Etude de la temporalité dans les Cent Nouvelles Nouvelles

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DEA de Littérature Médiévale UNIVERSITE PARIS IV – Sorbonne

Etude de la temporalité dans les Cent Nouvelles Nouvelles Nelly LABERE

sous la direction de Madame Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET

29 juin 2000

Les Cent Nouvelles Nouvelles

Nelly LABERE

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Remerciements

Je tiens tout particulièrement à remercier Madame Jacqueline Cerquiglini-Toulet qui a dirigé ce travail et a été pour moi un guide et un soutien sans failles.

Ma reconnaissance s’adresse également à Monsieur Luciano Rossi pour m’avoir aimablement aidée dans ma recherche ; à Aimeric Vacher, Lise Lombard, Nicolas Dumond, Anne-Gaëlle Laval, et à Benoît Clément pour avoir eu la patience de m’aider à relire et à mettre en forme mon travail ; et à tous ceux enfin qui m’ont apporté leur soutien.

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Avant-propos

Ce mémoire de DEA s’inscrit dans un projet d’étude qui a pour vocation de se prolonger au cours d’une thèse de Doctorat. Nous l’avons considéré comme un travail préparatoire à une recherche plus étendue et c’est pourquoi nous avons délibérément fait le choix de ne pas rédiger certaines parties

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Table des matières

I La nouvelle : la naissance d’un « genre pressé » .............................................. 15 I.1 Un héritage littéraire ....................................................................................... 19 I.1.1 Exemplum et nouvelle : un investissement du temps qui diffère ............ 20 I.1.2 Le lai et la nouvelle ................................................................................. 21 I.1.3 Fabliau et nouvelle : du temps fictif à la proclamation du temps réel..... 22 I.2 Une nouveauté ................................................................................................ 35 I.2.1 Etymologie............................................................................................... 35 I.2.2 La filiation littéraire ou l’appropriation ludique...................................... 41 I.2.3 Du nouveau si nouveau ? La dialectique récent-ancien........................... 47 I.3 L’adventure..................................................................................................... 56 I.3.1 La stratégie de l’inattendu ....................................................................... 56 I.3.2 La chronologie de l’histoire..................................................................... 65 I.3.3 Temps nocturne et temps diurne.............................................................. 71 II Le récit : un travail sur le temps ...................................................................... 79 II.1 Le narrateur métronome ................................................................................ 83 II.1.1 Signature et attribution : le présent du dire ............................................ 83 II.1.2 Récit et fiction : le présent de l’écrire .................................................... 84 II.1.3 Le rapport à l’auditeur : du « present livre » au futur lire ...................... 84 II.2 Le recueil ou la lecture architectonique du temps......................................... 84 II.2.1 Suites et séries ........................................................................................ 85 II.2.2 Clefs de voûte......................................................................................... 85 II.2.3 Numérotation et organisation ................................................................. 85 II.3 « La table » et « le livre » : une vision spéculaire de la temporalité ............. 86 II.3.1 La « table » d’orientation ....................................................................... 86 II.3.2 « La table » et « le livre » : une certaine définition de la temporalité.... 93 II.3.3 Un diptyque ............................................................................................ 98

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III La nouvelle : la brièveté .................................................................................105 III.1 Dire bref / Ecrire bref .................................................................................109 III.1.1 Une esthétique de la brevitas ...............................................................109 III.1.2 La brièveté ou la contrainte de l’oralité...............................................109 III.1.3 La brièveté ou l’écriture du présent.....................................................110 III.2 La brièveté théâtralisée...............................................................................111 III.2.1 Un genre qui s’épuise ..........................................................................111 III.2.2 Mise en valeur et jeux d’éclairages .....................................................112 III.2.3 La chute : clausule et clôture. ..............................................................112 III.3 Brièveté et rythme au fondement de la nouvelle ........................................113 III.3.1 Dilatation et brièveté ...........................................................................114 III.3.2 Ellipse et répétition..............................................................................114 III.3.3 Avance ou retard : la stratégie de la ruse.............................................114 III.4 Discontinuité et temporalité........................................................................115 III.4.1 Du fragmentaire au discontinu : la quête d’unité temporelle ..............116 III.4.2 Effets d’échos : de l’objet au projet.....................................................116 III.4.3 Le lecteur : la clef de voûte retrouvée .................................................117

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Introduction

Dire et redire encore que la nouvelle est avant tout un art de dire. En peu de mots. Et de préférence à l’oreille. Une parole qui a vocation à s’abolir dans l’écriture. Parole bridée. Que l’on décline, de prime abord, selon les règles du bel parlare. Parole simulacre, inexorablement ajustée aux contraintes externes qui en régissent la mise en œuvre. Parole mise en paroles. Et mise en écriture. Mise en recueil. Mise en revue. Couchée. Mais aussi, genre-vampire, qui se nourrit de formes moribondes. Attrape-tout où s’agglutinent les pièces composites que draine la conversation. D’où la valse-hésitation des étiquettes et les appellations plus ou moins contrôlées. Autant de jalons sur ce bref parcours, en forme de retour aux sources, que l’on pourrait aussi bien ponctuer de points d’interrogation.1

Ces points d’interrogation sont ceux qui ont suscité notre réflexion. En effet, rien ne nous semble plus intéressant que d’étudier un genre en cours d’élaboration, dans ses prémisses et ses balbutiements. Démêler l’écheveau de sa proto-histoire, suivre ses pistes parfois sinueuses et aboutir à l’acte de sa naissance proclamée et célébrée par des reprises et des modulations successives affirmant sa nouveauté. La question du genre n’est pas sans référer à celle du commencement et de l’origine et entretient, de fait, des rapports avec la temporalité. Toute littérature narrative à ses débuts est une littérature du passé, dont elle prétend conserver la mémoire. Elle est filiation mais aussi construction d’un nouveau système auquel elle tend à attribuer ses traits distinctifs. C’est en quoi l’étude de la naissance de la nouvelle nous a paru signifiante. En effet, de par son onomastique, la nouvelle affiche déjà sa particularité et sa nouveauté tout en se nourrissant de formes sclérosées ou moribondes du répertoire médiéval. Le singulier précisément règne dans la nouvelle – et aux deux sens du terme. En tant

1

M. Moner, « Introduction », in Aspects de la Nouvelle (II), numéro coordonné par Paul Carmigiani, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, Cahiers de l’Université de Perpignan, n°18, 1995, 241 p., p. 13.

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qu’il relève de la catégorie du nombre, d’abord : comme le singulier est extraction d’un ensemble, le sujet de la nouvelle est souvent arraché à une pluralité organisatrice. Singulier, en second lieu, est à prendre au sens d’« insolite » : c’est alors non plus à une pluralité mais à une norme – sociale, empirique ou rationnelle – que le sujet individuel est arraché pour devenir l’enjeu du récit. Cependant, il apparaît que la définition de cette singularité ressort comme problématique. En effet, celle-ci se pare souvent d’attributs négatifs et ne saisit son objet que par défaut ; et la doxa d’affirmer que « la nouvelle n’est pas un récit long, au contraire du roman ». Peu d’ouvrages ont tenté cette entreprise et ce genre, apparu au Moyen Age, n’a attiré l’attention que de quelques chercheurs qui s’intéressaient spécifiquement au XVIe, XIXe et XXe siècle. Pourquoi donc un tel silence ? Parce que du XIIe au XVe siècle la nouvelle n’a pas exactement les traits définitoires que certains lui reconnaissent aujourd’hui et que les productions hétérogènes qui la mettent en scène apparaissent comme problématiques dans une analyse comparative ? C’est peut-être pourquoi, à l’exception de Roger Dubuis2 dont les travaux n’ont pas été renouvelés jusqu’à aujourd’hui, les études ont davantage porté sur des monographies que sur une analyse générique. De surcroît, celles-ci s’attachaient essentiellement à des questions thématiques ou au problème du réalisme, délaissant la structure même de ces récits et la technique de la mise en recueil. C’est pourquoi nous souhaiterions, à notre tour, tenter d’interroger le genre de la nouvelle en prenant en compte la période de son émergence en France afin de comprendre les raisons et les implications d’une telle « nouveauté ». Le choix des Cent Nouvelles Nouvelles nous a paru s’imposer, d’abord parce que ce recueil est le premier recueil français de « nouvelles », ensuite – et surtout – parce que c’est le premier exemple, dans l’histoire de la littérature française, d’un écrivain qui ait eu conscience de la spécificité de la « nouvelle » en tant que genre narratif bref et qui, dans une large mesure, se soit efforcé de prêcher d’exemple. Que les Cent Nouvelles Nouvelles marquent, en effet, en France, la naissance de la nouvelle moderne est considéré comme un fait acquis depuis l’étude de Werner Söderhjelm

2

Roger Dubuis, Les Cent Nouvelles Nouvelles et la Tradition de la Nouvelle en France au Moyen Age, Lyon, Presses Universitaires de Grenoble, 1973.

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qui montre assez l’importance qu’il attachait lui-même à cette conclusion en en faisant le point final du chapitre consacré au recueil : Nous pouvons constater l’apparition d’un talent qui ne se montre pas dans des détails isolés, mais enrichit la littérature française d’un ouvrage entièrement nouveau, réunissant en lui plusieurs des caractères distinctifs qui jusqu’à nos jours ont été les plus marquants de la nouvelle française. Et il offre ces qualités à un degré qui ne sera surpassé que très longtemps après.3

C’est en effet le premier recueil français à souligner sa filiation avec Boccace et à se désigner comme un livre nouveau « pource que l’estoffe, taille et fasson d’icelles est d’assez fresche memoire et de myne beaucop nouvelle »4. Nouveauté donc de l’emploi du terme « nouvelle » pour identifier une production littéraire mais aussi nouveauté de la forme dont « l’estoffe » et « la taille » témoignent. C’est pourquoi, il nous apparaît essentiel de questionner ce genre émergeant, qu’est celui de la nouvelle, par le biais de la temporalité. Si les Cent Nouvelles Nouvelles ne cessent de proclamer leur nouveauté constitutive - aussi bien par l’ajout symbolique de l’adjectif « nouveau » au titre boccacien que par l’inversion de l’ordre des termes inventio et dispositio, c’est qu’elles projettent sans doute un rapport renouvelé à la création littéraire et à la temporalité. En effet, le XIVe et le XVe siècle sont sous-tendus par une angoisse qui se manifeste par la vision d’un monde qui vieillit et se racornit. Comme dans une pièce de Beckett, les acteurs de la scène médiévale ont le sentiment de se rabougrir jusqu’au bout imminent de cette « Fin de partie ». Ce sentiment est donc celui d’une inscription dans une temporalité cyclique qui parvient à son terme et dont la finitude est l’unique horizon. Cette inquiétude peut s’exprimer en ces termes : comment faire du nouveau avec du vieux ? C’est à dire comment combiner des formes préexistantes pour en faire émerger quelque chose de neuf ? Dans cette perspective, deux tendances semblent se dégager selon Jacques Le Goff : Un historicisme de décadence qui conduit au pessimisme historique, un optimisme intemporel qui ne s’intéresse qu’aux vérités éternelles. De timides efforts se font jour pour valoriser le présent et le futur. La principale de ces tendances, c’est celle qui, acceptant le schéma des âges du monde et le diagnostic de vieillesse porté sur le présent, souligne les 3

W. Söderhjelm, La nouvelle française au XVe siècle, Paris, Champion, Bibliothèque du XVe siècle, T. XII, 1910, 237 p., p. 91. 4 Cent Nouvelles Nouvelles, éd. Franklin P. Sweetser, Genève, Droz, 1996, 649 p., Dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 28 à 30. Juin 2000

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avantages de cette vieillesse. Ainsi Bernard de Chartres : « Nous sommes des nains montés sur les épaules de géants mais nous voyons plus loin qu’eux », où est habilement tournée au bénéfice du présent l’image du rapetissement historique.5

De par leur date de composition, entre 1456 et 1467, les Cent Nouvelles Nouvelles s’inscrivent dans ce courant d’inquiétudes ; elles souffrent elles aussi de nanisme dans la mesure où elles ne parviennent pas à « attaindre le subtil et tresorné langage du livre de Cent Nouvelles »6, c’est à dire à surpasser la filiation du géant Boccace. Cependant, elles semblent marquer une rupture dans cet historicisme de décadence. Traitant de « cent histoires assez semblables en matere »7 à celles de Boccace, elles ne se contentent pas de travailler à une imitatio valorisant le passé mais projettent de valoriser le présent de la nouveauté formelle « d’assez fresche memoire et de myne beaucop nouvelle »8. Dès lors, avec les Cent Nouvelles Nouvelles il semble que l’on dépasse cette inquiétude tenace qui mine le XIVe et le XVe siècle par l’invention d’une forme nouvelle qui inscrit, dans le futur, l’espoir d’une énergie créatrice. Existe alors la conscience de ce renouveau littéraire qui prend naissance avec une forme spécifique et ouvre la voie à un genre encore vivace aujourd’hui. C’est pourquoi il nous semble fondamental de comprendre en quoi la naissance de la nouvelle répond à un pessimisme historique en apportant, de par la nouveauté de sa forme, une solution à ce constat de vieillesse. Nous souhaiterions montrer ici en quoi la naissance d’un genre n’est pas sans implications avec le contexte historique qui la façonne ou contre lequel elle réagit. Ainsi, l’une des interrogations qui soustendra notre étude sera la suivante : l’écrit possède-t-il une capacité de transformation ? Les œuvres ont-elles assez d’influence pour imposer des modèles aux lecteurs, susceptibles de conforter ou de contester, par le biais du langage et de la représentation, les systèmes idéologiques ? Pourrait-on analyser le genre narratif bref comme un jeu entre l’Histoire et les valeurs, et lire dans cette forme nouvelle la manifestation d’une crise de conscience ? L’étude de la temporalité sera un des moyens qui nous permettront de répondre à cette problématique. Tout d’abord circonscrite aux Cent Nouvelles Nouvelles, nous espérons l’élargir dans un travail de thèse en prenant en compte d’autres œuvres de 5

Jacques Le Goff, « Structures spatiales et temporelles », in La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1984, p. 199 à 200. 6 .Cent Nouvelles Nouvelles, Dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 16 à 17. 7 Op. cit., l. 15 à 16. 8 Op. cit., l. 28 à 30. Nelly LABERE

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la Romania9 ; à partir du modèle du Décaméron de Boccace, dont nous étudierons les répercussions françaises à partir de la première traduction par Laurent de Premierfait en 1414, nous nous proposerons d’inclure dans notre étude d’autres recueils tels que Les Quinze Joies de mariage, Les Evangiles des quenouilles, Les Nouvelles françaises inédites du XVe siècle, la traduction en français par Fernando de Lucena du Triunfo de las donas de Juan de la Camara o del Padron (manuscrit 2027, Bibliothèque Royale de Bruxelles) ainsi que des recueils ibériques tels que le Patranuelo de Juan de Timoneda. Ce choix volontairement hétérogène nous permettra de nous interroger sur la question de la naissance d’un genre et conduira à étudier des œuvres diversifiées pour dégager les formes immanentes qui s’imposeront peu à peu comme les critères distinctifs de la nouvelle. Nous espérons que cette démarche dégagera une mutation du contexte social, permettant ainsi de rendre compte des évolutions parallèles ou divergentes du genre dans la culture.

9

Dès les premiers siècles du Moyen Age, l’identité culturelle de la Romania se dessine à travers les distinctions opposant les langues romanes au latin, langue savante. Bien que le terme gréco-latin de Romania, apparu vers 330, ne semble plus utilisé par l’homme médiéval, celui-ci a pourtant conscience de la parenté unissant les cultures de l’Italie, de la France, et de la péninsule Ibérique.

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I La nouvelle : la naissance d’un « genre pressé »

Il est difficile, voire intenable, de parler de genre au sujet du Moyen Age dans la mesure où cette dénomination est, bien entendu, une notion moderne10 ; cependant, si nous conservons cette terminologie, c’est pour souligner l’importance de l’apparition des Cent Nouvelles Nouvelles, ouvrage fondateur qui permet de comprendre l’émergence d’une esthétique particulière que l’on classera plus tard sous la forme d’un genre et auquel on donnera le nom de « nouvelle ». En effet, les Cent Nouvelles Nouvelles mettent en place, non pas théoriquement, mais concrètement, certaines pratiques qui seront reprises par la suite et deviendront, pour certaines, les marques de ce genre en cours d’élaboration. S’il y a donc apparition d’un genre, celui-ci n’émerge pas cependant ex-nihilo et s’inscrit au contraire dans un héritage littéraire. C’est là où réside le paradoxe des Cent Nouvelles Nouvelles. En effet, notre recueil se donne à la fois comme une nouveauté reposant sur la « fresche mémoire » mais proclame dans le même temps sa filiation générique et auctoriale. Dès lors, notre propos sera de montrer comment les Cent Nouvelles Nouvelles inscrivent ce paradoxe temporel dans leur forme même et le concilient ; c’est en quoi elles cristallisent tout ce mouvement d’inquiétudes propre aux XIVe et XVe siècles, siècles qui se pensent comme la fin d’un période où tout a été dit et qui cherchent malgré tout à « faire du neuf ». Nous analyserons ici cette émergence de ce genre qu’est la nouvelle du point de vue de la temporalité historique ; en effet, qui dit naissance et filiation dit ancrage dans le temps.

10

Voir à ce sujet H. R. Jauss, « Littérature médiévale et théorie des genres », in Poétique, n°1, 1970, pp. 79-101. Juin 2000

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Première partie

I.1 Un héritage littéraire I.1.1 Exemplum et nouvelle : un investissement du temps qui diffère I.1.1.1 Des matériaux analogues I.1.1.2 Edification et passe-temps I.1.1.3 L’exemplarité : de la morale donnée à la quête du sens. I.1.2 Le lai et la nouvelle I.1.2.1 L’univers courtois partagé I.1.2.2 De l’ouverture temporelle à la clausule (la pointe). I.1.2.3 De la brièveté temporelle à l’intemporalité I.1.3 Fabliau et nouvelle : du temps fictif à la proclamation du temps réel. I.1.3.1 Une même matière « corporelle » I.1.3.2 Le présent du corps I.1.3.3 De l’atemporalité à l’ancrage temporel

I.2 Une nouveauté I.2.1 Etymologie I.2.1.1 Nouveau/Nouvelle I.2.1.2 Un pacte de lecture I.2.1.3 Unicité et répétition du même I.2.2 La filiation littéraire ou l’appropriation ludique I.2.2.1 Un illustre prédécesseur : Boccace I.2.2.2 La citation intertextuelle I.2.2.3 Filiations réelles et présumées : recréations et récréations I.2.3 Du nouveau si nouveau ? La dialectique récent-ancien I.2.3.1 La « fresche mémoire » I.2.3.2 Génération et régénération I.2.3.3 Temps nouveau, forme nouvelle Juin 2000

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I.3 L’adventure I.3.1 La stratégie de l’inattendu I.3.1.1 L’adventure ou le point de bascule. I.3.1.2 Typologie de l’adventure I.3.1.3 L’arroseur arrosé I.3.2 La chronologie de l’histoire I.3.2.1 Histoire et histoire I.3.2.2 « Nagueres » et « ne ...gueres » : l’imparfait imparfait I.3.2.3 « Tanstost » et « encores » : le passé pas si simple I.3.3 Temps nocturne et temps diurne I.3.3.1 Temps diurne I.3.3.2 Temps nocturne I.3.3.3 La mixité du temps de la nouvelle

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I.1 Un héritage littér aire Sur le plan de la forme et du contenu, le genre de la nouvelle dispose d’un éventail particulièrement large de possibilités [...]. La diversité des formes de la nouvelle s’explique historiquement par la multiplicité des genres narratifs, notamment au Moyen Age romain, mais aussi de l’Orient et de l’Antiquité [...]. Il faut mentionner surtout l’exemplum, le fabliau, la légende, le miracle, le lai, la vida, la nova provençale, la littérature narrative occidentale, Apulée, les contes milésiens, le Novellino, les histoires locales florentines et enfin diverses formes de la casuistique amoureuse du Moyen Age ainsi que la matière de Bretagne. En raison de cette polygénèse, la richesse des formes caractérise donc la nouvelle dès l’origine et de ce seul fait, il nous semble bien difficile de réduire l’essence du genre à une formule ou de lui imposer le carcan d’une définition.11

S’intéresser à l’héritage littéraire de la nouvelle permet donc de comprendre comment celle-ci s’inscrit dans une temporalité passée dont elle croise cependant les fils dans sa propre inscription dans le présent. La nouvelle est une reprise des matériaux précédents mais est encore, au-delà, un travail de régénération de ces matériaux par une forme nouvelle. Les Cent Nouvelles Nouvelles sont au fondement de cette nouvelle esthétique et proposent reprise et variation à partir des autres formes brèves en cours aux XIIe et XIIIe siècles. Si la théorie d’un genre ne peut se réaliser que sous la forme de l’histoire des genres, il s’agit ici de considérer son développement en fonction d’autres genres concurrents. La diversité caractérisant la nouvelle et ce, dès son origine, l’analyse d’autres formes littéraires telles que le fabliau, le lai, l’exemplum12, permettent de mieux comprendre le travail de filiation à l’œuvre dans la nouvelle. Si la floraison de la nouvelle se produit quelques cent trente ans après la disparition du fabliau, du lai, et de l’exemplum, il y a néanmoins, du côté du contenu, continuité – transformée et modifiée, mais réelle : thèmes, types de thèmes, principes narratologiques régissant l’emploi des situations et des personnages. Il nous apparaît qu’une véritable histoire du genre n’est possible que si l’on tient compte non seulement de l’évolution littéraire mais encore des

11

Hans-Jörg Neuschäfer, Boccacio und der Beginn der Novelle, Strukturen der Kurzerzählung auf der Schwelle zwischen Mittelalter und Neuzeit, Munich, 1969, p.104. 12 On pourra étendre, lors d’une thèse, notre analyse aux vidas, novas... afin de proposer une vision plus complète des filiations de la nouvelle.

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changements survenus dans les influences extra-littéraires et que si l’on est disposé à considérer le développement du genre en fonction d’autres genres concurrents. Mais à cet effet, il faut revenir tout d’abord sur les véritables débuts de la nouvelle. Nous ne nous interrogerons pas ici sur l’« essence » de la nouvelle mais sur ce qui la distingue à l’origine d’autres formes narratives coexistantes ; il s’agit donc de rechercher les traits qui ont permis à la nouvelle de se constituer en genre en s’opposant aux genres concurrents antérieurs. L’analyse du fonctionnement temporel à l’œuvre dans ces autres formes médiévales brèves permettra de saisir les implications mais aussi les variations qui fondent la nouvelle. Ainsi, exemplum, fabliau et lai ont en commun avec la nouvelle des matériaux analogues mais ce qui diffère réside dans un point primordial : l’exploitation et l’investissement du temps.

I.1.1 Exemplum et nouve lle : un investissement du temps qui diffère L’exemplum articule, comme son onomastique le suggère, la question de l’exemplarité. En effet, l’exemplum est un récit bref, donné comme véridique, et destiné à être inséré dans un discours (en général un sermon) pour convaincre un auditoire en vue d’une leçon salutaire. Les sources en sont la rhétorique et l’apologétique chrétienne. Ce sont des récits-témoins appelant à une lecture généralisante. Au lieu du général, la nouvelle souligne, au contraire, le particulier. Le cas type est remplacé par le cas d’espèce caractérisé par des circonstances particulières. La règle, le principe et la loi cèdent la place à l’irrégulier, à l’exception, voire à l’événement inouï. Le destin et la providence sont relayés par le hasard et la fortune. La nécessité est supplantée par la liberté : c’est-à-dire les protagonistes ne sont plus les simples représentants d’un sens préétabli et incontestable, mais ils doivent s’affirmer par eux-mêmes et jouissent d’une autonomie insoupçonnée jusqu’alors. Au lieu d’une solution ou d’une véritable conclusion, nous rencontrons souvent dans la nouvelle un résidu insoluble ou une fin en suspens. Et enfin, la nouvelle ne confirme pas, par principe, un ordre des choses ou une norme ; au contraire, elle les remet précisément en question dans nombre de « cas ». Si dans l’exemplum, l’événement était définitif, s’il contenait déjà un jugement irrécusable sur l’ordre des choses qu’il créait, la nouvelle ne croit plus que l’événement en lui-même contienne déjà un sens transcendant. C’est Nelly LABERE

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pourquoi, ce qui diffère entre l’exemplum et le fabliau, ce ne sont pas les matériaux employés mais la question du rapport au temps. Ainsi, exemplum et nouvelle ont deux façons différentes d’appréhender la temporalité ; dans l’exemplum, il s’agit de faire fructifier le temps de la lecture pour qu’il ait une emprise sur le temps humain afin de le relier avec le temps divin. Dans la nouvelle, il s’agit de jouir du temps de la lecture sans le projeter vers un temps futur (à court terme, l’expérience humaine, à long terme l’au-delà). Le temps de la lecture y est donc linéaire et ancré dans le présent du « passe-temps ». A l’efficacité de l’exemplum qui vise le temps divin, s’oppose l’oisiveté de la nouvelle qui tend vers l’instant, le moment présent. De fait, les implications narratives divergent sur la question de la finalité mais aussi de la résolution du sens : à la différence de l’exemplum, la visée de la nouvelle n’est pas ouvertement l’édification. En effet, dans les nouvelles des Cent Nouvelles Nouvelles, le rôle du narrateur diffère puisque ce n’est pas à lui qu’incombe la résolution du sens. C’est au lecteur que revient la fonction de clôturer le sens de la nouvelle. Au contraire, l’exemplum n’utilise pas la même stratégie narrative. En effet, dans l’exemplum, tout est mis en œuvre pour que le récit conduise à l’exemplarité et à la morale qui en découle. Dès lors, s’il peut être établi un parallèle entre la nouvelle et l’exemplum, c’est davantage au niveau de leur matière que de leur stratégie énonciative. C’est à ces conclusions que nous parviendrons dans une analyse détaillée de certaines des nouvelles (nouvelle V, XXVI, LII...) des Cent Nouvelles Nouvelles en étudiant les matériaux analogues dont tous deux nourrissent leurs récits, récits divergeant sur la question temporelle et sur la visée énonciative.

I.1.2 Le lai et la nouvelle C’est encore par le biais de la temporalité que nous questionnerons les rapports qu’entretient la nouvelle avec cet autre genre bref qu’est le lai. Nous analyserons ainsi les parallélismes entre cette forme et certaines des nouvelles des Cent Nouvelles Nouvelles autour de la question de la mise en scène d’un univers courtois où naît « ceste entiere, leale et parfaicte amour »13 menacé par des « maudictz et

13

Cent Nouvelles Nouvelles, N. XXVI, p.163, l. 20 à 21.

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detestables envieux »14. Cette comparaison nous permet de mettre en évidence un des critères distinctifs qui est celui de la temporalité. En effet, à la différence du lai, la nouvelle ne s’ouvre pas sur la perspective d’un ailleurs (le lieu féerique, la mort, la réconciliation d’un amour impossible avec un espace privilégié) ; elle se clôt, au contraire, dans la résolution de la clausule qui propose un retour à l’ordre dans la société même qui avait provoqué la rupture. A travers ces rapports divergents au réel se joue toute une conception de la temporalité qui oscille entre brièveté temporelle pour la nouvelle et intemporalité conciliatrice pour le lai.

I.1.3 Fabliau et nouvelle : du temps fictif à la proclamation du temps réel. Il n’y a personne qui n’ait manqué de faire l’analogie entre les Cent Nouvelles Nouvelles et certains recueils de fabliaux. Déjà, Pierre Jourda, dans ses Conteurs français du XVIe siècle15, s’employait à relever dans ses notes les possibles échos entre certaines nouvelles et des fabliaux édités dans Contes et Fabliaux. Ainsi, établissait-il des résonances entre le fabliau du Meunier d’Arleux et la nouvelle huit, le fabliau de la Dame et le Curé et la nouvelle dix-huit, le Vair palefroi et la nouvelle trente et un, le Clerc qui se cache derrière un coffre et la nouvelle trentequatre ainsi que La Dame qui fit croire à son mari qu’il avait rêvé avec la nouvelle trente-neuf. Cependant, ces analogies ont été jusqu’à présent peu travaillées et se sont résumées, le plus souvent, à de simples renvois thématiques. Reste que l’analyse comparatiste offre un des moyens de cerner les enjeux de la nouvelle et de sa filiation littéraire. Elle permet ainsi de voir les fluctuations et les modifications apportées par la nouvelle au canevas du fabliau même si elle conserve de ce « genre moribond » une même préoccupation pour le corps. I.1.3.1 Une même matière « corp orelle » Florissant et s’épanouissant aux XIIIe et XIVe siècles, le fabliau est un genre difficile à définir autrement que par son caractère bref, son ton généralement

14

Op. cit., p. 164, v. 35 à 36. Conteurs français du XVIe siècle, éd. Pierre Jourda, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1965, 1470 p. 15

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comique et grivois et son personnel littéraire16 : le prêtre ou le moine paillard, l’entremetteuse, le paysan qui triomphe du chevalier ou du prêtre stupide ou inversement, la jeune et jolie femme volage qui trompe son (vieux) mari, etc. La nouvelle ne rompt pas avec ces critères constitutifs du genre et s’inscrit donc dans cette filiation générique qu’elle réactive par l’emploi renouvelé de ces catégories. Du fabliau à la nouvelle, il semble que la rupture temporelle de la fin du XIVe et du début XVe ait été abolie dans une continuité narrative. La filiation et le rapport au temps se joueraient alors dans une forme de contiguïté en refusant toute distance au profit de l’ellipse. Le recueil des Cent Nouvelles Nouvelles travaille sur des schémas narratifs figurant dans des fabliaux parfois antérieurs de deux siècles en reprenant fidèlement les mêmes canevas et des personnages analogues. Une étude comparée de certaines nouvelles se nourrissant de la matière corporelle de fabliaux permet de mieux cerner les enjeux de l’imitatio. C’est le cas tout d’abord dans la première nouvelle qui tisse des analogies avec le fabliau Les deus changeors ; tous deux ont en commun le motif de la tromperie du mari par l’amant voisin ou collègue qui consiste à laisser apparaître le corps de la femme adultère en prenant bien soin de cacher le visage : Mes bien a point son vis li cuevre [...] Mes cil remoustre tout a tire Piez et jambes, cuisses et flans, Les hanches et les costez blans, Les mains, les braz et les mameles, Qu’ele avoit serrees et beles, Le blanc col et la blanche gorge. 17 Le bourgois fut content que luy montrast a descouvert le derriere de sa femme, les rains et les cuisses, qui blanches et grosses estoient et le surplus bel et honneste, sans rien descouvrir ne veoir du visage.18

Même si le fabliau offre une rallonge par rapport au schéma initial de la duperie (trois semaines plus tard, la femme va, en retour, jouer un tour à l’amant : elle l’oblige à prendre un bain avec elle et lorsque son mari arrive, elle l’invite lui aussi à la rejoindre, menaçant ainsi l’amant d’être démasqué, puis sauve la situation in-

16

Voir à ce sujet l’excellente étude de Phillipe Ménard, Les fabliaux : contes à rire du Moyen Age, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, 252 p. 17 Nouveau recueil complet des fabliaux, éd. Willem Noomen et Nico Van Den Boogaard, Assen/Maastricht, Van Gorcum, 1983-1993, t. V, texte critique des « Deus Changeors », p. 276, v.80 à 99. 18 Cent Nouvelles Nouvelles, N. I, p. 26, l. 113 à 117. Juin 2000

