Études sur le droit polonais actuel
 9783111416465, 9783111052229

Table of contents :
Préface
Introduction
Le système de parti en Pologne
Principes du régime politique de la République Populaire de Pologne
Les frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale dans le système des accords internationaux
Institutions fondamentales du code de procédure administrative polonaise
La protection de la santé et de la vie des travailleurs dans le droit du travail de la République Populaire Polonaise
Code civil
Aperçu du code de famille et de tutelle polonais de 1964
Les modifications apportées au droit international privé polonais par la loi du 12 novembre 1965
Le droit maritime en Pologne
Les changements apportés à la procédure civile en Pologne par le code de procédure civile de 1964
Table des matieres

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Études sur le droit polonais actuel

PUBLICATIONS

DE

LA

FACULTÉ

ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE

Collection

du Centre

de Recherche

DE

DROIT

GRENOBLE

Juridique

SÉRIE DROITS ÉTRANGERS

ET DROIT

COMPARÉ

Volume N° 1

Les volumes de la série " Droits étrangers et Droit comparé " «ont publiés par le Centre de Recherche Juridique créé en 1964 au sein de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Grenoble. Ces volumes présentent des ouvrages de membres du corps professoral, d'Universités françaises et étrangères, des travaux de colloques et des thèses de doctorat préparés dans le cadre de la section : " Droits étrangers et Droit comparé de ce Centre

Université de Grenoble

Paris . MOUTON . La Haye

PUBLICATIONS

DE

LA

FACULTÉ

DE

DROIT

ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE GRENOBLE

Etudes sur le droit polonais actuel Œuvre collective de Professeurs de la Faculté de Droit de Poznan préparée sous la direction d ' A d a m

LOPATKA

Doyen de la Faculté de Droit de l'Université A d a m M I C K I E W I C Z de

Introduction Docteur

de Michel

honoris de

causa

POZNAN

SCZANIECKI de

l'Université

Grenoble

Paris . M O U T O N . L a H a y e

©

Mouton & C ìe 1968

Préface

C'est à la fois un honneur et une satisfaction, pour la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, de pouvoir aujourd'hui livrer au public les Etudes sur le droit polonais actuel préparées par le corps professoral de la faculté de Droit de l'Université Adam Mickiewicz de Poznan. Une telle tâche n'a pas été accomplie sans mal ni sans délai : la préparation du volume par nos collègues polonais, la mise au point du manuscrit, l'impression elle-même ont demandé bien des efforts, des échanges de correspondance et du temps. Mais la voici qui aboutit, et il ne nous reste que le profit intellectuel et scientifique de cette entreprise. Sans doute le type de publication choisi — un ouvrage touchant à la plupart des grands secteurs du droit polonais et non point un ouvrage portant sur une seule matière qu'il eût traitée de manière approfondie — a-t-il imposé certaines limites : les articles que le lecteur trouvera ici ne peuvent présenter, sur chaque sujet, que les grandes lignes et l'esprit des solutions polonaises ; d'autre part, le volume comporte une moins grande homogénéité que s'il avait concerné un seul secteur juridique spécialisé. Mais, en contrepartie, il fournit un panorama d'ensemble qui permet de prendre une vue générale du droit polonais, d'en saisir l'originalité et d'en connaître les grands principes, tout en offrant un large éventail où chaque juriste pourra trouver matière à réflexion sur sa propre discipline. Bien d'autres moyens : les ouvrages spécialisés, les articles de revues, les congrès et colloques, les contacts personnels sont là par ailleurs pour permettre à chacun d'approfondir sa connaissance de problèmes juridiques particuliers. Il nous manquait par contre un exposé d'ensemble du droit polonais et, en l'apportant, le présent ouvrage rendra un service considérable à tous ceux qui désirent connaître ces droits d'inspiration nouvelle qui se sont formés en Europe orientale depuis deux décennies. La Vacuité de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble pense, en mettant à la

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ETUDES SUR LE DROIT

POLONAIS

ACTUEL

portée des juristes occidentaux un instrument de connaissance de ce genre, être fidèle à sa vocation d'établissement scientifique et remplir cette fonction, de plus en plus importante aujourd'hui, de contribuer à l'élargissement à la fois de notre champ de réflexion et des relations scientifiques internationales. A cet égard, la publication d'un tel ouvrage, qui constitue une réalisation intéressante en soi, a aussi une signification plus large pour les deux facultés intéressées : elle prend place en effet dans un ensemble de relations continues établies entre celles-ci depuis deux ans, qu'elle se trouve ainsi concrétiser dans ce domaine particulier et en même temps symboliser. Pour être récentes, ces relations bilatérales n'en sont pas moins déjà fort actives et variées. Chaque année un assistant de la Faculté de Droit de Poznan vient passer un an à la Faculté de Grenoble, comme boursier de celle-ci, pour y poursuivre des études au niveau du doctorat ou travailler à la préparation de sa thèse. D'autre part, des étudiants grenoblois et poznaniens se rendent visite chaque année et apprennent ainsi, pendant un séjour collectif organisé par le partenaire, à connaître l'autre pays. De même, des professeurs de chacune des deux facultés rendent visite à leurs collègues et prononcent des conférences dans l'université associée, participant ainsi au développement des relations culturelles entre les deux pays. Enfin, chacune des deux facultés publie, dans son pays et dans sa langue, des travaux rédigés par les professeurs de l'autre, comme en témoignent le présent volume et divers articles qui ont déjà été ou seront envoyés en Pologne cette année. Ces relations, qui répondent à l'esprit des temps actuels et participent à l'effort général des nations modernes pour intensifier leurs contacts réciproques et mieux se connaître les unes les autres, sont destinées à se consolider et à s'organiser de façon de plus en plus complète. Au moment même où je rédige cette préface, deux représentants de l'Association des étudiants de Poznan se trouvent à Grenoble où ils sont venus rédiger et signer un accord d'échanges qui complétera celui que deux représentants de l'Association des étudiants de la Faculté de Grenoble avaient signé avec eux l'an dernier à Poznan, et préparer l'échange qui doit se faire pendant l'été 1967 au profit de vingt étudiants poznaniens et grenoblois. Il est de même à prévoir que les échanges scientifiques se préciseront, pour viser peut-être à l'échange annuel de dossiers faisant le point des réformes législatives ou réglementaires les plus importantes ou des décisions jurisprudentielles les plus marquantes dans les deux pays. L'avenir lui-même montrera quelles formes de relations ou d'activités scientifiques seront les plus appropriées pour accroître l'intérêt de cet échange, mais l'on peut être certain que les deux parties et les deux pays

PREFACE

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gagnera»t à de telles relations, créées dans un esprit de coopération et d'amitié. Que soient donc vivement remerciés tous ceux qui, par leurs efforts, ont permis à cet ouvrage de paraître : le doyen Adam Lopatka qui a été l'initiateur de nos relations du côté poznanien, les professeurs de la Faculté de Droit de Poznan qui ont rédigé les différentes parties de cet ouvrage chacun dans sa spécialité, Mlle Chancerel, assistante à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, qui a revu et mis au point la forme du manuscrit, enfin les services de la Faculté de Grenoble qui ont assuré toutes les tâches nécessaires à la bonne publication de l'ouvrage. A tous le lecteur sera reconnaissant de cette première connaissance des grands principes du droit polonais qu'il prendra grâce à ce volume, et de l'apport au droit comparé que celui-ci réalise. Nous souhaitons qu'il étende également sa reconnaissance aux deux facultés qui, par-delà leurs tâches normales d'enseignement, de formation des jeunes cadres juridiques et de recherche scientifique, se sont préoccupés d'orienter leurs efforts vers le développement des relations scientifiques internationales et, par là, ont rendu possible la publication de cet ouvrage. J.

MAILLET,

Doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble. Domaine Universitaire de Saint-Martin-d'Hères. Le 14 janvier 1967.

Introduction En présentant cet ouvrage collectif élaboré par les professeurs de la Faculté de Droit de l'université Adam Mfckiewi.cz de Poznan, ouvrage consacré à l'étude de certains problèmes du droit polonais actuel et dédié à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, il nie faut pour commencer faire en quelques mots le tableau général de la formation du droit de la Pologne populaire depuis vinigt ains. Il me faudra ensuite présenter la Faculté de Droit de Poznan et les auteurs des articles publiés dans ce volume. Quand en 1944 la Pologne commença à se délivrer de l'occupation hitlérienne, d'énormes problèmes de reconstruction du pays se posèrent au peuple polonais. De profondes transformations, de caractère révolutionnaire, s'y produisaient qui avaient pour but de liquider de capitalisme et de construire le régime socialiste. Le 22 juillet 1944 déjà, le Comité Polonais de Libération Nationale proclamait des réformes importantes et profondes des secteurs économique, politique et social. Les lois du 6 septembre 1944 sur la réforme agraire et du 3 janvier 1944 sur la nationalisation de l'industrie donnèrent une forme juridique à ces réformes réalisées de façon révolutionnaire qui, acceptées ensuite par le référendum général (30 juin 1946), allaient déterminer le développement futur de l'Etat polonais. Ces réformes signifiaient la refonte totale des structures sociales et économiques de la Pologne. La réforme agraire, privant les anciens grands propriétaires de leurs domaines, créait les nouvelles bases du système agraire, tandis que la nationalisation des grandes et moyennes entreprises constituait le facteur décisif par lequel les masses de travailleurs témoignaient qu'elles avaient pris le pouvoir dans leurs mains. En même temps que s'accomplissaient ces transformations avait lieu l'œuvre de construction d'un nouvel appareil étatique et d'un nouveau droit adaptés à ces transformations. Cette œuvre imposa des tâches extrêmement importantes aux juristes polonais et à la science polonaise du droit. Ils devaient non seulement donner forme juridique aux principes de la nouvelle Constitution et de plusieurs autres lois réglant le fonctionnement des organes de l'Etat, mais aussi passer en revue tous les domaines du droit, afin bien sûr d'unifier les divers systèmes alors en vigueur sur le territoire de la Pologne, mais avant tout de substituer

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les nouvelles dispositions aux anciennes en leur donnant un contenu nouveau de caractère socialiste. Cette première tâche d'uniformisation des droits en vigueur sur le territoire de la Pologne soulevait dès difficultés nombreuses sur des points essentiels. Il faut rappeler que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, l'héritage laissé par la République polonaise d'avant la guerre n'était pas des meilleurs. Gomme on le sait, l'Etat polonais restauré en 1918 après la période des partages de la Pologne (1795-1918) se composait de trois parties correspondant aux territoires anciennement annexés par la Prusse, par l'Autriche et par la Russie, chacune de ces parties ayant, au sein de ces trois pays envahisseurs, mené .pendant plus de cent ans une existence indépendante de celle des autres. Les travaux de codification entrepris en Pologne entre les deux guerres (1918-1939) n'avaient pas été terminés. Durant cette période on introduisit, pour ne mentionner que les plus importants : le nouveau Code pénal (1932), le Code de procédure civile (1933) et le Code de procédure pénale (1929). Par contre, il n'y eut qu'une codification partielle du droit civil, portant sur le droit des obligations (1933), et sur le droit commercial (1934). Le reste demeura soumis jusqu'en 1946 à des législations diverses : Code allemand de 1900 (B.G.B.) dans les territoires anciennement annexés par la Prusse, Code civil autrichien dans les territoires de l'ancienne Galicie, Code civil français de 1804 dans les territoires de l'ancien royaume du Congrès (Varsovie et moyenne Vistule), enfin le Svod Zakonov russe dans les provinces de l'Est. Le système administratif non plus n'était pas parfaitement uniformisé et des particularismes se maintinrent jusqu'en 1939 dans les diverses provinces polonaises. Le problème de la diversité des droits en vigueur se compliqua encore après la Seconde Guerre mondiale lorsqu'en 1945 les terres polonaises de l'Ouest se joignirent aux territoires de la Pologne. Ces terres, bien que faisant historiquement partie de la Pologne, ne lui avaient pas été rendues en 1918 et étaient restées sous la domination prussienne jusqu'en 1945. Ainsi, une intense activité législative s'imposa sans délai. Précédant un règlement plus complet des problèmes, cette activité fut souvent provisoire et destinée seulement à éviter le chaos juridique. Néanmoins, il fallait immédiatement mettre en place le nouvel appareil populaire et le nouveau droit correspondants aux besoins d'un Etat construisant le socialisme. Cette exigence ne signifia pas une liquidation totale de l'ancien droit ; au contraire on s'efforça, surtout au début, d'en conserver tout

INTRODUCTION

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ce qui 'ne s'opposait pas à l'ordre public nouveau et qui pouvait servir le socialisme. Ce processus graduel de perfectionnement du système de droit, imposant souvent un abandon de l'ordre juridique existant, intervint, et se poursuit aujourd'hui dans tous les domaines du droit. Il fut particulièrement notable lors de l'élaboration de la Constitution de la République populaire polonaise. Quoique le manifeste du Comité Polonais de Libération Nationale du 22 juillet fût en apposition avec la dernière Constitution polonaise de 1935, inspirée par les tendances fascistes du régime polonais d'alors, il fit appel aux principes démocratiques contenus dans la Constitution polonaise de mars 1921, elle-même modelée sur la Constitution de la III e République française. Le 19 février 1947 fut proclamée la Petite Constitution qui, bien qu'encore liée à la Constitution de 1921, introduisit dans la vie de l'Etat polonais plus de substance socMiste. Enfin le 22 juillet 1952 fut proclamée la Constitution de la République populaire polonaise, toujours en vigueur. Elle fut élaborée à partir d'études poussées et d'expériences portant sur plusieurs années, avec la coopération, assurée par des consultations, de toute la société. De même, ce n'est qu'en 1950 que fut réglée l'organisation des conseils populaires. Le système adopté diffère de tous les systèmes existants dans les Etats libéraux. Il s'inspire de la tradition de la Commune dé Paris et des conseils de délégués en U.R.S.S. La loi qui a transformé les conseils populaires en des organes locaux du 'pouvoir uniforme d'Etat a introduit la nouvelle structure du système représentatif. A côté d'une représentation générale des masses de travailleurs : la Diète, agissent les représentations locales : les conseils populaires. La reconstruction de l'organisation judiciaire constituait également une tâdhe très importante. La loi de 1928 sur l'organisation des tribunaux de droit commun était loin de l'idéal socialiste, d'autant plus que les cours d'assises et les tribunaux de paix avaient été supprimés en 1938. La nouvelle et uniforme organisation judiciaire n'a été introduite que par la loi de 1950, qui a substitué le système de deux instances à celui de trois instances, et qui a permis la démocratisation de la justice. L'activité des échevins populaires dans l'administration fut réglée par la loi de 1960. Une loi de 1950 a détaché le Ministère Public du système judiciaire. Depuis lors, le procureur a pour fonctions non seulement de poursuivre les délits, mais encore de défendre la propriété sociale et de veiller à l'observation dé la légalité socialiste. Le nouveau Code de procédure administrative a été publié en 1960. En 1947, des codifications systématiques furent entreprises qui aboutirent

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ACTUEL

avant 1950 à la publication d'un nouveau droit dans plusieurs domaines : droit des personnes (1945), droit familial et droit des époux (1946), Code de la famille (1950), Code de procédure pénale. On a en outre uniformisé les dispositions générales du droit civil. En 1956, fut créée la nouvelle Commission de Codification auprès du Ministère de la Justice qui réunit les participations de représentants du monde scientifique et du monde de la pratique. Cette Commission a repris les travaux de codification de l'ensemble du droit civil et du droit pénal. Ses travaux aboutirent à la promulgation en 1964 du nouveau Code civil, du Code de procédure civile, du Code de la famille et de la tutelle. Le Code pénal de 1932 reste en principe en vigueur. Mais plusieurs lois supplémentaires votées après la guerre y ont introduit beaucoup d'éléments nouveaux tant dans sa partie générale que dans sa partie spéciale. La Commission de codification a préparé le projet du nouveau Code pénal. La codification du droit du travail est en préparation. Ces quelques exemples montrent l'étendue des transformations socialistes du droit polonais et laissent supposer toutes les difficultés rencontrées lors de cette création d'un système de droit entièrement nouveau. Il est clair que, dans ce vaste processus d'élaboration d'un droit nouveau, les Facultés de Droit dé Pologne, et parmi elles celles de Poznan, ont eu un rôle extrêmement important à jouer. L'histoire de la Faculté de Droit de Poznan, comme d'ailleurs celle de l'université Adam Mickiewicz, n'est pas très ancienne : l'université ne fut créée qu'après la Première Guerre mondiale, à la suite de la restauration de l'Etat polonais, en 1919. A ce moment-là fut instituée, selon une conception alors très moderne, la Faculté de Droit et des Sciences Economiques. Cette faculté, comportant deux sections, formait des juristes et des économistes ; seules les première et deuxième années d'études comportaient un programme commun pour partie aux deux sections. Durant l'entre-deuxnguerres, la faculté, avec environ 1 500 étudiants inscrits et 150 diplômes délivrés chaque année, eut par rapport aux autres facultés de droit polonaises d'assez grandes réussites dans le domaine de l'enseignement, et on la considérait comme un centre important de recherche scientifique. Le corps enseignant, en 1919-1920 et dans les années suivantes, fut recruté principalement parmi les jeunes savants formés dans les deux seules universités polonaises qui fonctionnaient sur les territoires annexés par l'Autriche, les universités de Cracovie et de Lvov. Ils ont le grand mérite non seulement d'avoir créé leurs propres et importants centres de recherches, mais encore d'avoir formé des disciples dont plusieurs occupent aujourd'hui des chaires soit à la Faculté de Droit de Poznan, soit dans les facultés d'autres villes.

INTRODUCTION

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Il faut citer ici à titre d'exemple l'important Centre de Recherches Economiques, dirigé par Edward Taylor, et l'Ecole de civilistes de M. A. Ohanowkz. La dhaire de droit constitutionnel fut occupée alors par un publieiste de valeur, Antoine Peretiatkowicz, et cdl'le de droit international par M. B. Winiarski, aujourd'hui juge et ancien président de la Cour de Justice Internationale à La Haye. Les recherches historiques, menées par un excellent spécialiste, Jean Rutkowski, créateur de l'Ecole de l'histoire économique, et par Zygmunt Wojciechowski, Teodor Tyc et Marian Zygmunt Jedlicki, furent d'un niveau très élevé. M. Czeslaw Znatnierowski, professeur de théorie et de philosophie du droit, exerça une influence importante sur nombre de jeunes savants. Ni l'édlatement de la guerre, ni la fermeture de l'université par l'occupant hitlérien, ni l'expulsion hors de Poznan des professeurs ne purent arrêter l'activité de la Faculté de Droit. Le groupe des professeurs qui se cachaient à Varsovie reconstitua clandestinement la Faculté de Droit où, sans crainte des dangers de mort, des cours furent organisés qui s'adressèrent à quelques centaines d'étudiants chaque année : leur nomlbre atteignit 500 durant l'année académique 1943-1944. Les cours avaient lieu en secret en 35 groupes. La guerre infligea à la Faculté des pertes qui, 'bien que grandes et douloureuses : quatre professeurs et sept assistants, furent cependant moindres que celles qu'eurent à subir les autres facultés et écoles supérieures de Pologne. Après la libération de Poznan en 1945, l'université, malgré ces pertes douloureusement ressenties et la grave destruction des bâtiments universitaires et des bibliothèques, reprit immédiatement son activité. La Faculté de Droit dut alors affronter de nouvelles tâches, plus vastes que toutes celles qu'elle avait eu à affronter entre les deux guerres. Il fallait d'une part agrandir la faculté pour dispenser un enseignement à un plus grand nomlbre d'étudiants en droit, et développer d'autre part plus largement une activité scientifique orientée surtout vers la définition des bases scientifiques d'un nouveau droit. En raison de la promotion des écoles économiques au rang d'écoles supérieures autonomes, la section économique de la Faculté de Droit de Poznan fut supprimée. Désormais cette faculté, comme les autres facultés de droit de Pologne, ne forme que des juristes. (Il y a actuellement en Pologne sept facultés de droit situées à Varsovie, Cracovie, Torun, Lodz, Wroclaw, Lublin et Poznan.) Devant le manque, du fait de la guerre, de juristes compétents, le ministère de l'Enseignement supérieur entreprit tout une série de réformes dès études de droit, afin de combler le déficit existant.

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La durée des études, qui était de quatre ans avant la guerre, fut réduite en 1949 à trois ans, avec un système à deux degrés ; en 1952, la durée des études fut ramenée à quatre ans, et fut même portée, de 1956 à 1965, à cinq ans ; depuis 1965-1966, on est revenu à une durée de quatre ans. A côté du régime normal d'études existe, développé surtout depuis 1955, un régime spécial destiné aux personnes qui travaillent. En 1961 furent créées à la Faculté de Droit les études professionnelles d'administration, s'adressait aux fonctionnaires qui désirent acquérir des qualifications supplémentaires. Ces réformes furent accompagnées d'efforts de modernisation des programmes et des méthodes d'enseignement, efforts liés à l'application de la méthodologie scientifique du matérialisme historique. Le développement des travaux pratiques est un des traits caractéristiques de cette période. Aujourd'hui on a admis de façon générale le principe de la participation obligatoire des étudiants aux travaux pratiques dans toutes les matières objets de leurs cours, à côté de l'assistance aux cours mêmes. Les travaux pratiques doivent avoir lieu par groupes de vingt étudiants, une à deux heures étant consacrée par semaine à chacune des matières. Tous ces changements ont provoqué un accroissement considérable du nombre d'enseignants, d'assistants surtout. Ils ont de plus profondément marqué la vie de la Faculté de Droit de Poznan. En 1964-1965, il y eut au total 2 990 étudiants à la Faculté de Droit, dont 2 071 inscrits soit au régime d'études des personnes travaillant, soit aux études professionnelles d'administration. La même année, 354 étudiants ayant terminé leurs études ont reçu le diplôme de licencié en droit (magister) ou le diplôme d'études professionnelles d'administration. Les professeurs (professeurs ordinaires, extraordinaires et docents) ont été au nombre de 31. Quant aux assistants (« adjoints » et assistants), leur nombre s'est élevé à 54 ; ces professeurs et assistants travaillent dans les 19 chaires existant aujourd'hui à la Faculté de Droit (il faut souligner qu'en Pologne plusieurs professeurs peuvent être engagés auprès d'une même chaire, dont l'un d'eux est le chef). Ces chaires sont les suivantes : 1. La chaire de théorie de l'Etat et du Droit et, rattachés à elle, le cabinet des aipplications juridiques de la logique et celui de l'histoire des doctrines politiques et juridiques. 2. La chaire dlhistoire de l'Etat et du droit de la Pologne. 3. La chaire d'histoire générale de l'Etat et du droit. 4. La chaire de droit romain.

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INTRODUCTION

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chaire chaire chaire chaire chaire chaire dhaire chaire chaire dhaire chaire chaire dhaire chaire dhaire

¿"histoire économique. de droit civil. de droit économique. de droit international privé et de droit civil comparé. de procédure civile. de droit ,pénal avec Je cabinet de criminalistique. de procédure pénale. de droit constitutionnel. de droit international public. de droit administratif. de droit agraire. de droit du travail. de droit des finances. d'économie politique. de statistiques.

A côté de l'œuvre pédagogique, chaque faculté a pour tâche principale la création et la recherche scientifiques, dont les résultats se traduisent surtout par des publications scientifiques. Il n'est pas ici possible de présenter les résultats des travaux scientifiques des 19 chaires, ni même de caractériser leurs orientations principales. On 'peut dire simplement l'activité intense, se manifestant par l'ampleur des publications, des chaires de droit international, de droit administratif, de théorie de l'Etat et du droit, des chaires de droit pénal, de droit civil et de procédure civile, des deux chaires enfin d'histoire du droit. Il est évident que ce n'est que par une étroite coopération scientifique que la facuilté put, au cours des dernières années, assurer cette mission de premier plan qu'était la création du nouveau système socialiste de droit polonais. Cette coopération se manifeste aujourd'hui dans les diverses formes de la collaboration d'une part avec la Commission de codification, et d'autre part avec les instituts scientifiques et les sociétés de droit, tels l'Institut des sciences juridiques et le Comité des sciences juridiques qui dépendant dte l'Académie polonaise des sciences. Il faut mentionner ici que la Facuilté de Droit de Poznan est la seule en Pologne à posséder sa propre revue scientifique, la Ruch Prawniczy i Ekonomiczy (Vie Juridique et Economique), vaste revue d'un volume annuel d'environ 1 500 pages, paraissant trimestriellement, et dont 100 numéros déjà ont été publiés. Cette revue, rédigée avant la guerre par A. Peretiatkowicz, aujourd'hui par M. A. Ohanowicz, civiliste éminent, est à côté de la revue varsovienne Panstwo i Pravo (L'Etat et le Droit) la revue scientifique de droit polonaise la plus représentative. Plusieurs

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

ouvrages des chercheurs de la faculté ont été publiés dans les Cahiers Scientifiques de l'université Adam Mickiewkz, dont sept depuis la guerre ont été consacrés au droit. C'est encore à Poznan que paraît la seule revue polonaise d'histoire du droit Czasopismo Prawno-Historyczne (Revue Historique de Droit), qui est aujourd'hui l'organe de l'Institut d'histoire près l'Académie .polonaise des sciences. Cette revue fut fondée en 1946 par Zygmunt Wojciechowski ; depuis 1954, M. M. Sczaniecki en est le rédacteur. La formation, dans les séminaires, de jeunes juristes et la préparation de ceux-ci à une carrière scientifique constituent des aspects particuliers de l'œuvre scientifique des professeurs. En Pologne, les assistants ayant le titre de docteur deviennent membres de la catégorie des professeurs, c'est-à-dire du groupe des « Travailleurs indépendants de la science' », par Yhabïlitatio, qui consiste à présenter et à soutenir une thèse scientifique de qualité. Après Yhabïlitatio, le candidat obtient le titre de docent. Son avancement résultera ensuite dés nominations aux grades de professeur extraordinaire, puis de professeur ordinaire. La plupart des docents qui ont reçu leur hahïlitatio à Poznan occupent aujourd'hui des postes scientifiques à Poznan et dans d'autres facultés de droit polonaises. Pour découvrir au lecteur certains problèmes particuliers du droit polonais actuel, les professeurs de la Faculté de Droit de Poznan présentent dans ce volume dix articles dans lesquels ils se sont surtout préoccupés du droit positif polonais actuel : — « Le système de parti en Pologne », par M. A. Lopatka, doyen de la Faculté de Droit et chef de la chaire de théorie de l'Etat et du droit. M. A. Lopatka est connu pour ses recherches sur le système de démocratie socialiste, notamment pour ses ouvrages Le rôle conducteur du Parti Communiste par rapport à l'Etat socialiste et L'Etat socialiste et les syndicats. — « Principes du régime pollitique de 'la République populaire de Pologne », par M. K.M. Pospieszalsk.i, chef de la chaire de droit constitutionnel, auteur d'ouvrages polonais fondamentaux consacrés au droit hitlérien d'occupation, ouvrages traduits en plusieurs langues étrangères. — « Les frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale dan« le système des accords internationaux », par M. A. Klafkowski, chef de la chaire de droit international public. M. Klafkowski, auteur de nombreuses études consacrées au problème polono-allemand et à son aspect juridique international, est considéré comme d'une grande autorité dans ce domaine. Beaucoup de ses ouvrages furent traduits en langue étrangère tels le dernier paru Le fondement juridique de la liquidation

INTRODUCTION

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des séquelles de la guerre polono-allemande des années 1938-1945, et, publié en français : L'accord de Potsdam du 2 août 1945 (Varsovie, 1964). — « Institutions fondamentales du Code de procédure administrative polonaise », par M. M. Zimimemiann, chef de la chaire de droit administratif, membre de la Commission qui a préparé ce code. Les nombreuses études faites par M. Zimmermann et ses disciples sont des recherches concentrées d'une part sur le système des organes territoriaux, et d'autre part sur les problèmes de droit économique dans le système d'économie planifiée de la République populaire polonaise. — « La protection de la santé et de la vie des travailleurs dans le droit du travail de la République populaire polonaise », par M. W. Jaskiewicz, chef de la chaire de droit du travail. L'important succès de sa chaire consiste dans la publication (pour le moment sous une forme provisoire) du plus vaste manuel de droit du travail existant en Pologne. — « Code civil », par M. Z.K. Nowakowski, chef de la cihaire de droit civil. Parmi les ouvrages de M. Nowakowski, on remarque notamment des études consacrées à la responsabilité du fait d'autrui, au droit des assurances et à des questions générales de droit économique. — « Aperçu du Code de famille et de tutelle polonais de 1964 », par M. Z. Rad'wariski, vice-doven1. M. Radwanski s'est intéressé entre autres à la réparation .pécuniaire du dommage ne concernant pas des biens, au louage à fin d'habitation étudié à la lumière du système d'administration publique des logements, et à certaines questions d'histoire du droit civil. — « Les modifications apportées au droit international privé polonais par la loi du 12 novembre 1965 », par M. W. Ludwiczak, vice-recteur de l'université, dhef de la chaire de droit international privé et de droit civil comparé, auteur de nombreux travaux en ce domaine et d'un manuel très apprécié destiné aux étudiants. — « Le droit maritime en Pologne », par M. J. Gorski, chef de la chaire de droit économique (autrefois dhef de la chaire de droit civil, M. Gorski l'a abandonnée en 1962). M. Gorski, eminent spécialiste du droit maritime, est un des rares connaisseurs de ce droit en Pologne. — « Les changements apportés à la procédure civile en Pologne par le Code de procédure civile de 1964 », par M. E. Wengerek, chef de la chaire de procédure civile, connu par ses nombreux ouvrages et spécialiste eminent dans ce domaine du droit. 1. Depuis la rédaction de ce texte, M. Radwanski a succédé à M. topatka comme doyen de la Faculté de Droit de Poznan.

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ACTUEL

Les articles présentés dans ce volume sont loin d'épuiser, ne serait-ce même que les plus importants, les problèmes intéressant aujourd'hui la science polonaise du droit ; car de vastes domaines du droit y ont été totalement passés sous silence, comme par exemple le droit pénal, la procédure pénale, ou le droit des finances. Nous espérons qu'un jour peut-être ils intéresseront aussi nos éminents collègues français. Qu'on me permette ici de remercier cordialement, au nom de la Faculté de Droit de Poznan, monsieur le doyen Jean Maillet d'avoir accepté que ce volume soit publié par la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble. Nous croyons que cet ouvrage contribuera à approfondir la coopération scientifique polono-française. L'échange des idées avec la France nous a toujours été très précieux ; cet échange débuta officiellement arvec l'arrivée à Poznan en 1921 d'une délégation de juristes français. Après 1923, lié à la faculté, a fonctionné le Comité polono-français, tandis que se sont développés des contacts nombreux avec la France, au moyen de visites réciproques, de stages scientifiques eifectués en France par des hommes de science, et de publications faites en langue française. En France toujours ont paru des ouvrages des professeurs de notre faculté, notamment la Synthèse de l'histoire économique de la Pologne, par Jean Rutkowski (1927), et l'ouvrage de M. M. Sczaniecld Essai sur les fiefs-rentes (1946), ainsi qu'une histoire des institutions de la Pologne au Moyen Age intitulée L'Etat polonais au Moyen Age (1949) par S. Wojciëdhowski, sans parler des nombreux articles publiés dans dès revues scientifiques françaises. II nous est particulièrement agréable de remettre ces travaux précisément à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble. Qu'il me soit permis de souligner que le seul savant étranger qui ait reçu le titre de docteur honoris causa de notre université est un historien renommé de l'Université dé Grenoble, M. Ambroise Jobert : M. Jobert est l'auteur du meilleur ouvrage jamais consacré à l'histoire de la Commission d'éducation nationale, institution polonaise de la fin du 18e siècle, qui devait être le premier ministère de l'Instruction en Europe. Cette institution naquit dans cette atmosphère d'influences intellectuelles progressistes qui, à la veille de la Révolution, rayonnant sur l'Europe entière, devait pénétrer jusqu'en Pologne. Nous croyons que le souvenir d'une tradition de rapports culturels si étroits peut contribuer aussi à la poursuite toujours plus vaste et plus profonde de ces échanges d'idées juridiques, servant ainsi le développement de la science et du progrès dans nos deux pays. Michel SCZANIECKI,

Docteur honoris causa de l'Université de Grenoble.

Le système de parti en Pologne ADAM TOPATKA

I. NOTION DU SYSTÈME DE PARTI

La définition générale du système de parti telle que l'a précisée M. W . Zakrzewski 1 s'applique pleinement aux conditions existant en Pologne. Elle est conçue en ces termes : « Le système de parti est un mécanisme de la collaboration et de la rivalité des organisations sociales dans leur lutte pour le pouvoir et dans l'exercice de ce pouvoir. » Cette lutte et cette rivalité se déroulent suivant des règles très précises. Dans le système de iparti ainsi conçu figurent toutes les organisations sociales ayant une importance substantielle pour la vie d'une société qui reconnaissent et observent les règles mentionnées ci-dessus. En dehors du système, se trouvent toutes les organisations qui ne reconnaissent (pas ces règles ou qui sont trop peu importantes pour >la vie d'une société pour être ici prises en considération. Avec une telle conception du système de parti dans ce pays ou dans un autre, il se peut que des partis politiques existants n'entrent pas dans celui-ci, alors qu'à l'inverse peuvent y entrer des organisations sociales qui ne sont pas des partis politiques mais qui représentent la volonté et les aspirations de certaines sphères de la société. Dans la Pologne d'aujourd'hui, les trois partis politiques actifs entrent sans aucun doute dans le système de parti. Il s'agit du Parti Ouvrier Uni Polonais (P.Z.P.R.), du Parti Démocratique (S.D.) et du Parti Populaire Uni (Z.S.L.). On peut également y faire éventuellement figurer certaines organisations sociales qui ne sont pas des partis politiques, quoique dans une certaine mesure elles remplissent un rôle analogue au leur : je pense ici aux syndicats ouvriers, aux organisations idéologiques et d'éducation de la jeunesse, à certaines associations qui, quoique accessoirement, jouent un rôle important en matière politique, ete Pour éviter toute discussion quant à l'étendue du sujet, j'admets ici que, dans le système 1. W . ZAKRZEWSKI, « W sprawie klasyfikacji systemow partyjnych » (« Sur la question de la classification des systèmes de parti »), dans Studia SocjologiczttoPolityczne, n° 10, p. 47.

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de parti en Pologne, ne figurent que les partis politiques existants actuellement dans ce pays. Le système de parti en Pologne est aujourd'hui le mécanisme de la collaboration et de la rivalité entre le P.Z.P.R., le Z.S.L. et le S.D. en vue de l'exercice du pouvoir d'Etat et de gouvernement. Ce n'est pas un mécanisme de lutte pour le pouvoir, car tous les partis qui existent en Pologne participent à celui-ci. Le système actuel de parti en Pologne est l'aboutissement, en aucune façon définitivement figé, de plus de vingt ans d'évolution de vie politique. Il faut en chercher les débuts et les racines dans les années de l'occupation hitlérienne, lorsque toutes les forces vitales et patriotiques du peuple polonais s'unirent pour la libération nationale et sociale. Ce système n'est pas le résultat d'un plan politique tracé d'avance : personne n'a pu avoir un tel plan et personne ne l'a eu. Mais il est le résultat de l'accomplissement systématique de tâdhes sociales et nationales toujours plus vastes au fur et à mesure du développement de la Pologne, pendant la Seconde Guerre mondiale et ensuite. La conséquence en est que le système de parti en Pologne n'est pas une copie des expériences de quelque pays que ce soit ; très simplement, aucun pays n'avait auparavant fait de telles expériences, alors qu'au contraire la plupart des pays avaient eu des expériences différentes. Ce système, qui est l'aboutissement des conditions propres de l'évolution historique de la Pologne, est donc original. On estime aujourd'hui que c'est une des réussites du peuple polonais durant les vingt-trois dernières années. Le système de parti n'est pas organisé par la Constitution ou par un autre texte législatif. Et pourtant, il est à la base de toute la vie publique du .pays ainsi que de la Constitution en vigueur (du 22 juillet 1952) qui, quoiqu'elle ne le mentionne pas, admet implicitement son existence et son fonctionnement. II.

EVOLUTION DU SYSTÈME DE PARTI DANS L E S ANNÉES

1944-1950

Au cours des premières années de pouvoir populaire en Pologne, le système de parti eut un aspect un peu différent de celui qu'il offre aujourd'hui. Le manifeste du Comité Polonais de Libération Nationale du 22 juillet 1944, le premier et le plus important des documents officiels du pouvoir populaire, constatait que le Comité Polonais de Libération Nationale (P.K.W.N.) entreprenait la reconstruction des structures de l'Etat polonais, et déclarait solennellement le rétablissement de toutes les libertés démocratiques ; de l'égalité des citoyens sans considération de race, de conviction ou de nationalité ; de la liberté des organisations

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politiques, des organisations professionnelles, de la presse, et de la liberté de conscience. Mais ces libertés démocratiques ne 'peuvent néanmoins pas servir des ennemis de la démocratie. Dans cette optique, il était impossible que les partis et organisations politiques qui étaient au pouvoir avant septembre 1939 et portaient la responsabilité de la fascisation de la Pologne avant 1939 puis de sa défaite de septembre, de même que ceux qui s'étaient compromis par la collaboration avec l'occupant hitlérien, puissent reprendre une activité officielle dans la Pologne populaire ; ces organisations étaient compromises aux yeux de la société. En revanche, ce furent les partis politiques qui avaient soutenu le manifeste du P.K.W.N. dont l'activité se développa. La position exprimée par ce manifeste est toujours valable. Elle est exprimée par l'article 72 de la Constitution du 22 juillet 1952. Les partis qui avaient soutenu le manifeste étaient les suivants : Le Parti Ouvrier Polonais (P.P.R.), constitué en janvier 1942, et qui fonctionna jusqu'au 15 décembre 1948, date de la création du Parti Ouvrier Uni Polonais. Le P.P.R. était le parti de la classe ouvrière, le parti communiste. Il fut l'organisateur d'une ample et efficace lutte armée contre l'occupant hitlérien. Il mit sur pied les organes du pouvoir populaire : Conseil national du pays ( Krajowa Rada Narodowa) et conseils populaires aux divers échelons territoriaux et des forces armées populaires. Son idéologie politique devait se réaliser dans le programme politique de l'Etat polonais restauré. Il fut la principale des forces qui allaient provoquer l'union du mouvement ouvrier polonais sur la base du marxismeléninisme. Il était le continuateur du mouvement radical ouvrier créé en 1882. Au moment de son union avec le Parti Socialiste Polonais, il comptait déjà plus d'un million de membres et candidats. Le Parti Socialiste Polonais (P.P.S.), créé en 1892, était alors le second parti politique par son importance. Entre les années 1892 et 1948 il essuya divers revers de fortune. Deux courants s'y distinguaient en permanence : le courant de la gaudhe révolutionnaire et le courant de la droite réformiste. Au cours des années 1918-1939, il apparaissait comme un parti ouvrier de type réformiste. Une scission s'y fit peu à peu dors de la Seconde Guerre mondiale : les éléments de la droite réformiste, agissant principalement en exil à l'Ouest, créèrent un mouvement nommé « Liberté, Egalité, Indépendance », alors que les éléments de gauche se regroupant surtout à l'intérieur même du pays soutinrent le manifeste du P.K.W.N., se prononcèrent pour la coopération avec le P.P.R. et furent .partisans d'un Etat polonais de type populaire et de la coopération polono-soviétique. Le résultat de cette coopération de plusieurs années fut l'union du P.P.S. et du P.P.R. Le P.P.S., au moment de l'union, comptait environ 600 000 membres.

