Edward Burne-Jones
 9781780426327, 1780426321, 9781781606995, 1781606994

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Edward

Burne-Jones

Texte : Patrick Bade Traduction : Karin Py Mise en page : Baseline Co Ltd 127-129 A Nguyen Hue Fiditourist, 3e étage District 1, Hô Chi Minh-Ville Vietnam © Parkstone Press International, New York, USA © Confidential Concepts, worldwide, USA Tous droits d’adaptation et de reproduction réservés pour tous pays. Sauf mention contraire, le copyright des œuvres reproduites se trouve chez les photographes qui en sont les auteurs. En dépit de nos recherches, il nous a été impossible d’établir les droits d’auteur dans certains cas. En cas de réclamation, nous vous prions de bien vouloir vous adresser à la maison d’édition.

ISBN : 978-1-78042-632-7

Edward Burne-Jones

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orsque Le Roi Cophetua et la jeune mendiante (p. 4) de Burne-Jones, toile de la taille d’une peinture murale, fut exposée lors de l’Exposition universelle de 1889 à l’ombre de la Tour Eiffel récemment construite, elle fit à peine moins sensation que la tour elle-même. Lors de l’exposition, Burne-Jones reçut non seulement une médaille d’or mais aussi la Légion d’honneur. Il devint l’un de ces rares « anglo-saxons » qui, de Constable au début du XIXe siècle jusqu’à Jerry Lewis à la fin du XXe siècle, avaient été intégrés au cœur de l’intelligentsia française. Pendant les quelques années que dura l’engouement pour Burne-Jones, des femmes françaises à la mode se vêtirent et se comportèrent « à la Burne-Jones » et cultivèrent le teint pâle, les yeux cernés et les airs d’épuisement maladif. Les deux grands peintres symbolistes français, Gustave Moreau et Pierre Puvis de Chavannes, reconnurent immédiatement Burne-Jones comme l’un de leurs compagnons de route artistique. En 1892, tête de file de la « Décadence », « Sâr » Joséphin Peladan, annonça que Burne-Jones allait exposer dans son « Salon de la Rose-Croix », récemment instauré et dédié aux symbolistes, aux côtés de Puvis de Chavannes et d’autres symbolistes français significatifs ainsi que de certains préraphaélites anglais. Burne-Jones écrivit à son confrère George Frederick Watts : « Je ne sais rien au sujet de ce Salon Rose-Croix, j’ai reçu une sorte de pamphlet ampoulé assez amusant, une lettre me demandant d’y exposer, mais j’ai des réserves à cet égard. » A l’instar de Puvis, qui alla jusqu’à écrire au Figaro pour nier toute relation avec ce nouveau Salon, Burne-Jones refusa l’invitation. Il aurait été très invraisemblable que Burne-Jones ait accepté ou peut-être même compris l’étiquette de « symboliste ». Pourtant, à nos yeux, il semble avoir été l’un des membres les plus représentatifs du mouvement symboliste et de cet esprit « fin de siècle » si largement répandu.

Le symbolisme était une réaction de la fin du XIXe siècle à la philosophie positiviste, qui avait dominé le milieu du siècle, et avait trouvé à s’exprimer dans la matérialité crasse des peintures de Courbet et de Manet et le réalisme des romans d’Émile Zola ou encore dans l’emphase mise sur la perception sensorielle par l’impressionnisme. Par-dessus tout, il s’agissait d’une réaction contre la croyance dans le progrès et la modernité incarnés par la Tour Eiffel elle-même, et contre le triomphe de l’industrie et du commerce célébrés dans la vaste « Salle des Machines » de la même exposition qui avait horrifié Puvis de Chavannes et lui avait donné des cauchemars.

1. Le Roi Cophetua et la jeune mendiante, 1880-1884. Huile sur toile, 290 x 136 cm. Tate Britain, Londres.

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2. L’Annonciation (« La Fleur de Dieu »), 1863. Aquarelle et gouache, 61 x 53,3 cm. Collection Lord LloydWebber. 3. Sidonia von Bork, 1860. Aquarelle et gouache, 33 x 17 cm. Tate Britain, Londres.