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extremis), certains éléments font encore la liaison entre les deux récits. C’est le cas, par exemple, du motif littéralement transvasé de la cuve qui figure, là encore, dans la nouvelle à l’occasion des ébats festifs entre la femme et son amant. On observe la même technique d’équivalence dans la nouvelle vingt-trois, même si elle opère une subtile variation avec le fabliau intitulé Celui qui bota la pierre19 par le renouvellement de l’objet suscitant « l’adventure ». Le schéma narratif est relativement linéaire dans la fabliau : un prêtre entre chez un de ses paroissiens à un moment où seule la femme de celui-ci est à la maison ; voyant que la dame heurte du pied une pierre, il lui dit d’arrêter, sinon il la possédera (v. 1-24). Pour elle, c’est un motif de continuer, ce qui a pour effet que le prêtre exécute sa menace ; un jeune enfant est cependant témoin de la scène (v. 25-41). Au bout de quelques temps, le maître de maison entre et, apercevant la pierre, veut l’écarter, mais l’enfant le met en garde en évoquant le traitement qu’a subi sa mère. Le mari comprend ce qui s’est passé et se promet de se venger un jour ou l’autre (v. 42-53). La nouvelle vingt-six des Cent Nouvelles Nouvelles repose sur la même structure d’interdit sexuel volontairement bafoué et observé par un petit enfant. Seule différence : c’est un jeune clerc qui fixe à la craie une ligne sur le sol pour interdire à la femme de son maître de le déranger, puisqu’elle l’empêchait de travailler en « le boutant du coste en escripvant, [...] luy ruant des pierrettes qui brouilloient ce qu’il faisoit, et luy failloit recommancer, [...] luy ostant papier et parchemin, tant qu’il failloit qu’il cessast l’euvre, dont estoit tresmal content, doubtant le courroux de son maistre »20. Là encore, les conséquences de la rupture de l’interdit sont similaires : l’homme va « punir » sexuellement la femme sous le regard de l’enfant. Le fabliau intitulé Connebert, écrit par Gautier le Leu au XIIIe siècle, met lui aussi en place un interdit lié au corps et stigmatise les conséquences de sa transgression par l’émasculation. Ainsi, Richard, prêtre de la ville de Colchester, trompe les bourgeois de la ville en ayant des rapports sexuels avec leurs femmes. L’un d’entre eux, le forgeron Thiebaut, décide de le punir en lui clouant le scrotum sur un étau ; il lui délie les mains, laisse un rasoir à sa portée et met le feu à la forge. Afin de ne pas périr dans les flammes, le prêtre est obligé de se libérer en s’émasculant. C’est l’onomastique référentielle d’un des personnages de la nouvelle soixante-quatre des

19

Nouveau recueil complet des fabliaux, t. VI, texte critique « Celui qui bota la pierre », p. 140 à 144. 20 Cent Nouvelles Nouvelles, N. XXIII, p. 150 à 151, l. 19 à 26. Nelly LABERE

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Cent Nouvelles Nouvelles qui permet de faire clairement le lien avec Connebert ; Trenchecouille, « lequel se mesle de tailler gens, d’arracher dens, et d’un grand tas d’aultres brouilleries »21, est le personnage qui dédouble celui du prêtre afin d’accomplir l’émasculation. Ainsi, il s’agit d’un même « maistre curé qui faisoit rage de confesser ses parrochiennes »22 auquel un « parrochien » va jouer un bon tour ; invitant Trenchecouille à venir dîner, il va en profiter pour lui demander de « desgarnir » le prêtre. Ici donc, ce n’est pas le prêtre menacé qui va s’auto-mutiler mais c’est à un second personnage que revient la fonction d’accomplir la vengeance par l’ablation des organes sexuels. Cependant, du fabliau à la nouvelle, la continuité narrative est préservée par le motif de la vengeance par émasculation à la suite de la tromperie d’un prêtre. Ce qui est engagé ici est donc le corps dans sa fragmentation et sa possibilité de substitution au corps d’un autre. S’il s’agit pour l’amant de prendre la place du mari, d’autres transmutations symboliques sont encore à l’œuvre. C’est le cas dans la nouvelle trente-huit qui combine l’argumentaire de deux fabliaux : Les Perdris23 et Les Tresces24. Elle met en scène la ruse d’une femme qui, pour échapper à la correction de son mari, demande à sa voisine de prendre sa place dans le lit conjugal. De retour au logis et face au mari furieux, elle prétexte que ce dernier a fait un rêve dans lequel il la battait mais que tout n’était que songe puisque les draps sont propres et que son dos est vierge de tous coups. Le corps de l’amie s’est donc substitué ici au corps de la femme volage pour échapper à la vengeance maritale. Même stratégie dans Les Tresses où l’on assiste à une substitution du corps identique puisqu’une femme demande à une amie, moyennant finances, de prendre sa place aux côtés de son époux ; la conséquence est pratiquement la même puisque le mari roue de coups la malheureuse et lui coupe ses tresses. Par une seconde ruse, la femme parvient là encore à se disculper en prouvant qu’elle possède encore ses tresses et que son corps n’est pas marqué de coups. Dans cette transmutation des corps se joue donc la même problématique dans le fabliau et dans la nouvelle qui placent au centre de leur récit cette matière corporelle. Le corps, par son absence ou sa présence, par son marquage symbolique ou physique, est ce qui suscite le discours, discours du narrateur mais aussi discours

21

Cent Nouvelles Nouvelles, N. LXIV, p. 402, l. 21 à 23. Op. cit., l. 7 à 8. 23 Nouveau recueil complet des fabliaux, t. IV, « Les Perdris », p. 3 à 21. 24 Nouveau recueil complet des fabliaux, t. VI, « Les Tresces », p. 209 à 214. 22

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des personnages. Ainsi, dans Le Chevalier qui fist sa femme confesse25 et dans la nouvelle soixante-dix-huit des Cent Nouvelles Nouvelles, il s’agit de la substitution d’un corps à un autre (celui du mari à celui du curé) pour susciter la parole de la femme : « Dieus, penssa s’il, tant a esté Ceste fame de grant bonté : Ce savrai je, se Dieus m’aït, S’ele est tant bone com l’en dit. J’a n’i avra confession, Par le cuer Dieu, se de moi non ! En leu de moine a li vendrai Et sa confession orrai. » En ce qu’en cest penssé estoit Et devise qu’estre en porroit, Chiés le prior en vint manois, Qui fu preudom et mout cortois [...]. « Se voz dras noirs me presterez, Ainz mienuit toz les ravrez ; Et voz granz botes chaucerai, Et je ma robe vous lerai. Ceenz avez mon palefroi, Et le vostre menrai o moi. » Le moine tout li otria Quanque il quist et demanda.26 Et s’avisa maistre mary, pour estre de l’estat de sa femme asseuré, qu’il feroit tant avec son curé, qui son tresgrand amy estoit, que d’elle orroit la devote confession, ce qu’il fist au moien du curé, qui son fait conduisit. Car ung bien matin, en la bonne sepmaine que de son curé pour soy confesser s’approucha, en une chapelle secrete devant il l’envoya, et a son mary vint, qu’il adouba de son habit, et pour estre son lieutenant l’envoya devers sa femme.27

Le corps est ainsi un enjeu fondamental dans la nouvelle mais aussi dans le fabliau dans la mesure où il donne lieu à un système d’échanges et de substitutions pour que la parole advienne. Il semble que cette technique de transmutations soit à l’œuvre à un plan supérieur puisque métaphoriquement le corps de la nouvelle se substitue à celui du fabliau. Tous deux partagent une même « matière corporelle », c’est à dire des matériaux narratifs analogues, qui placent au cœur de leur problématique la question du corps réel ou substitué ; dès lors, du fabliau à la nouvelle, ce qui se manifeste dans toute sa rémanence, c’est la figure corporelle.

25

Nouveau recueil complet des fabliaux, t. IV, « Le Chevalier qui fist sa femme confesse », p. 229 à 243. 26 Op. cit., « Texte critique », p. 238, v.39 à 78. 27 Cent Nouvelles Nouvelles, N. LXXVIII, p. 463 à 464, l. 81 à 90. Nelly LABERE

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I.1.3.2 Le présent du corps Il apparaît donc, à la comparaison des fabliaux et de leurs reprises dans les Cent Nouvelles Nouvelles, que se joue un même intérêt pour le corps. S’il s’agit de matière corporelle dans le sens où la nouvelle semble se nourrir du corps, c’est à dire de l’histoire du fabliau, il s’agit encore plus simplement d’un même recours à des matériaux référant au « bas corporel ». Ainsi, la nouvelle serait-elle le lieu de la mise en scène de la chair entretenant ainsi des liens thématiques étroits avec le fabliau. La représentation littéraire du corps se pose en effet avec une acuité particulière dans les fabliaux, où ses multiples satisfactions (manger et boire, faire l’amour...) comme ses innombrables misères (brutaliser, battre, violer...) fournissent l’arsenal argumentaire et dissimulent des enjeux qu’ils partagent avec la nouvelle. La représentation du corps dans les fabliaux, morcelée, dramatisée, obéit aux lois qui régissent le genre bref : économie, brièveté, dynamisme ; elle relève en outre des procédés de la caricature (grossissement, systématisation, outrance), conformément à la finalité comique de ces « contes à rire ». Jouer par le corps : cette formule résume peut-être le fonctionnement essentiel des fabliaux. Grâce au corps, ces récits de fiction rappellent ou appellent sans cesse à l’existence d’une forme de représentation qui, toujours virtuelle, constituerait la source de leur théâtralité. Le corps accomplit, par sa représentation littéraire, la jonction, la symbiose entre le texte narratif et la représentation scénique virtuelle, en filigrane, dont quelques traces affleurent : c’est à dire que le corps est au cœur du fonctionnement de ces récits. Quelques principes régissent sa représentation ; il s’agit tout d’abord de la focalisation interne qui, intégrée à un contexte qui lui confère sa signification, dynamise en retour le récit du narrateur auquel il appartient. Un corps en mouvement dont la gestuelle le voue à une approche dramatisée et offre au récit sa propre dynamisation et sa propre structuration en est sa seconde modalité. Enfin, d’une manière générale, le détail corporel est valorisé parce qu’il est représentatif de l’ensemble du corps : toute représentation exhaustive est ainsi économiquement éludée au profit d’approches sélectives, fragmentées, métonymiques : le corps, dans le fabliau, est en morceaux. C’est à ces quelques règles rudimentaires que semble répondre la nouvelle dans sa représentation du corps. En effet, elle travaille, elle aussi, la représentation du corps

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en mouvement comme la modalité de la représentation de l’espace. Si celui-ci est si peu décrit, c’est peut-être parce que le seul espace que la nouvelle veut réellement mettre en place est celui du corps ; il propose en effet, par ses mouvements et ses déplacements, des axes qui constituent des repères cardinaux. C’est le cas par exemple dans la nouvelle vingt-six où le corps imprime à l’espace des frontières et des démarcations : les incessants aller-retour de la femme dans l’espace de travail du jeune clerc matérialisant le parcours métaphorique de la tentation et du désir, le tracé de la craie par le clerc pour imprimer à l’espace une délimitation et un interdit... Cette structuration de l’espace se fait structuration du récit par la dynamique qu’elle lui imprime. Dès lors, le corps, aussi bien dans le fabliau que dans la nouvelle, s’approprie l’espace textuel dans une référentialité symbolique. C’est l’exemple que nous offre le fabliau Connebert28 ; dans ce fabliau, une femme mariée affirme au prêtre, son amant, que son cœur et son corps lui appartiennent : « mais li cus si est mon mari » (v. 178). Cette appartenance du « cul » au mari permet au prêtre d’annoncer de façon imagée et ludique de nouvelles relations adultères : « mais je lo li battrai sovant » (v. 182). L’enjeu du fabliau sera dès lors, pour le mari désireux de se venger de cette double offense (l’adultère et la raillerie), de supprimer la « coille » du prêtre pour libérer le « cul », c’est à dire lui-même des vexations qu’il subit. Prenant ainsi au mot le système métaphorique fondé par les amants (il a surpris leur conversation), il déclare au prêtre qu’il a capturé : Mais vo coille qui maintes foiz Me bat mon cul sor mon defoiz En avra ja mal guerredon 29

Et lors de l’émasculation : Adonc n’est or li cus vangiez, Qui si a esté laidengiez ?30

Ainsi, la relation triangulaire, classique dans les fabliaux, reposant sur la femme, le mari et l’amant, emprunte ici à l’image du coït une structuration métaphorique et illustrative : l’amant est la « coille » qui dans l’adultère fait du tort au « cul » de la dame, qui représente le mari. La mise en pratique de cette image obscène du corps

28

Nouveau recueil complet des fabliaux, t. VII, texte critique de « Connebert », p. 229 à 237. Op. cit., v.210 à 212. 30 Op. cit., v.242 à 243. 29

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est à la source de bien des récits, dont elle fonctionne en quelque sorte comme la matrice. Le corps, au centre du système textuel, suscite rires et commentaires admiratifs auprès d’un groupe masculin très solidaire (narrateur/auteur/conteur, protagonistes, auditoire). S’il est le repère spatial qui structure le récit, le code symbolique qui fait sens, il est aussi et surtout la figuration du temps « physiologique » : le présent. En effet, le corps, dans la nouvelle et le fabliau, est réduit au présent de la consommation (consommation alimentaire, sexuelle...). Il engage alors la lecture temporelle vers un aspect tensif et sécant du procès, où l’événement, observé de l’intérieur et tendu de son point de départ à son terme, est en cours d’accomplissement sans que ses limites extérieures ne soient prises en compte. Conçu par l’énonciateur comme frontière entre le passé et l’avenir, le présent est propre à intégrer des procès situés en deçà ou au-delà ; cette prise en charge autorise parfois un décalage de l’ensemble du système temporel, créant l’illusion d’une descente du passé vers le présent, ou d’une remontée de l’avenir vers le présent. Le corrélat de ces emplois est que le corps, passé ou futur, est toujours envisagé sous l’angle du présent de la consommation. Rendant moins compte du temps précis de l’événement que de celui de sa prise en charge par l’énonciateur, le présent est toujours celui de la référence à un corps qui ne cesse d’investir le temps de ses envies et de ses désirs. Il est la manifestation de la suprématie corporelle comme emprise sur l’espace et le temps. Si le corps montré, loué et célébré dans la nouvelle et le fabliau renvoie à un présent dévorateur gouverné par l’envie et le désir, il apparaît cependant que ses manifestations différent dans son rapport au marquage temporel. De l’atemporalité à l’ancrage narratif, le corps engage la réflexion vers un questionnement du réel. I.1.3.3 De l’atemporalité à l’anc rage temporel Pour comprendre la relation à la réalité ou tout du moins à la mise en scène des effets de réel, le questionnement du rapport à la temporalité du fabliau et de la nouvelle apparaît comme la voie la plus objective de comparaison. Le célèbre fabliau anonyme, L’enfant qui fu remis au soleil31, peut ainsi être mis en parallèle avec la nouvelle dix-neuf des Cent Nouvelles Nouvelles afin de mesurer le degré

31

Nouveau recueil complet des fabliaux, t.V, texte critique de « L’enfant qui fu remis au soleil », p. 218 à 221.

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d’ancrage temporel du fabliau comme de la nouvelle. Qu’apprenons-nous lors d’une étude comparée des deux incipit ? Le marquage temporel dans le fabliau est assez sommaire ; il repose sur la mention de quatre adverbes de temps renvoyant à l’indéfini (« jadis », v. 1 ; « souvant », v. 4 et 7 ; « un jour », v. 8) et d’un décompte d’années (« bien demoura trois ans entiers », v. 11) : Jadis estoit uns marcheans Qui n’estoit mie mescheans, Ne de gaaingnier esbahis ; Souvant aloit par le païs Pour ses denrees enploier : De son avoir monteploier Ne fu pas souvant a sejour. De sa femme se part un jour Pour aller en marcheandise ; Einsis con li contes devise, Bien demoura trois ans entiers.32

Le terme de « jadis » ouvre ainsi le fabliau, premier mot du texte qui situe d’emblée le récit dans un espace temporel lointain, non déterminé, et dont les repères sont dénués de fixité ; le « trois ans » ne recouvre ainsi pas une durée non équivoque mais renvoie au contraire à un système temporel reposant sur l’approximation. Au contraire, la nouvelle dix-neuf semble travailler l’ancrage temporel de façon détaillée en le liant à une caractérisation spatiale et sociale : Ardent desir de veoir pays, savoir et congnoistre pluseurs experiences qui par le monde universel journellement adviennent, nagueres si fort eschaufa l’atrempré cueur et vertueux courage d’un bon et riche marchant de Londres en Angleterre, qu’il abandonna sa belle et bonne femme et sa belle maignye d’enfans, parens, amis, heritages, et la pluspart de sa chevance. Et se partit de son royaulme assez et bien fourny d’argent content de tres grande abundance de marchandises dont le païs d’Angleterre peut les autres servir, comme d’estains, de riz, et foison d’aultres choses que pour bref je passe. En ce son premier voyage vaca le bon marchant l’espace de cinq ans, pendant lequel temps sa bonne femme garda tresbien son corps, fist le prouffit de pluseurs marchandises, et tant et si tresbien le fist que son mary au bout desdiz cinq ans retourné, beaucop la loa et plus que paravant l’ama. Le cuer ausit marchant, non encores content, tant d’avoir veu et cogneu pluseurs choses estranges et merveilleuses, comme d’avoir gaigné largement, le feist arriere sur la mer bouter cinq ou six mois puis son retour ; et s’en reva a l’adventure en estrange terre tant de Chrestians que de Sarrazins, et ne demoura pas si peu que les dix ans ne furent passez ains que sa femme le revist.Trop bien luy rescripvoit assez souvent, a celle fin 32

Op. cit., v.1 à 11.

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qu’elle sceust qu’il estoit encores en vie. Elle, qui jeune estoit et en bon point, et qui point n’avoit de faulte des biens de Dieu, fors seulement de la presence de son mary, fut contraincte par son trop demourer de prendre ung lieutenant, qui en peu d’heure luy fist ung tresbeau filz. Ce filz fut elevé, nourry et conduit avec les aultres ses freres d’un costé. Et au retour du marchant, mary de sa mere, avoit environ sept ans.33

Les termes que nous avons soulignés en gras réfèrent tous, dans cet incipit de la nouvelle dix-neuf, à des marqueurs temporels qui sont aussi bien induits par le temps des verbes, les adverbes ou les conjonctions que par le champ lexical. Ils diffèrent tout d’abord de ceux du fabliau par leur plus grand nombre mais aussi par leur plus grande précision ; en effet, il s’agit ici non pas d’un intervalle approximatif de trois ans séparant le départ et le retour du marchand mais d’un décompte précis de cinq ans ajoutés à cinq ou six mois et à dix ans. Le temps semble donc se dilater dans la nouvelle pour atteindre à l’histoire d’une vie dont la linéarité est interrompue par un événement imprévu : la naissance d’un fils illégitime. Contrairement au fabliau, la nouvelle explicite longuement les raisons pour lesquelles la femme trompe son mari ; et ces motifs sont tout simplement temporels. En effet, la nouvelle dix-neuf met en adéquation la jeunesse de la femme avec la durée de sa séparation d’avec son mari ; dès lors, seul le temps paraît légitimer et expliquer les raisons de l’adultère puisque la femme est littéralement contrainte à prendre un amant. Et c’est encore avec des arguments temporels que la femme va expliquer à son mari les conditions mystérieuses de la procréation de l’enfant : - Il a dix ans que je party et cest enfant se monstre de sept : comment doncques pourroit il estre mien ? L’ariez vous plus porté que ung aultre ? [...] - Si je l’ay plus porté qu’un aultre, il n’est rien que j’en sache. Et si vous ne le me feistes au partir, je ne sçay moy penser dont il peut estre venu, sinon que, assez tost après vostre partement, ung jour j’estoie par ung matin en nostre grand jardin ou, tout a coup, me vint ung soudain appetit de menger une fuille d’oseille qui pour l’heure de adonc estoit couverte et soubz la neige tappie [...]. Et ne l’eu pas si tost avalée que ne me sentisse en trestout tel estat que je me suis trouvée quand mes aultres enfans ay porté. De fait, a chef de terme, je vous ay fait ce tresbeau filz.34

33

Cent Nouvelles Nouvelles, N. XIX, p. 126 à 127, l. 5 à 39. Op. cit., p. 128, l. 60 à 78. Nous tenons à souligner ici que la mise en gras de certains termes relève d’un choix personnel pour opérer une mise en valeur et faciliter la lecture. Il en sera de même pour toutes les autres occurrences.

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En effet, le mari s’interroge sur l’inadéquation temporelle entre la date de son départ (il y a dix ans), l’âge de l’enfant (autour de sept ans) et l’intervalle de temps séparant la conception de la parturition (en général, neuf mois). Sa femme, face à l’impossibilité de justifier cette inadéquation, lui propose une fable qu’elle fonde sur la référence à un temps de l’immédiateté, de l’instant. L’alternance imparfait/passé-simple ainsi que les multiples marqueurs temporels « tout à coup, soudain » créent la mythologie d’un enfantement miraculeux, aussi féerique pour la mère (l’instantanéité de l’enfantement en témoignant) que pour le père qui doit se rendre à l’évidence de la réalité concrète du présent de l’indicatif : « je vous ay fait ce tresbeau filz ». Le fabliau travaille, quant à lui, tout à fait différemment cette scène dans la mesure où il rejette tout ancrage temporel destiné à attester cette histoire, quelque peu surprenante, par des effets de réel : Sire, ce dist la marcheande, Une fois m’estoie apuiee Lassus, a la haute puiee, Mont dolente et mout esplouree Pour la vostre grant demouree, Dont g’estoie en grant desconfort. Yvers fu, si negoit mout fort. Et je, qui pas ne me gardoie, Amont vers le ciel esgardoie : Par pechié reçui en ma bouche Un poi de noif, qui tant fu douce Que ce bel enfant en conçui D’un seul petit que j’en reçui : Einsis m’avint con je vous di.35

Dès lors, deux stratégies différentes s’élaborent du fabliau à la nouvelle ; d’un côté, le marquage temporel contribue aux effets de réel et vise à crédibiliser, à justifier et à authentifier ce qui est de l’ordre de l’irréel. C’est la stratégie de la nouvelle. De l’autre, le fabliau va rechercher davantage une attestation temporelle floue et s’inscrit ici dans l’ordre de la fable (avec qui il partage son étymologie). L’épilogue s’inscrit encore dans cette stratégie temporelle ; alors que « l’enfes ot quinze ans passés »36 dans le fabliau et que dix ans se sont écoulés dans la nouvelle, le père décide de l’amener avec lui dans un nouveau voyage. Après de nombreux périples, le père retourne au logis, seul. Voici ce qu’il explique à sa femme éplorée :

35

Nouveau recueil complet des fabliaux, t.V, texte critique de « L’enfant qui fu remis au soleil », p. 218 à 219, v. 24 à 37. 36 Op. cit., p. 219, v. 53. Nelly LABERE

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Par un chaut jour ou tans d’esté - Ja estoit passés miedis – Lors erriemes moi et mon fis Par un haut mont, qui tant fu haut Que li solaus ardent et chaut Sor nous ardamment descendi. Sa clarté trop chier nous vendi, Car vo fil remestre couvint De l’ardeur qui dou solau vint. Par ce sai bien et m’apersoif Que nostre fius fu fais de noif, Et pour ce pas ne me merveil S’il est remés au chaut soleil.37 Fortune de mer par force nous mena en ung païs ou il faisoit si chault que nous cuidions tous morir par la grand ardeur du soleil qui sur nous ses raids espandoit. Et comme ung jour nous estions sailliz de nostre nave, pour faire en terre chascun une fosse pour nous tappir pour le soleil, nostre bon filz, qui de neige, comme sçavez, estoit, en nostre presence, sur le gravier, par la force du soleil, fut tout a coup fondu et en eaue resolu. Et n’eussiez pas dit unes sept seaulmes que nous ne trouvasmes plus rien de luy. Tout aussi a haste qu’il vint au monde, aussi soudainement en est party.38

Ces deux épilogues travaillent à la même résolution de l’événement mais les écarts qui existent entre eux sont réels et significatifs ; en effet, le fabliau met l’accent sur le moment de la journée pendant lequel l’action se déroule : c’est aux alentours de midi ; ceci a des conséquences sur la « fonte » de l’enfant puisque c’est à ce moment là que le soleil est le plus haut, donc le plus fort. Le détail temporel ne vise pas ici à des effets de réel mais à la création d’une logique interne pour justifier l’événement. Le parallélisme n’est pas respecté dans les Cent Nouvelles Nouvelles qui s’emploient davantage à insister sur une intensité solaire due à une situation géographique ; les effets de réel de la nouvelle dix-neuf sont donc accentués par une référence à l’espace. Cependant, ce qui est notable, c’est que le personnage insiste sur la rapidité avec laquelle l’enfant a fondu au soleil (moins de « sept seaulmes », « soudainement ») et cette vélocité de l’action fait écho avec la scène initiale de l’enfantement de la femme. D’ailleurs, le système d’équivalences est nettement établi dans la dernière phrase qui, par son parallélisme, contribue au bouclage de la nouvelle. Ainsi, l’explication maritale fait-elle retour sur celle de la femme dans la nouvelle, tout comme le fait, à sa manière, le fabliau. En effet, l’exposition du fabliau reposait sur le conte que la femme construit autour de la conception de

37 38

Op. cit, p. 221, v. 120 à 132. Cent Nouvelles Nouvelles, N. XIX, p. 130, l. 124 à 136.

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l’enfant ; si les marqueurs temporels avaient relativement peu d’importance, le narrateur travaillait au contraire sur la topique hivernale. Dès lors, le « tans d’esté » de l’apologue s’oppose ici avec le « tans d’yvers » en annulant symboliquement le cycle de la nature et matériellement ce qu’elle a produit : l’enfant. Cependant, si les deux récits travaillent à la même clôture, la nouvelle insiste quant à elle davantage sur les raisons fondant l’épilogue : [Le mari] ne fut pas si beste, affin qu’il n’eust plus de charge de l’enfant de sa femme et d’un aultre, et que après sa mort ne succedast a ses biens, comme ung de ses aultres enfans, qu’il ne le vendist a bon deniers, contens pour en faire ung esclave. Et pource qu’il estoit jeune et puissant, il en eust près de cent ducatz.39

Le motif qui justifie la vente du fils illégitime est avant tout temporel : le père s’inscrit dans une temporalité bornée où il envisage sa mort comme moteur de la spoliation des biens de ses enfants légitimes. La finitude du mari est ainsi mise en parallèle avec la longévité du fils, le narrateur insistant sur sa jeunesse en terme de valeur. Cette mention psychologique, absente du fabliau, marque ici la présence d’une logique interne au récit qui repose, encore une fois, sur la temporalité. La nouvelle s’attache donc davantage à insérer dans sa narration des effets de réel à l’opposé du fabliau qui entre en collision avec le champ sémantique de « fable » comme « récit imaginaire ». Dès lors, c’est par la temporalité que nous pouvons tenter de cerner les parallélismes et les écarts du fabliau et de la nouvelle ; le même canevas, à l’image de L’enfant qui fu remis au soleil, voit alors son sens infléchi par les modalités narratives dont il est investi. Temps du réel ou temps de « l’histoire inventée », la nouvelle et le fabliau sont les deux versions d’un rapport à la réalité qui diffère. Du XIIIe au XVe siècle, le récit diverge sans pour autant s’éloigner d’une matrice populaire commune. C’est en quoi les Cent Nouvelles Nouvelles se présentent comme une nouveauté. Si le fabliau est une narration qui ne trouve sa légitimité nulle part en dehors d’elle et où seule compte la substance du récit, la nouvelle affirme au contraire la nécessité d’un ancrage temporel très fort. C’est celui d’un temps présent, celui d’un temps nouveau, qu’il faut dire et redire aussi bien dans la matière et la forme, que dans la terminologie.

39

Op. cit., l. 109 à 115.

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I.2 Une nouveauté

I.2.1 Etymologie

I.2.1.1 Nouveau/Nouvelle Le terme de « nouvelle » apparaît pour la première fois autour des années 1050, soit près de 400 ans avant le premier recueil français qui choisit cette terminologie pour identifier sa production littéraire. « Nouvelle » est issu du latin tardif novella, lui même formé sur le latin novellus (jeune, récent), diminutif de novus (neuf) ; dans les années 745, le terme de novella est employé tout d’abord avec le sens de « jeune pousse, jeune plant » et renvoie à la terre récemment mise en valeur. Il véhicule alors le sémantisme de nouveauté présent aux origines mêmes de sa formation mais s’accompagne aussi d’une référence agraire fort utilisée pour caractériser l’activité poétique. En effet, c’est Chrétien de Troyes qui est l’un des premiers à l’employer métaphoriquement afin de désigner, dans son prologue, sa vision de la création littéraire : Qui petit seme petit quialt, Et qui auques recoillir vialt, An tel leu sa semance espande Que fruit a cent dobles li rande, Car an terre qui rien ne vaut Bone semance i seche et faut. Crestïens seme et fet semance D’un romans que il ancomance, Et si le seme an si bon leu Qu’il ne puet estre sanz grant preu40

Ces premiers vers de Chrétien de Troyes visent la métaphore agraire comme étroitement liée à la production poétique ; l’auteur est un semeur de mots et l’œuvre est le fruit de son labeur. Cette analogie n’est pas seulement du fait de l’auteur de Perceval ou le Conte du Graal puisque, comme l’a brillamment montré Jacqueline Cerquiglini-Toulet41, elle va littéralement fleurir et ensemencer la littérature ; le semeur du XIIe-XIIIe siècle va rapidement devenir le glaneur du XIVe-XVe siècle 40

Prologue de Chrétien de Troyes de « Perceval ou le Conte du Graal », in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, 1531 p., p. 685, v. 1 à 10. 41 Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « La Tristesse du déjà-dit », in La Couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIVe siècle, 1300-1415, Paris, Hatier, coll. Brèves, 1993, 186 p. Juin 2000

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pour dire la difficulté du renouvellement de la matière. Dès lors, dans cette fin du Moyen Age, l’activité poétique se perçoit dans cette litanie du déjà dit, constat douloureux de venir après, qui s’élabore à travers cette figure du glanage et de la moisson que l’on pille. Les Cent Nouvelles Nouvelles s’inscrivent, de par leur date de composition, dans ce XVe siècle qui a le sentiment profond de vivre une crise de la matière littéraire ; cependant, elles ne travaillent pas cette métaphore du glanage et font au contraire, par le sens étymologique du mot « nouvelle », retour sur le faste créateur des débuts. En s’attachant à déployer le terme de « nouvelle », elles réactivent le sens premier du mot et sèment une nouvelle pousse sur le terrain stérile, faute d’avoir trop donné, de la matière littéraire. Elles font ainsi acte de renouveau, voire de nouveauté et projettent la fertilité à venir. Ce jeune plant que l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles met en terre textuelle, ce sont les événements arrivés récemment et dont la nouvelle va être chargée de récolter et transplanter dans le domaine littéraire ; ainsi, le glissement de la pousse à la collecte va s’opérer dans le sémantisme même du terme de « nouvelle » qui, à partir du XIe siècle, va désigner « l’annonce d’une chose arrivée récemment ». Les Cent Nouvelles Nouvelles travaillent à cette acception du terme puisqu’elles l’emploient en contexte à plusieurs reprises pour signifier l’apparition de la chose ou de l’événement dans un temps proche, récent. C’est le cas dans l’incipit de la nouvelle vingt : Il n’est pas chose nouvelle que en la conté de Champaigne a tousjours eu bon [a] recouvrer de foison de gens lourds en la taille, combien qu’il sembleroit assez estrange a pluseurs, pourtant qu’ilz sont si près voisins a ceulx du mal engin. Assez et largement d’ystoires a ce propos pourroit on mettre avant conformant la bestise des Champenois. Mais, quant au present, celle qui s’ensuyt pourra souffire.42

Autre emploi dans les nouvelles cinquante et cinquante-six où le terme de « nouvelle » désigne contextuellement la relation des faits qui viennent ou vont se dérouler ; le terme de « nouvelle » joue alors avec les limites de la prolepse et de l’analepse pour rendre compte de l’événement saisi dans un petit espace temporel centré sur le présent de l’histoire narrée :

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Cent Nouvelles Nouvelles, N. XX, p. 131, l. 4 à 12.