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Le Parti Populaire (Stronnictwo Ludotve, S.L.), créé en 1895, était un parti paysan. Il ne groupait à l'origine que les paysans des territoires annexés par l'Autriche. Lui aussi eut à subir divers revers de fortune. Deux courants se manifestaient également en son sein : un courant radicalpopulaire de gauche d'une part et uin courant de droite d'autre part, lequel était favorable à une collaboration avec la bourgeoisie et la classe dès propriétaires terriens. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les éléments de droite participèrent au gouvernement en exil à l'Ouest. Les éléments de gauche, eux, groupes autour du journal La Volonté du Peuple (Wola Ludu), se déclarèrent pour la coopération avec le P.P.R. Les représentants de ce courant entrèrent au Conseil national du pays. Dès l'instauration de la Pologne, le S.L. fit partie du bloc des partis démocratiques. Il exista jusqu'en novembre 1949, c'est-à-dire jusqu'à sa fusion avec le Parti Populaire Polonais au sein de ce Parti Unifié Populaire qui fonctionne aujourd'hui. Le Parti Populaire Polonais (Polskie Stronnictwo Ludowe, P.S.L.) se créa au mois d'août 1945 au moment où le groupe d'activistes de droite se retira du S.L. Il eut alors pour chef S. Mikoiajczyk. Ce parti s'opposa aux réformes sociales alors en cours, en application du manifeste du P.K.W.N., quoiqu'il eut déclaré approuver ce manifeste. Bien que ses représentants fussent entrés au gouvernement et dans d'autres organes d'Etat, il apparaissait comme un parti d'opposition légale. Jusqu'au début de 1947 ce fut le parti paysan de droite. En son sein se déroula une âpre lutte entre les éléments de gauche et ceux de droite. Cette lutte se termina au début de 1947 par la victoire des éléments de gauche et par un changement de la politique du P.S.L. A la suite des transformations intervenues dans le pays et au sein du P.S.L. lui-même, celui-ci fusionna en 1949 avec le S.L. pour l'édification du régime socialiste en Pologne. L'admission de cette idéologie fut la conséquence de la victoire du courant radical de gauche dans le mouvement populaire polonais. Le Parti Démocratique (Stronnictwo Demokratyczne, S.D.), créé en 1939, existe toujours sous le même nom. Nous en parlerons plus bas. Jusqu'en 1950, le Parti du Travail (Stronnictwo Pracy, S.P.), créé en 1937, se maintint en Pologne ; son idéologie se rapprochait de celle de la démocratie chrétienne ; il reposait sur la petite bourgeoisie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce parti fut lié au gouvernement en exil à l'Ouest. Une partie cependant de ses membres, le groupe « Elan » (Zryw), soutint le gouvernement populaire. C'est pourquoi ce parti put reprendre son activité. Il n'avait qu'une influence 'limitée. Il évoluait vers la gauche, ce qui permit à ses membres les plus actifs d'entrer au S.D. en 1950. Ce parti cessa ensuite d'exister.

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Ainsi, des six partis légaux ayant existé en Pologne dans les années 1944-1950, et à la suite des transformations vues plus haut, sont issus les trois partis politiques qui existent aujourd'hui : le P.Z.P.R., le Z.S.L. et le S.D. Ce sont eux qui forment le système de parti de la Pologne actuelle.

I I I . CARACTÉRISTIQUES DES PARTIS

Le P.Z.P.R. est le parti marxiste-léniniste. Il naquit en 1948 de la fusion du P.P.R. et du P.P.S. Le P.Z.P.R. se fonde sur les expériences et les réussites de tous ses prédécesseurs révolutionnaires, à commencer par le « I Prolétariat », fondé en 1882 à Varsovie. Il est la force politique dirigeante du peuple -polonais. C'est en tant que parti de la classe ouvrière, conduisant de concert avec les paysans travailleurs la lutte pour la libération politique et sociale, qu'il fut chargé de cette mission historique. Sont admis au P.Z.P.R. à titre individuel les travailleurs dont les opinions sont conformes à l'idéologie socialiste et aux buts du parti et qui se distinguent par leur attitude morale et leur activité sociale, qui jouissent de la confiance de leur milieu et sont dévoués à la cause du socialisme et désireux d'assurer la réalisation de la politique du parti. Les personnes désireuses de présenter leur candidature au P.Z.P.R. doivent avoir 18 ans accomplis. L'admission au parti se fait à la demande de l'intéressé au terme d'une candidature d'un an. En janvier 1967, le P.Z.P.R. comptait 1 894 895 membres : c'est donc un parti de masse. D'après l'état du 31 décembre 1960 il comptait 1 154 672 membres et candidats : on voit donc qu'il est en rapide augmentation. En 1963 en faisaient partie : 592 447 ouvriers, 167 419 paysans, 656 117 intellectuels et 77 882 retraités, artisans, ménagères, etc., ce qui donnait : 39,7 % d'ouvriers, 11,2 % de paysans et 43,9 % d'intellectuels. Parmi les intellectuels membres du parti il y a : 4,8 % d'ingénieurs, 12,4 % de techniciens, 11,4 % d'instituteurs et 7,8 % de personnes occupant des postes de direction dans l'administration ou l'économie. Le réseau administratif du P.Z.P.R., d'après les données de janvier 1967, comportait 67 881 organisations de base, dont 37 243 à la campagne. Toutes les catégories du peuple travailleur sont représentées au P.Z.P.R. ; il représente donc non seulement la classe ouvrière mais aussi les paysans, les intellectuels et les artisans. L'autorité suiprême du parti est le congrès, lequel, d'après les statuts, à lieu tous les quatre ans. Le quatrième et dernier congrès du P.Z.P.R. s'est tenu en juin 1964. Le congrès élit le comité central, lequel nomme le bureau politique, qui dirigera les activités du comité central dans les

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intervalles des conférences plénières, et le secrétariat qui expédiera les affaires courantes du parti. La structure de l'organisation du P.Z.P.R. résulte de l'application du principe de lien entre travail et territorialité. Les élections des dirigeants du parti à tous les échelons ont lieu au scrutin secret. Le premier principe de fonctionnement interne du parti est le principe de centralisme démocratique. Ce principe garantit l'unité idéologique et politique et l'unité d'action du parti. Le P.Z.P.R. tend à développer la coopération et à renforcer la solidarité avec le mouvement international ouvrier. Il soutient la lutte des peuples du monde entier pour la paix, la libération nationale, la démocratie et le socialisme. Il voit dans l'alliance de la Pologne avec l'U.R.S.S. et les autres pays socialistes la condition de l'affermissement de l'indépendance, de l'inviolabilité des frontières et du développement socialiste de lia Pologne. Le Z.S.L. est le parti paysan qui organise l'œuvre des paysans en vue du développement de la Pologne, de l'affermissement de son indépendance, de sa force et de sa sécurité d'une part et de la construction du régime de justice sociale, du socialisme, d'autre part. Le Z.S.L. représente les intérêts des ruraux ; il lie ces intérêts à ceux de la classe ouvrière et à ceux dé -tout le ipeuple polonais : il est le parti socialiste paysan. Il part de ce principe que deux partis existent dans les campagnes : le P.Z.P.R. et le Z.S.L., idéologiquement liés par la communauté de lutte pour le socialisme. Le Z.S.L. n'est pas, et ne se considère pas comme l'unique représentant politique des campagnes. Il approuve l'alliance ouvrièrepaysanne et la primauté de la classe ouvrière dans cette alliance. Le Z.S.L. est le parti cogouvernant. Il est lui aussi responsable du développement du pays et, plus particulièrement, de l'élaboration et de la mise en œuvre de la politique rurale et de l'organisation des campagnes, en vue de leur 'permettre la réalisation des tâches qui leur incombent. Le Z.S.L. est né en novembre 1949 de lia fusion dû S.L. et du P.S.L. Il est issu des traditions radicales du mouvement populaire et il •perpétue ce mouvement dans les conditions de la construction du régime socialiste. Tout citoyen polonais âgé de 18 ans accomplis, qui approuve et met en œuvre les principes du programme idéologique du Z.S.L., qui cultive le sol et n'emploie pas de personnel, ou qui est lié par ses fonctions sociales ou professionnelles au travail des campagnes peut devenir membre du Z.S.L. En mars 1967 le Z.S.L. comptait 374 436 membres, alors qu'il n'en comptait que 258 671 en 1960. Il est donc lui aussi en augmentation rapide. En 1967 il était constitué pour 71,7 % de paysans, pour 5,8 % d'ouvriers, pour 18,8 % d'intellectuels et 1,6 % d'artisans. Les organisations de base du Z.S.L., appelées cercles, fonctionnent dans 57,4 %

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des campagnes : en 1967, il existait 25 789 cercles, dont 23 431 dans les campagnes. L'autorité suprême du Z.S.L. est le congrès qui en principe est convoqué tous les quatre ans. Entre les congrès, c'est le comité en dhef (komitet naczelny), élu par le congrès, qui est l'autorité suprême. Ce comité élit parmi ses membres le personnel de sa présidence et de son secrétariat. Les autorités du Z.S.L., à tous les échelons de son organisation, sont élues au scrutin secret. Des sections de l'organisation du parti sont créées dans les campagnes et dans les villes. De même que le P.Z.P.R., le Z.S.L. considère que le développement de l'amitié avec l'U.R.S.S. et les autres pays socialistes, ainsi qu'avec toutes les forces qui luttent pour la libération nationale et sociale et pour la paix dans le monde, est un des principaux facteurs de la liberté et dé la souveraineté de la Pologne, de l'inviolabilité de ses frontières et de l'affermissement de sa force et de sa /position dans le monde. Tous ces traits fondamentaux du Z.S.L. ont été relevés lors de son quatrième et dernier congrès, en novembre 1964. Le S.D., créé en 1939, est issu des clubs démocratiques fondés en 1937 par des progressistes antifascistes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il évolua d'un libéralisme progressiste au démocratisme. Le S.D. estime que ses tâches essentielles sont : la collaboration avec le P.Z.P.R. et le Z.S.L. pour l'édification d'une Pologne indépendante et socialiste ; la représentation des intérêts des milieux intellectuels, artisans, petits producteurs et commerçants et des groupes autres qui ont des fonctions de service ; l'inspiration et l'organisation d'une participation active de leur part à la vie politique nationale, au développement de l'économie et de la culture, à l'affermissement de l'Etat populaire, à la résolution des contradictions qui existent encore entre les intérêts de ces groupes et ceux des classes ouvrières et paysannes dans l'édification du socialisme ; et enfin l'accélération du processus de transformation de leur conscience sociale et l'affermissement de leur attitude civique. Au cours du huitième et dernier congrès du S.D., en février 1965, il fut souligné que ce parti s'est donné une tâche principale, dont tous les partis souhaitent la réalisation : il s'agit d'élargir la participation des groupes urbains moyens au processus d'accélération du développement économique et culturel de la Pologne, et de les intégrer davantage dans le courant des transformations qu'elle subit, en tant que cogouvernants et coréalisateurs de l'avenir de celle-ci, cette intégration doit être toujours plus complète et fondée sur une idéologie profonde et sur le patriotisme. Tout citoyen .polonais majeur qui approuve les principes idéologiques et le programme du parti, ainsi que son statut, qui jouit pleinement de ses droits civils, publics et civiques, qui n'a pas été puni pour un délit

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infamant ou commis par cupidité, auquel on ne peut rien reprocher du point de vue moral peut devenir membre du S.D. L'admission au parti se fait au niveau de ses organisations de bases ou cercles, à la demande de l'intéressé. Ce parti est également en train de se développer d'un point de vue quantitatif : à la fin de l'année 1966 il comptait 74 445 membres, quand en 1961 il en comptait seulement 41 846. Parmi eux il y a 53,9 % d'intellectuels et 39,1 % d'artisans et moyens producteurs. Les membres du S.D. se groupent en cercles : cercles d'établissement, professionnels, locaux et de jeunes. A la fin de 1966 il y avait 2 640 cercles. L'autorité suprême du S.D. est également le congrès, qui est convoqué tous les quatre ans. Entre les sessions du congrès, la direction du parti est assurée par son comité central, lequel est élu par le congrès au scrutin secret. Les élections ont lieu suivant ce mode à tous les échelons de |1'organisation du parti. La position du S.D. est la même que celle du P.Z.P.R. et du Z.S.L. en matière de politique étrangère. Il existe entre ces trois partis une alliance politique durable. C'est sur cette alliance que s'appuie l'autorité populaire en Pologne. Ces partis constituent les forces organisées du Front d'Unité Nationale. Chacun d'eux possède des traditions idéologiques et politiques un peu différentes, et la portée de leur activité dans la société est variable. Bien qu'ils soient tous partisans du socialisme, ils adoptent parfois des attitudes différentes sur certaines questions mais, finalement, ils aplanissent leurs divergences et parviennent à des attitudes concordantes au moyen de négociations communes. I V . L E PLAN IDÉOLOGIQUE DE L'ALLIANCE ENTRE L E S TROIS

PARTIS

La collaboration des partis repose sur un plan idéologique et politique durable, à la base duquel existent des principes précis relatifs à cette collaboration. Il faut ici mentionner les principes suivants :

a) Acceptation par tous les partis du programme de construction du socialisme et de la nécessité de prendre effectivement les mesures qu'impose la réalisation quotidienne de ce programme. b) Acceptation de la prééminence du rôle de la classe ouvrière et du parti communiste dans le processus de construction du socialisme, puis du communisme. c) Acceptation par le P.Z.P.R. de l'indépendance et de la souveraineté des autres partis. d) Admission du fait que le P.Z.P.R. représente et organise politiquement la classe ouvrière, qu'il représente et organise politiquement également d'autres classes et groupements de travailleurs, et qu'en revanche les autres partis représentent avec le P.Z.P.R. les classes et groupes

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sociaux alliés à la classe ouvrière. A la base donc de cette alliance se trouve une unité des intérêts fondamentaux et des tendances de toutes les classes et groupes sociaux qui existent actuellement dans la société polonaise. Le programme de la construction du socialisme en Pologne a été établi et proposé par le P.Z.P.R. C'est lui en outre qui est la force principale qui en garantit la réalisation. C'est par le développement progressif de leurs traditions radicales que les partis sont arrivés peu à peu à accepter ce programme. Leur attitude actuelle résulte enfin dû développement et de la victoire du courant de gauche dans la vie de ces partis. Ce qui vient d'être dit ne signifie pas cependant qu'un programme concret et détaillé pour la construction du socialisme dans un secteur déterminé, par exemple dans les domaines de l'agriculture ou de la petite production urbaine et un programme de formation de l'appareil étatique et de politique étrangère dans ce secteur, soit établi exclusivement par le P.Z.P.R. Il est essentiel que les autres partis et les personnes non affiliées à un parti participent à l'élaboration de tels programmes. Que le programme de la construction du socialisme soit commun à tous les partis ne signifie pas que les programmes propres de chacun d'eux soient identiques ; ils ne le sont que relativement aux principes et aux questions les plus générales. Mais, en ce qui concerne les autres questions, on constate entre eux des différences, qui sont parfois essentieilles ; ceci tient à ce que chaque parti a un domaine d'activité qui correspond à un certain milieu social, qu'il se fonde sur des bases philosophiques et idéologiques qui lui sont propres, ainsi que ses conceptions quant à l'organisation et aux principes d'action. Ces différences résultent du fait que ces partis regroupent des gens issus de milieux différents et qui peuvent avoir et ont en fait des idées qui diffèrent sur des questions particulières. Mais ces différences, tous les intéressés le soulignent, n'empêûhent nullement une harmonieuse coopération, mieux encore, elles la rendent parfois plus efficace. L'acceptation de la prééminence du rôle de la classe ouvrière et du P.Z.P.R. qui la représente dans le processus de construction du socialisme signifie que les partis n'ont pas l'intention de reprendre ce rôle de direction des mains du P.Z.P.R. Ils admettent et approuvent ce fait social et politique fondamental qu'ils ne veulent, ni ne peuvent changer. Ils peuvent en revanche tendre, et ils tendent en fait, à accroître leur participation à la direction du pays et de la société, car ils estiment qu'une telle fonction répond à la situation politique et sociale de la société polonaise et qu'elle est objectivement justifiée. Ceci non plus ne veut pas dire que Ile P.Z.P.R. gouverne les autres partis. Il ne .peut gouverner, avec les autres partis d'ailleurs, que le pro-

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

cessus de construction du socialisme ; mais, par rapport aux autres partis, il apparaît seulement comme étant le parti dominant mais non le chef. Certes il domine quant à son influence dans la société, quant à l'élan de son activité, quant à son programme d'action fondé sur la science, le dynamisme, l'esprit de sacrifice, etc., et par conséquent dépasse, en un certain sens, les autres partis ; mais il ne les gouverne pas. C'est d'ailleurs dans son intérêt : s'il les gouvernait, ils ne seraient plus indépendants, perdraient leur valeur en tant qu'alliés pour devenir ses satellites ou ses émanations ; et cela serait nuisible à la construction du socialisme en Pologne. Le rôle conducteur du P.Z.P.R. repose sur l'autorité de celui-ci dans la nation et non d'une soi-disant position administrative privilégiée par rapport aux autres partis. Pour le P.Z.P.R., l'indépendance des partis est un facteur favorable au socialisme. Cela signifie donc que les autres partis peuvent se développer, voit augmenter le nombre de leurs -membres. Ils peuvent, ils doivent même, prendre des initiatives, élaborer des projets en vue de résoudre des prdblèmes qui surgissent. Ils peuvent ouvertement et en toute sincérité définir leurs positions, notamment lorsqu'elles diffèrent de celles du P.Z.P.R. Cette indépendance n'est limitée que par le principe selon lequel les partis ne peuvent pas être en opposition au P.Z.P.R. ni au régime. Les partis ne peuvent ni ne veulent rouvrir un débat qui a été clos par le 'peuiple polonais : capitalisme ou socialisme ? Ils ne peuvent abandonner la voie du socialisme. L'indépendance de chaque parti signifie que la discussion entre eux est possible ; les divergences d'opinion sont possibles entre les partis et le P.Z.P.R. Il y a bien des discussions entre les partis communistes et parfois même des divergences profondes sur des questions essentielles ; ce serait donc une mauvaise chose s'il ne devait pas y avoir de discussions entre le P.Z.P.R. et les autres partis. Leur indépendance ne -peut mener à troubler le climat, car cela briserait l'unité des forces démocratiques. Chaque parti doit donc lutter contre de tels troubles et combattre les éléments réactionnaires de droite qui se manifesteraient dans ses rangs. Le P.Z.P.R. aide même, si cela est nécessaire, dhaque parti à combattre ces troubles d'ordre interne. En effet, à diverses reprises, des groupes isolés ont tendu à employer ces partis à la lutte contre le P.Z.P.R. et le socialisme polonais ; ils rencontrèrent cependant une ferme résistance des partis euxmêmes. Le plan politique qui vient d'être décrit prend en considération avant tout les intérêts de l'ensemble du peuple travailleur, intérêts qui sont le plus complètement réalisés dans la construction du socialisme. Tous les partenaires de l'alliance des partis mettent leur point d'honneur à .pour-

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suivre ce plan. Il comporte en effet à la fois des garanties pour le P.Z.P.R. en ce qui concerne son rôle conducteur dans le pays, et des garanties d'indépendance et de souveraineté pour les autres partis. Les partis ont mis au point les modalités concrètes de leur collaboration. Ils parviennent à l'unité d'action par une élaboration coordonnée de leurs décisions, et par la mise en œuvre de moyens concrets en vue dé leur réalisation. Ce n'est pas grâce à des directives que le P.Z.P.R. donnerait aux autres partis, comme certaines personnes mal informées le croient, que l'on atteint cette unité. V . DOMAINES ET MODALITÉS DE LA COLLABORATION DES PARTIS

Les domaines d'action et les modalités de la collaboration des partis sont très variés. Tout d'abord, il existe de larges contacts directs entre les partis à tous les échelons. La Commission centrale de l'entente des partis et groupements politiques travaille systématiquement à cette collaboration, et des commissions analogues fonctionnent aux niveaux des voïvodies et des districts. Ces commissions reposent sur les principes d'égalité et de parité. Elles débattent de tous les problèmes politiques essentiels qui impliquent la nécessité pour les partis d'adopter des positions concordantes et de recourir à une action commune. Des rencontres sont fréquemment organisées auxquelles participent deux partis ; elles ont lieu sous cette forme lorsque les initiatives qui impliquent une concordance n'intéressent que deux partis, par exemple des questions agricoles, qui intéressent surtout le P.Z.P.R. et le Z.S.L., ou des questions d'artisanat urbain qui intéressent en particulier le P.Z.P.R. et le S.D. De telles rencontres ont lieu à tous les échelons. Il existe des conférences communes des instances des partis, du P.Z.P.R. et du Z.S.L. notamment. Des conférences communes dés organisations de base du P.Z.P.R. et du Z.S.L. dans les campagnes et des réunions communes des comités communaux de ces mêmes partis sont fréquentes. Des représentants des autres partis sont invités au congrès de chacun d'eux. Us prennent la parole pour définir les positions essentielles de leur parti à propos des questions qui se posent alors au pays, et non seulement pour émettre un salut de courtoisie. Lors des rencontres et réunions communes, des documents communs relatifs au programme des partis sont établis et publiés. Il ne s'agit pas ici des programmes globaux, mais de ceux qui sont relatifs à des secteurs sociaux qui intéressent au moins deux partis. Le Front d'Unité Nationale offre le terrain le plus vaste à la collaboration des partis. Ce Front s'est oréé pendant l'occupation hitlérienne et a depuis profondément évolué. C'est un mouvement social de masse

32

ETUDES

SUR LE DROIT

POLONAIS

ACTUEL

qui réunit toutes les forces créatrices, progressistes et patriotiques de la nation polonaise autour du programme commun de construction du socialisme, de développement de l'économie nationale, d'accroissement des forces de la Pologne et de consolidation de ses frontières. Le Front d'Unité Nationale rassemble non seulement les membres mais encore les sympathisants politiques du P.Z.P.R., du Z.S.L. et du S.D. Le Front d'Unité Nationale est conçu pour permettre l'alliance et la collaboration des membres de tous les partis et des personnes qui n'adhèrent à aucun d'eux, pour la réalisation d'un programme commun élaboré d'après les décisions des congrès des partis. Il assure une participation très large des activistes qui ne sont membres d'aucun parti aux organes représentatifs de l'Etat : Diète et conseil populaires, en tant que représentants des organisations sociales et professionnelles et des divers milieux et sociétés qui existent en Pologne. Il y a également place au sein du Front d'Unité Nationale pour les groupements sociaux et politiques des catholiques laïques, non en tant que représentants de l'ensemble des adeptes de la religion chrétienne, mais en tant que représentants de ces milieux qui recherchent dans la philosophie chrétienne des motivations de leur attitude positive envers le socialisme et de leur activité patriotique. Le Front d'Unité Nationale constitue donc le terrain non seulement pour une collaboration de tous les partis entre eux mais aussi pour leur collaboration avec les individus qui ne sont membres d'aucun d'eux. Les organisations dotées de l'autonomie, du self-gouvernement, offrent également un terrain très large à la collaboration des partis. Il s'agit par exemple des cercles agricoles dans les campagnes, des corporations, des chambres d'artisans, des coopératives, etc. La coopération des partis au sein même de l'appareil étatique : Diète, conseils populaires, ensemble des organes administratifs et judiciaires, etc., a une très grande importance politique. A la Diète fonctionnent des clubs des partis : P.Z.P.R., Z.S.L. et S.D. qui s'entendent entre eux sur toutes les questions essentielles dont s'occupe la Diète. De la même façon, des groupes de ces partis fonctionnent dans les conseils populaires : à ce niveau des conseils populaires, il existe souvent des groupes communs des deux partis P.Z.P.R. et Z.S.L. VI.

PARTICIPATION

DE CHACUN DES

PARTIS

AUX ORGANES

REPRÉSEN-

TATIFS DE L'ETAT

Comme le constate la Constitution du 22 juillet 1952, le pouvoir appartient en Pologne au peuple travailleur des villes et des campagnes (article 1, paragraphe I). Ce peuple exerce le pouvoir par l'intermédiaire de ses représentants ; ceux-ci sont élus à la Diète et aux conseils populaires

LE SYSTEME

DE PARTI

EN

POLOGNE

33

au cours d'élections au suffrage universel, égal, direct et au scrutin secret. Ces représentants sont responsables devant les électeurs et peuvent être révoqués par eux. Tous les autres organes de l'Etat sont soumis d'une manière ou d'une autre aux organes du pouvoir et responsables devant eux. Dans ces conditions, la structure politique de la Diète et des conseils populaires a une importance décisive en ce qui concerne le sens et l'orientation de l'activité de l'appareil étatique. La Diète de la République populaire de Pologne, élue en 1961 pour sa troisième législature, était composée de 460 députés. Parmi eux, 256 étaient membres du P.Z.P.R., 117 du Z.S.D. et 39 du S.D. et 48 n'appartenaient à aucun parti. La Diète élue pour sa quatrième législature, en 1965, se compose aussi de 460 députés, parmi lesquels 255 appartiennent au P.Z.P.R., 117 au Z.S.L., 39 au S.D. et 49 à aucun parti. Les changements que ces chiffres font apparaître sont sans importance politique La structure politique stabilisée de la Diète est le reflet de la stabilisation politique du système de parti polonais. Les conseils populaires de tous les échelons (de voïvodie : 22 ; de districts : 317 ; de villes constituant des districts : 74 ; de villes ne constituant pas des districts : 710 ; de quartiers de grandes villes : 39 ; d'agglomérations suburbaines résidentielles : 102 ; de communes : 5 238) comptaient au total, en 1961 : 184 023 conseillers dont 45,4 % membres du P.Z.P.R., 21,5 % du Z.S.L., 2 % du S.D. et 31,2 % membres d'aucun parti. Les conseils élus en 1965 groupaient 171 724 conseillers. La diminution de leur nombre a été provoquée par la diminution des conseils populaires de communes. Parmi ces conseillers, 46,8 % étaient membres du P.Z.P.R., 22,6 °/o du Z.S.L., 2,5 % du S.D. et 29,1 % n'étaient membres d'aucun parti. Là encore, nous n'observons que des variations peu importantes, preuve de la stabilisation du système politique. Les données ci-dessus font apparaître en général avec fidélité l'influence des divers partis sur l'activité de l'Etat et sur son appareil. Le P.Z.P.R., le Z.S.L. et le S.D. se partagent de la même façon les fonctions au sein du gouvernement, du Conseil d'Etat, des diverses présidences de la Diète, les présidences des conseils populaires., les postes de sous-secrétaires d'Etat ainsi que d'autres postes de direction d'Etat. C'est de cette manière que chaque parti a sur l'appareil étatique une influence qui correspond plus ou moins à son importance sociale et qu'il assume les responsabilités politiques et morales de son activité. Le fait que les partis ne monopolisent pas entre leurs mains tous les postes de l'Etat a une importance capitale pour la vie politique en Pologne. Tout au contraire, ces partis organisent au sein du Front d'Unité Nationale la participation au pouvoir d'Etat et à la direction des organisations sociales des citoyens actifs qui ne sont membres d'aucun parti. 2

34

ETUDES SUR LE DROIT

VII.

POLONAIS

ACTUEL

PROBLÈME DE LA DURABILITÉ DU SYSTÈME DE PARTI EN POLOGNE

Le système de parti fonctionne désormais depuis plus de vingt ans, il a donc subi l'épreuve du temps. Au cours des années 1948-1955, il fut considéré en Pologne comme devant être un système passager, car on était d'avis que dans un pays de type socialiste il ne peut exister qu'un parti communiste. Actuellement on envisage le problème différemment. En 1959, lors du troisième congrès du P.Z.P.R., M. W . Gomulka constata que le système de parti polonais actuel est « l'élément durable de notre démocratie ,populaire 2 ». On prévoit que ce système continuera d'exister pendant toute la période historique de développement de la Pologne vers le socialisme. Dernièrement, M. Gomulka a souligné la même idée dans l'exposé qu'il fit lors de la troisième session plénière du comité central du P.Z.P.R., au mois de mars 1965. M. Gomulka constata notamment : « Le Front de l'Unité Nationale, basé sur de tels fondements — de même que le groupement autour de l'alliance politique des trois partis, avec notre parti à la tête de toutes les forces sociales vitales — correspond aux principes et aux tendances principales du développement de la démocratie socialiste de notre pays 3 . » Telle est la position du P.Z.P.R. sur cette question ; le Z.S.L. et le S.D. représentent des positions analogues. Il est cependant clair que l'existence et la forme du système de parti polonais ne dépendent pas seulement de la volonté et de l'intention des partis intéressés, mais aussi de leur attitude et du rôle qu'ils auront dans le processus de construction du socialisme, de l'approbation et de l'intérêt dont ils jouiront parmi le peuple travailleur, etc. Ainsi trois facteurs au moins déterminent le sort futur du système de parti en Pologne : la politique du P.Z.P.R. envers les partis, la politique du Z.S.L. et du S.D. en ce qui concerne la construction du socialisme et du communisme en Pologne et envers le P.Z.P.R., et enfin l'attitude de la population envers chacun des partis existants. On peut prévoir avec beaucoup de certitude que le nombre des partis politiques appartenant à ce système n'augmentera ni ne diminuera. VIII.

LE

SYSTÈME DE PARTIS

DES AUTRES PAYS

POLONAIS

ET LES

SYSTÈMES DE PARTI

SOCIALISTES

Dans les quatorze Etats socialistes qui existent aujourd'hui, il y en a sept dans lesquels il n'existe qu'un seul parti socialiste : il s'agit de l'Albanie, de la Yougoslavie, de la Mongolie, de Cuba, de la Roumanie, de la Hongrie 2. W .

GOMULKA,

3.

GOMULKA,

W.

d'introduction,

Przemowienia (Discours), 1959, Varsovie, 1960, p. 136. IIIe Session plénière du comité central du P.Z.P.R., Rapport mars 1965, supplément à Trybuna Ludu, p. 5.

LE SYSTEME

DE PARTI

EN

POLOGNE

35

et de l'U.R.S.S. Dans les sept autres Etats socialistes existent au moins deux partis politiques : le parti communiste, et les partis représentant les groupes sociaux alliés à la classe ouvrière. Il s'agit alors, on peut donner cette définition, d'un système de collaboration du parti communiste et des partis qui représentent les groupes et classes alliés à la classe ouvrière. Le système de partis polonais appartient justement à ce groupe de système de partis socialistes. On peut poser la question de savoir quel est le système de parti propre au régime socialiste. A cette question on peut répondre de plusieurs façons : pour certains auteurs, le système de parti unique, celui-ci étant le parti communiste, est le seul système de parti propre à un régime socialiste ; certains vont même plus loin qui souhaitent voir introduire une telle situation ; les autres estiment que le système de collaboration du parti communiste avec les partis alliés est le seul système valable pour le socialisme et qu'il faut tendre à créer un système de ce type dans tous les pays socialistes ; d'autres auteurs enfin sont d'avis qu'aucun des systèmes actuellement connus n'est bon et qu'il faut chercher un autre système qui demeure inconnu. Certains pensent même que le socialisme poussé suffisamment loin dans son développement devrait se caractériser par l'absence de tout parti. Toutes ces opinions sont discutables et même, peut-on dire, erronées 4 . Ni les expériences des pays socialistes, ni un raisonnement théorique n'autorisent en aucune façon une opinion d'après laquelle le système de parti doit être identique dans chaque pays construisant le socialisme. La forme d'un système de parti n'est pas liée à l'essence même du pouvoir dans un Etat socialiste. Il s'agit là simplement de la question de la forme sous laquelle ce pouvoir se manifeste ; et des formes différentes peuvent recouvrir un même contenu idéologique. L'existence dans un pays d'un ou de plusieurs partis politiques ne peut pas être considérée comme un trait qui distingue une société socialiste d'une société bourgeoise ou une société démocratique d'une société non démocratique. Si l'hégémonie de la classe ouvrière dans la révolution et le rôle conducteur du parti communiste sont maintenus, les deux systèmes, celui du parti unique comme celui du concours des partis communistes et alliés, ainsi que les autres systèmes possibles, servent tout aussi bien la cause du socialisme. Les deux systèmes de parti éprouvés jusqu'à aujourd'hui ne s'opposent ni aux thèses socialistes, ni aux expériences du mouvement ouvrier révolutionnaire. 4 . Cf. panstwa

A . LOPATKA, socjalistycznego

Kierownicza rola partit komunistycznej w stosunku do (Le rôle conducteur du Parti Communiste par rapport à

l'Etat socialiste), Poznan, 1963, p. 205.

36

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

Le choix d'un système déterminé dans un pays dépend des conditions concrètes de ce pays, de ses traditions et de son organisation politique. Le système polonais tripartite prend ses racines dans une tradition de coexistence de plusieurs partis dans la vie politique qui remonte au moins à la seconde moitié du 19e siècle. Chaque système de parti qu'un pays a choisi et éprouvé dans des conditions particulières est le meilleur pour ce pays. Le critère décisif est ici celui de son utilité pour la construction du socialisme dans un pays. Certains auteurs essayent de juger d'un système de parti dans un pays socialiste d'après le degré de facilité qu'il offre aux forces antisocialistes pour agir, d'après le degré pour lequel il peut être employé dans la lutte pour la restauration du système capitaliste rejeté par la nation polonaise. Aujourd'hui l'adoption d'un tel critère par rapport au système de partis polonais est en lui-même un anachronisme. Car le problème de l'orgainisation sociale et politique de la Pologne a été résolu par le peuple polonais dans les années 19444947, il y a donc environ vingt ans. Aussi adopte-t-on généralement aujourd'hui en Pologne un autre critère : dans quelle mesure le système de partis existant permet-il la participation la plus complète de la société à la vie politique du pays et à l'exercice du pouvoir d'Etat 5 ? Et c'est à ce point de vue qu'on le remodèle et qu'on le perfectionne. L'étude du système de partis polonais qui vient d'être faite montre qu'est fausse l'opinion des auteurs qui prétendent que, dans les pays socialistes, il n'existe qu'un seul système de parti, opinion que partage même un savant aussi distingué que l'est M. Duverger e . C'est pour cela que cette question appelait une rectification. On doit également rectifier cette idée que le parti communiste dans un pays socialiste, à cause de sa mission historique et de son caractère de classe, ne partage pas et ne peut partager avec un autre parti politique le rôle conducteur dans la construction du communisme 7 : le P.Z.P.R. partage le pouvoir avec le Z.S.L. et le S.D., ce qui ne l'empêche pas de conserver une position politique décisive dans la vie sociale et dans la vie de l'Etat polonais. Cela ne l'empêche pas, et même au contraire cela l'aide, à conduire la nation polonaise sur la voix de la construction du socialisme. 5. Cette pensée est fortement soulignée par S. Rozmaryn, La Pologne, Paris (t. V I I de la collection « Comment ils sont gouvernés », sous la direction de G. Burdeau), p. 63 et suiv. 6. M. DUVERGER, Les partis politiques, 3e éd., Paris, 1958, p. 268. 7. Cf. par exemple B.I. Kozochin, Powyszettije rukowodiaszczej roli kommunisticzeskich i raboczich parti; jewropejskich narodnodemokraticzeskich gosudarstw u> razwitii socjalisticzeskoj demokratii. Léningrad, Wiestnik Leningradskogo Uniwersiteta, n° 11, Serija Ekonomiki, Filosofii i Prawa, Wypusk, 2, 1965, p. 85.

Principes du régime politique de la République Populaire de Pologne KAROL MARIAN

POSPIESZAI.Sia

Les principes du régime politique, du régime économique et social, le problème des droits et des devoirs des citoyens ont été définis dans la Constitution votée par la Diète législative le 22 juillet 1952 et dans une série de lois ordinaires. Seuls les principes du régime politique feront l'objet de la présente étude 1 . La Constitution du 22 juillet 1952 n'est pas la première constitution de la Pologne populaire, mais elle est sa première constitution d'un caractère stable, nettement socialiste. Le premier Parlement, le Conseil national (Krajowa Rada Narodowa) composé des délégués des partis politiques, des organisations sociales, des conseils populaires de voïvodies et de membres cooptés, avait reconnu le caractère obligatoire des principes démocratiques contenus dans la Constitution du 17 mars 1921, bien qu'il existât certaines différences entre le régime instauré en 1944-1945 et celui qu'avait établi la Constitution d'avant-guerre. Par exemple, il y avait désormais un organe nouveau : le présidium du Conseil national, qui correspondait au présidium du Conseil suprême en U.R.S.S. (mais, tandis qu'en U.R.S.S. le présidium est le chef collégial de l'Etat, en 1. Les ouvrages principaux de caractère général sont les manuels des professeurs Andrzej BURDA (Lublin), Kazimierz BISKUPSKI (Torun), Stefan ROZMARYN (Varsovie) et celui dû à plusieurs auteurs et rédigé par Janina ZAKRZEWSKA (Varsovie) : en outre, deux ouvrages de Stefan ROZMARYN : Konstytucja jako ustawa zasadnicza P.R.L. (La Constitution en tant que loi fondamentale de la République populaire de Pologne), Varsovie, 1961, et Ustawa w P.R.L. (La loi dans la République populaire de Pologne), Varsovie, 1964. L'Institut des sciences juridiques de l'Académie polonaise des sciences a publié une bibliographie complète (Polska Bibliografia Prawnicza 1944-1959, Varsovie, 1962). Cet Institut édite la revue mensuelle Patistivo i Pratvo (L'Etat et le Droit), une bibliographie y est aussi successivement publiée et. en langue française, la revue annuelle Droit Polonais Contemporain (1 cahiers, 19621967, voir la bibliographie des ouvrages imprimés en français, 1958-1962, dans le n° 2, 1963 : « Droit public », p. 28-30).

38

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

Pologne cette fonction était exercée par le président du Conseil national, qui était en même temps le chef du présidium de cet organe). Les élections au suffrage universel, basées sur le principe de la représentation proportionnelle, eurent lieu le 19 janvier 1947. Le 19 février 1947, la Diète législative vota la Constitution provisoire, laquelle réglait seulement l'aménagement des organes suprêmes. Elle ressemblait beaucoup à la première Constitution polonaise d'avant-guerre, celle du 17 mars 1921, laquelle avait été nettement influencée par la Constitution française de la III e République. Il y avait donc un président de la République, politiquement irresponsable, élu par la Diète pour sept ans ; mais, à la différence de ce qui existait dans la Constitution de mars, le Parlement était composé d'une seule Chambre et non de deux. D'autre part était créé un nouvel organe : le Conseil d'Etat (Rada Panstwa), composé du président de la République, du président (Maréchal) et des vice-présidents de la Diète, du président de la Chambre suprême de contrôle, et de personnes nommées par la Diète. Ce Conseil d'Etat recueillit une grande partie des compétences que détenait auparavant le présidium du Conseil national. Au cours des années 1949-1950, la Diète législative vota une série de lois d'une importance fondamentale qui modifièrent nettement le régime politique dans une optique socialiste. Ce furent : la loi modifiant l'organisation des autorités suprêmes de l'économie nationale (10 février 1949), la loi sur les conseils populaires ( r a d y narodowe) (20 mars 1950), la loi modifiant le décret-loi d'avant-guerre sur l'organisation des tribunaux ordinaires et la loi sur le Ministère Public (20 juillet 1950), enfin la loi sur le plan de six ans et l'édification des fondements du socialisme (21 juillet 1950). Les éléments essentiels de ces lois font partie de la Constitution votée par la même Diète le 22 juillet 1952. La Constitution de la République de Pologne se compose d'un préambule et de onze chapitres. Elle a été amendée à plusieurs reprises 2 ; en 1957 y fut ajouté un onzième chapitre sur la Chambre suprême de contrôle, symptôme de la démocratisation de la vie publique qui eut lieu en 1956. Nous ferons allusion plusieurs fois encore à cette annéeJà. La structure de la Constitution repose sur la division, bien connue, des organes étatiques des pays socialistes en organes du pouvoir, en 2. Constitution de la République populaire de Pologne du 22 juillet 1952 (Journal des Lois, n° 33, 1952, pos. 232) ; modifications : loi du 25 septembre 1954 (Journal des Lois, n° 43, 1954, pos. 190), loi du 13 décembre 1957 (Journal des Lois, n° 61, 1957, pos. 329), loi du 22 décembre 1960 (Journal des Lois, n° 57, 1960, pos. 322), loi du 15 mai 1961 (Journal des Lois, n° 25, 1961, pos. 120), loi du 19 décembre 1963 (Journal des Lois, n° 57, 1963, pos. 306).

