur l’actuel folio 22 à cet endroit. La tra­ duction arabe de Hunain s’interrompt ensuite brutalement au bas du f. 38v après φιλοσοφίαν εν (= c. XIX. 2) à l’intérieur d’un temion (ff. 36-41) dont les trois derniers folios (ff. 39-41)104 offrent un autre texte et ont visible­ ment été reliés là par erreur. La perte du début de notre traité n ’est pas sans inci­ dence sur l ’attribution de la traduction arabe puisqu’elle nous prive de la précieuse indication du titre et du nom du traducteur arabe. Or, il circulait au IXe siècle de notre ère au moins une traduction arabe autre que celle de Hunain (et que ce dernier d ’ailleurs ne mentionne pas dans sa Risala), et qui fut utilisée par l ’historien arabe Al-Ya’qubi qui en a tiré plusieurs citations dans sa Chro­ nique105. La traduction conservée dans le manuscrit de Meshed diffère de fait sensiblement de celle utilisée par Al-Ya’qubi notamment en ce qui concerne le vocabulaire technique utilisé et en particulier le lexique anatomique. La traduction de Meshed, quant à elle, recourt à une ter­ minologie qui, comme me l’a confirmé I. Garofalo, est celle couramment utilisée par Hunain106. Il n ’y a donc 103. Au lieu des folios 27 à 36, comme on s’y attendrait, puisque ce quinion a été amputé d’un folio. 104. Le dernier folio (f. 41) de ce cahier final est resté blanc. 105. Sur Al-Ya’qubi, voir infra, n. 110 et 111. 106. Voir I. Garofalo, « Note filologiche sull’ anatomia di Galeno » (cité n. 85), p. 1790-1833 et en particulier p. 1823 sqq.

56 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES aucune raison sérieuse de douter de l’attribution de la tra­ duction de Meshed à Hunain. S ’il nous a privé du début de notre traité, le manuscrit de Meshed nous a en revanche conservé le passage cor­ respondant à l’importante lacune traversante observée dans le manuscrit grec de Milan et qui, dans le Sur ses propres livres, correspond aux c. IV. 32 à VI. 6. Pliitôt que sur la remarquable fidélité de l ’arabe au grec1?7, j ’insisterai sur les quelques divergences relevées entre le grec et l’arabe. Apports respectifs du texte grec et de la traduction arabe La traduction arabe permet de trancher entre les leçons divergentes de A et Vlat : -OPL c. I. 7 όρθός A Ar. : άγαθός Vlat

La traduction arabe cependant n ’est pas exempte de fautes propres. Elle présente ainsi plusieurs omissions dues à des sauts du même au même : -PL c. IV. 32 νεύρων—καπειτα om. Ar. (saut du même au même sur νεύρων) -Ibid, και μετά ταΰτα—ήκοντα om. Ar. (saut du même au même sur και μετά ταύτα)

La traduction arabe présente, en revanche, des ajouts par rapport au texte grec. Le traducteur s’applique, en effet, à préciser très exactement, pour les ouvrages com­ posés de plusieurs livres, soit le numéro du livre dans lequel est donnée telle ou telle information, soit le nombre total de livres dont se compose un ouvrage, alors que le grec omet le plus souvent ces informations :107 107. On pourra mesurer cette fidélité en comparant ma traduction française du texte arabe de Hunain avec le texte grec du Vlatadon pour les c. IV. 32 à VI. 6 du Sur ses propres livres correspondant à la grande lacune traversante du manuscrit de Milan, voir V. Boudon-Millot, « Deux manuscrits médicaux arabes de Meshed... » (cité n. 57), p. 1220 sqq. et V. Boudon-Millot et A. Pietrobelli, « De l’arabe au grec... » (cité n. 7), p. 526-534.

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-PL c. IV. 35 μετ’ αύτό Viat : dans le septièm e livre Ar.

def. A -c. IV. 39 post Τπποκράτους add. six livres Ar. def. A post Έρασιστράτου add. trois livres Ar. def. A -c. IV. 35 τετάρτου ego sec. Ar. : om. Vlat def. A

Il n ’est pas toujours facile de distinguer les omissions fautives du grec des gloses propres à l’arabe dans des passages où on s ’abstiendra en revanche de modifier le texte grec. Tel est le cas en particulier lorsque le traduc­ teur arabe explicite certains mots rares, comme l ’épi­ ploon décrit comme « une membrane située au-dessus de l’estomac », ou encore lorsqu’il précise certaines men­ tions comme celle des « deux biles » décrites en arabe comme « la jaune et la noire » : -PL c. IV. 35 έπίπλου Vlat : de la m em brane qui est sur Vestomac et qui est appelée épiploon Ar. def. A -PL c. VI. 2 post χολαι add. là ja u n e et la noire Ar. def. A

Les problèmes les plus difficiles à résoudre tiennent aux divergences entre la traduction arabe et le texte grec sur le nombre de livres dont se composait à l’origine tel ou tel ouvrage de Galien aujourd’h u i, perdu. Ainsi, Hunain, dans sa traduction du Sur ses propres livres, uti­ lise pour décrire le Sur la différence des parties homéomères (c. IV. 38) une forme de duel qui laisse supposer que ce traité était composé de deux livres distincts. Or, quand Hunain mentionne ce même traité dans sa Risala, il le décrit comme formé d ’un seul et unique livre, témoi­ gnage confirmé par son dernier éditeur, G. Strohmaier108. Autre exemple encore plus complexe : le Sur les doc­ trines d'Hippocrate et Platon est mentionné deux fois dans le Sur ses propres livres (c. V. 4 et XVI. 3). Dans les deux cas, la traduction de Hunain mentionne que ce traité est composé de dix livres, alors que le texte grec (c. XVI. 3) ne donne cette information que dans le pre108. Voir la Risala (n° 33 : ein Teil) et l’édition de G. Strohmaier, CMG Suppl. Or. III, Berlin, 1970.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

mier passage, passage tout récemment retrouvé en grec grâce au Vlatadon. Aussi le dernier éditeur en date de notre traité, L Müller, qui ne pouvait lire en grec que le second passage où le nombre de livres n'est pas indiqué, a-t-il repris à son compte l’addition fautive de Chartier (έννέα « en neuf livres ») sans rien indiquer dans son apparat critique, laissant ainsi entendre que la leçon èvvêq se lisait déjà dans A, seul manuscrit alors connu, ce qui n ’est pas le cas. Or, Ph. De Lacy dans son édition récente du On the doctrines o f Hippocrates and Platom , signale l ’existence d’un dixième et dernier livre (aujour­ d’hui perdu) attestée aussi bien par le témoignage de Hunain dans la Risala que par une citation de Rhazès dans le Kitab al-Hawi. Ph. De Lacy, trompé par l ’apparat de I. Müller, se base alors sur le texte grec du Sur ses propres livres pour avancer l ’hypothèse que ce dixième livre dut être composé après la rédaction du Sur ses propres livres, puisqu’il n ’y est pas mentionné. Or, nous avons vu que ces dix livres ont en réalité été mentionnés par Galien dans le premier passage, alors lacunaire en grec (c. V. 4 : έν δέκα βιβλίοις). Il n ’est donc pas pos­ sible, comme a cru pouvoir le faire Ph. De Lacy, de tirer argument du témoignage du Sur ses propres livres (c. XVI. 3) pour dater la rédaction du dixième livre du Sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon comme posté­ rieure à celle de notre traité. Reste une difficulté récur­ rente pour l’éditeur : distinguer parmi les additions de la traduction arabe celles qui correspondent à de simples gloses de celles qui traduisent des passages omis en grec et qui doivent être restitués. L ’historien arabe Al-Ya’qubi (IXe siècle) est l’auteur d ’une chronique composée en 872 de notre ère qui fait état des œuvres grecques scientifiques connues de l ’Orient.091 109. Galen, On the doctrines o f Hippocrates and Plato, éd. Ph. De Lacy, CMG V 4, 1, 2, Berlin 1978-1984, p. 44.

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Le tome I de l’ouvrage de Al-Ya’qubi édité à Leyde en 1883 par Th. Houtsma fait une large place aux deux prin­ cipaux représentants de la médecine grecque antique que sont Hippocrate et Galien1101. Comme l’a bien noté M. Klamroth dans l ’étude qu’il a consacrée à Al-Ya’qubi, ce dernier cite les principales œuvres de Galien à l ’intérieur d’une liste largement inspirée du Sur ses propres livres et du catalogue final de VArt médical·11. Dans le cas de deux traités galéniques cependant, les emprunts se font encore plus précis. Al-Ya’qubi donne en effet une des­ cription des Pratiques anatomiques (Klamroth n° 24) et de YÉpitomé du Livre sur Vanatomie de Marinos (Klam­ roth n° 25) presque exactement calquée sur celle que nous en donne Galien lui-même dans le Sur ses propres livres (respectivement ç. IV. 3-7 et 11-20) dont il traduit en arabe deux longs passages. Al-Ya’qubi cite ainsi, pour présenter le contenu des quinze livres des Pratiques ana­ tomiques, les mots mêmes utilisés par Galien dans le Sur ses propres livres. De même, il décrit l’Épitomé de Galien qui, en quatre livres, résumait l ’intégralité des vingt livres de Marinos, en suivant presque exactement le texte galénique. Al-Ya’qubi introduit cependant quelques légères modifications à propos de ce deuxième ouvrage qu’il n ’a pas connu directement, mais seulement à travers le témoignage du Sur ses propres livres. Ainsi, il ne men­ tionne pas les numéros des différents livres, mais en indique le contenu à la suite, sans les distinguer. Sa des­ cription se limite d ’ailleurs aux neuf premiers livres de l ’ouvrage de Marinos, sur les vingt que comptait ce vaste

110. Voir Îbn-W adhih qui dicitur A l-Ja ’qubi, Historiae, pars prior historiam ante-islamicam continens, éd. Th. Houtsma, Leiden, Brill, 1883, p. 107-129 sur Hippocrate et p. 129-133 sur Galien. 111. M. Klamroth, « Über die Auszüge aus griechischen Schriftstellem bei al-Ja’qubi. Teii II : Die übrigen Àrzte », Zeitschrift der Deutschen Morgenlàndischen Gesellschaft 40, 1886, p. 612-638 et en particulier p. 625 sqq., n° 24 et 25.

60 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES ensemble112. Enfin, Al-Ya’qubi, dans les deux passages en question, privilégie souvent l’essentiel, omettant de signaler tel ou tel détail donné par la description galé­ nique. Dans ces conditions, la collation du texte arabe de AlYa’qubi tel qu’il a été édité par Th. Houtsma n ’a pas per­ misi d’améliorer sensiblement le texte grec. Dans la meàure où Al-Ya’qubi n ’a pas eu recours à la traduction contemporaine de Hunain, mais a semble-t-il lui-même traduit les passages concernés ou encore utilisé une autre traduction, comme en attestent de nombreuses diffé­ rences de style et de lexique113, nous en avons soigneuse­ ment consigné toutes les variantes dans l’apparat critique. Un accord de Hunain avec Al-Ya’qubi, en particulier, impose de corriger le texte grec, comme au c. IV. 12 où, parmi les enveloppes membraneuses (υμενωδών χιτώ ­ νων) sont énumérés, à la fois dans la traduction de Hunain et dans celle indépendante de Al-Ya’qubi, « le péricarde, l’enveloppe de l’estomac, des reins et du foie », exemples omis par la tradition grecque. L ’historien arabe Ibn Abi Usaybi’a (mort en 1270) nous a conservé, dans son ouvrage consacré aux Classes des médecins, une assez longue citation empruntée à la fin du Sur Γordre de ses propres livres dans le passage 112. Voir Ibn-Wadhih qui dicitur..., p. 131-132 où sont cités les deux passages en question. I. Garofalo, reprenant le travail de Klamroth, a collationné le texte arabe de l’édition Houtsma concernant la description des neuf premiers livres de Marinos pour tenter d ’amélio­ rer le texte grec, voir I. Garofalo, « Note filologiche... » (cité n. 85), p. 1823-1829. 113. Bien qu’il ne semble pas faire de doute pour M. Klamroth que Al-Ya’qubi soit lui-même l’auteur des traductions qu’il cite, on ne peut complètement écarter l’hypothèse qu’il ait puisé à une traduction pré­ existante et distincte de celle de Hunain. Il est en outre légitime de se demander si la traduction arabe utilisée par Al-Ya’qubi, quelle que soit son origine, a été établie directement à partir du texte grec, ou par l’in­ termédiaire d ’une traduction syriaque.

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où Galien- énumère les qualités nécessaires au futur médecin et retrace les étapes de sa première formation médicale et philosophique (c. IV. 4-6)114. Usaybi’a cependant ne s’est pas privé, sur de nombreux points, de s’écarter du texte galénique qu’il abrège ou reformule assez librement. Il est fort probable qu’Usaybi’a, comme dans le cas du Sur ses propres livres, a en réalité puisé ses citations dans la traduction arabe d ’Hunain. Cepen­ dant, dans la mesure où, comme nous l’avons vu, seul le début de cette traduction est conservé, une vérification s’avère impossible. Par ailleurs, la citation d’Usaybi’a prend de trop grandes libertés avec le texte galénique, dont elle s ’attache surtout à rendre la substance, pour être d’un véritable secours lors de l’établissement du texte. Aussi ne sera-t-elle pas citée dans l ’apparat critique. Ibn Abi Usaybi’a emprunte également deux anecdotes au Sur ses propres livres. Les deux passages en question sont les suivants115 : -ç. I. 6-16 : τα περί φωνής...εις την πατρίδα -c. III. 1-8 : καθιδρύσας έμαυτον έν τη πατρίδι.,.τήν ασκησίν μοι παρέσχεν Le premier passage permet à Usaybi’a de mettre en scène deux personnages qui, à différent titre, influencè­ rent la production littéraire de Galien, son ami le consul Boéthos et son adversaire le médecin érasistratéen Martialios. Le second passage retrace l’arrivée de Galien à Aquilée où l’avaient convoqué les deux empereurs, Marc Aurèle et Lucius Vérus, en pleine épidémie de peste. Dans les deux cas, Usaybi’a emprunte ses citations à la 114. Voir Ibn Abi Usaybi’a, Kitab ‘Ujûn al-anbâ’ fi tabaqât al· atibbâ, éd. A. Müller, Konigsberg, 1884, p. 72. Il existe une autre édi­ tion plus récente de cet ouvrage parue à Beyrouth en 1965, mais que ne possède pas la Bibliothèque Nationale de France. Les références seront donc données dans la première édition qu’il nous a seule été donné de consulter. 115. Voir Ibn Abi Usaybi’a, op. cit., tome I, p. 74, 30 sqq. et p. 75.

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ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES

traduction arabe de Hunain qu’il ne se prive d’ailleurs pas d’abréger ou de tronquer en différents endroits. Ces citations ne seront donc pas non plus mentionnées dans l’apparat critique. Histoire du texte imprimé Le XVIe siècle \λ

Le IXVIe siècle est marqué par une intense activité édi­ toriale qui se traduit par la parution de l’édition princeps, l’Aldine de 1525, suivie de plusieurs traductions latines établies à partir de l ’Aldine. L ’Aldine (1525)116 : Le Sur Γ ordre de ses propres livres occupe les folios 4v-5v du tome IV de l’Aldine et suit immédiatement le Sur ses propres livres contenu aux folios lr-4v. UAmbrosianus gr. 659 (= A) a servi de modèle aux éditeurs aldins pour nos deux opuscules. I. Müller dans la préface de son édition du Sur Vordre de ses propres livres (Erlangen, 1874) avait déjà observé, à propos de ce traité, l’accord étroit existant entre A et l’édition princeps de 1525, mais n ’avait pas nettement tranché la question de savoir si le manuscrit de Milan pouvait être le modèle direct de l’Aldine ou bien s’il était une simple copie du manuscrit ayant servi aux éditeurs aldins117. Or, il ne fait aucun doute que le manuscrit de Milan, pour nos deux opuscules, est le modèle direct de l’édition aldine, tout comme l’ont également noté diffé­ rents éditeurs à propos de plusieurs autres traités galé­ niques118. En effet, l’édition aldine sans se contenter de 116. Voir N. Mani, « Die griechische Editio princeps des Galenos (1525), ihre Entstehung und ihre Wirkung », Gesnerus 13, 1956, p. 29-52. 117. « Nam in mendis, omissionibus, interpolationibus mirus ejus consensus cum editione principe est, ut aut ex eodem fonte, quo haec, deductus videatur aut pro ejus archetypo existimandus sit », I. Mulier, Erlangen, 1874, p. 5. 118. Le manuscrit A a entre autres servi de modèle aux éditeurs aldins pour le Sur les sophismes (f. 207v-210v), voir C. Gabier, Galeni libellus de captionibus quae p er dictionem fiunt, Diss. Rostock, 1903,

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reproduire la même importante lacune, les mêmes fautes et les mêmes omissions que le texte grec transmis par le manuscrit A, présente en outre de nombreuses similitudes de graphies. Ainsi, les chiffres, particulièrement nom­ breux dans le Sur ses propres livres pour indiquer le nombre de livres dont se compose chaque traité, sont indiqués en toutes lettres dans l’Aldine chaque fois qu’il en est ainsi dans le manuscrit A et, cas le plus fréquent, à l’aide de lettres-chiffres chaque fois qu’il en est égale­ ment fait usage dans A. Les lacunes ponctuelles signalées dans A par des blancs et pouvant aller de l’omission de quelques lettres à celles de plusieurs lignes sont scrupu­ leusement reproduites dans l ’Aldine qui ignore, en revanche, les quelques passages plus complets relevés dans le Vlatadon. Enfin, deux exemples au moins prou­ vent que A (et non Vlat) est le modèle direct de ΓΑ1dine : une mécoupure au c. IV. 27 où on lit dans A έπι ή παρφερομένης (mis pour έφ’ ήπαρ φερομένης) a entraîné dans l’Aldine la leçon έπι ή παραφερομένης ; une tâche d ’humidité au folio 193v du manuscrit A (c. VIII. 4) a rendu illisible un mot d ’environ cinq lettres (άρχάς in Vlat), lacune signalée dans l ’Aldine par un blanc accompagné d’un astérisque119. En dehors de l’Aldine de Venise, il faut citer l ’édition de Bâle (1538, vol. IV, p. 368-371 pour le Sur Vordre de ses propres livres ; p. 361-368 pour le Sur ses propres livres) qui, dans le cas de nos deux traités, reproduit presque à l’identique le texte de l ’édition princeps, sans apporter d’améliorations notables. p. VII sqq. ; pour le Pronostic (f. 265r-272r), voir V. Nutton, CMG V 8, 1, Berlin, 1979, p. 40-41 ; et pour le chapitre 13 du Sur ses propres opinions (f. 185r-187r), voir V. Nutton, CMG V 3, 2, Berlin, 1999, p. 43. 119. À la différence des blancs fidèlement reproduits dans l’Aldine d ’après son modèle, l’astérisque semble indiquer ici qu’il ne s’agit pas d’une lacune mais d ’un mot à l’origine présent dans le manuscrit A et rendu illisible par une tâche d ’humidité.

64 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES Cet essor éditorial est par ailleurs accompagné d’une grande activité d’annotations et de traductions. Les notes manuscrites de Janus Cornarius (15001558)120 Ce médecin de Zwickau, de son vrai nom Johann Hayrjpol, a annoté de sa main son exemplaire personnel de l’fdition Aldine aujourd’hui conservé à Iéna sous la cote ThULB Jena : 2 Med. V, 2. Dans le cas de nos deux opuscules, ces annotations consistent en des corrections des fautes les plus évidentes commises par les éditeurs aldins, mais aussi en des conjectures personnelles inspi­ rées par une connaissance précise et approfondie du cor­ pus galénique. Cornarius, comme il le précise lui-même, a en outre utilisé la traduction latine de J. Fichardus (Bâle, éd. A. Cratander, 1531), elle-même établie sur la base de l’édition aldine dont elle ne s’écarte que rare­ ment121. Il est légitime de penser que J. Cornarius, à la date où il annota le texte grec de l ’Aldine, avait déjà en projet sa grande édition latine des Opera omnia de Galien qui parut à Bâle, chez Froben, en 1549 et où le Sur Vordre de ses propres livres figure précisément aux côtés du Sur ses propres livres dans la traduction de Fichardus. Les notes de Cornarius à nos deux opuscules peuvent donc légitimement être datées entre 1531 (date de la tra­ duction latine de Fichardus) et 1549. Dans la majorité des cas, Cornarius corrige les fautes introduites par l ’Aldine là où le manuscrit A donnait un texte correct : 120. Sur Janus Cornarius, voir B. Mondrain, « Éditer et traduire les médecins grecs au XVIe siècle : l’exemple de Janus Cornarius », Les voies de la science grecque, D. Jacquart éd., Paris, Droz, 1997, p. 391417, ainsi que la thèse de M.-L. Monfort, Cornarius, éditeur d'H ippo­ crate, Paris-IV (1998). 121. Cornarius a en effet inscrit en haut du folio lr du tome IV de l’Aldine à propos du Sur ses propres livres : « Joan. Fichardus francofordianus convertit ». Et au bas du f. 4v, cette fois à propos du Sur l'ordre de ses propres livres : « Idem convertit Fichardus ».

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-OPL c. 1.12 ή corrigé en εί (dans εϊ τις άναγιγνώσκειν) ;

c. IL 2 άληθών corrigé en άληθεία ; c. IL 4 παραπληχώς corrigé en παραπλησίως ; c. III. 4 εϊδη corrigé en ήδη ; c. IV. 6 εφησαν corrigé en έφυσαν. -PL Prol. 3 είπών A Corn. : είπόν Aid. -Ibid. 3 έπεπαίδευτο A Corn. : έπεπέδευτο Aid. -Ibid. 1 εχοντες A Corn. : εχοντος Aid. -c. I. 3 αύτφ A Corn. : αύτή Aid. -c. IL 7 προσέγραψά A Corn. : προσέγρα (sic) Aid. -c. III. 12 όσοι A Corn. : οσονι Aid. -c. III. 13 ούν A Corn. : ήν Aid.

Pour autant, il n ’est pas du tout certain que Comarius, pour rétablir un texte correct, se soit appuyé sur le manuscrit A dont il ignore ailleurs visiblement les leçons : -OPL c. IL 8 όσους donné par erreur par l’Aldine, à la place

de όσοις correctement transmis par A, a été corrigé en όσον par Comarius qui méconnaît ici la bonne leçon de -PL c. I. 7 εύδοκίμει A (et Vlat) : ού δοκείμι (sic) Aid. ήν

δόκιμα Corn.

Certaines de ses corrections ont en revanche été inspi­ rées à Comarius par la traduction latine de Fichardus : -PL Prol. I καθ’ ο δή Vlat : καθώ δή A Aid. καθ’ ô τα

Com. sec. Fich.122 -Ibid. 4 ήρκτο Cobet : ειρητο A Vlat Aid. ήρχετο Corn, sec. Fich. -c. III. 12 έπειδή κάκείνω τοιαύτη τις έγεγόνει πραγμα­ τεία A Vlat Aid. Ar. : έπειτα περί έκείνων τοιαύτά τινα γέγονέ μοι Com. sec. Fich. {postea de iliis talia

mihi oborta sunt negotia)123 122. Comarius a pris soin, dans ce cas comme dans le suivant, de mentionner l’abréviation du nom de Fichardus (Fich.) dans les marges de l’Aldine après les mots grecs qu’il y a inscrits pour corriger le texte. 123. Cette traduction de Fichardus qui a inspiré la correction de Comarius a été corrigée par Gadaldini qui revient au texte de l ’Aldine (et des manuscrits) en traduisant : postea et illius talis quidam tracta­ tus extabat.

66 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES -c. IV. 18 περί τάς στιλοειδεΐς Viat : τάς τής γλώττης Com. sec. Fich. (de musculis juxta linguae exortus) def. A om. Ar.124 -c. IX. 1 έμαυτόν Com. Ar. : αυτόν οόδέν A Aid. ουδέν αύτόν Viat -c. XIV. 19 post δυνατού add. εν Com. sec. Fich. Ar.125 -c. XV. 4 έκάστφ τελεί βίων Ma. Ar. : έκάστφ των βίων yiat έκάστου των βιβλίων A Aid. έκάστου τφ βίω èorn.126 -c. XVIII φιλοσοφίαν Com. sec. Fich. Ar. : φιλοσόφων A Viat Aid. D ’autres conjectures enfin ne semblent lui avoir été inspirées que par son talent de philologue :

-PL Prol. 1 Γαληνού Com. : Γαληνός A Vlat Aid. def. Ar.127 -c. IL 4 έκατέρου Com. (et Bas.) : έτέρου A Vlat Aid.128 124. Bien que cette fois Comarius ne mentionne pas le nom de Fichardus, il ne fait pas de doute que la traduction de ce dernier a influencé la correction du médecin de Zwickau à cet endroit. Ce pas­ sage devait ensuite être purement et simplement supprimé par Gadaldini. Le témoignage de la tradition arabe ne peut être ici retenu, puisque Hunain a omis à cet endroit un passage plus vaste. 125. Gadaldini a, à tort, supprimé la mention unus dans la traduc­ tion de Fichardus. 126. Fichardus a, dans sa traduction, adopté une solution assez proche de celle de Comarius qui s’en est peut-être inspiré : De iis quae unumquodque vitae propositum consequuntur, unus.

127. Il s’agit là d’une très intéressante conjecture de Comarius à propos d’un titre d ’ouvrage faussement attribué à Galien. Le traité en question, selon Comarius, aurait été intitulé « De Galien, Le méde­ cin » (Γαληνού Ιατρός), et non « Galien, médecin » (Γαληνός Ιατρός). La tradition arabe, ici lacunaire, ne permet pas de trancher, mais Hunain cite dans son ouvrage Sur les livres de Galien que celuici n 'a pas mentionnés à l'intérieur de son Pinax, à l’intérieur de la rubrique consacrée aux écrits non authentiques, un livre précisément intitulé De Galien, Le médecin . H. Schône, indépendamment de Cornarius, a également proposé cette correction dans ses Schedae Philolo­ gae Hermanno Usener oblatae, Bonn, 1891. 128. Il n’est pas impossible que Comarius ait pu emprunter cette

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-c. III. 7 έπει περί ego sec. Ar. : περί A Vlat Aid. έπει Corn.129 -c. IV. 1 τό περί Corn, (et Bas.) sed iam Vlat quem de Fich. : ότι ποτέ A Aid.130 -c. IV. 15 έν (χύτη Vlat150 sed iam Corn. Ar. : έαυτη A Vlatac Aid.131 -c. IV. 23 άπό ποτών Corn. Ar. : άπό νώτων A Vlat Aid.132 -c. VIII. 4 έοικότες Corn. : έθικότες A Aid. om. Vlat

Tout en faisant un large usage de la traduction de Fichardus, Comarius a donc eu recours à son excellente connaissance du corpus galénique pour proposer des conjectures plus personnelles qui, comme l’illustrent les exemples cités ci-dessus, renouvellent parfois de façon particulièrement pertinente l ’interprétation du texte. Nous avons ainsi été amenée à adopter les conjectures de Cornarius dans plus d’une dizaine de passages, alors même que ces notes, malgré leur valeur réelle, étaient restées ignorées de tous les éditeurs jusqu’à I. Müller compris qui ne les mentionne nulle part dans son apparat critique. correction aux éditeurs de Bâle (1538). Fichardus, quant à lui, traduit par un pluriel : eorum. 129. Dans ce passage, le εΐχον qui suit ne peut se comprendre sans la présence d’un mot subordonnant. Là où Müller a mis ειχον entre crochets droits, Comarius a corrigé le texte en rétablissant έπει à la place de περί. Mais la traduction de Hunain, tout en allant dans le même sens que celle de Comarius et tout en introduisant un subordon­ nant, semble également traduire le περί du texte grec, d’où notre cor­ rection en έπει περί. . .. 130. Cette correction s’impose. Elle a du reste été faite par les édi­ teurs de Bâle, et avant eux, par Fichardus. Comarius a donc pu re m ­ prunter à différentes sources. 131. Comarius ne semble pas, dans ce cas, avoir pu emprunter cette correction à Fichardus qui traduit sans préciser : et num habeat juncturam. . 132. Ce passage qui fait écho à un débat célèbre pour savoir si du liquide peut passer dans le poumon a été incorrectement transmis par les manuscrits. Comarius a ici rétabli la bonne leçon confirmée par le témoignage de Hunain. Fichardus avait pour sa part traduit le texte de l’Aldine sans le corriger (ex dorso).

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Les traductions latines Il n ’existe pas de traduction latine ancienne connue de nos deux traités133. Seules sont conservées deux traduc­ tions latines de la Renaissance, respectivement attribuées à Johannes Fichardus (1531) et John Caius (1556), ainsi que, plus tard, celle de Chartier (reprise par Kühn dans son édition) et celle de Müller134.

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Johannes Fichardus (1512-1581)135. Ce juriste pro­ testant originaire de Francfort est l’auteur d ’une traduc­ tion latine de nos deux opuscules parue pour la première fois dans les Galeni opera, jam recens versa (Bâle, éd. A. Cratander, 1531) avec les traductions d ’autres traités de Galien ou qui lui sont attribués : le De insomniis, le De parvae pilae exercitio, le Pro puero epileptico consilium, le Quomodo morbum simulantes sunt deprehendi et bien sûr le De ordine librorum suorum et le De libris propriis. Les deux traductions de Fichardus qui nous occupent ont ensuite été reprises dans les éditions latines successives des Galeni opera omnia de 1541 à 1597136. Ces mêmes 133. Toutefois, L. Gargan, « Un umanista ritrovato : Galeazzo Facino e la sua biblioteca », Italia medioevale e umanistica 26, 1983, p. 257-305 croit avoir retrouvé la trace, dans l’inventaire dressé par notaire de la bibliothèque de l ’humaniste Galeazzo Facino (14581506), d’une traduction latine du Sur ses propres livres de Galien (voir p. 273 le n° 45 : « Gallienus (sic) de operibus ab eo compositis et repertorium de man de esso messer Galeatio », c ’est-à-dire accompa­ gné d ’un répertoire des œuvres de Galien rédigé de la main de Galeazzo). Cette traduction, nécessairement antérieure à 1506, serait, de fait, la plus ancienne traduction latine répertoriée de notre traité. 134. Pour une présentation générale des traductions latines de l’œuvre de Galien à la Renaissance, voir R. J. Durling, « A chronological census of Renaissance éditions and translations of Galen », Jour­ nal o fth e Warburg and Courtauld Institutes 24, 1961, p. 230-305 (sur Fichardus voir 57b, 59a, 78a, 82b, 139a et 145b). 135. Sur cet avocat de Francfort qui rédigea dans sa jeunesse quelques traductions de Galien et de Jean Chrysostome, voir Allgemeine deutsche Biographie , Leipzig, 1877, Band VI. 136. Parmi les treize éditions qui se sont succédé entre ces deux

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traductions ont été publiées accompagnées des émendations de Girolamo Donzellinus dans la seconde édition juntine (Venise, 1550) dont s’est occupé le médecin de Modène installé à Venise, Augusto Gadaldini, puis avec les corrections du même Gadaldini dans la quatrième édi­ tion juntine des œuvres de Galien (Venise, 1565)137. La traduction de Fichardus suit fidèlement l ’édition Aldine sur laquelle elle a été établie. Elle présente les mêmes lacunes aux mêmes endroits du texte grec qu’elle ne permet donc pas d ’améliorer138. Fichardus a même poussé le zèle jusqu’à soupçonner des lacunes qui n’avaient pas lieu d’être139, tandis qu’il en omettait de manifestes, il est vrai non signalées dans A (pas plus que dans Vlat), non plus que dans l’Aldine sur laquelle il.a manifestement et exclusivement basé sa traduction140. Certes Fichardus a parfois proposé des corrections qui paraissaient évidentes, comme dans le PL au c. I. 1-2 où il traduit le texte lacunaire de l’Aldine de la façon sui­ vante141 : eos forte recuperavi titulumque his, Introdudates, on signalera surtout les sept éditions Juntines parues à Venise en 1541-42, 1550, 1556, 1565, 1576-77, 1586 et 1586-97. 137. J ’ai consulté les traductions de Fichardus dans l’édition des Œuvres de Galien parue à Bâle chez Froben en 1549 sous la direction de J. Comarius (Sur Vordre de ses propres livres , col. 53-58 ; Sur ses propres livres , col. 37-52) et les corrections respectives de G. Donzel­ linus et A. Gadaldini dans les éditions citées ci-dessus (Venise 1550 et 1565). 138. Ges lacunes, selon les cas, sont ordinairement signalées par les formules suivantes hic desunt quaedam ou hic desiderantur multa ou encore desunt hic pauca (ou paucula ), mentions auxquelles correspon­ dent à chaque fois des passages laissés en blanc dans l ’Aldine. 139. Tel est le cas dans le OPL c. I. 5 après έσχον où Fichardus note Desunt quaedam , mention supprimée par Donzellinus et Gadaldini. 140. Tel est le cas dans le OPL au c. II. 7 après πνεύμονος et au c. IL 11 après πρώτοις où deux lacunes ont échappé à Fichardus. Ces deux lacunes, il est vrai, ne sont signalées ni dans le manuscrit A ni dans l’Aldine (pas plus que dans Vlat). 141. Le texte de l’Aldine (qui reproduit celui du manuscrit A) est ici fautif en raison d’un saut du même au même sur τοΐς είσαγομένοις.

70 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES cendis imposui. Inscripsi igitur librum De sectis ad eos qui introducuntur. Ou encore au c. IV. 16 où il est ques­ tion de l’os appelé sacrum (ίερου όσιου) et où Fichardus a rétabli le texte fautif de l’Aldine et du manuscrit A (έτέρου όστου) en traduisant de osse sacro142. Ou enfin au c. IV. 22 où Fichardus a rétabli, à juste titre, la men­ tion des livres manquants de Marinos mentionnés dans le livre |l l de YEpitomé rédigé par Galien : tredecimus, decimus quartus143. De même au c. XIV. 19, Fichardus a rétabli, à propos du traité Sur le possible, le nombre de livres dont il se composait (unus), correction adoptée par Gomarius (εν) et confirmée par la traduction de Hunain144. En revanche, des lacunes ou omissions non signalées dans l’Aldine ont échappé à Fichardus, comme au c. III. 9 la perte d’une ligne et demie dans le texte grec* De même, au c. IV. 12 après χιτώνων, Fichardus ignore nécessairement l’omission de la série d ’exemples conservés par la seule tradition arabe, et traduit sans dif­ ficulté de membranosis tunicis, nempe peritonaeo145. Les corrections apportées par G. Donzellinus146 (Venise, 1550) à la traduction de Fichardus sont déce­ vantes et, pour l’essentiel, en dehors de quelques fautes manifestes, portent sur des divergences de vocabulaire ou 142. Assez curieusement cette correction de Fichardus, qui pour­ tant s’impose, n ’a pas été adoptée par Comarius dans ses notes manus­ crites. 143. Cette correction de Fichardus confirmée par la traduction de Hunain a été inutilement supprimée par Gadaldini. 144. Cette mention a, cependant, par la suite été supprimée par Gadaldini quand il a corrigé la traduction de Fichardus. 145. Gadaldini, dans son édition de Venise (1565), corrigera la tra­ duction de Fichardus en supprimant le nempe absent du texte grec. 146. Sur ce médecin né à Brescia autour de 1513 et mort à Venise en 1587 (plutôt qu’en 1588 comme R. J. Durling dans « A chronological census... », cité n. 134, p. 296, l’indique semble-t-il à tort), voir le Dizionario biografico degli Italiani, Roma, Istituto délia enciclopedia italiana, 1992.

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simplement de formulation (dont certaines sont adoptées par Gadaldini) : -OPL c. I. 4 διαδοχή αίρέσεων A Aid. : successiones sec­ tarum Fich. haeriditariae sectae Donz. successio secta­ rum Gad. ; c. I. 5 ώρέχθην A Aid. : cupiebant Fich. cupiebam Donz. Gad. ; c. IL 6 διά ταΰτα A Aid. : ab his Fich. propterea Donz. Gad. ; c. I. 12 ήκειν A Aid. : consecutus sit Fich. veniat Donz. Gad. ; c. IL 7 δύο A Aid. : unus Fich. duo Donz. Gad. ; c. IV. 1 έξηγήσεων A Aid. : exegesibus Fich. interpretationibus Donz. Gad. ; c. IV. 6 πάρεργα A Aid. : extra propositum Fich. parerga -ie- praeter rem Donz. praeter rem Gad. -PL passim : on notera p rio r mis pour prim us, libros pour libellos, asserebam pour dicebam , ratione pour serm one, meatu pour itinere s. ent. urinali, emanent pour exoriantur, et rursus pour secundo loco.

A. Gadaldini (1515-1575) dans son édition de Venise de 1565 reproduit la traduction de Fichardus accompa­ gnée des corrections de Donzellinus. Gadaldini modifie en outre la traduction de Fichardus dans une trentaine de passages, en justifiant ses choix ou en indiquant de nou­ velles variantes dans des notes marginales ou infrapaginales. L ’essentiel de ces corrections sont empruntées à la traduction latine de Caius (parue à Louvain en 1556) comme l ’illustrent les exemples suivants147 : -OPL c. IL 7 : à l’intérieur de ce passage consacré aux

ouvrages d’anatomie, Fichardus ne s’est pas aperçu, après κινήσεως, d’une lacune qui n’est repérable ni dans A ni dans l’Aldine mais que Gadaldini, à la suite de Caius, a signalée par un astérisque dans la traduction de Fichar­ dus148. La notation de Caius, relayée par Gadaldini, est cependant restée ignorée des éditeurs postérieurs, Kühn

147. Les leçons de Vlat sont naturellement restées inconnues de tous les traducteurs et éditeurs de la Renaissance 148. Gadaldini, dans ce cas, s’est cependant borné à signaler la lacune, sans adopter la correction proposée par Caius pour la combler.

72 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES compris, jusqu’à ce que Müller, dans son édition séparée du Sur l'ordre de ses propres livres parue à Erlangen (1874), signale enfin une lacune à cet endroit du texte (mais sans faire référence ni à Caius ni à Gadaldini). -OPL c. IL 11 : Gadaldini, toujours à la suite de Caius, signale l’incohérence du passage où Galien décrit son traité en trois livres Sur les tempéraments. Donzellinus aÿait déjà modifié la traduction donnée par Fichardus, niais Gadaldini est le premier à préciser dans une note marginale qu’il s’agit d’un locus in cod. graecis corruptus avant de donner sa propre interprétation du passage assez largement inspirée de la traduction de Caius149. Le pluriel dont use ici Gadaldini peut étonner et désigne manifestement non des manuscrits mais des exemplaires imprimés (les éditions parues à Venise en 1525 et à Bâle en 1538). -PL c. I. 7 Μαρτιάλιον A Aid. : M artialem Fich. M artianum Caius et Gad. -c. Π. 2 μήτρας A Aid. : uteri Fich. m atricis Caius et Gad. -c. IL 3 δυοΐν ήμερ. A δυοΐν ήμέτερ. Aid. Ar. : p er biduum Fich. om. Caius secl. Gad. -c. IV. 15 τρημάτων A Aid. : cavernulis Fich. foram inibus Caius et Gad. -c. IV. 18 και των μυκτήρων και των περί *** έκφύσεις A Aid. : De musculis nasi. D e musculis juxta linguae exortus Fich. D e naribus et musculis qui circa earum alas sunt Caius et Gad. in mg. om. Ar.150 -c. IV. 26 πνεύμα A Aid. : ventus Fich. spiritus Caius et Gad. 149. Comparer la traduction de Caius : In prim is autem duobus de temperamentis, animalium temperamenta perstringuuntur una cum propriis suis cuique notis, in tertio vero, de pharmacorum tempera­ mento sermo est avec celle de Gadaldini : In prioribus igitur duobus traduntur hominum temperaturae cum propriis singulorum inditiis, in tertio autem de pharmacorum temperamento disseritur. 150. Gadaldini fait précéder cette variante de la mention Alii ver­ tunt. En effet, si la traduction latine qu’il reproduit ici est bien, mot

pour mot, celle de Caius, ce dernier a pu s’inspirer de conjectures qui circulaient entre érudits et dont l’origine n ’est plus discernable. Le témoignage de la tradition indirecte, lacunaire à cet endroit, ne peut être retenu.

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-c. XII. 3 σόνοψις των Ή ρακλειδ. [-κληδ. Aid. ] περί τής έμπειρικής αίρέσεως επτά A Aid. : In libros H eraclidae de empirica secta, libri septem Fich. Compendium librorum Heraclidis. D e empirica secta, libri septem

Caius Gad. in notulis Ar.151 -c.; XIV. 21 περί τής άρίστης διδασκαλίας προς Φαβωρϊνον ύπέρ Επίκτητου προς Φαβωρΐνον A Aid. Ar. : de optimo docendi genere contra Phavorinum. Pro Epicteto contra Phavorinum Fich. D e optima doctrina contra Favorinum p ro Epicteto unus Caius Gad. in notu­ lis152.

D ’autres corrections, proposées par Gadaldini sont empruntées à des origines inconnues. La plupart consiste en une reformulation de la traduction de Fichardus, sans pour autant apporter de modification significative au texte grec de l ’Aldine ou du manuscrit A. Ces variantes sont proposées en notes précédées de la mention AL ex antiquis ou encore Sunt qui vertant sans autre précision. Ailleurs, Gadaldini fait explicitement allusion à des cod. manuscripti. En effet, dans le OPL c. IV. 4 où nous avons λογικής A Aid. Bas. logica Fich. en face de λογιστικής Chartier, Kühn et Müller, Gadaldini note en marge : logistice habent cod. manuscripti et ita omnino legendum videtur. Or le seul manuscrit grec (= A) dont Gadaldini a pu avoir connaissance a ici λογικής et non λογιστικής comme l’a lu Gadaldini, et comme l’ont refait à sa suite Chartier, Kühn et Müller sur le modèle de αριθμητικής et γραμματικής employés dans le même passage153. 151. Fichardus, qui suit ici le texte fautif de l’Aldine, a confondu sous un seul titre deux ouvrages distincts. Caius, suivi par Gadaldini, a rétabli un texte correct confirmé par la tradition arabe qui distingue les deux ouvrages. 152. Caius a ici commis une faute de mécoupure, fondant deux titres de traités à l’origine distincts en un seul. Gadaldini, sans corriger la traduction de Fichardus, signale cependant en note cette interpréta­ tion divergente qu’il attribue, cette fois, à d ’autres érudits (A/.), dont Caius se serait peut-être ici fait l ’écho. 153. De même, deux autres variantes, dans le OPL, ne peuvent

74 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES Il n ’est cependant pas douteux, au moins dans le cas du PL, que Gadaldini a eu recours au manuscrit A 154 comme dans le passage suivant où il propose : -c. IV. 32 όσφρήσεως Gad. sec. Caius (de odoratu) : των Ρήσεων A (et Vlat) των φύσεων Aid. distillationibus Fich. (sc. έκφύσεων) cœur Ar.155 avant d’ajouter en note : βύσεων est in impressis, Ρήσεων est in manuscrip. sed forte όσφρήσεως odoratu, ut àliqui etiam recte opinati sunt. Or la leçon ρήσεων est effectivement celle du manuscrit A auquel Gadaldini se réfère explicitement dans ce passage.

John Caius (1510-1573)156. Ce médecin et helléniste britannique est Fauteur d’une traduction latine de nos deux opuscules, parue à Louvain en 1556, et à laquelle, nous l’avons vu, Gadaldini a largement puisé pour amé­ liorer la traduction de Fichardus157. Dans la mesure où la traduction de Caius améliore sensiblement le texte grec en plusieurs endroits, il est légitime de se demander si Caius a pu avoir recours à un manuscrit grec, et en parti­ culier à un manuscrit autre que A et non lacunaire. Les déclarations de J. Caius lui-même à ce sujet sont contra-

avoir été inspirées à Gadaldini par le manuscrit A : c. III. 6 Έ φικιανός A Α ίφικιανός Müller : Ephicianus Fich. Caius Al. îphicianus Gad. in mg. ; c. IV. 4 παιδείας μαθήματα A Aid. : in hisque huma­ nioribus disciplinis Fich., παιδίας-ze- pueritiae Gad. in mg. 154* Dans l’édition de Venise, 1565, tome 4, f. lOv, Gadaldini fait en effet précéder la traduction de Fichardus du Sur ses propres livres de la mention : G a i De libris propriis Liber a Ioanne Fichardo Francofordiano alias Latinitate donatus, nunc vero ad Graeci fidem exemplaris emendatior, multis in locis ab Augustino Gadaldino redditus. 155. La traduction de Hunain est ici manifestement fautive et ne permet pas de corriger le texte grec. 156. Sur John Caius, voir la monographie de V. Nutton, John Caius and the manuscripts ofG alen, Cambridge, 1987. 157. Joannis Caii Britanni, Opera aliquot et versiones, partim jam nata, partim recognita atque aucta , Lovanii apud Antonium Mariam Bergagno, 1556.

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dictoires158. D ’un côté, dans son autobiographie manus­ crite intitulée De libris suis, Caius sous-entend avoir vu, lors d ’un voyage en Italie, dans dans les années 1540, à la bibliothèque laurentienne de Florence un manuscrit grec de nos deux traités159, et de l’autre, dans la dédicace de son édition de Louvain160, tout en justifiant son choix de donner une traduction nouvelle (de integro traducere) des deux traités sans mêler sa faux à la récolte d ’autrui (quod nollem castigando falcem meam mittere in messem alienam)161, il fait allusion à un priori et vulgari exem­ plari Graeco dont il aurait été dans l’obligation de s’écar­ ter. Or, l’expression vulgare exemplarium fait semble-t-il ici référence à un texte imprimé162. Il n ’est donc plus question d’un quelconque manuscrit grec, de Florence ou d’ailleurs. En outre, dans les annotations qu’il apporta 158. Voir sur ce point mon article « John Caius (1510-1573) tra­ ducteur de Galien : le cas du De libris propriis et du De ordine libro­ rum suorum », in A. Garzya et J. Jouanna éd., I testi medici greci. Tradizione e ecdotica , Napoli, M. D ’Auria Editore, 1999, p. 17-27. 159. Voir J. Caius, De libris suis, accessible dans E. S. Roberts, The works o fJ o h n Caius , M. D. 1912, fol. 16v où Caius déclare avoir établi sa traduction latine des deux· traités qui nous occupent « post­ quam eos graecos castigassemus », expression réservée aux cas où Caius a personnellement collationné un manuscrit grec, selon V. Nutton, John Caius..,, p. 56 160. Joannis Caii Britanni, Opera aliquot et versiones ..., p. 235. La dédicace à Georgius Deius a été rédigée à Londres en janvier 1555, un an avant la parution de l’édition à Louvain. 161. Allusion à la traduction de Fichardus déjà corrigée par G. Donzellinus. 162. Les termes vetera exemplaria désignent habituellement des manuscrits anciens (voir V. Nutton, John C aius..., p. 43-44), et c ’est en ce sens que j ’avais d’abord interprété cette expression, comprenant que Caius faisait ici allusion à un manuscrit grec. Mais V. Nutton (lettre du 8/06/99) m’a indiqué que, dans le contexte de cette dédicace, et employé avec l’adjectif vulgare , le substantif exemplarium avait toutes les chances de désigner un texte imprimé. Quoi qu’il en soit, manuscrit grec ou texte imprimé, le texte de nos deux opuscules appa­ rut à Caius trop mutilé pour qu’il ne fût pas dans l’obligation de s’en écarter grandement.

76 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES aux deux opuscules qui nous occupent, en marge de son exemplaire personnel de l’édition de Bâle (1538)163, Caius n ’attribue aucune des variantes qu’il propose à quelque source manuscrite que ce soit164. Dans ces condi­ tions, il ne paraît guère concevable que Caius ait eu accès à Florence ou ailleurs à un quelconque manuscrit qui aurait^ ensuite disparu. Et il ne paraît pas davantage vrai­ semblable que le manuscrit A (ou une de ses copies) se soit trbuvé à Florence dans les années 1540. Quoi qu’il en soit, si Caius a bien eu entre les mains un manuscrit de nos deux traités, il était déjà lacunaire, et si ce n ’est A lui-même, il ne peut s’agir que d ’un de ses apographes puisque Caius est resté impuissant à combler l’importante lacune qui affecte nos deux traités. Il n ’en a cependant pas moins amélioré et corrigé le texte grec en de nom­ breux endroits grâce à une exceptionnelle familiarité entretenue avec le corpus galénique. Outre les nom­ breuses corrections reprises par Gadaldini dans son édi­ tion de Venise de 1565 que l’on a déjà signalées, on citera les exemples suivants165 : -OPL c. IL 3 νόμιμον A edd. legitimum Fich. : μόνιμον Millier certitudinem Caius non legitur Vlat 163. Cet exemplaire annoté de la main de Caius est aujourd’hui conservé à la bibliothèque de l’Eton College à Berkshire en Angleterre sous la cote Fc 2 6-8. 164. Il faut noter en particulier qu’aucune variante n ’est attribuée par Caius au fameux codex Adelphi, en lequel V. Nutton voit une édi­ tion imprimée et annotée (édition aldine ou de Bâle), plus vraisembla­ blement qu’un codex. Alors que Caius cite et utilise le codex Adelphi pour seize traités de Galien, il ne le mentionne pas une seule fois pour nos deux traités qui, dans les marges de l’édition de Bâle, sont en revanche accompagnés d ’un abondant commentaire. 165. Il ne m ’a pas été possible de prendre connaissance des notes manuscrites portées par Caius dans les marges de son exemplaire per­ sonnel de l’édition de Bâle aujourd’hui conservé à l ’Eton College, mais ce travail préparatoire à son édition de Louvain (1556) n ’a aucune raison de refléter des choix très différents de ceux de sa traduction latine.

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Galien déclare ici que Γ opinion correcte (δόξαν όρθήν) n’est en rien inférieure à la science dans la pratique, mais qu’elle est dénuée d’un caractère de permanence (μόνι­ μον) et de stabilité (βέβαιον)166. -c. IL 7-8 έκ ταύτού δέ γένους έστι και τα περί μυών κινήσεως. και του περί των όνομάτων έπιδέδεικτο (sic) A1 Aid. (et Viat) : Ex hoc genere sunt libri quoque D e motu musculorum. Et quae D e vocabulis traditi Fich. : Hujus rursum generis sunt et de motu musculorum duo et de elementis unus, in quo et de activis qualitatibus et earum nominibus deque humorum varietate et generatione demonstratum est Caius.

Bien que le manuscrit A ne présente aucun signe de lacune à cet endroit, il est certain qu’il manque ici au moins un titre d’ouvrage, celui auquel Galien fait référence dans la suite avec les mots και αύτά μέν τά περί τής άποδείξεως των στοιχείων ου πάντ* εϊρηται κατά το βιβλίον (c. II. 8). Caius a fort habilement comblé cette lacune en ajoutant plusieurs mots, à la fois après κινήσεως et après όνομάτων, pour insérer le traité Sur les éléments selon H ippocrate , traité dont il est effectivement plusieurs fois question dans ce contexte et dans la suite immédiate du traité.

Un peu plus loin dans le même passage, décidément très lacunaire, plusieurs mots ont été omis dans A et res­ titués par Caius : -c. II. 11 έν μέν ούν τοΐς πρώτοις ζφοις λέγονται μετά των ιδίων έκάστης γνωρισμάτων, έν δέ τω περί τής των φαρμάκων κράσεως ό λόγος έστίν A Aid. In p rio ribus igitur, de proprio cujuslibet indicio, in posterioribus autem de pharmacorum com positione disseritur Fich. : in prim is autem duobus de tem peram entis, animalium tem166. Müller ne paraît pas avoir eu directement accès à la traduction de Caius qu’il ne cite jamais et paraît ignorer. Il connaît cependant et utilise ses corrections les plus notoires, vraisemblablement à travers la traduction de Fichardus corrigée par Gadaldini. Dans ce cas précis cependant, il invoque dans les notes de son édition d ’Erlangen, 1874, p. 21, un passage du Ménon de Platon dont il se serait inspiré pour cor­ riger le texte de Galien.

78 ORDRE DE SES PROPRES LIVRES ET PROPRES LIVRES peram enta perstringuuntur una cum propriis suis cuique notis, in tertio vero, de jpharmacorum temperamento

sermo est Caius έν μέν ούν τοΐς πρώτοις ζφοις λέγονται μετά των ιδίων έκάστης γνωρισμάτων, έν δε τφ περί τής των φαρμάκων κράσεως ό λόγος έστίν Müller. Là encore Caius est le seul à s’être avisé d’une difficulté qui à échappé aussi bien aux premiers éditeurs qu’à Ficharcjus. Mais dans ces lignes où Galien analyse le contenu de ses trois livres sur le tempérament, Caius, pour rétablir un texte correct, a très bien pu ne se fier qu’à son excellente connaissance de la bibliographie galénique. PL c. IV. 25 περί πρώτων έντέρων A (et Vlat) Aid Bas. de primis intestinis Fich. : primum de intestinis Caius πρώτον μέν περί έντέρων Müller Dans ce passage où il est question « en premier lieu des intestins » et non « des premiers intestins », Caius a pro­ posé une correction qui, malgré son intérêt, est restée ignorée de tous les éditeurs postérieurs, à l’exception tou­ tefois de Müller. Plus que la consultation d ’un hypothétique manuscrit, c ’est donc son extraordinaire familiarité avec le corpus galénique qui permit à Caius d’améliorer le texte de nos deux opuscules sur plusieurs points sensibles. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer le poids des échanges épistolaires entre érudits et leur capacité à partager leurs corrections et leurs interprétations du texte. Il convient enfin de citer ici un témoignage manuscrit mais néanmoins postérieur aux premières éditions impri­ mées, celui du Barberinianus gr. 5 (= Barb), qui nous a conservé (p. 248) un bref passage du Sur ses propres livres c. IX. 11167. Cette citation de Galien relative au titre exact d 'Airs, eaux, lieux est destinée à introduire le traité hippocratique qui occupe les pages suivantes (p. 249 sqq.) dans le manuscrit. H. Diller a proposé de dater le Barbe167. V. Capocci, Codices Barberiniani graeci , tomus I (codices 1163), Roma, 1958 (1963), p. 6 sqq.