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Et puis son partement jusques a son retour, oncques son pere ne sa mere n’en eurent une seule nouvelle : si penserent pluseurs foiz qu’il fust mort.43 Et avoit ceste damoiselle une chambriere, qui estoit secretaire de leur fait, et portoit souvent nouvelles au curé et l’advisoit du lieu et de l’heure pour comparoir seurement vers sa maistresse.44

Cependant, du sens « d’événement récent, extraordinaire, surprenant » on passe rapidement au sens de « relation de cet événement », tout d’abord relation orale avec la rumeur publique mais aussi relation écrite de cet événement avec l’élaboration d’une forme adaptée à sa matière : la nouvelle. C’est pourquoi, dans les Cent Nouvelles Nouvelles, plusieurs emplois du terme de « nouvelle » ont une acception floue car renvoyant en même temps à l’événement récent mais aussi à la relation de cet événement dans une forme littéraire particulière : Jasoit que es nouvelles desusdictes les noms de ceulx et celles a qui elles ont touché et touchent ne soient mis n’escripz, si me donne mon appetit grand vouloir de nommer, en ma petite ratelée, le conte Walerant, en son temps conte de Saint Pol, et appelé le beau conte.45 Vous orrez en bref, s’il vous plaist, en la deduction de ceste nouvelle, la chose de quoy j’entens amplier et accroistre sa treseureuse renommée.46 Assez et souvent se recontrerent depuis en la fasson dessusdicte, sans qu’il en fust nouvelle47

D’autres emplois radicalisent ce troisième sens du terme et soulignent l’importance accordée au récit, à la relation concernant un événement présenté comme réel et récent : Se au temps du tresrenommé et eloquent Boccace l’adventure dont je vueil fournir ma nouvelle fust advenue et a son audience ou cognoissance parvenue, [...]48

43

Op. cit., N. L, p. 324, l. 10 à 12. Op. cit., N. LVI, p. 352, l. 11 à 20. 45 Op. cit., N. XXIV, p. 154, l. 4 à 9. 46 Op. cit., N. XXXIV, p. 241, l. 9 à 10. 47 Op. cit., N. XLI, p. 280, l. 99 à 100. 48 Op. cit., N. XXVIII, p. 191, l. 5 à 7. 44

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L’on m’a pluseurs foiz dit et compté par gens dignes de foy ung bien gracieux cas dont je fourniray une petite nouvelle, sans y descroistre ne adjouter aultre chose que servant au propos.49 En une gente petite ville cy entour, que je ne veil pas nommer, est nagueres advenue adventure dont je fourniray une petite nouvelle.50

Le rapport entre la nouveauté et la nouvelle joue alors à plein sur le plan du contenu du récit mais aussi de la forme, ainsi que les nouvelles suivantes le matérialisent étroitement. La fraîcheur et la nouveauté du « cas » advenu conditionne la forme d’un genre qui se doit lui aussi d’être nouveau, voire novateur : La chose est si fresche et si nouvellement advenue dont je vueil fournir ma nouvelle51 Je vous racompteray en bref une adventure nouvelle par laquelle l’on me tiendra pour acquitté d’avoir fourny la nouvelle dont j’ay nagueres esté sommé.52

Ainsi, le terme de nouvelle, spéculairement utilisé à l’intérieur des récits des Cent Nouvelles Nouvelles, est un objet mouvant et kaléidoscopique qui dit la nouveauté dont il est issu ; nouveauté du renouvellement de la matière dans le champ littéraire, nouveauté des événements survenus dans un espace temporel proche du narrateur, nouveauté enfin d’une forme qui s’adapte pleinement à son objet pour dire la naissance et la fertilité. Cette polyphonie du terme de « nouvelle » témoigne du haut pouvoir de réflexivité dont elle se pare : contenant et contenu se modelant dans un même espace de résonance. I.2.1.2 Un pacte de lecture Cette adéquation entre matière nouvelle et genre nouveau prend tout son sens dans un pacte de lecture qui s’attache à cerner les enjeux de cette tension créatrice ; celui-ci se met en place aux marges du recueil, dans la dédicace, mais son caractère détaché lui confère un poids métadiscursif de l’ordre de l’art poétique. En effet, l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles définit dans sa dédicace le projet créatif qui l’anime et qui va être au fondement de la mise en pratique proposée par les

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Op. cit., N. LXXVI, p. 454, l. 4 à 7. Op. cit., N. LXXXVIII, p. 507, l. 4 à 7. 51 Op. cit., N. XXV, p. 159, l. 4 à 5. 52 Op. cit., N. XXXII, p. 215, l. 7 à 10. 50

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nouvelles. Il s’agit, pour lui, de reprendre à son compte la forme choisie par Boccace dans les Cent Nouvelles et de la réactualiser par une matière nouvelle. Cette forme est alors une recréation, les matériaux dont elle se nourrit lui imprimant leur nouveauté. Tout à la fois le même mais aussi autre, les Cent Nouvelles Nouvelles sont, aux dires de leur auteur, un renouvellement du genre par un recours à l’actualité ; « genre pressé », car se nourrissant presque compulsivement du présent, la nouvelle est de l’ordre de l’actualisation de l’espace, mais aussi et surtout du temps : Et se peut intituler le livre de Cent Nouvelles nouvelles. Et pource que les cas descriptz et racomptez ou dit livres de Cent Nouvelles advindrent la pluspart es marches et metes d’Ytalie, ja long temps a, neantmains toutesfoiz, portant et retenant nom de Nouvelles, se peut tresbien et par raison fondée en assez apparente vértité ce present livre intituler de Cent Nouvelles nouvelles, jasoit que advenues soient es parties de France, d’Alemaigne, d’Angleterre, de Haynau, de Brabant et aultres lieux ; aussi pource que l’estoffe, taille et fasson d’icelles est d’assez fresche memoire et de myne beaucop nouvelle.53

Matériau qu’est l’« estoffe », mise en récit qu’est « la myne », la classique opposition du fond et de la forme se retrouve ici dans une dialectique fondée sur la « fresche memoire » et sur la chose « nouvelle ». Réinvesti par cette dynamique temporelle, cet art poétique projette, pour ligne d’horizon, une nouveauté constitutive et nutritive. Il s’agit de donner à lire des événements survenus depuis peu et dans une forme neuve car réactualisée ; ce pacte de lecture initial trouve des échos dans tout le reste de l’œuvre puisque les différents narrateurs, relais du rédacteur de la dédicace, vont reprendre à leur compte ce programme narratif et l’imprimer dans leurs récits. Proximités spatiale mais surtout temporelle vont être à l’œuvre dans les nouvelles qui travaillent les enjeux de familiarité et de contemporanéité. Le « present livre » se veut avant tout livre du présent. La parole du narrateur de la dédicace se fait performative pour transmettre ce « hic et nunc » à l’ensemble du recueil. Dès lors, toutes les nouvelles du recueil vont être chargées de transmettre ce « n’a pas long temps », en témoignage de ce caractère récent des aventures narrées : Ce n’est pas chose pou accoustumée, especialement en ce royaume, que les belles dames et damoiselles se treuvent voluntiers et souvent en la compaignie des gentilz compaignons. Et a l’occasion des bons et joyeux 53

Op. cit., Dédicace au Duc de Bourgogne, p. 22, l. 18 à 29.

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passetemps qu’elles ont avec eulx, les gracieuses et doulces requeste qu’ilz leurs font ne sont pas si difficiles à impetrer. A ce propos n’a pas long temps que ung tresgentil homme qu’on peut mectre ou reng et du compte des princes, dont je laisse mon nom en ma plume, se trouva tant en la grace d’une tresbelle damoiselle qui mariée estoit, [...] laquelle luy voult de fait monstrer le bien qu’elle luy vouloit.54

Autre façon d’attester la nouveauté de l’histoire et donc son cadre fictionnel : le recours au « peu de temps » : En la bonne ville de Rouen, puis peu de temps en ça, ung jeune homme print a mariage une tendre jeune fille, aagée de XV ans ou environ.55

Si ce court laps de temps séparant l’événement d’avec son récit est ici renforcé par la jeunesse de la protagoniste, jeune pousse comme la nouvelle, d’autres techniques sont encore utilisées par les narrateurs pour souligner la nouveauté ; c’est le cas par exemple du décompte qui renvoie à une temporalité beaucoup plus identifiable : Es marches de Picardie, ou diocese de T[h]eroenne, avoit puis an et demy en ça, ou environ, ung gentil curé demourant a la bonne ville, qui faisoit du gorgias tout oultre.56

Le temps désigné par la nouvelle est donc celui de la proximité, de la quasi contemporanéité, ce qui contribue à rendre l’histoire familière. L’intérêt du singulier tient alors à celui du pluriel : la nouvelle, par la nouveauté de ses matériaux et de sa forme, fournit des nouvelles ; elle offre les signes d’une information même si celle-ci s’inscrit dans la fictionnalité. Le pacte de lecture énoncé dans la dédicace et matérialisé dans les nouvelles fonctionne à plein puisqu’il proclame sans cesse son caractère novateur et son ancrage dans le présent. I.2.1.3 Unicité et répétition du m ême Cependant, cette volonté affichée de nouveauté, autant du point de vue de la matière que de la forme, peut cependant sembler suspecte ; l’excès masquant souvent le défaut, la nouvelle peut vouloir dissimuler derrière cette nouveauté une véritable absence de novation. Cette faille est déjà elle-même véhiculée par le vocable de nouvelle, étroitement lié à l’adjectif « nouveau » ; en effet, l’adjectif « nouveau » contraste entre l’idée d’unicité (ce qui est premier, original) et celle de répétition (ce

54

Op. cit., N. XXVII, p. 182, l. 4 à 18. Op. cit., N. LXXXVI, p. 496, l. 5 à 7. 56 Op. cit., N. XCIV, p. 530, l. 3 à 5. 55

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qui est repris, imité). A l’œuvre dans les nouvelles, cette tension est matérialisée par tous les termes de reprise, de redoublement ; répétition de l’action comme dans la nouvelle quatorze où l’ermite se rend par trois fois auprès de la vieille mère pour se livrer à une Annonciation chaque fois différente mais tendant toujours à l’unicité d’une même finalité : avoir dans ses bras la jeune fille convoitée ; répétition encore par les termes à préfixes signifiant le redoublement, la reprise d’un même geste ou d’une même situation : « rehouser » (N. XXIV, l. 139), « rehucher » (N. LXXXII, l. 45), « rehurter » (N. XXIX, l. 47), « remirer » (N. XXXVI, l. 76), « remparer » (N. XXXVIII, l. 142), « rencharge » (N. IV, l. 114), « rencheoir » (N. LII, l. 195... Dans les Cent Nouvelles Nouvelles, tout tend au « rafreschissement » (N. XLVII, l. 50), c’est à dire au renouvellement, à la reprise, à l’imitation, tout en faisant acte original et originel. La nouveauté tant proclamée par la nouvelle serait alors cette tension entre un modèle auquel on réfère et un renouvellement auquel on aspire ; ces deux pôles inclusifs dessinent le parcours métaphorique de ce nouveau genre saisi dans sa dualité constitutive. La nouvelle s’inscrit en effet entre deux temporalités : le passé de la répétition imitative et le futur de la novation originale. C’est de ces deux aspirations que surgit la vigueur générique, sans cesse à la recherche d’un rapport d’équilibre entre ces postulations. Ainsi, le rapport nouveau/nouvelle encode la manière dont un texte affiche sa singularité et ce qu’il invente par rapport à un temps passé dont il tire ses racines. Ce passé est celui de l’inscription dans une filiation littéraire dans laquelle la nouvelle se reconnaît dans son rapport imitatif mais qu’elle rejette dans une unicité sans cesse soulignée.

I.2.2 La filiation littéraire o u l’appropriation ludique

I.2.2.1 Un illustre prédécesseur : Boccace Nous savons que la bibliothèque de Philippe de Bourgogne contenait un exemplaire du Décameron de Boccace ; il est donc probable que l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles ait pu consulter ou avoir en sa possession l’œuvre de Boccace en se fondant sur le relevé des fonds du patrimoine littéraire de la cour de Bourgogne. Cependant, une attestation plus directe nous permet de relier étroitement les deux ouvrages : l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles va se référer à cet illustre prédécesseur qu’est Boccace par la référence au titre de son œuvre majeure, les Juin 2000

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Les Cent Nouvelles Nouvelles

Cent Nouvelles. De titre en titre, la filiation présumée va se faire filiation proclamée, la reprise quasi intégrale devenant ainsi le signe visible de l’attestation intertextuelle. Les Cent Nouvelles sont alors, de fait, l’acte fondateur qui certifie et atteste l’émergence de cette nouvelle forme qu’est la nouvelle et qui, par la référence textuelle, acquiert symboliquement le rôle de patente. Le titre des Cent Nouvelles Nouvelles invite à une lecture des signes explicite puisqu’il intègre morphologiquement et syntaxiquement la référence aux Cent Nouvelles : le titre, donné dans la préface et portique de l’œuvre, propose alors une lecture croisée de ces deux temporalités à l’œuvre en jouant à la fois sur la filiation et sur la nouveauté. En effet, en inscrivant son œuvre dans cette filiation, l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles réduit ainsi l’espace de temps qui sépare les deux productions romanesques ; la référence à Boccace constitue donc un court-circuit temporel puisqu’elle permet de rapprocher deux temporalités hétérogènes que les Cent Nouvelles Nouvelles vont lier et concentrer. Cette filiation, l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles ne va pas se contenter de la signaler dans le titre de son œuvre, mais il va encore la proclamer dès la dédicace à Philippe de Bourgogne ; inaugurale, cette mention se fait alors chapiteau et portique dans un pacte d’ouverture temporelle avec le lecteur. En effet, référer à Boccace, c’est déjà au XVe siècle se placer sous l’égide patronymique du grand auteur et s’inscrire dans son sillage ; mais c’est aussi réclamer ce droit à la différence et à la nouveauté en se démarquant d’une paternité du genre trop pesante. C’est ce qu’exprime en substance l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles dans sa dédicace : Je, vostre tresobeissant serviteur [...] ose et presume ce present petit œuvre, a vostre requeste et advertissement mis en terme et sur piez, vous presenter et offrir ; suppliant treshumblement que agreablement soit receu, qui en soy contient et traicte cent histoires assez semblables en matere, sans attaindre le subtil et tresorné langage du livre de Cent Nouvelles. [...] Les cas descriptz et racomptez ou dit livres de Cent Nouvelles advindrent la pluspart es marches et metes d’Ytalie, ja long temps.57

Ici, ce qui offre le point de départ à la rédaction des Cent Nouvelles Nouvelles, c’est donc bien l’inscription dans un passé littéraire glorieux que l’on veut réitérer par une œuvre à la fois semblable mais aussi radicalement différente. Mais ce qui intéresse essentiellement l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles c’est moins la

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Op. cit., Dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 8 à 21.

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question de l’auteur que celle de l’œuvre ; en effet, nulle part dans la dédicace n’est fait mention du nom de Boccace. Ce choix auctorial délibéré témoigne de l’importance accordée à la production littéraire en tant que telle et surtout de la volonté d’insister sur cette forme naissante qu’est la nouvelle. Le temps humain du grand homme est donc évacué au profit de l’intemporalité de l’œuvre ; l’auteur luimême des Cent Nouvelles Nouvelles s’efface derrière sa production en restant dans un anonymat qu’il est probable d’imaginer désiré dans cette deuxième moitié du XVe siècle. Il faut ainsi attendre la nouvelle vingt-huit pour qu’apparaisse enfin cet hapax qu’est le nom de Boccace : Se au temps du tresnommé et eloquent Boccace l’adventure dont je veil fournir ma nouvelle fust advenue et a son audience ou cognoissance parvenue, je ne doubte point qu’il ne l’eust adjoustée et mise ou reng du compte des nobles hommes mal fortunez.58

Cependant, il est capital de remarquer que l’on insiste ici non pas sur l’auteur des Cent Nouvelles mais sur la temporalité bornée et finie de sa production ; le temps de l’écriture et le temps du récit participent donc d’une même mise en débat puisqu’il s’agit désormais pour l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles de narrer des histoires susceptibles de pouvoir avoir la même tonalité que celles de Boccace mais témoignant cependant d’une nouveauté constitutive. Ce rapport au « maître de la nouvelle » est contenu dans le qualificatif « tresnommé » qui engage deux types de rapports complémentaires puisque désignant tout d’abord de manière emphatique la renommé du personnage mais encodant aussi une lecture temporelle puisque jusqu’au XVe siècle le préfixe « très » ne fonctionne pas seulement comme un intensif mais aussi comme une préposition spatiale signifiant « derrière » et prenant les nuances temporelles voisines de « dès, depuis ». Boccace apparaît alors, dans les Cent Nouvelles Nouvelles, comme source et origine de ce nouveau genre en cours d’élaboration ; cependant, qui dit création et naissance implique dérivation et variation. Les Cent Nouvelles Nouvelles travaillent ainsi un rapport à la filiation paternelle de manière référentielle : elles s’inscrivent dans le sillage et sous la protection de l’œuvre boccacienne mais ne sont pas pour autant des réminiscences imitatives. Elles jouent en effet avec le marquage narratif du maître sans que cellesci se départent de leur caractère ludique pour faire sens ; la situation géographique

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Op. cit., N. XXVIII, l. 5 à 8.

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Les Cent Nouvelles Nouvelles

et événementielle de la nouvelle cinquante-cinq témoigne de ce jeu sur la référence mais n’implique pas une imitatio filiale : L’année du pardon de Romme nagueres passé estoit ou Daulphiné la pestilence si grande et si horrible que la pluspart des gens de bien habandonnerent le païs.

Les temps ont changé. On ne fuit plus le pays, les devisants se sont effacés et on n’écrit plus de récit cadre. Seule reste la référence ludique et l’inscription en filigrane d’une autre histoire à lire dans le livre d’un autre. Cette altérité est celle qui se donne dans toute sa complexité puisqu’elle est à la fois présence et absence ; elle est l’œuvre source et fondatrice à laquelle on se réfère dans le parcours architectural du livre : du titre à la dédicace, tous les signes invitent le lecteur à entrer dans un parcours du sens dont la clef serait sous le signe de l’autorité auctoriale. Cependant l’appropriation ne se fait que de manière ludique dans la mesure où les Cent Nouvelles Nouvelles ne travaillent pas la même matière que les Cent Nouvelles et où la construction du recueil ne se donne pas selon les mêmes modalités. Seule reste la permanence du titre et du nom de l’auteur du recueil visé ; par un système de prismes et d’emboîtement successifs ceux-ci vont être déclinés du titre à la dédicace jusqu’aux nouvelles. La référence à Boccace est, dès sa première mention, placée sous le signe du paradoxe : elle flèche le parcours du sens mais imprime dans le même mouvement une lecture déceptive. Elle authentifie, garantit et crée une ligne d’attente que le traitement va démentir ; la filiation est effective mais limitée à un jeu sur le temps. Il ne s’agit plus de cent nouvelles mais de cent nouvelles nouvelles ; le prolongement du titre est mimétique du projet esthétique de l’auteur : il s’agit à la fois du même et de l’autre puisque les Cent Nouvelles Nouvelles prolongent le mouvement de création de la nouvelle principalement initié par Boccace ; mais la différence réside dans cette nouveauté de la variation et de la dérivation que cristallise le nouveau titre emblématique. Dès lors, la véritable filiation ne se limite pas seulement au jeu de la référence déceptive ; elle s’intègre dans un mouvement plus général où l’œuvre passée est réactivée dans la formation du nouveau récit, autant de filiations réelles et présumées.

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I.2.2.2 La citation intertextuelle Ces filiations réelles et présumées consistent tout d’abord à la référence intertextuelle fonctionnant sur le même mode que la caution boccacienne. En effet, la nouvelle trente-sept, s’ouvre sur la mention d’auteurs et de titres faisant référence à d’autres œuvres littéraires : Les histoires anciennes comme Matheolet, Juvenal, les Quinze Joyes de mariage, et aultres pluseurs dont je scay le compte, font mencion de diverses trompreies, cauteles, abusions et decptions en cest estat advenues, notre jaloux les avoit toujours entre ses mains, et n’en estoit pas mains assotté qu’un follastre de sa massue.

A l’inverse de l’attestation boccacienne, le narrateur va avoir ici recours non pas à l’œuvre mais à son auteur, à l’exception justifiée des Quinze Joyes de mariage qui sont anonymes59. Cette caution a ici la même fonctionnalité que celle analysée précédemment ; cependant, une différence est signifiante : il s’agit pour la nouvelle trente-sept d’une mise en abîme puisque le narrateur rend ici compte des lectures préventives du jaloux. Il s’agit donc d’une subtile technique d’imbrication puisque la référence intertextuelle, mise en abîme, est intégrée dans un jeu spéculaire de diffraction du sens. Celle-ci agit alors sur deux niveaux ; elle encode la lecture de l’œuvre vers des résonances et des filiations littéraires qui lui donnent du sens et font œuvre de caution mais elle fonctionne aussi, à l’intérieur du texte, dans une double tension : à la fois comme garant du niveau culturel et social du personnage qu’elle hausse au niveau des lettrés dignes de considération et comme indice minant de l’intérieur les prétentions et les précautions de l’honnête homme qui n’est au bout du compte qu’un jaloux. Dès lors, la référence intertextuelle permet de jouer de l’ironie et du discrédit jeté au personnage qui se trouve pour ainsi dire « gonflé » par ses lectures puis dans le même mouvement complètement déconsidéré. Mais elle peut aussi toucher les références elles-mêmes dans un mouvement autoréflexif ; en effet, les lectures n’ont pas servi à protéger le jaloux et ce, malgré le réservoir d’exemples et de mises en garde qu’elles pouvaient lui fournir. La nouvelle proclamerait là encore son absence d’exemplarité en soulignant son caractère premier : le désir ludique.

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A ce propos, il est intéressant de noter que les Cent Nouvelles Nouvelles ont permis de mieux définir la date de publication des Quinze Joie de mariage puisque ces dernières sont forcément antérieures à la date de composition des Cent Nouvelles Nouvelles. Juin 2000

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Les Cent Nouvelles Nouvelles

I.2.2.3 Filiations réelles et présu mées : recréations et récréations C’est sur ce plaisir de la référence ludique que se fondent les autres types d’attestation. Ils reposent en effet sur la reprise de schémas, de canevas ou bien d’exemples provenant d’autres œuvres du patrimoine soit antique, soit italien. Pour les sources antiques, il s’agit d’une brève allusion dans la nouvelle vingt-six (l. 144145) à l’ouvrage d’Ovide intitulé De remediis Amoris ; cette référence fonctionne ici en creux, sur le mode de l’allusion et ne constitue pas l’essentiel du travail d’analogie auquel se livrent les narrateurs des Cent Nouvelles Nouvelles. En effet, l’essentiel de ce jeu de filiation repose sur le recours à des sources italiennes, signe évident de la circulation européenne des récits et de la volonté affichée de désigner l’Italie comme l’origine, le creuset et la source de ce nouveau genre en cours d’élaboration qu’est la nouvelle. Ainsi, on relève dès la première nouvelle une reprise ludique du titre de l’ouvrage de Jacques de Voragine, La légende dorée : Sans faire semblant de le croire, elle recommence sa grande légende dorée, luy mettant sus qu’il venait de la taverne et des estuves et des lieux deshonnestes et dissoluz60.

Si cette référence à l’auteur génois reste un hapax, les multiples références à Pogge et à Boccace constituent au contraire une source évidente d’inspiration. Aussi la reprise thématique de certains récits figurant dans les Facéties sont autant d’appels à une lecture transversale et croisée. C’est le cas pour la troisième nouvelle qui fait retour sur le conte Talio, pour la huitième reprenant le Repensa merces, la nouvelle onze établissant des analogies avec la célèbre histoire de l’anneau de Hans Carvel figurant dans l’ Annulus, la nouvelle douze renvoyant à l’ Asinus perditus tout comme la numéro vingt à Priapi vis, la cinquante à Justa Excusatio, la soixanteseize à Priapus in laqueo, la soixante-dix-neuf à Circulator, la quatre-vingt à l’ Aselli priapus, la quatre-vingt-onze au Novum supplicii genus, la quatre-vingt-treize au Quomodo calceis peccatur, la quatre-vingt-quinze au Digiti tumor, la quatrevingt-seize au Canis testamentum et enfin la quatre-vingt-dix-neuf au Sacerdotii virtus. L’autre ouvrage majeur au fondement des références des Cent Nouvelles Nouvelles est le Décaméron de Boccace puisque la neuvième, dixième, quatorzième, seizième, dix-huitième et soixante-dix-huitième nouvelle font

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Cent Nouvelles Nouvelles, N. I, p. 29, l. 197 à 200.

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respectivement retour ou effet d’échos sur le Décameron VIII(4), VII(6), IV(2), VII(6), VIII(2), VII(5). Quant à la nouvelle vingt-huit (l. 14), elle vise un autre livre de Boccace, le De casibus virorum illustrium, dont il existait déjà des traductions françaises et de très nombreux manuscrits. Enfin, la troisième et dernière source déterminante des Cent Nouvelles Nouvelles est le recueil de nouvelles de Sacchetti puisque la nouvelle cinquante-deux des Cent Nouvelles Nouvelles fait écho à la nouvelle seize et que la nouvelle neuf rappelle encore la nouvelle deux cent six. Ainsi, il apparaît que les Cent Nouvelles Nouvelles travaillent tout un jeu d’échos et de reprises à partir d’œuvre italiennes. Modèles, canevas ou supports appelant à la variation, ces œuvres participent d’une entreprise d’attestation ou de filiation qui peut se faire sur le mode de l’appropriation, du détournement ou de la dérision. Dès lors, ces filiations réelles ou présumées affirment le caractère ludique du projet des Cent Nouvelles Nouvelles puisqu’il met en œuvre un jeu sur le temps ; c’est au lecteur à se remémorer ces récits passés pour réactualiser leur souvenir par la lecture des Cent Nouvelles Nouvelles. Ce n’est qu’alors qu’il peut apprécier ces variations comme autant de parallélismes ou de contre-points, jamais imitations mais toujours compositions. Du livre ancien au livre présent, le jeu sur le temps est vivace pour interroger la nouveauté érigée en principe dans les Cent Nouvelles Nouvelles. C’est pourquoi la dialectique récent-ancien est fondamentale afin de comprendre les implications de cette nouveauté paradoxale.

I.2.3 Du nouveau si nouv eau ? La dialectique récent-ancien

I.2.3.1 La « fresche mémoire » Si la dédicace au duc de Bourgogne mentionne comme préalable la nécessité pour le texte que « l’estoffe, taille et fasson d’icelles [soit] d’assez fresche memoire et de myne beaucop nouvelle »61, qu’en est-il concrètement au sein même des nouvelles ? Comment ce travail d’actualisation est-il élaboré et matérialisé ? Dans quelle mesure cette « fresche memoire » est-elle à l’œuvre dans les Cent Nouvelles Nouvelles ?

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Op. cit., Dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 27 à 29.

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Il n’est pas en effet innocent de s’interroger sur les rapports qu’entretiennent la mémoire et l’événement narré. Ecrits de mémoire à la mémoire du duc de Bourgogne ou tout simplement pour mémoire, les Cent Nouvelles Nouvelles sontelles uniquement un aide-mémoire utilitaire destiné à se remémorer des histoires pour passer le temps ou un mémorial où l’auteur construit par ses nouvelles un édifice du souvenir ? Ainsi, le chemin de l’ensemble de souvenirs au recueil de souvenirs jusqu’au monument commémoratif n’est pas si linéaire ni rectiligne que l’on pourrait le penser initialement. Interroger la mémoire, aussi « fresche » soitelle, c’est proposer un rapport au temps qui se donne de façon subtile car intégrant à la fois des réminiscences personnelles et subjectives du narrateur et une réalité complexe à saisir dans sa durée et son évolution. Cette intersubjectivité du rapport au temps implique une inscription du narrateur dans la temporalité de l’événement narré et désigne en creux un palimpseste de temporalités à l’œuvre dans le travail de mémorisation et de remémoration. Ce processus de mémoire passe par trois formes de transmission bien distinctes ; c’est tout d’abord la référence à un événement qui s’est produit et auquel le narrateur omniscient serait supposé avoir assisté. Dans ce cas, la fictionnalité apparaît comme fonctionnant à plein dans la mesure où le narrateur, le plus souvent, n’était pas présent dans le huis-clos dont il est question et où il ne témoigne pas de la façon dont il a appris l’histoire. C’est la forme la plus représentée dans les Cent Nouvelles Nouvelles ; elle se donne sans formule explicative et le lecteur, pris dans la référentialité de l’histoire, ne doit pas chercher les sources de cette transmission. Il s’agit dans ce cas d’une mémoire puisant dans un fond culturel, le plus souvent oral, et qui retransmet l’information pour le plaisir du jeu littéraire. Le second mode mémoriel s’apparente lui aussi à cet ancrage dans des matériaux communs même s’il précise davantage sa référence ; c’est ainsi que l’histoire va être désignée comme connue de tous car fondée sur une mémoire commune ; la singularité du narrateur s’en dégage pour mettre en forme un épisode que les lecteurs ou auditeurs ont partagé. C’est le cas par exemple de la nouvelle soixante-neuf qui affirme que les événements qu’elle met en scène sont ancrés dans le souvenir des habitants de Gand, des Flandres mais aussi et surtout de l’assemblée présente : Il n’est pas seullement cogneu de ceulx de la ville de Gand, ou le cas que j’ay a vous descripre n’a pas long temps advint, mais de la plus part de ceulx de Flandres, et de vous qui estes cy presens, que [a] la bataille

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de Flandres qui fut entre le roy de Hongarie et monseigneur le duc Jehan [...] pluseurs chevaliers et escuiers françois, flamens, alemans et picards furent prisonniers [...].62

Cette forme mémorielle se rapproche de la commémoration puisque, comme dans l’épopée, elle a pour objet de rassembler les souvenirs et de les magnifier par le récit. Dès lors, il s’agit d’une mise en scène d’une mémoire collective de laquelle se détache la voix du narrateur afin d’assurer le rôle de transmission et de célébration. Cependant, l’attestation peut aussi se faire plus transparente en référant à la retransmission, à la redite, à la répétition : Ainsi que j’estoye n’a gueres en la conté de Flandres, en l’une des plus grosses villes du pays, ung gentil compaignon me fist ung joyeux compte d’un homme maryé, de qui la femme estoit tant luxurieuse et chaulde sur potage et tant publicque, que a paine estoit elle contente qu’on la cuignast en plaines rues avant qu’elle ne le fust.63 L’on m’a pluseurs foiz dit et compté par gens dignes de foy ung bien gracieux cas dont je fourniray une petite nouvelle, sans y descroistre ne adjouter aultre chose que servant au propos.64

« Gens dignes de foy » ou « gentil compagnon » se présentent comme les sources de cette histoire contée et à re-conter ; la mémoire des uns agit alors sur la mémoire des autres. La transmission se fait de façon indirecte, chaque narrateur inscrivant dans son récit une autre histoire en puissance. Dès lors, la « fresche memoire » est à saisir dans une double entente : nouveauté relative car inhérente à un parcours du dire et du redire. Le second narrateur a, dès lors, pour tâche de rendre compte de la mémoire du premier par sa propre réminiscence. Cet emboîtement confère au récit profondeur temporelle et ambiguïté énonciative ; il permet d’inscrire en filigrane la temporalité des uns dans la temporalité des autres en élaborant un système subtil luttant contre l’oubli et la dispersion. La mémoire devient alors métonymiquement ce « livre qu’on feuillette »65, aide-mémoire des souvenirs épars réunis, « recordés » et assemblés dans un récit mémoriel et mémorial. Le livre permet donc la saisie des

62

Op. cit., N. LXIX, p. 422, l. 4 à 13. Op. cit., N. XCI, p. 518, l. 4 à 10. 64 Op. cit., N. LXXVI, p. 454, l. 4 à 7. 65 Expression empruntée à Jacqueline Cerquiglini-Toulet dans son chapitre consacré à « La matière des poètes », in La couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIVe siècle, 1300-1414, Paris, Hatier, coll. Brèves, 1993, p. 126. 63

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souvenirs passés « couchés par escript » par la mémoire et la perspective de perpétuation, ainsi que le signifie la nouvelle soixante-sept : Ores a trois ans ou environ que une assez bonne adventure advint a ung chaperon fourré de parlement de Paris. Et affin qu’il en soit memoire, j’en fourniray ceste nouvelle [...].66

La mémoire est alors synonyme d’engendrement du futur par le passé ; réceptacle et lieu clos, elle désigne à la fois l’ouverture et la fermeture d’un dire en prise avec le temps, la survie programmée par l’activité de lecture qu’elle projette. Ainsi, la mémoire des uns peut réactiver celle des autres et la prolonger par le texte qui transcende le présent du narrateur ; elle suscite la participation des lecteurs qu’elle invite à s’inscrire dans cette temporalité du souvenir, de la « remembrance », à nourrir de leur propre expérience mémorielle pour la prolonger dans cet objet plastique qu’est le livre : Tanditz que les aultres penseront et a leur memoire remaindront aucuns cas advenuz et perpetrez, habilles et suffisans d’estre adjoustez a l’ystoire presente, je vous compteray, en brefz termes, en quelle façon fut deceu le plus jaloux de cest royaume pour son temps.67