PRINCIPES DU REGIME POLITIQUE DE LA REPUBLIQUE POPULAIRE

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organes exécutifs et administratifs, en organes judiciaires (tribunaux) et en organes du Ministère Public. Après une partie consacrée aux principes du régime politique (chapitre 1) et du régime social et économique (chapitre 2), on trouve des dispositions concernant les organes suprêmes du pouvoir d'Etat (chapitre 3), la Chambre suprême de contrôle (chapitre 3a), les organes suprêmes de l'administration de l'Etat (chapitre 4), puis des dispositions sur les conseils populaires (chapitre 5), sur les tribunaux et le Ministère public (chapitre 6), enfin des dispositions sur les droits et les devoirs civiques (chapitre 7), et les principes de droit électoral pour ce qui concerne les élections à la Diète et aux conseils populaires (chapitre 8). A la fin de la Constitution se trouvent de très brefs chapitres sur l'emlblème et les couleurs et sur la capitale (chapitre 9), et sur la révision de la Constitution (chapitre 10). A côté de la Constitution existe une loi d'application qui fut votée le même jour (22 juillet 1952) 3 . Le contenu du préambule, qui, dans l'opinion commune, a force juridique, est en relation étroite avec le chapitre premier sur le régime politique. Dans l'un et l'autre, il est déclaré que la République populaire de Pologne est une république du peuple travailleur. La Constitution ne contient, à la différence de beaucoup d'autres constitutions socialistes, aucune disposition disant que le parti est la force dirigeante ; il est seulement dit dans le préambule que le fondement du pouvoir populaire est l'alliance de la classe ouvrière avec les paysans travailleurs, et que le rôle dirigeant dans cette alliance appartient à la classe ouvrière. La Diète est le représentant suprême de la volonté du peuple travailleur des villes et des campagnes ; elle vote les lois et exerce le contrôle sur les autres organes du pouvoir et de l'administration. A l'origine, le nombre de députés n'était pas fixé : il y avait un député pour 60 000 habitants, d'où il résultait que le nombre de députés augmentait avec celui de la population. La Diète de 1957-1961 comptait 459 députés ; c'est alors que, par l'amendement du 22 décembre 1961, on fixa leur nombre de façon stable à 460 4 . Les principes généraux de droit électoral pour la Diète et les conseils populaires sont contenus, comme il a déjà été dit, dans la Constitution. La loi électorale est la loi du 24 octobre 1956, modifiée d'abord le 22 décembre 1960, puis le 19 décembre 1963 5 . 3. 4. 5. pos.

Journal des Lois, n° 33, 1952, pos. 233. Loi du 22 décembre 1960 ; voir supra, note 2. Texte en vigueur : Journal des Lois, n° 58, 1960, pos. 325 ; n° 57, 1963, 307.

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

C'est le Conseil d'Etat qui donne l'ordre de procéder aux élections parlementaires. C'est également lui qui opère la division du territoire de l'Etat en circonscriptions électorales, et qui répartit les sièges entre elles conformément au nombre d'habitants. Les présidiums des conseils populaires de districts et des conseils de villes qui ne sont pas divisées en quartiers et les conseils des quartiers de grandes villes divisent les circonscriptions électorales en cantons électoraux de 1 000 à 3 000 habitants. Il existe en outre des cantons spéciaux, par exemple pour les unités militaires. C'est encore le Conseil d'Etat qui nomme les membres de la Commission électorale d'Etat. Les Conseils populaires de voïvodies compétents élisent les commissions de circonscription ; les présidiums des conseils de district et des conseils qui leur correspondent élisent les commissions de cantons, lesquelles organisent les votations elles-mêmes. Les présidiums des conseils de ville, de quartier et de commune dressent les listes électorales. Ces listes sont renouvelées lors de chaque campagne électorale et établies séparément pour chaque canton électoral. Ces listes sont ensuite affichées dans les commissions électorales des cantons pour examen public, afin que les citoyens puissent éventuellement déposer des réclamations. Tout citoyen est électeur à 18 ans accomplis et éligible à 21 ans accomplis. Ce sont les organes des organisations sociales, professionnelles et coopératives qui ont compétence pour présenter les listes de candidats dans les commissions de circonscription. Le nombre des candidats figurant sur une liste peut dépasser le nombre des sièges à pourvoir dans la circonscription, mais pas de plus de 50 %. Un individu peut être candidat dans une circonscription donnée autre que celle où il a son domicile, mais il ne peut l'être que dans une seule, et il ne peut pas figurer sur plus d'une liste. Compte tenu de ce qu'il n'existe pas de parti d'opposition dans le système de partis polonais, dès 1949 déjà, toutes les organisations s'unirent au sein du Front d'Unité Nationale (Front Jednosci Narodu), dont la force dirigeante est le Parti Ouvrier Unifié Polonais (Polska Zfednoczona Partia Robotnicza). Le comité compétent du Front d'Unité Nationale dépose dans la circonscription électorale une liste commune de candidats dont le nombre ne dépasse que de quelques unités celui des sièges à pourvoir (lors des dernières élections, celles du 30 mai 1965, le nombre des candidats dépassait de deux celui des sièges à pourvoir). Les candidats présentés sur la liste commune ont été d'abord élus au cours des assemblées des délégués des partis politiques : chaque parti organise son assemblée électorale, pour désigner ces délégués, avant le dépôt des listes de candidats par le Front d'Unité Nationale.

PRINCIPES

DU REGIME

POLITIQUE

DE LA REPUBLIQUE

POPULAIRE

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Les élections ont toujours lieu le dimanche. Le vote est personnel, uniquement. La commission distribue à chaque électeur un bulletin officiel de vote et une enveloppe ; l'électeur peut biffer de la liste les noms de certains candidats, avant de la glisser dans l'urne. Il doit y avoir un isoloir dans le local où se déroule le scrutin afin de permettre le secret de celui-ci. Si l'électeur a droit au secret du scrutin, cela n'est pas pour lui cependant une obligation. On considère que le vote a été émis en faveur de tous les candidats dont les noms ne sont pas biffés à condition toutefois que leur nombre ne dépasse pas celui des sièges à pourvoir dans la circonscription. Dans le cas contraire, on considère que l'électeur a voté pour les candidats venant en premier sur la liste. Donc, si dans une circonscription comportant six sièges, l'électeur biffe un ou plusieurs des six premiers noms, il fait avancer à leur place les candidats venant à leur suite sur la liste. Lorsque l'électeur laisse un nom, on considère qu'il a voté pour la liste du Front d'Unité Nationale, et lorsqu'il a biffé tous les noms, qu'il a voté contre tous les candidats. Sont élus les candidats sur lesquels se sont portés le plus de suffrages valablement exprimés, à condition toutefois qu'ils en totalisent plus de la moitié. Le nombre d'élus ne peut excéder celui des sièges à pourvoir dans la circonscription. Au cas où deux ou plusieurs candidats auraient obtenu un même nombre de voix et où, en les admettant tous, on dépasserait le nombre des sièges à pourvoir, ce serait la place occupée par le ou les candidats sur la liste qui déciderait finalement de leur élection. Si dans une circonscription la fréquentation des urnes est inférieure à 50 % ou si tous les sièges ne sont pas pourvus du fait que les candidats n'ont pas obtenu la majorité absolue, ou si la Diète annule les élections, le Conseil d'Etat ordonne qu'il soit procédé à de nouvelles élections. Dans l'hypothèse où tous les sièges n'ont pas été pourvus au premier tour, la majorité relative est seule requise au second tour. Les résultats des élections pour l'ensemble du pays sont établis par la Commission électorale d'Etat qui les fait publier dans le Moniteur Polonais (Monitor Polski). Aux dernières élections à la Diète, celles du 30 mai 1965, 96,62 % des électeurs votèrent ; les listes du Front d'Unité Nationale recueillirent 98,81 % des suffrages valables. Le nombre des voix données aux candidats se trouvant en tête de liste, c'est-à-dire aux places dont le nombre correspondant à celui des sièges à pourvoir, a presque toujours été supérieur à 90 % des suffrages valables, le pourcentage le plus élevé étant de 99,53 % . Le nombre des voix recueillies par les candidats figurant en queue de liste, c'est-à-dire à un rang dépassant

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

le nombre des sièges à pourvoir, totalisa de 0,45 à 9,83 % des suffrages valables 6 . Sur 460 députés élus, 255 appartiennent au Parti Ouvrier Unifié Polonais, 117 au Parti Paysan Unifié {Zjednoczone Stronnictwo Ludowe), 39 au Parti Démocrate (Stronnictwo Demokratyczne) ; 49 ne sont membres d'aucun parti et, parmi ces derniers, on compte 13 catholiques. La Diète actuelle compte 62 ouvriers, 58 paysans, 8 artisans, 197 personnes ayant une instruction supérieure ; 57 femmes en font partie. La Diète fut en grande partie renouvelée : 230 députés assument leurs fonctions pour la première fois 7 . Le mandat de député a un caractère impératif : le député a l'obligation de présenter à ses électeurs des comptes rendus de son activité et de celle de la Diète ; il doit se conformer à leurs instructions et peut être révoqué par eux. Le mode de révocation devait être réglé dans une loi ordinaire, mais cela n'a pas encore été fait et la disposition de la Constitution qui prévoit cette révocation est pour l'instant restée lettre morte. Le député jouit d'une immunité ; il ne peut faire l'objet d'une poursuite pénale, ni d'une arrestation sans que la Diète, ou le Conseil d'Etat en dehors des sessions de celle-ci, y ait consenti. La Diète se réunit deux fois par an, pour les sessions d'automne et de printemps. Elle est convoquée par le Conseil d'Etat. Celui-ci peut en outre la convoquer en session extraordinaire, soit de sa propre initiative comme il en a la faculté, soit sur la proposition du tiers des députés, comme il en a alors l'obligation. La Diète fixe elleninême la date de clôture de ses sessions. Sa convocation pour un certain jour au plus tard le 30 novembre pour la session d'automne, et le 1 " avril pour celle de printemps8, ne signifie pas que la première séance doive se tenir ce jour-là, mais seulement que cessent dès cette date les compétences dévolues au Conseil d'Etat entre les sessions, et elle emporte l'autorisation pour le présidium de la Diète d'établir le calendrier des séances. Ce présidium est composé du président (maréchal) et de deux viceprésidents. Ils forment un collège qui organise l'activité de la Diète. Les membres du présidium de la Diète forment avec les chefs des fractions politiques l'organe consultatif du présidium, ou Comité des anciens. 19 commissions permanentes, auxquelles s'ajoutent parfois des commissions extraordinaires, accomplissent une partie importante du travail de la Diète. Les commissions permanentes correspondent aux différentes 6. Moniteur Polonais, 7. Tribune du Peuple 8. Arrêté de la Diète n* 19, 1957, pos. 145 ;

n° 29, 1965, pos. 157. (Trybuna Ludu), 4 juin 1965. - règlement de la Diète du 1 " mars 1957 (Moniteur Polonais, n» 1, 1958, pos. 1).

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brandhes de l'activité gouvernementale, à l'exception de la Commission pour les questions des mandats parlementaires et du règlement intérieur et de la Commission du plan économique, du budget et des finances. Le nombre total des séances de la Diète, au cours de la dernière législature (1961-1965), fut de 32 pour 44 jours, le nombre total des séances des commissions étant de 887 pour la même période 9 . Les commissions continuent à fonctionner entre les sessions parlementaires. Elles sont compétentes non seulement pour examiner des projets de lois ou de décrets-lois (nous en parlerons plus loin), mais aussi pour procéder à l'analyse des questions dans les domaines particuliers de l'administration et de l'économie d'Etat. Lors du contrôle qu'elles exercent en collaboration avec la Chambre suprême de contrôle, les commissions émettent souvent des desiderata (1 842 au cours de la législature 19611965), que le présidium de la Diète transmet, sans acceptation par la Diète, aux organes suprêmes de l'Etat. Ceux-ci, s'ils n'ont pas l'obligation de s'y conformer, doivent cependant y donner réponse. Ces desiderata peuvent être examinés à nouveau par la Commission. Les lois votées par la Diète sont soit des lois constitutionnelles, soit des lois ordinaires. Les lois constitutionnelles sont adoptées à la majorité renforcée des deux tiers des membres présents, le quorum étant de la moitié des députés. Pour les lois ordinaires k majorité simple suffit, le quorum étant abaissé à un tiers du nombre des députés. Les projets sont votés à l'unanimité ou à la quasi-unanimité du fait qu'il existe entre les partis une grande similitude de positions idéologiques et politiques. L'initiative législative appartient au Conseil des ministres, lequel a présenté lors de la dernière législature la plupart des projets de lois (86 sur un total de 93), ainsi qu'au Conseil d'Etat (3 projets dont 2 en commun avec le gouvernement) et aux groupes des députés (4 projets). La discussion et le vote des projets de loi ont lieu suivant un règlement intérieur élaboré par la Diète elle-même 10 . En principe, le texte fait l'objet de deux lectures entre lesquelles prennent place les débats au sein de la Commission. Mais le présidium de la Diète peut transmettre directement aux commissions les projets déposés en dehors des séances. La Diète dispose en outre de plusieurs moyens pour abréger la procédure de vote. Lors de la dernière législature, 8 lois seulement ont fait l'objet d'une double lecture, alors que 18 projets seulement ont été adaptés sans amendements par la Diète. 9. Sejrn P.R.L., kadencja III, informacja o dzidalnoki mation sur l'activité de la Diète), Varsovie, 1965. 10. Voir supra, note 8.

Sejmu,

1961-1965

(Infor-

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Les lois votées sont contresignées par le président et par le secrétaire du Conseil d'Etat. Le président est en outre chargé de leur publication au Journal des Lois {Dziennik XJstaw), où sont également publiés les décretsJois du Conseil d'Etat, les ordonnances d'application des lois et décrets, les traités internationaux et les déclarations relatives à leur force obligatoire. La Diète vote le budget sous la forme d'une loi et adopte les plans économiques annuels ou multiannels sous la forme d'arrêtés. D'après la Constitution, c'est en principe au Conseil des ministres qu'il appartient de prendre des arrêtés concernant les plans annuels ; mais en pratique, depuis 1956, cette compétence revient à la Diète. C'est également la Diète qui décide de la guerre et de la paix et qui définit l'orientation de la politique du gouvernement. Il faut ici mentionner que la Diète vote les résolutions qui lui sont proposées par les différentes commissions. L'autre grand domaine d'activité de la Diète est celui des nominations et révocations et du contrôle des organes de l'Etat. A la première séance de sa première session, la Diète procède à l'élection parmi ses membres du Conseil d'Etat, nommé pour -toute la durée de la législature et jusqu'à ce qu'une nouvelle Diète élise un nouveau Conseil d'Etat. Au cours de cette même séance, la Diète nomme le Conseil des ministres (son président d'abord, puis les ministres sur la proposition de celui-ci). Elle nomme encore le président de la Chambre suprême de contrôle pour une période indéterminée. En liaison avec ces fonctions, la Diète exerce aussi de larges compétences dans le domaine du contrôle. Elle le fait, comme nous le savons déjà, par ses commissions. Les députés peuvent de leur côté procéder à des interpellations, mais cette forme de contrôle est peu usitée. L'aspect principal du contrôle exercé par la Diète consiste dans l'analyse du compte rendu du gouvernement relatif à la réalisation du plan économique national et du budget (remarques de la Chambre suprême de contrôle y comprises), au terme de laquelle elle lui délivre le quitus pour sa gestion économique. L'autre organe supérieur du pouvoir (supérieur, mais non suprême), est le Conseil d'Etat, déjà mentionné, qui se compose d'un président, de ses quatre suppléants et de onze membres 11 . Tous doivent avoir la qualité de députés. Les fonctions de président et de vice-président de la Diète ne sont pas compatibles avec celles de président du Conseil d'Etat, mais elles le sont avec celles de suppléants ou de membres de 11. Jusqu'en 1961, le Conseil d'Etat n'était composé que d'un président, de ses quatre suppléants et de neuf membres. C'est la loi du 15 mai 1961 qui a augmenté !e nombre des membres à onze (voir supra, note 2).

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cet organe. Le Conseil d'Etat est responsable devant la Diète pour l'ensemble de son activité. Les compétences du Conseil d'Etat sont très variées. Indiquons tout d'abord celles qui sont détenues par un chef d'Etat dans beaucoup de pays. En ce qui concerne ce premier groupe de compétence, elles sont de deux sortes : on peut en effet distinguer les compétences en matière de rapports internationaux et les compétences internes. Dans le cadre des premières, le Conseil d'Etat nomme et révoque les représentants de la République populaire polonaise à l'étranger, reçoit les lettres de créance et de révocation des représentants diplomatiques des Etats étrangers accrédités auprès d'elle, il ratifie et dénonce les traités internationaux (sans qu'il soit besoin du consentement préalable de la Diète). Dans le cadre du deuxième ordre des pouvoirs du Conseil d'Etat en tant que chef d'Etat, celui-ci ordonne qu'il soit procédé aux élections à la Diète, et convoque celle-ci ; il exerce le droit de grâce, confère les décorations et nomme en certains cas aux emplois civils et militaires. Le second groupe de compétences du Conseil d'Etat concerne les fonctions qu'il exerce en remplacement de la Diète, en dehors des sessions de celle-ci ou durant les intervalles entre les séances d'une même session. Dans les intervalles des sessions parlementaires, le Conseil d'Etat peut prendre des décrets ayant force de loi dans tous les domaines, excepté ceux de la révision de la Constitution, du budget et du plan économique multiannuel. Les décrets-lois une fois publiés doivent être présentés à la Diète pour approbation dès la session qui suit leur publication. Dans les intervalles des sessions parlementaires, le Conseil d'Etat nomme et révoque les membres du Conseil des ministres sur la proposition du président de celui-ci ; les décisions prises en cette matière doivent également être présentées à la Diète pour approbation dès la session qui suit. Dans les intervalles des séances d'une même session de la Diète, le Conseil d'Etat peut déclarer la guerre, demander au Conseil des ministres un compte rendu de son activité, donner son autorisation à la poursuite pénale d'un député ou à son arrestation. Ces décisions n'ont pas à être ultérieurement approuvées par la Diète. Les décrets du Conseil d'Etat, fréquents dans les années qui suivirent l'entrée en vigueur de la Constitution, c'est-à-dire jusqu'en 1956, sont devenus très rares. Au cours de la législature 1957-1961, le Conseil d'Etat en a pris deux, contre un seulement au cours de la législature suivante 12 . 12. Voir supra,

note 9.

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Le troisième groupe de compétences du Conseil d'Etat comprend les compétences législatives. Outre le pouvoir de disposer par voie de décret, qui a déjà été mentionné, le Conseil d'Etat a celui de prendre des arrêtés d'application des lois. Il prononce l'état de guerre, et ordonne la mobilisation générale. Il a l'initiative, comme nous l'avons déjà dit. Il a enfin le droit d'interpréter les lois, mais il en use rarement. Le quatrième groupe de ses compétences consiste en un pouvoir de contrôle ou de surveillance de plusieurs des organes de l'Etat, ces mots ayant une signification différente pour chacun des organes en question. Le Conseil d'Etat exerce son contrôle sur les conseils populaires (c'est là une compétence très vaste), sur la Chambre suprême de contrôle, sur la Cour suprême et le procureur général ; on verra plus loin cette question du contrôle. Enfin, parmi les compétences résiduelles du Conseil d'Etat, il faut mentionner le pouvoir d'octroyer ou de retirer la qualité de ressortissant polonais, et de consentir aux changements de nationalité 13 . Le contrôle de l'Etat est étroitement lié à la Diète et au Conseil d'Etat. A l'époque où le Conseil national commença à fonctionner (1944-1947) le contrôle appartenait à son présidium (bureau de contrôle) ; puis, sous la Constitution du 19 février 1947, il fut dévolu au bureau de contrôle du Conseil d'Etat (1947-1949), puis à la Chambre suprême de contrôle (1949-1952) qui lui était soumise. Avec l'entrée en vigueur de la Constitution actuelle, la Chambre suprême de contrôle (Najwyzsza îzba Kontroli) fut supprimée et remplacée par un ministère du Contrôle. Mais, le ministre du Contrôle étant en même temps membre du Conseil des ministres, il n'avait pas l'indépendance nécessaire pour accomplir sa mission ; c'est pourquoi, après 1956, par la loi du 13 décembre 1957 portant révision de la Constitution, un chapitre nouveau a été introduit dans celle-ci, consacré à la Chambre suprême de contrôle. Le même jour la Diète vota une loi sur l'organisation et la compétence de cette Chambre et prit un arrêté relatif aux rapports de celle-ci avec la Diète 1 4 . La Chambre suprême de contrôle présente à la Diète ses remarques sur les comptes rendus établis par le Conseil des ministres sur la réalisation du budget national et du plan économique national et propose le quitus au gouvernement. En outre, elle dépose des comptes rendus des contrôles les plus importants et un compte rendu annuel de son activité. Le président de la Chambre suprême de contrôle est nommé par la Diète, 13. Loi du 15 février 1962 sur la nationalité (Journal des Lois, n° 10, 1962, pos. 49). 14. Loi du 13 décembre 1957 ; voir supra, note 2 ; loi du 13 décembre 1957 sur la Chambre suprême de contrôle (Journal des Lois, n° 61, 1957, pos. 330) ; arrêté de la Diète du 13 décembre 1957 (Moniteur Polonais, n° 99, 1957, pos. 578).

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les vice-présidents par le Conseil d'Etat. Le Collège de la Chambre suprême est un organe interne qui a non seulement le pouvoir de donner des aivis, mais aussi celui de prendre des décisions. En font partie, à côté du président et des vice-présidents, des membres nommés par le Conseil d'Etat et révocables par lui. C'est encore le Conseil d'Etat qui donne à la Chaimibre son statut et exerce sur elle la surveillance, en plus du contrôle qu'exerce la Diète : le président de la Chambre suprême de contrôle est responsable devant la Diète de sa propre activité et de celle de ses fonctionnaires. Il prend part aux réunions de la Diète et lui fournit, sur sa demande, des explications. Les rapports entre le Conseil des ministres, le gouvernement et la Diète d'une part, le Conseil d'Etat d'autre part nous sont déjà connus. Le fait que le gouvernement est nommé par la Diète, qu'il est responsable devant elle, que le Conseil d'Etat soit de même nommé par la Diète et responsable devant elle nous permet de qualifier ce système, d'un point de vue formel, de système de « gouvernement d'assemblée ». Le Conseil des ministres se compose du président du Conseil des ministres, de 6 vice-présidents, de 23 ministres qui sont à la tête de départements déterminés de l'administration, départements économiques pour la plupart, et de 4 présidents de commissions ou de comités 15. Le président du Conseil des ministres préside cet organe et organise ses activités. Les vice-présidents sont ses suppléants et l'aident dans des domaines déterminés. Actuellement, un dés vice-présidents est en même temps le président du Comité de la science et de la technique. Au cours dès atmnées 1950-1956, le président du Conseil des ministres et les vice-présidents, dont le nombre s'élevait alors à 9, formaient le presidium du gouvernement qui agissait souvent à la place du Conseil des ministres. Mais cet organe était l'expression d'une trop grande centralisation et, n'ayant aucun fondement juridique dans la Constitution, il fut supprimé en 1956. De la même manière, la Commission nationale de planification économique, créée par la loi du 10 février 1949, était devenue en pratique un organe de l'administration centrale de l'éconmie nationale. C'est pourquoi elle fut transformée en 1956 pour devenir l'organe le plus important parmi les commissions et comités, déjà mentionnés, dont les présidents entrent au Conseil des ministres. Les autres comités sont le Comité de la science et de la technique, le Comité de la petite production et le Comité du travail et des salaires. Les compétences des ministres sont réglées par des lois. L'organe interne le plus important du Conseil des ministres est le Comité économique du Conseil des ministres, fondé en juin 1957. Il se 15. Rocznik

Polityczny

i Gospodarczy

(Annuaire

Politique

et Economique),

1965.

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compose du président du Conseil des ministres, des vice-présidents et des ministres des principales directions économiques. Ses décisions ont souvent force obligatoire, mais elles ne sont pas publiées au Moniteur Polonais. A côté des ministères existent des offices centraux, qui sont à la tête de départements limités ; leurs directeurs sont d'ordinaire sous l'autorité du président du Conseil des ministres ou sous celle de l'un des viceprésidents. Il faut mentionner à titre d'exemple : l'Office pour les affaires confessionnelles ; 'l'Office central du contrôle de la presse, des publications et des spectacles ; le Comité central pour le tourisme et les sports ; et l'Office central de statistique. La compétence du Conseil des ministres telle que la prévoit la Constitution engldbe l'ensemble de l'activité executive et administrative, l'exercice de l'initiative législative, le contrôle de l'application des lois, la prise d'ordonnances et d'arrêtés et le contrôle de leur application. La Constitution mentionne en outre plusieurs autres fonctions : ainsi, le Conseil des ministres doit assurer la coordination entre eux des divers ministères et des organes qui leur sont subordonnés et il dirige leurs travaux ; il dirige les relations de la Pologne avec les autres pays ; il s'occupe de la défense nationale et de l'organisation de l'armée, et fixe chaque année le contingent des citoyens appelés sous les drapeaux ; enfin il dirige l'activité des présidiums des conseils populaires. L'activité de réglementation du Conseil des ministres et de ses membres est du point de vue juridique très vaste et très variée. En vertu dte l'autorisation législative, et pour l'application des lois, le Conseil des ministres et les ministres particuliers prennent des ordonnances {rozporzqdzenia) ; les ministres de plus édictent des règlements administratifs (zarzqdzenia1. Les ordonnances et règlements pris par les ministres peuvent être annulés par le Conseil des ministres, mais en pratique cela n'arrive jamais après qu'ils aient été publiés. Les arrêtés (uchivaiy) constituent l'autre groupe importaint d'actes réglementaires pris par le Conseil des ministres. Ces arrêtés sont de deux sortes : les premiers «ont basés sur une loi et comportent des mesures d'application de celle-ci ; les autres sont complètement autonomes : ils trouvent leur fondement dans la Constitution et sont pris dans le cadre des compétences du Conseil des ministres, telles que nous les avons décrites ci-dessus. Les arrêtés autonomes du Conseil des ministres ont une grande importance, car c'est au moyen d'arrêtés que sont organisées les unités de l'économie nationale. Les arrêtés du Conseil des ministres sont publiés au Moniteur Polonais, mais ils n'y sont cependant pas tous publiés, cette publication n'étant pas une condition de leur validité. Les conseils populaires (rady narodowe) sont les équivalents, à l'échelon territorial, de la Diète ou du Conseil d'Etat en tant qu'organes du pouvoir

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d'Etat ; les presidiums des conseils populaires correspondent au Conseil des ministres en tant qu'organes exécutifs ; les sections des conseils populaires correspondent aux ministres en tant qu'organes d'administration. L'ensemible de ces organes territoriaux forme un tout, qui est le système des conseils populaires. A côté des conseils populaires, de leurs présidiums et de leurs sections, il existe encore d'autres organes et unités, notamment au niveau des entreprises, qui ne leur sont pas soumis. Les conseils populaires et leurs présidiums n'ont sur eux qu'un droit de contrôle et de coordination. Le principe de ce système d'organisation territoriale résulte de la loi sur les conseils populaires du 2 0 mars 1950, qui a été remplacée par la loi du 2 5 janvier 1958 1 6 . Les conseils populaires existaient en Pologne déjà en 1944 ; mais ils n'étaient pas à l'origine parmi les principaux organes du pays. Ils n'étaient que les corps délibérants des unités territoriales autonomes (communes, districts, voïvodies). Ils fonctionnaient en même temps comme organes du contrôle social sur l'administration gouvernementale, en particulier des voïvodes (chefs de provinces ou voïvodies) et des starostes (chefs de districts). A cette époque, les conseils n'étaient pas élus ; mais ils se composaient, tout comme le Conseil national, des délégués des organisations politiques et sociales et de membres cooptés. La loi du 20 mars 1950 supprima le dualisme administratif hérité du système d'avant-guerre, dans lequel à côté d'une organisation administrative gouvernementale existait une administration autonome. Les conseils populaires (de communes, de districts et de voïvodies) sont devenus des organes du pouvoir d'Etat, et leurs présidiums les organes exécutifs et administratifs des conseils, les sections étant des divisions de ces présidiums. Pendant quelques années après 1950, les conseils continuèrent à être composés des délégués des diverses organisations politiques et sociales. Les premières élections aux conseils populaires à tous les niveaux eurent lieu le 5 décembre 1954 en vertu de la loi électorale du 2 5 septembre de la même année 1 7 . Une autre loi du même jour modifia la division admi nistrative du pays en remplaçant les communes {gminy) par des unités beaucoup plus petites (gromady) 1 8 . Les conseils populaires n'ont pas 16. Loi du 20 mars 1950 sur les organes territoiiaux du pouvoir de l'Etat (Journal des Lois, n° 14, 1950, pos. 130) ; loi sur les conseils nationaux du 25 janvier 1958 (texte en vigueur : Journal des Lois, n° 29, 1963, pos. 172). 17. Loi du 25 septembre 1954 sur les élections des conseils nationaux (Journal des Lois, n° 43, 1954, pos. 193). 18. Loi du 25 septembre 1954 ; voir supra, note 2 ; loi du 25 septembre 1954 sur la modification de la division administrative (Journal des Lois, n° 43, 1954, pos. 191) ;-loi du 2 5 septembre sur les localités et leurs conseils (Journal des Lois, n° 43, 1954, pos. 192).

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échappé au très fort centralisme des années 1949-1956. Le processus de décentralisation dans ce domaine, c'est-à-dire le processus d'émancipation des conseils, s'amorça cependant dès 1955. Le résultat de cette évolution se manifesta dans la loi, aujourd'hui encore en vigueur, sur les conseils populaires (loi du 25 janvier 1958), et dans la loi électorale du 31 octobre 1957 19 . Le droit électoral en matière de conseils populaires ressemble beaucoup au droit électoral en matière de Diète. Cependant les citoyens sont éligiibles aux conseils populaires à 18 ans accomplis déjà, et c'est la règle de la majorité relative et non celle de la majorité absolue qui s'applique. La législature des conseils populaires, auparavant de trois ans, fut portée à quatre par la loi du 19 décembre 1963 2 0 , d'où il résulte que les élections à la Diète et aux conseils .populaires ont désormais lieu en même temps. Les conseils populaires des communes, des villes, des quartiers de grandes villes, des districts et des voïvodies fonctionnent sous deux formes : soit en réunion plénière lors des sessions (les sessions des conseils populaires des voïvodies ont lieu tous les trois mois, celles des autres conseils plus fréquemment), soit sous la forme de commissions permanentes instituées par l'assemblée du conseil pour les divers secteurs de son activité. Les conseils examinent au cours des sessions les affaires d'une importance capitale pour la division territoriale intéressée, et les commissions contrôlent les sections et les autres unités soumises au conseil ainsi que les unités qui ne lui sont pas soumises, et adressent des résolutions au conseil et à ses organes. Le conseil élit son présidium parmi ses membres ou hors d'eux. L'élection du président du conseil populaire de voïvodies doit être approuvée en Conseil des ministres, celle des présidents des présidiums des autres conseils par le présidium du niveau supérieur. Le présidium représente le conseil et organise son activité ; il dirige, coordonne et surveille les sections. Ces dernières qui autrefois faisaient partie du présidium en ont été rendues indépendantes dans une certaine mesure par la loi de 1958. Les affaires de la compétence du conseil populaire sont réparties en plusieurs secteurs dirigés chacun par une des sections créées par son présidium. Les chefs de section sont nommés par le présidium, qui doit auparavant obligatoirement consulter la commission compétente ; l'acte de nomination doit être approuvé par le conseil lui-même. Les commissions ont par rapport aux ohefs des sections une position très forte, car leurs résolutions sont parfois obligatoires pour ceux-ci, qui doivent 19. Loi du 31 octobre 1957 sur les élections aux conseils nationaux ; texte en vigueur : Journal des Lois, n° 58, i960, pos. 326 ; n° 57, 1963, pos. 307. 20. Voir supra, note 2.

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toujours en outre leur expliquer pourquoi, le cas échéant, leurs résolutions ont été rejetées (amendement du 28 juin 1963). Le trait caractéristique de la structure du système des conseils 'populaires consiste dans la « double subordination » de leurs organes, horizontale et verticale, ce qui est une manifestation du centralisme démocratique. Ainsi tous les conseils sont horizontalement subordonnés aux électeurs et verticalement aux conseils du degré supérieur et, à l'échelon: le plus haut, au Conseil d'Etat. Le présidium d'un conseil populaire est soumis horizontalement au conseil qui l'a élu et, verticalement, au présidium du conseil du degré supérieur et au Conseil des ministres. Les sections sont soumises horizontalement aux présidiums et, verticalement, aux sections des conseils du degré supérieur et aux ministres compétents pour les affaires dépendant de leur administration. C'est ainsi encore que le Conseil d'Etat ordonne qu'il soit procédé aux élections des conseils populaires et contrôle la validité dé ces élections, qu'il peut donner des directives aux conseils populaires, annuler toutes leurs décisions et même les dissoudre. Pendant la campagne électorale les électeurs formulent leurs desiderata, que les conseillers doivent réaliser ; les électeurs ont aussi le droit de révoquer les conseillers ; la proposition de révocation d'un conseiller doit être présentée par l'organisation qui avait posé sa candidature (le Front d'Unité Nationale). C'est ainsi que les subordinations horizontale et verticale se complètent l'une l'autre. Nous avons parlé jusqu'ici des organes de l'Etat de la République populaire de Pologne les plus importants : o r i n e s du pouvoir et du contrôle et organes exécutifs et administratifs. Il nous reste à présenter maintenant les tribunaux et le Ministère Public. Les structures de ces deux éléments de l'organisation de l'Etat sont réglées dans un seul et même chapitre de la Constitution. La justice est rendue par la Cour suprême, par les tribunaux de voïvodies et de district, et par des tribunaux spéciaux. Il faut entendre par « administration de la justice » l'examen des affaires fondé sur le respect des principes de l'indépendance du juge, du débat contradictoire et du principe d'instance. La nouvelle organisation des tribunaux ordinaires, c'est-à-dire des tribunaux de district et de voïvodie résulte de la loi du 20 juillet 1950 21, laquelle a profondément modifié le décret-loi d'avant-guerre sur les tribunaux ordinaires qui avait été remis en vigueur après la Libération. Ces tribunaux ordinaires sont compétents en matière civile et pénale, à quelques exceptions près. Les litiges relatifs aux contrats de travail ne sont de la compétence des tribunaux ordinaires que 21. Loi sur la modification du droit concernant l'organisation des tribunaux ordinaires ; texte en vigueur (Journal des Lois, n° 6, 1964, pos. 40).

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si la commission d'arbitrage de l'entreprise, composée en partie égale de représentants du syndicat et de la direction, ne (peut arriver à l'unanimité, ou si le jugement qu'elle a rendu a été annulé par la direction centrale du syndicat, et enfin lorsque exceptionnellement la matière n'est pas de la compétence de cette commission. Les litiges en matière civile entre les unités de l'économie socialisée (entreprises, institutions, etc.) sont de la compétence des commissions d'arbitrage près des présidiums des conseils de voïvodie en première instance, et de la Commission principale d'arbitrage près le ministre des Finances en seconde instance. Enfin les tribunaux ne sont pas en principe compétents en matière de contravention. Les tribunaux de district et de voïvodie sont des juridictions de première instance. Les tribunaux de voïvodie fonctionnent en outre comme juridictions de seconde instance pour l'examen des recours en révision contre les jugements des tribunaux de district. L'examen des recours en révision contre les jugements des tribunaux de voïvodie appartient à la Cour suprême, laquelle examine également les recours en révision extraordinaire contre les jugements passés en force de chose jugée des tribunaux inférieurs et des tribunaux de district. Les tribunaux spéciaux sont les tribunaux militaires, les tribunaux des assurances sociales de première instance, et le tribunal des assurances sociales à Varsovie. Les premiers ne sont que des juridictions pénales ; les autres, qui sont compétents pour l'examen des plaintes contre les décisions des organismes d'assurances sociales, ont la nature de juridictions administratives. L'extension du domaine des compétences de la juridiction administrative apparaît comme étant très souhaitable. L'organisation et la compétence de la Cour suprême ont fait l'objet d'une nouvelle réglementation dans la loi du 15 février 1962 22. En tant que juridiction suprême, la Cour exerce un pouvoir de contrôle sur les décisions des tribunaux ordinaires et spéciaux, au moyen de l'examen des recours en révision ordinaire et extraordinaire qui lui sont soumis, en adressant des directives générales aux tribunaux et en donnant des réponses aux questions de droit qui lui sont posées. La Cour suprême est composée de quatre chambres : la chambre pénale, la dhambre civile, la chambre du travail et des assurances sociales, et la chambre militaire. Le premier ¡président, les présidents et les juges sont nommés par le Conseil d'Etat pour une durée de cinq ans. Ils sont choisis parmi les juges sortants et parmi les candidats présentés par le ministre de la Justice ou, s'agissant de la chambre militaire, par ce même ministre de concert avec le ministre de la Défense nationale. Le Conseil d'Etat a 22. Loi du 15 février 1962 sur la Cour suprême (Journal des Lois, n° 11, 1962, pos. 54).