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rinianus de 1565 (date reprise par V. Capocci dans son catalogue) après avoir identifié, parmi les différentes sources de ce manuscrit de contamination, plusieurs édi­ tions imprimées dont la quatrième édition latine de Galien, parue chez les Juntes en 1565, édition qui contient des leçons d’un manuscrit ancien perdu publiées par Gadaldini. Cependant, et comme l’a bien vu J. Jouanna168, cette hypothèse de Diller qui oblige à dater le Barberinianus après 1565 se heurte « aux données objectives tirées de l’examen du manuscrit », et en particulier au nombre de 1558 tracé au contre-plat antérieur de la main même du scribe et qui semble bien être une date. J ’ajoute que dans le cas de Galien, pour le traité intitulé Art médical, le Bar­ be rinianus a eu comme source principale le Vaticanus gn 285 que l’examen des filigranes invite à dater de la pre­ mière décennie du XVIe siècle, mais a eu aussi connais­ sance de certaines leçons de l’édition Aldine (1525) et de l’édition de Bâle (1538). Dans le cas de nos deux opus­ cules, le Barberinianus est également postérieur aux tra­ ductions latines de Fichardus (1531) et Caius (1556), mais aussi à l’édition latine de Comarius (Bâle 1549). La citation conservée dans le Barb est la suivante (PL IX. 11) : εις δέ το περί χυμών ύπομνήματά μοι τρία γέγονεν, ώσπερ γε και είς τό προγνωστικόν (προρρητικόν Viat sed iam Irigoin in Medioevo e umanesimo 24, 1976, p. 172 n. 3 : προγνωστικόν A Aid. Bas. om. Ar.) και είς τό κατ’ ίητρεϊον (Ιητρεΐον Bas. : ίητρίον A Viat Aid.) καί είς τό περί τόπων καί άέρων καί ύδάτων ο εφην (δ εφην Vlat Corn. Barb : ύφ5 ήν A Aid. ο φημ5 Bas. ô φημι Ch. del. Müller om. Ar.) έγώ περί οικήσεων καί ύδάτων καί ώρών καί χωρών έπιγεγράφθαι δ ε ΐν Bien que Barb ne nous ait conservé qu’une citation de quelques lignes, il est possible de conclure qu’il ignorait 168. Voir sur ce manuscrit la mise au point de J. Jouanna dans son édition du traité hippocratique Airs, eaux, lieux, Paris, CUF, 1996, p. 94 sqq.

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les leçons de Vlat (προγνωστικόν Barb : προρρητικόν Vlat) ; qu’il connaissait très vraisemblablement l ’édition de Bâle de 1538 (Ιητρεΐον Bas. Barb) et qu’il connais­ sait sinon les notes manuscrites de Cornarius (ô εφην Corn Barb), du moins son édition latine de 1549 (iquem.. Æxi Corn lat.). Le x k l l e siècle

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On signalera l’édition de R. Chartier (Paris, 1639, vol. I, p. 35-49 et 49-52) qui réunit pour la première fois sur deux colonnes le texte grec et la traduction latine169. Cette édition n ’apporte rien à l’établissement du texte. L ’éditeur parisien est par ailleurs l’auteur d ’une nouvelle traduction latine de nos deux opuscules, traduction qui sera reprise par Kühn, mais écartée par Müller dans son édition du Sur l'ordre de ses propres livres parue à Erlangen en 1874. Le XIXe siècle
6 et pour ce qui concerne leurs noms, cela a été démontré. 8 Quant aux données relatives à la démonstration des éléments, elles ne sont pas toutes exposées dans ce livre7*,mais seu­ lement dans la mesure où Hippocrate lui-même y a eu recours. Pour le point le plus complet sur la science des éléments du corps, il convient de lire ce qui a été dit dans le treizième livre du Sur la démonstration8 ainsi que ce qui se trouve dans le cinquième et le sixième livre du Sur les doctrines d ’Asclépiade9. 9 Mais on trouve aussi des informations sur la faculté des médicaments purifiants dans le Sur les éléments selon Hippocrate10 bien qu’un exposé particulier leur ait été consacré dans un autre livre11. 10 Fait suite au Sur les éléments selon Hippocrate les trois livres du Sur les tempéraments12 et à ceux-ci, l’ouvrage Sur la faculté des médicaments simples13 et à 1. Galien cite déjà ces trois traités ensemble dans le catalogue final de VArt médical c. XXXVII. 9, mais dans un ordre légèrement diffé­ rent, puisque le Sur les controverses en anatomie (en deux livres) pré­ cède le Sur Γanatomie pratiquée sur les morts (en un livre) et le Sur Vanatomie pratiquée sur les vivants (en deux livres) :...έν δυοΐν μέν περί άνατομικής (qui confirme la correction de Chartier de άνατομής en άνατομικής) διαφωνίας, έν ένι δέ περί τής έπι των τεθνεώτων άνατομής’ οίς έφεξής δύο περί τής έπι των ζώντων. Ces trois traités sont perdus, à l’exception du Sur Vanatomie pratiquée sur les morts conservé seulement en arabe (édition en préparation dans le CMG par I. Ormos) et sont tous datés du premier séjour de Galien à Rome, entre 164 et 168 (selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 496). 5. Ce traité en deux livres Sur le mouvement des muscles (Kühn IV, 367-464) est daté du début du second séjour romain de Galien, autour de 169, par J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Muséum A l, 1892, p. 501.

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άλλοις πλείοσιν, ών προηγείται τό τε περί τής Ιπί των τεθνεώτων ανατομής καί δυο εφεξής τήδε, τα τής επί των ζώντων, καί δυο επ' αύτοις άλλα, τα περί τής ανα­ τομικής διαφωνίας* 7 εφεξής δε τούτοις εστί τρία μεν περί θώρακος καί πνεύμονος , δυο δε περί των τής αναπνοής αίτιων καί τούτων εφεξής περί φωνής* εκ ταότου δε γένους εστί καί τα περί μυών κινήσεως ! καί του περί των ονομάτων έπιδέδεικ- 85 ται. 8 Καί αυτά δε τα περί τής άποδείξεως των στοιχείων ού πάντ’ εΐρηται κατά το βιβλίον ά λλ’ δσοις αυτός ό Ιπποκράτης έχρήσατο* προς δε τό τελεώτατον τής επιστήμης των του σώματος στοιχείων άναλέξασθαι προσήκει τά τ’ εν τω τρισκαιδεκάτω περί άποδεί­ ξεως είρημένα καί κατά τό πέμπτον καί εκτον περί των Άσκληπιάδου δογμάτων* 9 αλλά καί [τά] περί τής των καθαιρόντων φαρμάκων δυνάμεως εΐρηται μεν τινα κάν I τω περί των καθ’ Ίπποκράτην στοιχείων, γέγραπται δε 56 καί κατά μάνας εν έτέρω βιβλίω. 10 Τω δε περί των καθ’ Ίπποκράτην στοιχείων επεται τά περί κράσεων υπομνήματα τρία καί τούτοις ή περί τής των άπλών

90, 3 post αύτάς — usque ad finem def. Ar.2

2 τη δε A Viat : τώδε Müller II ante τής add. περί Müller II 3-4 άνατομικής Ch. : άνατομής A Viat II 5 κινήσεως Müller (cf. de motu Caius) : om. A Viat II δύο A Vlat Aid. : εν Corn. Il 6 τέτταρα Müller (cf. quatuor Caius) : om. A Vlat II 8 post κινήσεως add. duo et de elementis unus, in quo et de activis qualitatibus et earum nomini­ bus deque humorum varietate et generatione demonstratum est Caius

lacunam susp. Müller II 8 του A Vlat Aid. : τα Com. II ante όνομάτων add. Ιατρικών Müller II post όνομάτων add. κάν τφ περί των καθ’ 'Ιπποκράτην στοιχείω ν Müller II 8-9 έπιδέδεικται A : -κτο A 1 Vlat Aid. del. Com. Il 9 δε A Vlat : μεν Müller II 10 δσοις A Vlat : όσους Aid. όσον Com. Il 11 δ Vlat : om. A II 12-13 άναλεξάσθαι Vlat sed iam Müller : -λέξαι A II 15 τά A : τό Vlat secl. Müller II 17 δε om. Vlat il 19 κράσεων Ch. : -σεως A Vlat.

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celui-là encore, celui Sur la composition des médica­ mentsl. 11 Dans les premiers livres du sont ainsi exposés d e s tempéraments des> êtres vivants avec les marques distinctives propres à chacun, tandis que dans le livre il est question du tempérament des médicaments2, 12 Et si Ton veut lire, soit après deux livres, soit après d es> trois, le Sur la meilleure constitution du corps, le Sur le bon état et le Sur ïçs irrégularités du tempérament mal tempéré3, on agira là selon l ’ordre qu’il convient de suivre. 13 Ces trois livres sont fort courts pour avoir été dictés à la demande d’amis et pour ensuite avoir été diffusés par leurs soins, étant donné que la faculté des médicaments est également abordée dans notre ouvrage d ’Hygiène4 à l’intérieur duquel les différences de constitution de notre corps5 sont exposées à l’intention de tous et où il a été montré comment il fallait conserver chacune d ’elles en bonne santé, et après celui-ci vient mon ouvrage qui traite de la méthode thérapeutique6. 14 Précèdent ces deux ouvrages tous ceux que j ’ai cités auparavant, aux­ quels s’ajoutent encore le Sur la différence des maladies, celui Sur la différence des symptômes, et un troisième autre où sont exposées les causes des maladies, ainsi que trois autres livres en plus de ceux-ci Sur les causes des symptômes1. 15 Tous ces livres précèdent en effet la

4. Sur cet ouvrage en six livres intitulé en latin De sanitate tuenda (Kühn VI, 1-452 ; K. Koch, Galeni De sanitate tuenda libri VI , CMG V 4, 2, Leipzig-Berlin, 1923), voir K. Bardong, « Beitrage... », NA WG, 1942, 7, p. 635-637 qui précise la datation de J. Ilberg, « Die Schriftstellerei... I », Rheinisches Museum 44, 1889, p. 225-226 (fin du règne de Marc Aurèle, avant 180) en situant la rédaction de cet ouvrage autour de 175.

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φαρμάκων δυνάμεως πραγματεία κάκείνη πάλιν ή περί συνθέσεως φαρμάκων. 11 Έν μεν ouv τοις πρώτοις £ώοις λέγονται μετά τών ιδίων έκάστης γνωρισμάτων, εν δε τω περί τής τών φαρμάκων κράσεως ό λόγος έστίν* 12 εάν τε ουν μετά δύο βουληθή τις εάν τε μετά τρία τό τε περί τής άρίστης κατασκευής του σώματος άναγνώναι καί τό περί τής ευεξίας καί τό περί ανωμά­ λου δυσκρασίας, εν τή προσηκούση τάξει πράξει 10 τούτο. 13 Μικρά δε έστι πάνυ τά τρία ταϋτα βιβλία ψίλοις άξιώσασιν ύπαγορευθέντα κάπειτ5 έκδοθέντα προς εκείνων, επεί τοι καί τούτων ή δύναμις έν τή τών υγιεινών πραγματεία περιέχεται, καθ’ ήν αί διαφοραί τής του σώματος ήμών κατασκευής εΐρηνται πάσιν καί 15 δέδεικται πώς εκάστην χρή φυλάττειν εν υγεία, μεθ’ ήν πραγματεία ή τής θεραπευτικής έστι μεθόδου. 14 Τούτων δ’ άμφοτέρων αί προειρημένοι πάσαι προηγούνται* καί προς αύταις έτι τό περί τής τών νοσημάτων διαφοράς βιβλίον καί τό περί τής τών 20 συμπτωμάτων καί τρίτον άλλο καθ’ δ νόσων αίτίαι λέγονται, καί τρία προς τούτοις άλλα τών έν τοίς συμπτώμασιν αιτίων. 15 Ταυτα δέ ουν πάντα προη90, 3 post αύτάς — usque ad finem def. Ar. 94, 14 — 98, 1 εΐρηνται — τών έξηγήσεω ν def. A3 3 περί—τοις Müller (cf. de temperamentis Caius) : om. A Viat II ζφοις A Aid. : del. Corn. om. Viat II κράσεις Müller (cf. tempera­ menta Caius) : om. A Viat II 4 μετά — έκάστης A : non legitur Viat II τφ τρίτω Müller (cf. in tertio vero Caius) : τφ δ. Ch. τω A Vlat Aid. τοΐς δευτέροις Corn. Il 5 τής τών non legitur Vlat II 6-7 pr. τά — τής non legitur Vlat II 6 τά.,.τά Müller : om. A non legitur Vlat II βουληθή Ma. : -θείη A non legitur Vlat II 7 σώματος non legitur Vlat II 9-10 δυσκρασίας — Μικρ]ά non legitur Vlat II 10-11 βιβλία φίλ]οις non legitur Vlat II 11-12 έκδοθέντα — δύναμις non legitur Vlat II 14 ήμών κατασκευής non legitur Vlat II 20 τρίτον ego : τρίτ. Vlat II 22 πάντα ego : πάντ. Vlat

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Méthode thérapeutique, tout comme en outre le Sur les tumeurs contre nature et le Sur la pléthore1 ainsi que l’ouvrage Sur la différence des fièvres2. Tous ceux-ci sont donc nécessaires. Cependant, de même que j ’ai dit avoir rédigé sur les matières anatomiques certains traités à titre de supplément : j ’ai procédé de la même façon dans cette matière également : 16 il y a ainsi deux écrits consâcrés en propre à la thérapeutique que j ’ai donnés au philosophe Glaucon, et naturellement aussi un autre Sur la saignée3, ainsi que Sur les causes procatarctiques et celui Sur les causes synectiques qui sont à ajou­ ter en supplément4. 17 Et il en est d’autres composés en vue de la réfutation de certaines opinions et en particulier le Contre la nouvelle opinion sur la sécrétion des urines5. Car une fois que l ’on a réfuté les opinions fausses, l ’ex­ posé de celles qui sont vraies devient plus fondé. De fait tel est précisément l’objet du Sur les doctrines d ’Asclépiade et du Sur Γécole méthodique6, ainsi que de tout ce que j ’ai écrit concernant la méthode empirique des méde­ cins empiriques7. 18 Quant à tous ceux qui, avant d ’abor­ der mes autres ouvrages, ont en tout premier lieu recours au Sur la démonstration8, pour ceux-là se révèle égale­ ment utile le premier livre de ceux intitulés Sur la consti­ tution des arts ; de plus, il est un autre livre qui fait suite à celui-ci, qui est intitulé Patrophile et porte sur la consti­ tution de la médecine9. Appartient également au même genre le Thrasybule où on recherche si l’hygiène est une partie de la médecine ou de la gymnastique10. 19 Mais pour tous ceux qui abordent l’art médical d ’une quelque

2. La rédaction du Sur la différence des fièvres en deux livres (De differentiis febrium : Kühn VII, 273-405) est semble-t-il de peu posté­ rieure aux deux traités Sur les tumeurs contre nature et Sur la pléthore, et se situe avant 180 à la fin du règne de Marc Aurèle, selon J. Ilberg, « Die Schrifstellerei... III », Rheinisches M useum 51, 1896, p. 175 et 195.

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γείται τής θεραπευτική s μεθόδου, καί προς τουτοις έτι το περί των παρά φυσιν όγκων καί τό περί πλήθους καί ή περί τής των πυρετών διαφοράς πραγματεία. Ταυτί μεν ουν αναγκαία* καθάπερ δε εν ταίς ανατομικαΐς εκ περιουσίας έφην γεγραμμενα τινά, κατά τον αυτόν τρό­ πον κάνταύθα* 16 δυο μεν έστιν ίδια γεγραμμενα θερα­ πευτικά Γλαυκωνι τω φιλοσοφώ δοθέντα, περί δε φλεβοτομίας άλλο καί μέντοι καί περί των προκαταρκτικών αίτιων καί τό περί τών συνεκτικών αίτιων εκ περιουσίας έστιν. 17 Καί τινα άλλα προς έλεγχόν τινων γνωμών έστιν καί τό περί τής τών ουρών διακρίσεως προς τήν καινήν δόξαν* έλεγχομένων γάρ τών μοχθηρών, βεβαιωτέρα τών αληθών ή έξήγησις γίνεται. Τοιαυτη τοιγαρούν έστι αυτή ή περί τών Άσκληπιάδου δογμάτων καί ή περί τής μεθοδικής αίρέσεως* οσα τε περί τήν έμπειρικήν μέθοδον τών έμπειρικών ιατρών γέγραπται. 18 Ό σ οι δε διά τής απο­ δεικτικής πραγματείας άπασών πρώτης έπί τάς αλλας έρχονται, τουτοις χρήσιμόν έστι καί τό πρότερον βιβλίον τών έπιγραφομένων περί τεχνών συστάσεως* έτι δε δή μάλλον επόμενον τούτω βιβλίον έτερόν έστιν δ Πατρόφιλος έπιγέγραπται περί συστάσεως ιατρικής ύπαρχον. Έστιν έκ ταύτου γένους καί ό Θρασύβουλος έν ώ ζητείται πότερον ιατρικής ή γυμναστικής έστι μόριον τό ύγιεινόν* 19 άπασιν δε τούτοις όπωσοΰν μετιοΟσιν ιατρικήν τέχνην, χρήσιμόν έστι τό

90, 3 post αύτάς — usque ad finem def. Ar. 94, 14 — 98, 1 εϊρηνται — τών έξηγήσεω ν def. A8

8 τό ego : om. Viat I! 9 προκαταρκτικών ego : -αρχόντων Viat II 12 καινήν ego : κένην Viat II 16 μέθοδον ut uidetur Viat II 25 τοΐς ego : om. Viat II 25-26 όπωσούν ego : όποσουν Vlat.

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L ’ORDRE DE SES PROPRES LIVRES, II 20-24

autre façon, est utile le livre que nous avons intitulé Art médical comprenant les points principaux de l’art dans sa totalité1. 20 Viennent s’ajouter à tous ceux que j ’ai cités, d’autres livres appartenant à ce que l ’on appelle la partie séméiotique de l’art2. Celle-ci se divise pour former deux parties : l’une relative au diagnostic des faits présents, l’autre au pronostic des faits futurs. 21 Ces signes se mêlent les uns aux autres en bien des points et bénéfi­ cient inême d’un exposé écrit commun, parfois égale­ ment lié à l’indication des souffrances passées ; mais nous avons composé sur cette partie de l’art prise dans son ensemble l’ouvrage Sur les jours critiques et celui Sur les crises3*. 22 Leur fait suite et s’y ajoute mon ouvrage Sur le pouls qui se divise lui-même en quatre parties : l’une Sur les différences du pouls, l’autre Sur le diagnostic par le pouls, une autre en troisième lieu Sur les causes du pouls et une quatrième Sur le pronostic par le pouls4 23 ... ce que nous avons entendu dire en ce qui concerne les écrivains, lorsqu’ils organisaient des lectures publiques ; ensuite il me le renvoya pour que je le corrige. Quelque temps plus tard, mon ami quitta la ville et non seulement ce traité, mais d ’autres ouvrages de la sorte tombèrent en de nombreuses mains, aussi me faudra-t-il outre celui-ci rédiger un autre livre constituant à la fois un guide de mes propres ouvrages et de , et contenant l’indication principaux points abordés5; 24 Tous mes livres se révéleront pleinement cohérents entre eux, mais il est différent de chercher à atteindre

1. Sur ce traité, voir mon édition de YArt médical dans la CUF, Paris, 2000. Le bref aperçu qu’en donne ici Galien correspond presque exactement à une citation du traité c. la. 5 qui se conclut sur la volonté du médecin de Pergame d ’exposer seulement « les points essentiels et comme en quelque sorte les conclusions des faits démontrés en détail » (ώς μόνα τα κεφάλαια καί οίον συμπεράσματα των κατά διέξοδον άποδεδειγμένων).

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βιβλίον ό τέχνην ιατρικήν έπεγράψαμεν, άπάσης τής τέχνης εχον τα κεφάλαια. 20 Έπί τούτοις άπασι τοις είρημένοις έστίν άλλα βιβλία του σημειωτικού καλουμένου μέρους τής τέχνης* τέμνεται 8έ τούτο καί γίνεται διττόν’ εν μέν εις την των παρόντων διάγνωσιν, έτερον δέ των μελλόντων πρόγνωσιν* 21 έπικοινωνουσι δ’ άλλήλοις ιτολλαχόθ€ν ταυτα καί κοινήν έχει τήν συγγραφήν έ£ευγμένην έσθ* οτε καί τής των πεπονημένων ένδείξεως, ά λλ’ εις τό μέρος δλον τούτο τής τέχνης γέγραπται προς ήμών ή τ€ π€ρί κρίσιμων ήμερων πραγματεία καί ή περί κρίσεων, 22 εφεξής δέ ταισδε καί προς αύταις ή περί των σφυγμών* αυτής δε ταύτης τέσσαρα μόρια εστιν, εν μέν τό περί τής δια­ φοράς αυτών, έτερον δέ τό περί τής διαγνώσεως, άλλο δέ τρίτον ο περί τών σφυγμών αιτίων επιγέγραπται, καί τέταρτόν γε περί τής προγνώσεως αυτών < __ > 23 ...περί [τής] τους γράφοντας άκούσαμεν, προαναγινωσκόντων αυτών, ειτ* επανορθωσόμενον άποπέμψαι* χρόνω δ5 ύστερόν άπήν μέν ό φίλος άποδημών, έξέπεσε δ* εις πολλούς ου τούτο μόνον, αλλά καί άλλα τινά τών τοιούτων υπομνημάτων, διό καί δεήσει με προς τούτω βιβλίον έτερον άπογράψαι άμα τε τών ήμετέρων υπομνημάτων έχον έξήγησιν καί < ...> καί δήλωσιν τήν κεφαλαίων. 24 'Άπαντα μέν γάρ άλλήλοις έσται σύμφωνα, διαφέρει δή τοι τών πάντων έστοχάσθαι τών άναγνωσομένων ή μόνοις έκείνοις

90, 3 post αύτας — usque ad finem def. Ar. 94, 14 — 98, 1 εϊρηνται — τών έξηγήσεων def. A2

2 ’έ χο ν ego : εχοντα Viat II 17 τής Viat : dei. ego II 18 έπανορθωσόμενον ego : -σάμενον Viat II 22 προς τούτφ ut uidetur Viat II αμα τε ego : τε αμα Viat II 23 non legitur Viat II 24 τών ego : om. Viat II 25 δή τοι ego : δ5 ήτοι Viat.

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LORDRE DE SES PROPRES LIVRES, II 25 - III 4

l’ensemble des futurs lecteurs ou de s’adresser seulement à des lecteurs exercés qui les ont reçus de moi1. Et il est vraisemblable que l ’interprétation donnée dans les écrits que je lui2 ai consacrés soit plus satisfaisante. 25 De fait, la manière dont il est fait usage des démonstrations est utile à tous, mais l ’un, dans les écrits auxquels j ’ai apporté tous mes soins, suit parfaitement la méthode de démonstration, l ’autre < ..... > dans mes exposés oraux d ’atteindre mes auditeurs, de même également celui qui à l’occasion s’est trouvé m ’en faire la demande et pour qui j ’ai dicté < ....... >, et dans mes écrits donnés à des serviteurs3. 26 Mais il suffit sur ces matières, je parlerai dans la suite des commentaires exégétiques que j ’ai composés à certains des livres d’Hippo­ crate. III. 1 Pour ce qui est des points les plus nécessaires dans les différents domaines portant sur les réalisations de l ’art, j ’en ai traité dans les ouvrages qui précèdent4. Pour les questions anatomiques j ’en ai traité dans l ’ou­ vrage que j ’ai intitulé Sur Γanatomie d'Hippocrate5 ; 2 en ce qui concerne les critiques de même que les crises et surtout la nature de l’homme, du moins pour l’essentiel6, je l’ai expliqué dans le Sur les éléments selon Hippocrate1, et tout ce qu’il a dit sur la dyspnée dans mes livres sur la dyspnée8. 3 Et de même, pour les autres matières, il y a mes ouvrages propres à chacune d ’entre elles ; de sorte que, muni de la connaissance de mes écrits, on peut aborder les livres d ’Hippocrate, si l’on est intelligent et si on a en même temps été formé dans les disciplines élémentaires, sans avoir à recourir à ceux qui lui ont consacré des commentaires, et dans le cas contraire, en recourant à ceux-ci de toute façon. 4 On jugera en effet très facilement9, parmi les explications

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γεγυμνασμένοις παρ' έμοΰ λαβούσιν* είκός δέ δήττου καί την ερμηνείαν είναι βελτίω roîs ύπ’ έμοΰ γεγραμμέ~ vois αύτώ. 25 Καί ό τρόπος δή των αποδείξεων χρή­ σιμός έστιν < ...> πάσιν, ά λλ’ ό μέν Ιν τοίς ύπ* έμοΰ 5 μετά σπουδής γραφεισιν ακριβώς έπεται πάντη ταις άποδεικτικοίς μεθόδοις, ό δέ < ............... > λεχθεΐσιν των τ’ άκουόντων έστοχάσθαι, καθάπερ γ€ καί δ τινων άξιωσάντων έπί καιρού γ€νόμ€νος υπαγορεύσαντός μου δοθείσιν οίκέταις. 26 Καί περί μεν τούτων 10 ικανά καί ταΰτα, περί δέ των εις τινα των Ίτπτοκράτους βιβλίων γεγραμμέν

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III. 1 Τα μέν ουν αναγκαιότατα των εις τά τής τέχνης έργα διαφερόντων έν ταΐς προειρημέναις έξήγημαι 15 πραγματείαις, τά μέν ουν ανατομικά δι* έκείνης ήν π€ρί τής Ίπποκράτους ανατομής υπέγραψα, 2 τα δέ περί κρίσιμων ώσπερ γε καί τά περί κρίσεων καί δέ καί τά περί φυσιος ανθρώπου τα έπικαιρότατα, εν τω περί των καθ’ Ίπποκράτην στοιχείων έξηγησάμην, δσα 20 τε περί δύσπνοιας εΐρηκεν έν τοίς περί δύσπνοιας ύπομνήμασΓ 3 ωσαύτως δέ έχει καί κατά τάς άλλας πραγματείας τα καθ’ έκάστην αυτών οικεία, ώστε τινα μετά την γνώσιν τών ήμετέρων έντυγχάνειν δυνασθαι τοίς Ίπποκράτους βιβλίοις, εάν μέν έστι συνετός τε 25 άμα καί πεπαιδευμένος έν τοις πρώτοις μαθήμασιν, χωρίς τών υπομνήματα γραψάντων εις αυτόν, εί δέ μή, άλλα μετ’ έκείνων γε πάντως. 4 Εύκολος γάρ ή κρίσις 90, 3 post αύτάς — usque ad finem def. Ar. 94, 14 — 98, 1 εϊρηνται — τών έξηγήσεων def. A

7 έστοχάσθαι ego : -χάσασθαι Viat II 17 ήμερων ego : om. Viat II 18 έν τω ego : τό Viat II 24 Ίπποκράτους ego : -κράτ. Viat.

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LORDRE DE SES PROPRES LIVRES, III 5-10

elles-mêmes, de celles qui sont justes et de celles qui ne le sont pas, après s’être préalablement exercé avec nos ouvrages. 5 Pour certains des traités d ’Hippocrate, tu dis­ poseras aussi de nos commentaires, et puisque j ’ai déjà rédigé ceux-là, je m ’efforcerai de leur ajouter le reste. 6 Cela sera si je demeure en vie, mais si je meurs avant d’avoir expliqué les plus importants des traités d ’Hippocratef ceux qui désirent 1 sa pensée auront nos ouvrages, comme je l ’ai dit, en même temps que les commentaires déjà existants dus aux exégètes d ’Hippo­ crate, à notre maître Pélops2, encore s’ils peuvent obtenir3 quelqu’un de ceux de Numisianos4 — mais peu sont conservés — et, outre ceux-ci, ils auront les com­ mentaires de Sabinos et de Rufus d’Ephèse5. 7 Quintos et les disciples de Quintos6 n ’ont pas exactement compris la pensée d’Hippocrate, c’est pourquoi en de nombreux passages ils ne donnent pas d’explications correctes. 8 Lycos7, quant à lui, critique parfois Hippocrate et pré­ tend qu’il est dans l’erreur par méconnaissance de ses doctrines. Et pourtant, pour ce qui est des livres de Lycos, ils ont tous circulé au grand jour8. 9 Notre maître Satyros9 cependant — car c’est lui que nous avons d’abord fréquenté avant de suivre l’enseignement de notre maître Pélops — ne donnait pas les mêmes explica­ tions que Lycos des livres hippocratiques. Or il est reconnu que Satyros conserve avec la plus grande exacti­ tude les doctrines de Quintos, sans rien y ajouter^ ni retrancher. 10 Aiphicianos10, c’est sûr, les a même inflé-

1. Millier a suppléé ici γνώναι que j ’adopte également, voir c. III. 3 où on a την Ίπποκράτους γνώμην ούκ άκριβώς έγνώκασι et c. III. 7 où on a ούκ άκριβώς έγνωκότων τήν Ίπποκράτους γνώμην. 3. Il faut rétablir ici la séquence καί ει που... εχοιεν sur le modèle de καί ει που τύχοιεν (c. III. 8) et non supprimer εϊ, comme le pro­ pose Millier qui, de ce fait, est également contraint de mettre Εχοιεν entre crochets droits.

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αυτών γενήσεται των Εξηγήσεων οσαι τ’ όρθώς λέγον­ ται καί οσαι μή, προγεγυμνασμένω κατά τάς ήμετέρας πραγματείας* 5 έξεις δ’ cis ένια I των Ίπποκράτους καί 57 τα ήμέτερα καί έττ€ΐδή ταΰτ’ ήδη γέγραττται, προσθεΐναι πειράσομαι τα λοιπά. 6 Τούτο μέν, εάν ζήσωμεν, έσται* φθάσαντος δ’ άποθανειν έμοΰ, πριν έξηγήσασθαι τα κυριώτατα των Ίπποκράτους συγγραμμάτων, έξουσιν οι βουλάμ€νοι την γνώμην αύτοϋ καί τάς ήμετέρας μέν, ως εϊρηται, πραγματείας άμα τοις ήδη γ€γονόσιν ύπομνήμασι καί των έξηγησαμένων γ€ τον άνδρα του τ€ διδασκάλου Πέλοπος cï που τι καί των Νουμισιανου εχοιεν I — εστι δ’ ολίγα τά διασωζό- 87 pcva — καί προς τούτοι$ τά tc Σαβίνου καί 'Ρούφου του Έφ€σίου. 7 Κόϊντος δέ καί οί Κοΐντου μαθηταί την Ίπποκράτους γνώμην ουκ άκριβώς έγνώκασι, διό καί πολλαχόθι τάς εξηγήσεις ούκ όρθώς ποιούνται* 8 Λύκος δέ ενίοτε καί προσεγκαλει τώ Ίπποκράτ€ΐ καί φησι ψευδεσθαι τον άνδρα μή γινώσκων αυτού τά δόγματα* καίτοι τά γ€ του Λύκου βιβλία φαν€ρώς πάντα γέγον€ν, 9 Ό δ’ ήμέτ€ρος διδάσκαλος Σάτυρος τ— τούτω γάρ πρώτω συγγενόμενοι μ€τά ταΰτ' ήκούσαμεν Πέλοπος — où τάς αύτάς εξηγήσεις εποιεΐτο τώ Λύκω τών Ίπποκρατείων I βιβλίων* όμολογ€Ϊται δέ Σάτυρος άκρι- 58 βέστατα διασώζειν τα Κοΐντου δόγματα μήτε προσθείς αύτοΐς τι μήτ* άφελών* 10 Αίφικιανός μέν γάρ τι καί

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7 κυριώτατα Müller (cf. praecipua Caius) : κυριω.ττ Viat καχρώA II 8 γνώναι Müller : om. A Viat II 10 γε A : δέ Müller il 11 τού τε Com. : τε τού A Viat Aid. τά τε τού Müller II καί Eberh. : om. A Viat II εϊ A Viat : secl. Müller II 12 εχοιεν A Viat : secl. Müller II 19 φανερώς A Viat : -ρώτατα Eberh. il post πάντα lacunam susp. Müller II 21 συγγενομένοι Viat sed iam Ch. : συγγι- A II 25 Αίφικιανός Müller (sec. Bergk) : Έ φι- A Vlat.

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chies dans le sens du stoïcisme. 11 Pour nous donc qui, diversement, avons d ’abord entendu les explications de Quintos de la bouche de Satyros et qui, plus tard, avons lu certains des ouvrages de Lycos, nous les avons condamnés tous les deux à la fois comme n’ayant pas exactement compris la pensée d ’Hippocrate. Les dis­ ciples de Sabinos et de Rufus l ’ont mieux comprise. 12 Et celui qui s’est préalablement exercé dans nos ouvrages est capable aussi bien de juger les commen­ taires de ces gens-là que de reconnaître ce qu’ils ont dit à bon escient, ou si, en quelque endroit, ils se sont trom­ pés. IV. 1 Mais puisqu’il a suffisamment été question des explications concernant Hippocrate, passons au reste de nos travaux qui sont relatifs au domaine de la logique. 2 Parmi eux, pour toi, Eugenianos, et pour vous tous qui vous êtes appliqués à la seule médecine, livres sur la démonstration1 sont suffisants, mais pour les autres qui consacrent tout leur temps à la philosophie, il faut aussi les autres livres, sauf s’il peut se trouver quelqu’un pour aborder de manière satisfaisante les deux études à la fois, celles de la médecine et de la philosophie12. 3 II faut que cet homme-là ait en même temps un esprit aiguisé, une bonne mémoire et l ’amour du travail ; il doit, en outre, avoir connu une chance telle que celle que nous avons connue en bénéficiant de l’éducation paternelle : 4 après nous avoir élevé de façon à nous rendre savant en arith­ métique, calcul et grammaire3, au milieu de ces disci­ plines et des autres connaissances qui font partie de

1. Galien entend par là les quinze livres qui formaient son ouvrage aujourd’hui perdu Sur la démonstration, voir c. I. 12.

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μετερρύθμισεν επί το Στωϊκώτερον. 11 Ήμεις ουν έτέρως μεν έμπροσθεν άκηκοότες Σατύρου τας έξηγήσεις Κοΐντου, μετά χρόνον 8’ ύστερον άναγνόντες τινά των τού Λύκου κατέγνωμεν άμφοτέρων ως ουκ άκριβώς εγνωκότων την Ίπποκράτους γνώμην, άμεινον γαρ έγνωσαν οί περί Σαβινόν τε και 'Ρουφον 12 6 8’ εν ταις ήμετέραις πραγματείαις προγεγυμνασμένος ικανός καί τα τούτων κρίνειν καί ψωράσαι τά τε καλώς όπ’ αυτών είρημένα καί εΐ που τύχοιεν εσφαλμένοι.

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IV. 1 Άλλ* επεί καί περί τών Ίπποκράτους έξηγήσεων αύτάρκως εϊρηται, μεταβώμεν επί τά λοιπά I τών ήμετέρων υπομνημάτων, οσα τής λογικής εστι πραγ­ W ματείας. 2 έστι 8’ εξ αυτών σοί μεν, ώ Ευγενιανέ, καί όσοι την ιατρικήν μόνην έσπουδάκατε, περί τής Ιί' ί· 15 άποδείξεως αυτάρκη, τοις 8’ αλλοις, οσοι φιλοσοφία σχολάζουσι, καί τάλλα, πλήν εΐ τις άμφοτέρας δύναιτο καλώς μετέρχείσθαι τάς θεωρίας ιατρικής τε καί φιλο­ σοφίας. 3 Είναι δε χρή τούτον άγχίνουν τε αμα καί μνήμονα καί φιλόπονον, έτι 8ε προς τούτοις ευτυχη20 κότα τοιαύτην ευτυχίαν οΐαν ήμείς ευτυχήσαμεν υπό πατρί παιδευθέντες, 4 αριθμητικής τε καί λογικής καί γραμματικής θεωρίας επιστήμονας ήμάς, εν τούτοις τε καί έν τοις αλλοις, οσα παιδείας μαθήματα, θρέψας, ήνίκα πεντεκαιδέκατον έτος ήγομεν, επί τήν διαλεκ-

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90, 3 post αύτας — usque ad finem def. Ar.1

1 μετερρύθμισεν Müller : μετερύθ-Α Viat II 2 άκηκοότες Viat sed iam Miiller : ήκη- A II 5 γαρ A Viat : δ3 Müller II 7 Ικανός A : -νώς Viat II 10 περί Aid. : τής A Viat II 12 ύπομνημάτων Viat sed iam Ma. : -μνήματα A II 13 σοι Aid. : σύ A Viat II 14 τα Müller : om. A Viat II 16 δύναιτο Vlat sed iam Ch. : δύνατο A II 21 ante άριθμητικής add. δς Bas. Il λογικής A Vlat : λογιστικής Ch. Il 22 έπιστήμονας A Vlat : -τήμων Ch. Il 23 και έν A Vlat : κάν Müller.

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réducation, alors que nous étions dans notre quinzième année1, il nous amena à l’étude de la dialectique pour que nous attachions notre esprit à la seule philosophie, puis, influencé par des songes clairs12, il nous fit en outre, alors que nous étions dans notre dix-septième année, nous entraîner à la médecine en même temps qu’à la philoso­ phie. 5 Mais même moi qui ai connu une telle chance et qui Apprenais plus vite que tous les autres tout ce qu’on m ’eiiseignait3, si je ne m ’étais pas appliqué4 ma vie tout entière à m ’entraîner aux principes de la médecine et de la philosophie, je n ’aurais rien su d ’important. 6 De fait, il n ’y a rien en cela qui doive étonner quand une grande majorité des hommes qui s’entraînent à la médecine et à la philosophie ne réussissent en aucune des deux. C ’est en effet ou bien qu’ils n’étaient pas naturellement doués, ou bien qu’ils n ’ont pas reçu l’éducation qui convenait, ou qu’ils n ’ont pas persisté à s’entraîner, mais se sont détournés vers l’action politique5. Signalons donc accessoirement ces réalités, bien qu’elles ne soient pas précisément accessoires. 7 II faut en tout cas lire nos livres d’étude philosophique6 après notre ouvrage Sur la démonstration7. Quels sont les sujets abordés dans ces ouvrages et en quel nombre, je l’ai consigné pour chacun d ’eux et je l ’exposerai grâce à cet écrit où je dresserai la liste de tous mes livres8. V. 1 Mais puisque tu t ’es également enquis auprès de moi de l ’ouvrage où j ’ai rassemblé le vocabulaire en

1. C’est à dire, alors que Galien avait quatorze ans révolus, en 143 de notre ère. 3. Il est possible de respecter ici le texte des manuscrits en conser­ vant la particule αν devant έδιδασκόμην sans la mettre entre crochets droits comme l’a fait Müller. L ’emploi de la particule, dans ce contexte, se justifie en effet pleinement pour indiquer la répétition dans le passé. 7. Sur cet ouvrage déjà plusieurs fois cité, voir c. I. 12 et la note.

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τικήν 0€ωρίαν ήγεν ως μόνη φιλοσοφία προσέξοντας τον νουν, ειτ’ έξ όνειράτων εναργών προτραπείς επτακαιδέκατον έτος άγοντας καί την ιατρικήν εποίησβν άσκ€ΐν άμα τή φιλοσοφία* 5 αλλά καί τοιαύτην Ιγώ την ευτυχίαν ευτυχήσας Ικμανθάνων Τ€ θάττον απάντων των άλλων ο τι π€ρ αν έδιδασκόμην, εί μή τον όλον μου βίον εις την των ιατρική τε καί φιλοσοφία θεω­ ρημάτων άσκησιν καθείκ€ΐν, ουδέν άν έγνων μεγα* 6 μηδέ τοίνυν μηδέ τούτο θαύμα, διότι πολύ πλήθος ανθρώπων άσκούντων ιατρικήν τε I καί φιλοσοφίαν εν ουδ€τερα κατορθοΰσιν* ή γάρ ούκ έφυσαν καλώς ή ούκ έπαιδευθησαν ώς προσήκων, I ή ου κατέμειναν εν ταις άσκήσεσιν ά λλ5 έπί τάς πολιτικάς πράξεις άπετράποντο. ταύτα μέν ουν μοι κατά τό πάρεργον είρήσθω καίτοι ουκ δντα πάρεργα. 7 Τα γουν τής φιλοσόφου θεωρίας ήμέτερα βιβλία μ€τά τήν περί τής άποδζίξεως πραγματείαν άναγιγνώσκειν χρή* τίνες δ’ αυτών €ΐσιν αί υποθέσεις καί πόσαι, καθ’ έκάστην αυτών γέγραπται, δι* εκ€ΐνου δε δειχθήσεται του γράμματος, εν ω τήν γραφήν ποιήσομαι άπάντων τών έμών βιβλίων. V. 1 Έπ€ΐ δ’ έπύθου μου καί περί τής πραγματδίας, εν ή τά παρά τοις Άττικοίς συγγραφευσιν ονόματα 90, 3 post αύτας — usque ad finem def. Ar.1 1 προσέξοντας Ch. : προσέξαντ. A Viat προσέξαντα Aid. Il 3 αγοντας Viat sed iam Müller : -ντες A II έποίησεν Viat sed iam Müller : έποιήσαμεν A Aid. έποίησέ με Corn, έποίησεν έμέ Bas II 5 post τε add. καί Aid. edd. Il 6 dv A Vlat : secl. Müller II 7 έν Ch. : ont. A Vlat II 7-8 θεωρημάτων Vlat sed iam Ch. : -ρήματα Aid. θεωρηματ. A II 8 καθείκειν ego : -εΐκεν Vlat -έστηκεν A : -εστήκειν (sic) Ch. Il 9 pr. μηδέ A Vlat : μηδέν Ch. Il 10 τε om. Vlat II 15 post καίτοι add. γε Müller II 18 έκάστην A Vlat : έκαστον Mül­ ler Il post έκάστην add. μέν Müller II 22 συγγραφευσιν Müller : γραφεΰσιν A non legitur Vlat.

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LORDRE DE SES PROPRES LIVRES, V 2-5

usage chez les écrivains attiques1 en suivant l’ordre alphabétique, je pense qu’il est préférable d ’également consigner à cet endroit, pour toi et par écrit, ce que je t ’ai répondu. Il est évident en effet que d’autres aussi en grand nombre cherchent à savoir quel peut bien en être le sujet2. 2 Assurément nous ne demandons pas — ce qu’qxigent certains de nos contemporains3 — que tous usent du langage attique, qu’ils soient médecins, philo­ sophes, géomètres, musiciens ou hommes de loi, ou rien de cela, mais qu’ils soient simplement gens fortunés ou seulement dans l ’aisance. Car je juge au contraire déplacé de réprimander ou de blâmer quiconque parmi ceux qui commettent des solécismes dans la langue. 3 II vaut mieux en effet commettre des solécismes et des barba­ rismes dans la langue plutôt que dans la vie. Et j ’ai éga­ lement rédigé autrefois un ouvrage Contre ceux qui blâ­ ment les auteurs de solécismes dans la langue4. Tant s ’en faut que je considère la maîtrise de l’attique comme une partie de l ’éducation. 4 Mais parce que de nombreux médecins et philosophes en blâment d ’autres au sujet de ces mots grecs à propos desquels eux-mêmes ont institué de nouvelles acceptions5, pour cette raison j ’ai également entrepris l’explication en quarante-huit livres des mots que j ’ai puisés cchez les> auteurs attiques, tout comme j ’en ai puisé d’autres chez les comiques6. L ’ouvrage a donc été composé, comme je l’ai dit, dans le souci de ces différentes acceptions. 5 Ceux qui en auront fait la lec­ ture disposeront immédiatement, avec cet ouvrage, d ’une

2. Le pluriel αύτών donné par les manuscrits peut parfaitement se comprendre en référence aux nombreux livres (βιβλίων) que comptait le S u r le v o ca b u la ire en u sa g e ch ez les é criv a in s a ttiques. La correc­ tion de Müller en αύτής (mis pour πραγματείας) ne s’impose donc pas.

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κατά την των ττρώτων έν αυτοις γραμμάτων ήθροισται τάξιν, άπερ άπ€κρινάμην σοι, βέλτιον ήγουμαι κάνταυθα γράψαι σοι* πρόδηλον γάρ, δτι καί άλλοι π ολ­ λοί ζητοΰσιν, ήτι$ ποτ’ έστίν αυτών ή ύπόθεσις. 2 Où γάρ 8ή τοΰτό γε άξιουμεν ημείς, δπερ ένιοι των νυν κελευουσιν, άπαντας άττικίζειν τή φωνή, καν ιατροί τυγχάνωσιν δντες ή φιλόσοφοι καί γεωμετρικοί καί μουσικοί καί νομικοί καν μηδέν τούτων ά λλ’ άπλώς ήτοι πλουτώσί τινες ή μόνον εύποροι* τουναντίον γάρ απαξιώ μηδενί μέμΙφεσθαι τών σολοικιζόντων τή φωνή 61 μηδ’ Ιπιτιμάν. 3 ’Άμεινον γάρ εστι τή φωνή μάλλον ή τώ βίω σολοικίζειν τε καί βαρβαρίζειν* I εγράφη δε 90 μοί ποτέ καί πραγματεία προς t o u s έπιτιμώντας t o îs σολοικίζουσι τή φωνή* τοσουτου δέω παιδείας τι μόριον υπολαμβάνειν τό άττικίζειν* 4 άλλα διά τό π ο λ ­ λούς ιατρούς καί φιλοσόφους, εν οις αυτοί νομοθετουσι καινά σημαινόμενα τών Ελληνικών ονομάτων, έν τουτοις έτέροις μέμφεσθαι, διά τούτο καί τών ονομάτων την εξήγησιν εποιησάμην έν οκτώ καί τεσσαράκοντα βιβλίοις άθροίσας έκ τών Αττικών συγγραφέων αυτά, καθάπερ έκ τών κωμικών άλλα* γέγραπται μεν ουν, ως έφην, ή πραγματεία διά τά σημαινόμενα* 5 συν τουτω δ5ευθέως υπάρχει τοίς άναγνωσομένοις αυτά καί ή τών

90, 3 post αύτάς — usque ad finem def. Ar.2 1

1 ήθροισται Ch. : ήθροΐσθαι A Viat Aid. ήθροίσθη μοι Corn. Il 2 σοι A Viat : del. Eberh. Il 4 αυτών A Vlat : αύτής Müller II 5 τουτό γε Viat : τοΰτ5A II 7 τυγχάνωσιν Ch. : -νουσιν A Vlat II 9 πλουτώσί ego : πλουτοΰσί A πλουτοϋντές Müller non legitur Vlat II 18 έτέροις A Vlat : έτέρως Müller II μέμφεσθαι Vlat : om. A in lac. Aid. έπιτιμάν Corn, χρώνται Ch. ή κατά τήν τών Α ττικώ ν συνή­ θειαν νομοθετεΐν Müller in Erl. ed. Il 20 άθροίσας Vlat : άθροισαμένων A Aid. -σάμενος Corn (et Ch.) Il έκ τών Vlat sed iam Corn, (et Müller) : έξ Ch. om. A in lac. Aid. Il 23 αυτά Vlat : αύτή A.

L ’ORDRE DE SES PROPRES LIVRES, V 6

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connaissance du vocabulaire attique qui en soi et par ellemême ne renferme rien qui mérite une grande applica­ tion ; 6 mais ce sont précisément ceux qui emploient ce vocabulaire à mauvais escient qui sont cause que j ’ai rédigé un autre ouvrage sur le bon usage1 qu’il est de fait préférable de lire en tout premier lieu. k i

1. On ne sait rien de ce traité, pas même si les mots περί τής όρθότητος utilisés par Galien désignent le titre, ou seulement le contenu de l’ouvrage en question. Dans cette seconde hypothèse qui paraît la plus probable, Galien aurait ici en vue son traité en un livre Sur les impropriétés en attique (Α ττικώ ν παράσημα) cité dans le Sur ses propres livres c. XX. 2 immédiatement après son traité Contre ceux qui blâment les auteurs de solécismes dans la langue.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΗΣ ΤΑΞΕΩΣ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ 102

Αττικών ονομάτων γνώσις ouScv αυτή καθ’ έαυτήν άξιον έχουσα μβγάλης σιτουδής* 6 άλλα γ€ διά τούς κακώς χρωμένους τοις όνόμασιν άλλη μοι γέγραττται ττραγματ€ΐα π€ρί τής ορθότητος αυτών, ήν δή και πρώτην άιτασών άμεινον άναγινώσκβιν.

90, 3 post αύτας — usque ad finem def. Ar.