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Toute l’œuvre de Burne-Jones peut être comprise comme une tentative de créer, par la peinture, un monde de beauté parfaite, aussi différent du Birmingham de son enfance que possible. Lorsque Burne-Jones naquit à Birmingham en 1831, la ville était connue comme « l’atelier du monde ». Avant les réformes exemplaires auxquelles procéda le maire, Joseph Chamberlain, à la fin du XIXe siècle, Birmingham était l’incarnation même des effets néfastes du capitalisme sauvage – un conglomérat industriel, mugissant, d’une laideur et d’une misère inimaginables. Le sentiment d’anxiété et d’aliénation qui imprègne la plupart des œuvres de BurneJones, et ceci en dépit de sa profonde nostalgie pour un passé lointain, le fait paraître très moderne et remonte clairement à ses premières expériences infantiles. Comme Munch, il aurait pu prétendre que la maladie et la mort étaient les mauvaises fées qui se penchèrent sur son berceau. Sa mère mourut quelques jours après sa naissance et bien que son père fit plus tard preuve d’affection et s’occupât de lui, celui-ci fut tout d’abord incapable de toucher ou de regarder l’enfant qui lui rappelait sa peine. BurneJones (ou simplement Ned Jones ainsi qu’il était connu à cette époque de sa vie) grandit comme un enfant maladif. Selon son épouse, Georgiana ou Georgie, sa faiblesse constitutionnelle « doit avoir sa place parmi les influences avérées de son existence ». Elle nous raconte qu’on a pu le trouver, plus tard dans sa vie, « tranquillement évanoui sur un sofa dans une pièce où on l’aurait abandonné à luimême ». Cette faiblesse était aussi profondément psychologique que physique. « Chez lui, selon Georgie, comme chez toutes les natures sensibles, le corps et l’esprit agissaient et réagissaient l’un à l’autre (…) il était incapable de se défaire de ses appréhensions face à la vie… et était parfois rongé par la lutte pour supporter et endurer les difficultés qui ne se présentaient jamais, aussi bien que celles qui se présentaient. »

4. Le Départ pour la bataille, 1858. Encre et lavis gris sur vélin, 22,5 x 19,5 cm. Fitzwilliam Museum, Cambridge.

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Bien plus que ses peintures élaborées, les dessins humoristiques de Burne-Jones, réalisés pour amuser ses amis, révèlent les terreurs de son monde intérieur avec une franchise saisissante. Il se dépeint lui-même comme un neurasthénique squelettique aux joues creuses, évoquant l’alter ego de Munch dans Le Cri et contrastant de façon comique avec la robustesse terrienne de son ami de toute une vie, William Morris. Une série de dessins particulièrement significatifs le montrent, selon ses propres termes, « essayant d’intégrer le monde de l’art » en grimpant dans l’une de ses propres peintures et sortant de l’autre côté avec une bosse de désillusion.

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5. Clara von Bork, 1860. Aquarelle et gouache, 34 x 18 cm. Tate Britain, Londres.

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6. Cendrillon, 1863. Aquarelle et gouache sur papier marouflé sur toile, 67 x 31,5 cm. Museum of Fine Arts, Boston.

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En surface, la vie privée de Burne-Jones pourrait sembler avoir été celle de l’époux et du pater familias victoriens exemplaires.

7. Saint Georges et le dragon : La Pétition au roi, 1865-1866. Huile sur toile, 106,7 x 183 cm. Hanover College, Hanover (Indiana).