Si « n’a pas long temps que la memoire n’en soit fresche et presente a ceste heure »68, c’est que le texte signifie le lien nouveau de la mémoire et du livre, qu’il confronte la matrice du souvenir avec l’expérience du temps qui passe et qu’il projette, par l’objet-livre, la possible réconciliation du temps avec un lieu matériel qui lui est propre. Dès lors, l’objet visé dans cette saisie c’est l’homme. Dans cette tension entre génération et régénération, ce sont les rapports entre expérience humaine et genre nouveau qui sont désignés en creux. I.2.3.2 Génération et régénératio n C’est par son recours à des événements nouveaux, mais qui se sont déroulés il y a trente ou soixante années auparavant, que la nouvelle peut être qualifiée de « fresche memoire » ; le paradoxe d’une nouveauté déjà ancienne définit le rapport subtil qu’établit la nouvelle entre génération et régénération. Il s’agit pour les narrateurs de donner à voir des faits auxquels ils ont ou auraient pu assister, ou dont

66

Cent Nouvelles Nouvelles, N. LXVII, p. 414, l. 4 à 7. Op. cit., N. XXXVII, p. 255, l. 4 à 9. 68 Op. cit., N. XV, p. 105, l. 6 à 7. 67

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une personne de leur entourage aurait pu témoigner. La nouvelle est alors une œuvre de mémoire dans le sens où elle remonte jusqu’à ce qu’on en puisse parler ou raconter, c’est à dire à la génération. Et c’est justement parce que les Cent Nouvelles Nouvelles choisissent un référentiel nouveau, celui de la génération, qu’elles font œuvre de régénération du genre. Ainsi, la temporalité désignée est tout d’abord celle de la première génération, la période dans laquelle vit le narrateur et dont la proximité avec le présent de narration est souligné : Montbleru se trouva, environ deux ans a, a la foyre d’Envers, en la compaignie de monseigneur d’Estampes [...].69 Ores a trois ans ou environ que une assez bonne adventure advint a ung chaperon fourré de parlement de Paris.70

C’est la temporalité du « nostre temps », celui du narrateur et de ses lecteurs qui partagent le même rapport référentiel à la génération : En la ville de Bruxelles, ou maintes adventures sont en nostre temps advenue, demouroit n’a pas long temps a l’ostel d’un marchant ung jeune compaignon picard qui servit tresbien et loyaument son maistre assez longue espace.71

A cette première strate temporelle se juxtapose une seconde période désignant la génération passée, celle du père et de la mère, soit trente à soixante ans auparavant : Je cogneuz au temps de ma verte et plus vertueuse jeunesse deux gentilz hommes, beaulx compaignons, bien assoviz et adressez de tout ce qu’on doit ou peut loer [en] ung gentil homme vertueux.72

La jeunesse du narrateur coïncide alors avec la génération précédant la sienne et imprime à l’histoire racontée un rapport avec le temps qui n’est pas immédiat mais de l’ordre du différé. Ainsi, cette deuxième génération est tout d’abord celle d’une filiation puisqu’il s’agit de remonter à la temporalité du père, temps de la mémoire encore « fresche » de la famille ou de la collectivité. Cependant, cette analepse peut encore effectuer une régression temporelle encore plus significative lorsqu’il s’agit de la temporalité du troisième degré d’ascendance et de filiation ; elle est mentionnée par la reprise de la même figure syntaxique et sémantique du « n’a pas

69

Op. cit., N. LXIII, p. 396, l. 4 à 6. Op. cit., N. LXVII, p. 414, l. 4 à 6. 71 Op. cit., N. VIII, p. 68, l. 4 à 8. 72 Op. cit., N. LVIII, p. 362, l. 4 à 7. 70

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cent ans » qui renvoie, à la fois au temps des aïeux et donc de la mémoire filiale, mais aussi à la perfection numéraire de la centaine : N’a pas cent ans d’huy que ung gentilhomme de ce royaume voulut savoir et esprouver l’aise qu’on a en mariage.73 Depuis cent ans de ça ou environ, es marches de France, est advenu en une bonne paroisse, une joyeuse adventure que je mettray ycy pour croistre mon nombre, et pource qu’elle est digne d’estre ou reng des aultres.74 Au gent et plantureux païs de Hollande avoit, n’a pas cent ans, ung gentil chevalier logé en ung bel et bon hostel ou il y avoit une tresbelle jeune chambriere servant, de laquelle tresamoureux estoit.75

Cette insistance sur le « cent » témoigne d’un intérêt porté par la nouvelle à la notion de siècle, période parfaite et bornée qui renvoie à une époque délimitée dans l’espace et le temps. Elle désigne encore la génération humaine du grand-père régénérée par le fils et le petit-fils ; c’est à dire la perfection du ternaire (3x33ans) hissée à la hauteur du « cent », partie qui forme un tout dans le tout. Mais cette référence a encore d’autres implications puisqu’elle renvoie au titre même des Cent Nouvelles Nouvelles. « Cent » donc de la perfection numérique dans cette architecture complexe qu’est le livre, « nombre d’or » de la littérature narrative qui dit à la fois le plaisir de l’abondance mais aussi celui de l’ordre. « Cent » de la reprise du titre de Boccace, les Cent Nouvelles. « Cent » du nombre d’années qui sépare la publication en 1352 des Cent Nouvelles et des Cent Nouvelles Nouvelles autour de 145676. « Cent » symbolisant la filiation du grand père Boccace au petit-

73

Op. cit., N. XXIX, p. 197, l. 4 à 6. Op. cit., N. LXXXV, p. 492, l. 5 à 9. 75 Op. cit., N. LXXXVII, p. 502, l. 5 à 8. 76 A ce titre, le débat autour de l’année de rédaction des Cent Nouvelles Nouvelles est fort intéressant. En effet, le rédacteur de la dédicace mentionne l’année 1432, ce que M. Roques et F. P. Sweetser s’accordent à remettre en question au vue des allusions historiques faites dans les nouvelles. Ils estiment tous deux que les nouvelles n’ont pu être racontées avant 1450 et F. P. Sweetser ajoute dans son introduction aux Cent Nouvelles Nouvelles qu’il faut opter pour une « date moyenne mais arbitraire » qui serait 1462, juste milieu entre « les dates extrêmes de 1456 et 1467 ». Or, ce que M. Roques désigne comme une « erreur inquiétante », à savoir la mention par le rédacteur de la dédicace de l’année 1432 comme date de composition, est significative. Elle pourrait en effet correspondre au désir du narrateur de ramener au plus près de la centaine, sans la dépasser, la période de composition des Cent Nouvelles Nouvelles ; dès lors, cette inscription ne serait plus faute, manquement à la vérité historique, mais désir ludique d’établir un parallèle audacieux, entre les deux ouvrages, par la correspondance numéraire de la perfection de la centaine, ce que faisait déjà explicitement le titre des Cent Nouvelles Nouvelles. 74

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fils anonyme. Génération donc retrouvée du livre au livre, de l’homme à l’homme et mémoire rendue possible par l’espace de temps délimité à l’ascendance humaine. Cependant, de l’aïeul au descendant, la temporalité a joué en vertu du principe de renouvellement ; renouvellement de l’espèce mais aussi du genre puisque les Cent Nouvelles Nouvelles ne sont pas seulement les héritières du défunt Boccace. Elles sont tentative de recréation et se fondent pour ce faire sur le recours à une autre temporalité, plus proche du narrateur, et dont il peut porter la mémoire directement ou indirectement ; et c’est justement par ce recours continu à l’exigence de la génération - ne pas conter d’histoires excédant la prescription des cent ans comme garantie de nouveauté de la matière – que le processus de mémoire peut fonctionner comme régénération du genre de la nouvelle. Dès lors, avec un temps nouveau peut jaillir une forme nouvelle dédiée à rendre compte de cette nouveauté. I.2.3.3 Temps nouveau, forme n ouvelle Le problème du temps de composition des Cent Nouvelles Nouvelles est encore ici à prendre en compte afin de mieux comprendre les enjeux de ce recueil. En effet, les Cent Nouvelles Nouvelles est un recueil bourguignon, écrit quelques décennies après la fin de la guerre de cent ans. Longue période de crise, la guerre de cent ans a semblé cristalliser autour de ses manifestations tous les troubles qui se déployaient sur les autres plans. Son prétexte est, comme le plus souvent, assez simple : à la mort de Philippe le Bel (en 1314) , ses trois fils règnent successivement car ils n’avaient que des filles. A la mort du dernier des fils, en 1328, une assemblée de barons confie la couronne à Philippe de Valois, cousin germain en ligne des derniers capétiens, et écarte la candidature du roi d’Angleterre Edouard III, fils de la sœur du roi défunt, sous le prétexte, discutable à l’époque, qu’une femme ne peut transmettre de droits à la couronne. Philippe VI reprend alors la politique capétienne traditionnelle et s’efforce d’arracher à Edouard III son fief de Guyenne. Ce dernier, pour sauver son fief, en vient à contester la légitimité de son seigneur et revendique la couronne. En 1337, la guerre éclate. Ce sera une guerre longue car chacun paraît sûr de son droit. Elle s’étendra encore dans le temps parce qu’elle aligne des effectifs trop faibles pour qu’aucune défaite ne puisse empêcher le vaincu de trouver aussitôt de nouveaux effectifs. Elle se prolongera enfin car de nombreuses trêves empêchent le déroulement linéaire de son cours. Juin 2000

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Au début du XVe siècle, à la suite de l’assassinat du duc d’Orléans en 1407, puis de son meurtrier le duc de Bourgogne Jean sans Peur en 1419, la guerre civile s’ajoute aux hostilités franco-anglaises et aux exploits des mercenaires pour transformer la zone comprise entre la Somme et la Loire en un vaste champ de batailles et de ruines. Ainsi, la Bourgogne, terre de l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles, entre elle aussi dans le conflit. Cela n’est pas sans implications sur les mémoires des devisants ; pour preuve, la nouvelle soixante-deux qui évoque le mois de juillet 1439 durant lequel se tinrent les réunions entre Bourguignons, Anglais et Français, entre Calais et Gravelines, au château d’Oye pour traiter de la rançon de Charles d’Orléans. Même si le roi de Bourges se réconcilie à Arras avec son cousin de Bourgogne en 1435, on remarque bien, dans cette mention des Cent Nouvelles Nouvelles, qu’il reste encore à libérer le royaume de l’étranger et à faire un bilan des pertes qui s’avère très lourd. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVe siècle que la France sort enfin de la longue période de difficultés qu’elle connaît depuis l’aube du XIVe siècle. En 1453, l’armée de Charles VII et son artillerie chassent du royaume les dernières bandes anglaises. C’est la paix. Déjà, dans certains secteurs de l’économie, se manifestaient depuis quelque temps les premiers signes d’une reprise. Les premiers mouvements s’en révèlent vers 1440 et, peu à peu, un monde nouveau s’organise avec une rapidité qui varie selon les domaines et les régions dans cette France jadis déchirée entre les Armagnacs, les Bourguignons et les Anglais. Georges Duby et Robert Mandrou ajoutent, pour conclure ce panorama historique : « Le grand retournement s’est produit, en réalité, vers 1475, vingt-cinq ans après l’arrêt définitif des hostilités. Effet de la paix certes : le trésor du roi soulagé, les mutations monétaires s’arrêtent, et surtout la reconstruction des campagnes n’est plus, tous les dix ans, compromise par une nouvelle vague de dévastations. Dans cette économie fondamentalement terrienne, un quart de siècle a suffi pour tout réparer. Quelques bonnes récoltes, de quoi manger, de quoi nourrir les enfants et les fortifier contre les premières maladies, ce sont aussitôt des villages plus peuplés, des travailleurs plus nombreux, les lisières des terroirs reprises à la friche, l’aisance paysanne du temps de Saint Louis retrouvée. [...] Toutefois la prospérité nouvelle a pour cause essentielle, plus que la fin des guerres, un renversement de la conjoncture. Avec toute l’Europe, la France est de nouveau entraînée en un mouvement qui s’accélère dans les dernières années du siècle, dans une longue phase d’expansion. Le temps revient de la grande aisance marchande, Nelly LABERE

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dans les très grosses villes mais aussi dans les moyennes [...]»77. Ce temps de l’aisance marchande est celui que l’on retrouve présent dans les Cent Nouvelles Nouvelles dans les catégories sociales sur-représentées du bourgeois et du marchand. Du « gentil homme de Bourgoigne [qui] pour aucuns de ses affaires s’en alla a Paris, et se logea en ung tresbon hotel ; car telle estoit sa coutume de querir toujours les meilleurs logiz » (N. XVIII), en passant par le « bon marchant [...] en la ville d’Arras » (N. XLIX) jusqu’au « compagnon picard [qui] demouroit n’a pas long temps a l’ostel d’un marchant » (N.VIII), les personnages mis en scène témoignent de ce mouvement d’expansion et d’aisance qui commence à se développer dans cette seconde moitié du XVe siècle. S’il s’agit, comme l’affirment Georges Duby et Robert Mandrou, d’un « départ – mais vers un monde transformé. Car, dans les temps de misère, bien des traits de la civilisation médiévale se sont définitivement effacés. »78, ce mouvement de développement et de renouveau n’est pas sans conséquences sur l’apparition de cette forme qu’est la nouvelle. En effet, pour témoigner de la nouveauté de ce monde dans lequel vit l’auteur, il faut peutêtre avoir recours à une forme nouvelle dont les caractéristiques sont certainement plus à même de rendre compte de cette novation. Dès lors, des temps nouveaux chercheraient une forme nouvelle afin de trouver un moyen d’attester et d’authentifier leur nouveauté. Phénomène littéraire mais peut-être aussi social, la nouvelle serait cette subtile émanation de la nouveauté des temps transcrite littérairement. La floraison des recueils de nouvelles au XVIe siècle témoigne de l’adéquation de cette forme avec son époque puisque nous en avons répertorié plus de trente ; on citera pour exemple le Grand Parangon des Nouvelles Nouvelles de Nicolas de Troyes, les Comptes amoureux de Jeanne Flore, les Cent Nouvelles Nouvelles de Philippe de Vigneulles, le Parangon des Nouvelles honnestes et délectables, les Propos rustiques de Noel du Fail, les Fascetieux devitz des cent et six nouvelles nouvelles, très récréatives et fort exemplaires, veuz et remis en leur naturel de la Motte Roullant, les Nouvelles Récréations et Joyeux Devis de Bonaventure des Périers, l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, le Printemps d’Yver de Jacques

77

Georges Duby et Robert Mandrou, Histoire de la civilisation française. Moyen Age-XVIe siècle, Paris, Armand Colin, 1958, p. 223 à 224. 78 Op. cit., p. 225.

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Yver... C’est pourquoi il est légitime d’affirmer que le premier recueil de nouvelles françaises, les Cent Nouvelles Nouvelles, marque l’apparition d’une forme plastiquement adaptée à son époque car suscitée par l’évolution de celle-ci. Cette deuxième moitié du XVe siècle voit donc l’émergence d’une littérature qui témoigne des mutations sociales et dont la modernité n’aura de cesse d’être reprise et modulée au siècle suivant. Ces mutations sociales sont celles d’un monde dont l’équilibre féodal est menacé déjà depuis des siècles et qui porte en germe son point de rupture. Cette faille sous-jacente est celle par laquelle va advenir le changement et qui se traduit littérairement par la notion d’« adventure » ; sur des plans différents, mais cependant non hétérogènes, l’une comme l’autre vont proposer une rupture dans la linéarité temporelle et la remettre en question. C’est là que prend réellement tous son sens le terme « d’adventure », notion au fondement de la constitution de cette forme qu’est la nouvelle.

I.3 L’adventure

I.3.1 La stratégie de l’inat tendu

I.3.1.1 L’adventure ou le point d e bascule. L’« adventure » désigne l’événement inattendu, accidentel. Issue du latin populaire adventura, pluriel neutre du participe futur du verbe latin advenire, elle est devenue un nom féminin singulier désignant les choses qui doivent se produire. De ce sens initial de « sort, destin », voisin de celui d’« avenir », le mot a pris très tôt la nuance particulière « d’événement inattendu, accidentel ». Aussi, l’« adventure » est à comprendre dans le sens médiéval de « fait qui est arrivé ou arrivera et de manière imprévue ». Ainsi, l’« adventure » vient rompre la temporalité normale en accélérant son cours. C’est pourquoi la nouvelle n’est pas le lieu d’un raccourci temporel mais d’une linéarité remise en question. C’est le caractère inattendu de l’événement mis en scène par la nouvelle qui va provoquer l’accélération du temps. Mais pour bien comprendre ses implications dans les Cent Nouvelles Nouvelles, il faut cerner les trois sens que les narrateurs lui attribuent.

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C’est ainsi que le terme d’« adventure » va désigner tout d’abord l’événement fortuit et être synonyme de « hasard ». C’est cette acception que l’on retrouve dans les nouvelles trente-cinq ainsi que soixante-et-onze : Or advint, ne sçay par quelle adventure, ou si l’oste de leens, mary de l’ostesse, queroit sa femme pour aucune chose luy dire, en passant par adventure par devant la chambre ou sa femme avec le chevalier jouoit des cimbales, il en oyt le son.79 Ce bon chevalier [...], comme il passoit païs, arriva d’adventure a ung soir au chasteau ou sa dame demouroit.80

Dans ces emplois, l’« adventure » revêt un caractère improbable, fortuit et consiste à marquer d’autant plus la rupture temporelle par le saisissement qu’elle offre. Elle est réelle irruption de l’événement dans la mesure où elle est possibilité et non probabilité. Elle présente le plus important degré de rupture temporelle en intégrant dans l’histoire l’inattendu. Elle marque le surgissement dans l’ordre habituel des événements d’un fait décisif et non préparé. Dès lors, le terme d’aventure entretient d’étroites relations avec celui de temporalité. En effet, parler d’une aventure revient à parler d’une rupture de la linéarité temporelle et événementielle. C’est cette discontinuité qui suscite la mise en récit et fonde la nouvelle. En effet, chaque récit va avoir pour justification la nécessité de relater cette fracture et pour objet de rendre compte de cet accident. Cependant, cet emploi du terme d’« adventure » sur le plan de l’histoire n’est pas le seul moyen de jouer avec la linéarité du récit ; les narrateurs ne se contentent pas de l’employer comme synonyme de « hasard » et peuvent lui préférer celui d’« occasion » en laissant ainsi le champ ouvert à la probabilité. C’est le cas, par exemple, dans trois nouvelles qui travaillent à cette acception : Car si par adventure, comme il advient chacun jour, elle faisoit ung enfant, elle seroit a tousjoursmés femme deshonorée et reprouchée de son pere, de sa mere, de ses freres et de tout son lignage.81 Si s’advisa bon jacobin qu’il viendroit veoir sa dame, et que a l’adventure pourroit il estre si eureux que de la trouver en belle.82 Ung jour advint que en une bonne ville de Haynaut avoit ung bon marchant maryé a une vaillant femme, lequel tressouvent alloit en 79

Cent Nouvelles Nouvelles, N. LXXI, p. 432, l. 40 à 45. Op. cit., N. XXXV, p. 247, l. 24 à 27. 81 Op. cit., N. XLIV, p. 293 à 294, l. 24 à 28. 82 Op. cit., N. XLVI, p. 306, l. 38 à 40. 80

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marchandise, qui estoit par adventure occasion a sa femme qu’elle amoit aultre que luy, en laquelle chose elle continua assez longuement.83

Ici donc le terme d’« adventure » renvoie à la circonstance qui vient à propos et provoque l’événement ; là encore la linéarité temporelle est brisée par la venue d’un élément mais à la différence de la première acception, celle-ci se justifie par le contexte et ne constitue pas une discordance dans la trame événementielle. Ainsi, il n’est pas incohérent qu’une femme attende un enfant parce que « il advient chaque jour » un tel événement. Cependant, ce qui apparaît comme rupture temporelle et sociale, c’est qu’une jeune fille non mariée soit enceinte et de surcroît du prêtre. On glisse alors, avec cette deuxième acception, de la possibilité à la probabilité. Le point de bascule repose sur un degré plus ou moins grand de légitimité de l’événement et constitue le sujet principal des Cent Nouvelles Nouvelles. C’est pourquoi, dans un processus métonymique, l’« adventure » va référer non plus seulement à un moment de l’histoire mais au récit dans son intégralité pour former un duo avec le terme de « nouvelle ». C’est ce dont la neuvième nouvelle témoigne en utilisant alternativement le terme d’« adventure » comme synonyme d’événement inattendu mais aussi comme mot équivalent à l’expression « nouvelles histoires » : Pour continuer le propos de nouvelles histoires, comme les adventures adviennent en divers lieux et diversement, on ne doit pas taire comment nagueres ung gentil chevalier de Bourgoigne, faisant residence en ung sien chasteau, bel et fort, fourny de gens et d’artillerie, comme a seigneur de son estat appartenoit, devint amoureux d’une damoiselle de son hostel, voire et la premiere après madame sa femme [...]. Madame, plus contente d’avoir eu l’adventure de ceste nuyt que sa chambriere, et oyant la bonne repentence de monseigneur, assez legierement s’en contenta.84

L’« adventure », qui fournit au récit son point de départ et sa justification par le point de bascule temporel dont elle souhaite rendre compte, devient alors le terme générique qui désigne la totalité du récit : La grande et large marche de Bourgoigne n’est pas si despourveue de pluseurs adventures dignes de memoire et d’escripre que, a fournir les histoires qui a present courent, je n’ose bien avant mettre et en bruyt ce que nagueres y advint.85

83

Op. cit., N. LXI, p. 378, l. 4 à 9. Op. cit., N. IX, p. 73 à 77, l. 4 à 11 et 134 à 137. 85 Op. cit., N. XIV, p. 97, l. 5 à 9. 84

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Dès lors, l’ensemble du recueil pourrait recevoir la dénomination d’« adventures » dans ce parallèle établi par les narrateurs avec le terme de « nouvelles ». En effet, il s’agit bien d’une « ratelée » d’événements inattendus et de leur mise en récit selon le principe du point de bascule. Cependant, si le rédacteur a préféré à « adventure » la terminologie de « nouvelle », c’est parce qu’elles ne partagent peut-être pas les mêmes enjeux. La nouvelle trente-deux est révélatrice de cette tension linguistique : Je vous racompteray en bref une adventure nouvelle par laquelle l’on me tiendra pour acquitté d’avoir fourny la nouvelle dont j’ay nagueres esté sommé.86

Dès son incipit, elle propose, en effet, un système d’équivalence entre raconter «en bref une adventure nouvelle » et fournir une « nouvelle » ; ce parallèle est éclairant car il permet de mieux comprendre les implications de la terminologie d’« adventure » en tant que trait définitoire du recueil. Elle apparaît ainsi, tout d’abord, sous le signe de l’incomplétude constitutive car nécessitant l’explicitation de deux adjectifs (« bref » et « nouvelle ») afin d’atteindre à la perfection nominative de « nouvelle ». Que nous révèlent ces adjectifs ? Tout d’abord, que ce qui fait défaut au terme d’« adventure » pour prétendre à une désignation générique, c’est la notion de nouveauté ; mais cela souligne aussi qu’il ne prend pas non plus en compte le sémantisme de brièveté à l’opposé du terme de « nouvelle » qui se suffit à lui-même. Par conséquent, si le terme d’« adventure » est employé comme synonyme de « nouvelle » pour désigner ce genre en cours d’élaboration, c’est par une pratique abusive ou qui sollicite, en creux, la complétude du sens. Dès lors, si l’« adventure » est une donnée fondamentale de la nouvelle, c’est dans un rapport de fond à forme qu’il faut la comprendre. C’est pourquoi, une typologie souple de ses manifestations peut nous permettre de mieux cerner ce qui la constitue comme élément fondateur de la nouvelle. Si elle est un point de bascule qui rompt avec la linéarité temporelle et événementielle du récit pour fournir à la nouvelle la matière dont elle se nourrit, quelles sont les modalités de son expression ? I.3.1.2 Typologie de l’adventure Il est possible de classer les différents types d’« adventures » en trois catégories souples qui peuvent s’interpénétrer.

86

Op. cit., N. XXXII, p. 245, l. 7 à 10.

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Le premier groupe est constitué par des histoires dont la linéarité est interrompue par le surgissement d’un bon mot proféré à un moment inattendu et qui remet en cause le déroulement logique de l’action initiale. C’est le cas par exemple dans la nouvelle soixante-et-onze où le mari, prenant en flagrant-delit d’adultère sa femme et son amant, leur adresse les mots suivants : Et, par la mort bieu, vous estes bien meschantes gens, et a vostre fait mal regardans, qui n’avez pas eu tant de sens, quand vous voulez faire telz choses, que de serre et tirer les huys après vous. Or pensez que c’eust esté si ung aultre que moy vous eust trouvez !87

Même schéma dans la nouvelle quarante-trois où le mari accepte son cocuage à la seule condition que l’amant paye « XII rasieres » et incite même le couple, qu’il a interrompu, à « achever ce [qu’ont] entrepris »88 pour pouvoir toucher la totalité du règlement. Le parallélisme se répète encore dans la nouvelle quatre-vingt-treize où le mari, rentrant à la maison, aperçoit sa femme et l’amant de celle-ci « qui faisoient ung peu d’ouvrage »89. Il prend alors ses compagnons pour témoins de la scène et leur dit : Messeigneurs, regardez comment ma femme ayme mon prouffit ; de paour qu’elle ne use ses beaulx neufs souliers, elle chevauche sur son doz ! Il ne l’a pas telle qui veult.90

Ces trois exemples illustrent un des modes de fonctionnement de l’« adventure » comme point de bascule et comme court-circuit de la linéarité temporelle. L’adultère est initialement mis en place dans la nouvelle et la véritable rupture ne réside pas dans la connaissance de ses manifestations mais dans la réaction inattendue du mari allant contre toute attente narrative. Ce sont ces prises de parole au style direct, que l’on pourrait qualifier de bons mots, qui constituent de fait l’« adventure » qui suscite la mise en récit. Le deuxième type d’« adventure » que nous pouvons identifier est celui de la « bonne histoire » dont l’intérêt repose sur l’inattendu de la situation qu’elle met en scène. Ses manifestations sont pléthoriques dans les Cent Nouvelles Nouvelles puisqu’on peut en relever de multiples occurrences. C’est le cas par exemple de la nouvelle vingt-six qui représente une jeune fille se déguisant en homme pour aller 87

Op. cit., N. LXXI, p. 432 à 433, l. 51 à 56. Op. cit., N. XLIII, p. 291, l. 85. 89 Op. cit., N. XCIII, p. 529, l. 85 à 86. 90 Op. cit., N. XCIII, p. 529, l. 91 à 94. 88

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éprouver les sentiments de son ami éloigné d’elle. Cette intrigue inattendue se prolonge dans un effet de suite jusqu’à la nouvelle trente-cinq puisque chacun des récits le composant participe de la même mise en scène d’un événement surprenant remettant en cause la linéarité temporelle et événementielle. A l’opposé se situe la troisième voie qui consiste à exposer une affaire, « ung cas » relativement banal mais dont le déroulement revêt des aspects particuliers. Comme pour la farce, l’action ne se développe pas de façon chronologique et repose sur le principe du quiproquo et de l’imbroglio. Le personnage principal de la nouvelle est alors condamné à se défendre, à trouver une parade dont la réalisation consiste en la spontanéité de l’action et en l’improvisation. La nouvelle neuf nous en offre un exemple en présentant le cas D’un chevalier de Bourgoigne, amoureux d’une des chambrieres de sa femme. Cuidant coucher avecques celle, cogneut que c’estoit mesmes sa femme, qui ou lieu de sa chambriere s’estoit boutée. Et comment ung aultre chevalier, son voisin, par son ordonnance, avecques sa femme aussi avoit couschié, dont il fut bien mal content, ja soit ce que sa femme n’en sceut oncques riens, et ne cuidoit avoir eu que son mary.91

Cette affaire relativement banale au sein des Cent Nouvelles Nouvelles tire son caractère inattendu de son déroulement pour le moins particulier. Les différentes mises en scène de l’« adventure », le bon mot, la bonne histoire ou le « cas » surprenant, ont cependant en commun une même tension : c’est celle qui consiste à créer un point de bascule reposant sur la surprise et l’inattendu et qui se manifeste par des effets de retournement et de pointe. Cependant, celle-ci peut se complexifier lorsqu’il s’agit non pas d’un seul retournement mais de plusieurs, comme c’est le cas dans la structure de l’arroseur-arrosé. I.3.1.3 L’arroseur arrosé Ce schéma narratif est très fortement représenté dans les Cent Nouvelles Nouvelles puisqu’il apparaît dans plus de la moitié des récits. Il repose sur la technique du redoublement et du renversement et consiste à dupliquer la ruse en la retournant contre son émetteur initial. C’est le cas, par exemple, dans la nouvelle trois où un chevalier s’emploie à abuser la femme d’un meunier en lui faisant croire « que son

91

Op. cit., abrégé de la IXe nouvelle, p. 3, l. 69 à 77.

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con luy cherroit, si luy recoigna pluseurs foiz »92 ; le meunier l’ayant appris, se rend auprès de la femme du chevalier, lui dérobe un diamant qu’elle possédait et lui fait croire qu’elle l’a perdu dans son bain. Il se propose de le retrouver en la mettant « en telle fasson que monseigneur mettoit sa femme quand il luy recoignoit son devant, et d’un tel oustil fit il la tente pour querir et pescher le dyamant ».93 Par conséquent, le renversement a été opéré puisque le meunier s’est vengé du chevalier qui pensait le duper. L’arroseur est bien arrosé dans la mesure où la ruse s’est retournée contre lui et que la cyclicité du temps a fait son œuvre. En effet, si l’« adventure » repose sur une linéarité temporelle brisée par l’irruption d’un événement particulier, une de ses formes particulières qu’est l’arroseur-arrosé vise au contraire un retour à cette linéarité. Ainsi, par le recours à l’action cyclique, elle annule la première action par la seconde. L’arroseur-arrosé ne propose alors pas un schéma de retournement dans le sens d’une brisure, d’une fracture et d’une interruption ; il invite au contraire à une conception des événements reposant sur un temps circulaire à l’image de la roue de fortune. C’est pourquoi dans les nouvelles employant cette figure, l’excipit s’apparente à une résolution, à une clôture et ne s’ouvre pas sur un projet de vengeance à venir. La différence fondamentale entre ces deux pratiques ne réside pas dans le rapport des événements au temps ; en effet, toutes deux en ont une conception cyclique dans la mesure où elles sont la manifestation d’un acte volontairement consécutif à un autre, d’une action subordonnée, liée et justifiée. Mais elles travaillent un rapport au temps tout à fait différent. En effet, la vengeance s’inscrit, le plus souvent, dans une projection temporelle de longue échelle dont la réussite repose, essentiellement, sur la durée séparant l’acte initial et fondateur de la transgression de celui qui se présente, dans sa répétition temporelle, comme venant annuler et neutraliser le premier. Cet espacement, cet éloignement temporel entre les deux événements est la condition de la vengeance ; elle joue en effet sur les rapports qu’entretiennent avec le temps les deux parties impliquées. Aussi, celui qui se venge a une relation au temps qui est de l’ordre du différé dans la mesure où son action évolue dans une perspective temporelle reposant sur le retardement volontaire de l’action. Il s’inscrit alors dans une temporalité non de l’immédiateté mais de la durée en rapport avec la

92

Op. cit., abrégé de la IIIe nouvelle, p. 1, l. 25 à 26.

93

Op. cit., N. III, p. 46, l. 256 à 259.