I

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

P. 88. 1. Galien avait déjà dédicacé à Eugénianos les livres VII à XIV de sa Méthode thérapeutique (voir Ktihn X, 456, 530, 599, 664) qui furent achevés sous le règne de Septime Sévère, la rédaction des livres I à VI, dédiés à Hiéron, ayant précédemment été interrompue par la mort de celui-ci. Son nom est cité deux fois dans le Sur l'ordre de ses propres livres en I. 1 et en IV. 1. Il ressort de ce second passage que cet ami de Galien était également médecin et appartenait à cette élite formée à l’étude de la logique et capable d ’aborder la lecture du traité Sur la démonstration. 3. La situation dénoncée par Galien relative aux livres qui circulent et sont lus contre le gré de leur auteur constitue en quelque sorte un topos ; voir ce qu’en dit déjà Cicéron, deux siècles avant Galien, dans le De oratione I, 94 : « scripsi... illud quodam in libello quod, me invito, excidit et pervenit in manus hominum », et Tertullien, Adversus Marcionem I, 1 où il est fait allusion à une version « piratée » de la seconde édition d ’une de ses œuvres. Les exemples de telles pratiques étaient loin de se limiter au monde romain, et étaient également connus du monde grec ; cf. Platon, Parménide 128d. Et surtout comparer avec le témoignage de Galien lui-même dans le Sur la saignée contre les Erasistratéens de Rome (Kühn XI, 194, 13-17) quand il oppose l’ex­ posé susceptible de donner matière à un véritable livre et l ’exposé oral, pris sous la dictée, non destiné à une telle mise en forme : έγώ μέν ούν έπείσθην τε τφ έταίρω και τον λόγον ύπηγόρευσα* συνέβη δ5 έκπεσεΐν είς πολλούς τό βιβλίον, ού κατά γνώμην ύπ’ έκείνου διαδοθέν* ό γάρ τοι λόγος ού συγγράμματι πρεπόντως, άλλ1 άκουστηρίω συνέκειτο... D’une façon générale, sur le travail édito­ rial des auteurs anciens, voir l’étude de T. Dorandi, Le stylet et la tablette. Dans le secret des auteurs antiques, Paris, les Belles Lettres, 2000, coll. « L’Âne d’or », en particulier le chapitre 4 Ού προς εκδοσιν συγγράμματα, ρ. 77-101, qui traite de la pratique qu’avaient cer­ tains auteurs de l ’Antiquité de réserver une partie de leur production littéraire à une circulation restreinte, limitée à un ou plusieurs amis ou camarades d ’étude. Sur la pratique de la dictée (exprimée en grec à

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

Laide du verbe υπαγορεύω), voir ibid., p. 65. Sur l’emploi de ce verbe, voir Sur Vordre de ses propres livres c. IL 13. 25 et Sur ses propres livres c. I. 1. 5. 4. Par le pluriel ήμάς Galien entend ici, plutôt que sa seule per­ sonne (au pluriel de majesté), lui-même et ceux de ses amis auxquels il destinait ces écrits destinés à rester confidentiels. Dans les deux cas, le texte transmis par les manuscrit A et Vlat et confirmé par la traduction arabe se justifie donc pleinement et il n ’y a pas lieu de le corriger comine l’ont tenté les éditeurs aldins (μεθ9 έμω sic), puis Chartier (μετ’!έ με). P. 89. 1. Sur les représentants de ces différentes écoles médicales, empi­ riques, dogmatiques et méthodiques, voir Ph. Mudry et J. Pigeaud éd., Les écoles médicales à Rome, Actes du IIème Colloque international sur les textes médicaux antiques (Lausanne, septembre 1986), Genf, 1991 (Université de Lausanne, Publications de la Faculté des Lettres 33). Sur le poids de la tradition et de l’habitude dans le choix de telle ou telle école, comparer là encore avec ce que dit Cicéron dans les Aca­ demica post. I, 8 des jeunes gens qui optent pour l’école dogmatique : « infirmissimo tempore aetatis aut obsecuti animo cuipiam aut una alicujus quem primum audierunt oratione capti de rebus incognitis judi­ cant, et ad quamquamque sunt disciplinam quasi tempestate delati, ad eam tamquam ad saxum adhaerescunt ». Lucien, quant à lui, dans VHermotime 86 nous a conservé l’image fort proche de ce personnage qui regrette d ’avoir opté pour une école et se voit comme entraîné par un torrent furieux. Voir d ’autres exemples cités par J. Mansfeld, Pro­ iegomena, Leiden, Brill, 1994, p. 165-166. 2. Le terme διαδοχή est ici employé par Galien en un sens tech­ nique bien précis. Il fait en effet allusion aux chaires impériales tout récemment fondées par Marc Aurèle. Voir J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Gôttingen, 1978, Hypomnemata 56, p. 150-151 : « Διαδοχή is thus used in the sources to describe an established chair outside Athens, or even merely a philosophical tradition or « school of thought », following the views of one of the more « classical » philo­ sopher of old, or of more recent fame, like Plotinus. When the Anto­ nine διαδοχαί were established, this term and its cognate διάδοχος, were at hand not in the older sense employed in the Athenian schools of yore, but in these more recent senses. The new professors were, in pratice, both διάδοχοι αιρέσεω ν or δογμάτων, professors of the philosophy of this or that sect, and διάδοχοι in the more literal sense, holders of an established chair, to which new élections were made on the death of the last incumbent ». 3. Galien distingue ici les écrits réservés à un public savant et déjà averti, de ceux composés à l’intention d’amis ou de jeunes gens encore

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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débutants. Ce sont ces dernières compositions qu’il songea un instant à ne plus accepter de rédiger, exception faite du Sur la meilleure école. Pour les autres ouvrages, les sommes achevées destinées à un public averti, Galien ne songea sans doute jamais sérieusement à en inter­ rompre la production. Le traité qui nous a été transmis par l’édition de Kühn sous le titre Sur la meilleure école (Kühn I, 106-223 ) ne corres­ pond pas à ce qu’en dit ici et ailleurs Galien. I. Müller a en effet démontré son caractère apocryphe dans « Über die dem Galen zugeschriebene Abhandlung Π ερί τής άρίστης αίρέσεως », Sitzungsberichte der Münchener Kôniglichen Bayerischen Akademie der Wissenschaft, Philos.-Philol. Klasse, 1898, p. 53-162. Il convient donc de considérer le traité cité ici par Galien comme perdu. 5. Galien avait déjà abordé ces questions dans un autre ouvrage inti­ tulé Sur la constitution des arts (Π ερί τεχνών συστάσεως) en deux livres et aujourd’hui perdu. Seul nous est parvenu le Sur la constitution de la médecine en un livre (Περί συστάσεως τής Ιατρικής τέχνη ς : Kühn I, 224-304 ; S. Fortuna, CMG V 1, 3, Berlin, 1997 ; traduction française dans J. Boulogne et D. Delattre éd., Galien. Systématisation de la médeciney Université Lille 3, Presses universitaires du Septen­ trion, 2003), dédicacé à Patrophile, et qui formait le deuxième volet de cette vaste enquête sur la façon dont tous les arts, sans exception, sont constitués. Sur l’organisation primitive de cet ensemble, voir la des­ cription qu’en donne Galien dans le catalogue final de YArt médical c. XXXVII. 6 (Kühn I, 407 = V. Boudon, CUF, 2000, p. 388) : εϊρηται μέν ούν καί πρόσθεν, ώς έστιν εν άλλο βιβλίον, έν ω περί συστάσεως τής ιατρικής τέχνης διερχόμεθα* προηγείται δ’ αύτοΰ τά πρότερα δύο περί τεχνώ ν συστάσεως. Ρ. 90. 1. J. Mansfeld, Prolegomena...y Leiden, 1994, p. 119, n. 210, a pro­ posé de lire έπιγραφής (« titre » d’une œuvre) à la place de γραφής (« écriture » d’une œuvre), avant de citer l’exemple du Sur ses propres livres (Prol. 1) où, selon lui, γραφής serait en réalité employé à la place d ^ ty p a q riiç. Mansfeld ajoute d’ailleurs que le tenue γραφή dans le Sur ses propres livres lui paraît d’une manière générale être employé avec le sens ά’έπιγραφή. Or, dans le passage en question du Sur ses propres livres (Prol. 1) tel que pouvait le lire Mansfeld, la leçon γραφής est une leçon fautive de A là où il convient en réalité de réta­ blir άπογραφής (liste de livres) donné par Vlat (et non έπιγραφής). Car Galien me semble au contraire clairement distinguer γραφή ά’έπιγραφή (« titre » d’une œuvre). Il emploie en effet γραφή soit au sens d’ « écriture » comme dans notre passage, soit au sens de « liste » comme un peu plus loin au c. IV. 7, sans cependant qu’il soit nécessaire de conjecturer άπογραφήν comme le propose également Mansfeld. L’emploi de γραφή pour désigner une « liste », ou un « catalogue »,

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

est en effet bien attesté (voir le LSJ, s. v., II 2 b), à côté du sens d ’ « écriture » qu’il convient de retenir dans le présent passage. 2. Il est parfois difficile de distinguer entre les deux sens d ’dvayiγνώ σκειν, « lire » ou « étudier », qui apparaissent souvent confon­ dus. J. Mansfeld, Prolegomena..., Leiden, 1994, p. 119-120, comprend qu’άναγιγνώσκειν, dans le passage qui nous occupe, est employé au sens d ’ « étudier ». H. von Staden, « Gàttung und Gedàchtnis : Galen über Wahrheit und Lehrdichtung », in W. Kullmann, J. Althoff und M. A|sper éd., Gattungen wissenschaftlicher Literatur in der Antike, Tübirigen, G. Narr Verlag, 1998, ScriptOralia 95, p. 65, n. 2, traduit pour éa part άναγιγνώσκειν et ses dérivés, employés dans le corpus galénique, par « lire » ou par « lecture ». S ’il est en effet bien des passages où, comme ici, l’hésitation entre les sens de « lire » ou « étudier » est permise (Sur Vordre de ses propres livres c. V. 5 ; Sur ses propres livres Prol. 4 ; c. I. 2 ; c. III. 18 ; c. XV. 2...), il existe en revanche d’autres lieux où seul le premier sens s’impose (Sur Vordre de ses propres livres c. XX. 1 par exemple où Galien fait allusion au traité intitulé Si Vancienne comédie est une lecture (άνάγνωσμα) utile pour les étudiants). Le sens de lecture, qui semble prédominer dans tous les passages cités, s’impose en tout cas incontestablement, dans l ’emploi spécialisé d’άναγιγνώ σκειν utilisé pour désigner l ’action de « faire une lecture publique », dans le but de « dispenser un ensei­ gnement » (Sur ses propres livres Prol. 6 et c. II. 6). Dans la mesure où cette idée de lecture, qui précède l’idée même d ’étude, semble dominer les différents emplois (Ι’άναγιγνώ σκειν dans les deux traités de Galien sur ses propres ouvrages, je choisirai de traduire άναγιγνώ σκειν par « lire », au sens de lecture approfondie et studieuse, hormis dans les passages où il s’agit manifestement d ’une lecture publique donnée par un maître devant un cercle d’auditeurs dans le cadre de son enseignement et où Ton peut traduire par « donner lec­ ture de ». P. 91. 1. De ce vaste ouvrage en quinze livres. Sur la démonstration, rédigé par Galien avant sa première installation à Rome (selon J. Iîberg, « Über die Schriftstellerei... IV », Rheinisches Museum 52, 1897, p. 600), il ne reste que quelques fragments conservés en grec qui ont été édités par I. Müller, Über Galens Werk vom wissenschaftlichen Beweis, Munich, 1895 et quelques citations en arabe (édition en prépa­ ration par M. Rashed). La synopsis de cet ouvrage, s’il s’agit bien du même, en un livre, citée dans le Sur ses propres livres c. XIV. 23, est également perdue. P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos von Rhodos bis Alexander von Aphrodisias, II : Der Aristotelismus im I. und II. Jh. n. Chr., Peripatoi 6, Berlin-New York, 1984, p. 691, n. 15 signale l’existence de fragments conservés dans une

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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traduction arabe. Hunain ibn Ishaq, quant à lui, dans la Risala, éd. G. Bergstrâsser, Leipzig, 1925, p. 38 n° 115, déclare, malgré tous ses efforts, n ’être pas parvenu à découvrir un manuscrit complet de cet ouvrage. Galien lui accorde une importance considérable dans la for­ mation logique du futur médecin et y voit un instrument incontour­ nable de toute bonne méthode. Cet ouvrage sera d ’ailleurs explicite­ ment cité encore quatre autres fois par Galien dans les pages suivantes (c. IL 8 et 18 et c. IV. 2 et 7). 3. Les courses de chevaux se disputaient traditionnellement entre quatre équipes reconnaissables primitivement aux quatre couleurs rouge, bleu, blanche et verte. Les chars, les harnachements des che­ vaux et les habits des cochers revêtaient l’une de ces couleurs. Sur la popularité de ces courses et sur les débordements auxquels elles don­ naient parfois lieu à Rome au IIe s. de n. è., voir Jean-Paul Thuillier, Le sport dans la Rome antique, Paris, Ed. Errance, coll. « Des Hespérides », 1996 et A. Cameron, Circus Factions, Blues and Greens at Rome and Byzantium, Oxford, 1976. Marc Aurèle remercie ainsi son précepteur de l’avoir tenu à l’écart des passions des courses en faisant en sorte qu’il n’ait été « ni Vert ni Bleu » (μήτε Πρασιανός μήτε βενετιανός in Écrits pour lui-même I. 5. 1). Et P. Hadot précise (Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, tome I, Paris, CUF, 1998, p. c x l i i i ) que « peu à peu le Vert et le Bleu prédominèrent, le Blanc s’alliant en général au Vert et le Rouge au Bleu ». Plusieurs exemples de débor­ dements auxquels ces passions donnaient lieu sont cités par P. Hadot, Ibid., p. CXLIII sqq. 5. Une erreur de mécoupure dans le modèle des deux manuscrits A et Vlat (πραττόμενα εΐ mis pour πράττομεν άει) a entraîné diverses fautes dans les éditions postérieures (πραττόμενα εί Aldine ; πραττόμεθα ή Bas.) jusqu’à la correction d’Eberhardt qui est adoptée ici. P. 92. 1. En envisageant ici le cas où un étudiant ne pourrait bénéficier du temps nécessaire pour s’initier à la théorie de la démonstration avant de s’engager dans des études de médecine, Galien distingue deux voies réservées à la connaissance : une voie royale qui passe par la lecture incontournable du traité Sur la démonstration dont il vient d’être ques­ tion (c. I. 12), et une voie plus personnelle basée sur l’observation du maître et de son genre de vie. En effet, l ’étudiant démuni des instru­ ments logiques indispensables pour discerner le vrai du faux dans les discours d’autrui n ’aura d’autre guide, dans sa recherche du bon maître, que la modération dont ce dernier saura faire preuve dans ses opinions, et les succès qu’il pourra revendiquer dans la pratique de son art. Le portrait ainsi brossé n ’est pas très éloigné de l’image que Galien s’efforcera de donner de lui-même, en particulier dans le Sur Γordre de ses propres livres et Sur ses propres livres composés aussi bien

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

pour guider les étudiants déjà recrutés que pour en conquérir de nou­ veaux. Sur cette question, voir mon article « Galien par lui-même : les traités biobibliographiques (De ordine librorum suorum et De libris propriis) », in Studi su Galeno. Scienza, filosofia, retorica e filologia. Atti dei seminario, Firenze 13 novembre 1998, a cura di D. Manetti, Università degli Studi di Firenze, Dipartimento di scienze dell’Antichità « Giorgio Pasquali », 2000, p. 119-133 ; voir aussi « Figures du maître chez Galien », in J. Boulogne et A. Drizenko éd., L'enseignementlde la médecine selon Galien (Journées d ’Etude organisées à Lille, 22-23, octobre 2003) Université Charles-de-Gaulle — Lille 3, coli. UL 3, 2006, p. 15-30, et mon article à paraître ; « Life and Method in Galen : From Ways of Life to Paths of Knowledge », Actes du col­ loque international édités par Ch. Gill, T. Whitmarsh et J. Wilkins, Galen and the world o f knowledge, (University of Exeter, UK, July 1821 2005), Cambridge University Press. 3 . 1. Muller dans son édition du traité parue à Erlangen, p. 21 a fait le rapprochement entre ce passage de Galien et le passage suivant du Ménon 97 E où Platon après avoir opposé de la même façon science et opinion (doxa et épistèmè) conclut : και γάρ αί δόξαι al άληθεΐς, όσον μέν άν χρόνον παραμένωσι, καλόν το χρήμα καί πάντα τάγαθά έργάζονται* πολύν δέ χρόνον οόκ έθέλουσι παραμένειν, άλλα δραπετεύουσιν έκ τής ψυχής του άνθρώπου (« En effet, les opinions vraies, tant qu'elles demeurent, sont de belles choses et pro­ duisent toutes sortes de biens, cependant elles ne consentent pas à res­ ter longtemps, mais s’enfuient de notre âme »). Muller, en s’appuyant sur le jugement de Platon, propose donc de corriger νόμιμον donné par A (non legitur Vlat) en μόνιμον (cf. παραμένειν chez Platon), correction adoptée ici. 4. Le titre de ce traité Sur les écoles aux débutants (Kühn I, 64105 ; G. Helmreich, SM III, 1-32 ; édition critique de D. Béguin, thèse, Paris, 1989) nous a été transmis par les manuscrits au pluriel (αΙρέσεων), et non au singulier comme dans les manuscrits A et Vlat qui ont ici αίρέσεως. Il convient donc sur ce point d’adopter la cor­ rection de Comarius (αίρέσεων). Sur les circonstances de rédaction de ce traité composé par Galien lors de son premier séjour romain (162166) et qui lui fut rapporté ensuite pour correction lors de son second séjour, voir Sur ses propres livres c. I. 1 et 2. 5. Comme le Sur les écoles, le Sur le pouls aux débutants (Kühn VIII, 453-492) fut également rédigé par Galien au cours de son pre­ mier séjour romain, voir J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... I », Rheinisches Museum 44, 1889, p. 219 et ibid. II, Rheinisches Museum 47, 1892, p. 513, qui s ’appuie sur le témoignage de Galien dans le Sur ses propres livres c. I. 5. L ’emploi du pluriel dans le titre se justifie par le fait que Galien passe en revue les différentes variétés de pouls que le médecin doit être capable d ’identifier et de nommer.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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6. Le Sur les os aux débutants (Kühn II, 732-778 ; éd. I. Garofalo, Paris, CUF, 2005), comme le précédent, est daté du premier séjour romain de Galien, par J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 498. I. Muller a supprimé l’article των devant όστών pour uniformiser ce titre avec celui du traité précé­ demment cité Sur le pouls (Π ερί σφυγμών) sans article. Mais Müller avait déjà été amené à modifier le texte des manuscrits à la ligne pré­ cédente (και το περί σφυγμών) en ajoutant cette fois un article omis par les manuscrits (και τό περί σφυγμών) dans un effort d’harmonisation avec le titre du traité précédent Sur les écoles (τό τε περί τών αΙρέσεων). Nous verrons cependant que l’absence ou la pré­ sence d ’articles, ainsi que des variations plus importantes dans l’indi­ cation des titres d’ouvrages s’observent de façon trop systématique pour pouvoir être toutes attribuées à des fautes de la tradition manus­ crite. Le Sur les écoles, Sur le pouls, Sur les os sont ainsi cités avec article (τών) dans le Sur ses propres livres (c. I), mais dans YArt médi­ cal c. XXXVII. 11 (Kühn I, 410 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 391) on peut lire l’indication suivante transmise cette fois non pas par un ou deux, mais par onze manuscrits : τό τοΐς είσαγομένοις περί σφυγμών γεγραμμένον (sans article). Les tentatives d ’uniformisation entraînent donc de trop fréquentes corrections apportées au texte des manuscrits pour pouvoir être raisonnablement adoptées. Et je suis d’avis de respecter cette relative liberté en me gardant d ’uniformiser les titres des traités galéniques dans le sens d ’une normalisation sans aucun doute excessive. Voir sur ce point mon article, « Comment Galien désignait-il ses propres œuvres ? Pour une ecdotique des titres », in Storia e Ecdotica dei Testi Medici Greci, Actes du IVe Col­ loque International (Paris 17-19 mai 2001), a cura di A. Garzya e J. Jouanna, Napoli, M. D’Auria Editore, 2003, p. 25-37. 7. Il faut ici adopter la correction de Müller concernant le titre de ce traité Sur les pratiques anatomiques : έγχειρήσεω ν au lieu de έγχείρησιν donné par A et Vlat. Voir par exemple YArt médical c. XXVII. 9 où Galien désigne cet ouvrage comme le plus utile aux études d’anatomie : εστι δε χρησιμωτάτη μέν αύτών ή τών άνατομικών έγχειρήσεω ν βίβλος. De ce vaste traité de quinze livres, seuls les livres I à VIII et les chapitres 1 à 5 du livre IX ont été conservés en grec. La partie perdue en grec a été conservée dans une traduction arabe du Moyen Âge. Voir Kühn II, 214-731 (livres I-IX, 5) ; M. Simon, Galens Anatomie. 7 Bûcher verôff. nach den Hss. einer arabischen Übersetzung, 2 vol., Leipzig, 1906 (texte arabe, traduction et commentaire des livres perdus en grec) ; I. Garofalo, Anatomicarum Administrationum Libri qui supersunt novem, Earundem interpretatio arabica Hunaino Isaaci filio ascripta, tomus prior libros I-IV conti­ nens, Napoli, 1986 (texte grec et texte arabe en regard pour les quatre premiers livres) et livres V-IX, Napoli, 2000 ; du même auteur,

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

Galeno, Procedimenti anatomici, Milano, Rizzoli, 1991, 3 volumes (texte grec et traduction italienne de l’ensemble du traité). Voir aussi la traduction anglaise de C. Singer pour les neuf premiers livres, G. On Anatomical Procedures (I-IX, 6), Londres, 1956. La rédaction des livres I et II est postérieure à 176 ; celle des livres III-XI date d’après 180 et les livres XII-XV ont été écrits après 192 selon K. Bardong, « Beitrâge zur Hippokrates- und Galensforschung », Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften in Gôttingen, Phil.-Hist. Klasse, 1942,|7, p. 631 et L Garofalo, op. cit., Napoli, 1986, p. IX. 8. La couleur d’une partie observée au cours des séances d ’anato­ mie procure au médecin des renseignements sur l’état de cette partie et n ’est pas à dédaigner. Voir entre autres le Sur les lieux affectés III, 4 (Kiihn VIII, 147) où Galien précise que le lieu affecté se reconnaît à différents signes dont font partie les excrétions et excroissances surve­ nant sur les parties malades, la lésion des fonctions, et les couleurs et les formes contre nature (τα παρά φύσιν χρώματά τε και σχήματα). Il n’y a donc pas lieu ici de supprimer cette information comme l’a fait Müller, sans doute gêné par la place occupée par cette notation à l’in­ térieur de l’énumération. 9. Galien a précisément défini ce qu’il entendait par le terme ένέργεια dans le Sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon VI, 1 (Kühn V, 507 sqq. ; Ph. De Lacy, CMG, V 4, 1, 2, 1980, p. 360 sqq.). Il s’agit d ’un mouvement actif (ένέργεια κίνησίς έστι δραστική p. 360, 22), l’actualisation d ’une potentialité, quand ce mouvement vient de la chose ou du corps considéré. En ce sens, il s’oppose à πάθος qui désigne un mouvement venu de l’extérieur pour atteindre un corps. Energeia s’emploie ensuite pour désigner tout mouvement selon la nature, toujours en opposition à pathos qui désigne un mouvement contre nature (τήν μέν ένέργειαν κατά φύσιν τινά κίνησιν ήμών νοούντων, τό δε πάθος παρά φύσιν ρ. 362, 4-5). Le mouvement naturel du cœur nommé pulsation est ainsi une energeia, alors que les palpitations sont la manifestation d ’un pathos. Le terme est donc employé pour désigner une action (activity trad. Ph De Lacy), le plus souvent à connotation téléologique, et se confond avec la fonction assurée par tel ou tel organe. 10. Le Sur les facultés naturelles en trois livres (Kühn II, 1-214 ; G. Helmreich, Leipzig, 1893 ; A. J. Brock, Galen On the Naîural Faculties, Londres, 1916) a vraisemblablement été rédigé entre 169 et 180 selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 506. 11. Galien fait manifestement allusion au traité intitulé Que les facultés de l ’âme suivent les tempéraments du corps qu’il cite dans le Sur ses propres livres c. XVI. 3 au nombre de ses ouvrages relatifs à la philosophie de Platon (voir Kühn IV, 767-822 ; I. Müller in SM II ; A. Bazou, thèse, Paris-IV, 1999), mais aussi à ses traités de philosophie

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morale énumérés ibid. c. XV et qui sont tous perdus, à l’exception du Sur le diagnostic et le traitement des passions et des erreurs de l ’âme (cité sous le titre Sur le diagnostic des passions et des erreurs propres à chacun dans le Sur ses propres livres c. XV. 1) : voir Kühn V, 1-57 et 58-103 ; W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, Leipzig-Berlin, 1937 ; G. Magnaldi, Roma, 1999 et la traduction française de V. Barras, T. Birchler et A.-F. Morand dans Galien. L ’âme et ses passions, Paris, Les Belles Lettres, 1995. P. 93. 2. Le titre complet de ce traité nous a été transmis dans YArt médi­ cal c. XXXVII. 10 (Kühn I, 409 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 390) : τρία δέ περί θώρακος και πνεϋμονος κινήσεως. II convient donc, à la suite d’I. Müller, précédé de J. Caius, de rétablir ici κινήσεως après πνεύμονος. Cet ouvrages en trois livres, tout comme le suivant, consacré aux causes de la respiration, est aujourd’hui perdu. Galien dans le Sur ses propres livres c. II. 5 nous apprend en quelles circonstances il le composa, à Smyme (autour de 151), alors qu’il était l’élève de Pélops, pour un de ses condisciples. Il le compléta semble-til aux environs de 168-169 selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 491. 3. Le Sur les causes de la respiration comptait deux livres (cf. Hunain, Risala n° 37) et non un seul comme Cornarius l’a noté par erreur dans les marges de son exemplaire personnel d ’une édition aldine. Selon J. Mewaldt (article Galenos 2, in RE, VII, 1, 1912, col. 583), le court traité aujourd’hui conservé sous le nom de Sur les causes de la respiration (Kühn IV, 465-511), en un seul livre, correspondrait à un extrait du présent traité. Il semble cependant que ce soit en réalité un résumé postérieur de l’ouvrage original de Galien en deux livres. Galien a composé ce dernier lors de son premier séjour romain, aux environs de 164 (voir J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 502). 4. Ce traité Sur la voix est perdu, seul est conservé un résumé arabo-latin sous le titre De voce et anhelitu (voir H. Baumgarten, Thèse, Gottingen, 1962). Il est cité par Galien dans le catalogue final de VArt médical c. XXXVII. 10 sans indication du nombre de livres : τα περί φωνής. Ce nombre est en revanche précisé (quatre livres) dans le Sur ses propres livres c. I. 6 où l’on apprend que cet ouvrage était dédicacé au consul Boéthus. Il est daté du début du premier séjour romain de Galien, en 164 ou peu après (J. Ilberg, « Über die Schrifts­ tellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 494). 6. A cet endroit intervient une lacune qui a été repérée par Müller (et avant lui par Caius dans sa traduction latine) mais qui n’est signa­ lée ni dans le manuscrit A (notamment par la présence d ’un blanc, comme c ’est parfois le cas), ni dans Vlat. En effet, l’expression κατά

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τό βιβλίον employée dans la phrase suivante fait manifestement réfé­ rence à au moins un livre précédemment cité et dont il n’est nulle part fait mention. Aussi Caius a-t-il proposé de compléter le passage de la façon suivante en supposant qu’il était ici question des traités portant sur les éléments et les humeurs : Hujus rursum generis sunt et de motu musculorum et earum nominibus demonstratum est. Müller pour sa part a également tenté de combler le texte ftianquant en s’inspirant d ’un passage parallèle dans le Sur ses proprës livres (c. I. 6 sqq.). Dans ce traité, sont en effet cités comme ici le Sur les causes de la respiration à côté du Sur la voix. Puis sui­ vent le Sur Vanatomie d ’Hippocrate, Sur l ’anatomie d ’Érasistrate, et plus loin (c. I. 17) le Sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon. Aussi Müller n ’hésite-t-il pas à proposer, en grec, la longue reconstruction suivante que je cite en traduction française ; « Pour ce qui est du prin­ cipe directeur et de tous les autres points en question dans l’étude des fonctions naturelles et psychiques, nous les avons indiqués dans un ouvrage en plusieurs livres que nous intitulons Sur les doctrines d ’Hip­ pocrate et de Platon. Appartiennent à ce genre d’étude les livres spé­ cialement composés Sur le sperme, ainsi qu’en outre ceux Sur l ’anato­ mie d ’Hippocrate qui tous sont suivis de l’ouvrage Sur l ’utilité des parties. Le principe de génération consiste pour tous les êtres en une matière formée de quatre éléments faits par nature pour être mélangés les uns aux autres dans leur totalité et agir les uns sur les autres. Nous leur avons consacré un exposé dans le premier livre du Sur les termes médicaux et dans celui Sur les éléments selon Hippocrate ». Cepen­ dant les différents traités sur lesquels s’appuie Müller pour proposer cette reconstruction sont cités par Galien dans le Sur ses propres livres parmi « les travaux composés à Rome lors du premier séjour ». L ’ordre y est donc chronologique et non, comme dans le Sur l ’ordre de ses propres livres, thématique. Dans YArt médical (c. XXXVII. 10 : (Kühn I, 409 - éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 390) en revanche, où Galien propose comme ici un ordre de lecture de ses ouvrages, après avoir cité le Sur le mouvement des muscles, Sur le mouvement du tho­ rax et du poumon, Sur les causes de la respiration et Sur la voix, il aborde les questions relatives aux centres directeurs (cerveau, cœur, foie et testicules) et aux recherches sur les fonctions naturelles ou psy­ chiques. Dans ce domaine, sont cités le Sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon, le Sur le sperme, Sur l ’anatomie d ’Hippocrate et Sur l ’uti­ lité des parties. Puis Galien enchaîne sur les ouvrages utiles au dia­ gnostic des maladies, sans avoir cité ni le Sur les termes médicaux ni le Sur les éléments d ’Hippocrate que Müller propose pourtant de réta­ blir dans notre passage. Il est certes imprudent de risquer une recons­ truction du texte comme celle de Müller, mais le raisonnement, dans ses grandes lignes, peut être retracé. Galien préconise de se livrer à

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l’étude de l’anatomie qui, elle-même, permet la découverte des fonc­ tions naturelles et psychiques qui, pour être bien comprises, et par approfondissements successifs, doivent mener à la recherche des quatre humeurs reposant elles-mêmes sur les quatre éléments. Quand le texte reprend, Galien mentionne la démonstration nécessaire de l’existence de ces éléments. Galien a semble-t-il cité dans le passage lacunaire le Sur les éléments selon Hippocrate dans lequel il est ques­ tion des qualités (chaud, froid, sec, humide), de leurs noms, ainsi que des différentes sortes d ’humeurs et de leur formation. Intervient ensuite, quand reprend le texte, la possibilité de démontrer l’existence de ces différents éléments. 7. Il est malheureusement difficile de suivre clairement l’enchaîne­ ment d ’idées en raison de la lacune qui dépare ce passage, et du fait que les deux autres traités cités dans la suite, le Sur la démonstration et le Sur les doctrines d ’Asclépiade, sont perdus. Il est probable que l ’expression κατά τό βιβλίον renvoie au Sur les éléments selon Hip­ pocrate (Kiihn I, 413-508 ; G. Helmreich, Erlangen, 1878 ; Ph. De Lacy, CMG V 1, 2, Berlin, 1996) que Galien devait citer dans le pas­ sage lacunaire en grec (voir note précédente). Galien opère semble-t-il ici une transition de la physiologie à la thérapeutique, destinée à intro­ duire le développement sur la pharmacologie. J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 504-505 et 513, situe la composition du Sur les éléments selon Hippocrate au début du second séjour de Galien à Rome, c’est-à-dire en 169 ou peu après, suggestion acceptée par K. Bardong, loc. cit., p. 633 et Ph. De Lacy, CMG V 1, 2, p. 43. 8. Sur ce traité déjà cité par Galien, voir plus haut c. I. 12. 9. Sur Asclépiade de Pruse ou de Bythinie (début du 1er siècle avant notre ère), voir M. Wellmann, in RE s. v. Asklepiades (39), col. 163233 et DPhA, I, n° 450 (art. de R. Goulet). Cet Asclépiade est également cité par Galien dans le Sur ses propres livres c. XI où il est précisé que l’ouvrage en question Sur les doctrines d ’Asclépiade comptait huit livres. Cet Asclépiade, s’il s’agit bien du même, est également présenté par Galien comme un commentateur d ’Hippocrate (voir Kühn XVIIIB, 631). Il avait en particulier commenté le Sur l ’officine du médecin (voir Kühn XVIIIB, 806, 4-16 où Galien nous a conservé une citation textuelle de ce commentaire). 10. Sur ce traité, voir plus haut n. 7. IL Galien fait ici référence à son petit traité Sur la faculté des médicaments purifiants (Kühn XI, 323-342). 12. La rédaction du traité Sur les tempéraments (Kühn I, 509-694 ; G. Helmreich, Leipzig, 1904), en trois livres, se situe au début du second séjour romain de Galien, en 169 ou peu après, selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 504 et 513.

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13. Ce traité en onze livres se lit dans Pédition de Kühn sous le titre Π ερί κράσεως και δυνάμεως των άπλών φαρμάκων (Kühn XI, 379-ΧΙΙ, 377). Le titre exact est cependant celui que nous avons ici car la mention du tempérament (κράσεως) est en effet toujours omise par Galien lorsqu’il fait référence à cet ouvrage, ici comme ailleurs, ainsi que dans la traduction arabe. Les livres I à VIII sont datés des années 169-180, et les livres IX à XI après 193 d ’après J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... I », Rheinisches Museum, 44, 1889, p. 227.

f

P. 94. ] 1. Par cette appellation générique, Galien désigne en réalité deux ouvrages distincts, le Sur la composition des médicaments selon les lieux en dix livres (Π ερί συνθέσεως φαρμάκων των κατά τόπους = De compositione medicamentorum secundum locos libri X : Kühn XII, 378-XIII, 361) et le Sur la composition des médicaments selon les genres en sept livres (Π ερί συνθέσεως φαρμάκων των κατά γένη = De compositione medicamentorum per genera libri VII : Kühn XIII, 362-1058). Galien avait commencé à écrire un traité sur ce thème dont les deux premiers livres étaient seuls publiés quand ils furent détruits lors de l’incendie du Temple de la Paix en 192. Pour combler cette perte, Galien aurait rédigé les deux traités que nous avons conservés. J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... III », Rheinisches Museum 51, 1896, p. 189 sqq., estime cependant que les deux livres détruits lors de l’incendie du Temple de la Paix formaient un tout sur les médicaments composés et n ’étaient pas destinés à être complétés (contre cette inter­ prétation, voir D. W. Peterson, « Observations on the chronology of the Galenic corpus », Bulletin o f the History o f Medicine 51, 1977, p. 491, n. 44 pour qui les deux livres détruits constituaient le début d’un ensemble plus vaste). Selon J. Ilberg, loc cit., la rédaction de ces deux importants traités sur les médicaments composés se situe sous le règne de Septime Sévère. 2. Ce passage n ’est compréhensible que si on adopte la correction de Müller déjà pressentie par Caius dans sa traduction latine. Dans la partie du texte conservée, Galien fait en effet référence aux deux pre­ miers livres d ’un ouvrage (έν μέν ούν τοΐς πρώτοις) où il est ques­ tion des êtres vivants (ζφοις). Il ne peut s’agir que du traité Sur les tempéraments, en trois livres, dont les deux premiers sont effective­ ment consacrés aux tempéraments (κράσεις rétabli par Müller en face de κράσεως à la ligne suivante) des êtres vivants. Suit la description du troisième et dernier livre de ce même ouvrage (τρίτω rétabli par Müller mais vraisemblablement noté γ ’ dans les manuscrits, ce qui explique qu’il ait facilement pu être omis par le copiste), où il est cette fois question du tempérament des médicaments. Comparer avec ce que Galien dit de cet ouvrage dans Y Art médical c. XXXVII. 7 (Kühn I, 407 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 388) : « Le suivent (Je suivent le

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traité Sur les éléments selon Hippocrate) trois livres Sur les tempéra­ ments, dont deux sur les tempéraments des êtres vivants et le troisième sur ceux des médicaments » (έξης δ' αύτοΰ τρία περί κράσεων* ων τα μέν δύο περί των έν τοΐς ζφοις έστι κράσεων, το δε τρίτον υπέρ των έν τοις φαρμάκοις). 3. Galien cite déjà ces trois opuscules (bien que dans un ordre dif­ férent) dans YArt médical c. XXXVII. 7 (Kühn I, 408 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 388) où cette citation intervient, comme ici, après la mention du traité Sur les tempéraments et du Sur la faculté des médi­ caments simples : « Il y a aussi un autre petit livre, qui fait suite aux deux premiers sur les tempéraments, et que nous intitulons : Des irré­ gularités du tempérament mal tempéré. Existent deux autres petits livres d ’un genre semblable, l’un Sur la meilleure constitution du corps, l ’autre Sur le bon état ». Le premier traité intitulé en latin De optima corporis nostri constitutione (Kühn IV, 737-749 ; F. G. Helmreich, Programm Gymnasium Hof, 1901) a été rédigé selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rheinisches Museum 47, 1892, p. 508, sous le règne de Marc Aurèle après 169. Le De bono habitu (Kühn IV, 750-756 ; F. G. Helmreich, Programm Gymnasium Hof, 1901) est contemporain du précédent, selon J. Ilberg, loc. cit., p. 508, tout comme le troisième traité, également connu en grec sous le titre Π ερί δυσκρασίας (De inaequali intemperie : Kühn VII, 733-752). 5. Ici se situe une importante lacune due à la chute d’un folio dans l ’unique manuscrit connu jusqu’alors, le manuscrit de Milan (sur l’ori­ gine matérielle de cette lacune, voir la notice). Cet accident nous a longtemps privés de la suite du texte de Galien (c. IL 13 à III. 4) jus­ qu’à la découverte toute récente du manuscrit Vlatadon 14 de Thessalonique qui permet aujourd’hui de restituer en grec cette importante partie du traité restée inconnue de tous les lecteurs occidentaux depuis plus de cinq siècles. 6. Galien fait ici allusion à sa Méthode thérapeutique (De methodo medendi : Kühn X, 1-1021 ; traduction anglaise des livres I et II par R. J. Hankinson, Oxford, Clarendon Press, 1991 ; traduction française des livres I et II par J. Boulogne in STEMMA, tome 2, 1992/1 et 1992/2), vaste traité en quatorze livres dont les six premiers livres dédicacés à Hiéron furent rédigés par le médecin de Pergame dans la première moitié de son second séjour romain et les huit derniers, dédi­ cacés à Eugénianos, plusieurs années plus tard sous le règne de Sep­ time Sévère (voir J. Ilberg, « Die Schriftstellerei... I », Rheinisches Museum 44, 1889, p. 223 et 229 ; K. Bardong, « Beitràge... », p. 635 et 640 ; D. W. Peterson, « Observations on the chronology... », p. 493 et 495). 7. Galien avait déjà rassemblé et cité ce même groupe de traités dans le catalogue final de YArt médical c. XXXVII. 13 (Kühn I, 411 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 392) et il les citera à nouveau dans le

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Sur ses propres livres c. VI. 6-7. La rédaction de ces quatre traités Sur la différence des maladies (De differentiis morborum : Kühn VI, 836880) ; Sur la différence des symptômes (De symptomatum differentiis : Kühn VII, 42-84) ; Sur les causes des maladies (De morborum cau­ sis : Kühn VII, 1-41) ; et Sur les causes des symptômes en trois livres (De symptomatum causis : Kühn VII, 85-272) a précédé et préparé l’écriture du grand ouvrage de Galien sur la pathologie en six livres, le Sur les lieux affectés (De locis affectis : Kühn VIII, 1-451). La rédac­ tion dp premier de ces traités se situe selon J. Ilberg, « Die SchrifstellereL.f III », Rheinisches Museum 51, 1896, p. 168 sous le règne de Septinie Sévère, après 193 et juste avant YArt médical, tandis que les trois autres traités furent composés, toujours selon J. Ilberg, loc. cit., p. 166 sqq., lors du second séjour de Galien à Rome entre 169 et 180. P. 95. 1. Ces deux traités sont déjà rapprochés par Galien dans YArt médical c. XXXVII. 12 (Kühn I, 410 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 391) et le seront à nouveau dans le Sur ses propres livres c. VI. 8. J. Ilberg, « Die Schrifstellerei... III », Rheinisches Museum 51, 1896, p. 175 situe la rédaction du Sur les tumeurs contre nature (De tumoribus praeter natu­ ram : Kühn VII, 705-732 ; P. Richter, Leipzig, 1913 ; D. G. LyttonL. M. Resuhr, JHM 33, 1978, p. 531-549) avant les années 180. Quant à la rédaction du Sur la pléthore (De plenitudine : Kühn VII, 513-583 ; C. Otte, Wiesbaden, 2001), elle se situerait selon K. Bardong, « Beitrâge... », p. 635-637 (qui précise sur ce point J. Ilberg, « Die Schrif­ stellerei... ΙΠ », Rheinisches Museum 51, 1896, p. 175) autour de 175. 3. Galien complète ici sa liste de traités relatifs à la thérapeutique en ajoutant le Sur la méthode thérapeutique à Glaucon en deux livres (De methodo medendi ad Glauconem : Kühn XI, 1-146 ; traduction française de Ch. Daremberg, Paris, 1854), à ne pas confondre avec son vaste ouvrage sur le même sujet en quatorze livres déjà cité plus haut (c. IL 13). Le livre sur la saignée auquel fait ici allusion Galien est le De curandi ratione per venae sectionem (Kühn XI, 250-316 ; P. Brain, London, 1986) où il expose ses convictions personnelles sur la saignée, après avoir consacré deux autres traités aux opinions d’Érasistrate et à celles des Érasistratéens sur le même sujet (sur les traités thérapeu­ tiques de Galien, voir le chapitre VII du Sur ses propres livres qui leur est consacré). 4. Le Sur les causes procatarcliques (ou causes antécédentes) est conservé seulement en latin ; voir K. Bardong, Galeni De causis procatarcticis libellus a Nicolao Regino in sermonem latinum translatus, CMG Suppl. II, Leipzig-Berlin, 1937 et R. J. Hankinson, Galen. On antecedent causes, Cambridge, 1998. Le Sur les causes synectiques est également perdu en grec et conservé seulement en latin et en arabe. Voir K. Kalbfleisch, Galeni De causis continentibus libellus a Nicolao Regino in sermonem latinum translatus, Marburg, 1904 et M. Lyons,

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De causis contentivis, CMG Suppl. Or. II, Berlin, 1969. Ces deux trai­ tés seront à nouveau cités dans le Sur ses propres livres c. VI. 8. 5. Sur ce traité aujourd’hui perdu, voir la Risala n° 40. Il est déjà cité par Galien dans le Sur la bile noire 6, 13 (éd. W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, Berlin, 1937, p. 84, 21) et sera à nouveau cité dans le Sur ses propres livres (c. V. 2) dans la partie également conservée en grec par le seul manuscrit Vlatadon. Le hasard a donc fait que ce traité sur les urines cité deux fois par Galien dans ses deux traités biobibliogra­ phiques l’ait été à chaque fois à l’intérieur des deux parties lacunaires du texte grec dans le manuscrit A. Le titre exact de ce traité reste cependant problématique. Hunain dans sa Risala n° 40 mentionnait déjà un livre Sur Γopinion fausse qui concerne la différenciation des urines (par rapport au sang add. Ibn Abi Usaybi’a). G. Bergstrâsser (p. 21) a traduit ce titre en allemand (sans retenir l’addition d ’Ibn Abi Usaybi’a) de la façon suivante : Über den irrigen Glauben, den man über die Unterscheidung des Urins gehabt hat. Mais dans l’index final (p. 48) des titres des traités de Galien, il restitue en grec un traité inti­ tulé Προς την καίνην δόξαν περί τής των ούρων διακρίσεως en ajoutant une note où il suppose que Hunain aurait ainsi traduit l’adjec­ tif grec κένην (vide, insensée) employé à la place de καίνην (nou­ velle). Or le manuscrit grec Vlat dans le Sur Γordre de ses propres livres a bien κένην. Mais dans le passage parallèle du Sur ses propres livres où notre traité est à nouveau cité, il a cette fois καίνην confirmé dans ce second passage par la traduction arabe de Hunain qui men­ tionne une « opinion nouvelle ». Les manuscrits qui nous ont transmis le Sur la bile noire hésitent de même entre καίνην (leçon éditée par W. De Boer) et κένην (le Vlatadon, nouveau témoin inconnu de De Boer, a fait un saut du même au même sur δόξαν et ne peut donc nous renseigner sur ce point). Nous sommes donc à nouveau devant un cas où le titre d ’un traité de Galien donné par Hunain dans la Risala ne correspond pas à celui que nous lisons dans sa traduction du Sur ses propres livres. Pour ma part, je choisirai donc également d’éditer καίνην sur la foi du passage du Sur ses propres livres où nous dispo­ sons de l ’accord de la tradition grecque (καίνην donné par Vlat) et de la tradition arabe (« nouvelle » traduit par Hunain), une confusion καίνην / κένην pouvant facilement s’expliquer en grec par une faute d’iotacisme. Une autre difficulté subsiste liée à la mention du sang après celle des urines dans certaines sources arabes dont Usaybi’a. De fait, dans le Sur ses propres livres (c. V. 2), notre traité est cité dans un passage en partie lacunaire en grec (προς την καίνην ίσεως passage que j ’ai rétabli sur la base du passage parallèle dans le Sur Γordre de ses propres livres) mais aussi lacunaire en arabe (opinion à propos de la différenciation des du sang). Le copiste du manuscrit arabe de Meshed a en effet omis la mention des urines entre le dernier mot du verso et le premier mot du recto du feuillet suivant, mais il ne fait pas de doute qu’il lisait le titre

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donné par Usaybi’a relatif à la différenciation des urines par rapport au sang. Cette mention du sang restée ignorée de la tradition grecque n ’a pas lieu d ’être retenue. Elle s’explique toutefois par la volonté d’Usaybi’a d ’expliciter le titre du traité sur les urines. Galien explique en effet dans le Sur la bile noire 6, 12 qu’il l’a écrit contre ceux qui disent que « le sang est altéré par les reins et donne naissance à l ’urine » (τούς φάσκοντας υπό των νεφρών άλλοιούμενον το αίμα τήν των ούρων γένεσιν έργάζεσθαι). 6. Sur le traité intitulé Sur les doctrines d ’Asclépiade déjà cité plus haut, vpir c. IL 8. Le Sur l ’école méthodique n ’était jusqu’alors connu que par une unique mention dans le Sur ses propres livres c. XIII où Galien précise que ce traité comptait six livres. Le nouveau témoi­ gnage du Vlatadon permet donc de confirmer le témoignage du Sur ses propres livres sur l’existence de ce traité. 7. Voir le Sur ses propres livres c. XII où Galien fait l’inventaire de ses traités consacrés à la médecine empirique. 8. Sur ce traité déjà cité, voir plus haut c. I. 12. 9. Le Sur la constitution des arts était à l ’origine composé de trois livres comme le précise également Galien dans le Sur ses propres livres (c. XIV. 22) et dans son Art médical c. XXXVII. 6 (Kühn I, 407 = éd. V. Boudon, CUF, 2000, p. 388). Les deux premiers livres sont perdus, seul est conservé le troisième et dernier livre qui nous a été transmis sous le titre complet À Patrophile, Sur la constitution de la médecine (Kühn I, 224-304 = éd. S. Fortuna, CMG V 1, 3, Berlin 1997). Ce jeune médecin, élève de Galien, auquel est dédicacé ce troi­ sième livre, n ’est pas autrement connu. 10. Galien fait ici allusion au Thrasybule ou si l ’hygiène relève de la médecine ou de la gymnastique (Kühn V, 806-898 ; éd. G. Helmreich, Scripta Minora III, Leipzig, 1893, p. 33-100 ; traduction anglaise de P. N. Singer, Galen. Selected Works, Oxford University Press, 1997). P. 96. . 2. La partie séméiotique de la médecine concerne l’étude et la connaissance des signes (sains, malsains ou neutres) qui permettent d ’étayer un diagnostic ou un pronostic. 3. Ces deux ouvrages Sur les jours critiques (De diebus decreto­ riis : Kühn IX, 769-941) et Sur les crises (De crisibus : Kühn IX, 550768) seront à nouveau cités dans le Sur ses propres livres c. VIII. 1 à l’intérieur du chapitre consacré à l’art du pronostic. 4. Galien rassemble ici sous l’appellation générique d’ouvrage Sur le pouls un ensemble de quatre traités de quatre livres chacun. Il s’agit du De differentiis pulsuum (Kühn VIII, 493-765), du De dignoscentibus pulsibus (Kühn VIII, 766-961), du De causis pulsuum (Kühn IX, 1204) et du De praesagitione ex pulsibus (Kühn IX, 205-430). Une par-

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tie du passage lacunaire en grec peut être reconstituée : Galien devait préciser que chacun de ces quatre traités était lui-même composé de quatre livres formant une somme sur le pouls de seize livres au total. Voir le passage parallèle dans le Sur ses propres livres c. VIII. 1. En revanche, la suite du passage lacunaire dans le Vlatadon nous échappe. 5. Le début de ce développement est lacunaire en grec dans le Viatadon, notre unique témoin pour ce passage, mais le sens général appa­ raît. Galien fait allusion aux tentatives de falsification dont ses écrits sont l ’objet et à la nécessité de les en protéger en rédigeant un autre traité consacré à ses propres ouvrages (comparer avec le début du Sur ses propres livres Prol. 5 où Galien justifie son entreprise en faisant exactement appel aux mêmes arguments). Nous avons là, dans ces quelques mots, la première annonce faite par Galien à l’intérieur du Sur Vordre de ses propres livres de son projet de rédiger un prochain traité qu’il choisira d ’intituler Sur ses propres livres et auquel il fera de nouveau allusion un peu plus loin au c. IV. 7. Le témoignage du Viatadon nous permet donc de rétablir cette première référence au Sur ses propres livres dans le Sur Γordre de ses propres livres, à l’intérieur d’un passage lacunaire dans le manuscrit de Milan et à ce titre resté ignoré de tous les éditeurs. Ces derniers, qui pourtant pouvaient s’ap­ puyer sur le passage du c. IV. 7 conservé cette fois par nos deux manuscrits grecs, n ’ont cependant pas jugé bon, à l’exception notable de Müller dans les Scripta Minora, de modifier l’ordre des deux traités dans leurs éditions respectives. Rappelons que tous les éditeurs jus­ qu’au XIXe siècle, l’édition de Kühn comprise, ont en effet suivi l’ordre du manuscrit A pour éditer le Sur ses propres livres (contenu aux folios 187r-197r) avant le Sur l ’ordre de ses propres livres (contenu aux folios 197r-200r), en contradiction manifeste avec l ’ordre chronologique de leur rédaction par Galien. P. 97. 1. Galien distinguera à nouveau ces deux types de lecteurs dans le Sur ses propres livres Prol. 9-10 en mettant en relation la forme de l’ouvrage (plus ou moins achevée) et l’identité de son destinataire (plus ou moins cultivé). 2. Le pronom αύτφ renvoie peut-être ici à Hippocrate. Comparer avec le c. III. 3 où on a χωρίς των ύπομνήματα γραψάντων είς αύτόν pour désigner les commentaires à Hippocrate. 3. L’état très lacunaire du manuscrit Vlatadon à cet endroit rend dif­ ficile une reconstitution précise du texte grec. Il semble cependant que Galien continue de traiter de la destination de ses œuvres en distin­ guant parmi son public : 1- le lecteur cultivé formé à la méthode de démonstration ; 2- l ’auditeur de ses conférences publiques ; 3- celui qui lui a demandé de mettre par écrit un exposé oral et 4- un serviteur (et ami) désireux de posséder l’un de ses écrits.