PRINCIPES DU REGIME POLITIQUE DE LA REPUBLIQUE POPULAIRE

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également le droit de révoquer les juges à la demande du ministre de la Justice et après consultation du premier président de la Cour suprême. Celui-ci doit rendre compte au Conseil d'Etat de l'activité de la Cour suprême ; d'où il résulte, si l'on considère en outre que le Conseil d'Etat peut révoquer un juge avant l'expiration des cinq années pendant lesquelles normalement il assume ses fonctions, que la Cour suprême est soumise au Conseil d'Etat. Mais celui-ci agit sur l'initiative du ministre de la Justice. De même, les juges des tribunaux ordinaires et des tribunaux des assurances sociales sont nommés (ici pour une durée indéterminée) et, dans les cas prévus par la loi, révoqués par le Conseil d'Etat sur proposition du ministre de la Justice. Les juges des tribunaux militaires sont nommés par le ministre de la Défense nationale. Le ministre de la Justice est chargé de l'inspection administrative des tribunaux ordinaires et des tribunaux des assurances sociales. Des échevins participent à la fonction juridictionnelle des tribunaux ordinaires de première instance en matière civile et pénale et des tribunaux des assurances sociales de première instance (mais, parfois cependant, il y a des exceptions) : il y a alors un juge professionnel pour deux échevins. Les échevins sont élus pour une durée de trois ans par les conseils populaires compétents (conseil de district pour le tribunal de district, conseil de voïvodie pour le tribunal de voïvodie et pour le tribunal des assurances sociales de première instance) parmi les candidats proposés par les assemblées de travailleurs des entreprises, par les membres des organisations sociales et par les assemblées paysannes. L'échevin représente la société, il doit rendre compte de son activité au conseil qui l'a nommé, lequel conseil peut aussi le révoquer 23 . Le mode de nomination des échevins auprès des tribunaux militaires est différent. Pour assurer la liaison entre les tribunaux ordinaires et les organes territoriaux du pouvoir, les présidents des tribunaux de district et de voïvodie rendent compte aux conseils populaires compétents de l'activité de leur tribunal. Mais cela ne signifie pas que ces juridictions soient soumises d'une façon quelconque à ces organes, car ces comptes rendus sont seulement destinés à l'information des conseils. Jusqu'en 1950, le Ministère Public était en liaison étroite avec l'organisation judiciaire. Le ministre de la Justice était procureur en dhef. Le même jour où elle modifiait l'organisation des tribunaux ordinaires (20 juillet 1950), la Diète adoptait la loi sur le Ministère Public, en 23. Loi du 2 décembre 1960 sur les échevins (Journal des Lois, n° 54, pos. 309).

i960,

54

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

organisant cette institution d'après les principes socialistes 2i . Dans un Etat socialiste, le procureur a non seulement pour fonction de poursuivre les délits, de déposer les actes d'accusation et d'accomplir d'autres activités en relation avec celles-là dans le cadre de la procédure pénale, mais encore d'exercer un contrôle général de la légalité sur l'activité des organes territoriaux du pouvoir, des organes exécutifs et administratifs, des organes des institutions et unités de l'économie socialisée. Le procureur peut introduire devant l'autorité suprême d'une administration donnée un recours contre une décision d'un organe ou d'une unité de cette administration, ou même contre leur activité en général. Il peat le faire soit de sa propre initiative, soit sur l'initiative d'un citoyen. Il ne peut pourtant pas annuler lui-même un acte nul ou entaché d'un vice. Etant donné ces fonctions, le procureur général n'appartient pas au gouvernement, mais il est soumis au Conseil d'Etat qui le nomme et peut le révoquer, et auquel il rend compte de l'activité de l'ensemble du Ministère public, c'est-à-dire des procureurs de voïvodies et de districts. Il n'est pas difficile de deviner que le contrôle, du point de vue de la légalité, de l'activité de toute l'organisation étatique remplace dans une certaine mesure la juridiction administrative. Le premier pas vers la création d'une organisation générale de juridictions administratives consisterait dans l'attribution au procureur général du droit d'intenter des recours auprès de la Cour suprême contre les décisions des organes suprêmes de l'administration qu'il estimerait être illégales.

24. Loi du 20 juillet 1950 sur le Ministère public (Journal des Lois, n° 38, 1950, pos. 346). Remplacée par la loi du 14 avril 1967 portant le même titre (Journal des Lois, n° 13, 1967, pos. 55).

Les frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale dans le système des accords internationaux ALFONS

KLAFKOWSKI

Le territoire de la Pologne fut profondément modifié du fait de la Seconde Guerre mondiale. Le point de départ du règlement des frontières de la Pologne réside dans les accords internationaux multilatéraux conclus en 1945 \ L'accord de Yalta du 11 février 1945 2 régla la question des frontières de la Pologne de la manière suivante : a) Les dhefs des gouvernements des trois pays : U.R.S.S., Etats-Unis et Grande-Bretagne, estiment que la frontière orientale de la Pologne doit suivre la ligne Curzon. b) Le territoire de la Pologne doit être considérablement étendu au Nord et à l'Ouest. c) En temps utile, il faudra consulter le gouvernement polonais sur l'étendue de ces accroissements territoriaux. d) La détermination définitive de la frontière occidentale de la Pologne aura lieu à la conférence de la paix. 1. L'auteur de cet article a puhlié cinq monographies et quelques dizaines d'articles parus dans des revues juridiques polonaises et étrangères et se rapportant au problème des modifications des frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale et des conséquences juridiques qui en découlent. En 1964 fut éditée sa monographie fondamentale, écrite en français : L'accord de Potsdam du 2 août 1945. Varsovie, 1964, 374 p. Elle comprend la bibliographie fondamentale ayant rapport à ce problème (p. 363-374). 2. Zbiôr Dokumentôw (Recueil de Documents), Institut polonais des affaires internationales, Varsovie, n°' 3 4 , 1945, p. 92-106.

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

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Le deuxième accord multilatéral relatif aux frontières de la Pologne est l'accord de Potsdam du 2 août 1945 3 . Cet accord a par rapport à l'accord de Yalta un caractère d'acte d'exécution. Les décisions de cet accord se rapportant à la frontière occidentale et à la frontière septentrionale de la Pologne portent sur les points suivants : a) L'accord fait appel à l'entente des trois puissances parties à l'accord de Yalta sur les frontières de la Pologne. b) L'accord constate que les chefs des gouvernements des trois puissances ont consulté le gouvernement polonais au sujet de la réunion à la Pologne des territoires qui devaient lui être attribués au Nord et à l'Ouest. c) Les chefs des gouvernements des trois puissances soulignent à nouveau que la détermination définitive de la frontière occidentale de la Pologne aura lieu après l'établissement de la paix. d) Dans la période précédant la détermination définitive de la frontière occidentale de la Pologne, les anciens territoires allemands se trouvant à l'Est de la ligne Oder-Neisse lusacienne et le territoire de l'ancienne ville libre de Dantzig sont placés sous l'administration de l'Etat polonais. e) Les anciens territoires allemands remis à l'administration de l'Etat polonais sont exclus de la zone soviétique d'occupation en Allemagne. /) Le chapitre X I I I de l'accord de Potsdam règle dans le détail le plan selon lequel s'opérera le transfert de la population allemande demeurant en territoire polonais. La Pologne doit mener à bien la tâche de ce transfert suivant le plan du Conseil Allié de Contrôle de l'Allemagne. L'accord de Potsdam contient ensuite une description détaillée de la ligne frontière entre la Pologne et l'Allemagne. C'est la description de la frontière telle qu'elle est définitivement fixée entre ces deux Etats. Ceci est entièrement confirmé par les dispositions suivantes de l'accord de Potsdam : a) La frontière entre la Pologne et l'Allemagne le long de la ligne Oder-Neisse lusacienne a été étudiée dans le détail par les grandes puissances au cours des travaux préparatoires à l'accord de Potsdam. Ceci résulte de la documentation relative aux conférences de Yalta et de Potsdam. La détermination de cette frontière dans l'accord de Potsdam n'est donc ni accidentelle ni sommaire. b) L'accord de Potsdam définit les territoires ayant historiquement appartenu à la Pologne et qui lui sont rendus après la Seconde Guerre 3. Ibid., n° 1, 1946, p. 3-33.

LES FRONTIERES

APRES LA SECONDE GUERRE

MONDIALE

57

mondiale « en tant qu'anciens territoires allemands ». Cette appellation a été employée bien souvent. c) Les « anciens territoires allemands » sont mis, par l'accord de Potsdam, sous l'administration de l'Etat polonais, sans conditions de durée ou autres. d) Les « anciens territoires allemands » rendus, par l'accord de Potsdam, à la Pologne sont exclus de la zone soviétique d'occupation en Allemagne et soumis au pouvoir souverain de l'Etat polonais. e) L'accord de Potsdam impose enfin à la Pologne le devoir de transférer toute la population allemande demeurant en territoire polonais vers le territoire de l'Allemagne occupée. Les conditions de ce transfert sont précisées de manière détaillée dans le chapitre X I I I de l'accord. En vue de mettre en œuvre les décisions contenues dans ces deux accords -multilatéraux 4 , la Pologne négocia avec les Etats voisins afin de parvenir à une détermination définitive de ses frontières officielles. Ces négociations aboutirent à la conclusion par la Pologne de nombreux accords bilatéraux étroitement liés aux accords de Yalta et de Potsdam. I.

LES

ACCORDS

RELATIFS

AUX

FRONTIÈRES

ENTRE

LA

POLOGNE

ET

L'U.R.S.S. La frontière entre la Pologne et l'U.R.S.S. fut fixée conformément aux principes établis dans l'accord de Yalta. Après l'entrée en vigueur de l'accord de Potsdam, des accords internationaux ont été conclus entre la Pologne et l'U.R.S.S., qui opèrent le règlement définitif de tous les problèmes liés à la question de la frontière commune à ces deux pays. Ces accords sont les suivants : 4. L'analyse des décisions prises avant le traité et admises à l'accord de Potsdam et opérant la liquidation juridique des conséquences de la Seconde Guerre mondiale montre qu'elles sont identiques. Cela se manifeste également dans deux travaux américains consacrés en grande partie à cette question : Redvers OPIE, Joseph W. BALLANTINE, Jennette E. MUTHER, Paul BIRDSALL, Clarence E. THURBER, The Searcb for Peace Settlements, Washington, 1951, 366 p. (particulièrement les paragraphes consacrés à l'analyse des décisions territoriales politiques militaires et économiques dans les traités de paix, signés à Paris en 1947) ; Amelia C. L E I S S , Raymond D E N N E T , European Peace Treaties after World War II, 1954, 341 p. (surtout les paragraphes analysant les décisions territoriales de ces traités). Le même problème est vu, en partie, dans Bolesiaw WIEWIÓRA, La reconnaissance des annexions territoriales dans le droit international, Poznan, 1961, 243 p., et particulièrement dans le chap. VII intitulé : « Quelques problèmes contemporains se rapportant à la reconnaissante des frontières en Europe », p. 193-220.

58

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

1° L'accord du 16 août 1945 entre la Pologne et PU.R.S.S., sur la frontière polono-soviétique 5 . Cet accord donne suite, dans son article premier, à l'accord de Yalta. Il définit conformément à ce dernier la frontière officielle entre la Pologne et l'U.R.S.S. le long de la ligne Curzon, avec quelques déviations dans un rayon de 5 à 8 kilomètres au profit de la Pologne. L'article 2 comporte une description détaillée de la ligne frontière et charge la Commission mixte polono-soviétique dont le siège est à Varsovie d'en opérer le tracé topographique. Dans l'article 3, cet accord, se référant à l'accord de Potsdam, définit la frontière polonosoviétique pour sa partie contiguë à la mer Baltique. La Commission mixte polono-soviétique fut encore chargée d'une mission supplémentaire qui n'était pas prévue par cet accord et qui consistait à opérer le tracé d'une partie de l'ancienne frontière entre la Pologne et la Tchécoslovaquie, qui allait des sources du San à la jonction actuelle des frontières de la Pologne, de l'U.R.S.S. et de la Tchécoslovaquie. La frontière entre la Pologne et l'U.R.S.S., sans compter la partie contiguë à la mer Baltique, couvre une longueur de 1 054 kilomètres. 2° Selon le communiqué du 23 mai 1951, le gouvernement polonais s'est adressé au gouvernement soviétique, le priant de bien vouloir échanger une zone frontalière du territoire de la Pologne contre une zone frontalière équivalente du territoire de l'U.R.S.S. et cela au motif que, d'un point de vue économique, ces zones dépendaient respectivement de l'U.R.S.S. et de la Pologne. A la suite des négociations qui eurent lieu à Moscou, fut signé le 15 février 1951 l'accord relatif à l'échange de ces zones frontalières entre la Pologne et l'U.R.S.S. 6 . La Pologne reçut de l'U.R.S.S. la portion de territoire se trouvant dans le district de Drohoaycz aux environs de Ustrzyki Dolne ; l'U.R.S.S. reçut de la Pologne la portion de territoire se trouvant dans la voïvodie de Lublin, dans le triangle formé par les rivières du Bug, de la Solokija et de la Huczwa, au sud de Hrubieszow et à l'est de Tomaszow Lubelski. Les superficies dès territoires échangés sont absolument égales et couvrent chacune 480 kilomètres carrés. Les populations de ces deux zones ont été transférées. L'échange eut lieu sans dédommagements ni compensations d'aucune sorte. L'échange des documents de ratification se fit le 5 juin 1951. 3° L'accord entre la Pologne et l'U.R.S.S. relatif à la détermination de la frontière officielle polono-soviétique pour sa partie contiguë à la mer Baltique, signé à Moscou le 5 mars 1957 7 , opère le règlement de cette dernière partie de la frontière entre la Pologne et l'U.R.S.S. Dans 5. Journal des Lois, n° 35, 1957, pos. 167. 6. Document publié dans Trybuna Ludu, 23 mai 1951. 7. Journal des Lois, n° 37, 1958, pos. 166.

LES FRONTIERES

APRES LA SECONDE GUERRE

MONDIALE

59

l'article premier de cet accord, les parties déterminent la portion de la frontière existant actuellement entre la Pologne et l'U.R.S.S. qui est contiguë à la mer Baltique et ratifient la description détaillée qui en est faite, conformément à l'accord de Potsdam auquel elles se réfèrent. Les parties chargent la Commission mixte polono-soviétique d'opérer le tracé topographique de cette frontière. La Commission dispose pour exécuter cette mission d'un délai de 6 mois à partir de l'entrée en vigueur de cet accord. La signature des documents relatifs à la détermination de la frontière, ainsi qu'à celle des eaux territoriales, eut lieu le 10 septembre 1958. Par cet accord sont exécutées des décisions analogues à celles qui résultaient de l'accord de Potsdam. I I . ACCORDS RELATIFS A LA FRONTIÈRE POLONO-ALLEMANDE

L'exécution des décisions, en matière territoriale, de l'accord de Potsdam exigeait que soit réglée une série de problèmes concrets, eux-mêmes liés au règlement des rapports frontaliers de part et d'autre de la frontière officielle entre la Pologne et l'Allemagne. C'est ainsi que la conclusion d'accords internationaux entre le gouvernement de la République démocratique allemande et la Pologne devint indispensable à l'exécution de l'ensemble des décisions contenues dans l'accord de Potsdam sur la frontière polono-allemande. Ces accords bilatéraux constituent la mise en oeuvre des décisions de l'accord de Potsdam sur la frontière polonoallemande. Ces accords sont les suivants : 1° Une déclaration des gouvernements de la Pologne et de la République démocratique allemande, relative à la détermination de la frontière polono-allemande sur l'Oder et la Neisse lusacienne, d'ores et déjà fixée et existante, fut signée à Varsovie le 6 juin 1950 8 . Cette déclaration annonce la conclusion d'accords établissant les frontières entre les deux Etats voisins. Elle constate que : « les deux parties ont décidé de régler par voie d'entente, dans le délai d'un mois, le tracé de la frontière officielle, fixée et existante, sur l'Oder et la Neisse lusacienne, ainsi que les questions du franchissement de la frontière, du petit trafic frontalier et de la navigation sur les eaux frontalières ». Cette déclaration n'a pas un caractère constitutif, car elle n'est que la suite des décisions de l'accord de Potsdam qui reconnaît que la frontière polono-allemande est d'ores et déjà « établie et existante entre les deux Etats ». 2° L'accord entre la Pologne et la République démocratique allemande, relatif au tracé de la frontière polono-allemande, signé à Zgorzelec le 8. Zbiôr Dokumentôw,

n° 7, 1950, p. 615-616.

60

ETUDES

SUR LE VROIT

POLONAIS

ACTUEL

6 juillet 1950 9 . Cet accord international se réfère, dans son introduction, aux décisions contenues dans l'accord de Potsdam. Dans cinq des huit articles de cet accord, il est question de la frontière sur l'Oder et la Neisse lusacienne en tant que « frontière officielle entre la Pologne et l'Allemagne ». Les décisions de cet accord ont un caractère exécutoire par rapport à l'accord de Potsdam. 3° Un acte relatif à l'établissement topographique du tracé de la frontière entre la Pologne et l'Allemagne, signé à Francfort sur l'Oder le 27 janvier 1951 1 0 . Cet accord constate l'achèvement des travaux liés au tracé topographique de la frontière polono-allemande. Cet acte constate de même l'achèvement des travaux de la Commission mixte polonoallemande chargée d'opérer ce tracé topographique de la frontière. A cet acte est jointe la liste des documents ainsi que la carte. C'est ainsi qu'ont été liquidés dans les accords internationaux entre la Pologne et la République démocratique allemande tous les problèmes d'exécution de l'accord de Potsdam sur la frontière officielle entre ces deux Etats. D'autres accords internationaux (tel, par exemple, l'accord relatif à la navigation sur les eaux frontalières ainsi qu'à l'exploitation et à la conservation de ces eaux, signé à Berlin le 6 février 1952) ont déjà un caractère différent et se rapportent seulement à l'administration de la frontière officielle. Tous ces accords conclus entre la Pologne et la République démocratique allemande constituent un complément aux accords conclus à partir de l'accord de Potsdam entre la Pologne et le Conseil allié de contrôle de l'Allemagne, entre la Pologne et l'U.R.S.S., et entre la Pologne et les administrations militaires des zones occidentales d'occupation de l'Allemagne. Les accords conclus entre la Pologne et la République démocratique allemande ont une valeur juridique et politique particulière, en ce qu'ils sont conclus par deux Etats limitrophes. Il convient de souligner que tous les problèmes juridiques et politiques relatifs à cette frontière officielle ont été réglés dans cet accord n .

9. Journal 10. Ibid.,

des Lois,



14, 1951, pos. 106.

n° 53, 1952, pos. 3 4 6 .

11. L a documentation détaillée se rapportant à ce sujet se trouve dans la monographie de Boleslaw WIEWIORA, La frontière polono-allemande vue à la lumière du droit international, Poznan, 1957, 3 3 0 p. Cette monographie a paru en version russe : Polsko-giermanskaja granica i miezdunarodnoje prawo, Pieriewod s polskiego E . I. Czajnina, pod riedakciej kandidata juridiczeskich nauk T. G. Barsegowa, Moscou, 1959, Izdatielstwo lnostrannej Litieratury, 2 3 9 p. Elle a été également publiée en version anglaise : The Polish-German Frontier in the Light of International Law, 2' éd., Poznan, 1964, 2 2 5 p.

LES FRONTIERES III.

ACCORDS

APRES LA SECONDE GUERRE RELATIFS

A LA

FRONTIÈRE

61

MONDIALE ENTRE

LA

POLOGNE

ET

LA

TCHÉCOS LOVAQUIE

Un communiqué, signé par la Pologne et la Tchécoslovaquie, faisant suite à la conférence des gouvernements de ces deux pays qui se tint du 6 au 11 juillet 1956 à Varsovie 1 2 , constate que ces deux Etats se sont entendus sur la détermination définitive de leur frontière commune, à partir de la ligne actuelle de démarcation. Ce communiqué commun des gouvernements de la Pologne et de la Tchécoslovaquie, daté du 7 mai 1957, constate que : « étant donné les attaques révisionnistes dirigées contre la frontière de paix sur l'Oder et la Neisse lusacienne venues de l'Allemagne fédérale et soutenues par différents milieux officiels, les deux parties croient indispensable de déclarer que la question est tranchée une fois pour toutes. Le gouvernement de la Tchécoslovaquie partage entièrement la position du gouvernement polonais sur la question de l'inviolabilité de la frontière sur l'Oder et la Neisse lusacienne et lui prête son appui illimité 1 3 ». La signature de l'accord entre la Pologne et la Tchécoslovaquie sur la détermination de la frontière entre ces deux pays eut lieu le 13 juin 1958 à Varsovie 1 4 . Les travaux liés à l'établissement de cette frontière furent dirigés par la Commission mixte polono-tchécoslovaque, qui prit comme base l'ancienne ligne de démarcation, opérant néanmoins certaines rectifications de cette ligne dans les cas où des considérations tenant aux nécessités de l'économie terrestre et fluviale d'une part, aux intérêts des populations frontalières des deux pays d'autre part, l'exigeaient. Les travaux portant sur la détermination définitive de la frontière officielle entre la Pologne et la Tchécoslovaquie furent complétés par certaines ententes sur des (points particuliers entre ces deux pays, notamment sur les questions de pollution des rivières dans le bassin de l'Oder et de la collaboration des deux Etats sur l'Oder 1 5 . IV.

LA FRONTIÈRE POLONO-ALLEMANDE F.N TANT QUE casus ACCORDS

INTERNATIONAUX

QUI

CONSTITUENT

LE

fœderis SYSTÈME

DES DE

SÉCURITÉ DE LA POLOGNE

Le problème central d'organisation de n'importe quel Etat est un problème de sécurité, la sienne et celle de ses alliés. C'est après ce cataclysme que fut la Seconde Guerre mondiale que le problème de sécurité semble être 12. 13. 14. 15.

Document Document Document Document

publié publié publié publié

dans dans dans dans

Trybutia Ludu, 14 juillet 1956. ibid., 9 mai 1957. ibid., n° 165, 1958. ibid., n° 87, 1958.

62

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

devenu particulièrement important dans les rapports internationaux actuels. La sécurité d'un Etat est liée à la question dè la protection et de l'inviolabilité de ses frontières. La politique de sécurité d'un Etat intéresse à la fois sa politique intérieure et sa politique extérieure. Le système de sécurité de la Pologne est basé sur trois éléments principaux. Le premier élément du système de sécurité de la Pologne, qui est en même temps la base de ce système, est l'accord d'amitié, d'assistance mutuelle et de coopération d'après-guerre, signé par la Pologne et l'U.R.S.S. le 21 avril 1945 à Moscou 1 6 . Cet accord fut conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord de Yalta. L'accord du 21 avril 1945 est, d'un point de vue chronologique, le premier accord international dans le système de sécurité de la Pologne dans l'après-guerre. Il a été souligné, dans l'introduction, que cet accord témoigne du revirement essentiel qui s'est opéré dans les rapports entre les deux pays voisins. L'article 3 de l'accord constate que les deux pays s'engagent, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, à faire tout leur possible en vue d'éliminer les menaces d'une nouvelle agression de la part de l'Allemagne. En vue d'y parvenir, les deux Etats s'engagent à prendre part à toutes les initiatives internationales visant à maintenir la paix et la sécurité. L'article 4 vise les obligations mutuelles qu'implique l'octroi sans délai de tout concours et de toute protection au cas où l'un des deux pays se trouverait engagé dans des hostilités résultant d'une politique d'agression de l'Etat allemand. Cet accord, conclu avant la capitulation sans conditions de l'Empire allemand, contient, dans son article 5, la constatation qu'aucun des deux Etats ne conclura sans l'accord de l'autre d'armistice ou de paix avec le gouvernement de Hitler ou avec un autre gouvernement allemand menaçant ou pouvant menacer l'indépendance, l'intégrité territoriale et la sécurité de la Pologne ou de l'U.R.S.S. Cet accord conclu entre la Pologne et l'U.R.S.S. est devenu l'accord international-type en matière d'assistance mutuelle et de sécurité des Etats d'Europe centrale et orientale. La Pologne et l'U.R.S.S. conclurent par la suite une série d'accords reposant sur l'accord du 21 avril 1945 en tant qu'accord-type pour tous les pays socialistes. Ce système d'accords internationaux, dont le type est l'accord entre la Pologne et l'U.R.S.S. du 21 avril 1945, repose sur les dispositions de l'accord de Potsdam et tend à assurer la position de la Pologne telle qu'elle fut définie à Potsdam. Le motif principal de ces accords est la volonté de préserver la Pologne d'une restauration du militarisme allemand. 16. Zbiôr Dokumentôw, n° 2, 1945, p. 51-54.

LES FRONTIERES

APRES LA SECONDE

GUERRE

MONDIALE

63

En un certain sens, ce système d'accords bilatéraux constitue le développement du principe de sécurité collective défendu en politique étrangère par la Pologne. C'est aussi de ce point de vue que l'accord polono-soviétique du 21 avril 1945 mérite d'être l'objet d'une considération toute particulière. La Pologne et l'U.R.S.S. firent à Moscou, le 15 avril 1964, une proclamation commune aux termes de laquelle les deux pays disaient croire qu'il était justifié d'envisager des préparatifs en vue de la prolongation de l'accord mentionné plus haut, pour une nouvelle période de vingt ans, en apportant à cet accord les modifications nécessaires, compte tenu en particulier de ce que la déclaration initiale était intervenue durant les hostilités, de ce que la frontière polono-allemande sur l'Oder et la Neisse lusacienne a été fixée une fois pour toutes, ainsi que du fait de la création de la République démocratique allemande. La Pologne et l'U.R.S.S. ont donné suite à cette proclamation sous la forme d'un accord, signé le 8 avril 1965 à Varsovie, qui élargit et complète l'ancien accord d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle. Les deux pays y affirment leur fidélité aux fins et aux principes établis par la Pologne et l'U.R.S.S. dans l'accord du 21 avril 1945 ; ils approuvent ensuite leur tentative pour consolider le revirement qui s'est opéré dans leurs rapports respectifs au cours de leur lutte commune avec l'occupant hitlérien. Cet accord, se référant à la Charte des Nations Unies, constate que les fins de la Pologne et de l'U.R.S.S. sont conformes à cette Charte ; le mécanisme de l'accord du 8 avril 1965 est lié aux dispositions de la Charte qui garantissent à chaque pays le droit à la légitime défense individuelle ou collective. La nouveauté de l'accord du 8 avril 1965 tient à ce qu'il se réfère à deux grands accords internationaux, à savoir l'accord de Potsdam et celui de Varsovie. Le précédent accord polono-soviétique signé le 21 avril 1945 ne pouvait pas se référer à ces accords. Il est évident que l'accord de Potsdam constitue la base des deux accords polono-soviétiques, bien que la signature de l'accord de 1945 ait précédé de quelques mois la conférence de Potsdam. Cet accord polono-soviétique, se référant dans son introduction à l'accord de Potsdam, note qu'alors que la République démocratique allemande, en mettant en application les principes de l'accord de Potsdam, contribue efficacement à garantir la sécurité en Europe, le second Etat allemand fait renaître le militarisme et menace la sécurité de l'Europe. L'accord du 8 avril 1965 constate, dans son article 5, que l'inviolabilité des frontières de la Pologne sur l'Oder et la Neisse lusacienne est un des facteurs fondamentaux de la sécurité européenne. C'est l'affirmation renouvelée d'un fait qui constitue la base de l'alliance polono-soviétique. La

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

64

Pologne et l'U.R.S.S. déclarent, dans l'article 6, qu'elles mettront en œuvre en commun tous les moyens accessibles afin d'éliminer la menace d'une agression de la part de l'Allemagne fédérale, menace créée par les forces militaristes et l'esprit de revanche. Elles déclarent avoir une position semblable par rapport à chaque Etat allié à la République fédérale allemande. Si dans le langage politique des pays socialistes on parle de l'inviolabilité de l'alliance polono-soviétique, ces deux articles ne firent qu'exprimer cette pensée politique dans un langage strictement juridique. Personne ne peut douter qu'une violation quelconque de la frontière polono-soviétique, de même qu'une menace quelconque créée par la politique militariste et revancharde soutenue par le gouvernement de la République fédérale allemande, signifierait une réaction commune de la Pologne et de l'U.R.S.S. Cet accord parle d'un concours sans délai, concours militaire y compris, et d'un appui mutuel par tous les moyens dont chacun des pays dispose. Le deuxième élément du système de sécurité de la Pologne résulte d'une série d'accords bilatéraux conclus entre la Pologne et les pays d'Europe centrale et orientale. Voici ces accords bilatéraux conclus par la Pologne et relatifs au concours mutuel, présentés de façon chronologique : 1° Un accord d'amitié et d'assistance mutuelle entre la Pologne et la Yougoslavie, du 18 mars 1946 1 7 , qui se réfère dans son introduction aux expériences de la Seconde Guerre mondiale. Dans l'article premier, les deux Etats s'engagent à ne pas prendre part à une action qui serait dirigée contre l'un d'eux. Aux termes de l'article 3, les signataires s'obligent à s'offrir mutuellement leur concours au cas où l'un d'eux se trouverait, à la suite d'une agression, mêlé à des hostilités dirigées contre l'Allemagne ou contre un Etat qui lui était allié lors de la Seconde Guerre mondiale. Cet accord se réfère dans son article 4 à la Charte des Nations Unies. 2° Un accord d'amitié et d'assistance mutuelle entre la Pologne et la Tchécoslovaquie du 10 mars 1947 1 8 . Cet accord affirme dans son introduction l'existence d'une communauté d'intérêts entre ces deux pays qui furent l'objet au cours des siècles de conquêtes allemandes qui menacèrent même leur existence à plusieurs reprises. L'article 2 confirme que les deux pays mettront en œuvre tous les moyens qui leur sont accessibles afin d'empêcher toute nouvelle agression de la part de l'Allemagne. Dans l'article 3, 'les deux pays s'engagent mutuellement à se prêter concours au cas où l'un d'eux se trouverait engagé dans des hostilités contre l'Allemagne. 17. Ibid., n° 3, 1946, p. 70-72. 18. Ibid., n° 3, 1947, p. 105-108.

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LES FRONTIERES APRES LA SECONDE GUERRE MONDIALE

3° Un accord d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle entre la Pologne et la Bulgarie, du 29 mai 1949 19 . Cet accord se réfère dans son introduction aux expériences de la Seconde Guerre mondiale. Les obligations qu'il crée sont caractéristiques de ce genre d'accords. 4° Un accord d'amitié, d'assistance et de coopération mutuelle entre la Pologne et la Hongrie, du 18 juin 1958 20 . Ses dispositions sont analogues à celles des accords précédents. 5° Un accord d'aimitié, d'assistance et de coopération mutuelle entre la Pologne et la Roumanie, du 26 janvier 1949 2 1 , qui a la forme caractéristique de ce genre d'accords internationaux. De ce complexe d'accords bilatéraux d'assistance mutuelle, conclus par la Pologne après la signature de l'accord de Potsdam, on peut dégager quelques conclusions générales sur le système de sécurité de la Pologne. a) Il faut souligner que ces accords d'assistance mutuelle furent conclus ajprès l'entrée en vigueur de l'accord de Potsdam. Ils se fondent sur les dispositions de cet accord et visent à maintenir la position de la Pologne telle qu'elle fut définie dans cet accord. b) Le motif principal de ces accords bilatéraux est la volonté de préserver la Pologne d'une restauration du militarisme allemand. Ce système de sécurité, qui repose sur des accords bilatéraux, autorise la Pologne à exiger que les décisions concernant « l'Allemagne en tant qu'unité » soient prises avec sa participation. Ces décisions doivent être conformes aux intérêts de la Pologne, intérêts juridiquement protégés. c) Ce système d'accords bilatéraux de la Pologne constitue le développement du principe de sécurité collective, principe qui apparaît dans tous les documents politiques essentiels de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale. Le troisième élément de la sécurité de la Pologne est le traité de Varsovie, du 14 mai 1955 2 2 , dont huit pays sont signataires : l'U.R.S.S., la Pologne, la Tchécoslovaquie, la République démocratique allemande, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et l'Albanie. Le traité de Varsovie ne se réfère pas à l'accord de Potsdam, cependant il contient, dans son introduction, les mêmes motifs que ceux qui servirent de base à cet accord. Voici les dispositions essentielles du traité de Varsovie : 19. 20. 21. 22.

Ibid., n" 6, Ibid., n° 6, Ibid., n° 2, Journal des

1948, 1948, 1949, Lois,

p. p. p. n°

299-302. 302-305. 91-95. 30, 1955, pos. 182. 3

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

a) Les parties au traité de Varsovie s'engagent à s'abstenir de toute menace de profiter de la force ainsi que d'en faire usage. b) Toute coopération des pays participants au traité de Varsovie reposera sur des consultations réciproques. c) En cas d'agression armée en Europe contre un Etat partie au traité de Varsovie, il sera mis en mouvement un système de concours sans délai avec tous les moyens reconnus comme étant indispensables, conformément à la Charte des Nations Unies (article 51 de la Charte). d) Les parties au traité de Varsovie ont créé un commandement collectif des forces armées, lesquelles seront réparties et mises à la disposition de ce commandement, et elles forment un Comité politique consultatif. e) Les parties au traité s'engagent à ne pas entrer dans des coalitions ou alliances contraires aux fins de ce traité. /) Le traité de Varsovie est valable pour une période de vingt ans. L'analyse du traité de Varsovie, du 14 mai 1955, permet de constater plusieurs choses : 1° L'accord de Potsdam sert de base à la conférence de Varsovie qui réunit les huit Etats dans leur volonté de résoudre la question allemande. 2 ° Les parties au traité se réfèrent à l'accord de Potsdam pour ce qui concerne la démilitarisation de l'Allemagne ainsi que pour ce qui concerne l'ensemble du programme de reconstruction politique de « l'Allemagne en tant qu'unité ». 3° Les parties au traité soulignent le rôle particulier des pays limitrophes de l'Allemagne et reconnaissent que la détermination de la frontière polono-allemande dans l'accord de Potsdam est définitive et irrétractable. Le fait que le traité polono-soviétique du 8 avril 1965 se réfère dans son introduction au traité de Varsovie est d'une grande importance. La Pologne et l'U.R.S.S. s'engagent à remplir les obligations qui découlent du traité de Varsovie. Il convient d'ajouter que tous les Etats parties au traité de Varsovie sont mutuellement liés par des accords bilatéraux qui, pour la plupart, furent conclus avant 1958. Le nouveau traité polonosoviétique a donc été élargi sur ce point et cela conformément à l'ensemble du système des accords de sécurité liant entre eux les pays socialistes. C'est ainsi que le traité polono-soviétique du 8 avril 1965 est une preuve de la synchronisation politique et juridique qui règne entre les Etats parties au traité depuis l'entrée en vigueur de celui-ci.

Institutions fondamentales du code de procédure administrative polonaise (loi du 14 juin 1960) 1 MARIAN ZIMMERMANN

I La genèse de ce Code est assez complexe. A part l'Espagne, la première codification complète de la procédure administrative fut la codification autrichienne de 1925, fruit de la jurisprudence des cinquante premières années d'existence du Tribunal administratif autrichien, donc de la période du Rechtsstaat. L e trait caractéristique de cette codification était la tendance générale à assurer la protection des droits de l'individu par l'institution d'une série de garanties procédurales, portant notamment sur le droit du plaideur à participer activement au procès, sur son droit à obtenir une décision statuant sur sa demande, sur son droit à soumettre des moyens de droit de la même façon qu'en matière de procédure judiciaire. Dans les années qui suivirent, de semblables codifications, reposant sur les mêmes bases, intervinrent en Tchécoslovaquie (1927-1928), en Pologne (décret-loi de 1928) et en Yougoslavie (1930). Après la Seconde Guerre mondiale, ces Codes étaient toujours en vigueur ; aussi, après quelques années, entreprit-on partout des codifications nouvelles afin de tenir compte des changements intervenus 2 . En Pologne, le nouveau Code fut promulgué quinze ans après la guerre, au terme d'une discussion publique 1. Ce compte rendu a seulement pour but de donner les informations les plus essentielles et de mettre en relief les idées fondamentales de ce Code. L e lecteur français trouvera une présentation plus complète de l'ensemble du Code d e procédure administrative dans l'excellente étude de M. G . LANGROD, « L a codification de la procédure administrative non contentieuse en Pologne », dans Revue administrative, i 9 6 0 , p. 533-547. 2. E n Yougoslavie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1955 ; en 1960, on y a adopté des textes nouveaux, qui se fondent sur des principes complètement différents.

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ACTUEL

du projet qui dura un an. Le but de cette codification fut d'adapter la procédure administrative aux structures sociales et économiques nouvelles, au système juridique de la Pologne populaire et au renforcement du régime de la légalité socialiste. Ainsi, il fut nécessaire notamment de définir les principes généraux auxquels doivent se conformer les organes de décision, d'adapter la procédure au système des conseils populaires et plus particulièrement au système de la nouvelle administration territoriale, et de tenir compte de l'introduction d'un système de « plaintes et motions » et du contrôle du procureur. Ces impératifs ont déterminé le contenu du nouveau Code. On a donc introduit dans le texte des Principes généraux, considérés comme en étant l'élément fondamental, et dont le rôle pour l'application de l'ensemble du code devait être essentiel. Puis, du fait qu'on avait introduit un système de « plaintes et motions », il en est résulté deux voies d'actions différentes : La première constitue ce qu'on peut appeler, faute de mieux, la procédure « quasi juridictionnelle ». Elle s'applique à la prise d'une décision individuelle définissant pour une affaire déterminée les droits et les devoirs de son destinataire. L'essentiel de cette procédure réside dans la notion de plaideur « partie en cause ». On a en principe conservé le système qui était en vigueur depuis 1928. On a seulement élargi le nombre des organes tenus de se conformer aux dispositions du code 3 et on a renforcé plusieurs des droits des plaideurs. La seconde est la procédure basée sur un système de « pkintes et motions », lesquelles peuvent avoir à leur origine soit des intérêts individuels ordinaires, soit l'intérêt social. Dans les deux cas, on est en présence d'une actio popularis, qui constitue, en même temps, un instrument du contrôle social de l'appareil administratif. Le Code a enfin précisé, à partir de principes qui diffèrent de ceux du droit commun en la matière, le droit du procureur à participer au procès « pour veiller à ce que la conduite et la solution du procès soient conformes à la loi ». II.

PRINCIPES

GÉNÉRAUX DE LA PROCÉDURE

ADMINISTRATIVE

L'élément caractéristique du nouveau Code réside dans les Principes généraux contenus dans son chapitre premier (articles 4-11). L'intention 3. A côté des organes de l'administration d'Etat stricto sensu, sont compris également des organes des entreprises d'Etat et d'autres organisations de l'Etat : organisations professionnelles, dotées de l'autonomie, coopératives, ainsi que des organisations sociales, lorsqu'elles sont autorisées, en vertu de la loi, à régler des affaires qui sont soumises, de par le Code de procédure administrative, à la procédure administrative.