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Il rencontra sa future épouse Georgiana (Georgie) MacDonald, la sœur d’un ami d’école et la fille d’un pasteur méthodiste, alors qu’il avait dix-neuf ans et qu’elle en avait douze. En dépit de leurs conditions de vie humbles et modestes, les MacDonald étaient une famille très remarquable. L’une des filles devint l’épouse du futur président de la Royal Academy, Sir Edward Poynter, et une autre la mère de l’écrivain Rudyard Kipling. Ils étaient généreux et assez ouverts d’esprit pour autoriser leur fille âgée de quinze ans à se fiancer à un artiste de vingt-trois ans aux perspectives des plus incertaines. Le mariage eut lieu trois ans plus tard en 1859. Il dura jusqu’à la mort de Burne-Jones en 1898, après laquelle Georgie se dévoua à la rédaction d’une monumentale biographie en deux volumes sur son mari. C’est là l’un des meilleurs ouvrages de son genre et il démontre

que, malgré toute l’abnégation d’épouse victorienne dont elle a pu faire preuve, Georgie était une femme intelligente et indépendante d’esprit. Il y avait, bien sûr, de nombreuses choses qu’une veuve de l’époque victorienne ne pouvait raconter au sujet de son mariage et la biographie en dévoile souvent autant par ses non-dits que par ses révélations. Mais pour son temps, le livre de Georgie est remarquablement fidèle. Nous ressentons à quel point ce mariage lui apporta autant de frustration et de douleur que de satisfaction. Le fait que Burne-Jones tombât amoureux d’une adolescente, dont la silhouette gracile la faisait sembler encore plus jeune et que, plus tard, dans son existence il s’abandonnât à des flirts intenses mais néanmoins platoniques avec des jeunes filles, suggère que tout comme son mentor, John Ruskin, il devait probablement éprouver des difficultés à s’engager émotionnellement avec des femmes mûres. Il est probable que Burne-Jones n’ait eu aucune expérience du sexe avant son mariage. Ainsi que le formule délicatement

8. Saint Georges et le dragon : La Princesse Sabra tirant au sort, 1865-1866. Huile sur toile, 106,7 x 183 cm. Hanover College, Hanover (Indiana).

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9. Le Chevalier miséricordieux, 1863. Aquarelle et gouache, 100,3 x 69,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham. 10. Amour découvrant Psyché, 1865. Aquarelle, gouache et pastel sur papier marouflé sur toile, 70,3 x 48,3 cm. Manchester City Art Galleries, Manchester.

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Georgie lorsqu’elle décrit Burne-Jones et ses jeunes amis masculins, « je suis persuadée que le voile de mystère qui enveloppait les hommes et les femmes durant leur jeunesse était sacré aux yeux de chacun d’eux ». Avant son mariage, Burne-Jones écrivait à son ami Dante Gabriel Rossetti en plaisantant à moitié seulement : « Je ne serais pas surpris si je déguerpissais la veille et qu’on n’entende plus jamais parler de moi. » Le pouvoir de l’attraction sexuelle fascinait Burne-Jones et fut l’un des principaux thèmes de son œuvre, mais elle le remplissait aussi d’appréhension. Peu de temps avant sa mort, Burne-Jones confia à son assistant Thomas Rooke : « Le désir me fait peur, je dois l’avouer. Il ressemble à ce désespoir – le désespoir de tout bonheur – et le cherche dans un nouvel avilissement… Je ne sais pourquoi j’ai une telle peur du désir. Peut-être s’agitil de la crainte de ce qui pourrait m’arriver si je devais perdre toute force morale, bon sens et solidité, si je me laissais aller à dévaler la pente sans aucune retenue. » Burne-Jones parlait en connaissance de cause. Il connaissait le prix du manque de retenue après une longue histoire désastreuse avec une très belle femme grecque, nommée Mary Zambaco, entre la fin des années 1860 et le début des années 1870, qui fut près de mettre en péril son mariage et sa santé mentale. C’est par l’intermédiaire du riche marchand grec vivant à Londres, Constantine Ionides (dont la remarquable collection d’œuvres d’art orne aujourd’hui le Victoria and Albert Museum de Londres), que Burne-Jones fut présenté à la femme décidée qu’était Euphrosyne Ionides Cassavetti et à sa fille, à la beauté exotique, Mary Cassavetti Zambaco. On passa à Burne-Jones la commande du portrait de Mary mais il prit aussi l’habitude de se servir d’elle comme modèle pour ses autres peintures. Mary était séparée de son mari et désespérément malheureuse. Burne-Jones était toujours fasciné par les victimes féminines et les héroïnes tragiques et c’est peut-être son malheur associé à sa beauté qui l’attirèrent vers Mary Zambaco. Bientôt tous deux furent entraînés dans une histoire passionnée mais finalement condamnée d’avance. Comme beaucoup d’époux victoriens, Burne-Jones ne pouvait se résoudre ni à abandonner son épouse dévouée et ses enfants, ni à affronter la disgrâce sociale. Selon une version largement répandue de l’histoire, Burne-Jones et Mary Zambaco scellèrent un pacte de suicide mutuel mais, après avoir pénétré dans les eaux de la Serpentine, ils décidèrent qu’elles étaient trop froides et en ressortirent. Un récit plus crédible de l’incident fut communiqué dans une lettre impitoyable écrite par Dante Gabriel Rossetti à l’artiste Ford Madox Brown. « Elle se procura du laudanum pour au moins deux personnes, et insista pour régler leurs affaires dans Lord Holland’s Lane. Ned ne s’aperçut pas qu’elle essaya de se noyer devant Browning House etc…, les policiers empoignant Ned qui roulait avec elle sur