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4. Galien fait ici référence aux réalisations de l’art médical et aux conditions nécessaires à la pratique de cet art telles qu’elles sont effec­ tivement exposées dans ses différentes monographies citées à partir du c. II. 4 jusqu’à 22 où sont passées en revue les principales branches de la médecine (anatomie, sphygmologie, physiologie, pharmacologie, thérapeutique, pathologie). Il va à présent aborder ses ouvrages faisant référence plus ou moins directement et explicitement à l ’enseignement d’Hippocrate. 5. Le Sur Γanatomie d'Hippocrate (= Risala n° 27), perdu en grec, fut rédigé à Rome, au cours du premier séjour de Galien, alors que le consul Boéthus, auquel il était dédicacé, y était encore présent (voir Pratiques anatomiques I, 1). Ce traité sera à nouveau cité dans le Sur ses propres livres c. I. 7. 6. Pour les traités Sur les jours critiques et Sur les crises, voir plus haut c. II. 21. Sur le Commentaire à la Nature de l'homme, voir Kühn XV, 1-173 = éd. J. Mewaldt, CMG V 9, 1, Berlin, 1914. 7. Sur ce traité, voir plus haut c. II. 9. Bien que rédigé avant le Commentaire à la Nature de l'homme, le Sur les éléments selon Hip­ pocrate est ici cité après, car sa lecture suppose connus des éléments exposés dans le Commentaire, comme s’en est lui-même expliqué Galien dans la préface du Commentaire à la Nature de l'homme. 8. Par ce pluriel, Galien fait référence à l’ouvrage en trois livres qu’il a consacré à la dyspnée {De difficultate respirationis libri HI = Kühn VII, 753-960). Cet ouvrage sera à nouveau mentionné dans le Sur ses propres livres c. VIII. 6. 9. Ici s’achève, avec la fin de l’importante lacune du manuscrit A, la portion de texte conservée dans le seul manuscrit Vlatadon. P. 98. 2. Galien reviendra dans le Sur ses propres livres c. II. 1 sqq. sur les circonstances dans lesquelles il fit la connaissance de Pélops. Ce der­ nier était venu à Pergame exposer les idées du dogmatisme et les défendre contre le médecin empirique Philippe. C ’est là que Galien, séduit par son exposé, devait l’écouter pendant les deux jours que dura la controverse, avant de le rejoindre à Smyme en 149 pour suivre son enseignement. Disciple de Numisianos, Pélops ne semble avoir connu directement ni Marinos, ni Quintos dont il sera question dans la suite. Galien le cite assez fréquemment et témoigne d ’un certain respect pour son activité de commentateur hippocratique, sans se priver cependant parfois de le critiquer. Voir la notice biographique de K. Deichgrâber, in Pauly-Wissowa, RE, XIX/1, 1937, col. 391-392 ; M. D. GrmekD. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien : l’en­ seignement de Marinus, Quintus et Numisianus »,ANRW II 37. 2, Ber­ lin-New York, 1994, p. 1521-1522 et D. Manetti-A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocrate », ibid., p. 1591.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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4. Élève de Quintos, Numisianos a vécu et enseigné principalement à Alexandrie et est mort vers 151 (peut-être à Corinthe ou à Alexan­ drie). Il est, selon Galien, un de ceux qui s’illustra le plus brillamment dans les études anatomiques. C’est précisément vers 151 (soit juste avant ou juste après la mort de Numisianos), et après avoir suivi pen­ dant deux ans (149-151) l ’enseignement de Pélops à Smyme que Galien se rendit à Corinthe pour l’écouter. Le doute persiste donc si Galien réussit à rencontrer personnellement Numisianos ou seulement quelques-uns de ses disciples {De anaiom. admin. I, 1 = Kühn II, 217 ; I. Garofalo, Napoli, 1986, p. 3). Voir sur ce point la notice sur la vie de Galien dans l ’introduction. Les écrits de Numisianos, que peu de gens connaissaient déjà de son vivant, devinrent fort rares après sa mort. Galien accuse même son fils Héracleianos de les avoir volontairement dissimulés, puis brûlés {De anatom. admin. XIV, 1 - Simon, I. 231 et IL 167 ; Duckworth, 183). Ce passage de notre traité est le seul où Galien fait référence à Numisianos comme commentateur d ’Hippo­ crate, et non comme anatomiste. D. Manetti et A. Roselli, « Galepo commentatore di Ippocrate », ANRW II 37.2, p. 1581-2, ont noté que Galien n’eut sans doute jamais l’occasion, malgré tous ses efforts, de voir directement les commentaires de Numisianos à Hippocrate dont il n ’eut qu’une connaissance indirecte, le citant le plus souvent à travers le témoignage de Pélops. Sur Numisianos, voir K. Deichgrâber, in Pauly-Wissowa, RE, XVII/2, 1937, col. 1398 ; V. Nutton, « Numisia­ nus and Galen », Sudhoffs Archiv 71, 1987, p. 235-239 ; M. D. Grmek-D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », ANRW II 37.2, p. 1513-1518. 5. Sabinos (Alexandrie, début du IIe siècle de notre ère) est princi­ palement connu comme commentateur d ’Hippocrate. Galien cite ses commentaires à Épidémies II, III et VI, à Nature de Vhomme et aux Aphorismes. Il le considère comme un des plus fiables parmi les com­ mentateurs récents, conseillant ici à ses lecteurs, tout comme dans In Hipp. Epid. VI (E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 2, 1956, p. 32, 2 sqq.), de recourir aux commentaires de Sabinos quand les siens manquent. Galien cependant ne le cite que ponctuellement, sans en faire une de ses sources principales. Voir D. Manetti-A. Roselli, « Galeno com­ mentatore di Ippocrate », ANRW II 37.2, p. 1607 sqq. (et la bibliogra­ phie sur le sujet). Sur Rufus d ’Éphèse (vers 100 de notre ère), anato­ miste fameux et écrivain très fécond, dont ne sont malheureusement conservés que quelques ouvrages mineurs, voir D. Manetti-A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocrate », p. 1600 sqq. 6. Sur Quintos, personnage négligé par les historiens, dont la RealEnzyklopàdie de Pauly-Wissowa ignore l’existence, voir M. GrmekD. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », ANRW II 37.2, p. 1503 sqq. Il est connu sous ce seul prénom latin, dont Galien nous donne ici la forme grecque Κ οΐντος qui sera donc traduite

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

ici par Quintos (plutôt que Quintus). Peut-être originaire de Pergame (voir M. Grmek-D. Gourevitch, loc. cit., p. 1505), il a pratiqué à Rome où il fut le prédécesseur immédiat de Galien. Celui-ci signale les inter­ prétations de Quintos à l’intérieur de ses propres commentaires aux Epidémies I, II et VI et au Prorrhétique I, mais toujours avec une cer­ taine réprobation. Parmi les élèves de Quintos, sont habituellement nommés Numisianos, dont il vient d ’être question, Satyros, dont Galien, va citer l’interprétation des livres d’Hippocrate, Aiphicianos et Lyêps. Voir D. Manetti-A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocràte », A N R W II 37.2, p. 1580 sqq. 7. Galien ne connaît Lycos de Macédoine que par ses écrits. Il le présente habituellement comme un disciple ingrat de Quintos qui n’a pas davantage compris son enseignement que celui d’Hippocrate. Aussi s’empresse-t-il ici comme ailleurs (In Hipp. Epid. III comm. I, 40 = E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 1, 1956, p. 59) de corriger les fausses interprétations de Lycos en citant le témoignage de disciples plus fiables, tels Satyros et Aiphicianos. Galien a d’ailleurs consacré un traité Contre Lycos (Kühn XVIII A, 196-245 ; E. Wenkebach, CMG V 10, 3, Berlin, 1951) à la critique de ses doctrines. Voir F. Kind, in Pauly-Wissowa, RE, XIII/2, 1927, col. 2408-2417 ; M. GrmekD. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », ANRW II 37.2, p. 1522 sqq. ; D. Manetti-A. Roselli, « Galeno com­ mentatore di Ippocràte », loc. cit., p. 1582 sqq. 8. Müller a soupçonné une lacune après πάντα, sans doute gêné par la construction de γέγονεν avec l ’adverbe φανερώς. Rien cependant ne permet de déceler la disparition d’un ou plusieurs mots dans les manuscrits. Pour ma part, sans corriger le texte, je comprends φανε­ ρώς non pas exactement comme l’a compris Caius (etsi Lyci opera illustria fuere omnia cf. φανερώτατα Eberh.), mais en référence à ce que vient de dire Galien sur la disparition de presque tous les livres de Numisianos. Galien fait en effet allusion dans ses Pratiques anato­ miques IX (Kühn II, 458, 17 = I. Garofalo, Napoli, 2000, p. 251, 9-10) au fait que les livres de Lycos, bien que pleins d’erreurs, circulaient encore après sa mort (Λύκος ούτος, ού νυν είς τό μέσον ήκει τα βίβλια μετά τον θάνατον) et aussi Ibid. IX (Kühn II, 470, 3 = Garo­ falo, p. 261, 27 : Και αύτός ό Λύκος, ου νυν έκομίσθη τινά των άνατομικών βιβλίων). Dans le cas de Lycos en effet, ses livres ont été conservés et ont tous circulé dans le public « au grand jour ». 9. Satyros est sans doute l ’un des maîtres de Galien qui l’a le plus influencé. Galien fut son élève à Pergame dans les années 146-147 et décrit son enseignement comme particulièrement fidèle à celui de Quintos, aussi bien en ce qui concerne l ’exégèse d’Hippocrate que les recherches anatomiques et les pratiques pharmacologiques (In Hipp. Nat. hom. II 6 = Kühn XV, 136 ; J. Mewaldt, CMG V 9, 1, 1914, p. 70 ; In Hipp. Epid. III comm. I, 40 = Kühn XVII A, 575 ; E. Wen-

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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kebach, CMG V 10, 2, 1, 1956, p. 17-19 ; De antidotis I, 14 = Kühn XIV, 71 ; De anat. admin. XIV, 1 = Simon, I, 231 et II, 167 ; Duckworth, 183). Voir F. Kind, in Pauly-Wissowa, RE, II/l, 1920, col. 235 ; F. Kudlien, in Der kleine Pauly, tome IV, 1972, col. 1573 ; M. Grmek-D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », ANRW II 37.2, p. 1519 sqq. ; D. Manetti-A. Roselli, « Galeno commentatore di Ippocrate », loc. cit., p. 1589. 10. Le nom de ce personnage est mentionné par Galien à trois autres endroits dans son œuvre, et toujours en même temps que Saty­ ros (In Hipp. Epid. III comm. I, 40 ; In Hipp. Off. med. comm. I, 3 ; ainsi que dans le In Hipp. Hum. comm. III, 34 qui est un faux de la Renaissance mais fabriqué à partir de textes authentiques). Le nom de ce médecin dans ces différents passages n’est pas établi avec certitude puisque les manuscrits donnent les formes suivantes : Έ φικιανός (dans les deux manuscrits grecs qui nous ont transmis le Sur Vordre de ses propres livres) ; Ίφικιανός (in In Hipp. Off. med. comm. I, 3 : Kühn XVIJIB, 654, 14) ; Φικιανός (in In Hipp. Epid. III comm. I, 40 : Kühn XVIIA, 575, 8-9 = E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 1, 1956, p. 59, 17, forme donnée par le manuscrit O) ; Ά φ ικιανός (Ibid. I, 40, forme donnée par le manuscrit L) ; Φηκιανός (in In Hipp. Hum. comm. III, 34 : Kühn XVI, 484, 5). Déjà Müller, dans son édition de notre traité, avait fait état d ’une lettre de Bergk indiquant qu’il conve­ nait de corriger la forme Έφικιανός, donnée par les manuscrits A et Vlat, en ΑΙφικιανός, translittération en grec du nom latin Aeficianus, forme elle-même dérivée du nomen gentile bien attesté Aeficius, avec élargissement en -anus selon une formation tout à fait normale en latin : « Der Arzt tràgt wohl einen rômischen Namen ; ich mochte ΑΙφικιανός vorschlagen, darauf führen aile angeführten Varianten. Aeficius, ein seltener rômischer Gentilname, war gerade in Griechenland nicht unbekannt ». P. Moraux, « Ein unbekannter Lehrer Galens », ZPE 53, 1983, p. 85-88 a depuis apporté des éléments nou­ veaux allant dans le même sens. Il a en particulier remarqué que cet Aeficianus était toujours associé dans nos textes à Satyros, et que l’on rencontrait en particulier la séquence Σάτυρος δέ και φικιανός (in Hipp. Hum. comm. III, 34 mais aussi in In Hipp. Epid. III comm. I, 29 d ’où le compilateur du Commentaire aux Humeurs a vraisembla­ blement tiré ce passage). Les orthographes Φ ικιανός et Φηκιανός s’expliqueraient ainsi par haplographie (après και) et seraient définiti­ vement à éliminer. Restent donc les graphies Έφικιανός, Ίφ ικιανός et Ά φ ικιανός qui résulteraient des altérations successives de la forme ΑΙφικιανός. P. Moraux a également tiré de ces quatre passages quelques renseignements nouveaux sur cet Aiphicinaos, élève de Quin­ tos et mentionné par Galien comme un commentateur d’Hippocrate dont il proposa des interprétations influencées par la philosophie stoï­ cienne. Parmi les commentaires d ’Aiphicianos, on citera son interpré-

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

tation de l’introduction du traité hippocratique De Γofficine du méde­ cin influencée par la théorie épistémologique du philosophe stoïcien Simias (In Hipp. Off. med. comm. I, 3 = Kühn XVIIIB, 654). Pour M. Grmek et D. Gourevitch, ainsi que D. Manetti et A. Roselli, qui suivent ici P. Moraux, il est très plausible que Galien ait suivi les cours d’Aiphicianos, en même temps que ceux de Satyros auquel il l’associe régulièrement, soit à Pergame, soit à Smyme, dans les années 151-152, voir M. Grmek-D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médicale de Galien... », ANRW II 37.2, p. 1520 sqq. ; D. Manetti-A. Roselli, « Galeho commentatore di Ippocrate », loc. cit., p. 1590-91. P. 99. 2. En réalité, Galien commença donc sa formation non par la méde­ cine, mais par la philosophie. Dès l’âge de 14 ans, comme il se plaît à le rappeler dans son traité Sur le diagnostic et le traitement des pas­ sions de l'âme 8 (Kühn V, 41 sqq. ; W. de Boer, CMG V 4, 1, 1, Ber­ lin, 1937 p. 28, 10), il suivit l’enseignement des philosophes de Per­ game : celui d ’un stoïcien élève de Philopator, d’un platonicien élève de Gaios, d’un péripatéticien élève d ’Aspasios, et enfin d ’un épicurien. Deux ans plus tard, dès l’âge de seize ans, Galien se mit à des études de médecine. Son exemple n ’a rien d’isolé puisqu’Oribase (Syn, 5, 14) lui-même recommandera de commencer la médecine dès l’âge de 14 ans. Sur les premières années de formation de Galien, voir V. Nutton, « The chronology of Galen’s early career », Classical Quarterly 23, 1973, p. 158-171 (= V. Nutton, From Democedes to Harvey : studies in the history o f medicine, London, 1988, Nr. II) et la notice biogra­ phique de cette édition. 3. Le terme de grammaire (γραμματική) revêt ici une signification plus large que dans le vocabulaire actuel. Il ne désigne pas seulement, comme aujourd’hui, l’étude des mécanismes à la base de la formation de la langue, mais correspond à un domaine d ’apprentissage qui va de l’étude de l’écriture à celle des textes littéraires pour former les bases de toute bonne éducation (παιδείας μαθήματα) ; voir H. I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris, 1948. Il faut noter que si Galien rend ici hommage à l’éducation qui lui fut donnée par son père, il ne cite nulle part explicitement son nom, du moins dans les pages de son œuvre conservée. Deux témoignages tardifs (Souda, s. v. Γαληνός et Tzetzès, Chiliades XII, 8 sqq.) précisent cependant que le père de Galien était architecte et portait le nom de Nicon. Sur l’identi­ fication de ce Nicon avec d ’autres personnages du même nom, voir la notice biographique. P. 100. 2. Cette notation peut surprendre de la part d ’un esprit rationnel tel que le décrit Galien, mais la croyance aux rêves n ’a rien d’exception-

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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nel pour l’époque. Elle s’inscrit dans une tradition antique qui réserve une large place aux rêves et accorde une grande importance à des pra­ tiques telles que l’incubation où l’apparition de la divinité au cours d’un songe permet d’obtenir soit une révélation soit l’indication d ’une guérison. Notons toutefois que rien n ’indique ici que les rêves pater­ nels aient été inspirés par Asclépios. Galien, lui-même, devenu adulte, n ’hésitera pas à mentionner, devant Marc Aurèle en personne, les rêves que lui avait envoyés le dieu de la médecine pour le dissuader de suivre les troupes impériales en campagne (Sur ses propres livres c. III. 5). L ’empereur philosophe s’inclina de fait sans difficulté. À la même époque, un autre grand esprit, le rhéteur Aélius Aristide, dans ses Discours sacrés, devait également accorder une importance prédo­ minante aux rêves. 4. J ’ai rétabli ici la leçon καθείκειν (plus-que-parfait de καθίημι) à partir de la leçon fautive du Vlatadon (καθεικεν). Le verbe καθίημι, employé au sens intransitif, signifie en effet « se jeter dans » une car­ rière ou un danger, « entrer en lice ». La leçon donnée par le manus­ crit A (καθέστηκεν de καθίστημι) et jusqu’alors seule connue des éditeurs avait conduit Chartier à corriger cette troisième personne du parfait (impossible dans le contexte) en une première personne du plus-que-parfait (καθεστήκειν écrit par erreur par Chartier pour καθειστήκειν). Le verbe καθίστημι offre cependant un sens plus faible « se transporter vers », « entrer en » et donc moins intéressant que καθίημι qui traduit plus efficacement la passion et l’empresse­ ment avec lesquels Galien se jeta dans la carrière médicale et philoso­ phique. 5. Il s’agit là d’un thème plusieurs fois développé par Galien pour qui le temps consacré à l’action politique est nécessairement du temps perdu pour l’étude, voir le Sur le diagnostic et le traitement des pas­ sions de Vâme 8 (Kühn Y, 41 sqq. ; W. de Boer, CMG V 4, 1, 1, Ber­ lin, 1937 p. 28, 12-13) où Galien déplore n ’avoir pu être l’élève d’un philosophe platonicien, élève de Gaios, que fort peu de temps, celui-ci n ’ayant plus le loisir de s’adonner à l’étude depuis que ses concitoyens lui avaient confié des fonctions publiques : δια τό μη σχολάζειν αυτόν εις πολιτικήν άσχολίαν έλκόμενον υπό των πολιτών. Sur la nécessité du loisir pour s’adonner à l’étude, voir mon article « Loisir et création littéraire chez Galien », Bulletin de VAssociation Guillaume Budé, juin 1994, p. 154-168. 6. Dans cette expression, le génitif neutre φιλοσόφου est employé à la place et avec le sens de φιλοσοφίας pour désigner la philosophie comme dans l’expression parallèle du Commentaire à Epidémies VI, V 11 (Kühn XVIIA, 263 ; E. Wenkebach, CMG V 10, 2, 2, 1956, p. 280, 21 : φιλοσόφου θεωρίας). Galien donnera une liste détaillée de ses ouvrages consacrés à la philosophie dans le Sur ses propres livres à l’intérieur des chapitres XV à XIX : le c. XV est consacré à ses livres

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

de philosophie morale (ou éthique), le c. XVI concerne la philosophie de Platon, le c. XVII celle d ’Aristote, le c. XVIII celle des Stoïciens, et le c. XIX celle d ’Épicure. Pour une présentation générale de ces diffé­ rents ouvrages, voir ma notice (s. v. Galien) dans le Dictionnaire des philosophes antiques III, R. Goulet éd., Paris, 2000, p. 440- 466. 8. Nous avons là la confirmation de l’annonce déjà faite par Galien au c. II. 23 de rédiger un autre opuscule consacré à la liste de tous ses ouvrages. Il s’agit bien sûr du Sur ses propres livres (Π ερί των Ιδίων βιβλί|ον) dont la rédaction, d’après ces deux témoignages, se situe nécessairement après celle du Sur Γordre de ses propres livres. P. 101. 1. La correction de Muller apportée au titre de cet ouvrage (συγγραφεΰσιν au lieu de γραφεΰσιν) doit être retenue. Voir en effet ibid. c. V. 4 où on a έκ των Α ττικώ ν συγγραφέων donné par nos deux manuscrits et le Sur ses propres livres c. XX.1 où le traité est à nou­ veau cité sous le titre Των παρά τοϊς ’Α ττικοΐς συγγραφεϋσιν όνομάτων (avec συγγραφεϋσιν également donné par nos deux manuscrits). Cet imposant ouvrage de quarante-huit livres (selon le témoignage de Galien, ibid., c. V. 4, ainsi que dans le Sur ses propres livres c. XX. 1) est aujourd’hui perdu. Il n ’est pas mentionné par Hunain dans sa Risala. 3. Galien blâme ici le travers de l’hyperatticisme, rejoignant du même coup les critiques d ’un de ses célèbres contemporains, Lucien de Samosate dans la Vie de Démonax 26 (Œuvres I, éd. J. Bompaire, Paris, CUF, 1993, p. 137) : « Par ailleurs, il (sc. Démonax) aimait à railler les gens qui dans leur conversation employaient des mots tout à fait désuets ou insolites. Donc une fois qu’il avait posé une certaine question à un homme qui lui avait répondu en une langue hyperattique (ύπεραττικώς), il lui dit : « Mon ami, c’est aujourd’hui que je t ’ai posé une question, et toi, tu me réponds comme au temps d’Agamemnon ». 4. Nous ne savons de ce traité aujourd’hui perdu que ce que nous en dit Hunain dans sa Risala (n° 129) sous un titre, il est vrai, quelque peu différent : Sur ce qui est utile pour celui qui commet des fautes de lan­ gage. Ce traité est toutefois à nouveau cité dans le Sur ses propres livres c. XX. 2, sous le même titre que dans le Sur Vordre de ses propres livres, mais dans un passage pour lequel nous n ’avons pas conservé la traduction de Hunain (rappelons que la fin de la traduction de Hunain du Sur ses propres livres manque dans le manuscrit de Meshed). Il n ’est donc pas possible de comparer la traduction du titre de notre traité par Hunain dans la Risala et dans le Sur ses propres livres. Qui plus est, le nombre exact de livres dont se composait ce traité est problématique. Hunain, toujours dans sa Risala, précise que le traité est cité par Galien dans le Sur ses propres livres comme étant

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composé de sept livres. En réalité, nos deux manuscrits grecs A et Vlat dans ce passage du Sur ses propres livres mentionnent un nombre de six ou sept livres (ς' έν αλλοις ζ'). Hunain ajoute toutefois immédia­ tement après que le nombre de sept livres ainsi mentionné lui paraît être « une erreur de copiste », dans la mesure où le traité, tel qu’il l’a eu entre les mains, n’était composé que d’un seul livre. On pourra naturellement se demander s’il s’agit bien du même ouvrage que celui qui nous intéresse ici. Dans cette incertitude, nous avons fait le choix, dans le passage du Sur ses propres livides en question, de conserver le nombre de sept livres, en accord avec une partie de la tradition grecque et arabe. 5. Avant la découverte du Vlatadon, tous les éditeurs depuis l ’Al­ dine ne disposaient, pour ce passage, que du seul témoignage de A qui, précisément, est lacunaire à cet endroit. Dans le blanc d’1,5 cm ainsi laissé après έτέροις par le copiste de A, Millier a proposé d ’écrire dans son édition d ’Erlangen ή κατά την των Α ττικώ ν συνήθειαν νομοθετεΐν après avoir préalablement corrigé έτέροις donné par A en έτέρως. Müller comprenait en effet le passage de la façon suivante : de nombreux médecins et philosophes confèrent à certains mots grecs de nouvelles significations, mots dont ils usent dans un sens différent de celui admis chez les auteurs attiques. Mais dans son édition des Scripta Minora, Müller a préféré s’en tenir à la prudence en se conten­ tant de signaler la lacune par trois astérisques (mais en continuant d’éditer έτέρως). Il est vrai que son interprétation lui avait sans doute été en partie inspirée par la conjecture malheureuse de Chartier (χρώνται). La conjecture de Comarius (έπιτιμάν) est, quant à elle, tout à fait remarquable et se trouve en partie confirmée, du moins pour le sens, par le nouveau témoignage du Vlatadon : μέμφεσθαι. Il convient donc de conserver έτέροις (également donné par A et Vlat) qui s’oppose à αυτοί pour comprendre que ceux-là mêmes qui usent des mots grecs en un sens nouveau font reproche aux autres de les employer, sous-entendu ici par Galien, dans leur sens ancien. 6. Galien a consacré plusieurs ouvrages au vocabulaire des auteurs comiques. Ils sont énumérés à l ’intérieur du chapitre XX du Sur ses propres livres. Il s’agit du Sur le vocabulaire courant d ’Eupolis (en trois livres), Sur le vocabulaire courant d'Aristophane (en cinq livres), Sur le vocabulaire courant de Cratinos (en deux livres) auxquels se rattachent un traité en un livre sur les Exemples de vocabulaire comique particulier et une monographie sur la question de savoir Si Vancienne comédie est une lecture utile pour les débutants. Tous ces ouvrages sont perdus.

SUR SES PROPRES LIVRES

CONSPECTVS SIGLORVM

I- Codices A Vlat Barb

Ambrosianus gr. 659 (olim Q 3 Sup.) ; s. XIV. Vlatadon 14 ; s. XV. = Vaticanus Barberinianus gr. 5 ; s. XVI.

II- Translationes a) latinae Fich. Caius

J. Fichardi uersio latina, Basilae a. 1531. = J. Caii uersio latina, Lovanii a. 1556.

b) arabicae = Hunaini uersio arabica (s. IX). Ar. Ar. in Risala = Hunaini Risala, ed. G. Bergstrasser, Lipsiae, a. 1925. Ya. = Al-Ya’qubii uersio arabica (s. IX).

III- Conjecturae Corn.

= Comarii emendationes in editione Aldina (nunc ThULB Jena : 2 Med. V, 2) c.15321549.

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Fabricius

CONSPECTVS SIGLORVM

= J. A. Fabricius in Bibliotheca Graeca (17051728) apud Kühnis editionem, t. I, 1821, p. CCII. Prantl = C. Prantl, Geschichte der Logik im Abendlande I, Leipzig, 1855, p. 560. Ma. = J. Marquardt, Philologischer Anzeiger 4, 1873, p. 544 sqq. Schon^1 = A. Schone, Hermes 9, 1875, p. 500. Cobet = C. G. Cobet, « Ad Galenum », Mnemo­ syne n. s. 10, 1882, p. 178-192. Usener = H. Usener, Epicurea, Lipsiae, 1887, p. LXXIV. Ilberg = J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei des Klaudios Galenos », Rheinisches Museum 44, 1889, p. 213 sqq. Egenholff = E. Egenholfii conjecturam per litteras cum Müllero communicatam. = Ionsii conjecturam per litteras cum Mül­ Ionsius lero communicatam. = G. Helmreich, Act. Sem. E ri II, p. 240. Helm. = H. Schone, Schedae Philologae Hermanno Schone2 Usener oblatae, Bonn, 1891. = K. Kalbfleisch, Über Galens Einleitung in Kalb. die Logik, Leipzig, 1897, p. 683 sqq. - H. Schone, « Verbesserungen zum GalenSchone3 text », Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften, phil-hist. Klasse 15, 1924, p. 98. = J. Irigoin in Medioevo e umanesimo 24, Irigoin 1976, p. 172 n. 3. Gar. = I. Garofalo, « Note filologiche sull’anatomia di Galeno », A N R W II 37. 2, Berlin, 1994, p. 1790-1833. Mavroudis = A. D. Mavroudis, « Κ ριτικές παρατη­ ρήσεις στο Π ερί των ιδίων βιβλίων τού Γαληνού », in Ε Λ Λ Η Ν ΙΚ Α 47, 1997, ρ. 349-352.

CONSPECTVS SIGLORVM

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IV- Editiones Aid. Bas. Ch. Kühn Müller cet. edd.

= editio Aldina, Venetiis, a. 1525, vol. V, f. lr-4v. = editio Basileensis, a. 1538, vol. IV, p. 361368. = editio Charteriana, Lutetiae Parisiorum, a. 1639, vol. I, p. 35-48. = C.G. Kühn, Galeni opera omnia, t. XIX Lipsiae, 1830, p. 8-48. = I. Müller, Galeni Scripta Minora Π, Lipsiae, 1891, p. 91-124. = ceterae editiones.

G4LIEN, SUR SES PROPRES LIVRES | Prol. 1 Un fait vient de confirmer clairement le conseil que tu m ’as donné, mon excellent Bassus1, de dresser la liste des livres que j ’ai composés. J ’ai vu en effet, dans le Sandaliarium2 où se trouve justement le plus grand nombre des librairies de Rome, des gens qui discutaient pour savoir si le livre vendu là était de moi ou de quel­ qu’un d’autre. De fait, il portait comme titre, « De Galien, Le Médecin »3. 2 Tandis que quelqu’un l’achetait comme étant de moi, un de ces hommes amoureux des lettres, intrigué par l’étrangeté du titre4, voulut en connaître le sujet. Et à peine en eut-il lu les deux pre­ mières lignes qu’il rejeta aussitôt l’écrit en question se contentant d ’ajouter ces mots : « Ce n’est pas là le style de Galien et le titre que porte ce livre est faux ». 3 Celui qui prononça ces mots avait sans doute reçu une éduca­ tion de premier rang5, celle que les enfants en Grèce rece-

Voir Notes Complémentaires p. 175.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

Prol. 1 Έργω φανερά γέγονεν ή συμβουλή σου, κρα­ τήστε Βάσσε, περί τής άπογραφής των υπ3456 έμου γεγονότων βιβλίων’ εν γάρ τοι τω Σανδαλιαρίω, καθ* δ 5 8ή πλειστα των εν 'Ρώμη βιβλιοπωλείων έστίν, εθεασάμην τινάς άμφισβητοΟντας, εΐτ5 εμόν εϊη τό πιπρασκόμενον αυτό βιβλίον εΐτ’ άλλου τινός* επεγέγραπτο μεν γάρ Γαληνού ιατρός. 2 Ώνουμένου δε τίνος ως έμόν υπό του ξένου τής επιγραφής κινηθείς τις άνήρ 10 των φιλολόγων εβουλήθη γνώναι I την επαγγελίαν αυτου* καί δύο τους πρώτους στίχους άναγνους ευθέως άπέρριψε τό γράμμα, τούτο μόνον έπιφθεγξάμενος, ως ούκ έστιν ή λέξις αυτή Γαληνού καί ψευδώς επιγέγραπται τουτί τό βιβλίον. 3 Ό μεν ουν τουτ* είπών επε15 παίδευτο την πρώτην παιδείαν, ήν οί παρ’ Έ λλησι ν

Tit. — 135, 14 λελωβήσθαι def. Ar.

3 Βάσσε Müller : Βάσε A Viat Ii άπογραφής Viat : γραφής A II 4 Σανδαλιαρίω ego sec. Nutton in CMG V 8, 1, p. 88, 20 et 94, 8 : Σανδαλαρίφ A Viat II καθ’ ô Vlat sed iam Corn. (sec. Fich.) Kühn : καθό A καθώ Aid. Il 5 δή A Vlat Aid. : τα Corn. (sec. Fich.) Il 6 έθεασάμην Vlat : -σάμεθά A II 7 αότό A Vlat Aid. : αυτού Corn. Il 8 μέν Vlat sed iam Corn. : μή A Aid. δή Bas. del. Müller II Γαληνού Corn. Schône2 : -νός A Vlat Aid. Il 10 έβουλήθη Vlat sed iam Ch. : -θην A II 11 και om. A II 15 πρώτην A Vlat : αύτήν Schône1 II 'Έ λλησι A : -σιν Vlat.

Kühn XIX, 8 Müller, SM U, 91

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SUR SES PROPRES LIVRES, PROL 4-8

vaient au début auprès des grammairiens1 et des rhéteurs. 4 La plupart de ceux cependant qui aujourd’hui viennent à la médecine ou à la philosophie, fréquentent, sans même être capables de lire2 correctement, des maîtres chargés de transmettre les connaissances les plus élevées et les plus nobles qui soient parmi les hommes et qui sont enseignées grâce à la philosophie et la médecine. Un tel laissèr-aller s’est en réalité déclaré il y a de nombreuses années, quand j ’étais encore un jeune homme, sans pour autant assurément avoir atteint en ce temps-là le degré auquel il est à présent parvenu. 5 Aussi, pour cela même, et également parce que de nombreuses personnes ont porté outrage à mes livres de multiple façon3, en en don­ nant lecture, les uns dans un pays, les autres dans un autre, comme étant leurs propres œuvres et après avoir procédé à des suppressions, des additions ou des modifi­ cations, estimé-je préférable d’indiquer d’abord la raison des outrages en question, et ensuite, pour les écrits dont je suis vraiment l’auteur, quel est le sujet de chacun d’eux. 6 Pour ce qui est de la raison qui amena de nom­ breuses personnes à donner lecture de mes ouvrages comme étant les leurs propres, toi-même tu la connais, mon excellent Bassus. Je les donnais en effet à des amis ou des disciples, sans titre, dans la pensée qu’ils n ’étaient aucunement destinés à la publication4, mais à ceux-là mêmes qui avaient formulé la demande de conserver des notes sur les cours qu’ils avaient écoutés. 7 Certains étant morts, ceux qui par la suite entrèrent en possession de mes livres, furent séduits par eux et en donnèrent lecture comme étant les leurs propres, d ’autres également de leur vivant les ayant reçus de ceux qui les possédaient, s ’en revinrent dans leur patrie et les massacrèrent clandestinement5 chacun à leur façon pour donner des conférences. 8 Mais avec le temps

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παιδες εξ άρχής έπαιδευοντο παρά τε γραμματικοις καί ρήτορσιν. 4 Οί πολλοί δε των νυν ιατρικήν ή φιλο­ σοφίαν μετιόντων ούδ’ άναγνώναι καλώς δυνάμενοι φοιτώσι παρά τούς διδάξοντας τα τ€ μέγιστα καί κάλλίστα των Ιν άνθρωπος θεωρημάτων α φιλοσοφία I τε καί ιατρική διδάσκουσιν* ήρκτο μεν ουν ή τοιαύτη ρα­ διουργία προ πολλών ετών, ήνίκ’ έτι μειράκιον ήν εγώ, ου μήν τοσουτόν γε, εις δσον νυν ηϋξηται, προεληλυθει τό κατ’ εκείνον τον χρόνον* 5 διά τε ουν αυτό τούτο καί διότι πολυειδώς έλωβήσαντο πολλοί τοίς έμοις βιβλίοις, άλλοι κατ’ άλλα τών εθνών άναγιγνώσκοντες ώς ίδια μετά του τά μεν άφαιρειν, τά δε προστιθέναι, τα δε ύπαλλάττειν, άμεινον ήγοΰμαι δηλώσαι πρώτον αυτού του λελωβήσθαι τήν αιτίαν, ειτα περί τών όντως υπ’ I εμού γεγραμμένων ήτις γ€ καθ’ έκαστον αυτών εστιν επαγγελία. 6 Του μεν δή πολλούς άναγιγνώσκειν ως ίδια τα εμά τήν αιτίαν αυτός οισθα, κράτιστε Βάσσε* φίλοις γάρ ή μαθηταΐς εδίδοτο χωρίς επι­ γραφής ώς αν ουδεν προς έκδοσιν ά λ λ ’ αυτοις έκείνοις γεγονότα δεηθεΐσιν ών ήκουσαν έχειν υπομνήματα. 7 Τινών μεν ουν άποθανόντων οί μετ’ εκείνους έχοντες άρεσθέντες αυτοις άνεγίνωσκον ώς ϊδια, τινών δε καί ζώντων < ...> παρά τών έχόντων κοινωνησάντων αυτοις εις τήν εαυτών πατρίδα πορευθέντες ύποδιατρίψαντες άλλος άλλως αυτά τάς επιδείξεις έποιοΰντο. 8 ΦωραTit. — 135, 14 λελωβήσθαι def. Ar.2

2 Ιατρικήν A Vlatpc : ιατρών Vlatac II 4 διδάξοντας Ch. : -ξαντας A Vlat 11 6 διδάσκουσιν A : -σι Viat II ήρκτο Cobet : ήρχετο Corn, (sec. Fich.) εϊρητο A Vlat Aid. ή ρητό Ch. Il 14 του Vlat sed iam Ch. : τό A II 16 ή Müller : om. A Vlat II 18 Βάσσε Muller : Βάσε A Vlat II 22 Ίδια Vlat sed iam Müller : ίδίοις A II 22-23 τινών δε και ζώντων Vlat : om. A in lac. Il 23 om. A in lac. Vlat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il 24 ύποδιατρίψαντες A Vlat Ar. : καί ένδιατρίψαντες Corn. Il 25 ante αύτά add. κατ' Müller.

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tous furent pris en flagrant délit de plagiat ; et beaucoup de ceux qui à leur tour avaient acquis des livres et inscrit mon nom dans le titre1, après avoir découvert qu’ils pré­ sentaient des divergences avec ceux tombés entre d ’autres mains, me les rapportèrent et me prièrent de les corriger. 9 Ces écrits, comme je l’ai dit, ayant été composég non pour la publication, mais en fonction de la compétence et de l’usage qu’en avaient ceux qui me les avaient demandés, il est bien naturel que certains points aient été développés, d ’autres condensés, et que l’expli­ cation, tout comme l’enseignement des principes luimême, ou bien revêtît une forme achevée, ou bien laissât à désirer. 10 II est, de fait, parfaitement clair que ce que j ’ai écrit pour les débutants n ’atteint, en matière d ’ensei­ gnement, ni le dernier degré d ’achèvement, ni une rigou­ reuse exactitude ; ils ne me l’auraient pas demandé ni n ’auraient été capables de tout apprendre exactement avant d’avoir acquis une certaine compétence à dominer les connaissances nécessaires. 11 Quelques-uns de mes prédécesseurs ont de fait intitulé de tels livres Esquisses, tout comme certains les ont intitulés Ébauches, d ’autres Introductions, Synopsis ou Guides2. 12 Pour ma part, je les ai tout simplement donnés à mes disciples, sans aucun titre, et ils sont de ce fait arrivés plus tard entre les mains de nombreuses personnes qui leur ont donné différents titres. Aussi ai-je jugé bon d ’intituler « Pour les débu­ tants »3 ceux que certains me rapportèrent pour correc­ tion. Je mentionnerai donc ceux-là en premier. I. Les ouvrages composés à Rome lors de mon premier séjour.4 1 Je ne possédais donc même pas de copies5 de tout ce que j ’avais dicté pour des jeunes gens au début de leurs

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θέντων δ' απάντων τώ χρόνω, πολλοί των αυθις κτησαμένων επέγραψάν ί εμού τοΰνομα καί διαφωνοΰντα τοις παρ’ άλλοις οΰσιν ευρόντες έκόμισαν προς μ€ παρακαλέσαντες επανορθώσασθαι. 9 Γ«γραμμένων ουν, ως €φην, ου προς εκδοσιν αυτών άλλα κατά την των I 93 δεηθέντων έξιν τε καί χρείαν είκός δήπου τά μέν έκτετάσθαι, τα δέ συνεστάλθαι καί την ερμηνείαν αυ­ τήν τε των θεωρημάτων τήν διδασκαλίαν ή τελείαν ύπάρχειν ή ελλιπή. 10 Τά γουν τοις είσαγομένοις γεγραμΙμένα πρόδηλον δήπου μήτε τό τέλειον τής 11 διδασκαλίας έχειν μήτε τό διηκριβωμένον, ως αν οΰτε δεομένων αυτών οΰτε δυναμένων ακριβώς μανθάνειν πάντα, πριν έξιν τινά σχειν εν τοις άναγκαίοις; 11 Υποτυπώσεις γουν επέγραψαν ενιοι τών προ εμού τά τοιαϋτα βιβλία, καθάπερ τινές ύπογραφάς, ετεροι δ* είσαγωγάς ή συνόψεις ή υφηγήσεις. 12 Έγώ δ5 άπλώς δούς τοις μαθηταις ούδέν επέγραψα καί διά τουθ5 ύστερον εις πολλούς αυτών άφικομένων άλλος άλλην επιγραφήν εποιήσατο* τά δ*ουν προς έμε κομισθέντα προς τινων επανορθώσεως ένεκεν ήξίωσα τοις είσαγομένοις επιγεγράφθαι* περί πρώτων ουν τούτων ποιήσομαι τον λόγον. I. Περί τών γεγονότων υπομνημάτων εν 'Ρώμη κατά τήν πρώτην επιδημίαν.

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1 Έγώ μεν ουν ούδ* είχον άπάντων αυτών αντίγραφα μειρακίοις ύπαγορευθέντων άρχομένοις μανθάνειν ή καί 1-2 κτησαμένων A 1 Viat Ar. : χρησαμένων A II 2 έπέγραψάν τ Λ : έπεγράψαντ’ Viat Aid. edd. Il 6 και Bas. : κατά A Viat II 8 τε A Viat Aid. : del. Corn, et add. καί ante τήν διδασκαλίαν II 9 εισαγομένοις Viat Ar. : είρημένοις A edd. Il 14 έπέγραψαν Viat sed iam Müller : έγραψαν A II 18 αύτών Viat : om. A II 19 προς Vlat : εις A II 21 πρώτων A : πρώτον Vlat II post τούτων transp. τών γεγο­ νότων — έπιδημίαν (1. 23-24) Ar. Il 23-24 Titulum om. Ar. et add. post λόγον (1. 22) Il 26 ή Kühn : εΐ A Vlat.

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études ou que j ’avais offert à des amis à leur demande. Plus tard, quand je fus revenu pour la seconde fois1 à Rome2 et qu’ils me furent rapportés, comme je l’ai dit, pour que je les corrige, je les récupérai et leur un titre 4 pour les débutants et que devraient lire en tout premier lieu ceux qui sé destinent à l’étude de l’art médical. 3 J ’y enseigne en effet comment les écoles, selon leur genre, diffèrent les unes des autres ; selon leur genre, dis-je, car il existe aussi des différences au sein des écoles, différences dont sont par la suite complètement instruits ceux qui ont déjà fait leurs débuts. 4 Les noms des trois écoles sont déjà connus de presque tout le monde : l ’une est nommée dogmatique et logique, la deuxième empirique et la troi­ sième méthodique5. Tout ce qui relève en propre de cha­ cune ou ce par quoi elles diffèrent les unes des autres est ainsi consigné dans ce livre. 5 C’est également pour les débutants que j ’ai dicté le Sur les os et le Sur le pouls6 ; j ’ai aussi fait don à un ami platonicien, lors de ce séjour, de deux livres pour débutants, traitant l ’un de l ’anatomie des artères et des veines, l’autre de celle des nerfs7, et à un autre d ’une Esquisse de la démarche empirique8, ouvrages dont je ne possédais aucun exemplaire et que j ’ai récupérés des mains de ceux auxquels ils apparte­ naient quand je suis revenu à Rome pour la seconde fois. 6 De quelques autres, autrefois écrits pour des amis, il m ’est resté des copies, car il s’agissait de compositions achevées. C’est le cas des deux livres Sur les causes de la respiration et des quatre livres Sur la voix dédicacés à l’un des personnages consulaires, du nom de Boéthus, 3. Sur cette nomenclature utilisée par Galien, voir P roi. 12. Le texte grec est ici lacunaire. Il a été possible de le rétablir sur la foi de la tra­ dition arabe. L ’origine de cette lacune s’explique assez facilement par un saut du même au même sur τοις είσαγομένοις.

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τισι φίλοις άξιώσασι δοθέντων* ύστερον 8 * οπότε το δεύτερον ήκον εν 'Ρώμη, κομισθέντων, ώς εϊρηται, I 12 προς με διορθώσεως ένεκεν, εκτησάμην τε καί την επι­ γραφήν 2 < ...> τοΐς είσαγομένοις δ πρώτον αν εΐη πάντων άναγνωστέον τοΐς μαθησομένοις την ιατρικήν τέχνην* 3 εν αύτώ γάρ I 94 αί κατά γένος άλλήλων αιρέσεις διαφέρουσαι διδάσ­ κονται* κατά γένος δ’ εΐπον, επειδή καί διαφοραί τινες εν αύταΐς €ΐσι, καθ’ ας ύστερον οί είσαχθέντες επεκδιδάσκονται. 4 Τα δε των τριών αιρέσεων ονόματα σχεδόν απαντες ήδη γινώσκουσιν, τήν μέν τινα δογμα­ τικήν τε καί λογικήν όνομάζεσθαι, τήν δέ δευτέραν εμπειρικήν, τήν τρίτην δέ μεθοδικήν* δσα τοίνυν εστίν έκάστης ίδια ή καθ' α διαφέρουσιν άλλήλων, έν εκείνω τώ βιβλίω γέγραπται. 5 Τοις δ’ είσαγομένοις ύπηγορεύθη τό περί τών οστών καί τό περί τών σφυγμών, έδόθη δέ καί φίλω Πλατωνικώ κατά τήν επιδημίαν ταύτην εισαγωγικά δύο βιβλία, τό μέν αρτηριών καί φλεβών, τό δέ νεύρων εχον άνατομήν, καί τινι έτέρω τής εμπειρικής άγωγής ύποτύπωσις* ών ούδέν έχων εγώ παρά τών εχόντων έλαβον, ήνίκα τό δεύΐτερον ήκον εις 13 'Ρώμην. 6 Ά λλω ν δέ τινων τότε γραφέντων φίλοις έμεινεν αντίγραφα παρ’ εμοί διά τό τελέως έξειργάσθαι* ών έστι καί τά περί τών τής άναπνοής αίτιων δύο καί τά περί φωνής τέτταρα, προσφωνηθέντα τινί τών ύπατικών άνδρών, Βοηθώ τοίίνομα, κατά τήν Άριστοτέλους αΐρε-2

2 έν 'Ρώμη A Viat : είς 'Ρώμην Helm. II 4 τοΐς είσαγομένοις έποιησάμην ego sec. Ar. : έποίησα τοΐς είσαγομένοις* ώσπερ γουν τό βιβλίον περί αΙρέσεων Com. om. A in lac. Vlat in lac. Aid. il 4 om. A in lac. Viat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il 6 αύτω Com. Helm. : αύτ. A αύτή Vlat Aid. Il 7 αίρέσεις Vlat sed iam Com. M illier Ar. : διαιρέσεις A Aid. Il 11-13 τήν μέν τιναμεθοδικήν A Vlat Ar. : secl. Müller II 18-19 άρτηριών και φλεβών A Vlat Ar. : φλεβών και άρτηριών Müller.

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formé à la philosophie de l’école aristotélicienne1. 7 C’est également à ce personnage que sont dédicacés les livres Sur I'anatomie d'Hippocrate et ensuite ceux Sur Vanato­ mie d'Érasistrate2 que j ’avais surtout écrits par amour de la gloire, à cause de Martialios3 dont sont conservés deux livres de son ouvrage d’anatomie qui se trouvent encore aujourd’hui entre de nombreuses mains et qui, à l’époque dont je parle, jouissaient d’un grand renom. 8 Cet homme était médisant et aimait assez la querelle bien qu’il eût plus de soixante-dix ans4. Ayant donc appris que mes conférences et le contenu de mon enseignement public sur un problème d ’anatomie avaient suscité de grands éloges de la part de tous ceux qui les avaient suivis5, il s’enquit auprès de l’un de mes amis de l ’école à laquelle j ’appartenais6. 9 S’étant entendu répondre que je quali­ fiais d’esclaves ceux qui s ’étaient proclamés hippocratéens, ou praxagoréens7 ou en tout point dépendants de quelque autorité, et que je choisissais ce qu’il y avait de bon en chacun8, il demanda une seconde fois auquel des anciens je réservais mes plus grands éloges. en rien, alors qu’Érasistrate se révélait sur­ prenant par tous les aspects de son art, et en particulier par celui-là9. 10 C ’est donc à cause de ce Martialios que j ’ai écrit, surtout par amour de la gloire, les six livres du Sur l'anatomie d'Hippocrate et les trois livres du Sur l'anatomie d'Érasistrate10. 11 Un jour que je parlais en public sur les livres des anciens médecins, on me tendit le Sur l'expectoration du sang d'Érasistrate11 auquel, comme c ’est l’usage, on avait fixé un stylet destiné à marquer cette partie du livre où l’auteur condamne la sai6. Cette question relative à l ’appartenance de l ’orateur (ou du méde­ cin) à telle ou telle école était traditionnelle, voir Lucien, V ie d e D ém o n a x 12 et 13 {Œ uvres I, éd. J. Bompaire, Paris, CUF, 1993, p. 133). 8. Les historiens de la médecine se sont souvent basés sur cette déclaration pour fustiger ce qu’ils nomment l ’éclectisme de Galien.

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σιν φιλοσοφούν™. 7 Τούτω καί τα περί τής ανατομής Ίπποκράτους καί μετά ταϋτα περί τής Έρασιστρατού προσπεφώνηται φιλοτιμότ€ρον γ€γραμμένα δια Μαρτιάλιον, ου δύο βιβλία διασώζεται των άνατομικών έτι καί νυν δντα παρά πολλοις, α κατ’ εκείνον τον χρόνον ευδοκιμεί μεγάλους. 8 Βάσκανος δέ I καί 95 φιλόνεικος ίκανώς ήν ό άνήρ ουτος καίτοι πλείω γεγονώς ετών έβδομη κοντά’ πυθόμενος ουν εις ανατομικόν πρόβλημα τους τε λόγους καί τα διδαχθέντα μοι δημοσία προς απάντων τών άκολουθησάντων επηνήσθαι μεγάλως ήρετό τινα τών έμών φίλων, από ποιας εΐην αιρέσεως. 9 Άκούσας δ’ δτι δούλους ονομάζω τους εαυτούς άναγορεύσαντας Ίπποκρατείους ή Πραξαγορείους ή δλως από τίνος άνδρός, εκλέγοιμι δε τα παρ’ έκάστοις καλά, δεύ­ τερον ήρετο, I τίνα μάλιστα τών παλαιών επαινοιμι 14 · < ...> ουδέν, θαυμάσιον δε τον Έρασίστρατον άποφαίνεται τά αλλα τής τέχνης καί ταϋτα. 10 Δ ι’ εκείνον ουν έγραφα φιλοτιμότερον τα περί τής Ίπποκράτους ανατομής ε | βιβλία καί τά περί τής Έρασιστράτου τρία. 11 Καί λέγων γέ ποτέ εις τά τών ιατρών τών παλαιών βιβλία δημοσία προβληθέντος μοι του περί αίματος αναγωγής Έρασιστράτου καί γραφείου καταπαγέντος εις αυτό κατά τό έθος, ειτα δειχθέντος επ’ εκείνο τό μέρος του βιβλίου, καθ’ δ την φλεβο-

1-2 άνατομής Ίπποκράτους A Viat : Ίπποκράτους άνατομής Müller II 2 τά Müller : om. A Viat II 8 έτών τών ego : έτών A Viat ετη τών Müller II 11 έπχινήσθαι Müller : έπηνέσθαι A έπένησθαι Viat έπαινεΐσθαι cet. edd. il 14 ή Έρασιστρατείους ego sec. Ar. : om. A Viat II 16 έπαινοΐμι A : έπαινοι Viat II 17 Ιατρών ego sec. Ar. Il om. A in lac. Viat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il 18 άποφαίνεται τά A : άπέφηνε τά Vlat άποφαίνει τά τ Müller άποφαίνεται και τά Ch. II 19 έκεΐνον A Vlat : à ca u se de cela Ar. Il 21-22 Ιατρών τών παλαιών A : παλαιών ιατρών Vlat II 24 αυτό A Vlat : -τώ Vlatsl II 25 καθ’ ô Vlat sed iam Kühn : καθό A.

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gnée et je parlai d’abondance contre Érasistrate afin de chagriner ce Martialios qui se faisait passer pour érasistratéen. 12 Comme mon exposé fut assez apprécié, un de mes amis qui ne pouvait supporter Martialios, me demanda de dicter mes paroles à la personne qu’il m ’en­ verrait et qui était entraînée à prendre des notes en sténo­ graphie1, afin que, s’il venait à quitter Rome pour rentrer chez lùi, il pût répéter mes propos contre Martialios lors de ses visites à ses malades2. 13 Ensuite je ne sais com­ ment, quand je revins pour la seconde fois à Rome3, rap­ pelé par les empereurs, celui qui en avait reçu copie était mort, mais des gens, qui n ’étaient pas peu nombreux, possédaient le livre autrefois composé en cette circons­ tance par amour de la gloire, quand je réfutais mes adver­ saires en public. 14 Et de fait, j ’étais encore jeune quand je m ’adonnai à cette pratique : j ’étais dans ma trentequatrième année4. Mais à partir de cette époque-là5, je me fixai de ne plus enseigner en public, ni de faire de démonstrations, ayant rencontré avec les gens que je soi­ gnais un succès qui dépassait mes vœux. 15 Sachant en effet que lorsqu’un médecin est l’objet d ’éloges, ses rivaux dans l’art manifestent leur jalousie en le traitant de « logiatre »6, je voulais leur clouer leur méchante langue, non pas en parlant devant ceux que je soignais plus que nécessaire, ni en dispensant mon enseignement devant la foule comme auparavant, ni en me livrant à des démonstrations, mais en montrant par les seules réalisa­ tions de mon art quelle était ma compétence à appliquer les principes de la médecine. 16 Je passai trois autres années à Rome7 et, quand la grande peste se déclara, je quittai aussitôt la ville pour me hâter de rentrer dans ma patrie, aucun cmédicament suffisamment puissant n ’ayant pu être trouvé, à ma connaissance, pour lutter contre ce fléau qui se répandit partout avant de s’éteindre>8. 17 C ’est à cette époque9 que je composai sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon six premiers

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τομίαν παραιτειται, πλείω προς αυτόν ειπον, όπως λυπήσαιμι τον Μαρτιάλιον Έρασιστράτειον είναι προσποιούμενον. 12 Έ πά δ’ ίκανώς ό λόγος ηύδοκίμησεν, εδεήθη μου τις φίλος επαχθώς έχων προς αυτόν ύπαγορεΰσαι τα ρηθέντα τω πεμφθησομένω παρ’ αυτού ττρός μ€ δια σημείων εις τάχος ήσκημένω γράφειν, δττως, αν εξόρμηση τής πόλεως οϊκαδε, δυναιτο λέγειν αυτά προς τον Μαρτιάλιον έν ταις των νοσούντων I έπισ- 96 κέψεσιν. 13 Έ πειτ’ ούκ οιδ’ όπως, ότ€ τό δεύτερον ήκον εις 'Ρώμην υπό των αύτοκρατόρων μετακληίθείς, ό μέν 15 λαβών έτεθνήκει, τό βιβλίον δ’ ειχον ούκ ολίγοι κατά την έν τω τότε καιρω φιλοτιμίαν συγκείμενον, ήνίκ’ ήλεγχον δημοσία. 14 Καί γάρ δη καί νέος ών έτι τοϋτ’ έπραξα τέταρτον έτος άγων καί τριακοστόν. εξ εκείνου δ’ ώρισα μήτε διδάσκειν έτι δημοσία μήτ’ έπιδείκνυσθαι προσδεξαμένης με τής κατά τους θεραπευόμενους ευτυχίας μείζονος ευχής* 15 είδώς γάρ τούς άντιτέχνους, δταν επαινήταί τις ιατρός, ως φθονουσιν αυτόν λογίατρον άποκαλουντες, άπορράφαι την βάσκανον γλώτταν αύτών έβουλήθην ούτ* επί των θεραπευόμενων φθεγγόμενός τι περαιτέρω των αναγκαίων ούτε διδά­ σκων εν πλήθει, καθάπερ έμπροσθεν, οΰτ’ επιδεικνύμενος αλλά διά των έργων τής τέχνης μόνον ενδεικνυμενος ήν ειχον έξιν εν τοίς θεωρήμασιν αυτής. 16 Έτεσι δε τρισίν άλλοις εν 'Ρώμη διατρίψας άρξαμένου του μεγάλου λοιμού παραχρήμα τής πόλεως έξήλθον επειγόμενος εις την πατρίδα μηδενί < ...> . 17 Έν τω χρόνω τούτω περί μεν των Ίπποκράτους καί Πλάτωνος

5 τα όηθέντα Viat add. A in mg. Il 7 έξορμήση A Vlat Aid. : -σαιμι Com. Il 12 ή ν ίκ 5 A : ήνίκα Vlat. Il 18-19 αυτόν λογίατρον A : λογίατρον αυτόν Vlat II 19 άπορράψαι A Vlat Aid. : -ρίψαι Com. Il 23 μόνον A : μόνων Müller II 24 ετεσι A : -σιν Vlat II 27 om. A in lac. Vlat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il 28 τούτφ A : του Vlat.

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GALIEN, SUR SES PROPRES LIVRES, I 18 - II 4

livres1, poussé par les encouragements de Boéthus ; sur l ’utilité des parties je rédigeai un seul livre2, le premier, que Boéthus emporta quand il quitta la ville, avant mon propre départ, pour prendre son poste de gouverneur de la Syrie Palestine où d’ailleurs il mourut3. 18 Et de ce fait je n ’ai achevé que longtemps après chacun de ces deux ouvrages, car, après mon retour chez moi, je rencontrai des obstacles dont il sera question dans la suite4. II. Quels furent, parmi les livres que j ’avais écrits, ceux qui me furent rendus après mon retour de Rome chez moi.5 1 Je revins donc de Rome dans ma patrie alors âgé de trente-sept ans révolus6. Et l’on me rendit trois livres que j ’avais écrits avant de quitter Pergame pour Smyme pour écouter le médecin Pélops et le platonicien Albinos7. 2 L ’un était une Anatomie de Γutérus, un petit opuscule, l’autre portait sur le Diagnostic des affections oculaires, lui aussi de petite dimension, et le troisième, d’étendue plus considérable, avait trait à Y Expérience médicale8. 3 Le premier cité fut offert à une accoucheuse, le deuxième à un jeune homme qui soignait les yeux. Le troisième, quant à lui, datait de l’époque où, pendant deux jours, Pélops disputa avec Philippe l ’empirique, Pélops soutenant que la médecine ne pouvait être consti­ tuée par l ’expérience seule, et Philippe démontrant qu’elle le pouvait9. 4 Je mis donc en ordre les propos

3. Sur Boéthus, voir c. I. 6. La date de sa mort n’est pas précisée par Galien, ni autrement connue, mais il était encore en vie quand le méde­ cin de Pergame acheva le S u r V u tilité d es p a r tie s du c o rp s , en dix-sept livres, qu’il lui envoya en Syrie Palestine (voir P ra tiq u e s a n a to m iq u es I, 1 : Kühn II, 217 = 1. Garofalo, Napoli, 1986, p. 3). Or, il ressort du c. III. 9 que Galien mit la dernière main à cet ouvrage lors de son second séjour romain, donc après 169, à une date où Boéthus était encore vivant.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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δογμάτων εί; βιβλία τα πρώτα προτρεψαμένου με του Βοηθού, π€ρί δέ μορίων χρείας êv I το πρώτον, a λαβών 6 Βοηθός Ιξήλθε τής πόλεως Ιμού πρότ€ρος, αρξων τής Παλαιστίνης Συρίας, Ιν ή καί 5 άπέθανεν. 18 Καί διά τούτο μ€τά πολυν χρόνον έκατέραν την πραγίματείαν συνετέλεσα προσγενομένων μοι κωλυμάτων μετά την εις οίκον έπάνοδον, ών Ιφεξής μνημονεύσω.