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mémoire ; par là même, il joue avec la temporalité de « l’émetteur » en pariant sur le fait que ce dernier opère selon une temporalité qui n’est pas projetée vers le passé de la transgression (c’est-à-dire qu’il ne fonctionne pas sur le mode mémoriel et ne se tient donc pas sur ses gardes, craignant une réplique consécutive à sa transgression) ni vers le futur de la réitération. Ainsi, la vengeance est donc ce rapport de forces établi entre deux temporalités hétérogènes qui n’inscrivent pas de la même façon l’événement dans le temps en jouant sur la notion de différé et de suspens. Au contraire, la figuration de l’arroseur arrosé implique un rapport à la temporalité qui se donne de façon plus médiate. L’action seconde n’est pas intégrée dans une stratégie mémorielle ; elle est fruit de l’occasion, du hasard et prend son origine dans l’agencement particulier des événements. C’est le cas par exemple dans la nouvelle quatorze où l’ermite dupe une vieille mère en lui faisant « accroire que sa fille auroit ung filz de lui qui seroit pape, et adonc, quant vint a l’enfanter, ce fut une fille, et ainsi fut l’embusche du faulx hermite descouverte, qui a ceste cause s’enfouit du païs »94. Même structure dans la nouvelle huit où « un compaignon picard demourant a Bruxelles, [...] engrossa la fille de son maistre ; et a ceste cause print congié de haulte heure et vint en Picardie se marier »95 avec une jeune fille qu’il estimait pure et non débauchée. Racontant, le soir de ses noces, cette mésaventure à la nouvelle épousée, celle-ci lui rétorque que « le charreton de [la] maison a couché avecques [elle] plus de quarante nuiz »96. La nouvelle quinze met elle aussi en scène un arroseur-arrosé : il s’agit d’« un moyne portant petitz outilz » et désirant obtenir les faveurs d’une « nonnain » ; celle-ci, connaissant cette réputation concernant son anatomie, accepte à la condition de « taster [sa] lance ». Le moine fait alors appel à un de ses compagnons, frère Conrard, pour se substituer à lui au moment de l’évaluation. Cependant, l’affaire tourne rapidement court puisque « tantost comme elle le sentit, comme si nature luy en baillast la cognoissance, elle dist : « Nenny, nenny, dist elle, je cognois bien cest ycy ; c’est le bourdon de frere Conrard. Il n’y a nonnain ceans qui bien ne le cognoisse ; vous n’avez garde que j’en soye deceue : je le cognois trop. Allez querir ailleurs vostre adventure »97. Si donc l’action se retourne ici contre son émetteur, c’est à cause

94

Op. cit., abrégé de la XIVe nouvelle, p. 4, l. 107 à 111. Op. cit., abrégé de la VIIIe nouvelle, p. 3, l. 59 à 62. 96 Op. cit., N. VIII, p. 72, l. 114 à 115. 97 Op. cit., N. XV, p. 108, l. 94 à 100. 95

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d’un « malheur », c’est à dire d’une mauvaise chance qui n’a pas été propice à la réalisation des projets. De surcroît, l’événement cyclique n’est pas différé puisqu’il intervient dans un rapport d’étroite corrélation avec son déclencheur et peut être, comme nous venons de le voir, autoréférentiel puisqu’il peut se retourner directement contre son émetteur. Dès lors, cette immédiateté du couple actionréaction, cette absence d’investissement du temps par l’événement ainsi que la possible conjonction des deux pôles d’émission « émetteur-récepteur » conduisent à interroger la figure de l’arroseur-arrosé comme une modalité spécifique de l’« adventure » sans rapport d’équivalence avec la vengeance. Ces caractéristiques ne sont pas sans conséquences sur la tonalité des Cent Nouvelles Nouvelles puisqu’elles encodent vers une lecture comique dans la mesure où elles mettent en place une stratégie de l’inattendu reposant sur l’occasion et le hasard. A l’opposé de la vengeance dont l’événement différé impose une tension dramatique, la nouvelle reposant sur l’arroseur arrosé invite à une vision événementielle ludique. Elle se clôt, par conséquent, sur un excipit bouclé par le retour à l’ordre et l’acceptation de la circularité des ruses. La seconde tromperie annulant la première, la tension est neutralisée dans le bref espace temporel les séparant. Contrairement à celui de la vengeance, dont le temps dilaté appelle sans cesse un nouvel événement réparateur, le récit de l’arroseur-arrosé invite à la clôture et au retour à l’ordre. Ainsi, dans la troisième nouvelle, le meunier et le chevalier se sont mutuellement trompés sans pour autant s’en tenir grief ; la référence mémorielle se fait seulement sur le plan ludique comme acceptation : A le premiere foiz que [le chevalier] rencontra le bon musnier, il le salua haultement et dist : « Dieu gard, Dieu gard ce bon pescheur de dyamant ! » A quoy le bon musnier respondit : « Dieu gard, Dieu gard ce recoigneur de cons ! – Par Nostre Dame ! tu dis vray, dist le seigneur ; tays toy de moy et si feray je de toy. » Le musnier fut content, et jamais plus n’en parla. Non fist le seigneur, que je sache.98

La duplication des termes « Dieu gard, Dieu gard », de la prise de parole des personnages et du narrateur, de la résolution proposée « tays toy de moy et si feray je de toy » travaillent ainsi à établir un rapport d’équilibre entre les deux trompés, les deux trompeurs et la stratégie future à observer. Le parallélisme invite alors à considérer que les deux événements se sont neutralisés dans une équivalence et que

98

Op. cit., N. III, p. 47, l. 283 à 291.

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la fracture temporelle s’est refermée sur sa propre cyclicité. Le temps de la vengeance est alors refusé. Les Cent Nouvelles Nouvelles mettent en scène une « adventure », c’est à dire un événement brisant ponctuellement la linéarité temporelle ; elles ne l’inscrivent pas dans la durée du ressassement en le différant. C’est pourquoi ces nouvelles ne nous racontent pas une histoire, mais un épisode, un événement qui a lieu à un moment donné de la vie d’une personne.

I.3.2 La chronologie de l’h istoire

I.3.2.1 Histoire et histoire Pour indiquer le caractère restreint de la durée, le nouvelliste offre au lecteur des repères chronologiques pour que celui-ci puisse inscrire l’action dans un schéma temporel bien défini. Ces repères sont matérialisés par une datation précise qui prend sa source dans des événements réels ; ils deviennent par là même historiques dans la mesure où ils touchent non pas à un individu isolé (dans ce cas ils seraient de simples histoires) mais à une communauté de l’ordre du « pais ». L’identification du lecteur avec l’événement est donc assurée puisque celui-ci reconnaît dans la multiplicité son unicité et s’intègre dans une temporalité qui est tout à la fois sienne et autre. Les Cent Nouvelles Nouvelles matérialisent cette temporalité définie et clairement identifiable et désignent en creux, en empruntant le langage de la chronique, la notion de vérité. Deux techniques majeures d’attestation historique vont être à son fondement : la référence soit à un personnage historique connu pour son caractère hors du commun, soit à des batailles. En effet, « dans la vie quotidienne, les hommes du Moyen Age se servent de repères chronologiques empruntés à différents univers socio-temporels, imposés à eux par diverses structures économiques et sociales. Rien [...] ne traduit mieux la structure de la société médiévale que les phénomènes métrologiques et les conflits qui se cristallisent autour d’eux »99. La nouvelle cinq, qui met au centre de sa narration, par le biais de ses deux jugements, le personnage de « Monseigneur Talbot », nous

99

Jacques Le Goff, « Structures spatiales et temporelles », in La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1984, p. 204.

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en offre le premier exemple ; le recours à une figure historique et l’emploi qui en est fait soulignent la prépondérance accordée à l’homme et mettent par là même en jeu quatre formes de temporalités. Il s’agit tout d’abord de la temporalité de l’instant puisque monseigneur Talbot, face à deux « cas advenus », doit prendre la décision de l’arbitre statuant sur la conduite à tenir. Mais une temporalité plus élargie est aussi à prendre à compte dans cette référence au personnage de monseigneur Talbot : c’est celle de l’espace d’une vie qui s’inscrit sur une durée relative, situe l’action de la nouvelle entre les limites de l’existence de son personnage et la borne par conséquent à la date du 17 juillet 1453 puisque Sir John Talbot meurt, ce jour là, à la rencontre de Castillon. C’est encore une autre forme de temporalité, celle-ci beaucoup plus étendue, qui est à l’œuvre puisqu’il s’agit de celle de l’Histoire : monseigneur Talbot prend place parmi les hautes figures historiques et participe à la création de ce panthéon humain, autant de vies minuscules ajoutées bout à bout pour créer un devenir. Enfin, le quatrième et dernier type de temporalité que met en jeu ce personnage est paradoxalement l’intemporalité ; en effet, la seconde décision qu’il prend a pour but d’interdire à tout jamais l’église à un voleur, jugement lourd de conséquences et semblable à une excommunication : Monseigneur Talebot luy defendoit l’église e a tousjours, et luy faisoit jurer de non jamais y entrer.100

Cette sentence est alors à prendre dans son sens juridique mais aussi dans son sens étymologique puisque le verbe de Talbot se hisse à la hauteur du divin et transcende le « cas » en parfait « exemplum » : Monseigneur Talebot [...] comme chacun scet, fist en sa vie deux jugemens dignes d’estre recitez et en audience et memoire perpetuelle amenez.101

Cette phrase liminaire résume ces quatre temporalités à l’œuvre dans la seule référence à monseigneur Talbot : le présent des « deux jugemens », objets du récits ; la temporalité humaine bornée par la finitude de la vie : « fist en sa vie » ; la mention de « Talbot » qui par son seul patronyme encode une lecture historique et l’intemporalité de l’exemple fondé sur la tension entre le présent du « chacun scet » et le futur extensible à l’infini de la « memoire perpetuelle ».

100 101

Cent Nouvelles Nouvelles, N. V, l. 161 à 162. Op. cit., N. V, lignes 1 à 8.

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La deuxième grande forme d’attestation historique se fonde, quant à elle, non pas sur l’isolement d’un personnage particulier acteur et exemple, mais sur la référence à des événements guerriers eux aussi bien connus du lectorat. Cet ancrage dans un temps historique, par la mention de batailles, contribue à intégrer le lecteur dans cette temporalité bien particulière de la référence ; cependant à la différence de l’attestation par un grand homme, personnage et centre de la nouvelle, cette ancrage dans la temporalité historique va se faire plus subtil, par touches et par allusions. Ainsi, la nouvelle vingt-deux, par la seule mention, ligne huit, de « l’assemblée de gens d’armes » et par la référence à la localité de Bruges, renvoie aux événements survenus en 1455 ; la nouvelle soixante-deux, même si elle développe davantage sa référentialité, travaille elle aussi à la précision du marquage temporel et ce, dès l’incipit de sa narration : Environ le mois de juillet, alors que certaines convencions et assemblée se tenoi[en]t entre la ville de Calais et Gravelinghes, assés près du chasstel d’Oye, a laquelle assamblée estoient plusieurs princes et grands seigneurs, tant de la partie de France comme d’Angleterre, pour adviser et traictier de la rençon de monseigneur d’Orleans, estant lors prisonnier du roy d’Angleterre102

Cette mention relativement précise renvoie au mois de juillet 1439 pendant lequel se tiennent les réunions entre Bourguignons, Anglais et Français au château d’Oye, entre Calais et Gravelines, pour traiter de la rançon de Charles d’Orléans. D’autres références analogues fonctionnent en vue de l’élaboration de cet ancrage historique : c’est le cas des la nouvelle soixante-neuf qui atteste d’un événement survenu lors de la bataille de Nicopolis en 1396 et qui mentionne la présence de Sigismond de Luxembourg et de Jean sans Peur ; même remarque à propos de la nouvelle soixante-quinze qui raconte la reddition de la ville de Troyes à Charles VII le 9 juillet 1429 et de la nouvelle quatre-vingt-sept qui place l’aventure en 1455 au moment de la guerre d’Utrecht. Que constatons-nous à travers cette brève typologie des références historiques ? Tout d’abord la nécessité pour les nouvellistes d’ancrer certaines de leurs nouvelles dans une temporalité historique qui leur sert de gage et de témoignage prouvant la véracité de leurs récits. La mention d’un événement dans un passé commun à tous établit un pacte de lecture visant à authentifier l’histoire narrée. Ce pacte a encore

102

Op. cit., N. LVII, l. 4 à 11.

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d’autres extensions lorsqu’il tend à souligner que ces récits sont nouveaux car survenus il y a peu : l’authenticité des faits rapportés dans une nouvelle est la conséquence directe et inévitable de leur nouveauté. Cependant, et le fait est remarquable, nous n’avons jamais dans les Cent Nouvelles Nouvelles de datations explicites qui stipulent l’année où l’événement s’est produit ; si le mois peut être mentionné, comme dans le cas de la nouvelle soixante-deux, jamais le narrateur n’inscrit numéralement son récit dans l’Histoire. Ce phénomène tend à créer une distension temporelle puisqu’en l’absence de datation chiffrée de l’événement historique, l’action semble phagocyter l’espace temporel flou qui l’entoure. Elle vise alors, par son extension dans le temps, à rejoindre le présent du narrateur par une ellipse significative ; en effet, elle contribue à accorder à l’événement la nouveauté dont il se réclame par un court-circuit temporel fondé sur l’absence de fixation de l’action dans le temps. Le passé, rapproché par un coup de force du présent, est alors le lieu où se jouent les non-dits fondateurs de l’action à venir. C’est en quoi cet imparfait est imparfait puisqu’il contient une faille dans laquelle viendra s’inscrire le présent de la narration de la nouvelle. I.3.2.2 « Nagueres » et « ne ...guer es » : l’imparfait imparfait Dans les Cent Nouvelles Nouvelles, le passé est toujours sous le signe de la déchirure, du défaut, du manque. Si la très grande majorité des nouvelles situe leur incipit dans un « nagueres » ou « n’a gueres », temporalité proche du présent de l’énonciation mais cependant révolue, elles ont recours rapidement à la mention de l’absence

et

de

la

faille

pour

caractériser

ce

passé.

Le

duo

« n’a

gueres »/« ne...gueres » fonctionne ainsi en doublet pour désigner l’imperfection passée et susciter l’aventure réparatrice de la nouvelle. Ce défaut, présent dans toutes les nouvelles, peut prendre des formes différentes mais il appelle, dans tous les cas, la correction de « l’adventure » qui vient s’inscrire dans cette brèche clairement désignée par le narrateur. C’est le cas, par exemple, de la nouvelle quarante-cinq qui énonce pour déchirure la transgression d’un jeune homme travesti en femme : Ung cas a Romme nagueres advenu et connus, qui fut tel. A Romme avoit ung Escossois de l’eage d’environ vingt a XXIJ ans, lequel par l’espace de XIIIJ ans se maintint et conduisit en l’estat et habillement de femme, sans ce que dedans le dit terme il fust venu a la cognoissance publicque qu’il fust homme ; et se faisoit appeler donne Margarite. Et Nelly LABERE

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n’y avoit gueres bon hostel en la ville de Romme a rate de temps ou il n’eust son tour et cognoissance.103

Le manque qui est ici énoncé est le défaut de clairvoyance de la population qui durant quatorze années, et le narrateur insiste sur ce long espace de temps, s’est laissée berner par la ruse du jeune Ecossais. Dans cette nouvelle, le tandem « nagueres »/« ne...gueres » fonctionne à plein pour désigner la tromperie généralisée dans l’espace mais aussi dans le temps. Même absence de clairvoyance dans la savoureuse nouvelle trente-sept où c’est la jalousie exacerbée du mari, craignant d’être trompé, qui provoque l’événement tant redouté ; ici c’est le duo « nagueres »/« gueres » qui est à son apogée : l’excès, le surplus de méfiance conduit inexorablement à provoquer la catastrophe. La lecture des livres n’aura servi à rien si ce n’est à accélérer la survenue de l’événement : l’étrangeté des agissements du jaloux suscite la curiosité et le désir des autres hommes ainsi que la faute féminine : Ung gentil compaignon, oyant la renommée de ce gouvernement, vint rencontrer ung jour ceste bonne damoiselle [...], plaignant et souspirant pour l’amour d’elle sa maudicte fortune, d’estre allyée au plus jaloux que la terre soustienne.104

Le superlatif « au plus jaloux que la terre soustienne » appelle en creux la faille et la fracture d’un système trop parfait ; la dialectique excès/défaut est donc au fondement du passé imparfait, l’excès se nourrissant du défaut et le défaut de l’excès. L’événement surgit alors du passé imparfait et donne naissance à l’histoire de la nouvelle. I.3.2.3 « Tanstost » et « encores » : le passé pas si simple Si l’incipit des nouvelles a toujours recours à l’imparfait, apte à rendre compte d’un processus situé dans le passé et qui n’appartient plus à l’actualité de l’énonciateur, le passé simple, par opposition à l’imparfait, traduit le fait saillant, l’événement qui surgit par la toile de fond évoquée à l’imparfait. En effet, l’imparfait permet de présenter les circonstances et le décor sur lesquels vont se détacher les événements principaux de « l’adventure » ; il renvoie à un procès dont le déroulement est interrompu par un autre événement, évoqué au passé simple, qui en donne une

103 104

Op. cit., N. XLV, l. 9 à 17. Op. cit., N. XXXVII, l. 42 à 50.

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vision globale, représentant tout à la fois le terme initial, le développement complet et le terme final. « L’adventure » est alors perçue dans sa globalité comme une totalité finie et bornée mais non dénuée d’une complexité événementielle. Si l’imparfait témoigne d’une certaine linéarité temporelle inhérente à son emploi dans l’incipit et à sa fonction de toile de fond indiquant la faille et le défaut sous-jacents, le passé simple, au contraire, s’emploie à témoigner d’un enchevêtrement temporel relatif aux événements du récit. L’adverbe « tantost » est le plus souvent l’embrayeur temporel qui encode le passage au passé simple, c’est à dire à la rupture que constitue « l’adventure » ; il fonctionne lui aussi, le plus souvent, en tandem avec l’adverbe « encores » qui marque la persistance d’une action, d’un état au moment considéré et indique la répétition. Ce duo stigmatise le paradoxe d’un passé pas aussi simple qu’on pourrait le croire initialement ; en effet, le passé simple du « tantost », vision globale, finie et bornée de l’événement, est en réalité le moyen d’expression du « encores », à savoir de l’événement répété et mouvant qui est au centre de l’action. Il permet un marquage très fort de l’accélération temporelle tout en rendant compte de la complexité événementielle. C’est le cas par exemple de la nouvelle quatorze qui traite des « histoires qui a present courent » (l. 7-8) sur « la grande et large marche de Bourgoigne » (l. 5) sur « ce que nagueres y advint » (l. 9). Le début de l’histoire nous est donné comme suit : Assez près d’un gros et bon village assis sur la rivière d’Ouches avoit et encore a une montaigne ou ung hermite [...] faisoit sa residence. 105

Le récit à l’imparfait va alors s’employer à restituer les habitudes de cet ermite afin de préparer à l’ « adventure ». Celle-ci nous est annoncée par la voix d’un narrateur cumulant fonction phatique et fonction de régie auprès du lecteur : « Veez cy qu’il fit » (l. 21) et elle est marquée par le changement du temps des verbes. En effet, après une vingtaine de lignes exclusivement à l’imparfait, le passé simple fait irruption pour marquer l’intrusion de l’ « adventure ». Dès lors, les connecteurs temporels vont se multiplier afin de marquer le déroulement saisissant de l’événement. C’est le cas des compléments circonstanciels de temps du type « ung

105

Op. cit., N. XIV, l. 9 à 12.

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soir environ la mynuyt, qu’il faisoit noir et rude temps » (l. 26-27), « a l’heure accoustumée et deue » (l. 120), des adverbes comme « aucunesfoiz » (l. 109), « entretant » (l. 57), « tantost » (l. 219) et du champ lexical du temps : temps divin avec « Dieu » (l. 38) et « saint Pierre et saint Paul » (l. 49-50), temps humain avec « annuncier, commender » (l. 40) et « abreger l’execution » (l. 181). Ces marqueurs ont pour fonction de baliser temporellement le récit afin de souligner les rebondissements et de matérialiser le traitement répétitif qu’opère le songe de la vieille femme. C’est là que joue à plein la fonction de « encores » qui accorde l’histoire de la révélation avec le proverbe énoncé par l’ermite : « A la tierce foiz va la luycte » (l. 146), proverbe synthétisant le déroulement même du récit. C’est qu’en effet, la complexité du récit, au passé simple, de l’aventure de la vieille mère repose sur la répétition de l’apparition de l’ermite-ange en rêve, ternaire appelant ici la trinité. Le « encores » de la variation énonciative du songe s’inscrit dans ce « tantost » de la rupture et prolonge paradoxalement cette temporalité de l’interruption par le ressac de la discordance. La rupture est alors répétée et modulée sur le thème du « encores » qui lui confère une extension temporelle lui permettant d’accéder à la durée. Dès lors, l’interruption du « tantost » est davantage à interpréter du côté du décalage et de l’écart que de celui de la fracture : « l’adventure » en est l’incarnation puisque tout en elle est stratégie de l’inattendu.

I.3.3 Temps nocturne et t emps diurne « La chronologie médiévale proprement dite, les moyens de mesurer le temps, de savoir la date ou l’heure, l’outillage chronologique est rudimentaire [...]. Les instruments de mesure du temps demeurent liés au caprice de la nature – tel le cadran solaire dont les indications n’existent par définition que par temps ensoleillé – ou mesurent des segments temporels pris sans référence à une continuité – sablier, clepsydre et tous ces substituts de montres inaptes à mesurer un temps datable, chiffrable, mais adaptés au besoin de définir des jalons temporels concrets : chandelles qui divisaient la nuit en trois chandelles, et, pour les temps courts, prières d’après lesquelles se définissaient le temps d’un Miserere ou d’un Pater. »106

106

Jacques Le Goff, « Structures spatiales et temporelles », in La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1984, p. 203.

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Dès lors, il apparaît que la datation horaire ressort comme problématique dans la mesure où un outillage précis de décompte fait le plus souvent défaut aux médiévaux ; c’est pourquoi, ils ont souvent recours à l’opposition clairement identifiable de temps diurne et temps nocturne pour rendre compte du moment qu’ils cherchent à désigner. Mais cette opposition n’est pas seulement pratique ; elle prend aussi en compte, dans les Cent Nouvelles Nouvelles, des aspects symboliques et structurels. I.3.3.1 Temps diurne Ainsi, le temps diurne apparaît ouvertement dans les Cent Nouvelles Nouvelles comme celui de la transparence des signes et de la lisibilité de l’événement. Il renvoie le plus souvent, dans notre recueil, à tout ce qui est de l’ordre de la découverte, du déchiffrement et de la clairvoyance. C’est le jour que vont se développer les raisonnements, les réflexions et les retours à la raison quand celle-ci s’est perdue et dévoyée. C’est ainsi que la nouvelle cinq va mettre en scène le jugement de monseigneur Talbot, logique diurne imprimée aux dérèglements du soldat anglais et au pillard d’églises. Retour encore à la raison dans la nouvelle vingt-quatre où le comte Walerant essaie de violer une jeune fille ; c’est par le raisonnement diurne que celle-ci tente de repousser les avances de l’émissaire du comte : Car, au regard de monseigneur le conte, elle estoit celle, son honneur saulve, qui luy vouldroit obeir, craindre et servir en toutes choses. Mais qui la vouldroit requerre contre son honneur, qu’elle tenoit aussi cher que sa vie, elle estoit celle qui ne le cognoissoit et pour qui elle ne feroit neant plus que le singe pour les mauvais.107

Malgré son échec, c’est par une seconde entreprise fondée sur la ruse, qu’elle parviendra à ramener à la raison le comte égaré et qu’elle en sera richement remerciée. Même observation à propos de l’avant-dernière nouvelle du recueil qui présente une jeune épousée tiraillée par ses désirs charnels pour un jeune clerc et la manière dont celui-ci parvint, par ses discours raisonnés, à l’inviter à l’abstinence ; le verbe qui clôt la quatre-vingt-dix-neuvième nouvelle est celui d’« amonnester », soulignant ainsi le pouvoir de la parole diurne et de ses effets sur le comportement déviant. 107

Cent Nouvelles Nouvelles, N. XXIV, p. 154, l. 40 à 46.

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Cependant, il ressort de l’analyse des nouvelles que, si le temps diurne est le temps de la parole, il n’est pas toujours celui de l’assertion véridique qui conduit à la lumière de la vérité. En effet, la promesse faite se révèle parfois trompeuse et il faut souvent attendre le déroulement de quelques journées avant que le retournement ne se réalise pour laisser apparaître la réalité. C’est le cas, par exemple, dans l’emblématique nouvelle vingt-six qui présente les amours de Katherine et de Gérard. Les deux amants se trouvent dans l’obligation de se séparer car la rumeur court sur leur liaison secrète ; tous deux se font promesse mutuelle de s’aimer toujours et Gérard, qui doit partir, dit qu’il risque de succomber à cette séparation. Le temps passe, les amants vivent éloignés, et Katherine parvient à se rendre, déguisée, auprès de Gérard qu’elle trouve engagé dans une autre relation et ayant totalement oublié leur amour malgré ses promesses. Le coup d’éclat de Katherine se fera dans une lettre révélant son identité et sa déception face aux mensonges de son ancien ami. Ce n’est qu’au petit matin que Gérard la trouve et se rend compte qu’il a passé plusieurs nuits couché auprès de Katherine, qu’il prenait alors pour Conrad, un jeune homme arrivé depuis peu au château. Ainsi, ce que souligne la nouvelle vingt-six, c’est le rôle de la parole diurne qui, malgré les mensonges dont elle peut se travestir, est toujours une parole de la transparence. Déjà, l’emphase et la redondance du discours amoureux de Gérard dissimulaient mal les failles dont elles étaient nourries. Si la vérité est différée temporellement, sa révélation se fait bien le jour et au grand jour dans cette insistance sur la parole diurne comme espace de la lisibilité de l’événement. Cependant, il ne semble pas en aller de même pour le temps nocturne puisque, comme nous le montrait déjà la nouvelle vingt-six, c’est la nuit que Katherine confond Gérard en se faisant passer pour Conrad. Dès lors, dans cette ligne de partage entre le jour et la nuit, il semble que les polarités soient clairement définies pour attribuer à chacun une symbolique et une sémantique antagonistes. I.3.3.2 Temps nocturne Si pour les médiévaux, « La nuit est le temps des dangers surnaturels. Temps de la tentation, des fantômes, du Diable »108, il n’est alors pas étonnant de retrouver cette

108

Jacques Le Goff, « Structures spatiales et temporelles », in La Civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1984, p. 205.

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caractérisation à l’œuvre sur le plan littéraire dans les Cent Nouvelles Nouvelle. En effet, il apparaît ainsi que le temps nocturne est celui de la confusion et de la rouerie qui engendrent la ruse et la tromperie. C'est l’exemple que nous offre la première nouvelle en mettant en scène, à la tombée de la nuit, le retour du mari « envoyé dehors [par son voisin] pour plus aisément avoir »109 sa femme. Durant cette « courte nuyt »110, l’amant va jouer un bon tour au mari qui frappe chez lui et « fist bien a haste coucher [la femme adultère], et au plus près d’elle se bouta, et luy chargea bien qu’elle se joignist près de luy et caichast le visage qu’on n’en puisse rien apercevoir »111 ; ainsi, seul le postérieur de la femme sera offert à la vue du mari, qui malgré ses interrogations, ne parviendra pas à déceler la tromperie. La nuit, est donc le lieu où les signes s’offrent dans leur ambiguïté et où la lisibilité de l’événement est pervertie. La nouvelle trente-neuf participe elle aussi de cette connotation négative du temps nocturne ; là encore, la scène se déroule de nuit, ainsi que le mentionne le terme de « chandelle » (l. 44) et la mention « tant se passa le temps que monseigneur se deffist de ses gens, vint en sa chambre, se deshabilla et coucha. Madame se mist en cotte simple, print son attour de nuyt et ses heures en sa main, et commence devotement, Dieu le scet, a dire sept pseaulmes et paternostres » (l. 91-96). Cette nouvelle prend le cadre nocturne pour justifier la tromperie de la femme adultère puisqu’elle est le moyen pour elle de parvenir à rejoindre en cachette son amant. Cependant, ce subterfuge va se doubler d’une autre mystification puisque la servante, envoyée auprès de l’amant pour lui tenir compagnie et éviter qu’il ne reste dans le noir privé de bougie, va en réalité se révéler plus qu’un simple « passe-temps ». Dès lors, la nuit offre le lieu propice à la falsification, à la feinte et à la duperie pour devenir même leurre et faux-semblant comme dans la nouvelle quatorze où un ermite, trois nuits consécutives, se rend auprès d’une vieille femme endormie afin de lui faire de fausses révélations divines qui la conduiront à penser que sa fille est la femme choisie par Dieu pour enfanter le nouveau pape et qui l’emmèneront à la « bailler » à l’ermite concupiscent et machiavélique. Déjà, s’esquisse dans ces trois nouvelles une autre fonctionnalité de la nuit ; si la duperie en est une de ses modalités, elle se double encore de l’érotisme, thématique

109

Cent Nouvelles Nouvelles, abrégé de la Ière nouvelle, p. 1, l. 7 à 8. Op. cit., N. I, p. 25, l. 68. 111 Op. cit., l. 82 à 85. 110

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chère aux Cent Nouvelles Nouvelles. En effet, il ressort de notre analyse du recueil que le temps diurne est celui où s’exercent les pulsions physiques et qui donne licence de les réaliser. De la première nouvelle qui permet la rencontre amoureuse de la femme et de son voisin au nez et à la barbe du mari, en passant par le marchandage amoureux de la nouvelle quinze reposant sur la qualité volumétrique de « l’instrument »112 du moine que la « nonnain » est amenée à « taster »113, jusqu’à la trente-neuvième nouvelle « du chevalier qui, en attendant sa dame, besoigna troys fois avec la chambriere qu’elle avoit envoyée pour entretenir le dit chevalier »114, toutes les nouvelles nocturnes mettent en scène la même question du désir sexuel et des tentatives de sa réalisation. La nouvelle trente est emblématique de ces implications ; multipliant les marqueurs temporels relatifs au temps nocturne (« ung soir », « quand il fut heure de soy retraire, les femmes donnerent la bonne nuyt a leurs mariz », « a ceste heure », « ces bonnes femmes, qui n’avoient toute la nuyt dormy, ne se descoucherent pas trop matin, car sur le jour sommeil les print, qui les fist lever sur le tard », « ennuyt », deux nuitz », « la nuyt passée ») elle souligne que l’événement n’a pu se passer que durant la nuit. Si les « troys marchans de Savoye alans en pelerinage a Saint Anthoine en Viennois, furent trompez et deceuz par trois cordeliers, lesquelz coucherent avec leurs femmes, combien qu’elles cuidoient estre avec leur mariz »115, cette « adventure » n’a pu être réalisée qu’à la faveur du temps nocturne. En effet, seule condition à ce que les trois femmes succombent à la supercherie, la nuit favorise le désir et sa réalisation. La nuit est le lieu de l’intimité et de la concupiscence et offre un espace temporel délimité où peuvent se développer les « adventures » des Cent Nouvelles Nouvelles. Il n’est pas anodin de remarquer, à ce propos, que la seule nouvelle qui prenne le temps diurne pour cadre des relations sexuelles est celle qui met en scène un fou. En effet, la nouvelle douze spécifie que cet hollandais est un « fol » qui ne tient pas compte de la dichotomie symbolique et sémantique entre temps nocturne et temps diurne puisque « les nuiz, qui pour ceste saison duroient et neuf et dix heures, n’estoient point assez suffisantes ne d’assez longue durée pour estaindre le tresardent desir qu’il avoit de faire lignée »116. Ainsi, la déviation que stigmatise 112

Op. cit., abrégé de la XVe nouvelle, p. 4, l. 115. Ibid. 114 Op. cit., abrégé de la XXXIXe nouvelle, p. 9, l. 289 à 291. 115 Op. cit., abrégé de la XXXe nouvelle, p. 7 à 8, l. 224 à 228. 116 Op. cit., N. XII, p. 87, l. 8 à 12. 113