INSTITUTIONS

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ADMINISTRATIVE

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des auteurs du Code a été de donner à ces Principes généraux la nature de normes juridiques générales, en ce qu'elles sont appelées à jouer pour l'ensemble du droit procédural. Elles doivent obligatoirement être respectées à toutes les étapes de la procédure, et elles constituent des directives obligatoires pour l'application de toutes les dispositions du Code. Les institutions du Code apparaissent donc comme la réalisation concrète et détaillée de ces principes. Il en résulte que ces Principes généraux sont la source obligatoire de l'interprétation des dispositions spéciales du Code et du comblement des lacunes éventuelles. Mais ce n'est pas là la seule fonction des Principes généraux : Le Code dispose qu'ils constituent des normes juridiques dont la violation est une violation du droit et doit entraîner l'intervention des organes dhargés de veiller au respect de la légalité par l'administration. Cela peut certainement être d'une grande importance dans la formation de l'appareil administratif. Pour toutes raisons, ces Principes généraux forment en quelque sorte la partie générale du droit procédural administratif, dans le domaine du Code d'une part et, par analogie, dans les domaines où la procédure administrative est réglée par des dispositions spéciales d'autre part *. Essayons de préciser brièvement la teneur de ces principes. a) Le premier d'entre eux est le principe de la légalité, repris de la Constitution : l'article 4 du Code dispose que les organes de l'administration d'Etat doivent agir selon le droit. On y joint le principe contenu dans l'article 5, aux termes duquel l'organe de décision doit veiller, au cours de la procédure, à ce que tous les participants au procès respectent la légalité socialiste 5 . Sous ce deuxième aspect, il apparaît qu'il s'agit moins de la question du fondement juridique de l'activité de l'organe et de ses décisions que de celle de la conduite même du procès. Les principes ci-dessus complètent ceux, exprimés dans les mêmes textes, selon lesquels « il faut être guidé par l'intérêt du peuple travailleur et 4. Cette théorie du caractère juridique de ces Principes généraux fut présentée par un des auteurs du Code, M. S. Rozmaiyn, dans son compte rendu présenté lors des Deuxièmes journées juridiques polono-françaises, Varsovie-Poznan, avril 1961, intitulé Principes généraux de la procédure administrative en Pologne (polycopié en français). 5. Art. 4 : « Les organes de l'administration de l'Etat agissent en vertu des dispositions du droit en vigueur. Ils servent l'intérêt du peuple travailleur et les tâches de l'édification du socialisme » ; art. 5 : « Au cours de la procédure, les organes de l'administration de l'Etat veillent au respect de la légalité populaite et prennent toutes les mesures nécessaires pour élucider pleinement l'état des faits et pour mener à son terme l'affaire, en tenant compte de l'intérêt social et de l'intérêt juste des citoyens. »

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agir en vue de la réalisation des tâches de la construction du socialisme » et « qu'il faut tenir compte de l'intérêt social et du juste intérêt des citoyens ». Le premier de ces derniers principes ne constitue pas, dans ce contexte, un fondement particulier à l'activité de l'administration ; mais c'est une directive applicable chaque fois qu'une disposition légale laisse à l'administration une certaine liberté pour agir ou interpréter. Quant au dernier, il impose aux organes de prendre en considération tant l'intérêt social que le juste intérêt des citoyens. Je suis d'avis que ces deux principes non seulement ne confèrent pas à un organe administratif un pouvoir discrétionnaire mais qu'au contraire, dans les domaines où les textes laissent à cet organe une certaine liberté (questions d'appréciation, notions indéfinies), ils constituent une réglementation légale, différente de la directive obligatoire et d'une autre nature. La sanction est assurée par diverses mesures prévues par le Code dans la partie spéciale. b) Le principe selon lequel la vérité doit être recherchée d'office est exprimé par l'article 5, qui impose aux organes de décision de prendre d'office toutes les mesures nécessaires au plein éclaircissement des faits de la cause. Cela signifie que la décision ne peut intervenir qu'en toute connaissance de cause, et que même la prise en considération de toutes les explications et de tous les éléments de preuve rapportés par les plaideurs ne peut dispenser le tribunal de cette obligation. La sanction de cette obligation consiste dans la reprise du procès. Ce principe est complété, en un certain sens, par celui, très important, qui reconnaît le droit pour les plaideurs d'être entendus afin d'être en mesure de donner leur avis sur les preuves et plus généralement sur l'ensemble matériel du procès, ainsi que sur les requêtes introduites. Ce principe, qui fait l'objet d'un règlement détaillé dans les parties suivantes du Code, assure au plaideur une participation active au déroulement de la procédure, et ce préalablement à toute prise d'une décision. Les autorités ne peuvent déroger à cette règle que si des mesures doivent être prises d'urgence au cas où un danger imminent plane sur des vies ou des santés 'humaines ou si un dommage matériel irréparable est à craindre (article 8). Un recours reste néanmoins ouvert au plaideur dans cette hypothèse. c) Un principe essentiel est celui de la stabilité des décisions administratives définitives : c'est-à-dire des décisions qui ne sont plus susceptibles de recours. Ces décisions ne peuvent être annulées ou modifiées que dans les cas prévus par le Code. Nous verrons plus loin ces cas. Ce principe contient sa propre sanction : d'après l'article 137, paragraphe 1, alinéa 3, une décision qui intervient à propos d'une question ayant déjà fait l'objet d'une décision définitive ou entrée en force de chose jugée encourt comme telle la nullité.

INSTITUTIONS

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d) L'article 10 formule le principe selon lequel il faut agir sans délai en recourant aux moyens les plus simples. Ce principe est développé dans le détail dans les articles 32 à 35, aux ternies desquels l'organe chargé d'une affaire doit en assurer le règlement complet dans un délai de deux mois, et d'un mois seulement s'il s'agit d'une procédure de recours. Dans ces délais ne sont pas compris le temps nécessaire à l'accomplissement de certains actes prévus par des dispositions spéciales, ni les périodes de suspension de la procédure, ni les retards imputables à une faute du plaideur. Si l'affaire n'a pas été réglée dans le délai imparti, l'organe qui en est chargé doit fournir aux plaideurs et à l'organe qui lui est hiérarchiquement supérieur des explications sur les causes du retard et fixer un nouveau délai pour le règlement de l'affaire. Au cas où le délai ne serait pas respecté ou s'il était manqué à cette obligation de fournir des explications sur les causes du retard, le plaideur peut introduire une réclamation. Il faut souligner que le but essentiel de ces dispositions est d'éliminer la possibilité pour l'administration « de garder le silence ». Les fonctionnaires sont disciplinairement responsables pour toute infraction à ces dispositions. e) L'article 11 contient le principe selon lequel la procédure doit être écrite. La forme orale n'est admissible que dans l'intérêt du plaideur et seulement si la loi ne s'y oppose pas. Même dans cette hypothèse d'ailleurs, la teneur et les motifs essentiels de la déclaration orale doivent être consignés dans un procès-verbal ou reproduits dans une note signée par le déclarant. /) Les autres principes sont relatifs au devoir fait à l'organe administratif de fournir une assistance juridique aux plaideurs au cours du procès, et aux méthodes de travail de cet organe dans ses rapports avec eux. Ainsi, les organes administratifs doivent veiller à ce que les plaideurs ne subissent pas un préjudice du fait de leur ignorance de certaines dispositions légales et leur fournir toutes explications ou indications utiles (article 6, complété par les articles 99, 103 et 104). Enfin, les organes administratifs doivent expliquer aux plaideurs les raisons du bien-fondé des motifs de leurs décisions afin de les amener si possible à s'y conformer volontairement sans avoir à recourir à des mesures de contrainte. g) Le dernier principe de ce groupe est celui selon lequel les organes administratifs doivent, par leur façon de procéder, consolider la confiance des citoyens envers les organes de l'Etat (article 6). C'est à vrai dire une directive dont le fond est peu concret. Elle a néanmoins la nature d'une norme juridique, et l'organe administratif qui l'enfreindrait pourrait être appelé à en répondre officiellement, et nous savons que tout citoyen peut

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ACTUEL

par voie de plainte en référer aux organes compétents. Ce principe peut devenir, si les organes de surveillance recourent à une politique adéquate, un moyen de former l'appareil administratif et d'humaniser les relations des citoyens avec l'administration, ce qui a été maintes fois réclamé par les auteurs 6 . III.

L A PROCÉDURE « QUASI JURIDICTIONNELLE

»

L'objet du Code est ici le règlement de la procédure dans les affaires individuelles relevant du domaine de l'administration d'Etat (article 1), en vue de la prise d'une décision individuelle (article 97). Il faut entendre par décision individuelle, comme cela résulte de l'ensemble des textes, les actes d'autorité pris dans les affaires individuelles et adressés à un destinataire nommément désigné, en vue de lui accorder des droits ou de lui imposer des obligations dans le domaine de droit commun administratif. Cette procédure ne s'applique donc pas aux actes administratifs réglementaires ni aux actes pris dans le domaine des régimes juridiques particuliers (par exemple régimes « internes », tels que ceux résultant de rapports de service, affaires internes des ordres professionnels, etc.). Ces dispositions du Code s'appliquent aux organismes administratifs d'Etat 7 , de même qu'aux organes des entreprises d'Etat et aux autres organismes d'Etat : organisations professionnelles dotées de l'autonomie, coopératives et associations, lorsque ces organismes sont désignés par la loi pour assurer le règlement d'affaires individuelles ressortant du domaine de l'administration d'Etat (en vertu d'une délégation de pouvoir). Les notions principales de cette procédure sont celles de « partie en cause » et de décision, entre lesquelles existe un certain rapport. Cette décision est un acte juridique destiné à régler l'affaire de la partie en cause. Mais quelle est cette partie ? D'après l'article 25, c'est quiconque est concerné par la procédure du fait de son intérêt juridique ou de ses devoirs, ou quiconque demande à l'administration d'agir à raison de cet intérêt ou de ces « devoirs » 8 . Le droit subjectif ou le devoir ne naît que par la proclamation d'une décision définitive (« norme individuelle »). 6. Ces Principes généraux du Code sont des déclarations du législateur. Ils prennent comme tels, de même que les « définitions légales », un caractère absolu en un certain sens, et sont soumis aux règles d'interprétation ordinaires. Ils peuvent par conséquent être interprétés et classés par la pratique et par la doctrine, et ce, tant du point de vue de leur nature juridique que de celui de leur fonction ou encore selon leur degré de généralité (par exemple : règles d'interprétation, directives, etc.). 7. Elles ne représentatifs prennent pas, 8. Peuvent d'organisation

s'appliquent donc pas aux organes « du pouvoir » de l'Etat (organes : Diète et conseils populaires « en séance plénière ») qui d'ailleurs ne à l'exception du Conseil d'Etat, de décisions administratives. être parties en cause : les personnes physiques et morales, les unités d'Etat et les organisations sociales (art. 26).

INSTITUTIONS DU CODE DE PROCEDURE

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A cet égard la décision administrative ressemble au jugement rendu par une autorité judiciaire. Celui qui demande donc à une autorité d'agir en vertu de son intérêt juridique ne peut se référer à son droit subjectif, car il n'en est pas encore titulaire. Cela apparaîtra .plus clairement à l'occasion des affaires où il s'agit de décisions administratives, dites « constitutives ». Une affaire est en cours précisément pour satisfaire un « intérêt juridique », c'est-à-dire un intérêt dont la satisfaction par la prise de la décision est prévu par le droit objectif. Il faut donc admettre que la partie en cause est toute personne dont les demandes appartiennent à ce domaine d'affaires pour lesquelles le droit objectif prévoit la possibilité de rendre une décision accordant ou refusant d'accorder un droit subjectif, éteignant ou limitant une obligation. Ainsi la notion de partie en cause est une notion qui dépend de la règle de droit 9 . Les droits procéduraux des parties ressemblent ici à ceux qui leur sont conférés dans le procès judiciaire. Elles peuvent notamment demander que la procédure soit mise en route, récuser un fonctionnaire ou même l'organe tout entier, s'il existe des circonstances permettant de faire douter de leur impartialité ; elles ont accès au dossier de l'affaire ; elles peuvent présenter des moyens de preuve et donner leur opinion sur ceux qui ont été présentés par d'autres ; elles peuvent demander une suspension de la procédure. Conformément au principe général de l'article 7, elles ont un droit à être informées. Elles ont accès aux moyens de défense ; elles ont droit à la restitution du délai écoulé sans leur faute ; elles peuvent introduire des réclamations particulières contre les mesures provisoires dans les cas prévus par le Code. Elles ont surtout le droit d'obtenir une décision réglant leur affaire, et si celle-ci est négative, elles peuvent en appeler à une instance supérieure. Dans les cas énumérés par le Code, elles peuvent demander une reprise de la procédure ou le rapport de la décision pour cause de nullité. Nous discuterons l'une après l'autre les plus importantes de ces institutions. En ce qui concerne la décision, la teneur en est strictement déterminée. Elle doit contenir des instructions relatives aux voies de recours. Si elle ne tient pas compte de la demande ou n'en tient compte qu'en partie, si elle se prononce sur le devoir dont le plaideur était chargé, elle doit être motivée en fait et en droit. Cette motivation est toujours obligatoire en deuxième instance. L'organe qui a pris la décision est tenu de la respecter dès le moment où elle a été rendue ou signifiée (article 102). 9. L'art. 84, § 3, le confirme : « S'il existe une possibilité que, à côté des personnes qui sont parties au procès, des personnes inconnues de l'organe administratif puissent y participer aussi, il est nécessaire de faire connaître par voie d'annonces le jour, l'heure, le lieu du procès et quel est son objet... » Cf. encore art. 57, § 3, art. 163, etc.

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Le plaideur a le droit d'intenter un recours, devant une instance seulement, et dans un délai de 14 jours, contre une décision rendue en première instance. Ce recours n'a pas à être motivé. La décision n'est; pas exécutoire durant ce délai, à moins que, pour les raisons énumérées par l'article 100, elle ne le soit par provision. Toutes les disposition^ concernant la décision rendue en première instance s'appliquent en principe à la décision rendue par l'organe auquel il a été recouru. Celui-ci peut soit confirmer la décision initiale, soit la réformer pour partie et substituer pour cette partie sa décision à la décision initiale, soit l'annuler pour le tout et renvoyer l'affaire devant l'organe de première instance pour qu'il l'examine à nouveau. La reformatio in pejus est possible, dans la seconde hypothèse, si la décision attaquée n'était pas conforme à la loi ou si elle était contraire à l'intérêt social 10 . La décision rendue en seconde instance est une décision définitive. Si des raisons permettant de douter de la régularité de l'établissement des circonstances de fait ou de certains fondements de la décision surgissent, raisons limitativement énumérées par l'article 127, la reprise de la procédure peut être décidée, d'office ou à la demande des plaideurs 11 . Le principe de stabilité des décisions est considéré comme étant avant tout une conséquence du respect des droits acquis. Aussi, une décision en vertu de laquelle nul n'aurait acquis de droit pourrait toujours être annulée ou réformée (article 135). La conséquence inverse de cette conception du principe de stabilité est que la décision par laquelle une partie a acquis un droit peut être, avec son consentement, annulée ou réformée (article 136) : volenti non fit injuria. Si par contre la partie qui a acquis un droit du fait de cette décision ne consent pas à ce qu'elle soit annulée ou réformée, cette décision acquiert l'inviolabilité et jus facit inter omnes. Les deux premières exceptions prévues par le Code sont plutôt de nature à confirmer la règle. Ce sont : 10. Dans le cadre évidemment que trace le « principe général » de légalité. Il résulte en outre de l'obligation de motiver toute décision en droit et en fait qu'il ne peut ici être question que de l'intérêt social justifiable concrètement, et non d'un intérêt abstrait. Cela est également impossible si, en vertu du droit objectif, il est obligatoire de rendre une décision d'un contenu déterminé (décisions déckratoires). 11. Ce sont : les fausses preuves ; le prononcé d'une décision intervenue à la suite du délit d'un fonctionnaire ou d'un organe récusable ou d'une décision rendue par défaut lorsque la partie n'était pas absente par sa faute ; la révélation d'éléments importants pour l'affaire ou de preuves nouvelles, au cas où l'organe qui a rendu la décision ne les connaissait pas ; lorsqu'une question préjudicielle a été résolue dans un sens différent de celui de la décision ; lorsque la décision a été prise sur le fondement d'une décision administrative ou judiciaire qui a depuis été annulée ou réformée.

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1° Le rapport d'une décision pour cause de nullité. Le Code énumère limitativement les causes de nullité 12 . La nullité peut donc seulement résulter d'un vice qualifié. L'acquisition de l'autorité par une décision non mentionnée dans l'article 137 constitue d'ans ce cas « l'assainissement des vices ». L'organe hiérarchiquement supérieur décide de rapporter la décision pour cause de nullité, soit à la demande de la partie en cause, soit d'office. La partie en cause a un droit de recours contre cette décision. Des différences considérables existent chez les auteurs polonais quant à la façon d'interpréter l'article 137, en particulier sur le point de savoir si la nullité a lieu ipso jure ou si elle doit résulter d'un acte la prononçant. La plupart des auteurs, suivant ici la doctrine autrichienne, rejettent la conception de la nullité ipso jure et estiment que le fait pour une décision de contenir un vice de nature à entraîner sa nullité ne provoque pas automatiquement la nullité de cette décision, qui peut seulement résulter d'une décision dans ce sens. Cependant, tant à la lumière des termes de l'article 137 qu'à celle des principes généraux du Code, il apparaît qu'il s'agit d'une nullité absolue et que le destinataire d'une telle décision peut refuser de s'y conformer sans que cela ait pour lui aucune suite défavorable. L'éventuelle décision d'annulation ne fait que constater de façon autoritaire, valant erga omnes, la nullité dé la décision, avec cette conséquence que nul ne pourra désormais l'invoquer de bonne foi. 2° Il est .possible d'annuler ou même de réformer (ce qui ne pouvait se faire dans l'hypothèse précédente) la décision exempte de vice, si l'on constate « qu'il n'existe pas d'autre moyen de liquider une situation menaçant la vie ou la santé humaine ou de prévenir des dommages graves pour l'économie nationale ou pour les intérêts importants de l'Etat ». Ce droit est attribué aux organes de l'administration centrale d'Etat et s'il s'agit de décisions rendues par les organes administratifs des présidences des conseils populaires de degré inférieur aux présidences des conseils populaires de voïvodies. Cette institution a néanmoins un caractère tout à fait spécifique. On y retrouve comme l'écho d'anciennes théories des droits acquis et du « préjudice spécial ». Les parties lésées 12. Art. 137, § 1 : « Doit être rapportée pour cause de nullité toute décision qui 1° a été rendue par un organe de l'administration d'Etat incompétent eu égard à l'objet de la cause, 2° a été rendue sans aucune base légale, 3° concerne une affaire ayant déjà fait l'objet d'une décision définitive, 4° a été adressée à une personne qui n'était pas partie de l'affaire, 5° est sans aucun doute irréalisable, 6" serait à l'origine d'un acte punissable si elle était exécutée, 7° contient un vice tel qu'en vertu d'une disposition précise, elle est entachée de nullité. »

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POLONAIS

ACTUEL

ont notamment le droit à être indemnisées par l'Etat ; elles peuvent également intenter un recours devant les autorités judiciaires. On est donc ici en présence de « l'expropriation du droit » et si l'on veut du « dédommagement de droit public ». 3° La troisième exception résulte de l'article 142, qui prévoit la possibilité de rapporter la décision dans d'autres cas et pour d'autres motifs, si des dispositions particulières le prévoient13. (Depuis la mise sous presse 14 avril 1967) est parue, qui Cependant les prérogatives du dure administrative n'ont point IV.

du présent article, une nouvelle loi (du concerne le statut du Ministère public. procureur dans le domaine de la procéchangé.)

INTERVENTION DU PROCUREUR AU SERVICE DE LA

LÉGALITÉ

Comme on le sait, dans les Etats de type socialiste, une des tâches principales du procureur est le contrôle de la légalité des actes de l'administration. En Pologne, ses compétences sont réglées par la loi du 20 juillet 1950. La participation du procureur au procès administratif tel qu'il résulte du Code de procédure administrative est organisée séparément par le Code même. D'après celui-ci le procureur dispose dans la procédure « quasi juridictionnelle » de trois sortes de droits : a) Il peut demander à l'organe compétent de l'administration l'ouverture d'une procédure pour liquider une situation contraire à la loi. b) Il a le droit de participer à toutes les étapes de la procédure pour assurer que la conduite de celle-ci, ainsi que la solution de l'affaire, sont conformes à la loi. c) Il a le droit de faire opposition à une décision définitive, s'il existe une cause prévue par le Code pour une reprise de la procédure (article 127) ou une cause permettant de rapporter la décision ou de la réformer (articles 137, 141 et 142) M . 13. Rentrent dans cette catégorie peu nombreuse : les dispositions, par exemple, relatives aux autorisations accordées à des personnes privées de se livrer à une industrie, au commerce, d'exercer une profession, de fournir des prestations de services (une telle autorisation peut être retirée à celui qui, dans le cadre de son activité économique, a été condamné trois fois pour infraction à la loi sur la lutte contre la spéculation et sur la protection des acheteurs et des producteurs de denrées agricoles), certaines dispositions sur les autorisations de vendre des boissons alcoolisées, etc. 14. Il est évident que sa participation à chaque procès n'est pas possible. Le procureur, grâce aux renseignements recueillis au cours des contrôles périodiques sur l'application du Code, tend à redresser les erreurs les plus fréquemment rencontrées. Ici, en plus de mettre en route le procès ou de faire opposition, le procureur

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Dans tous ces cas, le procureur a pour tâche de protéger la légalité et de veiller à ce que la procédure et la décision soient conformes à la loi, et aux droits de l'individu en particulier. Pour .parvenir à ces fins, le procureur dispose des mêmes prérogatives que les plaideurs. La limitation de la portée de l'opposition nécessite certaines explications. Le procureur n'a notamment aucun droit à formuler des décisions administratives, ce qui mènerait à une « double administration ». Son unique droit et devoir est de faire opposition à une décision qu'il estime illégale, devant l'organe administratif supérieur : c'est tout simplement un moyen de mobiliser le contrôle. Dans cette situation, il est clair qu'une telle opposition n'a de sens que dans les cas où les organes de contrôle ont le droit de reprendre la procédure ou d'annuler ou de réformer lai décision. Et c'est précisément à ces 'hypothèses que le Code de procédure administratif réduit le droit d'opposition du procureur. L'opposition faite à raison de vices affectant une décision tels qu'ils ne seraient pas de nature à en permettre l'annulation ou la réformation serait sans objet. Les dispositions du Code de procédure administrative concernant l'opposition du procureur introduisent une modification très importante quant au champ d'exercice de son contrôle. D'après la loi sur le Ministère Public, les compétences de celui-ci ne recouvrent pas l'échelon ministériel. Le Code de procédure administrative accorde cependant au procureur général de la République populaire polonaise un droit de présenter une réclamation à l'organe central de l'administration qui a pris la décision définitive ; au fond ce droit ne se distingue en rien de l'opposition. L'opposition du procureur doit être examinée et faire l'objet d'un règlement dans un délai de trente jours, sous peine des sanctions en cas de dépassement du délai pour le règlement d'une affaire en général ; en outre l'organe administratif concerné doit également examiner immédiatement s'il n'est pas opportun de suspendre l'exécution de la décision, jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'opposition. Si l'organe considère que l'opposition est justifiée, il doit, selon son objet, soit décider la reprise de la procédure, soit rapporter ou réformer la décision. V. Actio popularis.

« PLAINTES

E T MOTIONS

»

Il s'agit là de l'institution spécifique de tyipe socialiste. En Pologne, elle est prévue par la constitution (articles 5 et 72) ; introduite dans le Code pourrait participer en particulier aux procès importants au point de vue de l'interprétation de la loi. Cela concerne aussi les procès qui portent sur des questions non typiques. Dans ce cas, si l'affaire est d'une importance particulière et si les parties s'adressent au procureur par voie de plainte, l'intervention de celui-ci dans la procédure, pour défendre la légalité, serait très utile.

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

de procédure administrative, elle est liée de façon toute particulière à la procédure normale ou « quasi juridictionnelle ». Les exigences nouvelles élargies de l'administration de l'Etat socialiste, notamment dans le domaine économique et social, commandent l'introduction de moyens d'un large contrôle social, non formalistes et à la portée de tous. Dans ce but, le Code de procédure administrative décide que tout citoyen ou toute association peuvent déposer une plainte ou une motion dans leur propre intérêt ou dans l'intérêt d'autres personnes ou dans l'intérêt social (article 151). Ces plaintes et motions peuvent intervenir dans toutes les affaires d'il domaine de tous les organismes d'Etat au sens large 1 5 . Elles peuvent donc avoir pour objet soit des actes juridiques d'un caractère) général, soit des infractions à la légalité, soit des affaires individuelles concernant un simple intérêt d'un citoyen, c'est-à-dire lorsque le droit objectif ne prévoit pas la prise d'une décision créant le droit subjectif (ce qui ressortit à la procédure normale), soit des actes de gestion ou des insuffisances dans l'accomplissement de leurs fonctions par les fonctionnaires de l'appareil administratif ou des améliorations dans le fonctionnement de celui-ci. Nul ne peut être inquiété ni encourir de reproche pour avoir déposé une plainte ou une motion ou pour avoir fourni des éléments pour une publication revêtant les traits d'une plainte ou motion, s'il a agi dans les limites permises par la loi (article 155). Tous les organes de l'administration d'Etat sont obligés d'être à la disposition des citoyens pour recevoir leurs plaintes et motions tous les jours à des heures déterminées. L'organe devant lequel la plainte ou la motion a été déposée doit examiner l'affaire et la régler dans les limites de sa compétence dans un délai de deux mois et informer le plaignant des suites données, sous peine des sanctions habituelles. Cela concerne également les articles et les informations publiés dans la presse ou diffusés par la radio, la télévision ou les actualités cinématographiques, et transmis aux organes par leurs rédactions. Le fonctionnaire coupable de lenteur ou de bureaucratie dans le règlement des plaintes et motions encourt une responsabilité disciplinaire. Certaines différences existent entre la plainte et la motion. La « plainte » est avant tout dirigée contre un fonctionnaire fautif d'un organe déterminé ; elle est donc adressée à l'organe hiérarchiquement supérieur, déterminé par le Code. La « motion » est une proposition en vue de l'amélioration des institutions existantes ; on l'adresse à l'organe concerné. Comme on le voit, les unes et les autres assument avant tout une fonction

15. Donc des organes du pouvoir, cf. supra, note 7.

INSTITUTIONS DU CODE DE PROCEDURE

ADMINISTRATIVE

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de contrôle social en vue de l'amélioration du fonctionnement de l'appareil administratif. Les plaintes ont encore deux autres fonctions. Tout d'aibord, dans les affaires où la procédure normale ne joue pas, elles peuvent servir à mobiliser « le contrôle 'générai du Ministère publie », là où le procureur peut agir en vertu de ses compétences générales, telles qu'elles sont déterminées par la loi de 1950. Ensuite, elles complètent à certains égards la procédure normale. Ainsi, si l'organe qui s'occupe d'une plainte constate que l'affaire donnée aurait dû faire l'objet d'une procédure normale, il doit provoquer l'ouverture d'une telle procédure. Si la plainte a été déposée par un plaideur à propos d'une affaire faisant l'oibjet d'une procédure normale, elle est examinée au cours de cette procédure. Si, par contre, la plainte est dirigée contre une décision d'ores et déjà définitive, on la considère, selon son objet, comme une demande de reprise de la procédure ou comme une demande en vue de l'annulation ou de la réformation de la décision. Si l'organe compétent pour examiner la plainte la considère comme étant justifiée, il la transmettra à l'organe compétent pour y donner suite quant au fond. Les plaintes constituent enfin une sanction, en quelque sorte, des motions : l'auteur de la motion qui n'est pas satisfait des suites qui ont été données a le droit de déposer une plainte à ce sujet. Il faut enfin mentionner que les dispositions concernant les plaintes et motions s'appliquent également aux procédures administratives spéciales 16 . VI.

REMARQUES

GÉNÉRALES

Le Code constitue un ensemble particulier de trois institutions liées entre elles : procédure normale, plaintes et motions, et intervention du procureur. Ghacune de ces institutions a, dans les cadres délimités par le Code, ses propres fonctions. La procédure normale s'applique aux affaires où il s'agit de formuler une norme individuelle pour un destinataire déterminé. Elle a une nature quasi juridictionnelle et elle ressemble beaucoup, surtout dans la phase du recours, à la procédure des tribunaux administratifs des instances inférieures de l'Ouest. Ceci est vrai en particulier pour les garanties offertes au plaideur d'après le modèle des procédures judiciaires. Elle est renforcée par le rôle du procureur comme défenseur de la légalité. Il manque encore l'échelon suprême de cette 16. Par exemple, la procédure devant les organes de l'arbitrage économique et du fisc, dans les affaires d'assurances sociales, de rentes et d'aliments, de la répression administrative des infractions, etc. (art. 194).

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

construction : un tribunal administratif supérieur dont l'existence serait souhaitable pour plusieurs raisons 1 7 . Dans un Etat socialiste cela ne suffit pourtant pas. L'appareil étatique s'étant chargé des tâches économiques les plus importantes, il en est résulté l'apparition d'un grand domaine d'affaires économiques (de même d'ailleurs que d'affaires sociales). Ces affaires ne peuvent plus être réglées selon le type de procédure du schéma classique : droit objectif - droit subjectif. Les affaires économiques nécessitent des opérations courantes et rapides, qui doivent pouvoir être réglées au moyen d'actes juridiques d'un type particulier 1 8 , d'après une réglementation qui d'une part permette de tenir compte de la variation des besoins courants et d'autre part assure le minimum nécessaire de rigueur 1 9 . Ceci impose, bien sûr, des moyens de contrôle à la fois plus larges, plus souples et en même temps plus! généraux. Cette fonction est précisément assumée par des institutions qui se complètent mutuellement, que sont les plaintes et motions, forme constitutionnelle du contrôle social, que tout citoyen doit pouvoir mettre en œuvre, et le contrôle du procureur 2 0 . La valeur de toutes ces institutions dépend naturellement du degré et de la qualité de leur application pratique. Il faut ici souligner qu'avant l'entrée en vigueur du Code, une action systématique d'instruction des fonctionnaires de l'appareil administratif sur ces questions fut entreprise, 17. Principalement, compte tenu de ce que les actes juridiques des organes de l'administration centrale qui, par la nature des choses, ne sont soumis à aucun contrôle d'instance, compte tenu du besoin de compléter ie contrôle du procureur en lut permettant d'intenter un recours contre une décision devant une juridiction administrative de cassation ; et compte tenu enfin du besoin d'uniformiser la jurisprudence administrative. Le projet de loi sur la juridiction administrative du 27 janvier 1958 adopté par la troisième section de la Commission de codification n'a eu aucune suite. 18. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne les actes normatifs des organes dirigeants de l'économie nationale, le fondement juridique peut être constitué par l'autorisation générale de la loi. A l'intérieur de l'appareil économique sont concernés les actes de planification et d'autres actes de régime interne. 19. Par exemple en matière d'autorisation de se livrer au commerce ou à l'industrie : dans une économie planifiée, ce sont les besoins économiques, auxquels l'Etat doit satisfaire, qui commandent. Un système rigide de droits subjectifs est peu en accord avec la planification ; c'est pourquoi le droit objectif prévoit des formes nouvelles d'autorisations (temporaires, révocables, etc.). 20. Il est intéressant de noter que des moyens techniques de contrôle identiques, en particulier le contrôle du Ministère public, avaient existé (naturellement sur la base de principes différents) dans la période dite Wohlfahrsstaat, donc dans une période où le dirigisme économique commençait à s'introduire dans plusieurs pays d'Europe. Il est également intéressant de remarquer que certains juristes des EtatsUnis examinent la question de l'utilité d'un contrôle du Ministère public sur l'administration dans le système du Welfare State actuel.

INSTITUTIONS

DU CODE DE PROCEDURE

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action qui se poursuit actuellement. Elle est liée au contrôle permanent de l'exécution, exercé systématiquement par les organes supérieurs et par le Ministère public 2 1 . En particulier, les présidences des conseils populaires et les collèges de ministères examinent et apprécient la régularité et les méthodes d'exaimen dont les plaintes et motions font l'objet. A cet égard la presse a un rôle important. Le contrôle général de la réception et de l'examen des plaintes et motions incombe au président du Conseil des ministres (dans le domaine de l'administration).

21. Au cours de ce contrôle, on regarde quel est le nombre d'affaires qui n'ont pas été réglées dans le délai prévu, s'il y a des lacunes dans la motivation, et quelles sont leurs causes ; on recherche les erreurs d'interprétation des textes (par exemple, lorsqu'il s'agit de rapporter une décision pour cause de nullité), et quelle façon ont été réglées les plaintes et motions, etc. Cela est utile pour l'avenir.

La protection de la santé et de la vie des travailleurs dans le droit du travail de la République Populaire Polonaise WIKTOR

I.

LA

CONCEPTION

DE

LA

PROTECTION

DU TRAVAIL

ET

SA

JASKIEWICZ

FONCTION

S O C I A L E EN TANT QU'INSTITUTION DU DROIT DU TRAVAIL

L'ensemble du droit du travail est un instrument de la protection du travail, entendue au sens large, car ce droit est né et s'est développé pour répondre à cette exigence d'une protection du travail. Mais, outre une fonction protectrice, le droit du travail assume en pays socialiste, et cela dans une mesure de plus en plus importante, une fonction d'organisation économique. Il n'a pas seulement pour but d'assurer la protection des intérêts des travailleurs, mais il vise aussi à assurer la protection des intérêts de la société en général. Le droit du travail fixe la mesure du travail et de sa rémunération de façon à ce que les travailleurs n'aient pas à fournir des efforts démesurés et nuisibles à leur santé, tout en leur offrant la possibilité de se détendre et de développer leur personnalité pendant leurs loisirs, et il leur garantit la satisfaction de leurs besoins vitaux personnels et de ceux de leur famille. Le droit du travail assure en même temps la continuité de la production des biens et des services au profit de la société tout entière, et afin d'en satisfaire les besoins collectifs actuels et futurs. Il existe une étroite corrélation entre ces deux fonctions du droit du travail, corrélation qui se traduit par une influence réciproque et un soutien mutuel. Lorsque sont réalisés les objectifs auxquels tend la protection du travail, cela entraîne un accroissement du' rendement et par conséquent la multiplication des biens économiques destinés à la satisfaction des besoins actuels de la société (par l'augmentation des biens de consommation collective et individuelle) et de ses besoins futurs (par l'augmentation des biens d'investissement). L'accrois-

ETUDES

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SUR LE DROIT

POLONAIS

ACTUEL

sement du revenu national entraîne un accroissement des moyens financiers indispensables à la réalisation des objectifs de la protection du travail. L'attention que l'Etat socialiste porte au problème de la protection du travail est donc compréhensible. L'objectif visé dans l'édification du socialisme est le développement continu et méthodique des moyens de production et de la productivité elle-même, qui doit permettre de satisfaire dans une mesure toujours plus large les besoins en progression constante du peuple travailleur. Le travailleur étant au centre de l'activité de l'Etat socialiste, la protection préventive de sa santé et de sa vie contre les conséquences dommageables du travail, l'élimination des effets du travail nuisibles à sa santé, la garantie pour lui et les siens de moyens d'existence lorsqu'il se trouve dans l'incapacité de travailler, tout cela est au premier rang des tâches en matière de politique sociale de l'Etat socialiste. Les catégories de travailleurs dont les capacités de travail sont limitées par rapport à la normale doivent bénéficier d'une législation favorable et faire l'objet d'une protection particulière. Les jeunes travailleurs (adolescents, mineurs) et les femmes qui travaillent rentrent dans ces catégories. Nous arrivons ainsi à préciser cette notion de protection du travail, qui est à la fois générale et particulière. L'institution légale de la protection du travail, dans sa conception générale, embrasse l'ensemble des règles du droit du travail qui assurent d'une part la sécurité et l'hygiène des conditions du travail, d'autre part une détente rationnelle pendant et après le travail ; dans sa conception particulière, elle groupe toutes les règles relatives à la protection de la santé et de la vie des jeunes travailleurs, des femmes et tout particulièrement des femmes enceintes. Sous cet aspect, la protection de la santé et de la vie des femmes qui travaillent est liée à celle de la maternité. Cet article a pour but de traiter les règles les plus importantes du droit du travail relatives à la protection de la vie et de la santé des travailleurs, ainsi que la question de l'observation de ces règles et du contrôle de cette observation, nous omettons cependant la question de la durée du travail et celle des loisirs. Le sujet étant ainsi restreint, on peut le définir comme l'étude de la protection des travailleurs contre la perte de leur santé et de leur vie, c'est-à-dire contre les maladies occasionnées par les mauvaises conditions dans lesquelles s'effectue le travail et les accidents du travail, mortels et non mortels. I I . DISPOSITIONS D'HYGIÈNE

LÉGALES RELATIVES AUX CONDITIONS DE SÉCURITÉ ET

DU TRAVAIL E T

A L'OBSERVATION DE CES

DISPOSITIONS

La Pologne populaire a en principe entériné la totalité des dispositions légales adoptées dans notre domaine entre les deux guerres. Le contenu

LA PROTECTION DE LA SANTE ET LA VIE DES TRAVAILLEURS

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de ces dispositions légales générales était fort pauvre. Ghose caractéristique, elles se désintéressaient de secteurs importants de l'économie nationale, tels ceux de l'agriculture, de l'horticulture et de l'industrie forestière 1 . Dans un souci de protection de la santé et de la vie des travailleurs, le législateur polonais adopta, dès les premières années qui suivirent la Libération, une série de textes normatifs fondamentaux, parmi lesquels il faut mentionner tout d'abord un règlement interministériel pris par les ministres du Travail et de l'Assistance sociale, de la Santé, de l'Industrie, de la Reconstruction, de l'Administration publique et des Territoires recouvrés, en date du 6 novembre 1946 et relatif aux dispositions générales sur les conditions de sécurité et d'hygiène du travail (Journal des Lois, n° 62, pos. 344 et modifications ultérieures), qui est le premier règlement d'application du décret du président de la République du 16 mars 1928. Les textes normatifs particuliers qui étaient intervenus entre les deux guerres pour des secteurs particuliers, adaptés aux conditions nouvelles résultant du progrès technique, furent maintenus aux termes de nombreuses dispositions adoptées soit en Conseil des ministres, soit par des ministres particuliers. Il existait en outre de nombreuses dispositions traitant de la protection du travail dans les conventions collectives de travail de divers secteurs. Au total, le nombre de tous ces textes normatifs se montait à plusieurs centaines. Mais ce phénomène comportait un aspect négatif. La dispersion des compétences réglementaires dans un domaine aussi vaste, jointe au manque de coordination dans l'édiction des diverses règles, fut à l'origine d'une diversité des solutions intervenues à propos de questions analogues et elle empêcha toute définition d'une orientation générale de la législation, ainsi que toute unité dans l'interprétation dès diverses règles et dans le contrôle de leur observation. Ces phénomènes législatifs qui échappaient aux prévisions des organes de l'Etat furent soumis à une étude critique au terme de laquelle ce fut le droit positif lui-même qui fut critiqué et sa réforme souhaitée. La première étape de cette réforme fut couronnée par 1. Deux actes de nature normative, ayant valeur de loi, avaient été pris avant la guerre : il s'agissait des deux décrets du président de la République de Pologne, le premier du 22 août 1927, relatif à la prévention des maladies professionnelles et à la lutte contre ces maladies (Journal des Lois, n° 78, pos. 676 et modifications ultérieures), le second du 16 mars 1928, relatif à la sécurité et à l'hygiène du travail ( Journal des Lois, n° 35, pos. 325, et modifications ultérieures) ; ces deux décrets furent abrogés par la loi du 30 mars 1965, mais les règlements d'application de ces décrets n'avaient jamais pris. Seul l'avait été un petit nombre d'actes normatifs d'un rang inférieur (règlements) réglant, de manière fragmentaire, les conditions de certaines catégories de travaux.