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II. Τίνα μοι μ€τά την έκ Ρώμης έπάνοδον οΐκαδε παραγενομένω βιβλία παρά τινων Ιδόθη τών ύπ’ Ιμου γεγραμμένων·

1 Έπανήλθον μέν ουν Ικ Ρώμης εις την πατρίδα πβπληρωμένων μοι τών έκ γενετής έτών έπτά καί τριά­ κοντα, τρία δέ μοι βιβλία παρά τινων Ιδόθη γεγραμ15 μένα, πριν εις Σμύρναν Ικ Περγάμου μεταβήναι Πέλοπός τε του ιατρού καί Άλβίνου τοΟ Πλατωνικού χάριν. 2 ^Ην δέ τό μεν τι μήτρας ανατομή, μικρόν βιβλίδιον, τό δέ τι τών Ιν όφθαλμοις παθών διάγνωσις, μικρόν καί αυτό, τρίτον δ’ άξιόλογον τώ μεγέθει περί 20 τής ιατρικής έμπειρίας. 3 Έδόθη δέ τό μέν πρώτον είρημένον μαία τινί, τό δέ δεύτερον οφθαλμούς θεραπεύοντι νεανίσκω* τό δέ τρίτον, ήνίκα Πέλοψ μετά Φιλίππου του Ιμπειρικου διελέχθη δυοιν ήμέραιν, του μέν Πέλοπος, ως μη δυναμένης τής ιατρικής δι* 25 έμπειρίας μόνης συστήναι, τού Φιλίππου δ’ Ιπιδεικνύντος δύνασθαι. I 4 Τους ούν ύφ5έκατέρου λόγους ρηθέν- 17 1 τα πρώτα Viat Ar. : om. A in lac. Il συνέγραψα Müller Ar. : om. A in lac. Viat in lac. Il 2 με A : om. Viat II 4 αρξων A Vlat : αρξοντος A 1 Aid. αρξων τότε Corn. Il 10 παραγενομένω Bas. Corn. : -νόμενον A Vlat Aid. Il 19 περί Viat sed iam Ch. : om. A II 21-22 θεραπεύοντι Vlat Aid. : -οντα A II 23 ήμέραιν Corn. : ήμερων Ch. ήμερ. A Vlat ήμέτερ. (sic) Aid. Il 26 έκατέρου Bas. Corn. : έτέρου A Vlat Aid.

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SUR SES PROPRES LIVRES, II 5 - III 2

tenus par l’un et l’autre interlocuteurs et les consignai par écrit à titre d’entraînement personnel ; et je ne sais com­ ment cet ouvrage passa en d’autres mains à mon insu. 5 J ’écrivis, lors de mon séjour à Smyme, trois autres livres Sur le mouvement du poumon et du thorax1 pour être agréable à un condisciple qui s’apprêtait, après son séjour à l’étranger, à regagner sa patrie ; il avait en vue de pro­ cède^ après s’y être exercé, à une démonstration d ’anato­ mie. 6 En fait, le jeune homme étant mort entre temps, les livres se retrouvèrent entre les mains de quelques-uns, et comme on pensait qu’ils étaient bien dans mon style, on alla jusqu’à confondre une personne qui, pour leur avoir ajouté un prologue, en donnait ensuite lecture comme des siens propres. 7 J ’ai pour ma part ajouté au troisième de ces livres, à la fin, quelques mots ayant trait à mes récentes découvertes. Car j ’avais consigné dans ces trois livres les doctrines de mon maître Pélops auprès duquel je séjournais encore à Smyme quand j ’écrivis cet ouvrage2. III. Mention des livres que j ’ai composés après cette période. 1 M ’étant installé dans ma patrie après mon retour de Rome, je me livrai à mes occupations habituelles3. Mais arriva bientôt d’Aquilée la lettre des empereurs qui me rappelaient4. Ils avaient en effet résolu, après avoir euxmêmes pris leurs quartiers d’hiver, de marcher contre les Germains. 2 Je fus donc contraint de me mettre en route, espérant cependant obtenir une exemption. J ’avais en effet entendu dire5 que l’un des empereurs, le plus âgé, était bienveillant, mesuré, doux et affable6 ; il s’appelait 5. L ’emploi d’ ήκουον atteste nettement qu’à l ’époque Galien ne connaissait pas encore personnellement Marc Aurèle dont il est ques­ tion ici. Sur la personnalité de cet empereur philosophe, voir la notice aussi claire que précise de P. Hadot dans M a rc A u r è le , É crits p o u r luim êm e, tome I, livre I, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1998, p. cxxxvuCLVI.

ΓΑ Λ Η Ν Ο Υ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔ ΙΩ Ν ΒΙΒΛΙΩ Ν

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τας eis τάξιν καταστήσου έγραψα τι γυμνάσιον εμαυτώ καί τούτο ουκ οίδα πώς εξέπεσεν εμού μηδέν ειδότος αυτό. 5 Τρία δ* άλλα περί πνεύμονος καί θώρακος κινήσεως, ήνίκα εν Σμύρνη διέτριβον, έγραψα συμφοιτητή 5 χαρισάμενος μέλλοντι μετά τήν αποδημίαν I εις την πατρίδα πορευεσθαι χάριν του μελετήσαντα κατ’ αυτά ποιήσασθαί τιν’ επίδειξιν ανατομικήν. 6 Άποθανόντος ουν εν τώ μεταξύ του νεανίσκου τα βιβλία παρά τισιν ήν, υπονοούμενα τής εμής έξεως είναι, καί τις ήλέγχθη 10 προοίμιόν τι προστεθεικώς αύτοις είτ’ άναγιγνώσκων ώς ίδια. 7 Τούτων των βιβλίων τώ τρίτω κατά τό τέλος προσέγραψά τινα των υπ* εμού προσεξευρισκομένων επαγγελίαν έχοντα* τα γάρ εν τοίς τρισί γεγραμμένα Πέλοπος ήν του διδασκάλου δόγματα, παρ’ ώ δια15 τριβών έτι κατά Σμύρναν έγραψα ταυτα.

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III. Περί των μετά ταυτα γραφέντων βιβλίων. 1 Έγώ μεν καθιδρύσας έμαυτόν εν τή πατρίδι μετά τήν εκ 'Ρώμης επάνοδον είχόμην των συνήθων' άφίκετο δ’ ευθέως εξ Άκυλίας τα παρά των αυτοκρατόρων 20 γράμματα καλούντων με* προήρηντο γάρ αυτοί χειμάσαντες επί I τούς Γερμανούς εξελαύνειν. 2 Έπορεύθην 18 μεν ουν εξ άνάγκης, ελπίζων δε τευξεσθαι παραιτήσεως* ήκουον γάρ είναι τον έτερον αυτών, τον πρεσβύτερον, ευγνώμονά τε καί μέτριον ήμερόν τε καί πραον,2

2 τούτο Corn. : τούτου Viat Aid. τουτ. Λ τοϋτ’ Müller II ούκ οιδα πώς A Viat : ούκ οίδ5 όπως Müller II 3 πνεύμονος και θώρακος A Viat Ar. : θώρακος καί πνεύμονος Müller II ante κινήσεως add. καί Viat. Il 5 μετά Viat sed iam Müller : κατά A II 6 αυτά Müller : αύτο A Viat II 10 προστεθεικώς Vlat Ar. : τεθεικώς A edd. Il 15 έτι κατά Viat : κατά Ch. om. A in lac. Il 16 Π ερί — βιβλίων Viat Ar. : om. A in lac. il 17 Έγώ μεν Viat : om. A edd. Il 19 et 142, 5 Ά κυλίας A Vlat : Ά κυληίας Müller II 23 αύτών Corn. : αύτόν A Vlat Aid, Il τον om. Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, III 3-7

au départ Vérus, mais lorsqu’ Antonin (,sc. Antonin le Pieux) qui exerça le pouvoir après Hadrien l’eut choisi pour lui succéder au pouvoir, il (sc. le futur Marc Aurèle) fit de celui qui se nommait auparavant Lucius son col­ lègue et l’appela Vérus, et lui-même changea son nom en Antonin1. 3 J ’atteignis donc Âquilée2 quand la peste s’abattit comme jamais encore auparavant3, si bien que les elnpereurs prirent aussitôt la fuite pour Rome avec une poignée de soldats, tandis que nous, le grand nombre, nous eûmes de la peine, pendant longtemps à nous en tirer sains et saufs : les gens mouraient, pour la plupart, non seulement à cause de la peste, mais aussi parce que cela se passait au cœur de l’hiver. 4 Après que Lucius, sur le chemin du retour, eut quitté le monde des hommes4, Antonin fit ramener son corps à Rome et pro­ céder à son apothéose5, avant de s’occuper de l’expédi­ tion contre les Germains6. Il faisait grand cas de m ’em­ mener avec lui. 5 Mais il se laissa persuader de me laisser aller quand il eut entendu par ma bouche que le dieu de mes pères, Asclépios, ordonnait le contraire7. Je m ’étais en effet déclaré son serviteur depuis le jour où il me sauva d’une disposition qui aurait pu être fatale à souffrir d’un ulcère8. 6 S ’étant incliné devant le dieu et m ’ayant recommandé d’attendre son retour — car il espérait rapi­ dement mener la guerre à bien9 — , lui-même partit après avoir laissé sur place son fils Commode qui était encore un tout jeune enfant10. Il enjoignit aux tuteurs de son fils de s’efforcer de le maintenir en bonne santé, et, au cas où il tomberait malade, de m ’appeler pour le soigner11. 7 Je travaillais donc à cette époque à rassembler et fixer de façon durable ce que j ’avais appris auprès de mes maîtres 4. Lucius Vérus mourut, vraisemblablement d ’une attaque d ’apo­ plexie (voir note 5), pendant son retour d ’Aquilée à Rome, entre Concordia et Altinum, dans les derniers jours de 168 ou les premiers jours de 169. 6. Marc Aurèle partit en expédition contre les Germains à l ’au­ tomne 169 et resta éloigné de Rome jusqu’en 176.

Γ Α Λ Η Ν Ο Υ Π Ε Ρ Ι Τ Ω Ν ΙΔ ΙΩ Ν Β ΙΒ Λ ΙΩ Ν

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ος εκαλείτο μεν εξ άρχής Βήρος, έπεί δ’ Άντωνινος ό μετά τον Άδριανόν άρξας διάδοχον αυτόν έθετο τής αρχής, τον μεν έμπροσθεν όνομαζόμενον Αούκιον κοινωνόν έποιήσατο καλέσας Βήρον, εαυτόν δε μετωνόμασεν Άντωνίνον. 3 Έπιβάντος οΰν μου τής Άκυλίας κατέσκηψεν ό λοιμός ώς ούπω πρότερον, ώστε τους μεν αύτοκράτορας αύτίκα φεύγειν εις Ρώμην άμα στρατιώταις όλίγοις, ημάς δε τους πολλούς μόλις I έν χρόνω πολλώ διασωθήναι πλείστων άπολλυμένων ου μόνον διά τον λοιμόν άλλα καί διά το μέσου χειμώνος είναι τα πραττόμ€να. 4 Μεταστάντος δ’ εξ ανθρώπων τού Λουκίου κατά την οδόν, εις 'Ρώμην αυτού κομίσας τό σώμα την άποθέωσιν Άντωνίνος έποιήσατο καί μετά ταυτα τής επί τους Γερμανούς στρατείας εϊχετο περί παντός ποιούμενος άπάγειν με, 5 πεισθείς δ5 άφεΐναι λέγοντας άκούσας τάναντία κελεύειν τον I πάτριον θεόν Ασκληπιόν, ου καί θεραπευτήν άπέφαινον εμαυτόν, εξ ότου με θανατικήν διάθεσιν αποστήματος έχοντα διέσωσε, 6 προσκυνήσας τω θεω καί περιμεΐναί με τήν επάνοδον αυτού κελεύσας -ήλπιζε γάρ έν τάχει κατορθώσειν τον πόλεμον- αύτός μεν εξήλθε, καταλιπών δε τον υιόν Κόμμοδον, παιδίον έτι όντα κομιδή νέον, ένετείλατο τοις τρέφουσιν αυτό πειράσθαι μεν ύγιαινον φυλάττειν, εί δε ποτέ νοσήσειε, καλειν επί τήν θερα­ πείαν εμέ. 7 Κατά τούτον ουν τον χρόνον συνελεξάμην τε καί εις έξιν ήγαγον μόνιμον ά τε παρά των διδα­ σκάλων έμεμαθήκειν ά τ’ αύτός ευρήκειν, έτι τε ζητών ένια περί τήν ευρεσιν αυτών ειχον έγραψα

10 δια τό Vlat M üller : τό δια A II 12 Λ ου κίου Corn. : Λ υκίου Α Viat Aid. Il 13 ά π ο θ έω σ ιν Ch. Ar. : ά π ό θ ε σ ιν A Vlat II 19 τ φ θεω A Viat : τον θ εό ν M üller II 21 έξ ή λ θ ε A : -θεν Vlat II 22 Κ όμ μ οδον Bas. : -μω δον A Vlat II 24 ν ο σ ή σ ε ιε A : -σ ε ιε ν Vlat II 27 ε τ ι τε A Vlat : ε ϊ τί τε Ch. Il 28 à ego sec. Ar. : om. A Vlat. Il π ε ρ ί A Vlat : έ π ε ι Corn. Il ε ίχ ο ν A Vlat : secl. Müller.

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SUR SES PROPRES LIVRES, III 8-12

et ce que j ’avais moi-même découvert ; et poursuivant encore mes recherches, ce que j ’avais découvert à cette occasion, je le consignai dans de nombreux écrits en m ’entraînant à résoudre de nombreux problèmes médi­ caux et philosophiques1. Mais la plupart de ces ouvrages furent détruits dans le grand incendie au cours duquel brûlèrent le Temple de la Paix ainsi que de nombreux autres! édifices2. 8 Et comme Antonin prolongea son séjouf au-dehors contre toute espérance, tout ce temps me permit de m ’exercer de façon tout à fait notable à l’écri­ ture. C’est ainsi que j ’ai complété mon ouvrage Sur Futi­ lité des parties en dix-sept livres et ajouté ce qui man­ quait au Sur les doctrines d ’Hippocrate et Platon 3. 9 έτι δε ζητών τινα των άνατομικών θεωρημάτων, α έδεδώκειν τώ Βοηθώ < .,.> * 10 του περί χρείας μορίων [πρώτον] έν τω δευτέρω δεδήλωται τους κινουντας τό αρθρον έκάστου δακτύλου μυς προσεξευρήσθαί μοι απαντας άγνοηθέντας άχρι πολλου, καθάπερ απασι τοις προ έμου. 11 Άνεβαλόμην δ’ έν έκείνη τή πραγματεία καί περί τής κινήσεως τών άνω βλεφάρων έρειν αυθις έπιδείξας έν αυτή τούτο μόνον, ώς αί λεγό­ μενοι πρός τινων ουκ είσίν αληθείς* οπότε δ' έμαυτόν τ’ έπεισα καί τούς άλλους, οις έδειξα, καί ταότην εύρήσθαί μοι καί τάλλα, δσα κατά τάς άνατομάς ή κακώς εϊρηται τοις έμπροσθεν ή δλως παραλέλειπται, τηνικαυτα ήδη καί τάς άνατομικάς έγχειρήσεις έγραψα* 12 φθασάντων δε τών περί χρείας μορίων εις πολλούς άφιχθαι σπουδαζομένων τε τοις ίατροίς σχεδόν άπασιν, όσοι την παλαιάν ιατρικήν μετεχειρί-6 6 ά ξιο λ ο γώ τα τα A V i a t -ωτάτην Ch. Il 9 post β ιβ λ ίο ις add. και Corn. Il τε Ch. : δέ Viat om. A II 10 έν δέκ α ego sec. Ar. : om. A in lac. Vlat in lac. Il < ...> om. A in lac. Viat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il 11-12 d -βοηθω non legitur in Ar. Il 12 < ...> om. A in lac. Viat in lac. uide gallicam uersionem ex Ar. Il τού ego : τό A Vlat secl. M üller II 13 πρ ώ το ν A Vlat : om. Ar. secl. M üller II έν τ φ δευτ έ ρ φ om. Ar. Il 15 ά πα ντας ά γνο η θ έντα ς Ch. : ά π α ντο ς ά γνο η θ έντο ς A Vlat II 18 αυθις A Vlat : είσ α ϋ θ ις M üller II 22-23 π α ρ α λ έλ ε ιπ τα ι Ch. : -πτο A Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, III 13-16

médecins qui s’intéressaient à l’ancienne médecine ainsi que des philosophes aristotéliciens dans la mesure où Aristote avait lui aussi composé ce genre d ’ouvrage1 — que des mauvaises langues inspirées par l’envie répandi­ rent dans la ville le bruit malveillant que, dans le désir de paraître de beaucoup supérieur à mes prédécesseurs, j ’avais fait état dans mes écrits de nombreux faits qui n ’étajent absolument pas observables lors de séances d’anatomie. De fait, il était à craindre que ces faits fus­ sent restés ignorés de tous2. 13 Pour ma part je traitais ces gens-là par le rire et le mépris, alors que mes amis indignés m ’adjuraient de faire publiquement éclater la vérité, dans quelque vaste lieu de conférence, sur les observations anatomiques mentionnées dans mes écrits. 14 Comme cependant je ne me laissai pas convaincre — j ’avais en effet désormais résolu de ne pas me soucier de l’opinion — , les mauvaises langues, estimant que c ’était par crainte d ’être convaincu d ’erreur et non pas mépris de leur bavardage que je faisais montre de magnanimité ne se privaient pas de railler en se rendant chaque jour au Temple de la Paix où, avant qu’il ne fût incendié3, avaient l’habitude de se rassembler tous ceux qui s’inté­ ressaient aux arts logiques. 15 Ayant donc cédé aux ins­ tances de mes amis4, et consacré plusieurs jours à démon­ trer publiquement que je n ’avais en rien menti et que de nombreux faits étaient restés ignorés de mes prédéces­ seurs, je rédigeai, également à leur demande, des notes sur ce que j ’avais démontré et exposé, notes que j ’intitu­ lai Sur les ignorances de Lycos en matière d'anatomie5 pour la raison suivante : 16 comme je m ’avançai pour démontrer que je n’avais en rien menti dans mes travaux

1. Galien pense vraisemblablement ici à des traités comme le Sur les parties des animaux d ’Aristote. 3. C ’est-à-dire avant 192. Sur cet incendie, voir supra c. III. 7.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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ζοντο, καί των φιλοσόφων τοίς α π’ Άριστοτέλους, επειδή κάκείνω I τοιαύτη t i s έγεγόνει πραγματεία, των 21 βασκάνων τινές υπό φθόνου την πόλιν έπλήρωσαν τής μοχθηρός φήμης, ως «ίνεκα τού δόξαι πάμπολυ τους έμπροσθεν ύπερβεβλήσθαι πολλά των I ούδ5 δλως φαι- 101 νομένων εν ταΐς άνατομαίς γράψαιμι* μη γόρ αν απαντας αυτά λαθειν. 13 Εγώ μεν ουν εγέλων τε καί κατεφρόνουν αυτών* άγανακτοΰντες δ* οί φίλοι παρεκόλουν με δημοσία δείξαι κατά τι των μεγάλων ακουστή ρίων τήν αλήθειαν των υπ* εμού γεγραμμένων ανατομικών θεωρημάτων. 14 Έπεί δ’ ουκ έπειθόμην — ήδη γάρ ούτως ειχον, ως μή πεφροντικέναι δόξης — , οίηθεντες οί βάσκανοι [έχειν] έξελελεγχθήναί με φοβουμενον, ου καταφρονοΰντα τής φλυαρίας αυτών προσποιεισθαί με μεγαλοφροσύνην, ουδέ του σκώπτειν άπείχοντο καθ’ έκάστην ημέραν εις τό τής Ειρήνης τέμενος άφικνουμενοι, καθ’ δ τι καί προ του καυθήναι πάσιν ήν έθος άθροίζεσθαι τοις τάς λογικάς τέχνας μεταχειριζομένοις. 15 Άναγκασθείς ουν υπό τών φίλων καί δείξας δημοσία πολλαις ήμέραις έμαυτόν μεν ουδέν έψευσμένον, ήγνοηκότας δε πολλά τούς έμπροσθεν, έγραψα παραΙκληθείς υπ’ αυτών υπομνήματα τών δειχθέντων τε 22 καί λεχθέντων, έπιγέγραπται δε ταυτα τών άγνοηθέντων τώ Αόκω κατά τάς άνατομάς διά τήνδε τήν αιτίαν* 16 οπότε προήλθον έπιδείξων εμαυτόν ούδεν έψευσμένον εν τοις ανατομικούς υπομνήμασιν, εις2

2 έ π ε ιδ ή — π ρ α γμ α τεία A Viat Aid. : ε π ε ιτ α π ε ρ ί έ κ είν ω ν τοια ΰτά τιν α γ έ γ ο ν έ μ οι Corn. II 3-4 τή ς μ ο χθ η ρ ά ς φ ή μ η ς Mtiller : είς μ ο χθ η ρ ά ς φ ήμ ας A Viat II 12 π ε φ ρ ο ν τικ έ ν α ι Λ : π εφ ο ρ τιVlat II τή ς Aid. : om. A Viat II 13 ε χ ε ιν A Viat : secl. Mtiller II έξελ ε λ ε γ χ θ ή ν α ί Viat : έ ξ ε λ ε γ χ - Aid. έ ξ ε λ ε χ - A II με Viat : om. A edd. II 17 κ α θ ’ ο τ ι Mtiller : κ α θ ό τι A Viat II ή ν A Viat Corn. : ουν Com. II 19 κ α ι A Viat Mavroudis : secl. Mtiller II 23 π ε ρ ί Mtiller : om. A Viat II 25-26 έμαυτόν ου δέν A : ού δεν έμ α υ τόν Viat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, III 17 - IV 1

d’anatomie, je déposai au milieu du public les livres exis­ tants de tous les auteurs d’anatomie et donnai à chacun des assistants la possibilité de proposer la partie qu’il voulait comme objet de dissection, après avoir offert de démontrer que, sur tous les points où je m ’étais trouvé en désaccord avec mes prédécesseurs, j ’avais écrit la vérité. 17 V on me proposa de traiter du thorax, et comme je commençais par les auteurs les plus anciens et prenais leurs' livres en main, certains médecins réputés, assis au premier rang, me demandèrent de ne pas perdre mon temps, mais étant donné que Lycos le Macédonien qui avait été le disciple de Quintos1, médecin expert en ana­ tomie, avait consigné dans ses écrits toutes les décou­ vertes faites jusqu’au temps de ses contemporains, de laisser les autres de côté pour comparer les seuls écrits de ce dernier aux miens. J ’accédai donc à leur demande et procédai de la sorte pour tous les sujets qu’il m ’était chaque jour proposé de traiter. 18 J’ai en effet été contraint d’exposer tous ces faits pour que ceux qui s’ap­ prêtent à lire un de mes ouvrages puissent bien voir, pour chacun, à quel âge je l’ai composé et pour quelle raison. Ils sauront en effet, d’après ces indications, distinguer d’une part les écrits imparfaits des productions achevées et d’autre part les écrits composés en vue de confondre les charlatans de ceux réservés à l’enseignement2. 19 Je fournirai également ces renseignements dans la suite de mon exposé si le besoin s’en fait sentir. Mais à présent ce sont ceux de mes écrits qui ont été conservés que je pré­ senterai en commençant par les ouvrages d’anatomie. IV. Les ouvrages consacrés à l’étude de l’anatomie. 1 En tête de ces ouvrages figure celui que j ’ai composé Sur les os pour les débutants3 ; lui font suite d ’autres livres pour les débutants comprenant, l ’un, YAnatomie

Γ Α Λ Η Ν Ο Υ Π Ε Ρ Ι Τ Ω Ν ΙΔ ΙΩ Ν Β ΙΒ Λ ΙΩ Ν

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τό μέσον ανέβηκα τά των ανατομικών απάντων βιβλία την εξουσίαν δούς έκάστω των παρόντων ό βούλεται μόριον άνατμηθήναι προβάλλειν επαγγειλάμενος δειξειν, δσα διεφώνησαν t o îs έμπροσθεν, αληθώς ύπ* εμού 5 γεγραμμένα. 17 Προβληθέντος δε θώρακος εμού τε την αρχήν από I τών παλαιοτάτων ποιουμένου προχειριζομένου τε τάς βίβλους αυτών, ήξίωσάν τινες τών αξιόλογων ιατρών εν προεδρία καθεζόμενοι μη κατατρίβειν με τον χρόνον, ά λλ’ επειδή Λύκος ό 10 Μακεδών, Κοΐντου μαθητής γεγονώς άνδρός άνατομικωτάτου, τα μέχρι τών καθ’ εαυτόν εύρη μένα πάντα έγραψεν, έάσαντα τους άλλους μόνα τά προς εκείνου γεγραμμένα τοίς έμοις άντεξετάσαΓ προσιέμενος ουν αυτών τήν άξίωσιν ούτως επί πάντων τών καθ’ έκάστην 15 ήμέραν προβαλλομένων έποίησα. 18 Πάντα δέ ταυτα διά t o u t ’ ήναγκάσθην είπειν, όπως ϊδωσιν οι μέλλοντες I άναγνώσεσθαί τι τών εμών, κατά τίνα τήν ήλικίαν έκαστον έγραψα καί κατά τίνα τήν αιτίαν* εκ τούτων γάρ εϊσονται τά τε ελλιπώς γεγραμμένα διορίξειν από 20 τών τελέως έξειργασμένων τά τε κατά τον προς τούς άλαζονευομένους έλεγχον από τών διδασκαλιών. 19 Έπισημανουμαι δε ταυτα καί διά τών έξης, εάν που γένηται χρεία* νυνί δέ τά διασωζόμενα τών ύπ’ εμού γραφέντων δηλώσω τήν αρχήν από τών ανατομικών 25 ποιησάμενος.

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IV. Περί τών κατά τήν ανατομικήν θεωρίαν. 1 Πρώτον μεν εν τούτοις έστί τό περί τών οστών τοίς είσαγομένοις γεγραμμένον, μετά τούτο δέ έστιν άλλα τοΐς είσαγομένοις βιβλία, τό μεν έτερον αυτών φλεβών 5 του M üller : om. A Viat. Il 12 έκ είν ο υ M üller : -νους A Viat II 13 π ρ ο σ ιέ μ ε ν ο ς Ch. : π ρ ο ιέμ ε ν ο ς A Viat II 27 έσ τί τό π ε ρ ί Viat : τό π ε ρ ί Bas. Corn, ότι πο τέ A Aid.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 2-4

des veines et des artères, l’autre, celle des nerfs1. Il existe en outre un autre livre qui, sous une forme abrégée, enseigne avec exactitude tout ce que j ’ai écrit sur les muscles dans mes Pratiques anatomiques2. 2 Pour celui qui voudrait, après l ’anatomie des os, aborder immédiate­ ment les Pratiques anatomiques, il est possible de passer outre l’anatomie des vaisseaux3 et des nerfs, tout comme également celle des muscles. Car tous les domaines de l ’anàtomie se trouvent consignés dans les Pratiques. 3 Le premier livre de cet ouvrage traite des muscles et des ligaments des membres supérieurs ; le deuxième des muscles et des ligaments des membres inférieurs ; le troi­ sième des nerfs et des vaisseaux dans les membres ; le quatrième des muscles qui font se mouvoir les mâchoires et les lèvres, tout comme de ceux qui font se mouvoir le menton, ainsi que la tête, le cou et les omoplates ; 4 le cinquième traite des muscles du thorax et de l’épigastre, ainsi que des muscles lombaires et rachidiens ; le sixième des organes de la nutrition, c’est-à-dire des intes­ tins, de l’estomac, du foie et de la rate, ainsi que des reins et de la vessie et de tous les autres organes en relation

1. Sur ces deux traités déjà cités plus haut, voir c. L 5. 2. Galien fait ici allusion à son traité Sur l'anatomie des muscles (De musculorum dissectione : Kühn XVIIIB, 926-1026 = I. Garofalo, Galien tome VII, Paris, CUF, 2005 ; trad. anglaise de Ch. M. Goss in Anatomical Record 145, 1963, p. 477-501) où il a résumé son ensei­ gnement plus développé dans les Pratiques anatomiques. Sur ce der­ nier ouvrage, voir supra c. III. 11. 3. Autre titre utilisé par Galien pour désigner son traité précédem ­ ment intitulé Sur l'anatomie des veines et des artères.

Γ Α Λ Η Ν Ο Υ Π Ε Ρ Ι Τ Ω Ν ΙΔ ΙΩ Ν Β ΙΒ Λ ΙΩ Ν

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τε καί αρτηριών ανατομήν περιέχον, τό 8ε έτερον νεύρων* εστι δε τι καί άλλο [μυών ανατομή] εν I συντόμω διδάσκον άπαντα ακριβώς, δσα κατά τάς άνατομικάς εγχειρήσεις γέγραπται π€ρί μυών. 2 Εί 8έ τις βούλοιτο μετά τήν τών οστών ανατομήν έπί τάς άνατομικάς έγχ€ΐρήσ€ΐς ευθέως έρχεσθαι, δυνατόν εστιν αυτώ παρελθειν τάς [περί] τών άγγείων τε καί νεύρων άνατομάς, ώσπερ γε καί τήν τών μυών* άπαντα I γάρ τά τής άνατομής εν ταΐς έγχειρήσεσι γέγραπται. 3 Τό μεν ουν πρώτον εν αυταις περί τών κατά τάς χειράς εστι μυών καί συνδέσμων, τό δε δεύτερον περί τών κατά τα σκέλη μυών καί συνδέσμων, τό δε τρίτον περί τών εν τοΐς κώλοις νεύρων καί άγγείων, τό δε τέταρτον περί τε τών τάς γνάθους καί τά χείλη κινούντων μυών καί περί τών τήν κάτω γένυν έτι τε τών τήν κεφαλήν καί τράχη­ λον ώμοπλάτας, 4 τό δε πέμπτον περί τών τού θώρακος μυών καί τών κατ’ έπιγάστριον καί τών ψοών καί τών ραχίτων, τό δε έκτον περί τών τής τροφής οργάνων, άπερ εστίν έντερα καί γαστήρ ήπαρ τε καί σπλήν καί νεφροί καί κύστις δσα τ’ άλλα συν τούτοις*

TEST. : 146, 9 — 147, 13 τό μ έν ουν π ρ ώ το ν — μορίω ν Α1Y a’qubi, H istoriae, ed. Th. Houtsma, Leiden, 1883, p. 131.23

2 μυών ά να τομ ή (-μην Viat) A Viat : secl. M üller om. Ar. II 3 δ ιδ ά σ κ ο ν M üller : -σκω ν A Vlat il 7 π ε ρ ί A Viat : secl. M üller II 10 α ύτα ΐς M üller : -το ΐς A Vlat II τά ς om. Vlat 1111 κ α ι σ υνδέσ μ ω ν om. Ya. Il 12-13 έν το ΐς κ ώ λο ις A Vlat Ar. : des mains et des pieds Ya. Il 13 post ά γ γ ε ίω ν add. et des artères Ya. Il 14 π ε ρ ί A Vlat : secl. M ül­ ler Il 15 pr. τώ ν Vlat sed iam Ch. Ar. Ya. : om. A II έ τ ι τε τώ ν A Vlat Ar. : en direction de (sc. έπ ί τε) Ya. Il 16 κ α ι Bas. Corn. : om. A Vlat Aid. Il ώ μ οπλά τα ς Corn. : ώ μοπλατ. A Vlat Aid. Il 17 έ π ιγ ά σ τρ ιο ν Vlat sed iam Bas. Corn. Ar. : έ π ί γ α σ τρ ι A Aid. om. Ya. Il ψ οώ ν Vlat sed iam Bas. : ψώων A Aid. ψ οίω ν Corn. Il 18 £ α χίτω ν ego (cf. i)α χ ίτ. Vlat) : £αχύτ. A Aid. ^ α χιτώ ν Corn. |5άχιν Bas. κα τά />άχιν Ch. Il 19 ά π ερ Ch. : δ π ε ρ A Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 5-12

avec ces derniers ; 5 le septième et le huitième compren­ nent Γ anatomie des parties relatives à la respiration, le septième traitant des parties du cœur, du poumon et des artères sur un cadavre ou chez un être encore vivant, et le huitième de celles du thorax dans son entier ; 6 le neuvième est consacré à l’anatomie du cerveau et de la moplle épinière ; le dixième à celle des yeux, de la langue, de l’œsophage et des parties qui s’y rattachent ; le dnzième à celle des parties du larynx1*, de l’os appelé hyoïde2, et des parties qui s’y rattachent, ainsi que des nerfs qui les innervent ; 7 le douzième traite de l’anato­ mie des artères et des veines ; le treizième de celle des nerfs issus du cerveau ; le quatorzième de celle des nerfs issus de la moelle épinière et le quinzième de celle des parties génitales. 8 Voilà donc les points nécessaires à l’étude de l ’anatomie. Mais outre ces points nécessaires, il en est d’autres d ’utiles et que j ’ai, eux aussi, consignés par écrit. 9 En ce qui regarde les livres d ’anatomie de Marinos3, au nombre de vingt, je les ai abrégés en quatre livres, tout comme la totalité de ceux de Lycos en deux livres4. Je vais indiquer pour chacun d ’eux les principaux points abordés. 10 La première partie de mon abrégé des. livres d ’anatomie de Marinos embrasse les six premiers : 11 dans le premier des six livres l’auteur a rédigé un prologue consacré à l ’étude de l ’anatomie dans son ensemble, suivi d ’un développement sur la peau, puis sur les poils, ensuite sur les ongles, les chairs, la graisse fine et la graisse compacte5 ; 12 dans le deuxième livre, il traite des glandes, des membranes et des enveloppes

1. Le substantif λ ά ρ υ γγα recouvre en grec à la fois ce que nous appelons le larynx et le pharynx. Les deux principaux chapitres consa­ crés à ce sujet dans les Pratiques anatomiques sont les chapitres 4 du livre XI et 6 du livre XIV. 5. Sur cette distinction entre graisse fine et graisse compacte, voir Aristote, Des parties des animaux II, 3.

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ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

5 τό δε έβδομον καί όγδοον τών πνευματικών μορίων ανατομήν περιέχει, τό μεν έβδομον των κατά την καρδίαν καί τον πνεύμονα καί τάς αρτηρίας τεθνεώτός τε και ζωντος ετι του ζώου, το οε ογοοον των καθ οΛον τον θώρακα* I 6 τό δε ένατον εγκεφάλου τε καί νωτιαίου 104 ανατομήν έχει, τό δε δέκατον οφθαλμών καί γλώττης καί στομάχου καί τών τούτοις συνεχών, τό δ’ ενδέκατον τών κατά I τον λάρυγγα καί τό καλουμενον υοειδές 25 όστουν καί τών συνεχών αύτοις έτι τών εις αυτά παραγινομένων νεύρων' 7 τό δε δωδέκατον αρτηριών καί φλεβών, τό δε τρισκαιδέκατον τών α π ’ εγκεφάλου νεύρων, τό δε τεσσαρεσκαιδέκατον τών από νωτιαίου, τό δε πεντεκαιδέκατον τών γεννητικών μορίων. 8 Τα μεν ουν άναγκαια τής ανατομικής θεωρίας ταΰτ’ έστίν, επί δε τοις άναγκαίοις άλλα χρήσιμα καί ταυτί γέγραπται. 9 Τών Μαρίνου βιβλίων ανατομικών εΐκοσιν όντων εν τέτταρσιν ήμετέροις επιτομή, καθάπερ καί τών Λύκου πάντων εν δυοιν' υπογράψω δ’ αυτών έκάστου τα κεφάλαια. 10 Κατά τήν πρώτην επιτομήν τών του Μαρίνου βιβλίων άνατομικών εξ [αυτού] τά πρώτα περιέχεταΓ 11 γράφει δ* εν μεν τώ πρώτω τών εξ τό προοίμιόν τής όλης θεωρίας, ειτα περί δέρματος, ειθ’ εξής περί τριχών, ειτα περί ονύχων καί σαρκών καί πιμελής καί στέατος' 12 έν δε τώ δευτέρω περί αδένων \

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TEST. : 146, 9 — 147, 13 το μέν ούν πρώτον — μορίων ΑΙYa’qubi, Historiae, ed. Th. Houtsma, Leiden, 1883, p. 131. - 150, 14 — 147, 22 ειτα — χειρός ακρας ALYa’qubi, Ibid., p. 131-132.*4

1-2 τό δέ έβδομον — π ερ ιέχει om. Ya. Il 3-4 και τον πνεύ­ μονα — ζφου A Vlat Ar. : om. Ya. II 3 post τεθνεώτός add. έτι A II 4 τών Corn. : τον A Vlat Aid. Il 5 ένατον A : έννα- Vlat II 8 υοει­ δές A Vlat : ύ- Muller II 9 τε Ch. : om. A Vlat. Il 16 εΐκοσιν A : -σι Vlat II 19 του Müller : τα A Vlat om. Ch. Il 20 βιβλίων Ch. : βιβλία A Vlat II εξ Ilberg Ar. : έξ A Vlat II αύτού A Vlat : secl. Ilberg.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 13-15

membraneuses ccomme par exemple le péricarde, l’enve­ loppe de l’estomac, des reins et du foie1, il traite> du péritoine, de la plèvre et du diaphragme2 ; 13 dans le troisième, des vaisseaux théoriquement observables, de l’anatomie des veines et des artères et si du sang est natu­ rellement contenu dans les artères3 ; 14 dans le qua­ trième, il s’interroge sur la fonction des artères, leur uti­ lité et l’origine de leur principe directeur, ainsi que sur les'autres recherches menées à leur sujet4 ; il est ensuite question des uretères5, du canal urinaire6, de l’ouraque7, des vaisseaux spermatiques, des vaisseaux, canaux et glandes biliaires8, des vaisseaux qui partent des glandes, de la trachée9, des vaisseaux mammaires qui contiennent le lait, des liquides répandus dans le coips et contenus par des vaisseaux10, et en quels lieux sont contenus quelles humeurs et quels liquides ; 15 dans le cinquième livre, il traite des parties11 de la tête en général, et en particulier des sutures, et assurément aussi des sutures et des sym­ physes de la face, de tous les os de la tête, de ses orifices et de ceux de la face12, de la mâchoire inférieure et de ses 1. À cet endroit la traduction arabe de Al-Ya’qubi utilisée par I. Garofalo dans ses « Note filologiche sull’anatomia di Galeno », ANRW II, 37. 2, Berlin, 1994, p. 1826, n. 377, ajoute la précision sui­ vante : « comme par exemple le péricarde, l’enveloppe de l’estomac, des reins et du foie » considérée par I. Garofalo comme une glose. Cependant la traduction de Hunain, indépendante de celle de Al Ya’qubi, mentionne les mêmes exemples au même endroit. Devant la concordance de la tradition arabe, j ’ai donc rétabli ce passage. · 2. Pour Galien, qui diffère sur ce point de Marinos, le diaphragme est un muscle, non une membrane, voir Pratiques anatomiques VIII, 2 (Kühn II, 657 = I. Garofalo, Napoli, 2000, p. 489, 26) ; sur la plèvre et le péritoine, voir Pratiques anatomiques V, 8 (Kühn II, 522 = I. Garo­ falo, Napoli, 2000, p. 323, 29-325, 6). 4. Comme par exemple si les artères ont une activité propre ou reçoivent leur mouvement du cœur. Quant à l ’origine de leur principe directeur, elle est en général située dans le cœur, bien que Dionysios d’Aigai rapporte certaines doxai selon lesquelles (voir K. Deichgraber, Die griechische Empirikerschule..., Berlin, 1930, p. 339) elle se situe­ rait dans le cervelet (44) comme pour les veines, dans le poumon (45), ou dans l’aorte abdominale (46).

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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καί υμένων καί υμενωδών χιτώνων < ........> περιτοναίου τε καί ύπεζωκότος καί διαφράγματος* 13 εν δε τω τρίτω περί των λόγω θεωρητών αγγείων καί φλεβών καί αρτηριών άνατοΙμής καί εί κατά φύσιν εν άρτηρίαις αιμα περιέχεται* 14 κατά δε το τέταρτον, τις ενέργεια αρτηριών καί τις χρεία καί ττόθεν άρχονται, καί τάλλα I ζητούμενα περί αυτών, ειθ’ έξης περί ουρη­ τήρων, περί ουρητικού πόρου καί ούράχου καί σπερ­ ματικών αγγείων καί χολωδών αγγείων καί πόρων καί αδένων καί περί τών από τών αδένων αγγείων καί περί βρόγχου καί περί τών κατά t o u s μασθους αγγείων, εν ois τό γάλα, καί περί τών εν τω σώματι κεχυμένων καί άγγείοις περιεχομένων καί τίν’ εν τίσι περιέχεται τών υγρών καί τών κεχυμένων, [καί περί τροφής]* 15 εν δε τω πέμπτω περί τών κατά την κεφαλήν, τών τ’ άλλων καί τών ραφών καί μέντοι καί τών κατά τό πρόσωπον ραφών τε καί συμφύσεων καί πάντων τών τή$ κεφα­ λής οστών καί περί τών κατ’ αυτήν τε καί τό πρόσω­ πον τρημάτων καί περί τής κάτω γνάθου καί τών

TEST. : 147, 22 — 150, 14 είτα — χειρός άκρας Al-Ya’qubi, Ibid., ρ. 131-132.1

1 om. A Viat uide gallicam translationem ex Ar. Ya. II και περί ego sec. Ar. Ya. : om. A Viat II 2 περιτοναίου A : περιτω- Viat II καί υπεζωκότος om. Ya. Il 3 λόγια θεωρητών om. Ya. Il 4 άνατομής Ch. : -μή A Viat II 4-5 καί εί — περιέχετα ι om. Ya. Il 5-6 τίς — χρεία om. Ya. Il άρτηριών Müller Ar. : -ρίας A Viat om. Ya. Il 7 τάλλα-αύτών om. Ya. Il 8 ουρητικού πόρου Gar. sec. Ar. Ya. : ουρητικών πόρων A Viat II 8-9 καί σπερματικών άγγείων om. Ya. Il 9 post πόρων add. le nez, les narines Ya. Il 10 pr. τώ ν...άγγείω ν Gar. sec. Ar. Ya. : τοΰ,.,άγγείου A Viat II 10-11 καί περί βρόγχου A Viat Ar. : suspex. Müller secl. Gar. om. Ya. Il 11 post βρόγχου add. et ce qui en part ainsi que des poumons Ya. Il 13 τ ίν ’ A : τίνα Viat II 14 καί περί τροφής A Viat : om. Ar. Ya. secl. ego II 15 post κεφαλήν add. des difformités Ar. Ya. I! 17-19 καί πάντων — τρημάτων om. Ya.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 16-18

orifices1 et de la question de savoir si elle présente une symphyse2 ; des dents, de Los proche de la tête de la tra­ chée3, et des parties qui en sont voisines et touchent aux amygdales4 ; 16 dans le sixième livre, il traite du rachis5, du sacrum, de la hanche, des côtes, du sternum, des omo­ plates, des acromions, des clavicules, de l’humérus, du cubitus, du radius, des os du poignet et des doigts, du fémur, des os cartilagineux des deux côtés du genou6, de la rotule, de la jambe, et des os du pied. 17 Le deuxième livre de notre commentaire consacré à l ’abrégé des connaissances anatomiques de Marinos rassemble les septième, huitième, neuvième et dixième livres de Marinos. 18 Les principaux points abordés dans le septième livre concernent les rapports du crâne avec les méninges et les autres membranes, les nerfs de la face en son entier, les muscles temporaux et masséters, les muscles qui aboutissent aux mâchoires et aux lèvres depuis les alvéoles des dents, les muscles des mâchoires, puis les 1. Sur les trous du crâne (και των κατ’ αύτήν τρημάτων) et la classification des différentes sortes de nerfs qui en sont issus, voir M. D. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doctrine médi­ cale... », AN RW II, 37. 2, Berlin, 1994, p. 1500. 2. Ce problème est en particulier débattu par Galien dans 1Q.Sur Vutilité des parties XI, 20 (Kühn III, 177). Voir Μ. T. May, Gaien On the Usefulness ofthe parts ofthe bodyy Ithaca-New York, 1968, p. 546 et la note. 3. Il s’agit de l’os appelé hyoïde, dont il a déjà été question précé­ demment (voir c. IV. 6). 4. I. Garofalo, « Note filologiche... », ANRW II, 37. 2, Berlin, 1994, p. 1827, n. 389, pense que Galien désigne ainsi les ligaments stylo-hyoïdiens. 5. Le manuscrit A a la leçon οσχεως qui a été corrigé par les édi­ teurs postérieurs en όσχέου (bourse des testicules), mais qui n’offre pas grand sens dans cette énumération consacrée aux parties osseuses du buste. I. Garofalo, « Note filologiche... », p. 1824, 1. 24 a donc corrigé à son tour le texte de A en όσφύος (partie du corps au-dessus des hanches, reins). Le manuscrit Vlat nous a cependant conservé la leçon (?>άχιος (le rachis) confirmée par la traduction arabe de Hunain et que j ’adopte ici. 6. Galien semble désigner ainsi les ménisques.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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κατ αυτήν τρημάτων και €ΐ εστι συμφυσις €ν αυτή, π€ρι τε των όδόντων καί του προσκειμένου τή κεφαλή του βρόγχου οστού καί των συν€χών αύτω των κατά τα παρίσθμια τεταμένων* 16 έν δέ τω έκτω περί τε ράχιος γράφει καί ίερου οστού καί ισχίου καί πλευρού καί I 27 στέρνων καί ωμοπλατών καί ακρωμίων καί περί κλει­ δών καί βραχίονος καί πήχεως καί κερκίδος οστών τε του καρπού καί τών δακτύλων καί περί μηρού καί τών εκατέρωθεν του γόνατος χονδρωδών οστών, περί τε τη s έπιγονατίδος καί περί κνήμης καί περί τών του ποδός οστών. 17 Έν δέ τω δευτέρω τών ήμετέρων υπομνη­ μάτων, ή τής ανατομικής Μαρίνου θεωρίας έστίν επιτομή, τό έβδομον καί όγδοον καί ένατον καί δέκατον περιέχεται I τών Μαρίνου βιβλίων* 18 κεφά- 106 λαια δε κατά μεν τό έβδομόν εστι περί τής τού κρανίου κοινωνίας προς τε τάς μήνιγγας καί τούς άλλους υμένας περί τε τών καθ’ όλον τό πρόσωπον νεύρων περί τε κροταφιτών μυών καί μασητήρων καί τών επί τάς γνάθους καί τα χείλη μυών από τών φατνίων καί τών κατά τάς γνάθους μυών, ειτα περί τών εντός τής

TEST. : 147, 22 — 150, 14 ειτα — χειρός άκρας Al-Ya’qubi, Ibid., ρ. 131-132.1

1 ει εστι σύμφυσις έν αύτή Vlatpc sed iam Corn. Ar. : εί εστι σύμφυσις έαυτή A Vlatac Aid. εί εστι σύμφυτος έαυτή Bas. et des dif­ formités Ya. il 3-4 και τών — τεταμένων om. Ya. il 3 αύτω Millier : αυτών A Viat II 4 ήάχιος Vlat Ar. : οσχεως A όσχέου Ch. όσφύος Gar. (sec. Ya.) Il 5 Ιερού Ch. sed iam Fich. (osse sacro) Ar. : έτέρου A Vlat II 7 πήχεω ς Ch. : πήχεος A Vlat II 9 έκατέρωθεν om. Ya. Il 9-11 περί τε τής — όστών Vlat Ar. : om. A edd. Il 12 έν φ Ch. : έν οίς Müller om. A Vlat II 14-15 κεφάλαια A : -λαιον Vlat II 15 έστι Vlat sed iam Müller : έτι A Aid. del. Corn. Il 19 τάς Vlat sed iam Ch. : τούς A II γνάθους Vlat sed iam Aid. : γρά- A II 19 — 150, 2 άπό τών — μυών A Vlat : om, Ar. Ya. secl. Gar. Il 19 — 150, 2 άπό τών — έκφύσεις om. Ar.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 19-21

muscles internes de la mâchoire inférieure ainsi que ceux qui l’entourent, à l ’exception des muscles masséters1, de ceux situés autour des attaches styloides2 et de ceux de la langue ; il est ensuite question de la langue et de ses muscles, et encore des muscles de l ’œil. 19 Le huitième livre de Marinos traite des principaux points suivants : la bouche, les lèvres, les dents, les gencives, la luette, le pharynx, l’épiglotte, les amygdales et les antiades3, le nez, les narines, les oreilles, le cou et les muscles du cou, les muscles autour des côtes, ceux situés sous la clavicule et la nature du cou4. 2 0 Dans le neuvième livre, il est question des muscles de la région du diaphragme, du rachis, des intercôtes, de l ’épigastre, et encore de ceux du bras, de l’omoplate, de l’avant-bras et de la main. 21 Dans le dixième livre, du bassin5 et des muscles qui l’entourent, des jambes et de leurs

1. La mention des muscles masséters (των μασητήρων) par le manuscrit Vlat a permis de corriger la leçon fautive και των μυκτήρων (et des narines) adoptée par tous les éditeurs. L ’absence de και devant των μασητήρων dans Vlat permet en outre de ponctuer diffé­ remment le texte grec en faisant porter χω ρίς non pas sur ce qui pré­ cède (comme l’a compris Mliller en introduisant une virgule après χωρίς) mais sur ce qui suit. Le fait que soient seuls énumérés ici « les muscles de la mâchoire inférieure ainsi que ceux qui l’entourent, à l’exception des muscles masséters, de ceux situés autour des attaches styloides et de ceux de la langue » (χωρίς των μασητήρων κ.τ.λ.) permet également de résoudre la difficulté liée à la mention répétitive de ces mêmes muscles de la langue dans la phrase qui suit (είτα περί γλώττης κ.τ.λ.), Marinos ayant choisi d’en différer le traitement après les muscles de la mâchoire inférieure. Sur les muscles de la langue, voir Galien, Sur Vutilité des parties XI, 10. 3. Par le mot « antiades » Galien désigne des « glandes de la gorge ». Marinos distinguait en effet entre les paristhmia (amygdales) et les antiades, cf. Rufus d ’Ephèse, Onom. 64 (éd. Kowalski, p. 40). 4. La tradition arabe (Hunain et Al-Ya’qubi) permet de restituer ce membre de phrase, mis entre crochets droits par Müller qui lisait : καί του υπό την πλευράν μυός, του υπό τήν κυλίδα καί περί τραχή­ λου φύσεως.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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κάτω γνάθου μυών των τε περί αυτήν χωρίς των μαση­ τήρων καί των περί τάς στυλοειδεις έκφυσεις καί τών κατά τήν γλώτταν, εΐτα περί γλώττης καί τών κατ’ αυτήν μυών ετι τ€ περί τών κατά τον οφθαλμόν μυών. 5 19 Έν δε τώ όγδόω τών τού Μαρίνου βιβλίων κεφάλαια ταυτ* εστί* π€ρί στόματος καί ττερί χ€ΐλών καί όδόντων καί ουλών καί κίοΙνος καί φαρυγγέθρου επι- 28 γλωττίδος τε καί παρίσθμιων καί άντιάδων καί ρινός καί μυκτήρων ώτων τε καί τραχήλου καί τών κατ’ αυτόν 10 μυών καί τών περί τάς πλ€υράς μυών, τών υπό τήν κλείδα καί περί τραχήλου φύσεως* 20 εν δε τώ ενάτω περί μυών τών κατά τε τάς φρενας καί τήν ράχιν καί τά μεσοπλεύρια καί τό επιγάστριον ετι τε περί τών τού βραχίονος καί τής ωμοπλάτης πήχεώς τε καί χειρός 15 ακρας, 21 εν δε τώ δεκάτω ισχίου καί τών περί αυτό μυών καί σκελών καί I τών κατ’ αυτά μυών 107

TEST. : 147, 22 — 150, 14 εΐτα — χειρός ακρας AI-Ya’qubi, Ibid., ρ. 131-132.*2

1-2 τών μασητήρων Viat : καί τών μυκτήρων A om. Ar. Ya. Il 2 στυλοειδεΐς ego sec. Vlat (στιλ-) : τής γλώττης Corn. sec. Fich. (de musculis juxta linguae exortus) τάς ύμενώδεις Müller de ... musculis qui circa earum alas sunt Caius om. A in lac. Ar. Ya. Aid. II έκφύσεις om. Viat II 3-4 εΐτα — ait. μυών A Viat Ya : om. Ar. II 6 έστί A : -τίν Viat II 7 φαρυγγέθρου Ch. : φαρυγέθρου A Viat II 10 καί τών περί τάς πλευράς μυών Gar. sec. Ya. idem ap. Ar. : καί του όπό τήν πλευράν μυός A Vlat secl. Müller II 10-11 καί τών — φύσεως A Viat Ar. Ya : secl. Müller II 10 τήν A : τή Vlat II 11 κλείδα Corn. Ar. Ya. : κυλίδ. A Vlat Aid. κυλίδα Müller κοιλίαν Bas. Il 12 τάς om. Vlat II 12-14 καί τήν |5άχιν — ώμοπλάτης om. Ya. Il 12 £άχιν Vlat sed iam Ch. : ήάχυν A £άχην Aid. Il καί τά Vlat sed iam Ch. : κατά A II 14 πήχεώ ς Vlat sed iam Ch. : πήχεός A II post πήχεώ ς lacunam susp. Gar. Il χειρός Bas. : χεΐρας A Vlat II 15 περί Corn. : om. A. Vlat Aid. Il Ισχίου coni, ego : πήχεώ ς Vlat πή χεος A Ar. τής κνήμης Müller II 16 αύτό ego : αότόν Vlat Ch. αύτήν A II περί Mül­ ler : om. A Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 22-27

muscles et de l’articulation du genou. 22 La troisième partie de mon abrégé est puisée dans les onzième, dou­ zième, ctreizième, quatorzième> et quinzième livres de Marinos. 23 Dans le onzième livre, Marinos a traité d ’un premier point intitulé1 « Si, quand on boit2, du liquide passe dans le poumon et si de l ’air passe dans l ’estomac quand on inspire et expire » ; et dans un deuxième point, il a traité de l ’œsophage, et ensuite de la trachée3, du pou­ mon^ du cœur et de la membrane du péricarde4. 24 Dans le douzième livre de son ouvrage, Marinos a traité du foie et de la vésicule biliaire qui s’y trouve insérée5, de la rate, de l ’estomac6et du mésentère. 25 Dans le treizième livre, il est d’abord question des intestins, puis des reins, de l ’uretère, de la vessie, de l’ouraque, du canal urinaire7, et après cela de la verge masculine, des organes génitaux féminins, de l ’utérus, des fœtus, des testicules que l ’on nomme didymes, et après eux des corps glanduleux8. 26 Dans le quatorzième livre, l’exposé porte sur l’anato­ mie de toutes les veines suprahépatiques. 27 Le quinzième 3. Les termes grecs στομάχου et βρόγχου utilisés ici par Marinos désignent respectivement Γ« œsophage » et la « trachée ». En grec en effet στομάχος évoque un découpage différent du nôtre, englobant sous la même appellation l ’œsophage et la première partie de l ’esto­ mac. Voir M. D. Grmek et D. Gourevitch, « Aux sources de la doc­ trine médicale... », ANRW II 37. 2, 1994, p. 1496, n. 9. 4. I. Garofalo, « Note filologiche... », ANRW II 37. 2, 1994, p. 1828, n. 403 avait déjà proposé de corriger l’expression redondante περικαρδίου θυμοΰ donnée par nos deux manuscrits en περικαρδίου θ’ υμένος, correction confirmée par la traduction arabe de Hunain et adoptée ici. 5. I. Garofalo, « Note filologiche... », p. 1825, 1. 56 a corrigé èv αύτφ en έπ3 αύτφ en supposant qu’il était vraisemblable que notre auteur ait mentionné d’abord le foie, puis la vésicule biliaire située « au-dessus » (έπ3 αύτφ), plutôt que la simple bile contenue dans le foie (έν αύτφ). Mais dans la mesure où, anatomiquement, la vésicule biliaire apparaît enfouie et comme dissimulée par le foie, nous avons préféré conserver le texte des manuscrits, en comprenant que notre auteur désignait ainsi la « vésicule biliaire insérée dans le foie ». 7. Il s’agit là de la reprise de sujets déjà en partie traités par Marinos à l’intérieur de son livre IV (c. IV. 14).