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cette nouvelle est celle qui consiste à négliger et à ne pas respecter le système mis en place par le temps nocturne en brouillant les oppositions et les dichotomies établies. Dès lors, il ressort que temps nocturne et temps diurne sont les deux pôles d’une temporalité problématique et que chacun recouvre des fonctionnalités bien précises. Cette temporalité apparaît de manière symbolique et sémantique dans la sphère sociale puisqu’elle encode des pratiques spécifiques et clairement identifiables ; mais elle a, au-delà encore, des implications et des répercussions sur le plan littéraire dans la mesure où elle invite à repenser toutes les catégories de l’analyse traditionnelle du genre. I.3.3.3 La mixité du temps de la nouvelle En effet, si nous établissons un parallèle entre le temps de la nouvelle et sa tonalité, il ressort de cette analyse une autre dichotomie. Ainsi, il semble que les nouvelles dites nocturnes relèvent de la tonalité grivoise que l’on attribue fréquemment au fabliau et que les nouvelles diurnes sont davantage à rattacher à la tonalité courtoise, spécifique d’autres genres littéraires brefs comme les lais, les novas ou bien les nouvelles courtoises117. En effet, les nouvelles que nous avons analysé comme relevant des même schémas discursifs que le fabliau et se nourrissant de matériaux analogues se passent le plus souvent la nuit, comme c’est le cas dans les nouvelles sept, neuf, seize, vingt-sept, vingt-huit, vingt-neuf... Ainsi, il apparaît que la tonalité de la nouvelle est étroitement liée au moment durant lequel se situe son action. Si « l’orfevre de Paris [...] fist le charreton couscher avec luy et sa femme » et si « le charreton par derriere se jouoit avec elle, dont l’orfevre se parceut et trouva ce qui estoit »118, c’est parce qu’il était déjà fort tard pour que le « carreton » puisse repartir (« la cloche sonna xij heures »119) et que, par conséquent, « l’orfevre retint au coucher son chareton, doubtant la rencontre du guet, qui l’eust en Chastellet logié si a ceste heure le trouvast »120. Dès lors, l’arrivée de la nuit est le moteur d’une action relevant de la tonalité du fabliau et justifie l’« adventure ». Le temps diurne et la tonalité de la nouvelle sont eux aussi fortement corrélés ainsi que l’illustre la nouvelle vingt-deux qui « racompte d’ung gentil homme qui engroissa 117

On se réfère ici au recueil Nouvelles courtoises édité par Suzanne Méjean-Thiolier et MarieFrance Notz-Grob dans la collection Lettres Gothiques, Paris, Le Livre de Poche, 1997. 118 Cent Nouvelles Nouvelles, abrégé de la VIIe nouvelle, p. 2, l. 54 à 58. 119 Op. cit., N. VII, p. 65, l. 18. 120 Op. cit., l. 23 à 25. Nelly LABERE

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une jeune fille, et puis en armée s’en ala. Et, avant son retour, elle d’un autre s’accointa, auquel son enfant elle donna. Et le gentil homme, de la guerre retourné, son enfant demanda ; et elle lui pria que a son nouvel amy le laissast, promettant que le premier qu’elle feroit sans faulte lui donneroit »121. En effet, le narrateur prend soin de se référer à une tonalité courtoise à l’occasion du départ pour la guerre de l’ami puisqu’il mentionne l’allégorie du « dieu d’amours »122 et brosse le portrait d’une femme éplorée : « Pensez que s’elle n’eust jamais plouré, ne s’en tenist a ceste heure, puis qu’elle voit eloigner la rien en ce monde dont la presence plus luy plaist ! Pour abreger, tant luy despleut ce dolent departir qu’oncques mot ne sceut dire, tant empescherent sa doulce langue les larmes sourd[antes] du profond de son cueur »123. Le temps diurne est bien celui où se développent les sentiments amoureux et leur expression courtoise. Ce jeu de correspondances entre tonalité et temporalité nous invite ainsi à repenser l’analyse traditionnelle des genres à partir de l’exemple significatif que nous offre les Cent Nouvelles Nouvelles. Ainsi, le temps diurne renverrait à la tonalité courtoise alors que le temps nocturne à celle du comique, de la farce et de la grivoiserie. La temporalité servirait alors de ligne de partage pour la caractérisation des tons et des genres par des systèmes de concordance à l’œuvre. Dès lors, il serait envisageable de repenser les filiations de la nouvelle par rapport à des genres préexistants par le biais de la temporalité. Cependant, si on peut définir, par cet angle d’étude, les interactions des autres genres brefs avec la nouvelle, il semble pourtant difficile de définir la tonalité générale de l’ensemble des Cent Nouvelles Nouvelles. En effet, il s’agit, dans notre recueil, d’une phénomène de mixité et non d’une continuité dans la tonalité. Ainsi, nous l’avons vu, certaines nouvelles grivoises peuvent être suivies ou précédées de nouvelles courtoises. Dès lors, un principe d’alternance semble gouverner dans les Cent Nouvelles Nouvelles. Cependant, il semble que cette technique de la contiguïté aille même au-delà dans un mélange des tons au sein d’une seule et même nouvelle. Pour bien comprendre ce phénomène spécifique au recueil de nouvelles, on peut se référer à la nouvelle XXXI ; ainsi, cette nouvelle met-elle en scène une situation analogue à celle de la Châtelaine de Vergy : un couple vit en secret une relation qui doit être préservée du public. Cette donnée initiale est par définition un principe de

121

Op. cit., abrégé de la XXIIe nouvelle, p. 6, l. 163 à 169. Op. cit., N. XXII, p. 146, l. 31. 123 Op. cit., p. 145, l. 19 à 25. 122

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la tradition courtoise réitéré dans la nouvelle. Or, la chute comparée de la nouvelle XXXI avec celle de La Châtelaine de Vergy met bien en lumière le traitement que la nouvelle va faire subir au canevas initial : la relation va être découverte par un tiers mais au lieu d’en mourir, la jeune femme va s’accommoder de la situation et jouir des faveurs des deux hommes. Ici, les Cent Nouvelles Nouvelles travaillent sur les mêmes matériaux mais en opérant des modifications quant à la tonalité et au sens. La tonalité courtoise est, en effet, délaissée au profit d’une tonalité comique, voire grivoise. Mais cette mixité est aussi à l’œuvre dans le sens inverse puisque des matériaux grivois peuvent être traités sur un mode courtois. C’est le cas dans la nouvelle vingt-six des Cent Nouvelles Nouvelles qui présente les aventures de Gérard et de Katherine, deux jeunes gens amoureux mais qui doivent se séparer pour cause de rumeur. Katherine, pour aller rejoindre Gérard et sonder ses sentiments, se déguise en homme et se fait appeler Conrad ; elle va ainsi passer plusieurs nuits auprès de son amant, couchée dans le même lit que lui sans que, pour autant, ce dernier ne la reconnaisse. Ce jeu sur le déguisement et le travestissement aurait pu conduire à bon nombre de digressions grivoises et à un traitement comique de la part du narrateur. Or, il n’est en rien. La nouvelle conserve sa tonalité courtoise jusqu’à la fin de son récit et se clôt sur le désespoir de Katherine rendue à l’évidence que Gérard ne l’aime pas et ne l’a peut-être jamais aimée et sur son mariage avec un autre homme comme conséquence de l’acceptation de ce constat. Ainsi, il apparaît que la spécificité de la nouvelle est de se prêter à une mixité : mixité dans le recueil mais aussi dans les nouvelles qui, encodant le récit vers des tonalités attendues et convenues, rompent avec la tradition pour en proposer d’autres. L’analyse de l’adéquation de la tonalité avec les matériaux narratifs utilisés souligne la spécificité du genre de la nouvelle qui joue avec les codes et les attentes des lecteurs. Dès lors, une des novations des Cent Nouvelles Nouvelles et du genre de la nouvelle en général est cette capacité à intégrer des tons différents qui colorent le récit et l’ouvrent vers une réception de l’inattendu. Ainsi, les Cent Nouvelles Nouvelles ne sont ni des récits grivois, ni des récits courtois ; elles ne sont ni des récits nocturnes, ni des récits diurnes. Elles sont un subtil mélange de ces composantes et un jeu, sans cesse renouvelé, sur la matière.

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II Le récit : un travail sur le temps

Si les Cent Nouvelles Nouvelles sont un jeu renouvelé sur le temps, c’est par leur travail sur le récit qu’elles réalisent pleinement leur nouveauté constitutive. Elles inversent, en effet, l’ordre du couple inventio/dispositio afin de mettre au premier plan leur projet de renouvellement de la forme. L’empreinte du narrateur, que nous souhaiterions étudier ici, constitue une des modalités de la construction du livre comme édifice où coexistent différentes temporalités. Par une étude structurelle nous projetons d’analyser comment le recueil de nouvelles est bâti sur un principe de suites et de séries, reposant sur des clefs de voûte, qui dessinent un parcours métaphorique du sens. La numérotation et l’organisation des nouvelles deviendrait alors le moyen pour l’auteur de programmer la lecture mais aussi de projeter l’image du livre comme construction architectonique reposant sur une nouvelle définition de la temporalité. Cependant, les Cent Nouvelles Nouvelles ne sont pas seulement constituées d’un recueil. Elles se fondent aussi sur la présence d’une table des matières, portique de l’œuvre, pré-texte et abrégé qui remet en question la définition traditionnelle du recueil. Dès lors, le recueil est à redéfinir comme un diptyque qui multiplie les pratiques de lecture et bouleverse la linéarité temporelle. Si les effets d’annonce et de suspens sont à son fondement, c’est peut-être pour témoigner d’une remise en question d’un ordre qui ne se donne pas de façon aussi médiate qu’on aurait pu initialement le penser. La nouveauté fondamentale des Cent Nouvelles Nouvelles serait peut-être à chercher dans la présence de cette table des matières, table d’orientation dans ce parcours architectonique du temps.

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Deuxième Partie

II.1 Le narrateur métronome II.1.1 Signature et attribution : le présent du dire II.1.1.1 La signature ou l’ancrage dans le présent II.1.1.2 Auteur et narrateur(s) : la saisie ludique du temps II.1.1.3 Narrateurs multiples, temps multiples II.1.2 Récit et fiction : le présent de l’écrire II.1.2.1 Le narrateur certificateur II.1.2.2 Le narrateur régisseur II.1.2.3 Le narrateur commentateur II.1.3 Le rapport à l’auditeur : du « present livre » au futur lire II.1.3.1 La fonction phatique ou « la captatio » du présent II.1.3.2 Le narrateur omniscient en prise sur le temps II.1.3.3 L’esthétique de la participation ou la tension vers le futur du lire

II.2 Le recueil ou la lecture architectonique du temps II.2.1 Suites et séries II.2.2 Clefs de voûte II.2.3 Numérotation et organisation II.3 « La table » et « le livre » : une vision spéculaire de la temporalité II.3.1 La « table » d’orientation II.3.1.1 Un pré-texte II.3.1.2 Un abrégé II.3.1.3 Un nouveau recueil II.3.2 « La table » et « le livre » : une certaine définition de la temporalité II.3.2.1 L’économie narrative au service de la temporalité II.3.2.2 Effets d’annonce et de suspens Juin 2000

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II.3.2.3 De la table au tableau ou l’esthétique de l’amplification II.3.3 Un diptyque II.3.3.1 Un duo qui n’est pas un doublet II.3.3.2 Vers une nouvelle définition du recueil II.3.3.3 Lectures suivies et lectures croisées : la temporalité de la lecture en œuvre

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II.1 Le narrateur mét ronome C’est le narrateur qui va fournir au récit le rythme et le tempo qui est à son fondement. Trois temporalités vont alors être à l’œuvre : le présent du dire, par l’inscription du narrateur métronome comme acteur du récit, présent de l’écrire, par ses fonctions de commentateur, régisseur et certificateur, et enfin futur du lire, par le relais que le narrateur omniscient fournit au lecteur. Dès lors, il apparaît que la structuration temporelle de la nouvelle est bien moins linéaire qu’il n’y paraît. En effet, de la nouvelle au recueil et du recueil au livre, le rapport au temps apparaît comme problématique en ce sens où construction architectonique et élaboration structurelle contribuent à complexifier son expression. C’est pourquoi nous souhaiterions mieux définir ici le travail de structuration qui est à l’œuvre dans les Cent Nouvelles Nouvelles afin de mieux cerner en quoi le recueil de nouvelle rompt avec des pratiques littéraires traditionnelles et, symboliquement, avec un pessimisme historique.

II.1.1 Signature et attributio n : le présent du dire Par les signatures et les attributions, les conteurs vont s’inscrire dans le récit et proposer leur propre temporalité fondée sur l’oralité. Ils sont alors, au sens propre du terme, des acteurs occupant des rôles divers en fonction du spectacle qu’ils se donnent les uns aux autres. Dans un dialogisme inhérent au genre des recueils narratifs, la parole des conteurs et, éventuellement, celle des personnages de leurs récits sont mises en représentation. Celle-ci a pour cadre le présent mais se module et se fractionne, par une saisie ludique, en différentes temporalités qui se superposent. Certains narrateurs ne disent qu’une seule nouvelle, alors que d’autres en racontent douze ou quinze. Les nouvelles défilent les unes à la suite des autres. Le temps du recueil est cyclique, car on revient au point zéro du récit à la fin de chaque nouvelle. Il n’y a aucune progression temporelle possible, puisque les narrateurs passent en revue l’idéologie

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dominante en présentant des cas qui la démentent. En faisant le tour de l’idéologie, on se situe hors du temps.124

C’est à partir de cette analyse des multiples temporalités à l’œuvre dans les Cent Nouvelles Nouvelles, que nous souhaiterions montrer que ce qui est à l’œuvre dans la polyphonie des devisants est un présent, temps zéro du dire, qui s’ouvre sur un autre présent, celui de l’écrire.

II.1.2 Récit et fiction : le pr ésent de l’écrire Ce présent de l’écrire, c’est celui qu’impriment au texte les différents conteurs se répartissant ou compilant les fonctions de certificateur, régisseur et commentateur. Par leur travail sur le récit, ils mettent en place une certaine vision de la nouvelle par le biais d’une temporalité axée sur le présent. Le travail de mise en ordre, dont ils sont la représentation figurée, invite à tenter de comprendre les implications de la nouvelle comme volonté de structuration du réel. C’est en quoi nous souhaiterions ici analyser les différentes fonctions du narrateur comme autant de facettes d’une volonté de saisie du réel par le présent de l’écrire.

II.1.3 Le rapport à l’audite ur : du « present livre » au futur lire Pour conclure ce point consacré à la figure réelle ou figurée des conteurs, nous désirons maintenant analyser en quoi les différentes fonctions des narrateurs multiples ont des implications sur le futur lire. En étudiant, tout d’abord, comment les narrateurs utilisent la fonction phatique pour atteindre à la captatio du présent livre, ceux-ci, en prise sur le temps, dessinent à l’intérieur du livre une esthétique de la participation qui se veut tension vers le futur du lire.

II.2 Le recueil ou la l ecture architectonique du temps Mais ce qui, avant tout, exprime le mieux cette esthétique, voire cette éthique de la participation, c’est la constitution des Cent Nouvelles Nouvelles en recueil. En effet, l’auteur, qui essaie par le

124

Pierre-André Beauchamp, « Procédés et thèmes carnavalesques dans les Cent Nouvelles Nouvelles », in le Moyen Français, revue dirigée par Giuseppe di Stefano, Montréal, Turin, 1977, n° 1, p. 105.

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Etude de la temporalité concours de ses contemporains d’élaborer une conception et un système à partir des expériences individuelles et collectives de la réalité, peut exprimer son idéologie soit directement dans une préface, à travers les interventions personnelles ou à travers les personnages fictifs, soit « indirectement » par le biais de la structure de la fiction littéraire. Et c’est justement cette deuxième position que choisit l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles et nous verrons que cette décision est riche de potentialités dans son rapport avec le temps. Ainsi, le fait de constituer un récit sous forme de recueil revient à proposer un ordre et une classification qui détermine une organisation dans la lecture et donc dans le temps. Par conséquent, la première nouvelle se donne-t-elle comme antérieure à la seconde qui elle même inscrit sa continuité narrative dans la troisième, etc... Dès lors, c’est bien la question du temps à l’œuvre dans le récit et dans la lecture qui est invoquée ici dans la mesure où créer de l’ordre, c’est créer du temps. Le livre devient alors un être organique dont les nouvelles correspondent à des espaces temporels qui le prédéterminent et le constituent. Non seulement les nouvelles, en elles-mêmes, constituent des espaces temporels au sein de l’œuvre, mais leur groupement en suites et séries par le biais de clefs de voûte qui verrouillent une organisation numérale parfaite invite à reconsidérer d’autres formes de temporalités. En effet, si le livre équivaut à un monument architectonique, cela n’est pas sans avoir des implications sur la lecture. C’est pourquoi nous souhaiterions étudier ici comment une construction en suites et séries bouleverse la lecture d’une nouvelle en l’insérant dans un ensemble plus vaste qui repose sur des échos et prolonge alors la temporalité à l’œuvre. Ces groupements narratifs variables sont articulés autour de clefs de voûte qui, de par leur caractère isolé, dilatent le temps de la lecture et redéfinissent une nouvelle temporalité qui ne prend sens que dans la série à venir. Cette temporalité s’inscrit alors dans un ensemble plus vaste qui est celui d’une organisation par numérotation qui, nouvelle après nouvelle, construit le livre.

II.2.1 Suites et séries

II.2.2 Clefs de voûte

II.2.3 Numérotation et org anisation

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II.3 « La table » et « le livre » : une vision spéculaire de la temporalité Cependant, parler de « livre » au sujet du recueil de nouvelles revêt, pour les Cent Nouvelles Nouvelles, un caractère problématique, voire abusif. C’est oublier de fait la présence d’une table des matières, située à son ouverture, et qui, de par son caractère spéculaire, invite à une redéfinition de sa temporalité.

II.3.1 La « table » d’orienta tion

II.3.1.1 Un pré-texte Ce n’est pas une pratique courante au Moyen Age que de faire figurer en ouverture du recueil une table des matières ayant pour fonctionnalité celle de guider le lecteur dans son parcours architectonique de l’œuvre. En effet, si on se réfère à quelques productions ayant probablement influencé la rédaction des Cent Nouvelles Nouvelles, on constate rapidement l’absence de table des matières ; c’est le cas par exemple dans le Novellino qui mentionne seulement, sous chaque numéro d’histoire contée, une brève phrase appelant la thématique qui va être développée ; autre pratique encore plus significative, celle des Quinze joies de mariage qui ordonne simplement la lecture par une invitation chronologique reposant sur le décompte des récits : première joie, deuxième joie... Pour estimer davantage la nouveauté125

125

Il est à ce propos significatif de relever l’absence de discours tenu au sujet de cette table des matières. Figurant dans le manuscrit de Glasgow (n°252, fonds Hunter) et dans toutes les éditions modernes s’appuyant sur ce manuscrit qui est le seul que l’on connaisse aujourd’hui, elle n’a pourtant pas relevé l’attention des critiques qui se sont contentés de relever sa présence sans pour autant y faire porter leurs études. Il est probable que l’hapax littéraire que constitue cette table des matières dans la production littéraire des XIVe et XVe siècles ait été mis sur le compte d’un rajout lié aux pratiques naissantes de l’imprimerie. En effet, il est fréquent que les imprimeurs intègrent une table des matières aux œuvres éditées afin de faciliter le parcours du lecteur dans le livre. Cependant, ce n’est pas le cas pour les Cent Nouvelles Nouvelles puisque le manuscrit, daté au plus tard de 1467, en porte déjà les traces. Il faut donc lire dans ce silence des craintes justifiées car inhérentes à des pratiques éditoriales parfois suspectes mais aussi peut-être une distanciation significative. Longtemps tenues pour des « anecdotes après boire » qui « manquent un peu de variété » et où « l’indécence et la grossièreté s’y étalent » sans qu’on y sache « en dégager une conception d’ensemble de la vie sinon l’esprit gaillard, la bonne santé optimiste de nos pères » (Pierre Jourda, Conteurs français du XVIe siècle, p. 20), il est surprenant que l’on ait préféré étudier les Cent Nouvelles Nouvelles sous l’angle du réalisme ou de la reprise de récits littéraires préexistant plutôt que de s’attacher à l’originalité d’une œuvre qui témoigne pourtant, de par sa forme, d’une modernité constitutive. Nelly LABERE

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qu’apportent les Cent Nouvelles Nouvelles, on peut encore se référer aux recueils postérieurs de nouvelles qui fleurissent au XVIe siècle. Que constatons-nous ? Dans le Printemps de Jacques Yver et dans l’Esté de Benigne Poissenot, aucune aide à la lecture n’est proposée ; le rédacteur se contente de faire figurer le décompte des récits en journées ou en histoires sans pour autant déclarer, dès cette mention, une thématique fédératrice. Plus programmatiques sont les Propos rustiques de maître Léon Ladulfi champenois et les Baliverneries d’Eutrapel de Noël du Fail qui mentionnent, après chaque numérotation, une phrase invitant le lecteur à parcourir le texte : IV. La différence du coucher de ce temps, et du passé, et du gouvernement d’amour. VII. De Thenot du Coing. VIII. De Tailleboudin, filz de Thenot du Coing, qui devint bon et savant gueux. »126 I. Eutrapel amène un villageois coqu, à Polygame. II. Eutrapel ayant assisté à une luicte, desespere de faim. III. Eutrapel compte d’une compagnie de gens ramassez »127. Même pratique, quoique beaucoup plus étendue, dans les Nouvelles récréations et joyeux devis, puisque Bonaventure des Périers prend le parti de proposer, après chaque nouvelle numérotée, un titre augurant du thème qui va être développé :

Nouvelle IV. Du bassecontre de Saint-Hilaire de Poytiers, qui accompara les chanoines à leurs potages Nouvelle V. Des trois sœurs nouvelles espousées qui respondirent chascune un bon mot à leur mary la premiere nuict de leurs nopces. Nouvelle VI. Du mary de Picardie qui retira sa femme de l’amour par une remonstrance qu’il luy fit en la presence des parens d’elle.128

Mais ce n’est réellement qu’avec l’Heptaméron de Marguerite que le titre programmatique du récit va réellement s’amplifier et se développer pour atteindre au résumé : Dix huictième nouvelle. Un jeune gentil homme escolier, espris de l’amour d’une bien belle dame, pour parvenir à ses attaintes, vainquit

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Noël du Fail, « Propos rustiques de maistre Leon Ladulfi champenois », in Conteurs français du XVIe siècle, éd. Pierre Jourda, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 599 à 662. 127 Op. cit., p.663 à 700. 128 Bonaventure des Périers, « Nouvelles récréations et joyeux devis », in Conteurs français du XVIe siècle, éd. Pierre Jourda, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, p. 361 à 598. Juin 2000

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l’amour et soy-mesme, combien que maintes tentations se presentassent suffisantes pour luy faire rompre sa promesse. Et furent toutes ses peines tournées en contentement et recompense telle que meritoit sa ferme, patiente, loyale et perfaicte amitié.129

Si au XVIe siècle certains récits proposent quelques traits augurant de la pratique qui consiste à donner un titre ou à évoquer initialement et brièvement la thématique développée dans le récit, ils ne font pas cependant acte d’une table des matières. Ce mode de fonctionnement, étant lié au développement de l’imprimerie, ne se systématisera que plus tardivement ; la table des matières figurant au début ou à la fin des récits étant en effet une pratique moderne. Dès lors, on ne peut que s’interroger sur sa présence dans les Cent Nouvelles Nouvelles, texte nettement antérieur aux ouvrages cités précédemment et figurant à titre d’exemples significatifs. Située à l’ouverture de l’œuvre, avant même la dédicace convenue au duc de Bourgogne, la table des matières des Cent Nouvelles Nouvelles est littéralement le seuil, le portique de l’œuvre et constitue par là même son originalité fondamentale. En effet, il ne s’agit pas, comme dans les autres ouvrages cités, d’un bref appel du titre destiné à évoquer la thématique du récit qui suit. C’est au contraire une forme de récit précédant le récit, un pré-texte initial qui affirme son indépendance constitutive par sa forme bouclée et son caractère détaché. Si cette table des matières affirme son individualité c’est parce que sa position lui confère le statut de forme littéraire à part entière ; ni ajout signifiant au titre, ni appendice relégué aux marges du livre, « la table de ce present livre »130 constitue la première rencontre de l’œuvre et du lecteur et littéralement les premiers mots qui lui sont adressés. Sans être un prétexte à une captatio traditionnelle ou à un discours périphérique tenu sur les récits à venir, la table des matières est réellement un prétexte, c’est à dire un récit qui fait sens, séparé du corps du texte par la dédicace au duc de Bourgogne, affirmant par là même son caractère isolé, autant du point de vue matériel que littéraire. II.3.1.2 Un abrégé Si la table des matières constitue donc un texte à part entière, autonome, volontairement détaché et mis au premier plan du livre, elle n’est pas pour autant

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Marguerite de Navarre, « L’Heptaméron», in Conteurs français du XVIe siècle, éd. Pierre Jourda, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, p. 701 à 1134. 130 Cent Nouvelles Nouvelles, p. 1, l. 2. Nelly LABERE

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sans ramifications avec le reste de l’œuvre avec qui elle entretient des liens étroits. En effet, les Cent Nouvelles Nouvelles ne témoignent pas d’un caractère fragmentaire mais dis-continu puisque la table se fait table d’orientation pour guider le lecteur dans le parcours architectonique de l’œuvre. Ainsi, des nombreux rapports que la table des matières entretient avec le récit qui suit, il en est un qui appelle à la réflexion : c’est celui qui met en jeu les termes de « sens » et de « temps » puisque, pour guider le lecteur, la table se fait abrégé. Le parti-pris des Cent Nouvelles Nouvelles est là encore fort original ; il intègre deux pratiques connues mais jusque là isolées. Si, comme nous l’avons vu, la possibilité d’un résumé du récit est pratiquée au XVIe siècle et si une table des matières, souvent en appendice, voit parfois le jour, il est au contraire fort rare que les deux soient associées comme c’est le cas dans les Cent Nouvelles Nouvelles. Ainsi, le pré-texte se fait-il abrégé afin de rendre compte des récits qui vont suivre. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer une des nouvelles avec son abrégé : La XIe nouvelle, par Monseigneur, d’un paillard jaloux qui, après beaucoup d’offrandes faictes a divers sains pour le remede de sa maudicte maladie, fist offrir une chandelle au deable qu’on mect communement desoubz saint Michel ; et du songe qu’il songea, et de ce qui luy advint au reveiller. La XIe NOUVELLE, par Monseigneur Ung lasche paillard et recreant jaloux, je ne dy pas coulx, vivent a l’ayse ainsi comme Dieu scet que les entachez de ce mal pevent sentir et les aultres pevent apercevoir et oyr dire, ne savoit a qui recourre ne soy rendre pour trouver garison de sa dolente, miserable et bien pou plaincte maladie. Il faisoit huy ung pelerinage, demain ung aultre, et aussi le plus souvent par ses gens de devocions et offrandes faisoit taire, tant estoit assoté de sa maison, voire au mains du regard de sa femme, qui miserablement son temps passoit avecques son tresmaudit mary, le plus supessonneux hoignard que jamais femme accoinstast. Ung jour, comme il pensoit qu’il fait et fait faire pluseurs offrandes a divers sains de paradis, en entre aultres a monseigneur saint Michel, il s’advisa qu’il en feroit une aultre a l’ymage qui est dessoubz ses piez, qui est la representacion d’un deable. Et de fait commenda a ung de ses gens qu’il luy allumast et feist offre d’une grosse chandelle de cyre, en luy priant pour son intencion. Son commendement fut fait et accomply par le varlet, qui luy fist son rapport. « Or ça, dist il en soy mesmes, je verray si Dieu ou deable me pourroit garir ». En son accoustumé desplaisir, après ceste nouvelle offrande, se va coucher ce trespaillard jaloux auprès de sa tresbonne femme. Et jasoit ce qu’il eust en sa teste des sermons largement, si le contraignit nature qu’elle eust ses droiz, et de fait bien fermement s’endormit. Et, comme il estoit au plus parfond de son somme, celuy a qui ce jour la chandelle avoit fait offrir par vision a luy s’apparut, qui le remercya de l’offerende Juin 2000

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que nagueres luy envoya, affermant que pieça telle offrande ne luy fut donnée. Dist au surplus qu’il n’avoit pas perdue sa peine, et qu’il obtendroit ce dont il l’avoit requis. Et, comme a l’aultre sembla, en ung doy de sa main ung anel y bouta, disant que, tant que cest anel y fust, jaloux il ne seroit, ne cause aussi jamais venir ne luy pourroit qui de ce le tentast. Après l’esvanuissement de ceste vision nostre jaloux, se reveilla, et si trouva l’un des doiz de sa main bien avant ou derriere de sa femme bouté, dont il et elle furent bien esbahiz. Mais du surplus de la vie au jaloux, de ses afferes et manieres et maintiens, ceste histoire se taist.

Les segments que nous avons souligné en gras sont presque explicitement ceux que le narrateur reprend à son compte dans la table des matières ; ils concernent les actions principales qui sont narrées dans la nouvelle et sont au nombre de trois : l’offrande, le rêve et le réveil. Le reste des mentions est relatif à la peinture plus générale et pose les jalons du récit : le portrait du jaloux justifiant l’offrande pour le libérer de son mal ainsi que la dédicace de la bougie au diable. Dès lors, il est facile d’observer le fonctionnement de la table des matières en élargissant l’exemple de la nouvelle onze à l’ensemble du corpus ; abrégé de chaque nouvelle qui va suivre, elle fonctionne comme résumé des actions essentielles tout en maintenant la technique du suspens. Déjà, est à l’œuvre le procédé de brièveté qui consiste à retenir les éléments essentiels de la narration et à brosser en quelques mots le portrait des personnages et de la situation. Si l’on passe d’un « paillard jaloux » à un « ung lasche paillard et recreant jaloux », c’est que le travail d’amplification a opéré de la table des matières à la nouvelle. Sans être question de redondance, il s’agit dans l’écriture de choisir des termes qui vont développer et appuyer ce qui a été évoqué dans la table des matières. Dès lors, celle-ci fonctionne comme abrégé de l’histoire à suivre à une différence près : chaque nouvelle n’est pas précédée de son résumé ; celui-ci se trouve déplacé et inséré dans la table des matières, pré-texte qui contient en condensé tout le recueil qui va suivre. C’est pourquoi, si la table des matières a pour fonction d’être une table d’orientation permettant au lecteur de parcourir brièvement le recueil qui va suivre, on peut encore affirmer qu’elle est un véritable recueil à part entière qui contient l’essence de ce qui lui succède. Dès lors, elle affirme par là même le paradoxe qu’elle renferme : elle est brièveté de la brièveté, recueil abrégé du recueil.

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II.3.1.3 Un nouveau recueil En effet, la table des matières peut être réellement envisagée comme un recueil à part entière, recueil juxtaposé au recueil de ce que nous appelons « nouvelles ». Il n’est pas incongru de s’interroger sur cette autonomie que confère le livre à la table dans la mesure où son caractère détaché assure une indépendance, certes relative, mais non dénuée d’intérêt. Indépendance donc du recueil dans le livre mais aussi des « embryons » de nouvelles qui le constitue. En effet, la plupart des nouvelles de la table des matières sont bouclées, assurant une mise en place du décor, de « l’adventure » et de son dénouement ; c’est ce que l’on observe par exemple dans l’abrégé de la quarante-neuvième nouvelle des Cent Nouvelles Nouvelles : La quarante et nefviesme nouvelle, racomptée par Pierre David, de celui qui vit femme avec ung homme auquel elle donnoit tout son corps entierement, excepté son derriere, qu’elle laissoit a son mary, lequel la fist habiller ung jour, presens ses amys, d’une robe de bureau et fit mettre sur son derriere une belle piece d’escarlate ; et ainsi la laissa devant tous ses amys.

Les nouvelles abrégées sont donc, pour la meilleure partie d’entre elles, des fidèles duplications des nouvelles contenues dans le recueil qui suit. Dès lors, on observe la mise en pratique d’un mimétisme formel qui consiste à reproduire la substance du récit mais aussi son caractère bouclé. Il s’agit donc, dans l’abrégé, d’une reprise en miniature du recueil des Cent Nouvelles Nouvelles puisque l’on retrouve la duplication de leur système à l’identique. Chaque nouvelle de la table des matières reproduit en réduction la nouvelle qui correspond à sa numérotation. La perfection de la centaine est là encore mimétiquement rendue : cent nouvelles abrégées131 pour cent nouvelles amplifiées. Voilà le décompte et le parallèle que permettent de faire les nouvelles et leur équivalent dupliqué. La table des matières pourrait alors être lue comme un texte à part entière contenant elle aussi « cent chapitres ou histoires » c’est à dire « cent nouvelles »132. Clôture donc des nouvelles abrégées constituant le recueil mais encore au-delà clôture du recueil lui-même qui dit son ouverture et sa

131

On notera cependant que les cent nouvelles abrégées ne figurent pas dans leur totalité dans le manuscrit de Glasgow qui est incomplet. Aussi se réfère-t-on à l’édition de A. Vérard, publiée vers 1486, qui restitue celles qui font défaut au manuscrit de Glasgow (de la douzième à la quatre-vingtseizième). Cependant, se référer à l’édition de Vérard ne présente pas pour autant une brèche dans l’analyse. En effet, les lacunes du manuscrit de Glasgow ont été comblées au XVIIe siècle ; elles n’ont pourtant pas été complétées par des emprunts au texte de Vérard. Cela semble prouver qu’il existerait une source commune aux éditions qui aurait aujourd’hui disparu. 132 Cent Nouvelles Nouvelles, p. 1, l. 3 à 4. Juin 2000

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fermeture ; en effet, la table des matière s’ouvre sur la mention performative suivante : Sensuy la table de ce present livre, intitulé des Cent Nouvelles, lequel en soy contient cent chapitres ou histoires, ou pour mieulx dire nouvelles.133

Elle se clôt par la même technique : La centiesme et derreniere de ces nouvelles, par l’acteur, d’un riche marchant de la cité de Jennes, qui se maria a une belle et jeune fille, laquelle, pour la longue absence de son mary, et par son mesme advertissement, manda querir ung sage clerc pour la secourir de ce dont elle avoit mestier ; et de la response qu’il luy donna, comme cy après pourrez oyr.