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ACTUEL

la loi du 30 mars 1965 sur la sécurité et l'hygiène des conditions de travail (Journal des Lois, n° 13, pos. 91). La participation effective des syndicats à l'élaboration de cette législation, en tant que ses cocréateurs, en est un des traits caractéristiques. En effet, les mesures relatives à la sécurité et à l'hygiène des conditions dé travail dans l'ensemble des secteurs (dispositions générales) sont prises par le Conseil des ministres sous la forme de règlements, et en accord avec le Conseil central des syndicats professionnels. Les dispositions spéciales aux divers secteurs sont prises sous la forme de règlement par les ministres compétents, de concert avec le ministre de la Santé et de l'Assistance sociale, et en accord avec l'administration centrale des syndicats professionnels concernés. On s'attend à ce que les organes supérieurs de l'administration d'Etat et des syndicats professionnels déploient dans les années à venir une intense activité normative en ce domaine. Les ouvriers ont libre champ pour édicter des normes dans le cadre de l'entreprise. En effet, les comités ouvriers y contrôlent les conditions de sécurité et d'hygiène du travail, et ils ont en outre le droit de prendre des mesures à propos des principales questions qui se posent en la matière, dans le cadre de la législation en vigueur. I I I . SUJET DE DROITS ET DE DEVOIRS DANS LE DOMAINE DES CONDITIONS DE SÉCURITÉ ET D'HYGIÈNE DU TRAVAIL

De très nombreuses personnes bénéficient de la protection juridique du travail du point de vue des conditions d'hygiène et de leur sécurité. D'après la loi du 30 mars 1965, est considéré comme travailleur toute personne engagée en vertu d'un contrat de travail, d'une nomination ou d'une élection, d'un contrat d'apprentissage, ou qui accomplit un stage de formation ou d'essai, ainsi que les membres et candidats membres des coopératives de travail. Bénéficient également de cette législation certaines personnes qui à d'autres égards ne sont pas considérées comme travailleurs : personnes exerçant dès fonctions sociales ou professionnelles dans des établissements, étudiants ou élèves des écoles supérieures et écoles professionnelles effectuant un stage dans un établissement, élèves et personnel enseignant des écoles, personnes remplissant dans le cadre de leur profession des fonctions d'utilité sociale, à titre volontaire ou obligatoire. Quant aux personnes ou organes auxquels incombent des devoirs relativement aux conditions de sécurité et d'hygiène du travail, ce sont principalement : tous les établissements, entreprises, coopératives, exploitations agricoles, d'élevage et forestières, offices, institutions, organisa-

LA PROTECTION DE LA SANTE ET LA VIE DES

TRAVAILLEURS

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tions sociales, instituts scientifiques, établissements publics d'instruction, d'éducation et d'assistance ainsi que les .personnes physiques ayant engagé un travailleur. Des devoirs incombent en outre, en notre domaine, à toutes les personnes dans l'intérêt desquelles ont été prises les dispositions y relatives, c'est-à-dire par conséquent les travailleurs et personnes assimilées. La nature juridique des obligations qui pèsent sur des personnes est cependant différente à cause du caractère même des relations avec l'établissement ou la personne pour lesquels elles travaillent. Des obligations pèsent aussi sur les organisations supérieures aux établissements et sur les organes en chef de l'administration d'Etat. Sont enfin tenus à des obligations les auteurs des projets de construction et d'aménagement d'un établissement, d'un local ou d'une installation, de même que les producteurs et les réalisateurs de ces projets. Les établissements hospitaliers et le personnel de ces établissements, ainsi que l'ensemble des organes appelés à contrôler la bonne observation des dispositions relatives à la protection du travail, ont un rôle considérable à jouer parmi tous ceux auxquels la loi impose certaines tâches. I V . L'OBJET DE LA PROTECTION DU TRAVAIL ( L E S DEVOIRS DES ÉTABLISSEMENTS ET DES TRAVAILLEURS)

La nature des droits et des obligations en matière de protection du travail est très variable et dépend en premier lieu de la qualité des sujets auxquels ces obligations incombent. A) Commençons par les obligations pesant sur les établissements. On doit mettre au premier rang des obligations qui incombent à tout établissement celle, fondamentale, dont toutes les autres, destinées seulement à la mettre en œuvre, ne font que découler : il s'agit de l'obligation pour l'établissement d'assurer aux travailleurs des conditions de sécurité et d'hygiène excluant tout risque pour leur vie ou leur santé (article 1 de la loi du 30 mars 1965). Les obligations subordonnées à ce devoir fondamental, du point de vue de leur fonction, sont de plusieurs sortes : 1° Obligations concernant les problèmes de l'équipement matériel, qui doit être conforme aux données scientifiques et techniques, de l'établissement en installations sanitaires et de sécurité (planification des tâches en vue de l'amélioration des conditions de sécurité et d'hygiène, et garantie des moyens financiers et matériels indispensables à leur réalisation, le tout sur des bases de rationalisation). Rentrent dans cette catégorie toutes les obligations liées au contrôle du bon fonctionnement, à l'entretien et aux réparations des installations de sécurité.

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

2° Obligation concernant la préparation du personnel de l'établissement en vue d'une observation correcte de sa part des règlements sur la sécurité et l'ihygiène des conditions de travail qui y sont en vigueur, et concernant le contrôle de l'observation effective de ces règlements. En font partie : le choix du personnel de direction, du personnel d'instruction et de surveillance, l'organisation d'un enseignement et d'une instruction courante, l'organisation d'examens médicaux et la garantie d'une aide médicale et sanitaire, l'organisation d'une recherche systématique de l'existence et de l'importance des facteurs nocifs à la santé, l'équipement des travailleurs en vêtements protecteurs et en accessoires personnels de sécurité. 3° Obligations envers les travailleurs personnellement menacés ou déjà atteints par des facteurs nocifs résultant des conditions de leur travail. Rentrent dans cette catégorie : l'obligation de muter ces travailleurs à des postes où ils ne sont plus exposés à l'action des facteurs nocifs qui avaient provoqué chez eux des symptômes de maladies professionnelles ; obligation de verser à ces travailleurs leur salaire normal pendant une période de trois mois ; obligation de muter à des postes correspondant à leur état et à leurs qualifications professionnelles les travailleurs qu'un accident du travail, une maladie professionnelle ou toute affection causée par les conditions de travail a rendus inaptes à occuper un emploi donné. Lorsqu'une telle mutation se révèle impossible, l'établissement doit s'entendre sans délai avec un organe de placement pour procurer à ces travailleurs un emploi qui leur convienne dans un autre établissement ; obligation, le cas échéant et dans un but de prévention médicale, de fournir aux travailleurs l'alimentation supplémentaire spéciale indispensable. 4° Obligation envers l'Etat et d'autres organes appelés à opérer les contrôles. Il s'agit en particulier de l'obligation d'enregistrer les accidents et d'établir un rapport à leur propos ; de l'obligation de tenir informé sans délai l'inspecteur du travail et l'unité supérieure de tous les accidents mortels, sérieux ou collectifs ; de l'obligation de tenir informée l'Inspection sanitaire d'Etat des cas déclarés ou qui semblent à craindre de maladies professionnelles ; de l'obligation de procéder à la détection systématique des causes d'accidents, de maladies professionnelles et de toutes affections ayant leur origine dans les conditions de travail, et de mettre sur pied, à partir des conclusions tirées, les mesures de prévention appropriées. B) A ces obligations des établissements correspondent, dans une très large mesure, les obligations des chefs d'établissements et des personnes assumant des fonctions de direction. Le chef d'établissement est responsable des conditions d'hygiène et de sécurité du travail dans son établissement (article 37, paragraphe 1 de la

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DE LA SANTE

ET LA VIE DES

TRAVAILLEURS

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loi). Il est chargé dans ce domaine des tâches qui incombent à un organisateur vigilant. Des tâches analogues pèsent sur les chefs des sections de l'établissement, sur les chefs d'ateliers, sur les contremaîtres et sur les ouvrierschefs. C'est à eux qu'il incombe d'organiser du point de vue des conditions de sécurité et d'hygiène de travail, les positions des travailleurs, la conduite du travail, la fourniture aux travailleurs des accessoires de sécurité personnelle et le contrôle de leur utilisation, le contrôle de l'état sanitaire et de sécurité des locaux de travail et de leur équipement technique, le contrôle de la bonne observation par les travailleurs des principes de sécurité et d'hygiène du travail. Respecter les principes et les règles relatifs aux conditions d'hygiène et de sécurité est l'obligation fondamentale qui pèse sur chaque travailleur (article 36 de la loi). Dans le cadre de cette obligation chaque travailleur doit prendre part à l'enseignement et à l'instruction qui sont donnés en matière de sécurité et d'hygiène du travail, se soumettre aux inspections, accomplir son travail conformément aux indications et instructions de ses supérieurs, veiller au bon état des machines, des installations et des locaux de travail ; utiliser le vêtement protecteur et les accessoires de sécurité personnelle conformément à leur destination, se soumettre aux examens médicaux préalables et périodiques et aux examens de contrôle, respecter les prescriptions médicales et informer sans délai ses supérieurs des accidents survenus dans l'établissement ainsi que des dangers susceptibles de menacer la vie ou la santé des travailleurs. V.

INSPECTION

DE L'OBSERVATION

CONDITIONS

D'HYGIÈNE

ET

DES DE

L'EXÉCUTION DES OBLIGATIONS

DISPOSITIONS SÉCURITÉ

DU

RELATIVES TRAVAIL

ET

AUX DE

QUI EN DÉCOULENT

A) Dans les établissements de production de biens et de fourniture de services et les imités de l'organisation qui leur sont supérieures fonctionne un service de sécurité et d'hygiène du travail, qui est un appareil spécialisé mis à la disposition du chef d'établissement. Ce service a pour mission de contrôler l'état des locaux et des installations, de mettre sur pied un système de prévention, de procéder à l'inspection des conditions de travail et d'élaborer des conclusions en vue de leur amélioration du point de vue des conditions de sécurité et d'hygiène du travail, de contrôler l'utilisation des fonds destinés à réaliser les conditions de sécurité et d'hygiène du travail, de collaborer avec les organes de l'inspection du travail et du service social de santé, etc. Ces services ont notamment le droit d'ordonner l'arrêt du travail en cas de danger, d'ordonner qu'on supprime les outils dangereux pour la vie ou la santé des travailleurs,

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de suggérer une décision dans les questions de congédiement éventuel des personnes qui commettent des violations très graves des règles existant en matière de sécurité et d'hygiène de travail, de proposer 'la suspension ou la suppression de leur prime contre les personnes qui violent obstinément ces règles, etc. En attendant que soit pris par le Conseil des ministres, à la demande du C.R.Z.Z., Bureau Central des Syndicats (C.C.S.P.), l'acte exécutif qui précise quelles seront les qualifications requises des membres du service de sécurité et d'hygiène du travail, et quelles seront les compétences de ce service, les textes adoptés en 1953 par le présidium du gouvernement, le président de la Commission de planification économique d'Etat et le président du Conseil des ministres sont toujours en vigueur. B) Le contrôle social des conditions d'hygiène et de sécurité du travail est exercé par les syndicats à l'aide de leurs instances propres (administrations centrales et régionales), des inspecteurs du travail et des inspecteurs sociaux du travail. L'Etat, par le décret du 10 novembre 1954 relatif à l'appropriation par les syndicats des tâches liées à l'application des lois sur la protection et les conditions de sécurité et d'hygiène du travail ( Journal des Lois, n° 52, pos. 260 ; modifications : 1960, n° 20, pos. 119 ; modifications 1965, 13, 'pos. 91), a cédé à ceux-ci ses compétences en cette matière, supprimant en même temps l'inspection générale du travail d'Etat. Les syndicats avaient auparavant acquis déjà certains droits en matière de contrôle des conditions d'hygiène et de sécurité du travail dans le cadre des entreprises (loi du 4 février 1950 sur l'inspection sociale de travail, texte de 1955 : Journal des Lois, n° 20, pos. 134 ; modifications : 1965, n° 13, pos. 91). Les syndicats disposent ainsi d'un double appareil d'inspection : 1° Un appareil d'inspection, tout d'abord au sein même de l'établissement, composé des inspecteurs sociaux du travail, ces inspecteurs sont des membres du personnel élus lors de la réunion générale de celui-ci ou, dans les grandes entreprises, lors de la conférence des hommes de confiance délégués du personnel. Peut être inspecteur social de travail à l'intérieur d'un établissement donné tout membre du syndicat qui possède une connaissance pratique du système de production de cet établissement et qui justifie de cinq années au moins d'ancienneté dans son métier et d'une au moins dans l'établissement. Les inspecteurs sociaux du travail sont actuellement élus pour la même durée que le conseil d'établissement, soit pour trois ans (autrefois pour un an). Ils exercent en principe leurs

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fonctions bénévolement et en dehors de leurs heures de travail. Ils sont protégés contre une résiliation unilatérale de leur contrat de travail pendant la durée de leur mandat. Ils ont le droit de visiter l'établissement, de porter leurs remarques dans un livre spécial, de déposer par écrit à l'adresse du chef d'établissement dans le but d'éliminer pour l'avenir les infractions constatées ; ces dépositions écrites doivent obligatoirement être consultées par le conseil de l'établissement. Il en est de même pour les dépositions concernant l'inscription au plan économique des fonds nécessaires à l'aménagement. Les inspecteurs sociaux du travail au niveau de l'entreprise et de l'établissement (qui est une section de l'entreprise) sont présidents des commissions de protection du travail correspondantes. 2° Les syndicats disposent ensuite d'un appareil spécialisé d'inspection qui leur est propre (autrefois appelé inspection technique du travail, aujourd'hui plus brièvement, depuis la loi du 30 mars 1965 : inspection de travail). Les compétences élargies de cet organe vont au-delà d'un simple contrôle de l'observation des dispositions relatives à la protection de la vie et de la santé des travailleurs, et comportent désormais le contrôle de l'observation, par les établissements, de l'ensemble des dispositions relatives aux relations du travail, au travail des adoleccents et des femmes, à la sécurité et à l'hygiène des conditions de travail, à la durée du travail et aux congés. L'inspecteur du travail a le droit de visiter les entreprises, les établissements, les établissements scolaires, les laboratoires et toutes les installations communes ou sociales qui dépendent des établissements et écoles professionnels. Il a le droit de réclamer des éclaircissements et de prendre communication des documents relatifs aux questions rentrant dans le domaine de l'inspection du travail ; il a le droit de donner des ordres en vue d'empêcher que se reproduisent à l'avenir les infractions aux dispositions existant en matière de sécurité et d'hygiène du travail ; il a le droit de donner l'ordre au chef d'établissement d'arrêter le travail au cas où un danger menace directement la vie ou la santé des travailleurs, etc. L'inspecteur du travail collabore avec les inspecteurs sociaux du travail d'un établissement. Si le chef d'établissement fait appel des décisions de l'inspecteur social du travail, ses réclamations sont examinées par l'inspecteur du travail ou par l'administration d'arrondissement du syndicat suivant la nature des questions. Au cas où une disposition légale émanée de l'inspecteur social du travail ne serait pas respectée, l'inspecteur du travail, après en avoir été informé par l'auteur de la décision intense contre le chef d'établissement une poursuite mettant en cause sa responsabilité pénale-administrative pour n'avoir pas exécuté les ordres de l'inspecteur social du travail.

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L'inspecteur du travail a le droit de prononcer des amendes à raison des infractions aux dispositions du droit du travail, l'inspecteur social du travail ne disposant pas, lui, des moyens de contraintes étatiques. Comme il a été dit plus haut, les syndicats, par leurs administrations, veillent à la protection de la vie et de la santé des travailleurs. C'est ainsi, par exemple, que l'administration d'arrondissement donne son autorisation à la fourniture d'heures supplémentaires de travail lorsque l'établissement en démontre la nécessité (article 8 b de la loi du 18 décembre 1919 sur la durée du travail dans l'industrie et le commerce, Journal des Lois, 1933, n° 94, pos. 734 et modifications ultérieures), qu'elle approuve le règlement intérieur de travail de l'établissement (article 52 du décret du président de la République de Pologne du 16 mars 1928, relatif aux contrats de travail des ouvriers, Journal des Lois, n° 35, pos. 324, et modifications ultérieures), etc. Il en résulte que les compétences de l'ancienne Inspection d'Etat du travail (d'avant 1954) ont été réparties entre les administrations des syndicats et ces organes spécialisés des syndicats que sont les inspecteurs du travail. Ceux-ci travaillent pour le compte des syndicats auxquels ils sont liés par un contrat de travail. C) Les organes de l'administration d'Etat sont chargés de veiller aux conditions de sécurité et d'hygiène du travail. Us exercent leurs fonctions en vertu de textes spéciaux et en collaboration avec les instances des syndicats, les inspecteurs et les inspecteurs sociaux du travail. L'un de ces organes est l'Inspection sanitaire d'Etat (fonctionnant en vertu du décret du 14 août 1954, Journal des Lois, n° 37, pos. 160, du règlement du Conseil des ministres, et d'un texte du ministre de la Santé). La loi du 30 mars 1965 sur les conditions de sécurité et d'hygiène du travail ne traite que des compétences de l'Inspection sanitaire d'Etat qui concernent l'exercice de la vigilance relativement à ces conditions et attribue à cette Inspection le droit de prendre des décisions en vue d'éliminer les infractions qui peuvent provoquer des maladies professionnelles, le droit de décider qu'il soit procédé à des examens médicaux préalables et périodiques et à des examens de contrôle, le droit d'ordonner la mutation des travailleurs menacés ou déjà atteints par des maladies professionnelles. Les organes de l'Inspection sanitaire d'Etat lorsqu'ils constatent des infractions peuvent décider la cessation des activités de l'établissement, cessation totale ou partielle. La loi du 31 janvier 1961 sur le contrôle technique (Journal des Lois, n° 5, pos. 31), prévoit un contrôle technique des chaudières à vapeur et à eau, des réservoirs de pression, des leviers, etc.

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Les bureaux du contrôle technique sont, avec les organes qui dépendent du ministre de l'Industrie minière et de l'Energie, les organes chargés de ce contrôle technique. VI.

SANCTIONS

Au nombre des sanctions les plus caractéristiques des mesures répressives infligées en cas d'infraction aux dispositions existant en matière de protection du travail, on compte les sanctions pénales-administratives et les sanctions réglementaires prévues par le règlement intérieur de travail de l'établissement. A) Les premières sont prononcées contre les personnes assumant des fonctions de direction (chefs d'établissements et personnes placées à la tête d'un groupe de travailleurs). La loi du 30 mars 1965 est parvenue à une réussite qui consiste dans l'uniformisation de toutes les sanctions pénalesadministratives infligées en cas d'infractions aux dispositions du droit du travail, qu'il s'agisse des dispositions existant en matière de conditions de sécurité et d'hygiène de travail ou de celles qui sont relatives au contrat de travail, aux congés, au travail des femmes, à l'apprentissage, à l'inspection sociale du travail, ou à l'organisation des conseils d'établissements. Les sanctions qui autrefois étaient très diverses sont aujourd'hui uniformisées. La loi de 1965 prévoit irne amende de 100 à 4 500 zlotys, ou une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois mois. Sont compétents pour décider en matière d'infractions aux dispositions du droit de travail : les inspecteurs du travail, les commissions de voïvodies des syndicats et les commissions d'appel près le C.R.Z.Z. (Bureau Central des Syndicats). L'inspecteur du travail peut infliger des amendes à concurrence d'un montant de 1 500 zlotys. La personne ainsi frappée peut faire appel de la condamnation devant la commission d'appel. Si l'inspecteur estime que la nocivité sociale de l'acte incriminé, la gravité de la faute de son auteur ou une circonstance importante de la cause commande une peine d'un montant supérieur à 1 500 zlotys, il soumet alors ladite cause à la commission pour qu'elle statue. Au cas où les circonstances de l'infraction rendent son auteur passible d'une peine de prison, la commission transmet la cause au tribunal d'Etat dans le ressort duquel l'infraction a été commise. L'inspecteur du travail peut soutenir l'accusation à la place ou aux côtés du procureur de l'Etat. L'inculpé, l'inspecteur du travail ou le procureur peuvent faire appel, devant la commission d'appel, de la décision rendue par la commission dans l'affaire qui lui a été déférée par l'inspecteur du travail. La commission d'appel peut alors soit confirmer la décision attaquée, soit l'annuler

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ACTUEL

et renvoyer l'affaire pour nouvel examen, soit, si les faits de la cause sont suffisamment éolaircis et qu'aucun supplément d'information ne soit nécessaire, substituer sa propre décision à la décision attaquée. Le contrôle de l'activité des commissions décisives est exercé par le C.R.Z.Z. Celui-ci peut, dans le cadre de ce contrôle, annuler leurs décisions pour défaut de base légale ou si elles sont injustes. Lorsque la décision attaquée est cassée, le C.R.Z.Z. peut soit annuler la cause, soit adoucir la peine, soit renvoyer l'affaire devant la juridiction ayant rendu cette décision pour qu'elle statue à nouveau, son personnel étant alors ahangé. L'inspecteur général du travail jouit de prérogatives semblables relativement au contrôle des décisions des inspecteurs du travail ; cependant, au cas où il annule une décision d'un inspecter du travail, cette décision même est déférée à la commission décisive dans le ressort de laquelle l'infraction a été commise. Les décisions des inspecteurs du travail, des commissions décisives ou d'appel peuvent être attaquées par le procureur pour violation de la loi devant l'inspecteur général du travail ou devant le C.R.Z.Z. La réussite de la loi du 30 mars 1965 a été d'avoir introduit les organes dont nous venons de parler dans les structures de la juridiction pénale-administrative. Les commissions décisives ont remplacé les administrations centrales des syndicats, qui fonctionnaient comme organes d'appel pour les décisions des inspecteurs du travail. Les nouvelles juridictions, c'est-à-dire les commissions décisives, ont également remplacé, dans le domaine du droit du travail, les tribunaux pénaux-administratifs près les présidiums des conseils populaires. Les commissions instituées par la loi du 30 mars 1965 ont une prépondérance de principe sur les tribunaux pénaux-administratifs, près des conseils populaires, car elles jouissent d'une compétence très large en tant que juridictions spécialisées pour les infractions aux dispositions du droit du travail. La pratique dira si les espérances mises dans cette organisation de conception nouvelle se réaliseront, et d'ans quelle mesure. B) Les sanctions réglementaires prévues par le règlement intérieur de travail de l'établissement pour les infractions aux dispositions sur les conditions de sécurité et d'hygiène du travail sont infligées par le chef d'étaiblissement ou par une personne autorisée par lui, contre les travailleurs qui ont violé les obligations découlant de ces règlements. La peine type que prévoient ces règlements est l'amende, conformément au décret du président de la République de Pologne du 16 mars 1928 sur le contrat dé travail des ouvriers. Les règlements intérieurs de travail, qui sont fondés sur les directives fournies par le Conseil des ministres en 1957, prévoient en

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outre des sanctions telles que l'exhortation, l'avertissement, l'abaissement du travailleur à un rang inférieur au sien, la résiliation du contrat de travail avec préavis et la résiliation sans préavis (directives contenues dans la résolution n° 327 du Conseil des ministres du 16 août 1957 sur le respect de l'ordre et de la discipline du travail, Monitor Polski, n° 70, pos. 432, et modifications ultérieures). On inflige à certaines catégories de travailleurs des sanctions disciplinaires en cas d'infraction de leur part aux dispositions sur la sécurité et l'hygiène du travail, aux travailleurs des chemins de fer par exemple. Les sanctions disciplinaires de même que les sanctions réglementaires ont pour conséquence de faire perdre au travailleur, pour tout ou partie, les droits qu'il a acquis. La différence résulte seulement de la nature juridique de ces sanctions. C) Les sanctions pénales. Ces sanctions sont prévues par le Code pénal de 1932 pour les infractions commises par les employés (par exemple par les personnes exerçant des fonctions de direction dans les établissements, écoles, etc., et responsables, de ce chef, du contrôle de l'observation des dispositions relatives à la santé et à la vie des travailleurs), pour les délits contre la vie et la santé, les délits ayant entraîné un danger général, et pour tous les délits au sens large. Les lois complémentaires promulguées par la République populaire de Pologne prévoient des sanctions pénales pour des délits contre les intérêts économiques de l'Etat (par exemple : le décret du 13 juin 1946 sur certaines infractions particulièrement dangereuses en (période de reconstruction du pays, Journal des Lois, n° 30, pos. 192, et modifications ultérieures). Le second groupe de sanctions en cas d'infractions aux dispositions relatives à la protection de la vie et de la santé des travailleurs est constitué par les sanctions indemnitaires. Le décret du 25 juin 1954 sur la provision des rentes des travailleurs et de leurs familles (texte uniforme de 1958 : Journal des Lois, n° 23, pos. 97) introduit des principes de responsabilité différents selon qu'il s'agit d'établissements socialisés ou non socialisés, pour les préjudices résultant pour les travailleurs et leur famille de maladies, d'incapacité de travail ou de décès. L'établissement socialisé n'est responsable de ces préjudices que lorsqu'ils sont la conséquence d'une inexécution de sa part des obligations qui découlent pour lui des dispositions relatives à la protection de la vie et de la santé des travailleurs, c'est-à-dire qu'il est responsable de ses fautes qualifiées (article 24 du décret). Quant à l'établissement non socialisé, il est pour sa part responsable de ces mêmes préjudices, tout d'abord conformément aux principes généraux du droit civil, c'est-à-dire de ses délits en général (responsabilité ex delicto) et ensuite selon le principe de la responsabilité

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pour risque s'il s'agit d'un établissement dont les installations et les machines sont mues par des forces naturelles (article 25 du décret). Si la personne victime d'un dommage a droit aux prestations prévues par le décret (prestations versées par l'Etablissement d'assurances sociales), elle ne peut recourir contre l'entreprise (l'établissement) par voie judiciaire que pour une indemnité d'un montant égal à la différence entre ce qui lui est dû en vertu des textes du droit civil et ce que l'Etablissement d'assurances sociales lui verse réellement. L'existence de principes de responsabilité civile différents pour les deux catégories d'établissements qui conduit à favoriser les travailleurs des établissements non socialisés a été critiquée en doctrine. La Cour suprême s'est prononcée, dans plusieurs arrêts, pour une interprétation extensive de l'article 24 du décret en constatant l'existence d'un délit de la part de l'établissement socialisé chaque fois qu'une infraction a été commise dans cet établissement par un travailleur quelconque, infraction non seulement aux dispositions spéciales sur les conditions de sécurité et d'hygiène du travail mais encore aux principes tirés de l'expérience en matière de protection du travail. L'interprétation de la Cour suprême, qui est suivie par la plupart des tribunaux, efface en pratique toute différence entre les principes de responsabilité applicables aux établissements socialisés et non socialisés. La loi du 30 mars 1965 a mis les points sur les i en obligeant chaque établissement à assurer à ses travailleurs des conditions de sécurité et d'hygiène de travail exclusives de tout risque pour leur vie ou leur santé. Cette loi, sans déroger aux dispositions du décret du 25 juin 1954, a généralisé le principe de responsabilité pour risque des établissements, ce qui est d'une grande importance sociale. Ce n'est pas ici le lieu de décrire les dispositions concernant la garantie sociale qui assure aux travailleurs une aide médicale gratuite, des subsides, des rentes et autres prestations de l'Etat, fournies par l'Etablissement d'assurances sociales. Cet Etablissement est une institution d'Etat, qui fonctionne sur des fonds provenus du budget de l'Etat, le Trésor de l'Etat garantissant le paiement intégral des sommes dues par l'Etablissement, sans considération du fait que les cotisations versées par les établissements au Trésor couvrent les besoins des assurés ou ne les couvrent pas. Il convient d'ajouter que certaines conventions collectives de travail prévoient des prestations supplémentaires aux travailleurs victimes de dommages.

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TUTELLE

Lorsque les parents de l'enfant sont tous deux privés de leur puissance paternelle, morts ou inconnus, on organise une tutelle de l'enfant mineur (article 94, paragraphe 3). Le tuteur est désigné par le tribunal et il exerce la tutelle sous le contrôle de celui-ci (articles 145-146 et 165). Le ohoix du tribunal est essentiellement dicté par l'intérêt de l'enfant, et il ne dépend donc ni de la volonté des parents ni d'un quelconque lien de parenté (article 149). Une nouveauté du Code résulte de la possibilité de désigner comme tuteur non seulement des personnes physiques mais encore des institutions d'éducation ou autres et des organisations sociales (article 150). En revanche, le législateur polonais n'a pas prévu l'institution d' « un subrogé tuteur » ou d'un conseil de famille, estimant que leurs fonctions consistent plus à veiller aux intérêts matériels des héritiers potentiels du mineur qu'aux intérêts propres de celui-ci. Le tuteur assume des fonctions semblables à celles des parents dans l'exercice de leur puissance paternelle (articles 155 et 159). Cependant à cet égard les droits du tuteur sont limités au profit du tribunal qui

APERÇU DU CODE DE FAMILLE ET DE TUTELLE POLONAIS DE 1964

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exerce un contrôle permanent de sa tutelle, s'informant de l'activité du tuteur, lui donnant des conseils et des ordres, pouvant lui réclamer des explications (article 165) et examinant les comptes rendus qu'il doit lui adresser périodiquement (articles 166 et 167). Le tuteur doit remplir ses fonctions dans l'intérêt du pupille et dans l'intérêt social (article 154). La tutelle est une charge en principe obligatoire et gratuite (article 154). Néanmoins, si l'administration du patrimoine du mineur impose au tuteur un travail important, le tribunal peut lui allouer une rémunération convenable (article 162). Une tutelle est également instituée pour les aliénés interdits (article 13, paragraphe 2 du Code civil). On applique à cette tutelle, avec quelques modifications de détail, les mêmes règles qu'en matière de tutelle des mineurs (article 75).

Les modifications apportées au droit international privé polonais par la loi du 12 novembre 1965 WITALIS LUDWICZAK

Il existe peu d'Etats qui possèdent une codification spéciale de leur droit international privé, consacrée exclusivement aux règles de conflit de lois. La Pologne est de ceux-là, qui réalisa une semblable codification en 1926. Elle n'a donc pas adopté le système fréquemment en vigueur dans d'autres pays, système qui consiste en une insertion des règles de conflit de lois dans le Code civil, soit dans les dispositions introductives de ce Code, soit de façon dispersée dans divers textes relatifs à la solution de ces conflits.

Si le législateur polonais se décida à opter pour une telle solution, ce fut pour des raisons tenant à la situation politique dans laquelle la Pologne se trouvait en 1918 : au moment où la Pologne recouvra son indépendance, .après une longue période de domination par les trois puissances étrangères qui se l'étaient partagée, cinq systèmes de droit civil différents étaient en vigueur, qui avaient chacun leurs propres règles de conflit de lois 1 . Ces règles avaient une double fonction : d'une part, on les appli1. Les règles étaient différentes selon les régions : dans les régions centrales elles résultaient des art. 3, 84 et 121 du Code civil du Royaume polonais, de l'art. 999 du Code civil français, du décret du roi Saxon du 27 janvier 1808, des décrets du duché de Varsovie du 10 octobre 1809, du 9 juin 1810 et du 16 janvier 1811 ; dans les régions occidentales étaient en vigueur les art. 7-31 des dispositions introductives au Code civil allemand ; dans les régions du Midi de la Pologne, les § 4, 33-38, 300 du Code civil autrichien et les lettres patentes impériales du 1 " juin 1811 et du 23 mars 1852 ; dans les régions de l'Est, les art. 1287-1295 du t. X du Code russe.

sb

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quait suivant leur caractère propre, c'est-à-dire en tant que règles donnant la solution du conflit entre la loi polonaise et une loi étrangère. Il en résultait des difficultés tenant à ce que la solution du conflit et l'application de telle ou telle loi dépendaient de la région où l'action était intentée. Un tel état de choses était indésirable car il soulevait à l'étranger une méfiance à l'égard du droit positif polonais et par conséquent à l'égard de l'administration même de la justice en Pologne. D'autre part, les règles de conflit des cinq systèmes de droit civil avaient un second rôle. On les appliquait pour résoudre les conflits qui pouvaient résulter, sur le plan interne, de la collision de deux ou plusieurs des systèmes de droit civil coexistant alors en Pologne. La question de l'application du droit de l'une ou l'autre des régions de la Pologne se posait régulièrement aux tribunaux. Les règles de conflit entre les cinq systèmes juridiques en vigueur aiprès le partage avaient donc aussi une fonction de droit interprovincial privé. Et, à cet égard, elles étaient encore plus décevantes ; l'absence dans le droit polonais d'une idée directrice unique se faisait nettement sentir, en particulier en matière de droit du mariage. Il apparut nécessaire de mettre de l'ordre dans le chaos juridique qui régnait sur le territoire de l'Etat polonais restauré. Ce fut là une des tâches primordiales dé la Diète lors de sa première session, qui désigna le 3 juin 1919 une Commission de codification à laquelle elle confia la mission d'unifier le droit civil. La Commission de codification, qui était composée des savants et des praticiens les plus éminents, comprit que l'unification du droit civil serait une œuvre de longue haleine. En attendant, seule une application d'un système uniforme de règles de conflit pourrait remédier à l'état de choses existant 2 . La Commission de codification, entreprenant avec enthousiasme l'élaboration des règles de solution des conflits internes, comprit la nécessité de les harmoniser avec les règles de solution des conflits internationaux et •mit au point des principes analogues pour les solutions dès règles de conflit entre ordres juridiques de divers pays 3 . C'est ainsi que naquirent les deux lois promulguées le 2 août 1926, dont l'une était relative au 2. F. ZOLL, Miedzynarodotoe prawo prywatnew zarysie (Equisse du droit international privé), Cracovie, 1947, p. 16. Zoll écrit : « Le chaos fut si grand dans la question de l'application de la loi que les tribunaux appuyaient leurs décisions sur les projets de ces textes bien avant l'entrée en vigueur des lois de 1926. » 3. On peut trouver les détails sur ces problèmes dans W. DBAJLOWSKI, J. PRZEWORSKI, Ustawy o pratvie miçdzynarodowym i miçdzydielnicowym prywatnym (Lois sur le droit international et interprovincial privé), Varsovie, 1928, 140 p. La section du droit civil de la Commission de codification a accepté cette décision à la session de programme, le 14 novembre 1919.

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domaine propre des rapports privés internes (droit interprovincial privé), l'autre au domaine propre des rapports privés internationaux (droit international privé). La première de ces lois devint caduque avec l'unification de droit civil, réalisée par la Pologne populaire 4 . La Commission de codification s'inspira des modes contemporains de règlement juridique des problèmes de conflit dans d'autres pays. Elle utilisa largement diverses sources, notamment le projet de loi autrichien en matière de droit international privé de 1913 et les dispositions introductives au Code civil allemand 5 . Bien dès matériaux furent puisés dans les travaux des sociétés scientifiques et en particulier dans ceux de l'Institut de droit international. On ne manqua pas d'étudier la doctrine et la jurisprudence étrangères en matière de droit international privé. Dans le domaine du droit de la famille, on tint compte des décisions contenues dans les conventions de La Haye. La Commission prévoyait d'ailleurs l'adhésion de la Pologne à ces conventions, qui eut lieu en effet en 1929 6 . La loi polonaise ne manque toutefois pas d'idées originales. C'est ainsi qu'a été créé cet ensemble de règles de droit international privé, qui a la nature d'une codification parfaitement autonome. La loi sur le droit international privé est une œuvre originale qui diffère des systèmes contemporains de règlements de conflit. La codification polonaise ne s'est pas faite sur le fond d'une lente évolution interne à partir d'un droit coutumier antérieurement en vigueur. Tout en s'inspirant des modèles étrangers, en profitant des doctrines et jurisprudences étrangères, on évita cependant une imitation pure et simple. Une idée créatrice donna à la loi son aspect fondamental, par excellence original : d'une part, on constate que des questions particulières sont imprégnées des influences étrangères, mais d'autre part se révèle notre conception originale, et cela spécialement dans le domaine des obligations contractuelles. Les vastes études comparatives de la législation, de la doctrine et de la jurisprudence étrangères donnèrent naissance à une féconde pensée créatrice 7 . 4. La première étape de l'unification dura jusqu'au 31 décembre 1946. Dès le 1 er janvier 1947 le droit civil polonais unifié fut seul en vigueur. Ainsi, les dispositions de la loi de droit interprovincial privé ont-elles perdu en pratique leur importance, à l'exclusion pourtant des questions soumises à l'ancienne loi en vertu des dispositions transitoires. 5. F. Zoll, rapporteur principal du projet de lois sur le droit international et interprovincial privé, et E. Till, autre membre de la Commission de codification, ont pris une part active à l'élaboration du projet autrichien de 1913 (Referentenentwurf).

6. J. SutKOWSKi, « Principes du droit international privé d'après la doctrine et la pratique en Pologne », dans Recueil des cours, t. 41, 1932, p. 613. 7 . K . PRZYBYI.OWSKI, Prawo miçdzynarodowe I.vov, 1935, partie générale, p. 62-63.

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(Droit international

privé),

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Les deux lois, et notamment la loi de droit international privé, firent l'objet d'une appréciation positive de la part de la doctrine mondiale 8 . Pourquoi donc se décid'a-t-on à y apporter des modifications ? Les motifs qui ont décidé le législateur polonais à introduire ces modifications sont de deux sortes : d'une part certaines dispositions ne résistèrent pas à l'épreuve, d'autre part certaines devinrent peu à peu anachroniques. Parmi les dispositions qui ne résistèrent pas à l'épreuve, il faut tout d'abord mentionner l'article 36 relatif au renvoi. Cet article en limitait la possibilité au seul renvoi à la loi étrangère désignée comme compétente par la loi nationale. Voici la formule de la nouvelle disposition relative au renvoi : « La loi polonaise est applicable lorsque la loi étrangère désignée comme compétente par la présente loi soumet un rapport juridique donné à la loi polonaise. Une autre loi est applicable lorsque la loi étrangère nationale désignée comme compétente par la présente loi soumet un rapport juridique à cette autre loi » (article 4). Donc le renvoi n'est limité aux seuls cas indiqués par la loi étrangère nationale que s'il s'agit d'un renvoi au second degré ; il n'y a pas de restriction au renvoi au premier degré. Une restriction dans l'hypothèse de renvoi au second degré mérite cependant d'attirer l'attention : le renvoi n'est pas possible alors au-delà du troisième ordre juridique. On n'a pas introduit, dans la nouvelle loi, de dispositions réglant d'une manière fragmentaire la détermination de la juridiction compétente. Autrefois les questions de détermination des compétences législatives et juridictionnelles étaient résolues simultanément, la juridiction compétente étant celle du pays dont la loi était désignée comme devant s'appliquer. Etaient ainsi résolues les questions de déclaration d'absence (article 4, paragraphe 1), de divorce (article 17, paragraphe 1) et de tutelle (article 24), soumises à la compétence tant législative que juridictionnelle de la loi nationale. Une telle solution avait été dictée par les nécessités du moment : lors de la rédaction de la loi de droit international privé, la Pologne ne possédait pas encore un Code unique de procédure civile et il y avait autant de codes de procédure qu'il v avait de systèmes de droit. Aussi était-il plus simple d'introduire dans la loi de droit international privé des dispositions relatives à la détermination de la juridiction compétente que d'apporter des modifications aux divers systèmes de procédure civile. Le Code unifié de procédure civile, promulgué en 1934, ne comportait rien quant au règlement dans le détail des problèmes de détermi8. K. Pizybylowski écrit à propos des lois sur le droit international privé : « Les lois de 1926 ont mérité dans la littérature juridique une appréciation positive. »

LES MODIFICATIONS APPORTEES AU DROIT INTERNATIONAL

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nation de la juridiction. Ces questions ne furent réglées que par l'amendement de 1962. Le nouveau Code de procédure civile du 17 novembre 1964 règle enfin de façon définitive ces questions, consacrant un troisième livre à la procédure internationale civile. Le problème de désignation dlu juge compétent est traité de façon complète dans la première partie de ce livre I I I (articles 1097-1116). Et c'est ainsi que des dispositions en ce domaine seraient superflues dans la nouvelle loi. Parmi les dispositions qui au cours du temps sont devenues anachroniques, se trouvent notamment celles qui attribuent, dans le cadre des rapports familiaux, une situation privilégiée audit « chef de famille » ; c'est-à-dire au mari par rapport à sa femme, au père par rapport à ses enfants. C'est ainsi que l'article 15 soumettait les questions de conventions matrimoniales et de donations entre époux ou fiancés à la loi nationale de l'Etat dont le mari ou le fiancé avaient la nationalité à l'époque de la conclusion du contrat ou de la convention. Fait également partie de ces dispositions anachroniques celle relative à la filiation légitime, soumise à la loi nationale du mari de la mère de l'enfant à l'époque de la naissance de celui-ci (article 18, paragraphe 1). La tendance du droit moderne de la famille et notamment du droit des pays socialistes est visiblement de supprimer ou de diminuer la dépendance juridique de certains membres d'une famille envers les autres 9 . Il est évident que, dans un tel contexte, les dispositions relatives à la supériorité de la situation juridique du mari ou du père sont devenues anachroniques.