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καί άρθρου τοϋ κατά γόνυ* 22 ή 8έ τρίτη των έπιτομών έν τω ένδεκάτω τε καί δωδεκάτω καί πεντεκαιδεκάτω των τού Μαρίνου βιβλίων έστίν. 23 Έγραψε 8è Mapîvos έν μεν τω ένδεκάτω πρώτον μεν κεφάλαιον εί φέρεται τι από ποτών υγρόν εις πνεύμονα κατά τε τάς είσπνοάς καί Tas έκπνοάς €ΐς γαστέρα πνεύμα, δεύτερον δε περί στομάχου καί μετ’ αυτόν περί βρόγχου καί περί πνεύμονος καί καρδίας [καί] περικαρδίου Θ* ύμένος’ 24 κατά δε τό δωδέκατον τής εαυτού πραγματείας ό Μαρίνος έγραψε περί ήπατος καί τής έν αύτώ χολής καί περί σπληνός καί κοιλίας καί μεσεντερίου* 25 κατά δε τό τρισκαιδέκατον πρώτον περί έντέρων, I είτα περί 29 νεφρών καί ούρητήρος καί κύστεως καί όύράχου καί πόρου τοϋ ουρητικού καί μετά ταϋτα περί καυλοϋ άρρενος καί αιδοίου του [άρρενος καί] θηλείας καί περί μήτρας καί τών κυουμένων καί περί τών όρχεων, οϋς διδύμους ονομάζει, καί μετ’ αυτούς περί άδενοειδών' 26 έν 8έ τω τεσσαρεσκαιδεκάτω την ανατομήν τών άνω τοϋ ήπατος άπασών φλεβών έποιήσατο* 27 κατά δε τό πεν-2

2 έν τώ ένδεκάτω τε και δωδεκάτω ego : έν ια' τε καί ιβ ' A Viat τό ένδέκατόν τε καί δωδέκατον Müller II 2-3 τρισκαιδεκάτφ — ait. καί ego sec. Ar. sed iam τρισκαιδέκατον καί τεσσαρεσκαιδέκατον καί Müller sec. Fich. : om. A Vlat II 3 πεντεκαιδεκάτφ ego : ιε' A Vlat πεντεκαιδέκατον Müller II 5 πρώτον μέν κεφάλαιον Viat sed iam Schone3 : ά μέν κεφάλαια A ά μέν κεφάλ. Aid. κεφάλαια τάδε Corn, τά μέν κεφάλαια Ch. πρώτον μέν κεφάλαια Mavroudis secl. Müller II 5-6 άπό ποτών Corn. Ar. Schone3 : άπό νώτων A Viat Aid. αότόματον Gar. Il 6 τε A Viat : secl. Müller II post καί add. κατά Müller II 7 έκπνοάς Bas. in mg. Ar. : έδωδάς A Vlat Bas. I! πνεύμα A Vlat : πνεύματα Aid. Il 8 αότόν Ch. : αύτό A Vlat II 9 ait. καί A Vlat : secl. Gar. Il θ’ ύμενος Gar. cf. Ar. (membrane) sed iam ύμένος Corn, θυμού A Vlat Aid. Il 11 έγραψε A : -ψεν Vlat II έν A Vlat om. Ar. : έπ5 Gar.ll 13 πρώτον περί ego : πρώτον μέν περί Müller περί πρώτων A Vlat om. Ar. Il 16 ait. άρρενος καί A Vlat : om. Ar. secl. Gar.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 28-33

livre traite de la veine qui va du cœur au foie1et de toutes celles situées au-dessous du diaphragme, et après cela des artères de l’être vivant tout entier. 28 Le quatrième livre de mon abrégé comprend les cinq livres restants de Marinos après le quinzième, jusqu’au vingtième. 29 Sont abordés dans le seizième livre les recherches et les faits observables relatifs au cerveau, comme par exemple si un mouvement pulsatif y est présent et si l’air que nous res­ pirons y pénètre2, il est ensuite question de la moelle épi­ nière et des méninges. 30 Dans le dix-septième livre, l’exposé porte sur la fonction dirigeante du cerveau. 31 Dans le dix-huitième livre, il est question des actions volontaires, de la différence entre les nerfs selon les par­ ties, et de leurs origines respectives. 32 Dans le dix-neu­ vième livre, il est question des nerfs issus du cerveau, de l’odorat et de l’origine de cet organe des sens, des nerfs qui parviennent aux yeux qu’Hérophile et Eudème3 appellent canaux, ensuite4 des yeux eux-mêmes et encore ensuite des nerfs qui y aboutissent et assurent leurs mou­ vements ; et après cela des nerfs mous dont une partie, dit-il, est également constituée par les nerfs aboutissant autour du palais ; et après cela de leurs attaches touchant aux oreilles, ainsi que l’organe de la sensation relatif à celle-ci5. 33 Et quant au livre vingt, il y est question des 2. Ces questions sont également abordées par le Ps. Rufus d’Ephèse, Anatomie 4 et par Galien qui accepte le principe d’une respiration céré­ brale, implicite dans le Corpus hippocratique, mais écartée par Erasistrate (fr. 112 Garofalo, Pisa, 1988). 3. Sur Hérophile, célèbre anatomiste alexandrin du IIIe siècle av. n. è., voir le livre devenu classique d’H. von Staden, Herophilus. The Art o f Medicine in Early Alexandria, Cambridge University Press, 1989, et en particulier pour notre passage, voir T. 84 (p. 202-203) et le commentaire sur poros (p. 237-238), terme vraisemblablement utilisé par Hérophile pour désigner le nerf optique par rapport aux autres nerfs sensibles (ou mous) à distinguer des nerfs moteurs (ou durs). Sur l’ana­ tomiste Eudème, souvent cité par les auteurs anciens aux côtés d ’Hérophile dont il aurait été le maître et l’initiateur, voir H. von Staden, op. cit., p. 62-63.

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τεκαιδέκατον περί τε τή$ από καρδίας έπί ήπαρ φερομένης φλεβός καί των κάτω του διαφράγματος άπασών καί μετά ταυτα περί των καθ' δλον τό ζώον αρτηριών* 28 ή δέ τ€τάρτη των έπιτομών [κατά] τα λοιπά του I 108 Μαρίνου πέντ€ βιβλία μετά το πεντεκαιδέκατον, άχρι του εικοστού περιέχει* 29 γέγραπται δέ έν μέν τω έκκαιδεκάτω τά π€ρί του έγκ€φάλου ζητούμενα καί φαινόμενα, οιον εί σφυγμώδης έν αυτω κίνησις καί εί άναπνέομεν εις αυτόν, ειθ’ εξής περί νωτιαίου καί μηνίγγων* 30 έν δέ τω επτακαιδεκάτω περί κυριότητος έγκεφάλου τον λόγον έποιήσατο* 31 κατά δέ τό όγδοον καί δέκατον περί των κατά προαίρεσιν ένεργειών καί περί τής κατά μέρος διαφοράς των νεύρων καί πόθεν τινά έκπέφυκεν αυτών* 32 έν δέ τώt ένάτωV καί δεκάτωi I 30 I περί τών απ’ έγκεφάλου πεφυκότων νεύρων καί περί όσφρήσεως καί πόθεν άρχεται τό αισθητήριον αυτής καί περί τών έπί τούς οφθαλμούς νεύρων, ά καλούσιν Ήρόφιλός τε καί Ευδημος πόρους, ειτα περί τών οφθαλμών αυτών καπειτα νεύρων τών εις αυτούς ήκόντων ύφ456 ών κινούνται* καί μετά ταύτα περί τών μαλακών νεύρων ών μέρος είναι φησι καί τα περί τήν υπερώαν ή κοντά* καί μετά ταΰτα περί τών έπί τα ώτα έκφύσεων καί τού κατ’ αύτήν αισθητηρίου* 33 κατά τε

152, 18, 6 εΐτα — 156, 11 άνάγνωσίν έστιν def. Λ

4 κατά A Viat Aid. : καταγίγνεται περί Müller dei. Com. Il 5 post πεντεκαιδέκατον add. τό έκκαιδέκατον Müller II 6 π ερ ιέχει Viat sed iam Com. : περιεχ. A περιέχουσα Müller περιέω ν Aid. Il 6 μέν om. A II 9 άναπνέομεν A : -πνέωμεν Viat II 10-11 έν δέ τω — έποιήσατο om. Ar II 13 περί A Viat Aid. : dei. Com. II τής A1 Viat : τάς A II 14 τινά A Viat : τίνα Gar. II 16 όσφρήσεως Gad. Müller : τών Ρήσεων A Vlat τών φύσεων Aid. cœur Ar. Il αύτής A Vlat : -τών Vlatsl II 17-19 νεύρων — καπειτα om. Ar. Il 20-22 καί μετά ταΰτα — ήκοντα om. Ar. Il 23 καί — αισθητηρίου om. Ar.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 34-38

nerfs qui se rattachent à la partie inférieure du cerveau, de l ’attache de la moelle épinière, ainsi que des nerfs issus du cerveau et de la moelle épinière. 34 En ce qui concerne les livres dans lesquels j ’ai abrégé l’ouvrage d’anatomie de Lycos, au nombre de deux, le premier ren­ ferme l’abrégé de neuf livres de cet auteur : 35 du pre­ mier livre sur le cerveau, du deuxième livre sur les nerfs qui en sont issus ainsi que des méninges, du troisième livre sur ceux issus de la moelle épinière, du quatrième livre sur les nerfs oculaires et du cinquième livre sur la tête de la trachée1, du sixième livre à la suite sur le pou­ mon chez le mort, et après cela sur le poumon chez le vivant ; ainsi que sur le cœur pour le huitième livre et sur le diaphragme pour le neuvième livre. 36 Le deuxième livre de mon abrégé des livres anatomiques de Lycos ren­ ferme l’abrégé de dix des livres qui lui sont attribués : 37 du premier livre sur le foie ; du deuxième livre qu’il a consacré à l’anatomie de l ’épiplon et de la rate ; du troi­ sième livre sur le rein ; du quatrième livre sur la vessie et les parties génitales ; du cinquième livre sur l’utérus et du sixième livre sur l’utérus quand il y a eu conception, chez le mort ; du septième livre à la suite sur le fœtus vivant et ensuite du huitième livre sur le fœtus mort, et après cela sur les testicules, et ensuite sur les muscles2. 38 Ces livres renferment la partie nécessaire et utile de la science anatomique ; mais j ’ai également rédigé par surcroît d’autres ouvrages relatifs à la même science dont deux 1. Il a déjà été question (c. IV. 15) de la « tête de la trachée » à pro­ pos d’un os précisément décrit comme « proche de la tête de la tra­ chée » et qui doit être identifié avec l’os hyoïde cité plus haut (c. IV. 6). La tête de la trachée se situe donc pour Galien à la base de la langue, dans la région du larynx et dans une zone proche des amygdales. 2. Cet Epitomé de Galien nous permet de reconstituer ce que dut être le vaste ouvrage de Lycos aujourd’hui perdu et dont, jusqu’à une date récente, nous ignorions à peu près tout, y compris le nombre de livres qui le composaient. Fort heureusement, d ’abord la traduction arabe de Hunain, puis le texte grec conservé dans le manuscrit Vlatadon nous ont permis de rétablir cet important passage.

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τό εικοστόν περί των από τη s βάσεως του έγκεφάλου έκπεφυκοτών νεύρων ό λόγος έστίν αυτώ* καί περί τής Ικφύσεως του νωτιαίου καί περί των α π’ εγκεφάλου καί νωτιαίου. 34 Έν οις 8έ την του Λύκου ανατομικήν πραγματείαν έπετεμον έν 8ύο βιβλίοις, τό μεν πρώτον εννέα των έκείνου βιβλίων έπιτομήν έχει* 35 πρώτου μέν έγκεφάλου, δευτέρου δέ των απ’ αυτού τε καί των μηνίγγων νεύρων καί τρίτου των από του νωτιαίου καί των του οφθαλμού καί πέμπτου βρόγχου κεφαλής* έκτου δ’ έπ* αυτών πλεύμονος έπί τεθνεώτος ζώου καί μετ’ αυτό πλεύμονος έπί ζώντος ζώου* καρδίας δέ όγδοου καί διαφράγματος έννάτου. 36 Τό δέ δεύτερον τής έπιτομής τών Λύκου βιβλίων ανατο­ μικών περιέχει δέκα βιβλίων έπιτομήν αύτού τών έπιγεγραμμένων* 37 ήπατος μέν πρώτου, δευτέρου δε έν ω τήν ανατομήν έγραψεν έπίπλου καί σπληνός, καί τρί­ του νεφρού, καί τετάρτου κύστεως καί αιδοίου, καί πέμπτου μήτρας, καί έκτου τής έγκύμονος μήτρας έπί τεθνεώτος ζώου* έβδομου 8’ έπ’ αυτής έμβρύου ζώντος, ειτ’ ογδόου νεκρού τού έμβρύου καί μετά ταύτα τών όρχεων* ειτα μυών. 38 Έν τούτοις μέν ή αναγκαία τε καί χρήσιμος ανατομικής θεωρίας περιέχεται* γέγραπται δέ καί άλλα τής αυτής θεωρίας έκ περιουσίας ών έστι δύο μέν περί τής ανατομικής 152, 18 ειτα — 156, 11 άνάγνωσίν έστιν def. Λ5 5 έν ego : ήν Viat II 6 πρώτου ego : πρώτον Viat II 7 αύτοΰ ego : αύτών Viat II 8 τρίτου ego : -τον Viat II 9 τετάρτου ego sec. Ar. : om. Viat II πέμπτου βρόγχου ego : έ μβρόχου (sic) Viat II 11 μετ’ αύτό Viat : dans le septième livre Ar. Il 12 καρδίας Vlat : non legitur in Ar. Il όγδοου ego : -δόης Vlat II 13 δεύτερον ego : β' Vlat II 14 δέκα ego : δέ καί Vlat II 16 ante έπίπλου add. de la membrane qui est sur Vestomac et qui est appelée Ar. Il 20 και μετά ταύτα Vlat : dans le neuvième livre Ar. Il 21 ειτα Vlat : dans le dixième livre Ar. Il τών ego : om. Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IV 39 - V 2

livres Sur les controverses en anatomie , un livre Sur Γanatomie des morts et deux autres livres Sur Γanatomie des vivants1 ; à cette catégorie se rattache aussi le Sur la différence des parties homéomères 2. 39 En ce qui concerne l’anatomie d ’Hippocrate et d ’Érasistrate, j ’en ai parlé auparavant3. 40 Leur furent plus tard ajoutés, par surcroît, quatre livres Sur les ignorances de Lycos en matière d'anatomie 4* . Et plus tard j ’ai composé après cela deux livres sur mes controverses avec Lycos relatives à ses traités anatomiques5 et sur les fonctions et l’utilité des parties du corps6. Tels sont donc mes ouvrages de science anatomique qui enseignent, pour les parties du corps en question, quelle est la conformation de chacune. 41 Et leur fait suite l’exposé des facultés et de l’utilité de cha­ cune des parties contenu dans les livres cités ci-dessous. V. Dans quels livres sont exposées les fonctions et l’utilité des parties observées au cours de la dissection. 1 II existe trois livres Sur le mouvement du thorax et du poum on 7 comme je l’ai dit auparavant, ainsi que deux autres livres Sur les causes de la respiration 8 auxquels font suite quatre livres Sur la voix9. Se rattachent égale­ ment à cette catégorie de la science deux livres Sur le mouvement des m uscles 10 ; peut-être, en effet, en ce qui concerne ces mouvements, les facultés que l ’on nomme psychiques sont-elles impliquées. 2 Et j ’ai composé sur 1. Le premier de ces trois traités, connu sous le titre grec Π ερί τής άνατομικής διαφωνίας, aujourd’hui perdu, se composait de deux livres (voir Risala n° 24). Le Π ερί τεθνεώτων άνατομής en un livre (voir Risala n° 25) est perdu en grec, mais conservé en arabe (édition en préparation dans le CMG par I. Ormos). Le Π ερί ζώντων άνα­ τομής en deux livres (voir Risala n° 26) est perdu. Voir aussi Sur l *ordre de ses propres livres (c. IL 6). 2. Sur le Π ερί τής των όμοιομερών σωμάτων διαφοράς (titre complet en grec), conservé seulement en arabe, voir Hunain, Risala n° 33, ainsi que l’édition moderne de G. Strohmaier, Galeni De par­ tium homeomerium differentia libelli versio Arabica, CMG Suppl. Or. III, Berlin, 1970 (texte arabe et traduction allemande).

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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διαφωνίας j έν δέ περί τής των τεθνεώτων ανατομής καί δυο άλλα περί τής ανατομής των ζώντων* εκ τούτου δέ του γένους Ιστίν καί τό περί τής των ομοιομερών δια­ φοράς. 39 Περί δέ τής Ίπποκράτους καί Έρασιστράτου 5 ανατομής έμπροσθεν εΐρηταί μοι. 40 Προσετέθη δέ τουτοις ύστερον εκ περιουσίας περί των ήγνοημένων Λυκω κατά τάς άνατομάς βιβλία τέτταρα* καί τινα μετά ταΰτα ύστερον έγράφη δυο περί των διαπεφωνημενών μοι προς Λύκον εν τοις άνατομικοις συγγράμμασιν 10 περί τε τής των μορίων τοϋ σώματος ένεργείας τε καί χρείας* τής μέν ουν ανατομικής θεωρίας ταΰτ’ έστίν τα βιβλία διδάσκοντα τα μόρια του σώματος ταυτα τίνος έκαστον έστιν κατασκευής. 41 Έ πεται δ’ αύτοις ό περί των ενεργειών έκάστου καί χρείας λόγος εν τοίς ύπογε15 γραμμένοις βιβλίοις περιεχόμενος. V. Έν τίσι βιβλίοις περιέχονται τών κατά την ανατομήν φαινομένων μορίων αϊ τε ένεργείαι καί χρείαι. 1 Τρία μέν έστι περί θώρακος καί πνεύμονος κινή20 σεως < ω ς > πρόσθεν ειπον, άλλα δέ δύο περί τών τής αναπνοής αιτίων οίς έπεται τέτταρα τα περί φωνής* εκ τούτου δέ τοϋ γένους τής θεωρίας εστίν καί τα περί μυών κινήσεως δύο* σχεδόν γάρ έν τούτοις αί ψυχικαί καλούμενοι τών ένεργειών περιέχονται. 2 Τών φυσικών

152, 18 ε ΐτ α — 156, 11 άνάγνωσίν έστιν def. Λ1

1 post διαφωνίας add. chez les Anciens Ar. Il τεθνεώτων ego : θνεώτων Vlat il 4-5 Π ερί — μοι Viat : Et j ’ai mentionné que j ’ai composé six livres 0cinq livres Ar. in Risala) Sur l ’anatomie selon l ’opinion d ’Hippocrate et trois livres selon l ’opinion d ’Érasistrate Ar II 7 τέτταρα ego : δ' Vlat II 20 ώς ego : om. Vlat II 21 τέτταρα ego : δ' Vlat II 23 δύο ego : β' Vlat il σχεδόν ut uidetur Vlat. i

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GALIEN, SUR SES PROPRES LIVRES, V 4 - VI 3

les facultés naturelles trois livres intitulés Sur les facultés naturelles l, et aussi Contre la nouvelle 2. 3 À cette partie de la science se rattachent également le Sur Vutilité du pouls 3*,le livre Sur Γ utilité de la respiration* et le Si du sang est naturelle­ ment contenu dans les artères 5, et le Sur la faculté des médicaments purgatifs6, 4 ainsi que tout ce qui concerne la fohction dirigeante de l’âme et les principes qui nous dirigent dans l ’ouvrage Sur les doctrines d ’H ippo­ crate et de Platon en dix livres8. Et après tous ceux que j ’ai cités vient le Sur Vutilité des parties en dix-sept livres9. VI. Lectures nécessaires avant de juger de la méthode thérapeutique. 1 Appartient en premier lieu à ce domaine de la science le Sur les éléments selon Hippocrate 10 où il est démontré que le chaud, le froid, l’humide et le sec consti­ tuent les éléments communs issus des corps soumis à la génération et à la corruption. 2 Et si on les nomme à par­ tir de leur substance, ce sont la terre, le feu, l ’air et l’eau, tandis que les corps humains sont formés des éléments, le sang, le phlegme et les deux biles, de même également que les corps de tous les êtres faits de sang. 3 Au Sur les éléments selon Hippocrate , font suite les trois livres Sur

1. Sur le Π ερί φυσικών δυνάμεων (= Risala n° 13), en trois livres, voir Kühn II, 1-214 ; G. HeLmreich, SM III, Leipzig, 1893 ; A. J. Brock, Galen On the N attirai Faculties, Londres, 1916. Ce traité a vraisemblablement été rédigé entre 169 et 180 selon J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei...II », Rh. Mus. 47, 1892, p. 506. 2. Sur le titre de cet ouvrage Contre la nouvelle opinion sur la sécrétion des urines et les problèmes liés à son établissement, voir le Sur l ’ordre de ses propres livres c. IL 17 où il a déjà été cité et la note à cet endroit. 3. Sur le Π ερί χρείας σφυγμών (= Risala n° 41), en un livre, voir Kühn V, 149-180.

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8έ ενεργειών υπομνήματα τρία γέγραπταί μοι την έπιγραφήν έχοντα περί των φυσικών δυνάμεων καί μέντοι καί προς την καινήν δόξαν περί τής των ουρών διακρίσεως. 3 Έκ ταύτης τής θεωρίας εστί καί τό περί χρείας '£ 5 σφυγμών καί τό περί χρείας αναπνοής βιβλίον καί τό περί του εί κατά φυσιν εν άρτηρίαις αιμα περιεχεται καί τό περί τής τών καθαιρόντων φαρμάκων δυνάμεως* 4 δσα δε περί τε ψυχής ήγεμονικου καί τών διοικουσών αρχών ήμάς < ...> κατά την περί τών Ίπποκράτους καί ! ι° Πλάτωνος δογμάτων πραγματείαν εν δέκα βιβλίοις. Έ πεται δε τοίς είρημένοις απασιν τά περί χρείας ! μορίων επτά καί δέκα. ? &

VI. !

Περί τών αναγκαίων προ έγνώσθαι τής θεραπευτικής μεθόδου.

1 Πρώτον τής θεωρίας ταυτης εστίν τό περί τών καθ’ Ίπποκράτην στοιχείων εν ω δείκνυται τό θερμόν καί τό ψυχρόν υγρόν τε καί ξηρόν άπό τών σωμάτων δσα γενέσιν έχει καί φθοράν υπάρχοντα κοινά στοιχεία* 2 κατά δε τάς ούσίας όνομαζόντων αυτά, γή καί πυρ έστίν αήρ τε καί ϋδωρ, ανθρώπου σώματα τα στοιχεία τό τε αΐμα καί τό φλέγμα καί δυο χολαί καθάπερ γε καί τών έναίμων άπάντων ζώων. 3 Τώ δε περί τών καθ’ Ίππο­ κράτην στοιχείων έπεται τά περί κράσεων τρία, του 152, 18 ειτα — 156, 11 άνάγνωσίν έστιν def. Λ1 1 τρία ego : γ ' Viat II 3-4 δόξαν — 6ιακρ]ίσεως ego sec. De ordine librorum suorum c. II. 17 : opinion à propos de la différencia­ tion des du sang Ar. non legitur Viat II 5-6 άναπνοής — περί ego sec. Ar. : non legitur Viat II 7 καθαιρόντων — δυνάμεως ego sec. Ar. : non legitur Viat II 8 ήγεμονικου ego sec. Ar. : non legitur Viat II 9 post ήμάς add. et ce sont la fantaisie, Γintellect et la mémoire Ar. Il non legitur Vlat lac. Ar. il 12 έπτά και δέκα ego : ιζ' Viat II 21 post χολαί add. la jaune et la noire Ar. Il 23 τρία ego : y' Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, VI 4-8

les tempéramentsl, le troisième livre sur les tempéra­ ments portant sur les tempéraments des médicaments, aussi est-il nécessaire de les aborder conjointement avec les livres Sur la faculté des médicaments simples, au nombre de onze2. 4 Si quelqu’un, après avoir lu les deux premiers livres du Sur les tempéraments, veut lire plus tard de contenu du troisième livre et celui du Sur les médicaments simples en les laissant de côté, cela lui est également possible3. 5 Après les deux premiers livres Sur les tempéraments, il est également possible de lire ceci : le Sur la meilleure constitution physique, le Sur le bon état du corps et le Sur les irrégularités du tempérament mal tempéré4. 6 Après la lecture des livres précédemment cités, intervient le Sur la différence des maladies et celui Sur la différence des symptômes5. 7 Fait suite au Sur la différence des maladies l’ouvrage en un livre où sont enseignées les causes de celles-ci67,et au Sur la différence des symptômes celui en trois livres Sur les causes des symptômes1, lui-même suivi du Sur les lieux affectés8. 8 Le Sur les moments opportuns dans les maladies fait partie des écrits qui ont précédé mon ouvrage de théra­ peutique9, au même titre que le Sur la différence des fièvres10, le Sur la pléthoren , le Sur les tumeurs contre nature12 ou encore le Sur les causes procatarctiques aux­ quels il faut ajouter le Sur les causes synectiques13, le Sur la palpitation, le frisson, le tremblement et le spasme14, ainsi que le traité intitulé Art médical15. 1. Sur le Π ερί κράσεων (= Risala n° 12), en trois livres, voir Kühn I, 509-694 ; G. Helmreich, Leipzig, 1904. J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei... II », Rh. Mus. 47,1892, p. 504 et 513, place la rédac­ tion de ce traité au début du second séjour romain de Galien, en 169 ou peu après. Sur Tordre de lecture recommandé ici, concernant le troi­ sième livre du Sur les tempéraments, voir Sur Vordre de ses propres livres c. il. 10-12 où Galien donne déjà des conseils assez proches. Voir aussi le catalogue final de YArt médical c. XXXVII.7 (éd. V. Boudon, Paris, CUF, 2000, p. 388, 9 sqq.). 6. Sur le De morborum causis, voir Kühn VII, 1-41. 7. Sur le De symptomatum causis, voir Kühn VII, 85-272.

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τρίτου TT€pi κράσεων τάς έν τοις φαρμάκοις κράσεις διηγουμένου* συνάπτειν 8’ αυτοί ς άναγκαιόν ί έστιν έν καί δέκα τα περί τής των άπλών φαρμάκων δυνάμεως. 4 Εϊ τις τα δύο περί κράσεων άναγνοός τα πρώτα, την τ€ του τρίτου καί την των άττλών φαρμάκων πραγμα­ τείαν έθέλοι τταραλιιτών ύστερον άναγνώναι, δυνατόν αύτω καί τούτο. 5 Μετά τα περί κράσ€ων δυο τα ττρώτα καί τούτο άναγινώσκειν έγχωρεί, το τ€ περί τής άρίστης κατασκευής του σώματος καί τό περί τής ευεξίας καί τό περί τής ανωμάλου δυσκρασίας. 6 Μετά την τών προγεγραμμένων άνάγνωσίν έστιν τό περί τής τών νοσημάτων διαφοράς καί τό περί τής τών συμπτωμάτων. 7 Έ πεται δε τώ περί τής τών νοση­ μάτων διαφοράς τό τάς αιτίας τούτων διδάσκον εν βιβλίον, τώ δε περί τής τών συμπτωμάτων διαφοράς τα περί τών έν τοις συμπτώμασιν αιτιών τρία καί τούτοις τα περί τών πεπονθότων τόπων. 8 Καί τό περί τών εν ταις νόσοις καιρών εκ τών προηγουμένων τής θεραπευ­ τικής πραγματείας έστί καί τα περί τής τών πυρετών διαφοράς τό τε περί πλήθους καί τό περί τών παρά φύσιν όγκων έτι τε τό περί τών προκαταρκτικών αίτιων καί προς τούτοις τό περί I τών συνεκτικών καί τό περί 109 παλμού καί ρίγους καί τρόμου καί σπασμού καί τό επιγεγραμμένον τέχνη ιατρική.

152, 18 είχα — 156, 11 άνάγνωσίν έστιν def. Λ1

1 τρίτου ego : γ ' Viat II κράσεις ego : κράσεων Viat II 2 διηγου­ μένου ego : -μένους Viat II τ ego : non legitur Viat II 2-3 έ'ν και δέκα ego : ια' Viat II 3 τών ego : non legitur Viat II 7 Μετά ego : non legitur Viat II 13-15 τω ...τφ Ch. : τό.,.τό A Viat II 14 τούτων A : αύτών Viat II 16 τρία A : y' Viat II 17 Και τό Viat : Τό A Τό δέ Mill­ ier Il 19 έστι A : -τιν Viat II τα Müller : τό A Viat II 23 παλμού και ρίγους και τρόμου και σπασμού ego sec. Ar. : τρόμου και ρίγους καί παλμού καί σπασμού A Viat τρόμου καί παλμού καί ρίγους καί σπασμού Müller.

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SUR SES PROPRES LIVRES, VII 1-5 VII. Les écrits thérapeutiques.

1 II existe quatorze livres consacrés à la Méthode thé­ rapeutique, deux livres d’écrits thérapeutiques À Glaucon et trois sur la saignée : le premier contre Erasistrate, le deuxième contre les Érasistratéens de Rome auxquels s’ajoute un troisième livre de thérapeutique consacré à mon§ opinion sur le sujet1. 2 Appartient également aux écrità thérapeutiques le Sur le marasme2. J ’avais fait don à un de mes amis d’un petit opuscule qui est à présent tombé entre de nombreuses mains et dont j ’ai récupéré une copie sous le titre : Conseil pour un enfant épilep­ tique3, qui fait partie de mon œuvre thérapeutique. 3 On pourrait aussi y inclure le Sur les facultés des aliments4, en trois livres, le Sur le régime amaigrissant5 et le Sur les bons et mauvais sucs6. 4 Mériteraient non moins que les précédents de figurer dans mon œuvre thérapeutique les livres Sur les conceptions d'Erasistrate en matière de thérapeutique1. 5 Le Sur le régime d'Hippocrate dans les maladies aiguës8 pourrait également trouver place à leur côté, mais pourrait aussi être rangé parmi les commen­ taires consacrés aux écrits hippocratiques qui contiennent de très nombreuses observations relatives à la thérapeu­ tique, comme au diagnostic ou au pronostic.

1. Galien désigne ici successivement le De methodo medendi (Kühn X, 1-1021), en quatorze livres, et le Ad Glauconem de methodo medendi (Kühn XI, 1-146), en deux livres. Les trois livres consacrés ensuite à la saignée sont, dans Tordre, le De venae sectione adversus Erasistratum (Kühn XI, 147-186), le De venae sectione adversus Erasistrateos Romae degentes (Kühn XI, 187-249) et le De curandi ratione per venae sectionem (Kühn XI, 250-316) où Galien expose ses convictions personnelles sur la saignée. Galien fera de nouveau allu­ sion aux deux premiers traités sur la saignée à T intérieur du c. X. 2 consacré aux écrits dirigés contre Erasistrate. 2. Sur le De marasmo, voir Kühn VII, 766-704. 4. Sur le De alimentorum facultatibus, en trois livres, voir Kühn VI, 453-748 ; G. Helmreich, CMG V 4, 2, Leipzig-Berlin, 1923.

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VII. Τα θεραπευτικά. 1 Τεσσαρεσκαίδεκά είσι μεθόδου θεραπευτικής* δυο δέ των προς Γλαύκωνα θεραπευτικών καί τρία I περί φλεβοτομίας, τό μεν πρώτον προς Έρασίστρατον, τό δέ δεύτερον προς t o u s έν 'Ρώμη Έρασιστρατείους, τρίτον δ’ επ’ αύτοΐ$ άλλο κατά τήν ήμετέραν γνώμην συγκείμενον θεραπευτικόν* 2 έστι δέ καί τό περί μαρασ­ μού τών θεραπευτικών* έδόθη δέ τινι φίλων βιβλίδιον μικρόν, ου νυν εις πολλούς εκπεσόντος έλαβον [τό] άντίγραφον έχον επιγραφήν υποθήκη παιδίω έπιλήπτω, τής θεραπευτικής πραγματείας. 3 Θείη δ* αν τις καί τα περί τών εν ταΐς τροφαίς δυνάμεων τρία καί τό περί τής λεπτυνούσης διαίτης καί τό περί εύχυμίας καί κακοχυμίας. 4 Ούδέν ήττον τών προειρημένων τής θεραπευτικής πραγματείας εϊη αν καί τα περί τών Έρασιστράτου θεραπευτικών λογισμών [καί τώ Γλαύκωνι τώ φιλοσοφώ δοθέντα δύο], 5 Τό δέ περί τής Ίπποκρά­ τους διαίτης επί τών οξέων νοσημάτων ταχθείη μέν αν καί μετά τούτων, ταχθείη δ* αν καί μετά τών εις Ίπποκράτους γεγονότων υπομνημάτων, εν οις πάμπολλα περιέχεται θεραπευτικά θεωρήματα, καθάπερ γε καί διαγνωστικά καί προγνωστικά. I

1 είσι Λ : -σιν Viat II θεραπευτικής* δύο δε A Viat : θεραπευ­ τικής δύο τε Aid. edd. Il 5 δεύτερον A : βον Viat II 9 τό A Viat : secl. Müller II 10-11 παιδίω έπιλήπτφ Miiller Ar. : παιδιών έπιλήπτων A Viat II 11 post τις add. αυτής Müller II 12 τα Ch. : τό A Viat II τρία A : y' Viat II 14 δ5 Müller : om. A Viat II 16 post λογισμών add. en cinq livres Ar. Il 16-17 καί τφ — δύο A Viat : secl. Müller om. Ar. Il 19 τα Ch. : om. A Viat II 20 γεγονότων όπομνημάτων Ch. : γεγονότ. ύπομνημάτ. Viat γεγονότα ύπομνήματα A II 22 διαγνω­ στικά Viat sed iam Ch. Ar. : διαπρογνωστικά A Aid. διαφυλακτικά και διαγνωστικά Corn.

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SUR SES PROPRES LIVRES, VIII 1-4

VIII. Quels livres sont consacrés à l’étude du pronostic. 1 En premier lieu, il y a trois livres Sur les jours cri­ tiques,, auxquels s’ajoutent, en second lieu, trois livres Sur les crisesl, puis mon ouvrage Sur le pouls qui, en premier lieu, comprend quatre livres Sur les différences du pouls, une deuxième partie en autant de livres Sur le diagnostic par le pouls, une troisième partie à la suite d’égàle étendue Sur les causes du pouls et une quatrième Sur le pronostic par le pouls , le tout en seize livres2 ; et, indépendamment de ces derniers, le Sur Vutilité du pouls et le Sur le pouls rédigé à l’usage des débutants3. 2 À propos de ce livre, certains ont cher­ ché à savoir pourquoi il n ’y était pas question du pouls propre aux cas de fièvres. Nous leur avons répondu que cet examen dépassait les débutants, car il exigeait une vaste recherche ; mais nous nous sommes contenté d ’in­ diquer au début de ce livre que deux opinions s’étaient formées chez les médecins, l’une chez ceux qui esti­ maient percevoir la systole des artères, la seconde chez ceux qui déclaraient qu’elle était imperceptible, et nous jugions bon que le débutant s’entraîne en se rangeant d’abord à l’opinion la plus simple selon laquelle la sys­ tole est imperceptible. 3 En accord avec cette école, nous nous sommes convaincus que le pouls ne présentait aucun signe propre à la fièvre, mais selon l’autre école que j ’ai mentionnée dans mon grand ouvrage en seize livres, le signe en question a été signalé. 4 Mais ce sont ceux qui n ’ont pas étudié auprès de maîtres, tels des pilotes, comme dit le proverbe, qui navigueraient d ’après un livre, qui se livrent à de telles recherches4. Pour moi,

1. Sur le De diebus decretoriis, en trois livres (Kühn IX, 769-941) et le De crisibus, également en trois livres (Kühn IX, 550-768), voir aussi le Sur Vordre de ses propres livres c. IL 21. 2. Sur cet ensemble de traités sur le pouls déjà cités dans le Sur l ’ordre de ses propres livres c. II. 22, voir la note à cet endroit.

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VIII. Ποια τής προγνωστικής θεωρίας βιβλία. 1 Πρώτα μέν έστι τρία περί κρίσιμων ήμερών, δεύ­ τερα δ’ επ’ αύτοίς τρία περί κρίσεων, ειτα ή περί των σφυγμών πραγματεία, καθ’ ήν πρώτα μέν έστι τέτταρα περί τής διαφοράς αύτών, δεύτερα δ* άλλα τοσαύτα περί τής διαγνώσεως, καί τρίτον προς αύτοίς ίσα τον αριθμόν περί τών εν αύτοΐς αίτιων καί τέταρτον περί τής δι* αυτών προγνώσεως , έκκαίδεκα τα πάντα, καί χωρίς αυτών [έξωθεν] τό περί χρείας σφυγ­ μών καί τό περί σφυγμών τοίς είσαγομένοις γεγραμμένον* 2 έν ώ τινες εζήτησαν, διά τί τών πυρεττόντων ό ίδιος ουκ εϊρηται σφυγμός* οις άπεκρινάμεθα μείζον ή κατά τους είσαγομένους είναι τό σκέμμα μεγάλης ζητήσεως τετευχός. άλλα τό γε τοσοΰτον εϊρηται κατά την αρχήν του βιβλίου τούτου, δύο δόξας γεγονέναι τοίς ίατροίς, την μεν έτέραν τών ή γουμένων αίσθάνεσθαι καί τής συστολής τών αρτηριών, την δε δευτέραν τών άναίσθητον αύτήν είναι λεγόντων, ή ξ ιού μέν τε τον είσαγόμενον επί τής ραονος πρότερον γυμνάσασθαι, καθ’ ήν αναίσθητος ή συστολή γίγνεται. 3 Κατά ταύτην δε την αϊρεσιν ημείς έπεπείσμεθα πυρείτου σημείον 33 ίδιον έν σφυγμοίς ούδεν είναι, κατά δε την ετέραν, ήν έν τή μεγάλη πραγματεία τών έκκαίδεκα βιβλίων έγραψα, λέλεκται τό σημείον. 4 Ά λ λ ’ οί μη μαθόντες παρά διδασκάλοις, έοικότες δε κατά την παροιμίαν τοίς εκ βιβλίου κυβερνήταις τοιαυτα ζητοΟσιν* εμοί δέ καί I κατ’ 111

2-3 δεύτερον A : ~ρα Viat II 3 τρία Λ : γ ' Viat II 4 έστι Λ : -τιν Viat II τέτταρα Λ ; δ' Viat II 5 δεύτερα Viat : -ρον A II 8 τέτταρα Müller Ar. : om. A Viat II 9 έξωθεν A Viat : secl. Müller II 10-11 και τό — γεγραμμένον om. Ar. Il 10 και τό περί σφυγμών Viat : om. A Ar. Il 12 μειζον ή Aid. : μείζονι A Viat II 14 τετευχός Ch. : -χώς A Viat II 15 δόξας Ch. : δείξας A Viat II 20 γίγνεται A : λέγεται Viat II 24-25 τό σημείον — έοικότες om. Viat II 25 έοικότες Com. : έθικότες A Aid. om. Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, VIII 5 - IX 2

dès le début, j ’ai dit qu’enseigner à des débutants était une chose et enseigner à des gens parfaitement formés dans toutes les matières en était une autre1. 5 J ’ai pour ma part encore composé, en un seul livre, la Synopsis de mes seize livres2. 6 En dehors de tous ces écrits, il y a huit livres consacrés au commentaire et à la critique de l ’ouvrage d ’Archigène Sur le pouls3. Dans cette branche de l ’art, pourrait également figurer le Sur la dyspnée en trois livres4. IX. Les commentaires hippocratiques.56* 1 Je n’avais pas envisagé que le grand public vînt à posséder aucun écrit dont j ’avais fait don à des amis, et en particulier aucun de mes écrits exégétiques sur les trai­ tés hippocratiques. Car au départ, c ’est à titre d’entraîne­ ment personnel que j ’ai écrit des commentaires à ces trai­ tés, tout comme je l’ai fait pour chacune des parties de l’étude de la médecine dans son ensemble, établissant pour moi-même ce offrant d’embrasser tous les dévelop­ pements d ’Hippocrate sur l ’art médical offrant un ensei­ gnement à la fois clair et pleinement élaboré. 2 C ’est en effet à usage privé que j ’ai écrit Sur les jours critiques selon Vopinion d'Hippocrate ; c’est à usage privé que j ’ai écrit Sur les crises6 ; c ’est à usage privé que j ’ai écrit Sur la dyspnée7 et sur chacun des autres sujets ; et toute la Méthode thérapeutique8, c ’est à ce même titre que je l’ai rédigée en quatorze livres, ainsi, en plus, que tous mes ouvrages thérapeutiques. 3 Mais alors que j ’avais 1. Voir le Prologue 9 sqq. 2. Voir la Synopsis de pulsibus (Kiihn IX, 431-549). Il se peut cependant que le traité conservé dans Kühn ne soit pas authentique. 4. Sur le De difficultate respirationis, en trois livres, voir Kühn VII, 753-960. 6. Sur le De diebus decretoriis et le De crisibus, tous les deux en trois livres et déjà cités, voir c. VIII. 1. Galien donne ici un titre plus complet que précédemment pour le De diebus decretoriis puisqu’il ajoute « selon l ’opinion d ’Hippocrate ».

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άρχα$ εΐρηται την μέν των είσαγομένων διδασκαλίαν έτέραν είναι, την δέ των έκδιδασκομένων άπαντα τελέως ετέραν' 5 γέγονε δ" ουν μοι καί άλλο τι βιβλίον €ν, εν φ την σύνοψιν έποιησάμην των έκκαίδεκα 5 βιβλίων* 6 έξωθεν δέ τούτων απάντων έστίν οκτώ βιβλία τής ’Α ρχιγένους περί σφυγμών πραγματείας έξήγησιν τε καί κρίσιν έχοντα’ εκ τούτου του μέρους τής τέχνης θείη αν τις καί τα περί δύσπνοιας τρία. IX. Περί των Ίπποκρατείων υπομνημάτων. ίο

1 Οΰτ’ άλλο τι των υπ’ εμού δοθέντων φίλοις ήλπισα πολλούς έξειν οΰτε τά των Ίπποκρατείων συγγραμ­ μάτων εξηγητικά* την αρχήν γάρ έμαυτόν γυμνάζων εγεγράφην, εις αύτά ποθ’ υπομνήματα, καθάπερ εποίησα τής ιατρικής θεωρίας άπάσης καθ’ έκαστον μέρος 15 έμαυτω παίρασκευάσας οις άπαντα τά κατά τήν 34 ιατρικήν τέχνην υφ’ Ίπποκράτους είρημένα περιέχεται διδασκαλίαν έχοντα σαφή τε άμα καί παντοίως έξειργασμένην* 2 ιδία μέν γάρ περί κρίσιμων ήμερων έγραφα κατά τήν Ίπποκράτους γνώμην, ιδία δέ περί κρίσεων, 20 ίδια δέ περί δύσπνοιας έκάστου τε των άλλων, ολην τε τήν θεραπευτικήν μέθοδον ωσαύτως εν τέσσαρσι καί δέκα βιβλίοις έποιησάμην, άπαντα τά θεραπευ­ τικά καί προς αύτοίς [ταύτην], ά κατά τήν εκείνου1 1 άρχάς Viat sed iam Müller Ar. : άλλα Corn, non legitur A Aid. in lac. Il 3 γέγονε A : -νεν Viat II 5 όκτώ A : η ' Viat II 7 κρίσιν ego sec. Ar. : χρήσιν A Viat II 8 θείη άν τις Müller : άν τις θείη A Viat II 11-12 συγγραμμάτων Viat sed iam Müller -γράμματα A II 12 έμαυτόν Corn. Ar. : αυτόν ούδέν A Aid. ουδέν αύτόν Vlat αυ­ τών ούδέν Ch. ούδέν Müller et add. post προς έκδοσιν άλλ* έμαυ­ τόν II 13 έγεγράφην Viat : έγράφην A έγεγράφειν Müller II 15 οίς A : αίς Viat II 22-23 άπαντα δέ (δέ add. Corn.) τά θεραπευτικά A Viat Ar. Aid. : secl. Müller II 23-160, 1 καί προς αύτοΐς ταύτην (ταύτην dei. ego) ά (ά del. Corn.) — γνώμην A Vlat Aid. Corn. : om. Ar. secl. Müller.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IX 3-8

une connaissance qui n ’était pas mauvaise des explica­ tions portant sur chacun des mots d ’Hippocrate déjà rédi­ gées par nombre de mes prédécesseurs1, quand quelque chose ne me semblait pas avoir été bien dit, j ’estimais superflu de le critiquer. 4 J ’ai fait montre de cette attitude tout au long des commentaires que j ’ai dans un premier temp; offerts à ceux qui m ’en avaient fait la demande, n ’y notifiant que rarement une remarque dirigée contre les auteurs de ces explications. De fait, au début, je ne dis­ posais pas non plus à Rome de leurs commentaires, tous les livres que je possédais étant restés en Asie. 5 Aussi quand, à un endroit; je me souvenais que l ’un d’entre eux avait dit quelque chose de parfaitement erroné, suscep­ tible de grandement nuire dans la pratique de l’art à ceux qui y accorderaient du crédit, l’ai-je signalé ; mais tout le reste, je l’ai exposé selon mon opinion personnelle, sans mentionner ceux qui en donnaient une explication diffé­ rente. 6 Et c ’est ainsi que furent rédigés les commentaires aux Aphorismes2, celui aux Fractures et aux Articula­ tions3, ainsi qu’au Pronostic4, au Régime des maladies aiguës5, aux Plaies, aux Blessures de tête6 et au premier livre des Épidémies7. 7 Après cela, comme j ’avais entendu quelqu’un faire l’éloge d’une explication erronée d ’un aphorisme8, tous les commentaires dont j ’ai fait don à des gens par la suite, c ’est en ayant en vue une édition publique et non la possession privée de ces seuls destina­ taires, que je les ai composés. 8 Tel est le cas pour les commentaires que j ’ai rédigés aux deuxième, troisième et sixième livres des Épidémies9 auxquels il faut ajouter le commentaire aux Humeurs10, à VAliment11, au Prorrhétique12, à la Nature de l'homme13, à YOfficine du médecinH, comme aussi au traité des Lieux, airs, eaux qu’il faut intituler selon moi Sur les habitations, les eaux, les

2. Sur le In Hippocratis De Aphorismis commentaria, en sept livres, voir Kühn XVIIB, 345-887 et XVIIIA, 1-195.

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γνώμην* 3 έξηγήσ€ΐς δέ καθ’ έκάστην I αυτού λέξιν ήδη 112 πολλοίς των προ Ιμοΰ γεγραμμένας ου φαύλως €ΐδώς, ci τι μοι μή καλώς Ιδόκουν €ΐρηκέναι, trcpirTov ήγούμην έ λ έ γ χ α ν ’ 4 Ιν€δαξάμην 8è τούτο δι* ών πρώην εδωκα τοίς παρακαλέσασι, σπανιάκις έν αύτοις είπών τι προς τους έξηγουμένους αυτά* την αρχήν γά ρ ούδ5 €ΐχον αυτών Ιν Ρώμη τα υπομνήματα, πάντων ών έκ€κτήμην βιβλίων Ιν Α σία μανάντων* 5 eï που τοίνυν Ιμ€μνήμην ύπό τίνος αυτών πάνυ τι μοχθηρώς €ΐρημένον, ως μ€γάλως βλάπτ€σθαι π€ρί τά τής τέχνης έργα τους πιστ€υσαντας αυτοις, Ιπ€σηΙμηνάμην τούτο, τα 8* 35 άλλα πάντα κατά την Ιμαυτού γνώμην €ΐπον aveu τού μνημονεύσαι τών άλλως Ιξηγουμένων* 6 καί τά γ€ ciç τους άφορισμούς υπομνήματα καί τό π€ρί άγμών καί τό π€ρί άρθρων cti tc τό προγνωστικόν καί τό π€ρί διαίτης οξέων τό tc π€ρί έλκών καί τών Ιν κ€φαλή τρωμάτων τό tc πρώτον τών Ιπιδημιών ούτως Ιγράφ η. 7 MeTa ταΰτα δέ τίνος άκούσας Ιξήγησιν άφορισμού μοχθηρόν Ιπαινούντος, όσα τού λοιπού τισιν Ιδωκα, προς κοινήν Ικδοσιν άποβλέπω ν, ούκ ίδιαν Ιξιν Ikcivcov μόνων τών λαβόντων, ούτως συνέθηκα. 8 Τ αΰτα δ* Ιστίν Ιπιδημιών μίν τά €ΐς τό ÔeuTCpov καί τρίτον καί cktov υπομνήματα γβγραμμένα, προς τουτοις δέ καί τοΰ π€ρί χυμών καί π€ρί τροφής καί προρρητικοΰ π€ρί tc φύσιος ανθρώπου καί τοΰ κατ’ ίητρειον, ώσπ€ρ γ€ καί τοΰ π€ρί τόπων, άέρων, υδάτων, ο έγώ π€ρί οίκήσ€ων καί υδάτων καί ωρών καί χωρών έπιγβγράφθαι

2 ειδώς Müller : είναι A Viat Aid. είναι όρων Corn. II 3 έδόκουν A Viat Aid. : έδόκει Com. Il 6 αυτά A Viat : αύτάς Müller II 10 μεγάλως A : -λα Viat II 12 ειπον Ch. : είπών A Viat II 17 πρώτον Müller : a A a ov Viat II 19 τοΰ λοιπού A Vlat Aid. : τά λοιπά Com. Il 25 φύσιος Vlat sed iam Müller : φύσεως A II Ιητρεΐον Ch. : ίητρίον A Vlat II 26 τόπων, άέρων, όδάτων A Vlat : airs, lieux, eaux Ar.