L’adjectif « derreniere » participe effectivement de ce mouvement de clausule et de bouclage puisqu’il évoque la cessation du discours de l’abrégé en appelant au relais de la nouvelle par le « comme cy après pourrez oyr » et reprend ainsi sa fonction de table d’orientation. Il résulte alors de cette autonomie de la table des matières une propension à devenir livre dans le livre ; en effet, si le succès des recueils de nouvelles tient à la brièveté qui est à leur fondement, que dire de cet abrégé ? Superlatif et essence de la brièveté, la table des matières pourrait, elle aussi, recevoir le titre de Cent Nouvelles Nouvelles et constituer un recueil que le lecteur pourrait parcourir comme un livre à part entière. Mais leur auteur semble en avoir décidé autrement puisque, malgré leur autonomie constitutive, il les rattache à la dédicace et aux nouvelles amplifiées pour créer un jeu d’emboîtements successifs. La nouvelle amplifiée ou abrégée est un ensemble clôt qui s’enchâsse dans un recueil, lui même partie d’un tout qui globalise l’ensemble et le clôt : le livre. Ce dernier est donc la traduction d’un jeu de duplication à des échelles différentes de mêmes récits sur deux plans différents : la nouvelle et le recueil. S’établit donc entre ces deux cadres narratifs et ces deux plans un jeu subtil de résonances spéculaires qui accentue les effets de miroir par le reflet mimétique ou la distorsion. Derrière cette esthétique picturale de la perspective et de la profondeur, de la mise en abîme et de l’emboîtement, de la miniature et de l’amplification, se déploie tout un jeu sur le temps qui fait du livre un diptyque diffractant la lecture à l’œuvre.

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Op. cit., p. 1, l. 1 à 4.

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II.3.2 « La table » et « le livre » : une certaine définition de la temporalité

II.3.2.1 L’économie narrative au service de la temporalité De l’abrégé au recueil de nouvelles se joue en effet tout un travail sur le temps. Si les deux recueils entretiennent un rapport spéculaire, l’un est cependant le condensé, le résumé de l’autre. Dès lors, cette duplication réductrice n’est pas sans implications sur le temps de la nouvelle mais aussi sur celui de la lecture. Ainsi, l’économie narrative se met-elle au service de la temporalité lorsqu’elle a trait au procédé littéraire de la condensation et de la réduction. Elle joue en effet sur le déroulement linéaire du temps en procédant à des ellipses qui court-circuitent le récit amplifié de la nouvelle. Lire l’abrégé conduit forcément à s’interroger sur l’essence de la brièveté à l’œuvre dans la table des matières et à mieux cerner ses implications pour le genre naissant de la nouvelle. Il nous fournit ainsi un modèle d’étude réduit que l’on peut répercuter au niveau supérieur du recueil de nouvelles – c’est d’ailleurs ce que nous ferons dans la troisième partie de notre étude. Quelles observations pouvons-nous tirer de la table des matières au sujet de la brièveté et donc de la composition des nouvelles ? Il ressort de notre étude que l’économie narrative qui est en jeu repose essentiellement sur l’ellipse ; en effet, chaque « embryon de nouvelle » repose sur une stylisation qui doit beaucoup à la suppression de segments temporels mentionnés dans le second recueil. Aussi, contrairement à ce qu’affirment bon nombre d’études relatives aux Cent Nouvelles Nouvelles, la brièveté ne tient pas aux détails absents ni à un effet de réel moins travaillé mais à un travail de réduction du temps à l’œuvre dans la nouvelle et son abrégé. Pour s’en convaincre, il suffit d’analyser les deux nouvelles qui ouvrent le recueil et leur correspondant dans la table des matières. Si le résumé de la première nouvelle affirme que celle-ci « traicte d’un qui trouva façon d’avoir la femme de son voisin, lequel il avoit envoyé dehors pour plus aisément l’avoir ; et luy, retourné de son voiage, trouva celuy qui se baignoit avec sa femme. Et, non sachant que ce fust elle, la volut voir ; et permis luy fut de seullement veoir le derriere : et alors jugea que ce luy sembla sa femme, mais croire ne l’osa. Et, sur ce, se partit et vint trouver sa femme a l’ostel, qu’on avoit boutée hors par une posterne ; et luy compta son ymagination », il apparaît que la nouvelle ne se limite pas qu’à cela. En effet, Juin 2000

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les cent douze premières lignes s’occupent à peindre les éléments du décor qui vont servir au dénouement ainsi que la relation amoureuse ébauchée puis consommée entre la femme et le bon voisin ; quelques lignes seulement sont consacrées à la découverte « du derriere de sa femme »134, qui occupe la partie centrale du résumé, pour ensuite développer jusqu’à la ligne deux cents quarante-deux la ruse que vont développer les amants et les réprimandes que la femme volage adresse à son mari de retour au logis. De même, le résumé de la deuxième nouvelle va sélectionner deux actions particulières (« une jeune fille qui avoit le mal de broches, la quelle creva a ung cordelier qui la vouloit mediciner ung seul bon œil qu’il avoit ; et du proces qui en fut. »135) alors que la nouvelle va amplifier jusqu’à la ligne cent trente-huit la situation dramatique dans laquelle se trouve la jeune fille souffrante et ses multiples tentatives de guérison et consacrer une trentaine de lignes aux tractations du père et du médecin pour trouver un arrangement financier. Le procès évoqué dans le résumé va être à peine mentionné dans la nouvelle qui se contente de relever que « tant plaisant et nouveau, affin qu’il fust de pluseurs gens congneu, [le procès] fut en suspens tenu et maintenu assez et longuement »136. L’ellipse temporelle fonctionne à plein dans l’abrégé qui privilégie l’action du passé simple aux dépends de l’imparfait de l’événement duratif. Si les multiples tentatives de guérison de la jeune fille ainsi que les tractations financières pour régler le conflit sont élidées, c’est pour mettre l’accent sur « l’adventure » centrale de la perte de l’œil. La condensation de la table des matières est celle qui consiste à sélectionner des segments temporels et à évacuer ceux qui renvoient à la durée, à l’extension narrative. L’ellipse du résumé renvoie en creux à l’explicitation de la nouvelle dans un jeu sur le temps. Celui-ci prend la forme paradoxale d’une possible extension de la brièveté dans ce jeu spéculaire entre la table et le recueil qui lui fait suite. C’est alors toute la temporalité du livre qui est à repenser dans cette articulation entre la brièveté et son essence. L’ellipse et la navette sont alors au fondement du livre dans un jeu d’annonce et de suspens.

134

Op. cit., N. I, p. 26, l. 114. Op. cit., abrégé de la deuxième nouvelle, p. 1, l. 18 à 21. 136 Op. cit., N. II, p. 37, l. 179 à 181. 135

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II.3.2.2 Effets d’annonce et de su spens De la table des matières au recueil de nouvelles se joue déjà une ellipse significative qui introduit de l’espace et du jeu dans le livre. Ce trou dans le texte est le blanc accordé au lecteur pour qu’il inscrive sa propre temporalité dans l’œuvre. Mais c’est aussi, sur le plan diégétique, l’espace laissé au temps pour que l’amplification se fasse et que le recueil se déploie et s’enrichisse. Intervalle matériel, cet interstice laisse le temps au temps pour que le vide se charge de sens et devienne écart. Dès lors, le texte troué suscite l’attente et le suspens pour que l’inattendu et le bon mot adviennent. C’est ainsi que, dès la nouvelle dix-sept, l’abrégé met en place des structures dilatoires destinées à interrompre le fil narratif, en pratiquant une ellipse sur le dénouement, et à différer l’offre informationnelle pour la reporter dans la nouvelle. Cette pratique discursive constitue alors une ellipse temporelle dans la diégèse afin de susciter le désir de complétude du lecteur. C’est dans cet espace matériel et temporel, séparant la table des matières du recueil de nouvelles, que vont jouer à plein l’attente et le suspens ; dénouement donc différé pour le lecteur mais aussi suscité par le narrateur pour que se mette en place la stratégie de l’inattendu et du bon mot. Cette captatio est celle que constituent les hyperbates anaphoriques : « comme cy après vous orrez »137, « comme vous pourrez ouyr en la nouvelle cy dessoubz »138, « comme vous pourrez ouyr plus a plain cy après »139, « comme cy dessoubz vous sera recordé »140, « comme il vous sera declairé cy après »141, « comme vous pourrez veoir cy dessoubz plus a plain en la dicte nouvelle »142, « par la maniere qui cy après s’ensuit »143. Reposant sur l’emploi répété du futur et de la prolepse, ces hyperbates témoignent d’un fait de structure. Au nombre de cinquante-six, elles concourent à créer un appel à la complétude et au bouclage du sens. Différés, ceux-ci ne seront réalisés que dans l’amplification de la nouvelle et seront, par là même, investis d’une attente significative. C’est ainsi que la stratégie de l’inattendu et du bon mot vont être porteurs d’une charge significative importante et que le rôle de la chute sera souligné. Si « la trente et quatriesme

137

Op. cit., abrégé de la XVIIe nouvelle, p. 5, l. 131. Op. cit., abrégé de la XVIIIe nouvelle, p. 5, l. 140 à 141. 139 Op. cit., abrégé de la XXe nouvelle, p. 5, l. 155. 140 Op. cit., abrégé de la XXIIe nouvelle, p. 6, l. 169 à 170. 141 Op. cit., abrégé de la XXIVe nouvelle, p. 6, l. 183 à 184. 142 Op. cit., abrégé de la LXXXVIe nouvelle, p. 18, l. 582 à 583. 143 Op. cit., abrégé de la XCVe nouvelle, p. 20, l. 640. 138

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nouvelle, racomptée par monseigneur de la Roche » met en scène « une femme mariée qui assigna journée a deux compaignons, lesquels vindrent et besoingnerent » et dont « le mary tantost après survint », il faut cependant attendre le développement de la dite nouvelle pour connaître les « paroles qui après en furent, et la maniere qu’ilz tindrent »144, c’est à dire le dénouement. Même observation au sujet de la « lxxje nouvelle, racomptée par monseigneur, d’ung chevalier de Picardie qui en la ville de Saint Omer se logea en une hostellerie, ou il fut amoureux de l’ostesse de leans, avec laquelle il fut tresamoureusement ; mais en faisant ce que vous savez, le mary de la dicte hostesse les trouva, lequel tint maniere telle que cy après pourrez ouyr »145 ; la chute est là encore différée dans la nouvelle qui relate comment, en peignant le visage de son amant en noir, la femme volage le fit passer pour un diable et le libéra du courroux du mari qui « eut de le veoir [si] grand paour, cuidant que ce fust ung dyable, qu’il se laissa tumber du hault de luy a terre que a pou qu’il ne se rompit le col, et fut longuement comme tout paulmé »146. La chute physique du mari, absente dans le résumé, rend compte de la chute figurée, présente dans l’amplification. Il s’établit alors entre l’un et l’autre un jeu d’alternance et de va-et-vient qui consiste en un travail subtil sur l’ellipse et la navette. Le temps accordé au narrateur et au lecteur dans le blanc du texte suscite l’attente et le suspens que la nouvelle va venir combler. Dès lors, entre la table des matières et le recueil de nouvelles se développe un rapport, non seulement sémantique mais aussi esthétique, autour du jeu sur l’amplification de la table au tableau. II.3.2.3 De la table au tableau ou l’esthétique de l’amplification En effet, il est question d’esthétique lorsque l’on se réfère aux rapports qu’entretiennent la table des matières et le recueil de nouvelles, voire de technique picturale. Pour bien comprendre ces implications, il faut se reporter à l’esthétique de la miniature. Terme provenant du latin minium (couleur rouge employée dans la décoration des manuscrits – on retrouve bien ici un rapport étymologique avec le livre et le recueil) et entretenant des analogies avec le mot minus superlatif latin signifiant « le plus petit », la miniature apparaît au début du XVIe siècle comme un

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Op. cit., abrégé de la XXXIVe nouvelle, p. 8, l.252 à 257. Op. cit., abrégé de la LXXIIe nouvelle, p. 15, l. 473 à 479. 146 Op. cit., N. LXXII, p. 438, l. 110 à 114. 145

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objet autonome par rapport à la peinture de grandes dimensions. Elle est surtout utilisée pour des portraits, aisés à transporter et à conserver, et apparaît comme un changement radical dans les pratiques esthétiques de par son volume réduit et la facilité d’utilisation qu’elle offre. On peut ainsi établir un rapport d’équivalence entre la technique picturale de la miniature et ses implications fonctionnelles avec la table des matières. En effet, toutes deux proposent une certaine vision de l’œuvre dans le sens de la réduction et de la petite dimension ; les scènes de genre ou d’actualité, les portraits qu’elles mettent en scène s’adaptent à ces dimensions restreintes aussi bien dans le domaine textuel que pictural. Dès lors, l’abrégé et la miniature pratiquent la stylisation et l’économie dans un rapport d’échelle avec le recueil ou le tableau. Les analogies sont d’autant plus renforcées si on se réfère au support des miniatures : s’agissant tout d’abord du parchemin, matériau qu’elle partage avec le livre, il va s’étendre à l’ivoire, dont la couleur légèrement jaunie renvoie encore à l’expression matérielle du texte. La table des matières établit bien des parallèles avec l’esthétique de la miniature avec laquelle elle partage les mêmes supports référentiels mais aussi et surtout les mêmes techniques d’expressivité. Ayant en commun l’épure et le principe de réduction, une différence cependant semble les séparer : c’est le rapport qu’elles entretiennent avec le format amplifié qui leur est associé. En effet, si on peut affirmer que la table des matières est individualisée du recueil par son caractère autonome, cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit indépendante ; au contraire, la miniature obéit réellement à ses propres lois et est complètement indépendante de la peinture de grandes dimensions. Si table et miniature partagent les mêmes techniques analogiques de réduction, elles n’entretiennent pas pour autant les mêmes rapports avec le tableau. Dès lors, ce détour du côté de la peinture permet de marquer encore les interdépendances de la table des matières avec le recueil de nouvelles. Il ne s’agit pas de deux éléments hétérogènes, dissociés et indépendants mais de deux structures analogues, dissociables, autonomes mais cependant non sécables. C’est pourquoi on peut employer, en restant dans cette analogie esthétique avec l’œuvre d’art, le terme de « diptyque » afin de rendre compte de cette structure particulière de la table des matières et du recueil de nouvelles, c’est à dire du livre.

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II.3.3 Un diptyque

II.3.3.1 Un duo qui n’est pas un d oublet Il apparaît alors que, si le passage de la table au tableau repose sur l’esthétique de l’amplification, la proportion n’est pas seule mise en jeu. En effet, ce duo n’est pas un simple doublet dans la mesure où chaque élément fait partie intégrante d’une système qui ne repose pas sur la redondance mais sur la complétude. Ainsi, ce diptyque ne se compose pas de plans identiques mais offre au contraire, dans ses rapports spéculaires, des implications de l’ordre de la diégèse et de la temporalité. La dualité du livre est alors mise au service de l’achèvement et de la per-fection. Cette complétude est celle que définit tout d’abord la perfection numéraire et formelle de chaque recueil ; elle est aussi celle qui est mise en jeu par le duo que forment l’abrégé et son amplification puisque chacun recouvre des fonctionnalités à la fois spécifiques mais aussi complémentaires. Aussi, la table des matières doit-elle assurer le rôle de présentation mais aussi d’attraction ; la présentation n’atteint alors pas au résumé intégral, sous peine d’hypothéquer la lecture de la nouvelle. Elle doit fournir quelques traits définitoires en rapport avec le sujet, l’histoire et le style développés, ainsi que l’illustre l’abrégé de la nouvelle quatre-vingt-huit : La LXXXVIIJe nouvelle, d’ung bon simple homme païsan, marié a une plaisante et gente femme, laquelle laissoit bien le boire et le mengier pour aymer par amours ; et de fait, pour plus asseureement estre avec son amoureux, enferma son mary ou coulombier par la maniere que vous orrez.147

Le sens et le dénouement sont alors laissés en suspens pour que la nouvelle vienne compléter l’attente du lecteur. Cette dernière fonctionne alors en duo avec la table des matières afin d’assurer un rôle d’amplification, de résolution et de bouclage. Cependant, les rapports entre la table et le tableau ne sont pas toujours aussi linéaires puisque l’abrégé apporte parfois plus d’informations que ne le fait la nouvelle. C’est le cas au numéro quatre-vingt-onze de la table des matières où le narrateur prend explicitement la parole pour évoquer le cas « d’ung homme qui fut marié a une femme laquelle estoit tant luxurieuse et tant chaulde sur le potaige que je cuide qu’elle fut née es estuves, ou a demy lieue près du soleil de midy : car il

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Op. cit., abrégé de la LXXXVIIIe nouvelle, p. 18, l. 593 à 598.

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n’estoit nul, tant bon ouvrier fust il, qui la peust refroidir ; et comme il la cuida chastier, et de la reponse qu’elle lui bailla »148. Que nous dit la nouvelle correspondante ? Que cette « femme estoit tant luxurieuse et chaulde sur potage et tant publicque, que a peine estoit elle contente qu’on la cuignast en plaines rues avant qu’elle ne le fust »149. Mais aucunement que le narrateur pensait « qu’elle fut née es estuves, ou a demy lieue près du soleil de midy » et que personne ne pouvait la contenter. Dès lors, le rapport d’amplification s’inverse pour intensifier la description comique et caractérise paradoxalement l’abrégé. Même remarque à propos de la nouvelle quatre-vingt de la table des matières qui mentionne pour l’âge du mari celui de « XXIIII ou XXVI ans »150, alors même que la nouvelle qui lui correspond reste dans l’indécision numéraire du « mon mary, qui a bien xxiiij ans »151. Ce détail pourrait sembler anodin pris hors du contexte mais souligne en réalité un étrange rapport d’équivalence établi par la femme entre l’âge et la taille du sexe : Une jeune fille d’Alemaigne qui de l’aage de XV a XVI ans, ou environ, se maria a ung gentil galant, laquelle se complaignit de ce que son mary avoit trop petit instrument a son gré, pource qu’elle veoit ung petit asne qui avoit demy an, et avoit plus grand ostil que son mary, qui avoit XXIIII ou XXVI ans.152

Il faut donc, dans cette logique proportionnelle, se reporter à l’abrégé pour avoir des informations plus précises et dresser le tableau de concordance évoqué par le narrateur. L’amplification joue encore ici dans la table des matières et il reste au lecteur, pour atteindre à la complétude du sens, à se rapporter à la fois à celle-ci mais aussi au recueil de nouvelles. Si les recueils faisaient office de doublet, il suffirait au lecteur de se référer à un seul d’entre eux ; ici, au contraire, ils fonctionnent en duo complémentaire, quelquefois seulement redondant afin de délivrer l’intégralité du sens du récit. Celui-ci est donc à recomposer dans un double mouvement qui consiste à se référer à la nouvelle et à son abrégé, dessinant par-là même le parcours temporel à l’œuvre dans cette lecture sinusoïdale. Dès lors, c’est

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Op. cit. abrégé de la XCIe nouvelle, p. 19, l. 612 à 618. Op. cit., N. XCI, p. 518, l. 7 à 10. 150 Op. cit., abrégé de la LXXXe nouvelle, p. 17, l. 543 à 544. 151 Op. cit., N. LXXX, p. 472, l. 65 à 66. 152 Op. cit., abrégé de la LXXXe nouvelle, p. 17, l. 536 à 544. 149

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une nouvelle définition du recueil que propose ce duo à travers ces suites et ces croisements. II.3.3.2 Vers une nouvelle définit ion du recueil S’il convient, pour lire intégralement les Cent Nouvelles Nouvelles, de se référer à un double recueil, diptyque de récits dédoublés mais jamais répétés, cela n’est pas sans poser la question de la définition du recueil. En effet, recueil miniature de nouvelles, l’abrégé affirme sa brièveté tout en proposant une certaine conception du livre ; les nouvelles amplifiées forment, elles aussi, un recueil car elles correspondent à la définition classique que l’on en donne de par leur caractère bouclé et circulaire. Si nous pouvons les lire indépendamment, il ressort cependant de notre étude que les nouvelles abrégées et les nouvelles amplifiées dépendent l’une de l’autre, aussi bien du point de vue formel que sémantique. C’est pourquoi, il semble difficile de dissocier les deux recueils du point de vue de leur fonctionnalité mais aussi de leur dénomination. Aussi est-il préférable de ne parler que d’un seul et unique recueil bipolarisé par la table et le tableau et dont la perfection dépend intrinsèquement de ce système de construction en diptyque. Dès lors, c’est toute la notion de recueil qui est à repenser en intégrant dans l’analyse la présence fondamentale de la table toujours négligée, voire oubliée. Ainsi, la nouveauté réelle des Cent Nouvelles Nouvelles consiste en la création d’une architecture complexe dont l’auteur témoigne dans sa dédicace en employant le terme de « petit œuvre »153. Au-delà du sens littéraire de composition, qui est bien entendu suggéré ici, se développe encore une référence au travail de l’artisan qui construit un édifice avec des matériaux. Et c’est réellement au travail de bâtisseur que le livre fait écho ici de par sa complexité et sa virtuosité. En effet, les Cent Nouvelles Nouvelles est un livre élevé à la demande du duc de Bourgogne ; édifice en forme de monument, il est assemblé et composé à la manière d’un ouvrage de construction. Chaque nouvelle constitue une des pierres qui vont servir à son édification ; l’assise de cette composition est le projet de l’assemblage de ces cent pièces, sorte de nombre d’or de la construction littéraire. La charpente de ce gros œuvre est l’élaboration des trois moments du discours : la table, la dédicace et les nouvelles amplifiées. Jeu de construction, les Cent Nouvelles Nouvelles s’intègrent

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Op. cit., dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 12.

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alors métaphoriquement à cette vie artistique de la deuxième moitié du XVe siècle où la maîtrise des architectes est à son comble. Les voûtes se subdivisent à l’infini, gâbles et pinacles montent à l’assaut des tours pendant que les contre-courbes, semblables à des flammes, témoignent de la virtuosité de ces constructions. Le gothique flamboyant domine alors et trouve des résonances dans les recueils dont la composition est de plus en plus subtile, à l’image des Cent Nouvelles Nouvelles qui, par leur perfection formelle, travaillent à cette virtuosité de la construction. Le recueil est ainsi l’objet d’un important travail qui consiste à bâtir et à mettre « sur piez », c’est à dire à ériger une construction qui permette le « tresgracieux exercice de lecture et d’estude »154. Il n’est plus simplement l’« achoison » (N. 30, l. 179) de se livrer à une « ratelée » (N. 24, l. 7 ; N. 33, l. 251 ; N. 100, l. 5 ; N. 72, l. 129 ; N. 76, l. 15). Il dépasse de loin le conte que l’on se contente de ramasser avec un râteau et de compiler. C’est au contraire une véritable création qui ne se contente pas d’être le seul fait de « recorder » (N. 4, l. 37) pour s’élever au rang d’œuvre littéraire et proposer une nouvelle conception de la création littéraire. Elle transcende ainsi dans les Cent Nouvelles Nouvelles sa seule fonction de « cueillette » pour désigner non seulement le « rassemblement, la réunion » mais aussi, comme l’indique le préfixe intensif « re », « la collection concrète et organisée » en vue de l’élaboration d’une construction. Celle-ci a pour fonction de proposer une autre définition du recueil mais aussi, par conséquent, une autre façon de lire. Dès lors, si la vision traditionnelle du recueil est remise en question, c’est aussi la temporalité à l’œuvre dans la lecture qui est modifiée. II.3.3.3 Lectures suivies et lecture s croisées : la temporalité de la lecture en œuvre En effet, proposer un recueil sous forme de diptyque, c’est bouleverser les pratiques convenues de lecture. Habituellement sous forme suivie, celui-ci invite à parcourir linéairement et dans un ordre chronologiquement défini par l’auteur le livre. Le sens apparaît alors comme « programmatique » puisque son dévoilement opère dans ce parcours codifié et balisé. Cependant, les Cent Nouvelles Nouvelles rompent avec cette conception traditionnelle du livre en modifiant l’extension et le déroulement de l’itinéraire. En effet, la présence de l’abrégé à son ouverture apparaît comme une

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Op. cit., dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 13 et 5 à 6.

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rupture et une remise en question. Ayant pour fonction celle de guider le lecteur vers les problématiques et les thèmes qui l’intéressent le plus, il propose une lecture qui ne se fait pas in-extenso mais qui court-circuite l’ordre établi. Dès lors, la table des matières invite à des lectures discontinues par le principe de choix et de sélection. Il est alors possible pour le lecteur de parcourir le recueil selon des critères reposant sur la figure du narrateur (lire de façon suivie les nouvelles de messire Michault de Chaugy, de monseigneur de la Roche ou bien de Philippe de Loan), sur une numérologie erratique (prendre au hasard certaines nouvelles sans respecter le principe de continuité) ou bien encore sur une ordination régressive (commencer le recueil par la fin). Ces exemples illustrent ainsi la désorganisation que peut faire subir la table des matières à l’ensemble du recueil lorsque la lecture architectonique est rejetée et que la numérotation et l’organisation du recueil selon des clefs de voûte, des suites et des séries est refusée. Ces modifications peuvent encore se faire plus perceptibles si le lecteur combine la lecture de la nouvelle abrégée et de son correspondant amplifié ou bien encore s’il pratique une fusion des deux en se contentant de lire dans la nouvelle la chute et l’effet d’inattendu suggéré dans la table des matières. Il ressort de ces pratiques que la table d’orientation n’a pas toujours pour fonction d’être une table d’organisation mais parfois aussi une table de multiplication des types de lecture. Lectures suivies ou lectures croisées sont alors les possibilités offertes au lecteur. L’architecture du recueil est alors mise en question par la rupture de la linéarité traditionnelle et propose au lecteur une invitation à composer et à recomposer le recueil. C’est à lui que revient, en dernière instance, la définition du livre qui s’offre à lui ; c’est à lui à créer un ordre, celui qu’il projette par sa lecture. Dès lors, il est évident que le sens ne s’offre pas de façon médiate puisqu’il n’est plus possible de le révéler linéairement. C’est à chacun que revient la fonction interprétative qui s’élabore par les pratiques de lectures suivies ou de lectures croisées. Si beaucoup de critiques se sont accordés à dire que les Cent Nouvelles Nouvelles étaient seulement des « anecdotes que les hommes aiment raconter, le soir, au sortir d’un bon dîner, devant une cheminée où flambe un grand feu »155 ayant pour seul intérêt celui de proposer une « galerie de portraits [...] destinée à provoquer le grand rire dans la meilleure tradition de l’esprit

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Pierre Jourda, Introduction aux Conteurs français du XVIe siècle, Paris, Gallimard, 1965, p. 19.

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gaulois »156, c’est peut-être parce que le parcours du sens se définit de façon sinusoïdale, étroitement lié au cheminement de sa propre lecture et devient par là même problématique, voire pour certains inexistant. Il apparaîtrait alors contradictoire de notre part de proposer un projet de lecture qui se voudrait objectif puisque ce dernier est inhérent et dépendant de chaque construction personnelle. Cependant, il faut considérer ici l’extrême élaboration des Cent Nouvelles Nouvelles qui s’attache à édifier une architecture verrouillée et fermée par la perfection numéraire, la présence de clefs de voûte, de suites et de séries. Cette volontaire et apparente rigidité de la structure, affichée dès le titre et le portique de l’œuvre, met en place, en réalité, une construction du sens plus travaillée qu’il n’y paraît ; la fermeture et la cyclicité des Cent Nouvelles Nouvelles, même si elles ne figent pas un parcours du sens, le définissent cependant en filigrane. Dès lors, c’est par l’architecture, seule garantie du sens, que l’on peut parvenir à reconstruire l’œuvre par le parcours, certes labyrinthique, mais toujours balisé de sa propre lecture. La construction parfaite de l’œuvre témoigne, de par son excessive rigueur, de la volonté d’assurer un sens malgré tout ; s’il ne se révèle pas, de façon traditionnelle, au terme d’une lecture suivie, il est cependant distillé dans chaque nouvelle et trouve son aboutissement dans la collection, le recueil. Lectures suivies et lectures croisées contribuent donc à définir encore plus précisément ce nouveau recueil par une invitation à repenser la temporalité. En effet, ces pratiques de lecture entretiennent des rapports étroits avec elle dans la mesure où elles peuvent courtcircuiter son extension et sa linéarité. Ainsi, la lecture croisée invite à définir sa propre temporalité de lecture à travers la temporalité de l’œuvre ; in-extenso ou sélective, elle propose une vision variable qui va de l’unicité à la totalité en passant par le florilège. C’est pourquoi elle mobilise des temporalités différentes additionnelles ou superposables sans pour autant être antagonistes. Celles-ci renvoient à la brièveté lorsqu’elles reposent sur le principe sélectif ou le croisement entre l’abrégé et la nouvelle amplifiée qui lui est attribué. La table des matières n’est donc pas la seule à y puiser sa spécificité ; c’est aussi le cas pour les pratiques de lecture suscitées par la mise en recueil. Ainsi que l’affirme Paul Zumthor « c’est donc en termes de temps réel de la performance de la lecture qu’il convient de cerner, dans ce qu’elle a d’essentiel au sein d’une situation culturelle donnée, la

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Franklin P. Sweetser, Introduction aux Cent Nouvelles Nouvelles, Genève, Droz, 1996, p. 15.

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notion de brièveté »157. C’est ce que nous tenterons de faire ici en cherchant à définir, à travers l’exemple des Cent Nouvelles Nouvelles, la spécificité de ce genre en cours d’élaboration qu’est la nouvelle.

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Paul Zumthor, chapitre introductif à Genèse, codification et rayonnement d’un genre médiéval : la nouvelle, Actes du Colloque International de Montréal (McGill University : 14-16 octobre 1982), publ. Par Michelangelo Picone, Giuseppe Di Stefano et Pamela D. Stewart, Montréal, Plato Academic Press, 1983, 236 p., p. 5.