9. Il faut mentionner surtout les lois des pays socialistes, telles : la loi bulgare sur les personnes et la famille, du 9 septembre 1949 ; la loi tchécoslovaque sur le mariage, du 1 " avril 1964 ; le Code polonais de la famille et de la tutelle, du 25 février 1964 ; le Code de la famille de la République démocratique allemande, du 20 décembre 1965 ; le Code roumain de la famille, du 1 " février 1954 ; la loi hongroise de 1952 et le Code du mariage, de la famille et de la tutelle de l'U.R.S.S., du 19 novembre 1926. Il faut mentionner en outre la loi de la République fédérale allemande du 18 juin 1957 sur l'égalité de la femme et de l'homme dans le domaine du droit civil (Gleichberechtigungsgesetz) ; la loi hollandaise du 14 juin 1956 qui a liquidé l'incapacité de la femme mariée ; The Law Reform (busband and wife), loi de 1962, et The Married Women's Property, loi de 1964, en vigueur en Angleterre et en Ecosse; la loi sur la capacité juridique de la femme mariée du 14 février 1964, adoptée dans la province canadienne de Québec ; l'amendement finlandais du 12 mars 1964 à la loi du 13 juin 1929 sur le mariage (art. 40a)< Dans les autres pays, on prépare des projets visant à niveler les inégalités juridiques dans la famille. On peut citer par exemple le projet israélien de Code de la famille et l'existenc d'une commission danoise convoquée en 1957 par le ministre de la Justice et chargée d'introduire des modifications dans le droit de la famille.

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Sont également devenues inadmissibles toutes les dispositions se référant à la nationaHté commune des époux depuis la conclusion du mariage. Durant les quarante-cinq dernières années, dans un très grand nombre de pays, et peut-être même dans la majorité d'entre eux, sont entrées en vigueur, en matière de nationalité, des dispositions destinées, dans une plus ou moins large mesure, à permettre à la femme qui épouse un étranger de conserver la nationalité qui était antérieurement la sienne ; c'est pour cette raison que les dispositions relatives à l'application de la nouvelle nationalité commune des époux abondent en lacunes. Il fut de même impossible de conserver les dispositions en vigueur dans le domaine des relations personnelles et patrimoniales des époux (article 14, paragraphe 1) et dans celui du divorce (article 17, paragraphe 1), car elles faisaient application, au cas où les époux avaient eu à l'origine des nationalités différentes, de la loi du pays dont tous deux désormais avaient la nationalité. Les constructions mentionnées ci-dessus reprenaient les dispositions des conventions de La Haye sur les effets produits par le mariage sur les droits et les obligations des époux, sur le divorce et la séparation de corps. La Commission de codification avait achevé ses travaux sur le projet dé la nouvelle loi, dès 1921, époque où le courant novateur venait à peine dé naître, et elle avait donc été dans l'impossibilité de tenir compte des tendances nouvelles 1 0 . La nouvelle loi du 12 novembre 1965 conserve le principe d'application de la loi nationale commune des époux en ce qui concerne leurs rapports et en matière de divorce. Mais, lorsque les époux n'ont pas la même nationalité, on applique la loi de leur domicile, et s'ils ont des domiciles différents on applique la loi polonaise (articles 17 et 18). Les solutions admises par la nouvelle loi dans les questions de rapports entre parents et enfants sont simples grâce au choix, comme critère de rattachement, en ce qui concerne ces rapports, de la loi nationale de l'enfant (article 19, paragraphe 1), et cela sans faire de différence selon que l'enfant est légitime ou naturel. Cette solution permet d'éviter toute difficulté sur ce point lorsque les parents et l'enfant n'ont pas la même nationalité. La loi du 12 novembre 1965 comporte 39 articles, répartis en chapitres, où il est traité : de dispositions générales, des personnes, de la forme des 10. La Commission de codification a achevé ses travaux sur le projet de loi sur le droit international privé le 7 décembre 1920. Il n'existait alors que deux lois dans le monde, permettant à la femme épousant un étranger de conserver sa nationalité : le Code soviétique de la famille de 1918 (art. 103) et la loi finlandaise du 20 février 1920 (art. 2). Les autres dispositions sur la même question sont postérieures.

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actes juridiques, de la prescription des créances, du mariage, de la parenté, de la tutelle et de la curatelle, de la propriété et des autres droits réels, des obligations, dès relations de travail, des successions. La loi insiste spécialement sur les obligations en leur consacrant sept longs articles. Le nouveau droit international privé polonais n'a pas abrogé l'ancien principe général qui adoptait largement le critère du rattachement à la loi nationale. On adopte ce critère dans les questions de droit des personnes, telles les questions de capacité dé jouissance et d'exercice des personnes physiques (article 9, paragraphe l ) 1 1 , de déclaration d'absence et de constatation de décès (article 11, paragraphe 1), de capacité juridique de contracter valablement mariage (article 14), de relations personnelles et patrimoniales entre époux (article 17), de divorce (article 18), de rapports juridiques entre parents et enfants, d'établissement et de désaveu de paternité et de maternité (article 19). Sont encore soumises à la loi nationale les questions relatives aux créances d'aliments (articles 20 et 21), les questions d'adoption (article 22), de tutelle et de curatelle (article 23), de succession, de testament et autres actes juridiques à cause de mort (articles 34 et 35). Le domicile joue un rôle secondaire en matière de droit des personnes. Il constitue le critère de rattachement dans les questions relatives à la capacité des personnes dont la nationalité est difficile à déterminer et des apatrides (article 3). C'est de même le domicile qui constitue le critère de rattachement lorsqu'il est impossible de faire jouer, comme le voudrait la loi, celui de la nationalité commune (rapports entre époux, divorce), les parties n'ayant pas la même nationalité. On admet encore le domicile comme critère de rattachement d'ans les questions de droit des obligations, si celles-ci sont localisées sur le territoire même où les parties ont leur domicile et si les parties n'ont pas fait élection d'une autre loi (articles 26 et 27, paragraphe 1). Le dbmicile joue de la même façon comme critère de rattachement dans le domaine des relations de travail (article 33). Les questions de droit réel et de possession sont soumises à la loi du lieu de situation des biens, sans distinguer selon qu'ils sont meuibles ou immeubles (article 24) ; aucune modification n'a été introduite ici. En ce qui concerne la forme des actes juridiques, l'ancienne formule a été maintenue, qui adopte le principe de l'appréciation de la validité de la forme selon la ex causas, tout en considérant comme suffisant le respect des formes exigées par la loi du pays où l'acte a été passé (article 12) 12 . 11. La capacité de la personne morale est soumise à la loi du pays où elle a son siège (art. 9, § 2). 12. La formule de la disposition de la nouvelle loi est plus précise que l'ancienne.

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La réglementation introduite dans la nouvelle loi en matière d'obligations contractuelles mérite de faire l'objet d'une attention particulière. On a déjà dit que sept longs articles y étaient consacrés. Le système élaboré en ce domaine par la loi de 1926, qui avait été universellement lacolaimé, épuisait les questions ^ ; c'était une création originale des auteurs de la loi. Tout d'abord, sous l'ancienne législation, les parties pouvaient élire librement le système juridique auquel elles avaient l'intention de soumettre leur contrat. Mais elles .pouvaient choisir seulement entre leur loi nationale, la loi de leur domicile, la loi du lieu de conclusion du contrat, la loi du lieu de son exécution, et la loi du lieu de situation des biens (article 7). Cette dernière règle fut critiquée par la doctrine tant polonaise qu'étrangère, qui lui reprochait d'avoir trop strictement limité l'éventail du choix 14 . La loi du 12 novembre 1965 n'est pas complètement revenue sur cette limitation. Mais, adoptant comme fondement le principe de l'autonomie de la volonté des parties, la loi limite cependant leur liberté de choix aux systèmes juridiques avec lesquels le contrat a un rapport (article 26, paragraphe l ) 1 5 . Elle reprend ainsi une des formules les plus répandues dans les systèmes de droit international contemporain qui adoptent le principe de l'autonomie de la volonté des parties. On utilise aujourd'hui soit la formule qui est la nôtre, soit la formule du choix absolument libre. Pour moi, il n'y a pas de différences essentielles entre ces deux constructions : la formule « en rapport avec le contrat » est d'une généralité telle qu'elle alboutit en principe aux mêmes résultats pratiques que l'autre. La liberté totale du choix n'est pas en effet destinée à permettre l'élection de façon arbitraire d'une loi qui serait si éloignée du rapport juridique 13. On trouve des remarques sur la loi du 2 août 1926 presque dans chaque manuel, sans parler des systèmes de droit international privé en général. Parmi les opinions positives, il faut citer celles de E. RABEL, The Conflict of Latvs, Chicago, 1945, t. I, p. 27 ; de L.A. LUNC, Miçdzynarodowe prauo prywatne {Le droit international privé), Varsovie, 1951, p. 48, de M. WOLFF, Private International Latv, Oxford, 1945, p. 43. 14. J. SKAPSKI, Autonomia woli w prawie miçdzynardowytn prywatnym w zakresie zobowiqzan z umóto (L'autonomie de la volonté dans le droit international privé en matière d'obligations contractuelles), Cracovie, 1965, p. 169. 15. Le problème du choix de la loi compétente est traité, en outre, dans la loi polonaise, par l'art. 11, § 1, du Code maritime : « Les parties peuvent indiquer dans le contrat la loi applicable à leur rapport juridique lié à la navigation maritime », par l'art. 31, alinéa 1, du Règlement de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce international entré en vigueur le 1 er juillet 1959. En voici le texte : « La Cour applique la loi qui est en contact le plus étroit avec la question, en tenant compte de la volonté des parties. »

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concret que son application à ce rapport aboutirait à des conséquences absurdes ou permettrait une fraude à la loi. Il me semble que l'exigence d'un rapport entre la loi choisie et le contrat implique, pour le tribunal ou pour tout autre organe doté d'une compétence juridictionnelle, l'existence d'un droit et d'un devoir de contrôle du choix opéré par les parties, contrôle qui tendrait à reahercher si le choix opéré n'entraîne pas une atteinte à la logique même du rapport ou s'il a pour but une fraude à la loi, etc. Selon moi, un contrôle semblable devrait être prévu de même, lorsqu'on adopte le système de l'autonomie sans limite de la volonté des parties. Les règles détaillées de la loi du 2 août 1926 sur les obligations contractuelles apportaient également des solutions pour les cas où les parties n'avaient pas soumis leur contrat à une loi déterminée. Le législateur polonais, dans l'article 8, avait décidé, sur le modèle des règles dites « florentines » 1 6 , et pour certains contrats, quelle serait la loi applicable à défaut d'élection d'une loi déterminée par les parties elles-mêmes. Voici quelles étaient les lois applicables à ces contrats : 1° aux contrats passés en bourse ou sur un marché public, la loi qui y est en vigueur ; 2° aux contrats concernant des immeubles, la loi du lieu de leur situation ; 3° aux contrats de vente au détail, la loi du lieu de l'établissement du vendeur ; 4° aux contrats de louage de service et d'entreprise des travaux publics, de construction ou de .fourniture pour l'Etat, la loi du lieu où l'autorité intéressée à son siège, et aux contrats de même nature conclus avec d'autres collectivités publiques, la loi du lieu où elles ont leur siège ; 5° aux contrats d'assurance, la loi du lieu où l'établissement assureur a son siège, aux contrats passés avec le représentant domicilié en Pologne d'un établissement étranger, la loi polonaise ; 6° aux contrats conclus avec des avocats, notaires ou personnes exerçant une activité professionnelle, la loi du lieu où ces personnes exercent en .permanence leur activité ; 16. Ce sont les principes fondés sur les résolutions de l'Institut de droit international à propos de la loi sur les obligations. Ces lois ont été adoptées à la conférence de Florence en 1908 et c'est de là que vient cette appellation.

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7° aux contrats de travail conclus entre des ouvriers ou employés et des chefs d'établissements commerciaux, industriels ou miniers, la loi du lieu où le travail doit être effectué. La précision du législateur allait encore plus loin, car il apportait des solutions pour les cas enfin où les parties n'auraient pas fait élection d'une loi et où les règles florentines ne fourniraient aucune réponse. Il décidait qu'était alors applicable la loi du lieu du domicile commun des parties lors de la conclusion du contrat. Si les parties avaient à ce moment leur domicile dans des pays différents, était alors applicable : aux obligations unilatérales la loi de domicile du débiteur, aux obligations bilatérales la loi du lieu où le contrat avait été conclu. Les auteurs de la nouvelle loi, s'inspirant des constructions détaillées de la loi de 1926, ont tenu compte des résultats de l'application pratique de cette loi au cours d'une période de près de quarante ans. Ils ont également eu égard1 aux courants nouveaux apparus dans la doctrine et la jurisprudence et particulièrement à la pratique de l'arbitrage commercial international. Voici les solutions apportées par la loi à défaut de choix par les parties elles-mêmes. Tout d'abord, si les parties sont domiciliées ou ont leur siège social sur le territoire d'un même Etat, on applique la loi de cet Etat (article 26) ; si les parties sont domiciliées ou ont leur siège social dans des Etats différents, on applique : 1° au contrat de vente de biens mobiliers et au contrat de livraison, la loi de l'Etat sur le territoire duquel le vendeur ou le livreur avait son domicile au moment de la conclusion du contrat ; 2° aux contrats de louage, de mandat, d'agence, de commission, de transport, de commission de transport, de dépôt, d'entrepôt, la loi de l'Etat sur le territoire duquel le locataire, le mandataire, l'agent, le commissionnaire, le transporteur, le commissionnaire de transport, le dépositaire ou l'entrepreneur avaient leur domicile lors de la conclusion du contrat ; 3° aux contrats d'assurance, la loi de l'Etat sur le territoire duquel est domicilié l'assureur ; 4° aux contrats de cession de droit d'auteurs, la loi de l'Etat sur le territoire duquel est domicilié l'éditeur (article 27, paragraphe 1). Le deuxième alinéa de cette énumération casuistique nous permet d'en déduire un principe général. On y mentionne les contrats de louage d'ouvrage, de mandat, d'agence, de transport, de commission, de commission de transport, de dépôt et d'entrepôt ; tous ces contrats ont entre eux un trait commun : l'obligation qu'ils comportent consiste en une près-

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tation de service 17 . Selon le texte que nous venons d'étudier, est applicable la loi de l'Etat sur le territoire duquel la partie qui s'oblige à prêter le service a son domicile ou son siège. Aux termes des alinéas 1 et 3, est applicable la loi de l'Etat sur le territoire duquel celle des parties dont l'obligation ressemble à une prestation de service a son domicile ou son siège (le vendeur, le livreur, l'assureur). La fourniture d'une prestation est le dénominateur commun en la matière et il apparaît déjà comme tel dans les « règles florentines ». On peut facilement se référer à la formule générale du savant suisse Schnitzer, laquelle, à défaut d'une manifestation de volonté par les parties, applique la loi en relation avec la prestation caractéristique 18 . Le législateur a dégagé dans la nouvelle construction, à partir des solutions positives des règles florentines, un principe général qu'on déduit de rémunération des diverses questions et du rattachement, à l'aide d'un critère concret pour chacune d'elles, au système juridique convenable. La formule de l'article 27, paragraphe 1, reflète également l'influence de l'opinion de Schnitzer. On a cependant renoncé à reprendre purement et simplement le principe général que le savant avait énoncé, au profit d'une casuistique raisonnable ; ce renoncement à adopter une disposition d'une trop grande généralité est justifié. Le même principe du critère de la prestation caractéristique a orienté la disposition aux termes de laquelle la loi du siège de la bourse ou du marché public est applicable aux contrats qui y sont conclus (article 2 8 ) 1 9 . La loi apporte encore une solution aux cas non prévus par les articles 27 et 28, en déclarant qu'y est applicable la loi de l'Etat sur le territoire duquel ils ont été conclus (article 29). Cette solution n'est pas nouvelle ; elle n'est pas non plus satisfaisante ; mais elle semble être la seule possible à défaut d'une solution' meilleure. Il convient de remarquer que cette disposition contribue à éclairer le sens de l'énumération opérée dans 17. La conception d'un contrat dont le sujet opère une prestation de services est, comme conception générale, assez universelle. Elle comprend les contrats de prestations de n'importe quelle activité humaine, donc : les contrats de travail, de louage d'ouvrage, de mandat, d'entreprise, d'agence, de dépôt, d'ordre de bourse, d'entrepôt, etc. 18. A. SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrecbts, Bâle, 1958, t. II, p. 639 et passirn. J. JAKUBOWSKI, dans son article intitulé « Zobowi^zania z umôw w projekcie nowej ustawy o prawie miçdzynarodowym prywatnym » (« Les obligations contractuelles dans le projet de la nouvelle loi sur le droit international privé »), souligne le lien entre les constructions du projet de la loi de novembre 1965 dans le domaine des obligations et la théorie de Schnitzer ; l'article a été publié dans VaAstwo i Pratvo (L'Etat et le Droit), n° 3, 1962, p. 452. 19. J. JAKUBOWSKI, op. cit., critique la soumission des contrats conclus dans les marchés publics à la loi du lieu des marchés, car « ... ne sont en vigueur dans les marchés que des règlements d'ordre administratif qui n'exercent aucune influence sur le caractère civil et commercial des transactions y conclues ».

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l'article 27, paragraphe 1, et dans l'article 28. On doit reconnaître que toute incertitude sur le suijet a désormais disparu. Le législateur décide encore d'appliquer la loi de l'Etat sur le territoire duquel le contrat a été conclu, lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile ou le siège social de la partie débitrice dé la « prestation caractéristique » (article 27, paragraphe 2). L'article 27, paragraphe 3, met en relief la différence qui existe entre le siège de la personne morale et le siège de l'entreprise en décidant qu'est applicable, dans le cas où le contrat a été conclu dans le cadre de l'entreprise, la loi de l'Etat sur le territoire duquel cette entreprise se trouve 20 . Les principes étudiés ci-dessus, relatifs à la matière des contrats s'appliquent parfaitement aux actes juridiques unilatéraux (article 30). Les dispositions relatives aux contrats ne s'appliquent pas aux contrats portant sur dés immeubles. Ceci joue tant en ce qui concerne les actes de dispositions des droits réels sur les immeubles que les actes d'administration dont ils font l'objet, tel le contrat de bail. Dans tous ces cas, à défaut de manifestation de leur volonté par les parties, k loi applicable est celle de l'Etat sur le territoire duquel les immeubles sont situés (article 25, paragraphe 2, et article 26). Une particularité de la loi du 12 novembre 1965 réside dans le règlement séparé dont font l'objet les relations de travail, conformément d'ailleurs au caractère autonome de cette branche du droit. En cette matière, les solutions adoptées correspondent en principe à celles qui ont été dégagées à propos des contrats en général. Il faut noter d'abord le principe du choix d'une loi en relation avec le rapport de travail lui-même (article 33). A défaut de choix, le rapport de travail est soumis à la loi de l'Etat où les deux parties avaient leur domicile lorsque le rapport a été créé. On se réfère non plus seulement au domicile ou au siège social mais au siège de l'entreprise, lorsque le travail devait être effectué dans cette entreprise. Au cas où les parties sont domiciliées sur dès territoires différents, est applicable la loi de l'Etat sur le territoire duquel le travail devait être effectué (article 33). 20. Selon la loi, la différence est faite dans trois séries de cas : 1° problème de la capacité des personnes morales ou physiques pour accomplir des actes liés à la gestion d'une entreprise ; 2° conclusion d'obligations contractuelles dans le cadre de la gestion d'une entreprise ; 3° question des contrats de travail conclus dans le cadre de l'entreprise. Cette différence est d'une importance pratique considérable pour les cas, fréquents, où le propriétaire (personne physique ou morale) a son domicile ou son siège dans un autre Etat que celui où se trouve l'entreprise qu'il dirige.

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La nouvelle loi de droit international privé ne contient, ainsi que la précédente, que des dispositions de droit privé commun 21 . Ceci signifie qu'elle englobe l'ensemble du droit civil au sens large du terme, c'est-à-dire droit commercial et droit économique y compris. La question des conflits se posant en dehors de ce domaine est réglée dans des actes juridiques distincts dont les plus importants sont la loi sur la lettre de change et le billet à ordre, la loi sur le chèque (toutes deux du 28 avril 1936), la loi sur le travail à bord des navires de commerce polonais (loi du 28 avril 1953), la loi sur les actes de l'état civil (loi du 8 juin 1955), le Codé maritime (loi du 1 " décembre 1961), le droit aérien (loi du 31 mars 1962).

21. K. PRZYBYLOWSKI, « Kodyficacyjne zagadnienia polskiego prawa miçdzynarodowego prywatnego » (« Les problèmes de codification du droit international privé polonais »), dans Studia Cywilistyczne {Etudes civiles), t. V, Cracovie, 1965, p. 5. A la p. 4-5, l'auteur présente l'histoire de la genèse de la nouvelle loi sur le droit international privé. K. Przybylowski, rapporteur général du projet, écrit : « Le ministère de la Justice s'est décidé en 1951 à aborder les travaux de codification dans le domaine du droit international privé. A la demande du ministère, j'ai élaboré, à cette époque, un projet modifié plus tard dans certaines directions par le ministère, sous l'influence des remarques faites dans les années qui suivirent (spécialement par le ministère des Affaires étrangères et par le ministère du Commerce international). C'est ainsi qu'on a abouti à la nouvelle rédaction du projet. Après la convocation en 1956 de la Commission de codification, la section du droit international privé commença ses travaux et décida à sa première session (16 décembre 1956), conformément à ma demande, de prendre pour base des débats le projet de 1954 mentionné ci-dessus, de prendre également en considération le projet élémentaire de 1951 remis avec l'exposé des motifs aux membres de ladite Section. A la suite des travaux des années 1956-1961, on a voté en première lecture le projet publié, en novembre 1961, et soumis à la discussion publique. Les remarques critiques présentées dans les colonnes des revues juridiques ainsi que dans un texte du ministère des Affaires étrangères du 25 avril 1962 ont été examinées par la Section de la Commission à la session du 11 au 12 janvier 1964 où fut voté le projet en deuxième et en troisième lectures. Il fut admis, après introduction de certaines modifications, par le presidium de la Commission de codification les 15 et 26 juin 1963. » Faisaient partie de la section de droit international privé de la Commission de codification : M. C. Berezowski (président), MM. M. Lachs, M. Lisiewski, K. Przybylowski (rapporteur), S. Szer, A. Wolter. Ont participé aux débats de la section : M. H . Trammer et, à la dernière session en janvier 1963, M. W. Ludwiczak, tous deux en qualité d'experts. La Diète de la République populaire de Pologne a proclamé de nouvelles règles de conflit de lois par la loi du 12 novembre 1965 sur le droit international privé, publiée dans le Journal des Lois et entrée en vigueur le 1 " juillet 1966. C'est ainsi que fut achevée l'élaboration du droit civil moderne unifié, règles de conflit de lois y comprises.

Le droit maritime en Pologne JÓZEF GÓRSKI

I . L'ÉCONOMIE MARITIME EN POLOGNE E T SON ORGANISATION JURIDIQUE

Quoique le rôle de la Pologne dans la navigation maritime mondiale soit encore assez modeste, son économie maritime représente déjà cependant une des branches les plus dynamiques et qui se développent le -mieux de l'économie nationale polonaise. Après 1945, nous avons réorganisé l'administration maritime ainsi qu'un bon nombre d'entreprises maritimes, reconstruit et élargi les établissements des ports détruits pendant la guerre, développé considérablement la marine marchande et la marine de pêche, créé une industrie très importante de chantiers navals. L'état actuel et les tendances du développement de l'économie maritime polonaise sont illustrés par les chiffres donnés ci-dessous. La côte polonaise couvre une longueur de 524 kilomètres. Trois ports de commerce (Gdansk, Gdynia, Szczecin) comptent parmi les plus grands ports de la région de la mer Baltique. Le tonnage annuel des marchandises chargées et déchargées est en progression constante et a atteint 27 millions de tonnes. Depuis quelque temps, on adapte pour le commerce international un quatrième port, à Koiobrzeg, plus modeste que les ports déjà mentionnés. Nous disposons en outre d'environ vingt ports desservant surtout la marine de pêche. La flotte de commerce de Pologne comptait, en décembre 1966, 211 navires d'un tonnage total de 1 4 3 7 000 dwt, ce qui représente une multiplication par huit depuis la guerre. L'accroissement annuel moyen est de presque 100 000 dwt. Cet accroissement provient de la production interne ainsi que de l'importation. La flotte de pêche comptait 676 navires. Les chantiers navals construisent des navires de commerce et de pêche d'un tonnage total de presque 350 000 dwt chaque année. Plus des deux tiers de la production sont destinés à l'exportation. La construction des grands navires-usines pour la pêche océanique est devenue la spécialité des chantiers polonais.

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La marine marchande nous permet d'entretenir des relations culturelles et commerciales avec les pays du monde entier. Le développement de la flotte dépend surtout du dynamisme de l'ensemble de l'économie nationale ainsi que du développement du commerce international et des directions vers lesquelles il s'oriente. Actuellement, nous importons et exportons presque 70 % des marchandises en provenance ou à destination des pays du camp socialiste (Union soviétique, Allemagne orientale, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie et Yougoslavie). La situation géographique de ces pays fait que les exportations et les importations s'effectuent par voie terrestre, et surtout par chemin de fer. Le transport des marchandises importées et exportées s'effectue par voie maritime pour environ 30 %. Le caibotage ne jouant jusqu'à présent qu'un rôle minime en Pologne, la navigation en mer a chez nous un caractère presque exclusivement international. Elle dessert surtout notre commerce avec les pays capitalistes. Cette circonstance exerce une influence décisive sur la nature et l'orientation des relations économiques et juridiques de notre marine marchande avec le marché international de la navigation, bien que cela ne change rien au caractère de notre économie maritime : c'est une économie socialiste ; elle est dirigée par les organes centraux et territoriaux de l'administration maritime, ainsi que par les entreprises d'Etat qui leur sont subordonnées et, dans le domaine de la pêche en mer, par les entreprises coopératives ; les pêcheurs individuels ne peuvent se livrer qu'à la pêche côtière. L'ensemble de l'économie maritime dépend du ministre de la Navigation, dont les compétences sont actuellement déterminées par une loi du 28 mai 1957 {Journal des Lois, n° 31, pos. 130) et une autre du 14 juin 1960 {Journal des Lois, n° 29, pos. 163). Rentrent dans les attributions du ministre de la Marine tout ce qui concerne la sécurité de la navigation en mer, la protection du littoral et de la pêche en mer, le contrôle technique des installations de navigation, des ports et de la pêche en mer, ainsi que tout ce qui concerne l'exploitation et le développement de la flotte de commerce et de pêche, l'exploitation et le développement des ports, débarcadères et cales sèches. Dépendent encore du ministre de la Navigation toutes les entreprises en relation avec la navigation de commerce et de pêche, la navigation fluviale, la formation professionnelle des marins. Les chantiers navals dépendent du ministre de l'Industrie lourde. Trois « offices maritimes » fonctionnent comme organes territoriaux de l'administration maritime à Gdansk, Szczecin et Koszalin. Leur organisation et leur compétence sont aujourd'hui définies dans le décret du 2 février 1955 (Journal des Lois, n° 6, pos. 35), amendé en 1961 (Journal des Lois, n° 46, pos. 42). Les offices maritimes dirigent les affaires qui sont de leur compétence en première instance. En cas de recours contre

LE DROIT MARITIME EN POLOGNE

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leurs décisions, c'est le ministre de la Navigation qui décide en seconde instance. Les trois grands ports de mer de Gdansk, Gdynia et Szczecin ont été organisés sous forme d'entreprises d'Etat ; les autres ports de mer dépendent directement des offices maritimes et sont dirigés par les capitanats et les bosmanats de port. Sont aussi organisées sous la forme d'entreprises d'Etat les compagnies de navigation (Polskie Linie Oceaniczne : Polish Océan Lines ; Polska Zegluga Morska : Polish Shipping Company), les grandes entreprises de pêche océanique (Barka, Odra, Gryf, et autres), les entreprises d'agence et de courtage maritime (Ageneja Morska, Polfraoht), ainsi que les chantiers navals. Toutes ces entreprises sont soumises aux dispositions du décret du 26 octobre 1950 sur les entreprises d'Etat {Journal des Lois, n° 18, pos. 111 de 1960). Seules les petites entreprises de pêche qui font principalement la pêche d'ans la mer Baltique sont organisées sous la forme de coopératives de travail. Leur organisation juridique est réglée par la loi du 17 février 1961 sur les coopératives et leurs unions (Journal des Lois, n° 12, pos. 61). I I . L E DROIT MARITIME

lato sensu

Par droit maritime lato sensu il faut entendre l'ensemble des normes juridiques qui règlent les relations sociales relatives à l'utilisation de la mer et du littoral pour faire la navigation, c'est-à-dire pour exercer une activité commerciale ou non commerciale en utilisant des navires, ainsi qu'à toute autre forme d'exploitation de la mer. La notion de droit maritime recouvre des normes de natures diverses. C'est pourquoi la doctrine polonaise du droit maritime estime en général que le droit maritime ne constitue pas une branche séparée du droit. Elle considère que c'est un ensemble de normes qui appartiennent par ailleurs à diverses brandhes du droit 1 . Le droit maritime lato sensu comprend en particulier : 1° le droit international public de la mer, qui définit le régime juridique des eaux maritimes et surtout les principes gouvernant l'exploitation de ces eaux par les navires de mer battant des pavillons différents ; 2° le droit administratif maritime, qui établit les organes de l'administration maritime et fixe leurs compétences, énonce les conditions pour 1. S. MATYSIK soutient un autre point de vue dans son Manuel de droit maritime, 1963, p. 9 et suiv. Pour lui, le droit maritime est une branche du droit indépendante, ce en quoi il partage l'opinion du juriste soviétique de droit maritime, A . KEYLIN, auteur de Sovietskoje morskoje pravo, 1954.

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS

ACTUEL

faire la navigation: sous le pavillon national, ainsi que les conditions d'exploitation des eaux, du littoral et des ports de mer qui se trouvent dans le rayon de la souveraineté du pays littoral ; 3° le droit civil (commercial) maritime, qui règle les rapports économiques liés à la navigation en mer, notamment à la navigation commerciale ; 4° le droit du travail maritime, qui réglemente le travail subordonné à bord des navires de mer de commerce. Le trait commun de toutes les normes, mentionnées ci-dessus, qui forment le droit maritime consiste en ce qu'elles règlent toutes des rapports sociaux qui naissent de l'exploitation de la mer, principalement sous la forme de la navigation de commerce et de pêche.

III.

LA

POLOGNE

ET

LES

CONVENTIONS

MARITIMES

INTERNATIONALES

La Pologne adhère à la plupart des conventions internationales sur le droit international public de la mer, et en outre elle respecte les règles coutumières non encore codifiées mais généralement adoptées. Parmi les conventions que la Pologne a ratifiées il faut ici mentionner : I o la convention de Paris du 14 mars 1884 sur la protection des câbles sous-tmarins ; 2° six conventions de La Haye de 1904-1907 sur la guerre navale ; 3° la déclaration de Barcelone du 20 avril 1921 portant reconnaissance du droit au pavillon des Etats dépourvus de littoral maritime ; 4° la convention de Genève du 6 mars 1948 sur l'organisation internationale consultative maritime ; 5° la convention de Genève du 29 avril 1958 sur le plateau continental (continental shelf). On peut espérer pour une date prochaine la ratification par la Pologne de la convention de Genève du 29 avril 1958 sur la mer territoriale et la zone contigue. La Pologne adhère en outre aux principales conventions qui ont réglé des problèmes de droit administratif maritime, du droit de travail maritime et du droit civil maritime. Au premier groupe se rattachent : les conventions de Londres du 5 juillet 1958 sur les lignes de charge, du 10 juin 1948 sur la sauvegarde de

LE DROIT

MARITIME

EN

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la vie humaine en mer, du 12 mai 1954 sur la prévention de la pollution de la mer par des détritus pétroliers ; la convention d'Oslo du 10 juin 1947 sur le mode uniforme de jaugeage des navires ; la convention de Genève du 15 août 1929 sur l'indication du poids sur les gros colis transportés par bateau. La Pologne adhère ensuite aux conventions de Genève qui suivent, sur le droit du travail maritime : convention du 24 juin 1926 sur le contrat d'engagement des marins ; du 18 juin 1949 sur le logement de l'équipage à bord ; du 26 juillet 1926 sur le rapatriement des marins ; du 11 novembre 1921 fixant l'âge minimum des jeunes gens pour être soutiers ou chauffeurs. Elle adhère également à la convention de Gênes du 10 juillet 1920 sur le placement des marins. La Pologne a ratifié de même les conventions de Seattle du 27 juin 1946 sur l'alimentation et le service de table à bord des navires, sur le diplôme de capacité professionnelle des cuisiniers de navire, et les conventions du 29 juin 1946 sur l'examen médical des gens de mer et sur les certificats de capacité de matelot qualifié. Dans le domaine du droit civil (commercial) maritime 2 , il faut mentionner surtout les conventions de Bruxelles qui suivent : du 23 septembre 1910, sur l'unification de certaines règles en matière d'assistance et de sauvetage maritimes ; du 25 août 1924, sur l'unification de certaines règles en matière de connaissement et, autre convention du même jour, sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer ; du 10 avril 1926, sur les privilèges et hypothèques maritimes. La Pologne a signé également les conventions du 10 octobre 1957 sur la limitation de la responsabilité des propriétaires des navires, et du 29 avril 1961 sur le transport par mer des passagers. Leur ratification aura lieu dans un avenir proche. La Pologne n'a pas adhéré jusqu'ici, et pour le moment elle n'a pas l'intention de le faire, aux trois conventions de Bruxelles du 10 mai 1952 : sur la compétence pénale, sur la compétence civile en matière d'abordage et sur la saisie conservatoire des navires, ni à la convention du 10 octobre 1957 sur les passagers clandestins, ni enfin à la convention du 29 avril 1961 sur la responsabilité des exploitants de navire à propulsion nucléaire. 2. Le système juridique polonais ne distingue pas le droit commercial du droit civil. Les problèmes, qui, dans certains pays occidentaux, sont réglementés dans des Codes de commerce et autres textes législatifs de droit commercial, le sont en Pologne par des dispositions du Code civil.

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ACTUEL

I V . L E S ACTES LÉGISLATIFS FONDAMENTAUX DANS LE DOMAINE DU DROIT MARITIME

A côté de ceux qui règlent l'organisation et les compétences du ministre de la Navigation et des offices maritimes et que nous avons déjà mentionnés, existent d'autres textes législatifs fondamentaux parmi lesquels : 1° le Code maritime du 1" décembre 1961 (Journal des Lois, n° 58, pos. 318) ; 2° la loi du 28 avril 1952 sur le travail à bord des navires de commerce polonais dans la navigation internationale {Journal des Lois, n° 25, pos. 171) avec les changements introduits par la loi du 5 novembre 1958 {Journal des Lois, n° 68, pos. 338) ; 3° la loi sur les chambres maritimes du 1" décembre 1961 {Journal des Lois, n° 58, pos. 320) ; 4° la loi sur la marine de pêche du 21 mai 1963 {Journal des Lois, n° 22, pos. 115). V . L E CODE MARITIME DE

1961

Le Code maritime est le fruit des travaux menés dans la période qui suivit la guerre ; c'est la première codification de droit maritime dans l'histoire de la Pologne 3 . Ce Code se compose de 301 articles, répartis en Dispositions introductives et en six titres. Les Dispositions introductives (articles 1-11) précisent quel est le domaine des questions réglées par le Code, et le mode de cette réglementation. Nous y trouvons en outre des normes spéciales sur les conflits de lois, complétant les règles du droit international privé du 12 novembre 1965 {Journal des Lois, n° 46, pos. 290). Le titre I (articles 12-70) contient les dispositions qui règlent la condition juridique des navires de mer polonais. Elles fixent les conditions dont dépend la possibilité de faire la navigation pour les navires polonais et, en particulier, les conditions d'acquisition de la nationalité polonaise du navire, ainsi que les formes d'immatriculation des navires polonais. Dans ce titre, nous trouvons aussi des dispositions générales sur le jaugeage des navires, la sûreté de la navigation et les papiers de bord. Les autres règles de ce titre concernent la propriété du navire, les droits de gage (hypothèque maritime) et les privilèges sur le navire. 3. Il n'y a pas jusqu'ici de traduction française du Code maritime. Une traduction anglaise en est parue en 1964 : The Polish Maritime Code. Polish original with translation into English and explanatory notes. Translation and notes prepared by Dr. iur. Jan Eopuski, attorney at law, and Roman Adamski, Shipbroker, Gdynia, 1964.