Jg: :

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SUR SES PROPRES LIVRES, IX 9-13

saisons et les pays1. 9 Le commentaire aux Aphorismes compte sept livres, celui aux Fractures trois, aux Articu­ lations quatre, au Pronostic trois, au Régime des mala­ dies aiguës trois pour la partie authentique et deux pour VAppendice. 10 Pour le traité des Plaies et des Blessures de tête, je les ai expliqués chacun en un livre ; le premier livre ides Épidémies ainsi que le troisième, en trois livres chacqn, le deuxième en six livres et le sixième en huit. 11 J ’ai rédigé au traité des Humeurs un commentaire en trois livres, de même qu’au Prorrhétique2, à ΓOfficine du médecin et aux Lieux, airs, eaux dont j ’ai dit qu’il fallait l’intituler Sur les habitations, les eaux, les saisons et les pays. 12 J ’ai rédigé au traité sur VAliment un commen­ taire en quatre livres et à la Nature de Vhomme en deux livres3. Alors que je les avais déjà achevés, j ’ai entendu dire que certains critiquaient ce livre comme non authen­ tique ; j ’en ai donc rédigé trois intitulés Sur le fait qu Hippocrate apparaît dans d'autres écrits partager la même opinion que celle exprimée dans le « Sur la nature de Vhomme »4. 13 Concernent également Hippocrate les

2. La leçon donnée par le manuscrit Vlat est venue confirmer la cor­ rection proposée par J. Irigoin, « L ’Hippocrate du cardinal Bessarion (Marcianus graecus 269 [533]) »,Medioevo e Umanesimo 24, 1976, p. 172 n. 3 qui déjà proposait de lire προρρητικόν à la place de προ­ γνωστικόν, leçon fautive reproduite par toutes les éditions depuis l’Aldine. En effet Galien mentionne ici le commentaire qu’il a rédigé au Prorrhétique (et non au Pronostic comme on le lit par erreur dans le manuscrit A). Le commentaire au Prorrhétique s’inscrit dans la deuxième série des commentaires rédigés par Galien en vqe d ’une publication et déjà énumérés plus haut (c. IX. 8), c ’est-à-dire les com­ mentaires aux Epidémies II, III, VI, aux Humeurs, à VAliment, à la Nature de Vhomme, à VOfficine du médecin et à Airs, eaux, lieux dont, précisément, il est de nouveau question dans notre passage. Le Pro­ nostic, quant à lui, s’inscrit dans la première série de commentaires rédigés par Galien alors qu’il n ’avait pas encore sa bibliothèque à sa disposition (c. IX. 6). La traduction arabe a, pour sa part, omis tout le passage et ne peut donc confirmer la leçon προρρητικόν donnée par Vlat.

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φημί 8eîv* 9 έστι δέ τα μέν I cis τούς άφορισμου$ έπτά, 113 τα δέ cis τα π€ρί άγμών τρία, τα δ ’ cis τα I π€ρί άρθρων 36 τέτταρα, τα δ ’ cis τό προγνωστικόν τρία, τα δ 5 cis τό π€ρί ôiamjs οξέων, τρία μέν cis τό γνήσιον αυτού pépos, δυο δ5 cis τό προσκ€ΐμ€να* 10 τό δέ π€ρί έλκων καί τό π€ρί των έν κ€φαλή τρωμάτων έκάτ€ρον έξηγησάμην δι’ cvos βιβλίου, τό δέ πρώτον των Ιπιδημιών, ώσπ€ρ γ€ καί τό τρίτον, δια τριών cKcnrepov, τό δέ δαϋ“ TCpov δι* έξ, δι* οκτώ δέ τό c k to v * 11 cis δέ τό π€ρί χυμών υπομνήματα μοι τρία γέγονεν, ώσπ€ρ γ€ καί cis τό προρρητικόν καί cis τό κατ’ ιητρ€ΐον καί cis τό π€ρί τόπων καί αέρων καί ύδάτων ο έφην Ιγώ π€ρί οίκήσ€ων καί ύδάτων καί ωρών καί χωρών Ιπιγ€γράφθαι δ€Ϊν* 12 cis δέ τό π€ρί τροφή$ υπομνήματα μοι τέτταρα γέγον€ν, cis δέ τό π€ρί φύσιο$ ανθρώπου δυο, ών ήδη γ€γονότων ciKouaas υπό τινων διαβάλλ€σθαι τό βιβλίον s ου γνήσιον έγραψα τρία την έπιγραφήν έχοντα τήνδ€ ότι καί κατά τό άλλα σ υγγράμ μ ατα τήν αυτήν δόξαν έχων ό Ίπποκράτη s φαίν€ται τή κατά τό φυσιο$ ανθρώπου* 13 τώ δ’ Ίπποκράτ€ΐ προσή- 1

1 εστι Viat sed iam Ilberg : ετι A II έπτά A : ζ' Viat II 2 τρία Mill­ ier : γ ' A Viat II ait. τα A Vlat Aid. : τό Corn. Il δ 5A : δέ Viat II quart, τα A Vlat Aid. : τό Corn. Il 3 τέτταρα Miiller : δ' A Vlat II pr. δ* A : δέ Vlat II τρία Miiller : y' A Vlat II 4 τρία Miiller : γ' A Vlat II 5 προ­ σκείμενα Vlat sed iam Bas. : προ- A II 6 των Vlat sed iam Miiller : om. A II έν κεφαλή Vlat sed iam Ch. : έγκεφάλου A II 6-7 έξηγησάμην Vlat sed iam Aid. : έξησάμην A II 7 πρώτον Miiller : a ' A aov Vlat II 8 τρίτον Miiller : y' A γον Vlat II τριών Vlat : y' A II 1012 ώσπερ — όδάτων om. Ar. Il 11 προρρητικόν Vlat sed iam Irigoin : προγνωστικόν A Aid. Bas. Barb om. Ar. Il ιητρεΐον Bas. Barb : ίητρίον A Vlat Aid. Il 12 τόπων...άέρων...ύδάτων A Vlat Aid. Bas. Barb : eaux, lieux, airs Ar. il 12-13 ο έφην (όφ5ήν A Aid. Ô έφην Corn. Barb 5 φημ5 Bas. ô φημι Ch.) — δεϊν A Vlat Aid. Corn. Barb Ch. del. Miiller om. Ar. Il 18 κατά τα αλλα A Vlat : κατ’ αλλα Miiller II 19 τή A : τό Aid. τώ Corn, non legitur Vlat II 20 περί Miiller : om. A non legitur Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, IX 14 - X 3

traités suivants : Sur le régime selon Hippocrate dans les maladies aiguësl, ainsi que YExplication des termes rares en usage chez lui1 2, le Contre Lycos au sujet de l ’aphorisme dont le début est « Les êtres qui croissent ont le plus de chaleur innée »3, de même que le Contre Julianos, le méthodique, pour la défense de ce qu’il a reprqché aux Aphorismes hippocratiques4. 14 Concerne également Hippocrate un autre petit livre dans lequel je montre que l’excellent médecin en tous points est aussi philosophe, livre également intitulé de façon plus concise ainsi : « De Galien, Hippocrate »5. X. Les controverses avec Érasistrate.6 1 Au premier livre du Sur les fièvres, j ’ai écrit un com­ mentaire en trois livres7 ; pour le troisième livre Sur les fièvres, c ’est la première partie de mon ouvrage sur la thérapeutique d’Erasistrate qui fait office de commen­ taire. Cet ouvrage de thérapeutique porte le titre : Sur les conceptions d ’Erasistrate en matière de thérapeutique et forme un commentaire en cinq livres8. 2 II y a aussi trois livres Sur Vanatomie d ’Erasistrate9 et deux sur la sai­ gnée, l’un dirigé contre Érasistrate en personne et l’autre contre Érasistratéens de Rome10. 3 Concerne égale­ ment Érasistrate ce livre dans lequel nous examinons Si du sang est naturellement contenu dans les artères, de 1. Ce traité en un livre, conservé seulement en arabe, doit être dis­ tingué du commentaire au Régime des maladies aiguës cité plus haut, c. IX. 6. Voir l’édition de M. Lyons, De diaeta in morbis acutis secun­ dum Hippocratis, CMG Suppl. Or. II, Berlin, 1969, p. 76-111 (texte arabe et traduction anglaise). 2. Galien désigne ainsi le Glossaire hippocratique (Kühn XIX, 62157). Édition en préparation par Lorenzo Perilli dans le CMG. 3. Dans le Adversus Lycum ( Kühn XVIIIA, 196-245 ; E. Wenkebach, CMG V 10, 3, Berlin, 1951), Galien critique l’interprétation don­ née par Lycos de VAphorisme I, 14 (Littré IV, 466). 6. Sur l’œuvre d ’Èrasistrate dont plusieurs traités sont cités dans ce chapitre, voir I. Garofalo, Erasistrati fragmenta, Pisa, 1988, p. 22 sqq. 8. Sur ce traité déjà cité plus haut, voir c. VII. 4.

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κοντ5 εστί καί ταϋτα* περί τής καθ’ Ίπποκράτην I 37 διαίτης έττί των οξέων νοσημάτων, ώσπερ γ€ καί ή των παρ’ αυτω γλωττών έξήγησις, καί τό προς Λύκον περί του άφορισμου, ου ή άρχή τα αυξανόμενα πλεΐστον 5 έχει τό έμφυτον θερμόν, ώσπερ I γε καί προς Ίου- 114 λιανόν τον μεθοδικόν υπέρ ών ένεκάλεσεν τοις Ίπποκρατείοις άφορισμοίς* 14 Ίπποκράτει δέ προσήκει καί άλλο τι βιβλίον σμικρόν, Ιν ω δείκνυμι [καί] τον άριστον ιατρόν πάντως είναι καί φιλόσοφον, επιγράφεται δέ 10 τό βιβλίον καί διά συντομωτέρας επιγραφής ούτως* Γαληνού Ιπποκράτης. X. Περί των εις Έρασίστρατον διαφερόντων. 1 Εις μέν τό πρώτον των περί πυρετών υπομνήματα γέγραπται τρία, του τρίτου δέ περί πυρετών τά πρώτα τής Έρασιστράτου θεραπευτικής πραγματείας έστίν υπομνήματα’ αΰτη δέ ή θεραπευτική πραγματεία την μέν επιγραφήν έχει περί τών Έρασιστράτου θεραπευ­ τικών λογισμών, γέγονε δέ εν υπομνήμασιν πέντε. 2 Έ στι δέ καί τά περί τής Έρασιστράτου άνατομής τρία βιβλία καί περί φλεβοτομίας δύο, τό τε προς Έρασίστρατον αυτόν γεγραμμένον καί τό προς έν 'Ρώμη Έρασιστρατείους. 3 Προσήκει δέ I Έρασισ- 38 τράτω κάκεινο τό βιβλίον, έν ω ζητουμεν, εί κατά φυσιν έν άρτηρίαις αίμα περιέχεται, καθάπερ γε καί τό περί1 1 Ίπποκράτη ν Müller : -κρατ. Λ -κράτους Aid. non legitur Viat. Il 3 αυτφ Müller : αύτου Aid. αύτ. A non legitur Viat II 5 τό Müller : om. A Viat II 7 Ίπποκράτει Ch. : -κρατ. A Vlat -κρατης Aid. -κρατείους Corn. Il 8 σμικρόν Vlat sed iam Aid. : -κρφ A II καί A Vlat : secl. Müller II 11 Γαληνού Ιπποκράτης A Vlat et ce médecin c'est Hippocrate que Galien a mentionné selon la doctrine d ’Hippocrate Ar. : om. Aid. et cet. edd. ότι ό άριστος ιατρός καί φιλόσοφος Mül­ ler II 14 του τρίτου (γ' A Vlat Aid.) 6έ A Vlat Aid. edd. Ar. : μετά δέ τά Corn. Il 18 πέντε (ε' A Vlat) A Vlat Müller Ar. : huit Ar. in Risala il 19 τής Vlat : om. A edd. Il 20 τρία Müller : γ ' A Vlat II 21 τούς Vlat sed iam Ch. : om. A II 23 κάκεινο Aid. : κάκείνφ A Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XI - XIII

même que celui Sur Tutilité de la respiration1 et les trois livres du Sur les facultés naturelles qui contiennent la cri­ tique de tout ce qu’a écrit Érasistrate dans ses Discours généraux sur les fonctions naturelles12. XI. Les livres relatifs à Asclépiade.3 *

Huit livres intitulés Sur les doctrines d ’Asclépiade et un autre petit livre portant le titre Sur la substance de l ’âme selon Asclépiade4. XII. Les controverses avec les médecins empiriques.5 1 Sur l ’Introduction de Théodas cinq livres de com­ mentaire6 ; Sur les livres de Ménodote à Sévère en onze livres7 ; Sur les livres de Sérapion contre les écoles en deux livres8*, 2 F Esquisse empirique9 ; le Sur l ’expé­ rience médicale10 ; le Sur les controverses entre les empiriques en trois livres11 ; le Contre les objections faites au Sur les controverses entre les empiriques et Sur les Kephalaia de Théodas, trois livres de commentaire12 ; 3 Sur le livre de Ménodote à Sévère, Exhortation à l ’étude de la médecine13 ; Synopsis des livres d ’Héraclide et Sur l ’école empirique, en sept livres14. XIII. Les controverses avec les méthodiques. Sur l ’école méthodique, six livres15 ; 16 ; Contre les objections de Julianos aux Apho­ rismes d ’Hippocrate11. 1. Sur ces deux traités déjà cités plus haut, voir c. V. 3. 2. Sur le De naturalibus facultatibus déjà cité plus haut, voir c. V. 3. Galien y critique très longuement Érasistrate et ses disciples, et en particulier ses thèses sur la physiologie exposées dans ses Katholou logoi. Sur cet ouvrage d ’Érasistrate, voir I. Garofalo, Erasistrati frag­ menta, p. 31 sqq. 3. Sur Asclépiade de Bithynie voir Sur Vordre de ses propres livres c. IL 8 et la note à cet endroit. 10. Sur ce traité déjà cité, voir c. IL 2.

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χρείας αναπνοής καί τα των φυσικών δυνάμεων τρία, α περιέχει κρίσιν απάντων ών έγραψεν Έρασίστρατος εν τοις Καθόλου λόγοις υπέρ των φυσικών ενεργειών. I XI. Περί τών Άσκληπιάδη προσηκόντων. 5

Όκτώ μεν περί τών Άσκληπιάδου δογμάτων έπιγεγραμμένα, μικρόν δε άλλο την επιγραφήν εχον περί ουσίας τής ψυχής κατά Άσκληπιάδην. XII. Περί τών τοις εμπειρικοις ίατροις διαφερόντων.

1 Τής Θεοδά εισαγωγής υπομνήματα πέντε* περί τών 10 Μηνοδότου Σεβήρω ένδεκα* τών Σεραπίωνος προς τάς αιρέσεις δυο* 2 υποτυπώσεις εμπειρικαί* περί τής ιατρικής εμπειρίας* περί τής τών εμπειρικών διαφωνίας τρία’ προς τά άντειρημένα τοις περί τής διαφωνίας τών εμπειρικών τού τε Θεοδά κεφαλαίων υπομνήματα τρία* 15 3 εις τό Μηνοδότου Σεβήρω προτρεπτικός επί ιατρικήν* σύνοψις τών Ήρακλείδου περί τής εμπειρικής αίρέσεως επτά. XIII. Περί τών τοις μεθοδικοις διαφερόντων. Μεθοδικής αίρέσεως εξ* < ...> ’ προς τά υπό Ίουλια20 νου άντειρημένα τοις Ίπποκράτους άφορισμοΐς. I1

1 τών A Viat : περί Aid. II post φυσικών add. δε A II τρία Müller : γ ' A Viat II 4 Ά σκληπιάδη Ch. : -πιάδου A Viat II 9 πέντε Müller : ε' A Viat II 10 post Μ ηνοδότου add. introduction Ar. Il Σεβήρφ A Vlat : à un ami Ar. Il ένδεκα A Vlat : dix Ar. Il 12 τής om. Viat II 14 του A : τών Vlat II κεφαλαίων Vlat Ar. : κεφαλ. A Aid. κεφάλαια Bas. κεφαλαίοις Corn. Il τρία Müller : γ ' A Vlat II 15 είς — Σεβήρω (Σεβήρφ om. Ar.) A Vlat Ar. : secl. Müller II 1516 Ιατρική ν σύνοψις (-ψιν A) A Vlat Aid. Ch. : τάς τέχνας Corn. Il 16 Ή ρακλείδου Vlat sed iam Müller : -κλειδ. A -κληδ. Aid. -κλέδου Corn, -κλειδείων Ch. Il και ego sec. Ar. sed iam Caius : om. A Vlat II 17 έπτά Vlat : Ç A II 19 εξ Müller : ς ' A Vlat II om. A Vlat uide gallicam uersionem ex Ar.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XIV 1-4 XIV. Les livres utiles aux démonstrations.

1 Voyant que tous les hommes sans exception, dans les questions controversées, déclarent en apporter personnel­ lement une démonstration et s’emploient à réfuter ceux qu’ils côtoient, il n ’est rien, en tout premier lieu, que je ne me sois autant empressé d ’apprendre que la théorie de la démonstration ; et je jugeai bon de le faire auprès des philosophes — car c ’étaient eux, à ce que j ’entendais dire, qui l ’enseignaient — et au cas où ils dispensaient un autre enseignement portant sur la partie logique de la phi­ losophie, de le garder pour plus tard. 2 Je jugeai bon éga­ lement qu’ils missent fin au tourment causé par ma quête des démonstrations en m ’enseignant quelle pouvait bien être la méthode qui permît à celui qui en avait été instruit, quand un autre exposait un raisonnement démonstratif, de reconnaître avec exactitude si ce raisonnement était réellement tel ou si, pareil à de la fausse monnaie1, il res­ semblait à l’authentique, mais n’était d ’aucune valeur pour découvrir la vérité, une méthode enfin qui permît, pour chaque objet de recherches, en recourant à une cer­ taine démarche, de parvenir à sa découverte. 3 Je m ’en remis donc à tous les stoïciens et péripatéticiens célèbres de cette époque2, et si j ’appris une grande quantité de théorèmes logiques dont, en les examinant par la suite, je découvris qu’ils n’étaient d ’aucun secours pour les démonstrations, j ’appris que n ’étaient qu’en bien petit nombre les recherches qu’ils avaient menées utilement et qui tendaient au but que je me proposais d ’atteindre, mais que même celles-ci trahissaient des divergences entre eux et que certaines de leurs propositions allaient même jus­ qu’à s’opposer aux notions de la physique. 4 Et par les dieux, pour autant qu’il dépendait de mes maîtres, je serais moi aussi tombé dans le doute pyrrhonien3 si ne m ’en avaient retenu les enseignements de la géométrie, de l ’arithmétique et du calcul auxquels j ’avais dès le début été formé et que j ’avais poussés fort avant, sous la conduite de mon père qui avait lui-même hérité ces objets

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XIV. Περί των εις Tas αποδείξεις χρησίμων βιβλίων.

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1 'Άπαντας ανθρώπους όρων, εν οίς άμφισβητουσιν, εαυτούς τε άποδεικνύειν επαγγελλομένους έλέγχειν τ€ τους πέλας έπιχειρούντας ουδέν ούτως έσπούδασα μαίθεΐν απάντων πρώτον ώς την άποδ€ΐκτικήν 0€ωρίαν ήξίωσά τε παρά των φιλοσόφων -εκείνους γάρ ήκουον αυτήν διδάσκειν-, εί μεν τι καί άλλο κατά τό λογικόν μέρος τής φιλοσοφίας διδάσκεται, φυλάττειν είσαύθις, 2 την ώδινα τής περί τάς αποδείξεις επιθυμίας παύσαι διδάξαντας, ήτις άρα μέθοδός έστιν, ήν ό μαθών ετέρου τε λέγοντος λόγον αποδεικτικόν ακριβώς γνωρίσει, πότερον όντως έστί τοιουτος ή καθάπερ τι νόμισμα κίβδηλον έοικεν μεν τώ δοκίμω, μοχθηρός δε κατά άλήθειάν έστιν, αυτός τε δυνήσεται καθ’ έκαστον τών ζητουμένων όδώ τινι χρώμενος επί τήν ευρεσιν αυτού παραγενέσθαι. 3 Πάσιν οΰν τοίς κατ’ εκείνον τον χρόνον ενδόξοις Στωϊκοις τε καί Περιπατητικοις έμαυτόν έγχειρίσας πολλά μεν έμαθον άλλα τών λογι­ κών θεωρημάτων ά, τώ μετά ταύτα χρόνω σκοπούμενος, άχρηστα προς τάς αποδείξεις ευρον, όλίγιστα δε χρησίμως μεν αύΐτοις εζητημένα καί του προκειμένου σκο­ πού τυχειν έφιέμενα, διαπεφωνημένα δε καί ταΰτα παρά αυτοις έκείνοις, ένια δε καί ταις φυσικαΐς έννοίαις εναν­ τία, 4 καί νή τους θεούς, δσον επί τοίς διδασκάλοις, εις τήν τών Πυρρωνείων άπορίαν ένεπεπτώκειν αν καί αυτός, εί μη καί τά κατά γεωμετρίαν αριθμητικήν τε καί λογιστικήν κατειχον, εν αις επί πλειστον υπό τώ πατρί

2 όρων Aid. : όρώ A Viat II 8 φυλάττειν A Viat Aid. : φ ιλεΐν τε Corn. II 9 δ2*5Müller : om. A Viat II 10 ήτις A : ε’ί τις Viat II 12 γνω ρί­ σει A Viat : γνω ριεΐ Ma. Il έστι A : -τιν Viat II 13 εοικεν Viat : εοικε Aid. ενεκεν A Η 18 έγχειρίσας Ch. : -ρήσας A Viat II 21 αύτοΐς Müller : τοίς A Viat II 25 άπορίαν Ch. : -ριών A Viat II 27 κατειχον Ma. : κατέχων A Viat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XIV 5-8

d’étude de mon grand-père et de mon arrière-grand-père1. 5 Quand je vis donc que m ’apparaissaient d ’une vérité évidente non seulement les calculs relatifs aux prédic­ tions des éclipses, mais aussi à la construction des hor­ loges et des clepsydres, ainsi que toutes les autres consi­ dérations intervenant en architecture, je pensai que le mieux} était d ’user du modèle des démonstrations géomé­ trique^2. Et de fait je découvris que mêmes les plus habileà en dialectique et philosophes3, bien qu’ils eussent eux-mêmes des avis divergents, non seulement les uns avec les autres, mais aussi entre eux, faisaient cependant tous pareillement l’éloge des démonstrations géomé­ triques. 6 En vertu de cela, je reconnus donc encore mieux qu’il fallait prendre ses distances avec les discours des philosophes et se conformer au caractère des démon­ strations linéaires. 7 Quand je dis donc que les philo­ sophes étaient d ’avis divergents les uns avec les autres à propos de l’étude de la logique, je veux dire les péripatéticiens, les stoïciens et les platoniciens, et quand, en revanche, je dis qu’ils l’étaient entre eux, je veux dire les représentants de chaque école à titre individuel (de fait les divergences sont relativement minimes chez les péripatéticiens, mais considérables chez les stoïciens et les platoniciens). 8 À ceux qui veulent s’exercer dans les démonstrations linéaires, je conseille donc, après avoir été formés à celles-ci, de lire à la suite notre ouvrage Sur

2. Sur le modèle complexe de l’analyse géométrique, je me borne­ rai à renvoyer aux pages que G. E. R. Lloyd a consacrées à ce sujet qu’il qualifie à juste titre de « controversé » dans La science grecque après Aristote, Paris, Editions La Découverte, 1990, p. 60 sqq. Voir aussi mon article « Médecine et enseignement dans YArt médical de Galien », Revue des Etudes Grecques 106, 1993, les pages 130-134 consacrées à Γάνάλυσις.

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παιδευόμενος έξ αρχής προεληλυθειν από παππού τε και προπάππου διαδεδεγμένω την θεωρίαν. 5 Όρων ουν ού μόνον έναργώς αληθή φαινόμενά μοι τα κατά τάς των εκλείψεων προρρήσεις ωρολογίων τε καί κλε- 117 5 ψυδρών κατασκευάς δσα τ’ άλλα κατά την άρχιτεκτονίαν επινενόηται, βέλτιον ωήθην είναι τω τύπω των γεωμετρικών αποδείξεων χρήσθαι* καί γάρ καί αυτούς τούς διαλεκτικωτάτους καί φιλοσόφους ου μόνον άλλήλοις αλλά καί αύτοίς ηϋρισκον διαφερομένους 10 έπαινούντας όμως άπαντας ωσαύτως τάς γεωμετρικός αποδείξεις, ό Κατά τούτο τοίνυν ετι καί μάλλον εγνων δείν άποστήναι μεν ώ ν εκείνοι λέγουσιν, άκολουθήσαι δε τω χαρακτήρι των γραμμικών αποδείξεων* 7 Άλλήλοις μεν ουν λέγω διαφέρεσθαι τούς φιλοσό15 φους εν τή λοίγική θεωρία, τούς Περιπατητικούς τε καί 41 Στωϊκους καί Πλατωνικούς, καί αύτοις δε πάλιν ίδια τούς καθ’ εκάστην αϊρεσιν (μικρά μεν δη πώς εστιν ή παρά τοις Περιπατητικοις διαφωνία, μεγάλη δε παρά τοις Στωϊκοίς καί Πλατωνικοις)· 8 όσοι τοίνυν εθέλουσι 20 κατά τάς γραμμικάς αποδείξεις άσκηθήναι, παιδευθήναι μεν [εν] αύτοις έν εκείναις συμβουλεύω, μετ’ εκείνας δε τήν ήμετέραν άναλεξασθαι περί τής άποδείξεως πραγματείαν, ήν έν πεντεκαίδεκα βιβλίοις εποιησάμην.1 1 προεληλύθειν A Vlatsl : -θην Vlat il 2 διαδεδεγμένω Corn. : -μένων A Vlat Aid. Il 4 των Viat : om. A edd. Il 5 post αλλα add. τα A Aid. : del. Corn. secl. Müller om. Vlat II 6 τω τύπφ (τον τύπον Vlat) των γεωμετρικών αποδείξεων Vlat Müller : τον τύπον τον γεωμετρικόν άποδ. (άποδείξει Aid.) A Aid. Il 9 αύτοις Aid. : αύτοις Ch. έαυτοΐς Ma. αύτούς A Vlat II 10 όμως Müller : όμοίως A Vlat II 11-13 κατά τούτο — άποδείξεων post Π λατωνικοις (1. 19) transp. Müller II 14 ούν Vlat : om. A edd. Il 15 post τούς add. δε A Aid. : om. Vlat del. Corn. Il 16 και αύτοις ego sec. και αύτοις Vlat : έαυτοΐς Müller έαυτούς A έαυτών Ch. Il 17 αϊρεσιν Müller Ar. : αύτών A Vlat II 19 έθέλουσι A : -σιν Vlat II 20 άσκηθήναι Vlat sed iam Aid. : άσκληθήναι A II 21 pr. έν A : secl. Müller non legitur Vlat.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XIV 9-15

la démonstration que j ’ai composé en quinze livres1.

9 J ’en ai écrit beaucoup d ’autres à titre d’entraînement personnel : certains ont péri au cours de l’incendie qui a détruit le Temple de la Paix2, quelques-uns dont j ’avais fait don à des amis ont été conservés et se trouvent à pré­ sent entre de nombreuses mains, tout comme mes autres écrits. 10 Quant aux commentaires que j ’ai aussi rédigés, pour les uns, j ’en ai fait don à des amis, pour les autres ils ont été* donnés par des serviteurs qui me les avaient déro­ bés et je les ai finalement récupérés auprès d ’autres per­ sonnes. 11 Parmi eux, il y a trois livres de commentaire au Sur Γ interprétation d ’Aristote3, quatre au premier livre du Sur les syllogismes de même qu’un nombre égal au second4. 12 Presque tous mes contemporains donnent à ce traité le titre de Premiers analytiques , de même qu’ils donnent celui de Seconds analytiques à celui sur la démonstration. Mais Aristote lui-même fait référence aux premiers comme à ses écrits sur le syllogisme, et aux seconds comme à ses écrits sur la démonstration. 13 De ce second traité il existe également un commentaire qui fait partie de mes ouvrages conservés, en six livres pour le premier livre et en cinq pour le second5. 14 De tous ces commentaires, aucun n’a été écrit pour la publication, pas plus que les six livres de commentaire au livre de Théo­ phraste que celui-ci écrivit Sur Vaffirmation et la néga­ tion6 (j’avais composé auparavant un commentaire au Sur le style d’Eudème7 à la demande d ’amis). 15 Sur le traité Des dix catégories 8 je n ’avais pas auparavant composé un tel commentaire, que ce fût pour mon usage personnel ou pour en faire don à des amis ; aussi n’est-ce que plus tard et pour un de mes amis qui avait manifesté le désir 2. Sur cet incendie déjà mentionné par Galien, voir c. III. 7 et la note à cet endroit. 4. Comme va l ’expliquer Galien, le traité d ’Aristote Sur les syllo­ gismes est plus connu sous le titre de Premiers analytiques. Le com­ mentaire de Galien, en huit livres, à cet ouvrage d ’Aristote (= DPhA, n° 99) est perdu.

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9 Έγραψα δέ άλλα πολλά γυμνάζων έμαυτόν, ών ένια μέν άπώλ€το κατά την γενομένην πυρκαϊάν, ήνίκα τό τής Ειρήνης τέμενος έκαύθη, τινά δε φίλοις δεδομένα διασωθέντα παρά πολλοίς έστι νΰν, ώσπερ καί ταλλα τα ήμέτερα. 10 Καί μέντοι καί των υπομνημάτων ών έγραψα τα μέν ύπ5 Ιέμου δοθέντα φίλοις, τά δ' υπό των 118 οίκετών κλεψάντων έκδοθέντα παρ’ άλλων έλαβον ύστερον* 11 έστι δ’ εν αυτοις τρία μεν εις τό περί ερμη­ νείας Άριστοτέλους, τέτταρα δ’ εις τό πρότερον των περί συλλογισμών, καθάπερ γε καί εις τό δεύτερον ίσα τον αριθμόν. 12 Έπιγράφουσι δ’ αυτά I σχεδόν άπαντες 42 οι νυν αναλυτικών προτέρων, ώσπερ γε καί δευτέρων τα [δέ] περί τής άποδείξεως. αυτός ό Αριστοτέλης τών μέν προτέρων ως περί συλλογισμού γεγραμμένων αυτώ μέμνηται, τών δέ δευτέρων ως περί άποδείξεως, 13 ών έστι καί αυτών υπομνήματα διασωζόμενα τών έμών, εις μέν τό πρότερον εξ, εις δέ τό δεύτερον πέντε. 14 Τούτων τών υπομνημάτων απάντων ουδέν ως προς έκδοσιν έγράφη, καθάπερ ουδέ τά εξ [τά] εις τό Θεοφράστου βιβλίον, δ περί καταφάσεως καί άποφάσεως έγραψε (τά δ* εις τό περί λέξεως Εύδήμου πρότερον έταίροις άξιώσασιν έποίησα). 15 Τού δέ τών δέκα κατηγοριών ούκ εποιησάμην οΰτ’ έμαυτώ τι τοιουτον υπόμνημα πρόσθεν οΰθ5 ετέροις έδωκα καί διά τουθ* ύστερόν ποτέ τών εταίρων τινί δεηθέντι υπομνήματα 8

8 τρία Müller : γ ' A Viat Ii 10 γε Ch. : δέ A Viat Aid. Com. (sed δέ pro γε per errorem scripsit Com.) II 13 δέ A Viat Aid. : dei. Corn. Ch. II δ’ Müller : γουν Com. om. A Viat Aid. II 15 αύτφ Ch. : αύτφ A Viat II 17 εξ Müller : ς' A Viat II πέντε Müller : ε' A Viat II 19 έξ Vlat sed iam Müller : ς A II τα A Vlat : secl. Müller II τό Vlat sed iam Müller : του A II 21 έγραψε Com. Ch. : -ψα A Vlat Aid. Il τα A : τό Vlat II περί Vlat sed iam Müller : πρότερον A II 22 έταίροις Vlat sed iam Müller Ar. : έτέροις A II έποίησα A Vlat : -σάμην Müller II 25 έταίρων Vlat sed iam Ch. Ar. : έτέρων A.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XIV 16-19

de posséder des notes sur ce qu’il avait entendu1, concer­ nant ce livre, en ce qui concerne les solutions aux pro­ blèmes qui y étaient posés, et recommandai qu’on ne communiquât mes commentaires qu’à ceux-là seuls qui auraient étudié le livre avec un maître ou qui tout au moins y auraient été préalablement introduits grâce à d’autres écrits exégétiques, tels que ceux df Adrastos ou d’Aspasios2. 16 À l’époque où j ’étais encore un jeune garçon et où mon père me confia pour la première fois à un maître qui m ’enseigna la théorie logique de Chrysippe et des stoïciens célèbres3, je com­ posai pour mon usage personnel un commentaire aux livres syllogistiques de Chrysippe4 ; il apparut par la suite que certaines personnes possédaient cet ouvrage ; je l ’avais laissé à Pergame avec de nombreux commentaires que j ’avais composés étant jeune homme, et un serviteur en avait fait don à des gens qui le lui avaient demandé. 17 Les traités que j ’ai écrits après mon ouvrage Sur la démonstration élaborés sous une forme plus développée que les exposés concis que l’on trouve dans ce dernier, sont les suivants : Sur les principes nécessaires aux démonstrations , en un livre ; Sur les prémisses omises dans la form ulation des démonstrations , en un livre ; Sur les prémisses de même signification , en un livre ; 18 Sur les démonstrations relatives au pourquoi , en un livre ; Sur le nombre des syllogismes , en un livre ; Sur Γ exemple, en deux livres ; Sur Γ induction, en un livre5 ; Sur le vraisemblable , en un livre6 ; Sur la similitude , en trois livres ; Sur les principes hypothétiques , en un livre ; 19 Sur la signification de « selon le genre », 1. Le manuscrit A a ήκουσιν qui dans ce contexte n’offre aucun sens et qui a été corrigé en άνήκουσιν (relatif à, qui concerne) par I. Muller. Le second manuscrit grec Vlatadon est hélas illisible à cet endroit. Cependant, la correction proposée par K. Kalbfleisch (ήκουσεν) dans Uber Galens Einleitung in die Logik, Leipzig, 1896, p. 683 sqq., qui fait allusion à un enseignement oral, vient d ’être confirmée par la traduction arabe de Hunain (« il avait entendu »).

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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έχειν, όσα κατά τό βιβλίον ήκουσ€ν εις τάς των έν αύτώ ζητουμένων λύσεις, κοινωνεΐν έκέλευσα των υπομνημάτων έκείνοις μόνοις τοίς άνεγνωκόσι παρά διδασκάλω τό βιβλίον ή πάντως γε I 119 5 προεισηγμένοις δι5 έτέρων εξηγητικών, όποια τά τε ΆδράΙστου καί Άσπασίου έστίν. 16 ’Έτι δε παις ών 43 ήνίκα πρώτον ό πατήρ με τινι την λογικήν θεωρίαν Χρύσιππού τε καί τών ενδόξων Στωϊκών διδάξαντι παρέδωκεν, εποιησάμην εμαυτώ τών Χρύσιππου συλ10 λογιστικών βιβλίων υπομνήματα καί ταΰθ5 ύστερον εφάνησαν έχοντές τινες εν Περγάμω μέν καταλειφθέντα μετά πολλών υπομνημάτων, a μειράκιον ών έποιησάμην, έκδοθέντα δέ υπό οίκέτου τισί τών αιτησάντων. 17 ιΆ δ* εγώ μετά την περί τής άποδείξεως 15 πραγματείαν έγραψα πλατυτερον εξειργασμένα τών έν εκείνη συντόμως είρημένων, ταυτ* έστίν* περί τών αναγ­ καίων εις τάς άποδείξεις έν’ περί τών παραλειπομένων προτάσεων έν τή λέξει τών άποδείξεων έν* περί τών ίσοδυναμουσών προτάσεων έν* 18 περί τών κατά τό 20 διότι άποδείξεων έν* περί του τών συλλογισμών άριθμου έν* περί παραδείγματος δυο* περί έπαγωγής έν* περί είκότος έν* περί όμοιότητος τρία* περί έξ υποθέσεων αρχών έν* 19 περί κατά τό γένος καί

1 post έχειν add. περ ιέχο νθ’ Millier II κατά τό βιβλίον A Viat Ar. : secl. Millier II ήκουσεν Kalb. Ar. : ήκουσιν A άνήκουσιν Müller non legitur Viat II τάς A Vlat : τα Ch. Il 2 έποιησάμην καί ego sec. Ar. : om. A Vlat II 4 διδασκάλω Müller : -λου A non legitur Vlat II 5 προεισηγμένοις Vlat sed iam Corn. Ch. : -εισημένοις A Aid. Il 7 μέ τινι Müller : μετά A Vlat με τά Ch. Il 8 διδάξαντι A Vlat Aid. : -ξοντι Coni. Il 9 έμαυτω Müller : έν αύτω A Vlat II 11 καταλεκρθέντα A1 Vlat : -ληφθέντα A II 13 έκδοθέντα A Vlat : δοθέντα Müller II 16 έκείνη Vlat : -νοις A II ταϋτ5 έστίν A : έστιν ταυτί Vlat II 19 τό Vlat sed iam Ilberg : om. A II 22 είκότος Kalb. : εικόνος A Vlat om. Ar. Il τρία Müller : y' A Vlat II τών Müller : om. A Vlat II 23 τών Corn. Ch. : om. A Vlat Aid.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XIV 20-22

« selon Fespèce », et leurs conjonctions dans notre langage spontané, en un livre12; Sur le possible2 ; Sur les acceptions multiples, en trois livres3 ; Sur les traits communs et particuliers à Fintérieur des arts, en un livre4 ; Sur les discours qui se contredisent eux-mêmes, en un livre ; 20 Sur les prémisses admises, en un livre5 ; Sur les prémisses mixtes et sur les syllogismes, en un livre6 \ Comment il faut distinguer la recherche portant sur la chose de celle concernant le nom et sa significa­ t i o n en un livre7 ; Sur Clitomaque et ses solutions de la démonstration8 ; Sur la raison commune en deux livres9 ; 21 Sur le meilleur enseignement contre Favorinus10 ; Pour Épictète contre Favorinus, en un livre11 { ; Débats avec un homme qui ne considère pas la science du philosophe comme une science12 ; en particulier Sur ce qui concerne les notions communes < ...> 3 ; Contre ceux qui entendent les mots dans un esprit de chicane, en un livre4 ; Sur la constitution des arts, en trois livres5. 23 Sypopsis sur la théorie de la démonstration, en un livre6 j Sur le jugement des controverses doctrinales ; Que là quantité est inséparable de la substance première, en un livre7 ; Sur le principe premier, en un livre8 ; Sur la démonstration par Vimpossible, en un livre ; Sur les choses qui adviennent en vue de quelque raison, en un livre ; Sur la recherche concernant le mot et sa signifi­ cation9. XV. 1 Pour mes opinions sur les questions de philoso­ phie morale, je les ai exposées dans les livres cités cidessous : Sur le diagnostic des passions et des erreurs propres à chacun, en deux livres10 ; Des mœurs, en quatre livres11 ; Contre Favorinus sur Socrate12 ; Sur l'inutilité de se chagriner, en un livre13 ; Sur la fin en philosophie, en un livre ; 2 Sur les relations des confé­ renciers avec leurs auditeurs, en un livre14 ; Sur ceux qui font des conférences frauduleuses, en un livre15 ; Sur

1. La tradition arabe, là encore, a permis de restituer le titre d’un traité omis par la tradition grecque et inconnu par ailleurs. 2. La traduction arabe de Hunain a permis de restituer un titre com­ plet pour ce traité. Les manuscrits A et Vlat, tous deux lacunaires à cet endroit, ne nous en avaient, semble-t-il, préservé que le début (peutêtre faudrait-il restituer φιλοσόφου à la place de φιλόσοφον). Ces Débats avec un homme qui ne considère pas la science du philosophe comme une science sont perdus. 3. La traduction arabe, en revanche, ne peut ici ne nous être d ’au­ cune utilité pour rétablir ce titre d ’un traité galénique consacré aux notions communes mais incorrectement transmis dans nos deux manuscrits grecs. En effet, la traduction arabe a omis ce passage et les deux titres suivants pour passer directement au traité Sur la constitu­ tion des arts.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΠΕΡΙ ΤΩΝ ΙΔΙΩΝ ΒΙΒΛΙΩΝ

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· ιδίως του κατά τάς κοινάς έννοιας < ...> ’ προς τους επηρεαστικώς ακούοντας των ονομάτων εν* [περί των ιδίων καί κοινών Ιν ταΐς τέχναις*] περί τής I 45 των τεχνών συστάσεως τρία* [περί τών σημαινομένων εκ 5 τής είδος καί γένος φωνής καί τών παρακει­ μένων αύτοίς]* 23 σύνοψις τής αποδεικτικής θεωρίας, εν* περί τής κρίσεως τών διαφωνούντων εν τοις δόγμασιν* ότι τής πρώτης ουσίας αχώριστος ή ποσότης εν* I 121 περί τού προτέρου εν* περί τής δι* αδυνάτου άποδεί10 ξεως εν* περί τών ενεκά του γιγνομένων εν [περί τών πολλαχώς λεγομένων δυο]* περί τής κατ’ δνομα καί σημαινόμενον ζητήσεως. XV. 1 Περί τών τής ηθικής φιλοσοφίας εζητημένων όσα μοι δοκει, διά τών υπογεγραμμένων βιβλίων 15 άπεφηνάμην* περί τών ίδιων εκάστω παθών καί άμαρτημάτων τής διαγνώσεως δύο* περί ήθών τέτταρα* προς τον Φαβωρινον κατά Σωκράτους* περί άλυπίας εν, περί τοϋ κατά φιλοσοφίαν τέλους εν* 2 περί τής τών έπιδεικνυμένων τούς ακούοντας συνουσίας εν* 20 περί τών άναγιγνωσκόντων λάθρα εν* περί άμαρτη-

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1 pr. om. A Viat uide gallicam uersionem ex Ar II 1-3 Ιδίως — τέχναις om. Ar. Il 1 περί Millier : om. A Viat II έννοιας A : ένοίας Viat II post έννοιας lacunam suspexi II 2 έπηρεαστικώς Com. Ch. : -κούς A Viat Aid. II 3 περί — τέχναις A Viat : secl. Müller II 4 τρία Müller : y' A Viat II 4-6 περί τών — αύτοΐς A Viat : om. Ar. secl. ego II 5 κατ’ Ch. : om. A Viat II 9 περί του προτέρου εν A Viat Aid. Ar. : εν Com. secl. Müller II 10 ένεκά του Vlatpc sed iam Prantl : ένεκ’ αύτοΰ A Vlatac II γιγνομένω ν A : γινο- Viat II 10-11 ait. περί — δύο (β' A Viat) A Viat : om. Ar. secl. Müller II 12 σημαινόμενον Ch. : -μένων A Viat II 13 ante Π ερί add. Π ερί τών τής ηθικής φιλο­ σοφίας βιβλίων Müller II 16 δύο Müller : β' A Viat II τέτταρα Ch. : δ' A Vlat 11 16-17 προς τον Φαβωρινον — περί άλυπίας εν om. Ar. Il 17 τον Ch. : τό A Vlat II Φαβωρινον Müller : -βουρινον A Vlat II 18 post τέλους ε ν add. περί άλυπίας εν, προς τον Φαβωρΐνον κατά Σωκράτους Ar. II 19 προς Müller : om. A non legitur Vlat II 20 άναγιγνωσκόντων A : άναγινωσ- Vlat II 20-170, 1 άμαρτημάτων A Vlat : pardon Ar.

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SUR SES PROPRES LIVRES, XV 3 - XVI 2

Végalité entre les fautes et le châtiment, en un livre1 ; 2 ; Sur la consolation, en un livre3 ; 3 Sur la diatribe dans la demeure de Ménarque contre Bakkhidès et Cyrus, en un livre4 ; Sur la convivia­ lité dans les dialogues, en un livre ; Contre les orateurs de Γagora, en un livre ; 4 Sur le plaisir et la peine, en un livre5!; Sur les genres de vie en accord avec chaque fin poursuivie, en un livre6 ; ; Sur la concorde, en un livre ; Sur la pudeur, en deux livres ; 5 Sur les propos communément tenus contre les flatteurs, en deux livres ; Sur la calomnie où il est aussi question de ma propre vie7 ; Les sept Kroniskoi, en un livre8 ; C '

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IV. 1 Πότερον ουν υπέρ ονομάτων ετι διενείχθήση καί ληρήσεις I έρίξων, εγκρατή μεν καί σώφρονα καί

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post ώσ]περ (c. III. 10) usque ad finem def. U.4 4 π ά ντα ...εχει U : πάντα...εχοι (έχοντα Μ) LU2M πάντ’ ά ν.,.εχο ι Müller II 6 ante σωφροσύνην add. τήν Aid. I! 7 άδικόν L2M Ar. : άτοπόν LU II 10-11 άλλήλαις LM : -λοις U II 11 ήντινοΰν LUM : -ναούν Aid. Il 13 μηρίνθου Aid. : μιρίν- LM II 15 τοίς Ιατροίς έστιν LM : έστι τοίς Ιατροίς Coray II 16 ante Ιατρός add. άληθής Müller άριστος Wenk. Il και L2M : om. L II 17-18 τή τέχνη — άποδείξεως om. L sed add. L2 II 19 τινα LM Ar. : τίνος Aid. 1} έωρακότα LM Ar. : -κότες Aid. Goulston in mg. -κότας Goulston in textu Coray I! γε L2 : om. LM.

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L’EXCELLENT MÉDECIN EST PHILOSOPHE, IV 2-4

que le médecin peut être maître de soi, tempérant, au-des­ sus des questions d’argent et juste, sans cependant être philosophe, et qu’il connaît la nature des corps, les fonc­ tions des organes, l’utilité des parties, les différences des maladies et les indications des traitements, sans cepen­ dant s’être exercé à la théorie logique ? Ou bien auras-tu honte, en étant d’accord sur les faits, d ’ergoter sur les mots1 ? 2 Assurément, même si ç ’est un peu tard, il est à présent préférable de revenir à la raison et de ne pas chi­ caner2 sur des questions de vocabulaire comme un chou­ cas ou un corbeau, mais de te consacrer à la vérité des faits eux-mêmes. 3 Car certes tu ne saurais prétendre qu’un tisserand ou un cordonnier3 ne puisse jamais deve­ nir accompli sans apprentissage et exercice, alors que l’on pourrait sur le champ se montrer juste, tempérant4, savant en démonstration et habile dans la connaissance de la nature sans avoir fréquenté de maîtres ni s’être soimême livré à des exercices ! 4 Par conséquent, s’il est vrai que ce discours45 est d ’un impudent et que le précé­ dent est celui d ’un homme qui cherche querelle non sur les faits, mais sur les mots, il nous faut d ’abord être phi­ losophes, si nous sommes véritablement les zélateurs d ’Hippocrate, et si nous agissons ainsi, rien ne s’oppose à ce que nous devenions non pas presque semblables à lui, mais même meilleurs, en étudiant tout ce qui a été magni­ fiquement consigné par ce grand médecin, et en nous appliquant nous-mêmes à découvrir ce qui reste à l’être6. 4. L ’omission dans ce passage, en arabe, de l’adjectif σώφρων (tempérant) pourtant donné par nos deux manuscrits grecs relève vrai­ semblablement d ’une inattention du traducteur ou d ’une faute liée à la transmission du texte en arabe. Selon un thème souvent débattu par Galien, la fréquentation d ’un maître est en effet l’une des deux condi­ tions, avec la pratique régulière d ’exercices, d’une bonne formation médicale à la fois théorique, pratique et, pourrait-on ajouter, éthique. Sur l’importance du choix du bon maître et sur son rôle dans la forma­ tion des disciples, voir mon article « Figures du maître chez Galien », in J. Boulogne et A. Drizenko éd.. L ’enseignement de la médecine selon Galien, Lille, coli. « UL 3 », 2006, p. 15-30.

ΓΑΛΗΝΟΥ ΟΤΙ Ο ΑΡΙΣΤΟΣ ΙΑΤΡΟΣ ΚΑΙ ΦΙΛΟΣΟΦΟΣ

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χρημάτων κρείττονα καί δίκαιον αξιών είναι τον ιατρόν, ου μην φιλόσοφόν γ€, καί φύσιν γινώσκ€ΐν σωμάτων καί ενεργείας οργάνων καί χρείας μορίων καί διαφοράς νοσημάτων καί θεραπειών ενδείξεις, ού μην 5 ήσκήσθαί γε κατά την λογικήν θεωρίαν ; ή τα πράγ­ ματα συγχωρήσας υπέρ ονομάτων αίδεσθήση διαψέρεσθαι ; 2 Καί μην όψέ μεν, άμεινον δε νυν γουν σωφρονήσαντά σε μη καθάπερ κολοιόν ή κόρακα περί φωνών ζυγομαχεΐν, άλλ* αυτών τών πραγμάτων σπου10 δάζειν την άλήθειαν* 3 Ου γάρ δη τούτο γ ’ αν εχοις είπειν, ώς υφάντης μεν τις ή σκυτοτόμος άγαθός άνευ μαθήσεώς τε καί άσκήσεως ούκ άν ποτέ γενοιτο, δίκαιος δε τις ή σώφρων ή άποδεικτικός ή δεινός περί φύσιν έξαιφνίδιον άναφανήσεται μήτε διδασκάλοις 15 χρησάμενος μήτ* αύτός επασκήσας εαυτόν. 4 Εί τοίνυν καί t o u t ’ άναισχύντου καί θάτερον ού περί πραγμάτων έστίν άλλ* ύπερ ονομάτων έρίζοντος, φιλοσοφητεον ήμίν έστι πρότερον, εΐπερ ΊπποκράΙτους άληθώς εσμεν ζηλωταί, καν τούτο ποιώμεν, ούδεν κωλύει μή παραπλη20 σίους άλλα καί βελτίους αύτοΰ γενεσθαι μανθάνοντας μεν όσα καλώς εκείνω γεγραπται, τα λείποντα 8 ’ αυ­ τούς εξευρίσκοντας. post ώσ]περ (c. III. 10) usque ad finem def. U.1

1 άξιων Ar. sed iam Goulston : άξιον LM secl. Müller II 2 μέν Coray : om. LM II 3 ante σωμάτων add. των Aid. II 6 ante αίδεσθήση add. ούκ Goulston II 8 σωφρονήσαντά σε L2M : σωφρονήσαν L II μή L : μήδ’ ή L2 Goulston in mg. μηδή Μ μηδέ Goulston in textu ex cod. Adelphi II κόρακα LM Ar. : κόλακα Aid. II 9 ζυγομαχεΐν LM Goulston in textu : λογομαχεΐν Goulston in mg. sec. cod. Adelphi disputer Ar. II αύτών ego sec. Ar. sed iam Mtiller : αύτ L αύτήν L2 Μ II 12 ποτέ om. L sed add. L2 II 13 σώφρων om. Ar. II 15 έπασκσας LM : άσκήσας L2 II έαυτόν L2 : αύτόν L και αύτόν Μ II 16 άναισχύντου Ar. sed iam coni. Wenk. : άναίσχυντον LM II 18 πρότερον LM Ar. : secl. Müller II έσμεν om. L sed add. L2 II τούτο L : τούτφ Μ II 20 και om. L sed add. L2.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

P. 284. 1. La comparaison avec les athlètes n ’a rien qui doive surprendre et il s ’agit là d ’un thème cher à Galien. Le médecin de Pergame a en effet consacré la deuxième partie de son Protreptique à dénoncer les aspects trompeurs et séduisants de la condition athlétique auprès de jeunes' gens trop prompts à s’enthousiasmer et à préférer à l’apprentissage ardu de l’art médical, les honneurs et la gloire factices promis aux vainqueurs des jeux. Si Galien fustige ici leur inaptitude à s’entraîner correctement, il condamne en revanche dans le Protreptique leur acharnement à s’exercer jusqu’à l’épuisement (c. XI. 3 = Boudon, CUF, 2000, p. 107, 2 : ύπερπονοϋντες ; c. XI. 4 = Boudon, p. 107, 67 : πέρα του προσήκοντος έκάστης ημέρας διαπονοϋσι et aussi c. XL 6 =3 Boudon, p. 108, 2 : ol μεν υες ούχ υπερπονουσιν). Plutôt qu’une éventuelle paresse, ce que condamne donc Galien ici en réalité, c ’est l’ignorance des athlètes à suivre un entraînement correctement conduit et adapté à leurs buts. Un peu plus loin dans le Que Vexcellent médecin est aussi philosophe (c. II. 3), énonçant les deux principales raisons qui font que les athlètes manquent leur but, Galien citera en effet, outre une inaptitude physique naturelle, leur manque d’applica­ tion à s’entraîner (διά την τής άσκήσεως άμέλειαν). Le parallèle ainsi tracé en ouverture de notre traité entre les médecins et les athlètes est donc plus étroit qu’il ne peut paraître au premier abord, puisque de même que médecins et athlètes pâtissent d ’un entraînement ou d ’une formation inadaptée, tous participent également d ’une même condition humaine avec cependant des conséquences différentes dans les deux cas. Si leur condition d’êtres humains interdit en effet aux athlètes de rivaliser avec les animaux qui l’emporteront toujours sur eux en force et en rapidité (voir Protreptique c. IX. 4-5 et surtout XIII. 9), en revanche les médecins doivent à leur appartenance au genre humain de participer à la permanence de l’intelligence et de l ’esprit humains. Ils ne pourront donc pas, à la différence des athlètes, invoquer un quel­ conque manque ou défaut naturel pour expliquer leur inaptitude à com­ prendre Hippocrate.