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III La nouvelle : la brièveté

La nouvelle, plus resserrée, plus condensée, jouit des bénéfices éternels de la contrainte : son effet est plus intense ; et comme le temps consacré à la lecture d’une nouvelle est bien moindre que celui nécessaire à la digestion d’un roman, rien ne se perd de la totalité de l’effet.158

C’est ainsi que Charles Baudelaire définit la nouvelle comme un genre étroitement lié à la contrainte de la brièveté. Le livre de nouvelles exige en effet du lecteur une très grande coopération ; il n’y a pas de temps mort dans la nouvelle, ce qui empêche le lecteur de s’y installer confortablement. On lui impose en revanche une exigence continuelle de rupture : une histoire finie, voilà que tout de suite une autre commence. C’est en définitive un problème de développement temporel et de diversité qui oblige le lecteur à un effort constant. Par opposition à la nouvelle, il ressort souvent de la doxa que le roman donne au lecteur le temps de « respirer », de se familiariser avec l’univers qu’il propose, de s’identifier aux personnages. Il lui donne le temps tout court, il l’emporte dans le déroulement du temps, dans la lenteur du temps, à l’intérieur de la durée. Alors que la nouvelle arrache les événements et les êtres à la durée, les situe dans un univers fermé et clos sur luimême. C’est en quoi l’étude de la temporalité à l’œuvre dans la nouvelle permet de dépasser les oppositions traditionnelles entre le roman « long » et la nouvelle « courte ». En effet, la spécificité de la nouvelle ne réside pas dans une qualité volumétrique mais dans un rapport au temps qui tient à la brièveté. Le récit bref est avant tout un fait de lecture : c’est un texte saisissable dans son entier et dont la relecture paraît presque probable ou aisée. C’est donc en mode de saisie et de gestion d’un temps de lecture qu’il faut comprendre la nouvelle. La brièveté est cette temporalité significative qui permet une expérience de perception globale, simultanée et instantanée, des adjonctions proposées par la temporalité du récit. C’est en quoi nous souhaiterions ici étudier le couple nouvelle/brièveté comme un

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Charles Baudelaire, « Critique littéraire », sur Théophile Gautier, in Œuvres complètes, éd. Claude Pichois, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1976, t. II, p. 119. Juin 2000

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couple fondateur de cette nouveauté générique. Liée à l’oralité - c’est-à-dire au temps de la performance, la brièveté fonde l’esthétique de la nouvelle par un écrasement temporel travaillant à une théâtralisation de son écriture. Si les effets de rythme contribuent à une saisie ludique du temps, le caractère fragmentaire du recueil encode cependant le lecteur vers une quête d’unité temporelle. De la « cueillette » à la « ratelée », la clôture du sens apparaît comme problématique puisque le récit bref invite à une lecture in-finie. Dès lors, c’est peut-être au lecteur que revient la nécessité, face à la brièveté de la nouvelle, de faire parler le silence et de se constituer en clef de voûte finale dans cette recherche architectonique du sens.

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Troisième Partie

III.1 Dire bref / Ecrire bref III.1.1 Une esthétique de la brevitas III.1.1.1 La brevitas ou le savoir vivre III.1.1.2 La brevitas : de l’éthique à l’esthétique III.1.1.3 La brevitas ou l’efficacité narrative III.1.2 La brièveté ou la contrainte de l’oralité III.1.2.1 Récit court/récit bref III.1.2.2 La brièveté : fait et effet de lecture III.1.2.3 La brièveté ou l’illusion de l’exhaustivité III.1.3 La brièveté ou l’écriture du présent III.1.3.1 La nouvelle : une dynamique temporelle du ternaire III.1.3.2 La nouvelle et la nostalgie de l’origine III.1.3.3 La nouvelle ou l’écrasement temporel : le présent du « je »

III.2 La brièveté théâtralisée III.2.1 Un genre qui s’épuise III.2.1.1 La nouvelle ou le principe d’économie III.2.1.2 La nouvelle ou le principe d’efficacité III.2.1.3 La nouvelle ou le principe de convergence III.2.2 Mise en valeur et jeux d’éclairages III.2.2.1 La primauté du regard III.2.2.2 La description impressionniste III.2.2.3 Le dialogue iconique III.2.3 La chute : clausule et clôture. III.2.3.1 Une esthétique de la tension III.2.3.2 Unité temporelle et structure théâtrale III.2.3.3 La chute : coup de théâtre et coup d’écriture Juin 2000

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III.3 Brièveté et rythme au fondement de la nouvelle III.3.1 Dilatation et brièveté III.3.1.1 La brièveté de l’exposition : la concaténation temporelle III.3.1.2 La dilatation événementielle : de « l’adventure » au « cas » III.3.1.3 La nouvelle : une temporalité en accordéon III.3.2 Ellipse et répétition III.3.2.1 L’ellipse ou le temps en creux III.3.2.2 La répétition ou la navette du sens III.3.2.3 Faire parler le silence : le paradoxe de la brièveté III.3.3 Avance ou retard : la stratégie de la ruse III.3.3.1 Un Chronos déréglé III.3.3.2 La temporalité ludique : la ruse III.3.3.3 La vengeance ou le temps cyclique

III.4 Discontinuité et temporalité III.4.1 Du fragmentaire au discontinu : la quête d’unité temporelle III.4.1.1 La « cueillette » et la « ratelée » : l’esthétique du fragmentaire III.4.1.2 L’impossible clôture III.4.1.3 Du recueil au cadre : l’unité utopique retrouvée ? III.4.2 Effets d’échos : de l’objet au projet III.4.2.1 Duplication, parallélisme et symétrie : le retour du même ou le travail de la temporalité III.4.2.2 Une lecture du ressassement III.4.2.3 Résonner et raisonner III.4.3 Le lecteur : la clef de voûte retrouvée III.4.3.1 Le lecteur : un personnage de nouvelle III.4.3.2 Récit bref/Histoire in-finie III.4.3.3 Faire parler le silence

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III.1 Dire bref / Ecrire bref Les manuels de savoir vivre rappellent que ce serait manquer à la bienséance que d’abuser de la patience et de la courtoisie des auditeurs. D’où la nécessité de « faire le conte bref », « trousser le conte court » ou « abréger le conte », c’est à dire de s’inscrire dans la brevitas. Dès lors, la brièveté apparaît non seulement comme une esthétique mais aussi comme une éthique qui repose sur une stratégie de discours empruntant à l’oralité ses traits définitoires. Nous souhaiterions, en effet, montrer ici comment la brièveté, loin d’être une exigence volumétrique, est une contrainte liée à la « performance » dont les faits et effets de lecture visent à l’illusion de l’exhaustivité. Sa dynamique travaille alors à un écrasement temporel qui converge vers le présent du « je » et dont nous voudrions montrer le fonctionnement..

III.1.1 Une esthétique de la brevitas La brevitas est un terme issu de l'antiquité qui désigne une stratégie énonciative reposant sur la dispositio, l’elocution et la narratio. La brièveté n’est donc pas tant d’essence poétique que le fruit des contraintes paratextuelles initialement liées à la performance orale du récit. Cependant, on glisse rapidement de la contrainte à l’esthétique, voire à l’éthique dans la mesure où la brevitas est étroitement liée à la question de la bienséance et du savoir vivre. Ainsi, nous aimerions analyser ici comment cette bienséance est celle qui tend vers une efficacité narrative afin que l’« exercice de lecture [soit] tresgracieux »159.

III.1.2 La brièveté ou la con trainte de l’oralité La doxa associe souvent l’efficacité narrative du récit court à l’agrément alors qu’elle renvoie le plus souvent le récit long du côté du déplaisir. Cette conception est éclairante dans la mesure où elle permet de souligner la confusion qui règne

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Cent Nouvelles Nouvelles, dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 5 à 6.

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entre récit court et récit bref. Alors que le « court » renvoie à la dimension textuelle et matérielle d’un récit, le « bref » appelle au contraire à la prise en considération du pôle énonciatif. C’est en ce sens que la brièveté ne renvoie pas à une appréciation volumétrique mais à des faits et à des effets de lecture. Elle repose en majeure partie sur une illusion volontaire d’exhaustivité. C’est pourquoi, nous aimerions montrer comment le déroulement du récit privilégie deux moments opposés, le début et la fin, qui se trouvent presque au contact l’un de l’autre par quasi-ellipse du temps intermédiaire.

III.1.3 La brièveté ou l’écrit ure du présent La disposition du récit dans laquelle l’auteur rapporte un récit qu’il a lui-même entendu a, pour résultat, que celui-ci se trouve à la fois en position de locuteur, mais aussi d’allocutaire. Dans le premier rôle, il impose sa subjectivité ; dans le second, il la confond avec celle de son public, ce qui revient à l’imposer de façon plus insidieuse et plus impérieuse encore, en suggérant à tous l’impression que le récit est supposé lui avoir faite et l’adhésion qu’il y a apportée et en les actualisant dans le présent de son propre récit. Le présent incarne alors le désir de fixer la performance et il se représente comme un dévoilement, la mise en présence d’événements. Il repose alors sur une dynamique temporelle du ternaire où le récit oral fait entrer dans l’espace et le temps de la fiction un « non maintenant », un « non-ici » où le « Je » se confond non pas avec l’individu performant, mais incarne l’actant d’une énonciation énoncée. Le récit oral se fait ensuite écrit pour se projeter dans le temps futur de la réception par le public des lecteurs. C’est en ce sens que le temps de l’écriture tend à se rapprocher de la performance orale du cercle conteur et que cette tension démultiplie le temps du récit oral en séquences d’énonciation qui, selon la logique propre à la tradition orale, remontent mythiquement à une origine que l’on sait perdue. C’est ce paradoxe qui invite à la lecture de la nouvelle comme production d’un écrasement temporel puisque tout semble converger vers le présent de l’énonciation. En effet, la tension vers le présent rejoint la dimension testimoniale du narrateur et les procédés d’authentification du récit. Dès lors, ce cheminement vers le présent se fait cheminement vers le « Je » puisque la subjectivité apparaît et se constitue dans le présent de l’interlocution de partenaires

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pragmatiquement contraints de se rencontrer dans une temporalité qui leur est commune.

III.2 La brièveté théât ralisée Là où le lecteur de roman tendra à mémoriser moins le tissu verbal du texte que le résultat de sa conversion en des suites d’actions intégrées dans de catégories génériques, le lecteur du récit bref, effectuant une lecture moins réductrice, montrera une aptitude plus grande à engranger le matériau verbal effectif, ainsi que le détail en apparence adjacent et inassignable, que cette singularité même désigne. Ce principe d’économie, reposant sur la participation du lecteur, se double d’un principe d’efficacité mais aussi de convergence dans la mesure où la contrainte formelle invite à une écriture de la « densité » toute théâtrale. En effet, par la primauté accordée au regard, le narrateur travaille à une mise en valeur et à des jeux d’éclairages dramatiques. La description n’en ressort que plus impressionniste et le dialogue, point rayonnant, est l’image de ce foyer lumineux. Ce travail sur la lumière et le regard participent d’une esthétique de la chute où l’unité temporelle est mise au service du coup de théâtre, coup d’écriture dans ce récit sous tension.

III.2.1 Un genre qui s’épuis e La nouvelle, de par sa brièveté, est un genre qui travaille à une forme de « densité de l’écriture ». Par ses principes d’économie et d’efficacité, elle est promptement saturée et ne souffre pas la défaillance. Si la contrainte formelle induit une limite de durée à la nouvelle, cette brièveté impose une économie en ce qui concerne l’action et son orchestration. En découle le principe de convergence. Ainsi, l’économie des moyens dans la nouvelle peut, par exemple, se percevoir par l’absence de monologues et de descriptions qui amplifieraient trop le texte ; partant de ce constat, l’auteur élimine tout ce qui ne serait que pure digression pour focaliser son récit sur des points significatifs, c’est-à-dire des marques indicielles. Autre technique de convergence et de concentration : l’apposition d’adjectifs afin de créer l’illusion de la description en fournissant au lecteur et à l’auditeur les moyens de donner vie à leur propre représentation sans cependant amplifier le récit qui se doit d’être bref.

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Dès lors, nous souhaiterions étudier ici plus précisément les techniques d’économie, d’efficacité et de convergence afin de mieux comprendre en quoi la nouvelle est un genre théâtralisé qui s’épuise.

III.2.2 Mise en valeur et jeu x d’éclairages Ce genre théâtralisé qu’est la nouvelle repose sur un subtil jeu de mises en valeur et d’éclairages. Sous le régime de la séparation et de la restriction du champ, la nouvelle devient foyer lumineux sans halo, qui rejette dans la pénombre tout ce qui existe sur les marges de son objet immédiat. C’est par une importance accordée à la primauté du regard, dont les références saturent le texte, que ce travail est à l’œuvre dans les Cent Nouvelles Nouvelles. Il s’accompagne d’une description que l’on pourrait qualifier d’impressionniste dans la mesure où elle se focalise sur des points précis du récit afin de donner l’illusion d’une réalité plus générale. En effet, au lieu d’être disposées en blocs monolithiques, les segments descriptifs sont le plus souvent fragmentés en notations éparses dans le cours de la narration, à laquelle ils sont étroitement mêlés. Ainsi imbriquée dans le récit, la description tend à être contaminée par lui et, notamment, à se laisser envahir par sa dimension temporelle : c’est alors que le statique s’anime, que le cadre spatial se dynamise. La nouvelle, comme récit bref, s’assimile alors à l’art de diriger le regard, à une mise en œuvre du désir de voir. Dès lors, cette description impressionniste sert de faire-valoir à un événement qu’il faut détacher, sur un fond qui reste flou, pour le donner à voir. Si la nouvelle est un art de la révélation, il n’est pas étonnant qu’elle s’organise dans bien des cas autour de ce moment privilégié qu’est l’expérience épiphanique. Sa fréquente position finale ne l’empêche pas de constituer un centre rayonnant qui prend son sens et son intensité à travers l’échange d’un dialogue iconique.

III.2.3 La chute : clausule e t clôture. Parce que la persévération des indices textuels dans l’esprit du lecteur y est affermie par les limites d’un cadre étroitement circonscrit, la nouvelle tend à suspendre à la chute l’enjeu même de la lecture (à commencer souvent par sa compréhension littérale), ainsi que le constatent à leurs dépens ceux qui, faute d’avoir accordé à tel ou tel détail une attention suffisante, restent perplexes devant l’issue proposée. Nelly LABERE

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Ainsi, la chute produit-elle deux effets antagonistes : par sa localisation spatiale, elle tire la lecture vers l’avant, tandis que par son importance souvent cruciale, elle commande que celle-ci fasse retour sur ses propres traces (certes la mémorisation n’est pas encore l’interprétation, mais elle la prépare et l’enrichit). Cette esthétique de la tension s’inscrit dans une unité temporelle relevant de la structure théâtrale ; en effet, la nouvelle est un lieu d’intensité maximum, un moment de « renforcement », alors que le roman serait plutôt un moment d’« affaiblissement ». Dans un cas, la clôture du texte coïncide avec un point culminant ; dans l’autre, elle se signale par une retombée de la tension, le sommet s’y infléchit en cette pente qu’on appelle épilogue. Dès lors, dans la nouvelle, la clôture s’apparente à un coup d’écriture qui se donne comme coup de théâtre. La fin devient paradoxalement le début de tout. Par sa clausule, le plus souvent en guillotine, la clôture est le moment surdéterminé pour tout lecteur, le narrateur pouvant jouer avec elle comme art du détour. Cela n’est pas sans conséquences sur l’étude de la temporalité dans la mesure où la fin incite, le plus souvent, le lecteur à retourner en arrière et, sous cet éclairage, les nouvelles prennent alors un sens neuf.

III.3 Brièveté et rythm e au fondement de la nouvelle La brièveté et le rythme sont au fondement de la nouvelle. Ils déterminent en effet la temporalité d’un récit qui repose sur un événement, un cas théâtralisé. Reposant sur le principe de dilatation ou de concaténation, ils s’inscrivent dans une temporalité en accordéon qui confère au récit son intensité et sa vivacité. Ces variations temporelles se fondent ainsi sur l’action couplée de l’ellipse et de la répétition qui traduisent une recherche du sens qui s’exprime dans le paradoxe suivant : faire parler le silence. Cette spécificité de la brièveté est celle que symbolise la stratégie, fort répandue dans les Cent Nouvelles Nouvelles : la ruse. En jouant sur un temps cyclique, elle met au premier plan l’existence d’un Chronos déréglé et dont la neutralisation réparatrice revient aux personnages mais aussi, en dernière instance, au lecteur.

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III.3.1 Dilatation et brièveté Deux grands moments semblent être à l’origine, dans les nouvelles, de ce principe de dilatation et de brièveté. Il s’agit de l’exposition qui travaille à la concaténation temporelle puisqu’elle concentre quelques éléments de donnée événementielle afin de mettre en place l’« adventure ». Au contraire, cette dernière joue sur la dilatation temporelle dans la mesure où elle va s’étendre au « cas » pour désigner l’interruption de l’événement dans le récit et l’étendre à la durée de la vie humaine. De l’exposition au « cas » s’exprime déjà une temporalité problématique de par son unité puisqu’elle oscille entre dilatation et brièveté.

III.3.2 Ellipse et répétition Cette temporalité en accordéon repose sur la technique de l’ellipse qui inscrit une temporalité en creux dans le récit et invite à une lecture interprétative et déductive. A l’opposé, se joue le principe de répétition indicielle ou structurale qui implique une navette du sens dans les dites et redites de l’œuvre. La brièveté n’est donc pas si linéaire qu’on le pense dans la mesure où le récit peut s’attarder ou revenir sur des éléments significatifs du récit dont il propose de subtiles variations ou répétitions. La nouvelle est donc bien un genre paradoxal et ce à plusieurs titres. Tout d’abord dans sa définition de la brièveté qui recourt aussi bien à l’ellipse qu’à la répétition. Mais aussi dans ce que ce rapport induit au texte : le jeu avec le non-dit narratif fait parfois l’impasse sur un événement souvent crucial que la narration saute, mais que l’intelligibilité du texte requiert. Dès lors, il revient au lecteur de faire parler le silence...

III.3.3 Avance ou retard : la stratégie de la ruse C’est en ce sens que la stratégie de la ruse est emblématique du rapport que les Cent Nouvelles Nouvelles entretiennent avec la brièveté. En effet, il s’agit pour la ruse de jouer avec le temps, de retarder ou d’avancer l’événement pour préparer le coup de théâtre. C’est donc une vision déréglée du Chronos qu’elles invitent ici à considérer. Cependant, ce dysfonctionnement n’est pas symptomatique mais ludique. Il n’est pas le reflet d’une société fictive déréglée qui témoigne de son malaise par la mise

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en scène d’une temporalité problématique. Il est jeu dans le jeu dans la mesure où le temps cyclique permet la réparation et le retour à l’ordre, retour à l’ordre matérialisé, à un second niveau, par l’inscription littéraire dans un recueil qui circonscrit et neutralise les débordements de l’« adventure ».

III.4 Discontinuité et temporalité A l’œuvre dans les Canterbury Tales et le Décaméron, le principe de compilatio et d’ordinatio est aussi présent dans les Cent Nouvelles Nouvelles. Il faut, pour pallier la discontinuité des énoncés collectionnés et le risque de fragmentation, de détachabilité, hétérogénéité, variété, discontinuité, un principe d’organisation supérieur qui passe pour être l’histoire-cadre. Tout en prétextant s’aligner sur Boccace, les Cent Nouvelles Nouvelles ne présentent qu’un degré zéro de l’enchâssement. Incontestablement l’histoire-cadre est absente, avec ses lieux, prologue, intermèdes narratifs entre les nouvelles, qui permettent au narrateur de déployer son discours propre, de démontrer son savoir-faire et d’exprimer son point de vue. On ne saurait conclure, pour autant, à la totale inexistence de toute procédure d’encadrement des récits et de contrôle par le narrateur d’énonciations auxquelles apparemment, du fait même du manque de récit-cadre, il semble laisser toute autonomie. Ce narrateur se désigne comme « simple secrétaire » et arbore le masque du témoin resté en coulisses. Cependant avec cinq nouvelles qui lui sont attribuées, il se pose en conteur parmi les autres et ce simple fait vient brouiller l’ordonnance des plans narratifs. Par ailleurs, il existe bien, dans l’organisation du recueil, des emplacements où se marque sa présence masquée. Ces lieux, ce sont l’incipit des nouvelles qui se distingue nettement de la nouvelle proprement dite, et la conclusion par laquelle le conteur clôt fréquemment (un quart des cas environ) son récit. Cependant, si le plus mince des cadres peut s’opposer au risque du fragmentaire, il ne résout pas pour autant le problème de diffraction de la temporalité et du sens. La lecture est alors menacée à la fois par le ressassement mais aussi par l’impossibilité de la clôture. Le récit bref étant paradoxalement une histoire in-finie, c’est peut-être au lecteur qu’il revient, en dernière instance, à se constituer en clef de voûte pour tendre à la complétude du sens.

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III.4.1 Du

fragmentaire

au

discontinu :

la

quête

d’unité

temporelle Un des traits propres à l’écriture du XIVe et du XVe siècle, c’est le goût de la collection, de la compilation. Elle ne se manifeste pas seulement en littérature dans la multiplication des recensements, catalogues et encyclopédies et dans la composition des œuvres qui rassemblent nouvelles, proverbes, adages, sonnets, etc. Elle apparaît aussi en musique, où se développe le principe de la suite. Elle se retrouve dans le plaisir à collectionner les objets, gravures ou médailles. Elle s’observe encore en architecture, où l’on établit la sériation par la répétition d’un même élément (arcades, voûtes, galeries de tableaux). Et c’est dans ce mouvement de recueil, de compilation, de collection que s’inscrivent les Cent Nouvelles Nouvelles. Cependant une question se pose. Est-ce que la nature de cet ensemble relève du simple assemblage, de la simple « cueillette » et de la simple « ratelée » ? Ou bien la collection possède-t-elle, au contraire, une intention formalisante qui confère une certaine unité au récit et fait sens ? Si, pour lutter contre l’impossible clôture et le fragmentaire, le recueil se fait forme, cela n’est pas sans poser des questions relatives à la conception d’une certaine temporalité. En effet, le cadre pose le problème de la mémoire des devisants et intègre des valeurs plus anciennes que celles des récits. De surcroît, la présence du cadre interroge la relation à l’utopie puisque le recueil de nouvelles s’assimile à l’invention d’un lieu. Il est en effet à considérer dans toute sa mobilité : c’est un livre à lire dans tous les sens, répondant à des architectures rigoureuses (10x10), mais où les nouvelles se répondent et se complètent. Le cadre invite ainsi à une lecture esthétique, mais aussi éthique de l’objet encadré : organiser un récit sur un système, c’est essayer d’imposer un ordre dans le chaos qui nous entoure. C’est sur ces problématiques que nous nous interrogerons ici afin de comprendre comment la brièveté de la nouvelle, de par son caractère discontinu, invite en réponse à la quête d’une unité temporelle.

III.4.2 Effets d’échos : de l’o bjet au projet Si chaque nouvelle est lisible pour elle-même (ce qui est une manière de fructifier l’instant, de l’étendre), elle ne possède par les mêmes caractéristiques au sein d’un livre puisque celui-ci organise des instants différents, discontinus mais chacun Nelly LABERE

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d’eux peut fructifier en lui-même. Aussi, la nouvelle, une fois mise en recueil, ne peut-elle plus être lue en soi et pour soi ; sa signifiance, elle la tire d’abord de toutes ses articulations (structurelles, narratives, thématiques, onomastiques, etc.) et des autres nouvelles constitutives du recueil. Dès lors, sa lecture s’accompagne d’effets d’échos reposant sur la duplication, le parallélisme et la symétrie ; ils impliquent, de fait, une vision de la temporalité qui s’apparente à l’analepse et la prolepse et construisent plusieurs strates temporelles qui appellent à la technique figurée du palimpseste. Cette lecture du ressassement est alors à entendre dans une acception positive qui invite à faire rimer résonner avec raisonner.

III.4.3 Le lecteur : la clef de voûte retrouvée Nous l’avons vu précédemment, d’une certaine manière, les nouvelles fonctionnent plutôt comme les fragments d’un discours, voués à n’actualiser leur virtualité que par l’intégration à une unité supérieure. Le cadre peut être une des modalités de cette actualisation ; cet enrobage, si mince soit-il, n’est pas conçu à l’origine autrement que comme une mise en scène du récit de parole dans le cadre de la conversation récréative, comme si la nouvelle ne pouvait être envisagée que sous sa forme orale. Et c’est pourquoi, il nous semble capital ici de poser la question de la figure du lecteur et de sa parole dans la mesure où les Cent Nouvelles Nouvelles travaillent à son inscription dans le récit, à la manière peut-être d’un nouveau personnage ou d’un nouveau devisant. En effet, le récit bref s’accompagnant d’une histoire in-finie, c’est peut-être au lecteur témoin de prendre le relais du sens et de la parole afin de compléter le récit et de le diffuser à son tour. Si l’encadrement de la nouvelle fait apparaître de l’espace, ce vide créé spatialement entre les blocs demande à être comblé par l’activité interprétative du lecteur. C’est à lui qu’il revient, peut-être, d’extraire une signification des silences mêmes et de redéfinir une nouvelle temporalité.

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Conclusion

Si le couple matière/forme devient au XIVe siècle un binôme de l’esthétique littéraire, renvoyant aux deux premiers temps de la rhétorique, inventio et dispositio160, les Cent Nouvelles Nouvelles inversent cet ordre des termes pour témoigner de la crise de la création littéraire. La construction architectonique du recueil et la présence d’une table des matières se faisant table d’orientation inscrivent au cœur même du livre la problématique formelle comme prise de conscience d’une nécessité de renouveau. La vieillesse du monde et la « tristesse du déjà dit »161 se muent en énergie créatrice qui transcende le pessimisme historique en filiation ludique et célèbre la génération comme moteur de régénération. Elle se manifeste par une rupture temporelle qui revendique un présent de la « fresche memoire » et de la « myne beaucop nouvelle »162 et affiche une nouveauté qui fait retour sur le faste créateur des débuts. Dès lors, les Cent Nouvelles Nouvelles seraient la manifestation d’une crise de conscience qui s’exprimerait par la naissance d’une forme nouvelle comme jeu entre l’histoire et les valeurs. En s’attachant à déployer le terme de « nouvelle », elles réactivent le sens premier du mot et sèment une nouvelle pousse sur le terrain stérile, faute d’avoir trop donné, de la matière littéraire. Elles font ainsi acte de renouveau, voire de nouveauté et projettent la fertilité à venir. Ce jeune plant que l’auteur des Cent Nouvelles Nouvelles met en terre textuelle, ce sont les événements arrivés récemment et que la nouvelle va être chargée de récolter et transplanter dans le domaine littéraire. Ce sont aussi les recueils de nouvelles à venir. Entre les Cent Nouvelles Nouvelles et d’autres recueils de nouvelles du XVe siècle, il existe alors la conscience de ce renouveau littéraire qui prend naissance avec une forme spécifique et ouvre la voie à un genre encore vivace aujourd’hui.

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Voir à ce propos Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « La tristesse du « déjà dit », in La Couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au XIVe siècle, 1300-1415, Paris, Hatier, coll. Brèves, 1993, 187 p., p. 73. 161 Nous reprenons ici le titre du chapitre de Jacqueline Cerquiglini-Toulet, op. cit. 162 Cent Nouvelles Nouvelles, dédicace au duc de Bourgogne, p. 22, l. 29. Juin 2000

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L’étude de la temporalité nous a ainsi permis d’initier une réflexion sur la naissance de ce « genre pressé » dont l’esthétique se double d’une éthique reposant sur la brièveté. Récit bref à histoire in-finie, la nouvelle invite alors à une réflexion poussée plus avant par une étude structurelle, comparative et contextuelle. C’est en ce sens que nous reprendrons la conclusion de Roger Dubuis qui, en 1975, écrivait déjà que : L’histoire de la nouvelle, en tant que genre littéraire spécifique, reste à écrire. Les travaux qui, jusqu’à présent, ont été entrepris sur ce sujet offrent tous le même visage. Dans l’esprit même de leurs auteurs ce sont des essais beaucoup plus que des synthèses et la méthode généralement suivie, la promenade à travers les œuvres ou les coups de sonde à travers les genres, ne permettait pas d’aboutir à une construction ordonnée et cohérente [...]. Il faudrait d’abord, renonçant à une classification trop stricte et qui serait trop nettement inspirée par un esprit moderne, prendre en considération des ouvrages dont le caractère proprement narratif n’est peut-être pas évident à nos yeux, mais qui, d’une façon ou d’une autre, ont amené leur auteur à se poser le problème de la brièveté, de sa nature et des ses moyens d’expression. Il faudrait ensuite donner à cette enquête le caractère international, qu’avait, à cette époque, la vie littéraire et il n’est pas interdit de penser que, pour une large part, l’histoire de la nouvelle à ses débuts ne saurait être limitée à tel ou tel pays mais relève avant tout de la littérature comparée.163

A partir de cette analyse, que nous partageons avec Roger Dubuis, nous nous proposons de prolonger cette recherche sur la temporalité dans des recueils de nouvelles du XIVe et XVe siècle à l’occasion d’une thèse de Doctorat, en prenant en compte à la fois l’aspect européen de la circulation de la nouvelle mais aussi les conditions historiques de son émergence.

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Roger Dubuis, Les Cent Nouvelles Nouvelles et la Tradition de la Nouvelle en France au Moyen Age, Lyon, Presses Universitaires de Grenoble, 1973, p. 559 à 560.

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RECUEILS D’ARTICLES Par souci de concision nous avons préféré classer ici les recueils d’articles intégralement consacrés à la nouvelle et dont la totalité du contenu nous intéressait pour notre étude.

Aspects de la Nouvelle (II), numéro coordonné par Paul Carmigiani, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, Cahiers de l’Université de Perpignan, n° 18, 1995, 241 p. Aspects de la Nouvelle : théorie du genre, traductions inédites et analyses textuelles, numéro coordonné par Paul Carmigiani, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, Cahiers de l’Université de Perpignan, n° 4, 1988. Autour du roman. Mélanges Nicole Cazauran, Paris, Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 1990. Contes et nouvelles d’une fin de siècle à l’autre, ss. dir. d’Aleksander Aablamowicz, Katowice, Uniwersytet Slaski, 1988, 176 p. Genèse, codification et rayonnement d’un genre médiéval : la nouvelle, Actes du Colloque International de Montréal (McGill University : 14-16 octobre 1982), publ. Par Michelangelo Picone, Giuseppe Di Stefano et Pamela D. Stewart, Montréal, Plato Academic Press, 1983, 236 p. L’Après Boccace, La nouvelle italienne aux XVe et XVIe siècles, par Béatrice Laroche, Marina Marietti, Alfredo Perifano, Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1994, 402 p. La Licorne : « Brièveté et écriture », publication de l’UFR de langues et de littératures de l’Université de Poitiers, Poitiers, Université de Poitiers, 1991, n° 21. La Nouvelle, Lille, Congrès de Lille 1-2 déc. 1989, Presses Universitaires de Lille, 1992, 137 p. Le Français Aujourd’hui, Paris, Association française des enseignants de français, n° 87, septembre 1989. La Nouvelle de langue anglaise, Groupe de recherche sur la nouvelle de langue anglaise, Centre de recherche sur la short story, Paris, éd. Sorbonne Nouvelle, 1983, 68 p. La Nouvelle : Boccace, Marguerite de Navarre, Cervantes, études recueillies par Jean Bessière, Paris, Champion, 155 p. La Nouvelle de langue française aux frontières des autres genres, du Moyen Age à nos jours, Paris, éd. Quorum, 1997, 411 p. La Nouvelle, Ecriture(s) et lecture(s), ss. dir. d’Agnès Whitfield, Montréal, Toronto, éd. du Gref, 1993, 226 p.

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ESPAGNOL Le Pachatantra, éd. et trad. Edouard Lancereau, Paris, Gallimard, 1965. Nouvelles espagnoles, présentées par Jean Cassou, 4e éd., Paris, Gallimard, 1937, 217 p. TIMONEDA Joan, « Sobremesa y alivio de caminantes », in Novelistas anteriores a Cervantes, Madrid, Atlas, 1963. TIMONEDA Joan, « El buen aviso y portacuentos », in Novelistas anteriores a Cervantes, Madrid, Atlas, 1963.

ANGLAIS LIDDEL Robert, A Treatise on the Novel, London, Jonathan Cape, 1958, 168 p. Nouvelles anglaises, Paris, éd. Seghers, 1963, 352 p. La Nouvelle irlandaise de langue anglaise, éd. Jacqueline Genet, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, 207 p. The Oxford book of Scottish Short Stories, éd. Douglas Dunn, Oxford University Press, 1995, 476 p. The Oxford book of Short Stories, éd V.S. Pritchett, Oxford University Press, 1981, 547 p.

ITALIEN BOCCACE Jean, Le Décaméron, éd. Jean Bourciez, Paris, Garnier, 1952. BOCCACE, Le Décaméron, éd. Christian Bec, Livre de Poche, «Bibliothèque classique», 1994. BOCCACIO Giovanni, Decameron, éd. Vittore Banca, Turin, Einaudi, 1992. Conteurs italiens de la Renaissance, éd. Anne Motte-Gillet, Gallimard, « Pléiade », 1993. Novellino (Il), Le ciento novelle antike, Milano, Rizzoli, 1957. Novellino, les Cent nouvelles antiques ou le livre du beau parler gentil, éd. Charles-Albert Cingria, Paris, Club des Libraires de France, 1955.

Juin 2000

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Nelly LABERE