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MARITIME

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Le titre II (articles 71-77) renferme des dispositions qui précisent la condition juridique de l'armateur, et le titre III (articles 78-93) la condition juridique du capitaine du navire. Le titre IV (articles 94-216) contient des dispositions réglementant les contrats les plus importants, employés d'ans le commerce maritime, tels les contrats de transport de marchandises et de personnes, le timecharter, les contrats d'agence et de courtage maritime, et les contrats de remorquage et de pilotage. Le titre V (articles 217-255) contient des dispositions sur les « accidents maritimes » (événements en mer). Il traite en particulier des problèmes de l'avarie commune, de l'abordage, du sauvetage en mer ou du renflouage des biens submergés. Le titre VI (articles 256-301) est consacré aux contrats d'assurance maritime. Le code maritime ne réglemente pas les relations du travail à bord des navires, car la loi du 28 avril 1952, déjà citée, le fait pour partie. Il est impossible de présenter dans un court article tout le contenu du Code maritime. Toutefois, il paraît très utile d'en exposer les caractéristiques générales. a) Le Code maritime règle en principe toutes les relations juridiques liées à la marine marchande. A certaines exceptions près prévues par le Code même, celui-ci doit aussi s'appliquer aux relations juridiques liées à la navigation non commerciale. Les textes du Code ne concernent pas en principe les navires de mer qui sont à la disposition de la marine de guerre ou dés organes de garde-côte et de la milice ; seules les dispositions du Code sur l'abordage et le sauvetage maritimes s'appliquent à ceux-ci. b) Les textes du Code maritime tiennent compte des besoins de la navigation moderne en mer. En préparant le Code on a pris en considération l'oeuvre de codification moderne des autres pays, la pratique maritime mondiale et tout ce qui a été réalisé à l'étranger dans le domaine du droit maritime. c) Le Code maritime prend en considération le caractère international de la navigation maritime polonaise. Il en résulte que ses dispositions sont conformes aux conventions internationales de droit maritime auxquelles adhère la Pologne. Les règles du Code ont en principe la nature de normes juridiques dispositives et elles prévoient le droit pour les parties de les modifier dans leurs contrats. Ceci résulte de l'article 2 du Code, qui énonce le

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

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principe de la liberté contractuelle en matière de navigation : « Sauf exceptions prévues par la loi, les parties peuvent organiser dans le contrat leurs rapports à leur discrétion. » Les exceptions à ce principe sont prévues par les articles 156, 158, 160, 170 et 171, qui établissent de façon impérative la responsabilité du transporteur pour les dommages causés à la cargaison ou subis par les passagers. Le principe de la liberté des contrats est en outre limité par plusieurs textes du Code civil ; par exemple l'article 119, qui dispose que « les délais de prescription ne peuvent être ni raccourcis ni prolongés par un acte juridique », s'applique aux contrats maritimes. d) Il faut souligner le contenu de l'article 14, paragraphe 1, du Code maritime d'après lequel « est polonais le navire qui est la propriété : 1 ° d'une personne morale ayant son siège en Pologne ; 2° du Fisc ; 3° d'un citoyen polonais domicilié en Pologne ». Nous lisons au paragraphe 2 de cet article : « est également polonais celui qui est au moins pour moitié la propriété des personnes mentionnées au paragraphe 1, si son armateur est domicilié en Pologne ou y a le siège de son établissement ou de sa filiale ». Cet article 14, paragraphe 1, constitue une dérogation volontaire au principe général exprimé par l'artile 128, paragraphe 1, du Code civil, selon lequel « la propriété nationale socialiste (propriété d'Etat) appartient indivisiblement à l'Etat » ; par contre cette propriété n'appartient pas aux personnes morales d'Etat particulières « qui ne font qu'exercer dans les limites de leur capacité légale, en leur nom propre, envers les biens qui leur sont attribués, les droits résultant de la propriété d'Etat ». Ces principes ne concernent pas les navires de mer qui sont propriété de l'Etat (article 14, paragraphe 1 du Code maritime), ni les avions d'Etat (article 18 du droit aérien du 31 mai 1962 : Journal des Lois, n° 32, pos. 153) qui peuvent être la propriété du fisc s'ils sont mis à la disposition des imités économiques d'Etat, non dotées de la personnalité morale ou de personnes morales d'Etat particulières. Une telle dérogation fut très utile pour le développement du commerce international. Elle comportait une définition simple et précise du statut juridique du navire de mer (et aérien) ainsi que du domaine de la responsabilité civile de chaque personne morale d'Etat et surtout de la responsabilité de chaque entreprise de navigation. e) Le Code maritime, quoique modelé sur les codes étrangers pour les questions fondamentales, contient des solutions originales. Il faut tout d'abord souligner la définition exacte qui est donnée de la notion d'arma-

LE DROIT MARITIME

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POLOGNE

teur et de son statut juridique, une définition moderne des droits et dès devoirs du capitaine du navire, la solution des problèmes relatifs au transport des marchandises et de passagers ainsi qu'au time-charter. Non moins originales sont les dispositions qui déterminent les droits et les obligations de l'agent et du courtier maritimes, les droits et les obligations des parties au contrat de remorquage et de pilotage ainsi que les dispositions réglant les problèmes civils liés au renflouage des biens submergés. /) D'après l'article 1, paragraphe 2, du Code maritime, à défaut de dispositions de ce Code, les dispositions du droit civil et notamment celles du Code civil du 24 avril 1964 (Journal des Lois, n° 16, pos. 93) s'appliqueront en tant que lex generalis aux rapports civils liés à la navigation en mer ; toutefois, ce principe ne s'applique pas aux contrats d'assurance maritime : aux ternies de l'article 820 du Code civil, les règles relatives aux contrats d'assurance contenues dans le Code civil ne s'appliquent pas aux assurances maritimes ni aux assurances indirectes (ré-assurances). g) Les normes relatives aux conflits de lois, contenues dans les articles 8 à 11 du Code maritime, méritent une attention particulière. Eu égard à leur importance dans le commerce maritime international, je les cite in extenso : — article 8 : Le droit du pavillon s'applique aux rapports juridiques nés des événements qui ont eu lieu à bord d'un navire en haute mer. — article 9, paragraphe 1 : Le droit en vigueur au lieu d'achèvement du voyage après une avarie commune s'applique aux obligations nées de cette avarie commune. — article 9, paragraphe 2 : Si toutes les parties intéressées dans l'avarie commune sont de nationalité polonaise, c'est le droit polonais qui s'applique. — article 10, paragraphe 1 : Le droit du pays littoral s'applique aux prétentions concernant l'indemnisation des pertes résultant d'un abordage dans les eaux internes ou dans les eaux territoriales de ce pays ; si l'abordage a eu lieu en haute mer, c'est le droit du tribunal qui connaît du litige qui s'applique. Toutefois en cas d'abordage de navires battant même pavillon, c'est le droit de ce pavillon qui s'applique, quelles que soient les eaux dans lesquelles l'abordage a eu lieu. — article 10, paragraphe 2 : Le droit du pays littoral s'applique aux prétentions concernant l'indemnisation pour le sauvetage effectué dans les eaux internes ou dans les eaux territoriales de ce pays. Si le sauvetage a eu lieu en haute mer, c'est le droit du tribunal qui connaît du litige qui s'applique. Toutefois, si le navire sauvé et le navire sauveteur battent 6

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

même pavillon, c'est le droit du pavillon qui s'applique quelles que soient les eaux dans lesquelles le sauvetage a eu lieu. — article 10, paragraphe 3 : Le droit du pavillon du navire sauveteur s'applique au partage de l'indemnité entre l'armateur, le capitaine et les autres membres de l'équipage. — article 11, paragraphe 1 : Les parties peuvent déterminer dans leur contrat quel sera le droit applicable à leur rapport juridique, en relation avec la navigation maritime. — article 11, paragraphe 2 : Si le rapport juridique est d'après la loi ou le contrat soumis au droit étranger, il faut appliquer ce droit étranger en Pologne, s'il n'est pas contraire aux principes fondamentaux dte l'ordre juridique en vigueur en Pologne. Les solutions de l'article 11 ont une très large application pratique. Comme on le sait, les parties insèrent généralement dans les documents de commerce maritime les plus importantes des clauses qui décident quel est le droit applicable au rapport juridique donné. Ces clauses, sous les conditions prévues par l'article 11 du Code maritime, jouissent d'une pleine protection en Pologne. V I . LES CHAMBRES MARITIMES ET LA JURIDICTION MARITIME

Les chambres maritimes créées par le décret du 18 mars 1925 sont une institution originale du droit maritime polonais qui joue un rôle important dans le processus de raffermissement du sentiment de responsabilité chez les capitaines et autres membres d'équipage relativement à l'observation rigoureuse des règles légales sur la sûreté de la navigation maritime. La jurisprudence des chambres maritimes contribue dans une très large mesure à faire apparaître et à éliminer les défauts techniques et d'organisation dans la navigation maritime et en même temps à éviter les pertes matérielles et humaines à l'avenir. Conformément aux dispositions de la loi du 1" décembre 1961, il y a trois chambres maritimes en Pologne qui sont la chambre maritime de Szczecin près le tribunal de voïvodie de Szczecin, la chambre maritime de Gdansk et la chambre maritime d'appel près le tribunal de voïvodie de Gdansk. Ces chambres sont principalement compétentes pour connaître des affaires relatives aux accidents survenus en mer. Il s'agit là des accidents causés ou subis par les navires polonais en haute mer ou dans les eaux dépendant de la haute mer, ainsi que des accidents survenus en connexion avec le travail à bord des navires ou avec le fonctionnement des installations de ceux-ci et desquels il est résulté soit une lésion grave ou un trouble de santé, pour un individu, soit la perte d'une vie humaine.

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Les chambres maritimes connaissent aussi des affaires relatives aux accidents suibis en mer par les navires étrangers, si l'accident a eu lieu dans les eaux internes ou territoriales polonaises ou encore si l'armateur ou le capitaine du navire étranger a déposé une demande en vue d'intenter une procédure devant ces Chambres. Les chambres maritimes examinent les affaires relatives à des accidents •survenus en mer par la voie d'une procédure judiciaire : en première instance l'affaire est confiée au président ou au vice-président assisté de deux échevins, et en seconde instance au président ou au vice^résident assisté de quatre échevins. Le président et le vice-président des chambres maritimes sont nommés et révoqués par le ministre dé la Justice agissant de concert avec le ministre de la Navigation, parmi les juges des tribunaux ordinaires, mis au courant des problèmes maritimes. Les échevins sont ¡nommés pour trois ans par le ministre de la Navigation et choisis parmi des personnes possédant des qualifications professionnelles dte premier ordre et qui sont au courant de la pratique en matière de navigation en mer. Le ministre de la Marine nomme en outre, auprès de chaque chambre maritime, son délégué, qui assume les fonctions de défenseur puiblic. Le contrôle suprême des chambres maritimes est exercé par le ministre de la Justice et le ministre de la Navigation ; le contrôle direct appartient aux présidents des tribunaux de voïvodie. Le contrôle ne permet pas une ingérence dans le domaine de la juridiction. Les sentences dès chambres maritimes doivent contenir : I o La description des causes exactes de l'accident avec l'indication, si possible, du navire et des personnes par la faute desquelles il est survenu, et l'évaluation de la part respective de leurs fautes dans l'accident. A défaut, la sentence doit constater l'existence de doutes réellement fondés quant aux causes de l'accident ou la constatation de l'impossibilité de les établir. 2° L'indication de tous les vices et manquements relevés dans la construction du navire, dans son équipement, dans son chargement ou au sein de l'équipage, dans l'état de farewater ou dans les instruments de navigation, et enfin des manquements ou des défauts relevés dans l'activité ou dans l'organisation dès services de sécurité de la navigation en mer. 3° L'appréciation de la régularité du comportement du navire après l'accident et, le cas échéant, de la régularité des opérations de sauvetage. Les constatations faites par les chambres maritimes, relativement aux fautes ou aux circonstances de fait qui sont à l'origine de l'accident en mer, ont la valeur de preuves absolues pour la commission d'arbitrage économique d'Etat et, quoiqu'elles ne lient pas les tribunaux civils ni

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

criminels, elles rendent ides services considérables à la pratique judiciaire et administrative. Les décisions des chambres maritimes, en tant qu'organes professionnels et indépendants d'un caractère juridictionnel, ainsi que les constatations de fait et techniques qu'elles contiennent, jouissent d'une grande estime et peuvent servir de base aux décisions judiciaires. Pour les organes administratifs, les décisions des chambres maritimes jouent un rôle de signal d'alarme et sont une incitation à prendre des mesures préventives contre les accidents en mer pour l'avenir. Les décisions des chambres maritimes qui constatent les causes des accidents en mer forment, pour le Ministère public et pour les parties intéressées, un matériel qui leur permettra d'apprécier leurs chances éventuelles dans un procès pénal ou civil qu'ils pourraient intenter contre les auteurs de l'accident. Constatant l'existence d'une faute du capitaine ou d'un membre d'équipage, les décisions des chambres maritimes ont pour effet immédiat de priver le coupable, à titre temporaire ou définitif, du droit d'exercer son métier ou d'occuper son poste. En plus de leurs fonctions juridictionnelles en matière d'accidents survenus en mer, les chambres maritimes sont en outre chargées d'autres fonctions, prévues par des textes complémentaires. En particulier, des textes d'application du Code maritime leur attribuent la direction des registres maritimes ainsi que la charge de décider la condamnation dé navires de mer, c'est-à-dire de constater qu'ils ne peuvent plus supporter d'être radoubés, ou qu'ils n'en valent pas la peine. Les chambres maritimes connaissent en outre des recours contre les décisions des dispatcheurs et leur donne la clause exécutoire. Les tribunaux de district ou de voïvodie en première instance, les tribunaux de voïvodies et la Cour suprême en seconde instance fonctionnent comme juridictions civiles dans les affaires maritimes. Les affaires civiles auxquelles des organisations socialistes sont parties sont examinées par les commissions d'arbitrage d'Etat. Lorsque l'une des parties à un litige est une personne étrangère, physique ou morale, les parties peuvent par contrat décider de soumettre leur affaire à un arbitre conventionnel. La fonction de tribunaux arbitraux conventionnels est assumée en Pologne par le Collège des arbitres auprès de la Chambre polonaise du commerce extérieur à Varsovie et, pour les litiges maritimes entre dés personnes physiques ou morales domiciliées ou ayant leur siège en Pologne, en Tchécoslovaquie ou en République démocratique allemande, par le Tribunal international d'arbitrage pour les affaires de navigation maritime et fluviale à Gdynia.

LE DROIT MARITIME

VII.

EN POLOGNE

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L E DROIT DU TRAVAIL MARITIME

Comme 011 l'a déjà dît, la Pologne adhère à plusieurs conventions internationales relatives aux relations de travail à bord des navires de la marine marchande. Les disipositions de la loi du 28 avril 1952 sur le travail à bord des navires polonais faisant le commerce international sont conformes à ces conventions. Le domaine d'application de la loi est strictement limité : elle ne s'applique pas aux relations de travail à bord des bâtiments faisant le commerce interne, ni au travail à bord des navires de pêche, ni aux rapports de travail dans les coopératives de marine de pêche. Les relations de travail dans ces domaines sont soumises au droit commun du travail, lequel ne contient aucune disposition particulière au travail en mer, ce qui est certainement une lacune très grave. Un projet existe pour un nouveau règlement du travail à 'bord des navires de mer, portant sur' l'ensemble des relations de travail sur tous les navires de commerce. La loi du 28 avril 1952 assure aux membres d'équipage des conditions de travail et de salaire réellement avantageuses ; elle leur garantit une assistance culturelle et sociale complète et en particulier des conditions privilégiées de congés et de repos, une assistance médicale et des sanatoriums, ainsi que des conditions de faveur pour bénéficier de la rente de vieillesse, etc. Il faut souligner que la loi réalise le principe de l'uniformité des conditions de travail pour tous les membres d'équipage, capitaines, officiers et autres marins. Ce principe est conforme aux principes socialistes de production dans la navigation polonaise en mer. Un autre trait caractéristique de la loi réside dans la façon dont elle traite les rapports de travail entre les marins et la compagnie de navigation, qu'elle considère comme un rapport durable, en principe à durée indéterminée. Le fait pour un marin de ne pas figurer sur la liste des membres d'équipage n'entraîne pas automatiquement la résiliation de son contrat. Ce marin passe alors à titre temporaire ou définitif à la réserve ; il doit à ce moment fournir un travail moins avantageux au port d'attache. En principe, seul un citoyen polonais peut faire partie de l'équipage d'un navire polonais. Il doit en outre remplir les conditions exigées par la loi (conditions d'âge, de santé, examen professionnel). La loi insiste sur le devoir de fidélité au pavillon polonais des membres d'équipage. Des dispositions détaillées relatives au contrat collectif de travail dans la navigation en mer complètent cette loi.

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VIII.

ETUDES

L A MARINE DE

SUR LE DROIT

POLONAIS

ACTUEL

PÊCHE

La pêche en mer ou en océan est une brandie de l'économie nationale qui se développe très rapidement. La loi du 31 mai 1963 sur la pêche en mer a créé le cadre juridique formel nécessaire à ce développement, et ses dispositions appartiennent au droit .administratif. Elle fait dépendre le droit de se livrer à la pêche en mer d'une autorisation des organes de l'administration maritime et de l'observation des conditions techniques relatives aux navires de pêche, à leur immatriculation et désignation particulières, aux qualifications de l'équipage recruté, à l'observation des principes sur la manière de faire la pêche, etc.

I X . L A DOCTRINE DE DROIT MARITIME

Après la guerre, nous avons formé en Pologne un nombre important de spécialistes dans tous les domaines du droit maritime. A cette époque parurent de nombreux manuels, monographies, thèses de doctorat ou d'agrégation et articles consacrés au droit maritime. Il faut citer ici les excellents manuels de M. Stanislaw Matysik et de M. Jan Lopuski. Dans le domaine dû droit international public de la mer, il faut mentionner les œuvres de MM. Remigiusz Bierzanek (Lodz), Witold Goralczyk et Ludwik Gelberg (Varsovie), Ludwik Ehrlich (Cracovie), Marian Iwanejko et Zygmunt Sarna (Cracovie), Remigiusz Zaorski (Gdansk). Les problèmes de droit civil maritime sont traités dans les ouvrages de MM. Jözaf Görski et Jan Holowiriski (Poznan), Jan Lopuski, Maciej Krzyzanowski, Maciej Ghorzelski, Jerzy Miyraairczyk et Mieczyslaw Okrçglicki (Gdansk), Leon Babiriski, Jacek Siedlecki et Wladystaw Görski (Szczecin), Waldemar Niemotko (Varsovie) et Jan Kosik (Wroclaw). Dans le domaine du droit administratif maritime méritent d'être signalés les travaux de Mlle Regina Maciejewska et M. Zdziisïaw Koszewski (Gdansk). MM. Stanislaw Matysik (Gdansk), Kazimierz Libéra (Varsovie) et Remigiusz Bierzaniek (Lodz) s'occupent en outre d'histoire dû droit maritime.

LE DROIT MARITIME

EN

POLOGNE

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Il n'existe de cours obligatoire de droit maritime qu'à l'Ecole économique de Sopot et dans les écoles de la marine marchande ; un cours facultatif est donné à la Faculté de Droit de l'université de Poznan. Les problèmes du droit maritime sont étudiés dans une des sections de l'Institut maritime à Gdansk. L'Edition Maritime à Gdynia s'occupe de la publication des ouvrages. Elle édite en outre une revue mensuelle La technique et l'économie maritime, où sont également publiés des articles de droit maritime. On trouve enfin des articles touchant à cette matière dans les autres publications juridiques. Il convient de noter que les juristes de droit maritime polonais sont réunis dans l'Association polonaise de droit maritime, laquelle entretient des contacts étroits avec le Comité maritime international à Anvers.

Les changements apportés à la procédure civile en Pologne par le code de procédure civile de 1964 EDMUND WENGEREK

En même temps que le Code civil, le 1" janvier 1965, un nouveau Code de procédure civile est entré en vigueur en Pologne. La promulgation de ce Code par la Diète fut dictée surtout par la nécessité d'adapter la procédure aux nouvelles dispositions du droit civil. Ce ne fut pourtant pas là l'unique raison qui incita à la création d'un nouveau Code. On constata dans la période qui suivit la guerre que l'ancien Code devait être adapté et modernisé, en maintes de ses dispositions, afin de correspondre aux nouvelles conditions économiques et sociales. Le besoin de mettre au point une procédure civile conforme aux principes généraux propres au régime socialiste conduisit à faire adopter plusieurs amendements, parmi lesquels ceux de 1950, 1953, 1958 et 1962 reconstruisirent à fond le procès civil. Des changements apportés au Code de procédure civile durant ces années résultèrent la substitution d'un système à deux instances au système ancien qui en comportait trois ; l'introduction d'une participation des éehevins à la prise des décisions dans les affaires civiles, d'une participation élargie du procureur à la procédure civile, d'une participation active du tribunal au procès civil ; l'introduction d'une révision extraordinaire comme mesure supplémentaire contre les jugements définitifs ; la rationalisation et la simplification de certaines dispositions relatives à l'exécution dès décisions de justice ; et, enfin, une multiplication des dispositions sur certaines questions particulières dans le dbmaine du procès civil international (juridiction et reconnaissance des décisions des tribunaux étrangers). Il fallut modifier nombre de dispositions du Code d'avant-guerre afin de garantir le principe de la vérité. Le but du législateur polonais, qui est de garantir par des dispositions d'ordre procédural l'ordre juridique résultant de rapports de fait entre les parties plaignantes se manifesta

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS

ACTUEL

avec force dans l'établissement du principe du contradictoire et du principe dispositif, en rendant possible' le contrôle du tribunal sur les actes des parties qui seraient contraires à l'exigence de révéler la vérité ou à l'intérêt de l'Etat (création de bases élargies à l'introduction d'office de preuves, possibilités d'une interprétation plus souple des aveux, exigence du consentement du tribunal au désistement du demandeur et aux transactions, révocation de l'assignation dans certaines affaires, etc.). La volonté de démocratiser le procès civil suscita certains changements tendant à assurer la réalisation du principe d'égalité réelle (par exemple : abolition du monopole de défense des avocats, protection toute particulière des créances alimentaires et des créances résultant des relations du travail, réparation du dommage causé par l'acte illicite, réparation du dommage causé à un bien social, c'est-à-dire à un bien d'Etat ou d'une organisation socialiste...). Le législateur visa parallèlement à tempérer toutes les rigueurs d'un formalisme qui faisait obstacle à la poursuite des droits en justice (par exemple : abolition du rejet de la demande formée devant un tribunal incompétent et obligation faite à ce tribunal de transmettre l'affaire au tribunal compétent). Un compte rendu plus détaillé de ces changements déborderait du cadre dé cet article ; ce serait d'ailleurs un travail superflu car il en existe plusieurs études détaillées à la portée du lecteur d'Europe occidentale 1 . L'indication des grandes lignes des transformations intervenues durant les vingt années d'existence de la Pologne populaire fait apparaître les efforts entrepris et les tendances évolutives, et révèle en même temps la nécessité qu'il y avait à uniformiser le système procédural. Le ministère de la Justice fit la première tentative pour combler les lacunes existantes ; puis ce rôle incomba à la Commission de codification, convoquée en 1956 près le ministre de la Justice par le président dû Conseil des ministres 2 . Leurs travaux aboutirent à quatre projets qui furent mis en débat public auquel, à côté des gens de science, prirent part des praticiens, notamment des juges et des avocats. 1. A.J. JoDtowsKi, « Les principes de la procédure civile polonaise », dans Revue Internationale de Droit Comparé, n° 2, 1960 ; E . W e n g e r e k , « Über den Stand des Zivilprozessrechts und Zivilprozesslehre in Polen », dans Zeitschrift für Zivilprozess, n°* 3 4 , 1959. 2. Le président du Comité pour le Code de procédure civile était le président de la chambre civile du Tribunal suprême, le professeur Z. Resich ; parmi les membres de la Commission de codification, il faut citer les professeurs W . Siedlecki et J . Jodlowski, et les juges au Tribunal suprême, M. Lisiewski et K. Gross. L'auteur de cet article était l'expert pour les questions d'exécution judiciaire. L'expert pour la question du procès civil international était le professeur H. Trammer.

LES CHANGEMENTS APPORTES A LA PROCEDURE CIVILE

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L'Association des juristes polonais ( Z r z e s z e n i e Prawmkôw Polskich) joua un rôle prépondérant, de même que les périodiques juridiques3. La Commission de codification attacha une importance toute particulière aux avis des ministères et des organisations sociales, dont les observations et conclusions fournirent un très abondant matériel. Il faut souligner que les travaux pour la codification de la procédure civile ont concentré les efforts des chercheurs polonais sur les questions de rédaction des principes de la procédure civile et sur l'élaboration des institutions judiciaires. Les résultats de ces travaux parurent dans les manuels de procédure civile 4 , d'exécution judiciaire 5 et de procédure gracieuse ainsi que dans une série de monographies 6 et dans nombre d"articles et publications. Avant d'être officiellement promulgué par la Diète de la Pologne, le projet de Code de procédure civile fut examiné par le Conseil des ministres et par la Commission de l'administration de la justice de la Diète qui y introduisirent certains amendements. Le Code de procédure civile, proclamé par la Diète de la Pologne populaire, est issu du Codé en vigueur entre les deux guerres. Pour la Commission de codification, ce Code est une réussite. Le monde a considéré la procédure civile polonaise comme étant la plus moderne, en ce qu'elle prend en considération les récentes découvertes de la science ; et cela, notamment, en ce qui concerne la procédure préalable à la première instance qui, tout en étant semblable à la procédure allemande et partiellement à la procédure autrichienne, les a dépassées de beaucoup eu égard au rôle actif donné au juge dans le procès et à la réalisation des impératifs résultant des principes généraux de la procédure civile. Mais, comme nous l'avons déjà mentionné, malgré plusieurs corrections faites à ce Codé après la guerre, des changements plus nombreux s'impo3. Les périodiques Panstwo i Pratvo, Nowe Prawo et Prawo i Zycle tinrent durant quelques années des rubriques consacrées à la codification. 4. J. JODLOWSKI, W. SIEDLECKI, La procédure civile, partie générale, 1957 ; W. SIEDLECKI, La procédure civile, partie spéciale, 1958. 5. E. WENGEREK, La procédure executive dans les affaires civiles, 1961 ; J . POLICZKIEWICZ, W .

SIEDLECKI, E . WENGEREK, La

procédure

dans

les

questions

gracieuses. 6. Z. RESICH, La connaissance de la vérité dans le procès civil, 1958 ; W. SIEDLECKI, Les règles d'élaboration des jugements dans le procès civil, 1957 ; W. SIEDLECKI, Les bases de la révision civile, 1959 ; W. BERUTOWICZ, Le principe du dispositif dans la procédure civile, 1957 ; E. WENGEREK, La concentration du matériel du procès dans la procédure civile, 1958 ; Z. RESICH, La détermination de la compétence dans les affaires civiles, 1962 ; S. WLODYKA, L'action intentée par le procureur dans les affaires civiles en Pologne, 1957 ; K. STEFKO, La participation du procureur à la procédure civile, 1950.

ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

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saient. En les rapportant, il faut commencer par décrire les innovations introduites pour, ensuite, étudier les principales modifications. I. P R O C É D U R E

GRACIEUSE

Le changement fondamental résulte de l'annexion au Code de procédure civile de la procédure gracieuse. Antérieurement au 1 " janvier 1964, à côté du Code de procédure civile étaient en vigueur un Code de procédure gracieuse datant de 1945, ainsi qu'une série de dispositions procédurales réglant en détail l'interdiction, la constatation des décès, la procédure gracieuse dans les affaires de droit réel, de succession, de famille, etc A présent toute la procédure gracieuse, tant dans ses dispositions générales que particulières, se trouve dans le Code de procédure civile. La valeur de cette réunion ne se réduit pas à une simple opération de rédaction. En effet, l'annexion de la procédure gracieuse e Prawo, n° 6, 1965. 17. Z. RESICH, « K P C », dans Prawo i Zycie, n° 1, 1965, p. 4.

des

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V I I . PROCÉDURE D'APPEL

Le Code ne modifie pas le système des voies de recours, mais il se borne à amender les dispositions anciennes afin de tenir compte des enseignements de la pratique des tribunaux. Il vise aussi à accélérer la procédure en cas de révision ou d'opposition. Il faut ici signaler que le Code introduit deux nouvelles bases de révision : l'une résulte de ce que des circonstances de fait essentielles pour la solution du litige sont demeurées inexpliquées (question déjà mentionnée ci-dessus), l'autre de ce que l'une des parties est en mesure de rapporter des faits et de produire des preuves qu'elle était dans l'impossibilité de présenter en première instance. Cette dernière base change le caractère de la procédure de révision, de même que le fait, pour partie, la possibilité d'un examen des preuves devant le tribunal de seconde instance (article 385, paragraphe 2 du Code dé procédure civile). Pourtant cette procédure ne se ramène pas à la procédure d'appel ; car si, du fait de la présentation des preuves par témoins et de l'audition des parties, les conclusions du tribunal de révision diffèrent de celles du tribunal de première instance, le tribunal de révision ne peut pas réformer le jugement de celui-là, mais il ne peut que le classer et lui renvoyer l'affaire pour nouvel examen 18 . La volonté d'accélérer la procédure s'exprime dans les disposition« suivantes : 1° Au cas où le demandeur, avec le consentement du défenseur, retire sa demandé ou en cas d'acquiescement, le tribunal de première instance peut anéantir sa propre décision et annuler la procédure (article 332, paragraphe 2 du Code de procédure civile). 2° Si la partie intéressée retire sa démande en révision avant d'avoir présenté au tribunal de seconde instance les actes nécessaires, ou après retour de ces actes, le tribunal de première instance peut annuler la procédure de demande de révision (article 393, paragraphe 2 du Code de procédure civile). 3° Le tribunal de révision peut procéder à la révision sans audience au cas où la procédure serait nulle (article 376, paragraphe 1 du Code de procédure civile). 4° Si la réclamation se fonde sur la nullité de la procédure ou semble suffisamment justifiée, le tribunal de première instance qui a rendu la décision attaquée peut l'annuler et reprendre immédiatement de l'affaire (article 395, paragraphe 2 du Code de procédure civile). 18. W. SIEDLECKI, Les bases de la révision civile, 1959, p. 101, 178.

LES CHANGEMENTS

APPORTES

A LA PROCEDURE

CIVILE

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Il faut ajouter que le nouveau Code de procédure civile introduit l'interdiction de rejormationis in peius dans la procédure de révision (article 382 du Code de procédure civile). Des retouches assez larges ont été apportées aux mesures extraordinaires, reprise de procédure et révision extraordinaire, afin de renforcer le contrôle de la Cour suprême. Dans ce but, l'article 423, paragraphe 2, du Code déclare que seront irrecevables devant la Cour suprême tous les actes dispositifs qui pourraient retirer au tribunal l'examen de l'affaire (retrait de la demande, transaction judiciaire, etc.), de même que tous les actes qui pourraient modifier l'objet du litige (modification de la demande en justice, etc.). VIII.

L'EXÉCUTION JUDICIAIRE

Quelques changements intéressants ont été apportés, par rapport à l'ancien Code, dans la deuxième partie relative aux procédures dé saisie et d'exécution ; cette partie n'avait été que fort peu modifiée après la guerre malgré plusieurs tentatives pour en obtenir la réforme. Bien qu'on ait conservé la structure de la procédure d'exécution antérieurement en vigueur, on y a introduit un bon nombre de nouveaux modes d'exécution. Pour faire comprendre en quoi consistent ici les nouveautés du Code, il faut esquisser à grands traits le schéma de l'exécution telle qu'elle est en vigueur en Pologne. L'huissier est l'organe d'exécution compétent pour tous les modes d'exécution des créances (saisie mobilière et immobilière, saisie des créances, des revenus et du compte en banque, ainsi que pour deux modes d'exécution des obligations de faire délivrance des meubles et des immeubles, et expulsion). Cependant c'est au tribunal seul qu'incombent l'estimation de la fortune d'un individu, l'exécution des prestations de service et l'exécution afin d'obtenir un renoncement à faire certaines choses, ou l'acceptation de ne pas s'apposer à certains actes. Le tribunal doit assurer l'exécution des décisions concernant la restitution des personnes soumises à la puissance paternelle ou demeurant sous curatelle. C'est également au tribunal qu'il appartient d!e procéder aux dernières mesures en matière de saisie d'immeuble. Le tribunal de district est l'organe de contrôle de l'huissier ; il est compétent pour examiner les plaintes contre les actes de celui-ci. Ces plaintes peuvent être déposées en justice par tout individu victime des actes ou des négligences de l'huissier, dans un délai de sept jours après qu'il en ait eu connaissance. Il faut distinguer cette plainte des actions tendant à faire retarder l'exécution, et parmi lesquelles le Code de procédure civile classe l'action en vue de la suppression de la formule

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ETUDES SUR LE DROIT POLONAIS ACTUEL

exécutoire du titre d'exécution et l'action pour dispense d'exécution (article 840 et 841 du Code de procédure civile). La première est accordée au débiteur contre son créancier. L'action pour la suppression de la formule exécutoire du titre d'exécution peut se fonder essentiellement sur des événements intervenus après délivrance du titre d'exécution et à la suite desquels l'obligation du débiteur s'est éteinte ou ine peut plus être exécutée. Le débiteur, ou son époux, dispose encore de cette action lorsqu'il conteste les événements sur lesquels a été fondée la formule exécutoire dans les conditions présentées ci-dessous (article 840 du Codé de procédure civile). Toutefois l'action tendant à empêcher l'exécution sur un bien peut être intentée par les tiers dont les droits sur ce bien sont violés (article 841). Pour commencer, il est nécessaire de disposer du titre exécutoire, c'est-à-dire du titre d'exécution revêtu par le juge de la formule exécutoire. Les catégories de titres d'exécution sont énumérées par l'article 777 du Code. Les jugements et les transactions conclues devant les tribunaux constituent le plus souvent des titres d'exécution. Il en est de même pour d'autres documents énumérés dans le détail par le texte ei-dessus mentionné (acte notarié par lequel le débiteur accepte de se soumettre à l'exécution, décision de l'organe d'administration sur l'octroi par une disposition du droit d'exécution judiciaire, etc.). En revêtant de la formule exécutoire le titre d'exécution, le tribunal confère la légalité à la réalisation de l'exécution. L'initiative de l'exécution est laissée à la diligence du créancier. Dans les affaires où la procédure d'examen peut être entreprise d'office (par exemple dans la procédure gracieuse), l'exécution peut être poursuivie à la diligence du tribunal (ou de son organe) qui a rendu la décision ordonnant l'exécution (article 797). La protection du débiteur est garantie par les dispositions prévoyant des restrictions à l'exécution pour des raisons sociales, humaines et économiques. Le nouveau Code de procédure civile introduit à côté des modes d'exécution déjà existants les modes nouveaux suivants : a) Saisie-arrêt des salaires et traitements. — Pour procéder à cette exécution, l'huissier effectue une saisie-arrêt de la partie de la rémunération affectée à l'exécution, informe le débiteur qu'il ne peut disposer de cette partie et somme l'institution de travail de remettre la partie saisiearrêtée entre ses mains ou entre les mains du créancier. La saisie est en vigueur jusqu'à extinction intégrale dé la dette. Au cas où le débiteur changerait d'institution de travail, c'est la nouvelle institution de travail, informée par le certificat dé travail du débiteur, qui est constituée saisie (articles 880-888).

LES CHANGEMENTS

APPORTES

A LA PROCEDURE

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b) Saisie-arrêt de compte en banque. — Cette saisie-arrêt se base également sur le système d'exécution des créances. La saisie résulte de l'avis donné au débiteur dé l'interdiction qui lui est faite dé disposer de son compte en banque et de la sommation qui est faite à la banque de remettre les sommes saisies au créancier. La saisie s'applique à concurrence du montant porté sur le titre d'exécution par lequel l'exécution est faite (articles 889-894). c) Exécution contre les organisations socialistes. — Ce mode d'exécution assure le recouvrement de leurs créances par les organisations particulières. Le Code de procédure civile distingue ici le Trésor public et les autres personnes publiques capables d'exercer certains droits, les entreprises d'Etat et les autres organisations sociaHstes (coopératives, organisations sociales). L'exécution contre le Trésor public et les autres personnes d'Etat capables d'exercer certains droits est irrecevable. Le créancier dépose dans ce cas son titre d'exécution à la statio fisci qui est obligée d'accomplir la prestation. En cas de non-application de ces dispositions, le créancier peut demander à l'organe supérieur à cette organisation de prendre les mesures qui s'imposent. L'exécution, en ce qui concerne les entreprises d'Etat, ne peut se faire que sur leur compte en banque. En revanche l'exécution contre les autres organisations socialistes peut se faire sur l'ensemble de leurs biens. Le Code ordonne toutefois qu'un certain ordre soit observé pour l'affectation des divers biens au paiement. L'exécution doit se faire d'abord sur le compte en banque, sur les autres biens ensuite (articles 1060-1065). d) Voies d'exécution au profit des organisations socialistes. — Le Code édicté un système particulier d'autorisations pour ces organisations et détermine les devoirs du créancier et de l'huissier (de même pour la détermination des gains et l'évaluation de la fortune du débiteur) ; il est prévu un mode spécial d'exécution sur compte en banque : exécution des comptes dans la Caisse d'Epargne Universelle (P.K.O.), liée avec le livret de caisse d'épargne que l'huissier ne pourrait retirer au débiteur (articles 1072-1080). e) Voies d'exécution en matières de prestations alimentaires. — Toute une série de privilèges est accordée au créancier. Ces privilèges se rapportent à la possibilité pour lé tribunal de délivrer d'office la formule exécutoire, à la possibilité de recourir à l'exécution à partir de la décision du tribunal d'accorder dés aliments, à la possibilité de restreindre les limites à la saisie-arrêt des salaires, à l'autorisation largement entendue pour le créancier de faire exécuter la décision lui accordant des aliments, au devoir de l'huissier enfin d'enquêter sur le montant des gains du débiteur et sur l'état de sa fortune, sur le lieu où il séjourne, etc. Ces dispositions

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ont pour 'but de permettre un recouvrement rapide et efficace des créances alimentaires et tend à faire échec aux actes d'un débiteur désireux de se soustraire à l'exécution (articles 1081-1088). /) Exécution des décisions concernant une personne demeurant sous la puissance paternelle ou soumise à curatelle (articles 1089-1095). — Cette exécution est réalisée par le tribunal en appliquant les dispositions relatives à l'exécution des obligations que le débiteur peut seul accomplir. Dans toutes ces dispositions, le Code souligne que cette exécution est un acte forcément humanitaire. Le représentant de l'institution indiquée par la personne autorisée peut prendre part aux actes, de même que le procureur qui doit être informé de tous les actes accomplis par le tribunal et par l'huissier. Au moment de la saisie forcée des biens, l'huissier doit prendre des précautions particulières et faire tout le possible pour que la personne dont il s'agit n'ait à souffrir ni matériellement, ni moralement (article 1092), et qu'elle puisse demander du secours à l'organe d'assistance sociale ou à toute personne compétente ou même, si besoin est, à un expert. Il faut aussi indiquer qu'on a adapté les dispositions concernant l'exécution, dans le Code de la famille et de curatelle, quant à la responsabilité des époux soumis au régime de communauté de biens. Dans ce but, l'article 787 du Code de procédure civile introduit l'obligation de viser l'époux dans la formule exécutoire, lors même qu'il ne serait pas mentionné par le titre d'exécution. En délivrant cette formule, le tribunal doit souligner que la responsabilité du conjoint est limitée aux biens communautaires (article 787). Toutefois, le Code accorde parallèlement la possibilité au débiteur de se défendre par le moyen dé l'action en opposition, qui tend à faire supprimer du titre d'exécution' la formule exécutoire, le débiteur devant prouver que la prestation n'est pas due au créancier. Le nouveau Code amende aussi les voies d'exécution dans d'autres cas ; il faut mentionner à cet égard les modalités nouvelles de vente des meubles. La procédure de saisie n'a pas fait l'objet de modifications essentielles, et elle a été reprise pour le tout de l'ancien Code de procédure civile.

& De la présentation des changements principaux introduits par le Code de 1964 dans la procédure civile polonaise, il faut tirer les conclusions suivantes : 1° Le nouveau Code a rapproché sous tous les rapports la procédure contentieuse et la procédure gracieuse.

LES CHANGEMENTS APPORTES A LA PROCEDURE CIVILE

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2° Dans une partie tout à fait nouvelle, on a codifié les dispositions relatives au procès civil international, en tenant compte des conclusions les plus modernes de la doctrine sur le procès civil international. 3° Au stade de la procédure d'examen, on a renforcé les garanties des principes fondamentaux du procès en s'inspirant de l'expérience de la jurisprudence de la Cour suprême, et des exigences dégagées par la science. 4° Afin de faciliter au citoyen la poursuite de ses prétentions et de lui garantir le libre accès au tribunal, on a simplifié la bureaucratie existant dans le procès civil. 5° On a introduit toute une série de métihodes rationalisant la tâche du tribunal et accélérant la procédure. 6° Prenant en considération la structure économique du pays, on a fait une réforme assez poussée dans le domaine des voies d'exécution.

Table des matières Pages Préface, par le Dr J . M A I L L E T , doyen de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble

7

Introduction, par le Dr Michal SCZANIECKI, professeur ordinaire aux Facultés de Droit des Universités de Poznan et de Varsovie

11

Le système de parti en Pologne, par le Dr Adam LOPATKA, professeur agrégé à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

21

Principes du régime politique de la République populaire de Pologne, par le Dr Karol Marian POSPIESZALSKI, professeur extraordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

37

Les frontières de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale dans le système des accords internationaux, par le Dr Alfons KLAFKOWSKI, professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

55

Institutions fondamentales du Code de procédure administrative polonaise (loi du 14 juin 1960), par le Dr Marian ZIMMERMANN, professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

67

La protection de la santé et de la vie des travailleurs dans le droit du travail de la République populaire polonaise, par le Dr Wiktor JA^KIEWICZ, professeur extraordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

83

Code civil, par le Dr Zygmunt Konrad NOWAKOWSKI, professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

99

Aperçu du Code de famille et de tutelle polonais de 1964, par le Dr Zbigniew RADWANSKI, professeur extraordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

121

Les modifications apportées au droit international privé polonais par la loi du 12 novembre 1965, par le Dr Witalis LUDWICZAK, professeur extraordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

135

Le droit maritime en Pologne, par le Dr Jozef GORSKI, professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

149

Les changements apportés à la procédure civile en Pologne par le Code de procédure civile de 1964, par le Dr Edmund WENGEREK, professeur extraordinaire à la Faculté de Droit de l'Université de Poznan

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ACHEVÉ LE

30

D'IMPRIMER AVRIL

1968

SUR L E S P R E S S E S DE L'IMPRIMERIE _ @

A L L I E R A GRENOBLE

N° d'édition : 42.

N° d'impression : 2459.

Dépôt légal : 2e trimestre 1968.