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

2. La signification exacte de ce passage est peu claire. Une première difficulté tient au sens de la tournure γενέσθαι έν όμοίοις έκείνω donnée par les manuscrits et qui signifie littéralement « être dans des dispositions semblables à celui-ci » (sc. Hippocrate). Reinhold a expli­ qué cette expression dans une note de son édition (p. 116) en la rendant en latin par studere iisdem atque ille (« s’appliquer aux mêmes disci­ plines que celui-ci »). La deuxième difficulté porte sur le pronom. Faut-il éditer αυτούς avec Coray ; αύτούς avec l’Aldine ; ou encore αύτοΐς vel αυτόν avec les manuscrits ? Quelles sont en effet les per­ sonnes désignées par ce pronom : s’agit-il des médecins d’aujourd’hui, sujets des verbes έπαινοΰσι et πράττουσιν ? Et si tel est le cas, la correction de Coray en αύτούς (pronom réfléchi) s’impose ; ou bien s’agit-il de « tous les médecins » (απάντων) supplantés par Hippo­ crate comme semble l’avoir compris le traducteur arabe ? Érasme luimême qui avait l’Aldine comme modèle et lisait pourtant : αύτούς (sic) έν όμοίοις a compris que c’étaient les médecins d’aujourd’hui qui faisaient tout plutôt que de se rendre semblables à Hippocrate : « Nam laudant quidem Hippocratem ac medicis omnibus anteponunt, ut autem ipsi similes illi reddantur, quiduis studio habent potius quam hoc ». Le traducteur arabe quant à lui a compris ce passage tout autre­ ment : « ils (sc. les médecins d ’aujourd’hui) placent Hippocrate devant les autres médecins, alors même que ces derniers (αυτούς sc. les autres médecins), à tous égards, sont plus dignes qu’ils ne le sont eux-mêmes d’être comparés (en arabe : tachabah) à ce grand homme ». Mais comment alors construire ce passage dont la syntaxe paraît impossible ? Je propose pour ma part de lire αύτούς et je com­ prends que : « quand il s’agit de se placer eux-mêmes (sc. les méde­ cins d ’aujourd’hui) sur un plan d’égalité avec ce grand homme, alors ils font tout plutôt qu’agir en ce sens ». Quant à la conjecture de Coray (έναμίλλους), directement inspirée par le contexte et qui établit une comparaison avec la lutte des athlètes et l ’émulation entre médecins, elle n’a pas lieu d’être retenue, pas davantage que la correction de Wenkebach (αύτούς ώς όμοιοτάτους) qui introduit un superlatif inutile. P. 285. 1. Galien a sans doute ici en mémoire un des nombreux passages de la Collection hippocratique où la connaissance de la nature (du corps ou de l’homme) est présentée comme primordiale pour le médecin dans l’exercice de son art. Voir par exemple Des lieux dans l'homme c. 2 (Littré VI, 278) : « La nature du corps est le point de départ du raisonnement en médecine » ; Du régime I c. II. 1 (Joly, CUF, 1967, p. 2 = Littré VI, 468) : « Je prétends que celui qui veut traiter exacte­ ment du régime de l’homme doit d’abord connaître et discerner la nature de l’homme en général » ; ou encore Ancienne médecine c. XX. 3

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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(Jouanna, CUF, 1990, p. 146 = Littré I, 622) : « Car voici, en tout cas, ce qu’il me paraît nécessaire pour un médecin de savoir sur la nature, et de chercher de toutes ses forces à savoir, s’il a l’intention de remplir tant soit peu ses devoirs : c’est ce qu’est l’homme par rapport aux ali­ ments et aux boissons, ce qu’il est par rapport au reste de son genre de vie, ce qui arrivera à chacun à la suite de chaque chose... » 2. Contrairement à Müller qui, dans son apparat critique, indique que τούτου est donné par U, je lis pour ma part à cet endroit τούτον, en face de τουτ- dont la finale indifférenciée donnée par L a été réso­ lue en τούτων par L2 (et M). La forme τούτον présente dans U est vraisemblablement une faute pour τούτων déjà donné par le modèle de L. Certes la traduction arabe a ici un neutre singulier, mais je n ’y vois pas un argument suffisant pour rétablir un τούτου qui, contrairement à ce que croyait P. Bachmann, l ’éditeur de la traduction de Hunain, qui a travaillé avec l’apparat critique de Müller, n ’est en réalité attesté par aucun manuscrit. Tout au plus, dans la mesure où le même verbe σπουδάζω est employé au c. I. 5 avec περί suivi d’un accusatif, pour-, rait-on être tenté ici de restituer un τούτο à partir de la leçon τούτον de U. 11 me semble pour ma part préférable de conserver la leçon des manuscrits L2 et M. 3. Le terme νοσήματα (maladies) a été omis par Müller sur la foi du seul manuscrit U où ce terme est absent, alors que L a νοσήματα corrigé en παθήματα par L2 (correction elle-même adoptée par M) et alors que νοσήματα était donné par toutes les éditions antérieures à Müller. Dans son editio maior de 1875 (p. 35), Müller explique en effet qu’il lui semble peu probable que plusieurs maladies puissent sur­ venir chez un seul malade (τω κάμνοντι) et considère νοσήματα et παθήματα comme des gloses dont seul le manuscrit U serait resté exempt. Or ce jugement est uniquement dicté à Müller par la grande estime dans laquelle, à notre avis à tort, il tient le manuscrit U. Le texte arabe mentionne, il est vrai, sans autre précision les « faits qui se pro­ duisent présentement » (Al a ’rad al hadarat) pour le malade, à côté de ceux qui sont passés et à venir, ce que P. Bachmann rend dans sa tra­ duction allemande (p. 17) par « die gegenwârtigen Symptôme » en indiquant qu’aucun terme ne semble exactement correspondre à νοσή­ ματα ou παθήματα. La traduction arabe (litt. τα συμβαίνοντα) reste de toute façon fort vague et ne permet pas de trancher avec certitude. Je choisirai donc de restituer la leçon de L (plutôt que L2 qui a toute chance d’être une variante), en considérant que le manuscrit U présente à cet endroit une omission fautive. 5. Galien a consacré une monographie intitulée Sur le pronostic à cette activité du médecin qui, à ses yeux, fait figure de fine fleur de l’art médical (τά κάλλιστα των τεχνώ ν in Pronostic I, éd. V. Nutton, CMG V 8, 1, 1979, p. 68, 6-7 = Kühn XIV, 599). Aussi, loin de dénon­ cer l’art du pronostic en général, Galien réserve-t-il sa critique à ceux

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

de ses contemporains qui, incapables d ’établir eux-mêmes un pronostic faute d ’y avoir été correctement formés, sont ensuite amenés, par igno­ rance, à condamner toute tentative d ’un confrère en ce domaine : « Quand un médecin parmi ceux qui en ont fait un apprentissage cor­ rect (sc. du pronostic) pronostique la survenue chez un malade d’un délire, d ’un frisson, d ’un flux, d ’une hémorragie, d ’une tumeur aux oreilles ou de quelque autre abcès dans quelque partie que ce soit, d’un vomissement, de sueurs, de troubles du ventre, de syncope ou de quelque autre symptôme comparable, il fait figure de monstre étrange aux yeux des premiers venus qui n ’y sont pas habitués et, tant s’en faut que l ’auteur du pronostic recueille leur admiration, qu’il devrait s’esti­ mer heureux de ne pas passer pour un charlatan (Sur le pronostic 1 (éd. Nutton, p. 70, 1-8 = Kühn XIV, 601). On notera que les sueurs et les hémorragies figurent déjà dans ce passage au nombre des signes susceptibles de faire l’objet du pronostic et que le médecin est de même traité par ses détracteurs de charlatan (γόης). Sur la figure du charlatan, voir mon article « Aux marges de la médecine rationnelle : médecins et charlatans à Rome au temps de Galien », Revue des Etudes Grecques 116, 2003, p. 109-131. Quant à l ’adjectif παραδο­ ξολόγος, ici employé dans un sens péjoratif au sens d’« annonceur de miracles », Galien rapporte dans le Pronostic 8 (éd. Nutton, p. 110, 16-18 = Kühn XIV, 641) qu’il lui avait lui-même été attribué par la plupart de ses collègues avant que ses succès remportés dans le traite­ ment de la femme du consul Boéthus, lui valussent d ’être également qualifié de παραδοξοποιόν (faiseur de miracles) : « Il est une action véritablement admirable (θαυμάσιον) qui me fit recevoir le titre non seulement d ’ « annonceur de miracles » (παραδοξολόγον) comme la plupart des médecins me nommaient auparavant, mais aussi de « fai­ seur de miracles » (παραδοξοποιόν) ». 6. Muller1(p. 36) remarque que l’adverbe σχολή est fréquemment employé en grec dans une apodose après une protase négative (que nous n ’avons pas ici) au sens de « a fortiori », « encore moins », ce qui mènera finalement Müller2 (p. 2, 11) à supposer une lacune après άποκαλοΰσι. Wenkebach (p. 171) ira encore plus loin en proposant de rétablir à cet endroit une protase négative du type aov) donné par U et le superlatif (βφστον) donné par L (et M). Hunain traduit en effet simplement par un positif « Cela était facile pour nous de ». P. 288. 2. L’étude préalable des écrits des Anciens constitue pour Galien la condition première de tout progrès en médecine. Condamnant dans le Sur la méthode thérapeutique IX, 4 (Kühn X, 609) le mode de vie des médecins mondains qui perdent leur temps dans les visites et les dîners, Galien rappelle les principes qui ont guidé sa propre forma­ tion : « On ne s ’étonnera donc pas que pendant que d’autres font des visites de politesse d’un bout à l ’autre de la ville, vont à des dîners et invitent les riches et les puissants, moi, pendant tout ce temps, je m ’as­ treins à me pénétrer d ’abord de tout ce que les Anciens ont découvert de valable, puis à juger par les faits la valeur de ces découvertes, et à m ’exercer à les mettre en pratique » (traduction P. Moraux, Galien de Pergame..., Paris, 1985, p. 110).

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3. Les manuscrits (et l ’Aldine) ont ici le verbe έφιέσθαι (de έφίημι) qui se construit avec le génitif au sens de « se diriger vers », « tendre à » (mais sans forcément atteindre son but). Le verbe έφ ιέ­ σθαι est employé une seule fois chez Galien avec τέλος dans le A Thrasybule (c. 13 éd. Helmreich, Scripta Minora III, 1893, p. 48, 14 = Kühn V, 827, 10) dans le sens de « tendre à » à l’intérieur d ’un contexte où cette condition n ’est pas supposée réalisée. Aussi Coray at-il le premier proposé (et non Comarius comme l ’indique par erreur J.H. Waszink in Opera omnia D. Erasmi..., Amsterdam, 1969, tome I, p. 667,1. 2) de corriger έφιέσθαι en έφικέσθαι (de έφικνέομαι) qui se construit également avec le génitif, mais avec le sens de « parvenir à », « atteindre » qui convient mieux dans notre contexte. Le verbe έφικέσθαι serait donc ici employé en parallèle avec l’infinitif έξικέσθαι dans les lignes suivantes. Érasme semble avoir déjà fait cette conjecture quand il traduit dans notre passage έφικέσθαι par perueniat (alors qu’il traduit au c. II. 9 έφιέμενον par expetit). Cet emploi peut par ailleurs être mis en parallèle avec trois autres emplois de έφι­ κέσθαι avec τέλους dans le corpus galénique (voir Sur la différence. des symptômes Kühn VII, 45, 13 ; Sur la méthode thérapeutique Kühn X, 127, 16 et Aphorimes Kühn XVIIB, 352, 13). La correction de Coray en έφικέσθαι que j ’adopte ici semble en outre confirmée par la traduction arabe (erreichen), bien que le traducteur arabe rende par le même verbe έφικέσθαι ici et έξικέσθαι plus loin. Galien défend ici la conception d ’un art médical authentique et opposé à l ’amour de l’ar­ gent telle qu’elle s’exprime dans le traité hippocratique des Préceptes 6 au travers de la célèbre formule : « Là où il y a amour des hommes, il y a aussi amour de l’art » (Littré IX, 258, 10). Ajoutons toutefois que Galien ne semble pas avoir connu les traités déontologiques de la Collection hippocratique qu’il ne cite pas, ou alors semble les avoir considérés comme apocryphes. 4. Müller a supprimé cette phrase dont il n ’a pas compris la logique dans le raisonnement de Galien et qu’il a considérée comme une glose. Wenkebach de son côté a choisi de la conserver mais au prix de telles corrections qu’elle en est devenue méconnaissable : φθάσουσί γ ’ Ιατροί πλουτήσαι πριν ήμας έπί τό τέλος αύτής έξικέσθαι (ρ. 172, 21-22). Or ce pas­ sage, dont la présence est attestée dans la traduction arabe, doit être conservé. Les notions de temps exprimées ici à travers les mots grecs φθάσουσί, πριν et άμα sont en effet fondamentales pour la compré­ hension du passage. Le raisonnement de Galien, de fait, est le sui­ vant : il n ’est pas concevable d ’avoir en même temps en vue la richesse et l’apprentissage de la médecine ; en effet, il est plus rapide de s ’enrichir que d’apprendre la médecine ; il n’est donc pas possible de s’enrichir et d ’exercer la médecine en même temps, mais il faut choisir entre les deux.

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5. Galien vise ici les médecins contemporains qui, tel le médecin empirique Ménodote cité dans le Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon IX, 5, 1 (éd. Ph. De Lacy, CMG V 4, 1, 2, 1978, p. 564, 10 sqq. = Kühn V, 751), agissent par amour de l'argent et de la gloire, alors que la majorité des Anciens « soignaient les hommes par amour des hommes » (διά φιλανθρωπίαν έθεράπευον τούς άνθρώπους). D ’un autre côté, au nombre de ceux qui privilégient l’étude au risque de ne plus gagner de quoi subsister, on citera ces médecins qui confient à Galien, en privé et les larmes aux yeux, qu’ils craignent de ne « plus même gagner de quoi vivre, si ceux qui les croient savants viennent à les voir occupés à étudier » (Sur la méthode thérapeutique VIII, 3 = Kühn X, 560, 4). Enfin, certains médecins consacrent tout leur temps aux mondanités et n ’ont plus le loisir de s’adonner à l’étude : « C’est qu’ils n ’ont pas le loisir de rechercher la vérité : depuis le matin, ils passent leur temps à “ présenter leurs hommages ” —c’est eux-mêmes qui appellent cela des “ hommages ” (οΰς αύτοι καλοΰσιν άσπασμούς)— et le soir, ils se remplissent la bedaine et s’enivrent » (Sur la méthode thérapeutique I, 9 = Kühn X, 76). 6. Galien impose ici comme limite à une richesse raisonnable la satisfaction des besoins nécessaires du corps (faim, soif, froid), tout le reste étant superflu. Cette conception, teintée de philosophie stoï­ cienne, lui vient de sa prime enfance et de l’enseignement de son père. Tout en reconnaissant n’avoir jamais eu à déplorer de pertes maté­ rielles et en rappelant que la fortune paternelle lui a de fait permis de faire de longues études, d’entreprendre de nombreux voyages scienti­ fiques, de rassembler une riche bibliothèque et de former et rétribuer des serviteurs aptes à écrire sous sa dictée, Galien se souvient en ces termes des recommandations que lui faisait son père dans le Sur le diagnostic et le traitement des passions de l'âme 8 (éd. W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, 1937 = Scripta Minora I, p. 34, 14 ; Kühn V, 44) : « Je me rappelais les recommandations de mon père, qui me conseillait de ne pas m ’attrister de la perte de mon avoir aussi long­ temps que ce qui me resterait suffirait à pourvoir à l’entretien de mon corps. La limite inférieure à laquelle, d ’après lui, ne doivent pas des­ cendre les richesses, c ’est qu’elles nous mettent à l ’abri de la faim, du froid et de la soif (ώς μή πεινήν μή £ιγούν μή διψήν). Si, disait-il, on en possède plus que ce qui est nécessaire pour subvenir à ces besoins, il faut les employer à réaliser de nobles actions. En ce qui me concerne, j ’ai jusqu’ici disposé de richesses suffisamment considé­ rables pour réaliser de telles actions ». On trouve également la même idée dans le Sur l'inutilité de se chagriner où Galien déclare qu’il « méprise toute perte d ’argent dans la mesure où il en reste assez en possession pour n’avoir ni faim, ni froid, ni soif » (ώς μήτε πεινήν μήτε (Ηγοΰν μήτε διψήν) ; voir V. Boudon-Millot, « Un traité perdu de Galien miraculeusement retrouvé, le Sur l'inutilité de

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se chagriner : texte grec et traduction française », cité supra, p. 169, n. 13. Il s’agit là d ’une formule sans doute proverbiale que l’on retrouve encore dans les Sentences vaticanes 33 : « La chair demande de ne pas souffrir de la faim, de la soif et du froid. Celui qui est à l’abri de ces besoins et qui a l ’espoir de l’être dans l’avenir peut riva­ liser de félicité avec Zeus » et chez Stobée, Anthologie, éd. C. Wachsmuth et O. Hense, Berlin, vol. IV, 1909, p. 37, 14, 1 (μή πεινήν, μή διψήν, μή βιγουν). 7. Comme le remarque J. Jouanna, « L’éthique hippocratique... » (cité p. 287 n.T), p. 234, « Cette présentation d ’un Hippocrate mépri­ sant l’argent et médecin des pauvres, qui s’appuie non seulement sur les données biographiques mais aussi sur l’œuvre elle-même, est évi­ demment une reconstruction ». Selon différentes sources (Lettres 1 à 9 ; Décret des Athéniens ; Vie d ’Hippocrate selon Soranos ; Plu­ tarque, Vie de Caton l ’Ancien 23. 4 ; Stobée III, 13, 51), le roi des Perses Artaxerxès Ier (464-424) aurait cherché à s’attacher les services d ’Hippocrate pour lutter contre une pestilence qui s’était abattue sur son armée en lui promettant or et argent à profusion, ainsi que les mêmes honneurs que les meilleurs des Perses. Mais le médecin de Cos aurait décliné l ’offre du Grand Roi en répondant qu’il avait « provisions, vêtement, logement et tout ce qui suffit à la vie » et qu’il ne lui était pas permis de soigner des Barbares qui étaient les ennemis des Grecs (Lettres, 5). Cet épisode célèbre a inspiré à Girodet en 1792 une toile intitulée Hippocrate refusant les présents d*Ar­ taxerxès et aujourd’hui conservée à l’École de médecine, à Paris. Quant à Perdiccas II, roi de Macédoine, selon différentes sources pas toujours concordantes (Vie d ’Hippocrate selon Soranos ; Souda s. v. Ιπποκρά τη ς ; Tzetzès, Chiliades v. 967), il aurait reçu les soins d ’Hippocrate pour traiter une phtisie qui se révéla en fait être une maladie d ’amour. Perdiccas était en effet épris de Philè, la courtisane de feu son père. Pour Galien cependant, Hippocrate soigna Perdiccas du bout des lèvres, tandis que selon le témoignage de la Souda, Hip­ pocrate était lié à Perdiccas par des liens d’amitié et séjourna en Macédoine pour cette raison (διέτριψ ε δέ έν Μ ακεδονίμ, φίλος ών σφόδρα τφ βασιλεΐ Περδίκκα). Ρ. 289. 1. Les malades de Cranon et Thasos sont cités dans les Epidémies. Cranon est en effet cité une fois dans Epidémies II, deux fois dans Epi­ démies IV, et deux fois dans Épidémies VI, tandis que Thasos est sur­ tout cité dans le groupe Épidémies I-IH (cinq fois dans Épidémies I, six fois dans Épidémies III), et deux fois dans Épidémies VI et une fois dans Épidémies VII. Mais J. Jouanna, « L ’éthique hippocratique... » (cité p. 287 n. 1), p. 234, note qu’ « on ne rencontre jamais le mot πένης (pauvre) dans les Épidémies pour caractériser les malades ✓

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soignés par les médecins hippocratiques, qu’ils soient de Cranon, de Thasos, ou d ’ailleurs ». 3. La séquence άλώμενος έφέξει a donné lieu à plusieurs correc­ tions. Coray a inutilement proposé de corriger le participe άλώμενος (de άλάομαι, -ώμαι « errer », « aller çà et là ») donné par tous les manuscrits en άλώμενος (qu’il semble tirer de άλλομαι pour lequel il existe un participe άλόμενος qui signifie « sauter, bondir, s’élancer »). La forme verbale έφέξει a également donné lieu à plusieurs conjectures (voir appârat critique). Or il est possible de conserver έφέξει, donné par tous les manuscrits, futur du verbe έπέχω employé ici avec πάσαν au sens de « tenir », « occuper » tout un territoire (cf. Hérodote I, 104 : ol δε Σκύθαι την Ά σ ίη ν πάσαν έπέσχον « les Scythes se répandirent sur l’Asie tout entière »). La correction proposée par Goulston en έφήξει de έφήκω « survenir dans » n’est donc pas nécessaire. La traduction arabe {parcourir alentour toutes les cités grecques) ne permet pas, quant à elle, de confirmer avec certitude l’une ou l ’autre leçon (vs. Bachmann, p. 12, qui voit dans cette traduction une façon de rendre έφήξει). Les voyages entrepris par Hippocrate étaient devenus célèbres et avaient pour but d’enrichir l’expérience acquise par le méde­ cin par l’examen d’autres contrées. Comme l’illustre parfaitement le traité Airs, eaux, lieux (c. I. 3-5 éd. Jouanna, CUF, 1996, p. 187 = Lit­ tré II, 12)) auquel Galien va emprunter les développements qui suivent, la médecine hippocratique accorde en effet une grande importance à l’influence du milieu naturel sur la santé et la maladie. 4. Müller2 a suspecté ce passage, pourtant déjà présent dans la tra­ duction arabe, et l ’a mis entre crochets droits. Il faut rappeler que cette notation intervient à l’intérieur d ’un développement qui énumère les devoirs non pas d’Hippocrate lui-même, mais de tout médecin hippo­ cratique qui s’efforce d’être digne du maître. Il s’agit donc, pour un tel médecin, non pas tant de composer de véritables ouvrages sur la nature des différents lieux géographiques à la manière du célèbre traité hip­ pocratique Airs, eaux, lieux, auquel Galien fait manifestement réfé­ rence ici, que d’imiter et de poursuivre l’entreprise engagée par le maître en entreprenant comme lui des voyages d ’étude et de formation qui seront l’occasion de noter (γράψαι τι), à son propre usage ou pour de futurs disicples, les principales particularités régionales rencontrées. 5. Le participe έστραμμένης (de στρέφω) donné par tous les manuscrits a été corrigé dans l ’édition Aldine en τετραμμένης (de τρέπω). La traduction arabe ne permet pas ici de choisir entre ces deux leçons, contrairement à ce qu’indique P. Bachmann (p. 12) qui consi­ dère la leçon έστραμμένης comme une lectio difficilior en s’appuyant sur le dictionnaire LS J qui ne cite qu’une attestation chez Polybe (2, 15, 8 où έστραμμένης est d’ailleurs employé avec la préposition έπί et non πρός comme dans notre passage). Müller a lui-même hésité, éditant d ’abord τετραμμένης en 1875, puis έστραμμένης en 1891.

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Or, il n ’y a aucune raison de suspecter ici le participe έστραμμένος qui est déjà employé exactement dans le même contexte dans Airs, eaux, lieux (c. IV. 5 = Jouanna, CUF, 1996, p. 196, 7-8) où il est ques­ tion des « orientées face aux vents chauds » : των προς τάς άρκτους έστραμμένων et encore (c. V. 5 = Jouanna, p. 197, 10) de celles « tournées vers les vents chauds » : τησι προς τα θερμά πνεύ­ ματα έστραμμένησιν. Il convient donc de conserver le texte des manuscrits sans le modifier. 6. Voir Hippocrate, Airs, eaux, lieux c. I. 3 (Jouanna, CUF, 1996, p. 187, 4-9 = Littré II, 12) : « Ainsi, lorsqu’un médecin arrive dans une cité dont il n ’a pas l’expérience, il doit en examiner avec soin la position, la façon dont elle est située par rapport aux vents et par rap­ port aux levers du soleil ; car la cité n ’a pas les mêmes propriétés selon qu’elle est située face au borée ou face au notos, ni selon qu’elle est située face au soleil levant ou face au soleil couchant. Voilà ce qu’il doit considérer du mieux possible ». 8. Voir Hippocrate, Airs, eaux, lieux c. I. 4 (Jouanna, CUF, 1996, p. 187, 9-13 = Littré II, 12) : « Et de même à propos des eaux, (il doit considérer) comment elles se présentent, et en particulier si les habi­ tants usent d ’eaux marécageuses (έλώδεσι) et molles ou d’eaux dures issues de lieux élevés et de lieux rocheux (έκ μετεώρων και έκ πετρωδέων), ou d’eaux salées et crues (άλυκοισί τε καί άτεράμνοισι) ». -Il n ’est pas question ici des « eaux importées » (έπακτοις ϋδασι) mentionnées par Galien, c ’est-à-dire des eaux canalisées. Hip­ pocrate en parle cependant un plus loin dans Airs, eaux, lieux c. IX. 1 (Jouanna, p. 208, 10 sqq. = Littré II, 36) pour les englober dans une même réprobation avec les eaux mélangées issues de grands fleuves et de lacs : « Les habitants ont très souvent la lithiase, sont pris de néphrites, de strangurie et de sciatiques et ont des tumeurs scrotales dans les lieux où ils boivent des eaux très diverses provenant soit de grands fleuves dans lesquels se jettent d’autres fleuves, soit d ’un lac dans lequel aboutissent quantité de cours d ’eau divers, et quand ils usent d ’eaux importées que l ’on a canalisées sur une longue distance et non sur un court trajet (ϋδασιν έπακτοΐσι ... διά μακροΰ άγομένοισι και μή έκ βραχέος) ». -Les eaux de source (πηγαίοις) chez Galien correspondent quant à elles aux « eaux dures issues de lieux élevés et de lieux rocheux » chez Hippocrate. Il en est à nouveau ques­ tion dans Airs, eaux, lieux c. VII. 9 (Jouanna, p. 201, sqq. 15 sqq. = Littré II, 28-30) : « En second viennent les eaux de source qui sortent des rochers (αί πηγαι έκ πετρέων) —elles sont nécessairement dures— ou qui sortent d ’un sol contenant des eaux chaudes, ou renfer­ mant soit du fer soit du cuivre soit de l’argent soit de l’or soit du soufre soit de l’alun soit du bitume soit du natron ; car toutes ces matières se forment sous l ’action violente de la chaleur. Il n ’est donc pas possible qu’un tel sol donne des eaux de bonne qualité, mais ce sont des eaux

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dures et échauffantes, mauvaises pour la miction et contraires à la défécation ». -Les eaux de pluie (όμβρίοις) sont selon Hippocrate, Airs, eaux, lieux c. VIII. 2.5.8 (Jouanna, p. 204, 11 sqq. = Littré II, 32 sqq.) : « (2) les plus légères, les plus douces, les plus ténues et les plus limpides... (5) De toutes les eaux, la plus rapide à se putréfier et à prendre une mauvaise odeur est l’eau de pluie, parce qu’elle est formée de la réunion et du mélange de très nombreuses eaux, de sorte qu’elle se putréfie très rapidement... (8) Ces eaux sont les meilleures, comme il est normal ; toutefois elles ont besoin d ’être bouillies et de perdre leur putréfaction ; sinon elles ont mauvaise odeur, et des enrouements, des toux et la raucité de la voix s ’installent chez ceux qui les boi­ vent ».,-Les eaux de lacs (έκ λιμνών) mentionnées par Galien font partie, quant à elle, des eaux marécageuses, voilà ce qu’en dit Hippo­ crate, Airs, eaux, lieux c. VII. 2 (Jouanna, p. 199, 10 sqq. = Littré II, 26) : « Eh bien donc, celles qui sont marécageuses, stagnantes et lacustres (λιμναία), celles-là sont nécessairement chaudes en été, épaisses et malodorantes, du fait qu’elles ne s’écoulent pas ; et comme l’eau de pluie s’y ajoute en étant sans cesse renouvelée et que le soleil est brûlant, elles sont nécessairement décolorées, mauvaises et pro­ pices à la bile. En hiver, au contraire, elles sont (nécessairement) gelées, froides et rendues troubles par la neige et le gel, si bien qu’elles sont très propices au phlegme et aux enrouements ». Suit la longue liste des maladies auxquelles s’exposent inévitablement ceux qui consomment une telle eau : hypertrophie de la rate, ventre dur, corps émacié, maigreur, hydropisie, dysenterie, diarrhée, fièvres quartes ; en hiver, péripneumonie, délire, causus, gonflements, leucophlegmasie, dystocie, phtisie, tumeurs scrotales, varices, ulcères. Aussi l’auteur hippocratique considère-t-il de telles eaux comme « mauvaises pour tout usage ». -La dernière catégorie d’eaux mentionnée par Galien, à savoir les eaux de fleuves appartiennent, on l’a vu, à la catégorie des eaux mélangées dont la consommation reste cependant préférable à celles des eaux stagnantes et des eaux de pluie (Airs, eaux, lieux c. XXIV. 4 : Jouanna, p. 246, 4 sqq. = Littré II, 88) : « Et s’il y a des fleuves dans ce pays qui drainent hors de lui l’eau stagnante et l’eau de pluie, ces gens-là jouiront d ’une meilleure santé et auront le corps souple ; mais s’il n ’y a pas de fleuves et s’ils boivent des eaux de fon­ taine et des eaux stagnantes et marécageuses, il est nécessaire que de telles constitutions soient plutôt ventrues et malades de la rate ». 9. Nous avons ici affaire à un long développement qui débute c. III. 2 et qui s’organise autour du verbe principal χρή dont dépendent les infinitifs γενέσθαι et Ιδείν. Toute la question est donc de savoir si l ’infinitif άμελήσαι dépend également de ce premier χρή ou bien s’il convient d ’adopter la correction de Goulston qui rétablit δει à la place de εΐ donné par les manuscrits (άμελήσαι δε και ai). Or, la traduction arabe n ’introduit pas ici de nouveau verbe d ’obligation et fait claire-

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ment dépendre άμελήσαι de χρή (« et qu’il ne néglige pas... » tra­ duit Hunain). Il faut donc dès lors se résoudre après Comarius et Goulston à placer εΐ, qui n’offre pas de sens satisfaisant ici, entre crochets droits, Coray, pour sa part, l’a purement et simplement omis. 10. Sur les eaux nitreuses (νιτρώδεσι), voir le passage déjà cité à propos des eaux de source dans Airs, eaux, lieux c. VII. 9 (Jouanna, CUF, 1996, p. 202, 1 = Littré II, 30) où sont mentionnées des eaux ren­ fermant du nitre (νίτρον). Dans une note à ce passage, J. Jouanna pré­ cise cependant que « Le νίτρον des Anciens n ’est pas le nitre (nitrate de potassium ou salpêtre), mais le natron (carbonate de sodium), miné­ ral alcalin naturel » et renvoie à J. H. Dierbach, Die Arzneimittel des Hippokrates, Heidelberg, 1824 (= Hildesheim 1969), p. 240-242 et D. Goltz, « Studien zur Geschichte der Mineralnamen », Sudhoffs Archiv, Beih. 14, 1972, p. 100 sqq. Les eaux alumineuses (στυπτηριώδεσιν) contiennent de l’alun (ou alumine) qui est un oxyde d’aluminium. Hip­ pocrate les cite dans Airs, eaux, lieux à l’intérieur d’une liste destinée à illustrer la variété des eaux. Elles ont en outre des vertus astringentes, d’où la traduction par J. Jouanna dans ce passage de στυπτηριώδεα par « astringentes » : « Car il n ’est pas possible qu’une eau ressemble à une autre ; mais (nécessairement), les unes sont douces, d’autres sont salées et astringentes (στυπτηριώδεα), d’autres coulent en provenance de sources chaudes, et toutes ces eaux, une fois mélangées ensemble au même endroit, entrent dans une lutte intestine et la victoire revient tou­ jours à l’élément le plus fort » (Airs, eaux, lieux c. IX. 2 : Jouanna, p. 208, 17 sqq. = Littré II, 38). 11. Le classement des cités dans Airs, eaux, lieux repose sur l’orien­ tation par rapport au soleil et aux vents, et n’est jamais mis directement en relation comme le fait ici Galien avec la proximité d ’un fleuve, d’un lac, d’une montagne ou de la mer. Hippocrate cependant, comme Galien dans ce passage, établit un lien étroit entre l’orientation d ’une cité et la qualité de ses eaux : « Et les cités qui sont bien exposées par rapport au soleil et aux vents et qui ont des eaux de bonne qualité sont, pour leur part, moins sensibles à de tels changements ; tandis que celles qui ont des eaux marécageuses et lacustres et qui ne sont pas bien exposées par rapport aux vents et au soleil y sont, de leur côté, davantage sensibles » (Airs, eaux, lieux c. X. 8 : Jouanna, CUF, 1996, p. 215, 13 sqq. = Littré II, 48). P. 290. 1. Après avoir déclaré c. II. 8 qu’ « on ne peut évidemment pas à la fois faire de bonnes affaires et exercer un art aussi prestigieux, mais (que) nécessairement celui qui se lance avec assez d ’ardeur dans l’une de ces deux activités néglige l’autre », Galien franchit ici une nouvelle étape dans ses exigences. Renonçant désormais à toute alternative, il choisit de ne plus s’adresser qu’au seul médecin fidèle à l’héritage hip-

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pocratique pour poser comme une nécessité absolue à la fois le mépris de l’argent et l ’amour du travail, la poursuite d ’une activité lucrative apparaissant ici définitivement incompatible avec celle d’une activité scientifique. En ce qui concerne le mépris de l’argent, Galien a dit plus haut (c. II. 9) dans quelles limites on pouvait renoncer à la fortune dans la mesure où il suffit de posséder de quoi satisfaire les besoins du corps. Galien introduit ici en outre un thème nouveau, celui de l’amour du travail (φιλοπονία). Cette vertu est citée dans le Sur Vordre de ses propres livres c. IV. 3 au nombre d ’une des trois qualités indispen­ sables à la réussite dans les études, avec une intelligence vive et une bonne mémoire : « Il faut que cet homme-là ait en même temps un esprit aiguisé, une bonne mémoire et l ’amour du travail » (Είναι δέ χρή τούτον άγχίνουν τε άμα και μνήμονα και φιλόπονον). Dans le Sur la constitution de Uart médical c. 6, 9 ( éd. Fortuna, CMG V 1, 3, 1997, p. 70, 23 sqq. = Kühn I, 244), l’amour du travail figure cette fois à la quatrième place dans la liste des sept qualités que doit posséder tout homme amoureux de la vérité, parmi lesquelles Galien distingue : 1-une nature pénétrante (όξεια φύσις), 2-une éducation jointe à l’exer­ cice et acquise dès l’enfance (ή έκ τής παιδικής ηλικίας άγωγή τε και άσκησις), 3-une aptitude à prêter l’oreille à ceux qui paraissent les meilleurs de leur temps (υποσχεΐν τα ώτα τοΐς κατά τον έαυτοϋ χρόνον άρίστοις είναι δοκοΰσιν), et 4-un très grand amour du tra­ vail (αυτόν είναι φιλοπονώτατον), auxquels s’ajoutent 5-1’amour exclusif de la vérité (άληθείας όρεχθήναι), 6-1’apprentissage d’une méthode capable de distinguer le vrai du faux (έκμαθεΐν τινα μέθο­ δον, ή διακρίνεται τό άληθές τε καί το ψεύδος) et 7-le fait de s ’exercer à pratiquer cette méthode (άσκήσαι την μέθοδον). Galien nous dit explicitement dans ce passage ce qu’il faut entendre par l ’ex­ pression « amour du travail au dernier degré » (φιλόπονον έσχάτως ύπάρχειν) utilisée dans le Que Γexcellent médecin est aussi philo­ sophe. Il s’agit en effet d’être au dernier degré amoureux du travail au point de ne consacrer ses soins à rien d ’autre que l’étude, de jour comme de nuit (είτα τέταρτον αύτόν είναι φιλοπονώτατον ώς μηδέν μήθ5 ήμέρας μητέ νυκτός έκμελετάν άλλο πλήν των μα­ θημάτων). Le φιλόπονος se substitue donc ici au φιλάνθρωπος du c. IL 5. On pourra naturellement s’interroger sur la sincérité d ’une'telle profession de foi et en particulier on peut se demander si, tout comme il l’a fait dans son portrait d’Hippocrate (c. III. 1), Galien ne nous livre pas ici une vision idéale du médecin fort éloignée de la vérité. Si l’on compare avec ce qu’il nous dit ailleurs de sa propre expérience médi­ cale, on constate cependant, en ce qui concerne la question de la for­ tune, que sans aller jusqu’à prôner comme ici le mépris (χρημάτων καταφρονεΐν) de l’argent, et tout en prêtant attention aux difficultés de ceux qui « ne disposent pas d ’argent à dépenser » (και άναλίσκειν ούκ έχομεν in Sur la méthode thérapeutique VIII, 3 = Kühn X, 561),

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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Galien manifeste en général une attitude très détachée vis-à-vis des biens matériels (sur cette attitude héritée de l ’enseignement paternel, voir le passage du Sur le diagnostic et le traitement des passions de Vâme 8 : W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, 1937 = SM I, p. 34, 14 ; Kühn V, 44) cité plus haut p. 302, n. 6. Pour ce qui est de l’amour du travail, les quelque vingt mille pages rassemblées dans l’édition de Kühn témoignent suffisamment de l’ardeur au travail du médecin qui, non sans quelque complaisance, nous a laissé de lui le portrait suivant dans le Sur Vordre de ses propres livres IV. 5 : « Mais même moi qui ai connu une telle chance et qui apprenais plus vite que tous les autres tout ce qu’on m ’enseignait, si je ne m ’étais pas appliqué ma vie tout entière (τον ολον μου βίον) à m’entraîner aux principes de la méde­ cine et de la philosophie, je n ’aurais rien su d’important ». 3. Tel est précisément le sujet du Sur la méthode thérapeutique (Kühn X, 1-1021), vaste traité en quatorze livres rédigé par Galien en deux étapes et dont les deux premiers livres sont consacrés à l’impor­ tance pour le médecin de posséder une bonne méthode de démonstra­ tion capable d’établir des distinctions entre les différents types de dérangements en rapport avec la maladie. Car comme le déclare Galien au début de cet ouvrage (I. 2 = Kühn X, 15) : « À coup sûr, en ce qui concerne les différences entre les maladies, combien elles sont et quelles elles sont, de même également qu’en ce qui concerne les symp­ tômes et aussi les causes de chacun d ’eux, c ’est Hippocrate qui nous paraît être le premier de tous, à notre connaissance, à en avoir jeté les bases correctes ». Mais alors que dans ce traité la condamnation des médecins mondains intervient à la fin de l’exposé de Galien sur l’uti­ lité de la méthode en médecine, dans le Que Γexcellent médecin est aussi philosophe l’argument éthique précède l’argument méthodolo­ gique. 4. Galien s’est longuement expliqué sur ce qui constitue les fonde­ ments mêmes du savoir médical dans son traité Sur les éléments selon Hippocrate (éd. Ph. De Lacy, CMG, V 1, 2, Berlin, 1996). Voir notam­ ment le début du chapitre 2 (De Lacy, p. 58, 5 sqq = Kühn I, 415). Galien y expose une conception de la nature et du corps héritée de la tradition hippocratique. À partir des éléments simples et premiers constitutifs de tous les corps (eau, feu, terre, air auxquels sont attri­ buées les qualités de chaud, froid, sec et humide) sont formées les par­ ties dites homéomères, c ’est-à-dire constituées de parties semblables (en quelque sorte les tissus tels que chair, nerf, veine, artère, ten­ don...), qui entrent à leur tour dans la composition des organes. 5. Les manuscrits nous ont transmis ici un texte corrompu (μέν άγειν) pour lequel les différents éditeurs ont proposé différentes cor­ rections (λαμβάνειν coni. Müller1 in app. crit. ; άπολαβεΐν Wenkebach ; μέν λέγειν Goulston in mg.). De son côté, Hunain a traduit trop librement ce passage pour permettre à l ’éditeur de rétablir le texte

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

grec avec certitude (« étant donné que celle-ci aussi [ie cette connais­ sance] nécessite une vérification qui ne repose pas sur l’acceptation de quelque chose qui soit non prouvé »). P. Bachmann (p. 12) se demande sans grande conviction si l’idée d ’acceptation contenue dans l’arabe bitaslimun ne serait pas la traduction du verbe grec λαμβάνειν proposé par Müller. Pour ma part, je m’efforcerai de rester le plus proche possible du texte des manuscrits en proposant de restituer μανθάνειν à partir de μεν άγειν faute susceptible d’être intervenue à la suite d’une mélecture entraînée après une mécoupure. 6. On retrouve dans les mots de Galien comme un écho de ceux de l’auteur hippocratique de La bienséance c. 5 (Littré IX, 232) quand il déclare : « Aussi faut-il, reprenant chacun des points susdits, transpor­ ter la philosophie dans la médecine, et la médecine dans la philoso­ phie ; le médecin philosophe est égal aux dieux. Il n ’y a guère de dif­ férence entre la philosophie et la médecine ; tout ce qui est de la première se trouve dans la seconde ». P. 291. 1. Cette tripartition de la philosophie en logique, physique et éthique, étrangère à Hippocrate, est héritée de la philosophie stoï­ cienne. Selon Diogène Laërce VII, 39, c ’est en effet Zénon de Citium qui le premier divisa la philosophie en trois branches, physique, éthique et logique (φυσικόν, ηθικόν, λογικόν), témoignage corro­ boré par Cicéron, De finibus IV, 4 (= SVF I 45, p. 15 von Amim). L ’ordre adopté ici par Galien diffère de l’ordre original attribué à Zénon, mais est également attesté par Diogène Laërce VII, 40 qui précise que « d’autres placent en premier la logique, en deuxième la physique et en troisième l ’éthique » άλλοι δε πρώτον μεν τό λογικόν τάττουσι* δεύτερον δε τό φυσικόν* και τρίτον τό ήθικόν (= SVF 46, I, ρ. 16 von Amim). La logique, dont Galien indiquera la finalité au c. IV. 1, relève en médecine de la méthode de démonstra­ tion, illustrée dans le Sur la méthode thérapeutique, pour diviser les maladies en genre et en espèce et leur appliquer un traitement adapté ; la physique relève de l’étude de la nature en générai et en particulier de la constitution du corps divisé en parties simples et premières ou homéomères (c’est-à-dire formées de parties semblables, telles que la chair, les os, les membranes, les nerfs, les veines, les ligaments, et en un mot tout ce que nous appelons tissus) et les parties organiques (comme le foie, les poumons...) ; l’éthique, qui intéresse tout particu­ lièrement Galien, est ici définie comme, d ’une part le mépris de l’ar­ gent, et d ’autre part comme ce qui est présenté tantôt comme l’amour du travail, et tantôt comme la pratique de la tempérance, deux vertus réellement primordiales puisqu’elles sont la condition de toutes les autres. 2. Galien nous livre ici la très belle image d ’un collier de vertus qui

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sont comme autant de perles enfilées sur un seul fil. La même image se rencontre dans le Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon IV, 7 (De Lacy, CMG V 4, 1, 2, 1978, p. 286, 5-7) où Galien l’attribue à Posi­ donius : φησι (sc. Ποσειδώνιος) ... και δλως πάντα τά δόγματα τής ήθικής φιλοσοφίας ώσπερ έκ μιας μηρίνθου δεδέσθαι (= Posidonius, Edelstein-Kidd, Fr. 150a, p. 137-138). Mais d ’après le témoignage de Diogène Laërce VII, 125, il s’agit là d’une opinion lar­ gement partagée par plusieurs philosophes Stoïciens : « Ils disent que les vertus s’enchaînent les unes aux autres (τάς δέ άρετάς λέγουσιν άντακολουθεΐν άλλήλαις) et que celui qui en possède une les pos­ sède toutes (και τον μίαν εχοντα πάσας £χειν) car leurs principes théoriques sont communs » (= SVF III 295, p. 72 von Amim). 4. Les médecins (ιατροί) n ’étaient évidemment pas les seuls à intervenir à l’intérieur de la sphère médicale dans l ’Antiquité. Et même si Galien les mentionne rarement, l’existence d’assistants destinés à seconder le médecin dans ses interventions, de marchands de plantes médicinales ou de différentes essences est bien attestée dans l’entou­ rage proche du médecin (sur la diversité du vocabulaire employé qui renvoie à des attributions différentes, voir mon article « Aux marges de la médecine rationnelle : médecins et charlatans à Rome au temps de Galien », Revue des Etudes Grecques 116, 2003, p. 109-131). Si les marchands de plantes jouissent en général d ’une certaine estime de la part de Galien qui sait reconnaître leurs compétences en matière de botanique, les marchands de drogues (οί φαρμακεις ou φαρμακοπώλαι) qui bien souvent ne cherchent qu’à s’enrichir en intégrant dans leurs préparations des produits frelatés suscitent invariablement le mépris du médecin de Pergame. P. 292. 1. Galien fait ici allusion à une éventuelle querelle sur le sens du mot philosophe qui pourrait amener un détracteur à accepter tous les termes de la définition (être maître de soi, tempérant, détaché des ques­ tions d ’argent et juste) sans pour autant concéder l ’appellation de phi­ losophe (ού μήν φιλόσοφόν γε) au médecin qui réunirait toutes les qualités citées. De même, tout en reconnaissant qu’un médecin domine effectivement toutes les connaissances requises (nature des corps, fonctions des organes, utilité des parties, différence des maladies et indication des traitements), un interlocuteur de mauvaise foi pourrait cependant prétendre qu’il ignore la théorie logique (ού μήν ήσκήσθαί γε κατά τήν λογικήν θεωρίαν). La critique de Galien porte donc sur deux niveaux différents, 1-celui des mots (avec la mise en cause de l’appellation de φιλόσοφόν) et 2-celui des faits. À l ’intérieur de ce deuxième niveau, Galien admet deux hypothèses : -2a le contradicteur ne reconnaît pas les faits et nie la formation logique du médecin (ού μήν ήσκήσθαί), -2b le contradicteur reconnaît les faits mais discute

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

sur les mots. La contestation relative aux faits est donc en réalité à son tour susceptible de se réduire à une contestation sur les mots (ή τα πράγματα συγχωρήσας ύπέρ όνομάτων αΐδεσθήση διαφέρεσθαι ;). Il s’agit là d’un débat sur les mots et les choses dont l’œuvre de Galien recèle de nombreux exemples. Pour le médecin de Pergame, le mot et l’expression exacts n ’ont pas en effet valeur en soi, mais tirent leur légitimité de l’accord préalable des parties autour d ’une définition prise comme point de départ. De ce point de vue, peu importe le mot choisi pourvu qu’il y ait accord sur les faits qu’il désigne. Aussi Galien ne se fait-il pas le défenseur d ’un vocabulaire scientifique spécialisé, mais prône-t-il au contraire le recours à un vocabulaire courant en usage chez les Grecs et sur lequel il y a large accord. Pour autant ce vocabulaire est au besoin employé dans des acceptions qui ne sont pas héritées telles quelles de l’opinion com­ mune, mais reposent sur des observations scientifiques. Tel est le sens de l ’importante mise au point à laquelle il se livre dans le Sur la méthode thérapeutique I, 5 (Kühn X, 41-42) : « Et il n’est absolument personne chez les Grecs qui nomme autrement ou qui applique à quelque autre chose aucun des mots que nous avons cités (sc. les mots de « maladie » et de « santé ») comme nous l’avons très largement montré dans notre ouvrage d ’explication des noms médicaux (traité perdu en grec, mais conservé en arabe). Et surtout garde parfaitement ce point en tête tout au long de mon exposé, car nous présenterons les explications relatives aux noms d ’après l’usage courant des Grecs, comme cela a été dit dans mes livres Sur la démonstration ; mais les recherches, les découvertes et les démonstrations relatives à l ’essence même de la chose, nous ne les présenterons plus en référence à l’opi­ nion du plus grand nombre, mais à des lemmes scientifiques dont la méthode de découverte a été exposée dans ces livres-là (sc. mes livres Sur la démonstration) ». En d’autres termes, si le mot reste le même, le sens scientifique peut donc varier par rapport à l’acception com­ mune. Quoi qu’il en soit, la conclusion apportée par Galien à l’inté­ rieur de ce débat sur la terminologie est, ici comme ailleurs, toujours la même : sans s’arrêter inutilement au débat sur les mots, il faut privilé­ gier la vérité des faits (αύτήν των πραγμάτων σπουδάζειν την άλήθειαν). 2. Il n ’est pas nécessaire de corriger ζυγομαχειν en λογομαχεΐν comme le propose Goulston en marge de son édition sur la foi du codex Adelphi. En effet ζυγομαχειν est bien attesté au sens de « se quereller avec son compagnon de joug », « se quereller sous le même joug », y compris chez Galien qui l’emploie, mais avec la préposition υπέρ, dans le Sur la méthode thérapeutique XIV, 6 (Kühn X, 963, 2) dans un contexte exactement parallèle, au sujet d’une querelle sur le nom du squirrhe (ύπέρ όνόματος ζυγομαχών). Il ne semble pas ici que φωνών soit employé avec un sens différent d’ όνομάτων. Dans

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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notre passage du Que Vexcellent médecin est aussi philosophe, Galien met en scène deux oiseaux (le choucas et le corbeau) qui sont déjà associés dans le Protreptique VI, 6 (Boudon, CUF, 2000, p. 92, 9 = Kühn I, 10) où, associés aux flatteurs qui vivent aux dépens de ceux qui les écoutent, ils sont décrits comme se disputant les fruits des figuiers (συκαΐς) : « car ce ne sont pas les hommes qui mangent leurs fruits, mais les corbeaux et les choucas ». Aussi n'est-il peut-être pas impossible de penser ici à un jeu de mots sur συκομαχεΐν/ζυγομαχεΐν, mais συκομαχεϊν « se disputer des figues » n ’est pas attesté et rien n ’autorise à corriger le passage pour y introduire ce qui serait un hapax. 3. Galien affectionne tout particulièrement ces comparaisons avec les artisans qui, comme le médecin lui-même, sont détenteurs d’une technè et à ce titre appliquent une méthode et respectent des règles dont ils ont fait l ’apprentissage auprès d ’un maître. La place de la médecine à l’intérieur de la hiérarchie des arts varie cependant consi­ dérablement selon que Galien hisse la médecine au rang des arts les plus nobles aux côtés de la philosophie, comme dans le Protreptique, ou la ravale au rang des arts mineurs comme dans le À Thrasybule ou le Sur la constitution de Part médical, deux traités où l’art du tisserand et du cordonnier sont étroitement associés à la médecine : ώσπερ ai (τέχναι) κατά τήν ύφαντικήν καί σκυτοτομίαν dans Sur la consti­ tution de Part médical 1 (éd. Fortuna, CMG V 1, 3, 1997, p. 58, 19-20 = Kühn I, 230). Sur ce thème voir mon article, « La place de la méde­ cine à l’intérieur de la classification des arts dans le De constitutione artis medicae », in J. Boulogne et D. Delattre éd., Galien, Systémati­ sation de la médecine, à Patrophile, Villeneuve d’Ascq, Presses Uni­ versitaires du Septentrion, 2003, p. 63-86. Dans le passage final de notre traité, Galien opère cependant comme une réconciliation des deux tendances représentées ailleurs dans son œuvre : en effet, après avoir élevé le médecin au rang de philosophe, il choisit de conclure sur l’unité de la méthode mise en œuvre dans tous les arts en choisissant à dessein ses exemples parmi les arts dits vulgaires ou manuels. 5. Le démonstratif τουτ’ désigne ici le discours qui porte sur les faits, en particulier en émettant la possibilité que l ’on puisse devenir un τεχνίτης quel qu’il soit « sans apprentissage ni exercice ». Il s’op­ pose à un précédent discours désigné par θάτερον dont le contenu « chicanier » a été détaillé plus haut c. IV. 2 et où la discussion portait cette fois non sur les faits, mais sur les mots (ύπέρ όνομάτων). 6. Comme le souligne à juste titre J. Jouanna, « L ’éthique hippo­ cratique... », (cité p. 287 n. 1) p. 240, Galien nous offre ici une image pour le moins paradoxale d ’un Hippocrate philosophe, alors que Celse voit précisément en lui le médecin qui a le premier séparé la médecine de la philosophie (Celse, Préface au De medicina, 8). Mais surtout, en formulant l’espoir que les médecins puissent enfin suivre l’exemple

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

d ’Hippocrate et, grâce à son enseignement, puissent même devenir meilleurs que lui, Galien assigne du même coup à la médecine une for­ midable ambition : que chaque génération puisse à son tour dépasser celle qui l’a précédée, les médecins contemporains de Galien faisant en quelque sorte figure de nains sur les épaules du géant Hippocrate. L ’idée de progrès ainsi exprimée par Galien et qu’il appelle de tous ses vœux apparaît cependant en même temps indissolublement liée à une exigence morale qui s’exprime dans le refus de la gloire et le mépris de l ’argent et des plaisirs. Bien avant Rabelais, Galien avait donc tenu à mettre ses lecteurs en garde : science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

TABLE DES MATIÈRES

Introduction G é n é r a l e ........................................

vu

vu Biographie .......... Histoire du te x te ................................................ xci Le corpus galénique aujourd’hui ....................... ccxxx G alien ,

...

1

Notice ................................................................ Conspectus siglorum ........................................ Texte et Traduction .......................................... Notes complémentaires ...........................

3 85 88 103

G alien ,

sur l ’ordre de ses propres livres

sur ses propres livres

....................

Conspectus siglorum ........................................ Texte et Traduction .......................................... Notes complémentaires ................................... Q ue l ’excellent

médecin est aussi philosophe

Notice .................... Conspectus siglorum ........................................ Texte et Traduction .......................................... Notes complémentaires ...................................

129

131 134 175 235

237 281 284 293