11. La Lamentation, 1866. Aquarelle et gouache sur papier marouflé sur toile, 47,5 x 79,5 cm. William Morris Gallery, Walthamstow. 12. Etude pour La Lamentation, vers 1865. Crayon et craie rouge, 29,8 x 20,7 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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les pierres pour l’en empêcher, et Dieu sait quoi d’autre. » Selon Gay Daly, dans son excellent livre Les Préraphaélites amoureux qui dissipe et éclaircit de nombreux mythes concernant les vies personnelles des Préraphaélites, l’épisode se prolongea par le départ de Mary et de Burne-Jones pour le continent. « Ils n’allèrent pas bien loin. Tout comme il s’était effondré le lendemain de son mariage, Ned était à présent tellement malade qu’il ne put entreprendre la traversée de la Manche. Il se retrouva à Douvres avec ce qu’on appelait une fièvre cérébrale et, d’une façon ou d’une autre, s’en retourna chez lui où Georgie le mit au lit, appela le docteur, et endossa une fois encore son rôle d’infirmière. » Pourtant, selon Rossetti, Burne-Jones se mit en route avec son vieil ami William Morris afin d’échapper à Mary. « Les histoires sentimentales du pauvre vieux Ned ont échoué toutes en même temps, et lui et Topsy (Morris), après le plus épouvantable remueménage, ont subitement levé le camp pour Rome, laissant la donzelle grecque s’enquérir auprès de tous ses amis et hurler comme Cassandre. » Les portraits que fit Burne-Jones de Mary Zambaco et les tableaux qu’elle lui inspira, ou pour lesquels elle posa, sont empreints d’une intensité charnelle assez exceptionnelle dans son œuvre. Un portrait à la gouache de Mary par Burne-Jones daté de 1870 (p. 23) est en effet une franche déclaration de son amour pour elle. Un Cupidon au visage teinté de tristesse écarte un rideau bleu foncé pour révéler Mary dont l’expression est également celle d’une personne abattue.

13. Amour délivrant Psyché, 1867. Gouache, 80 x 91,4 cm. Hammersmith and Fulham Archives and Local History Centre, Londres.

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Ses mains reposent sur les pages ouvertes d’un livre illustré, révélant clairement l’œuvre de Burne-Jones Le Chant d’amour (p. 20). Au premier plan, pointant vers le livre se trouve une flèche autour de laquelle s’enroule un petit parchemin portant l’inscription « Mary aetat XXVI August 1870 EBJ pinxit » (Mary âgée de 26 ans août 1870 peinte par EBJ). Le traitement pictural des tissus richement colorés aux rehauts généreux confère à l’œuvre un air vénitien, mais la sensualité oppressante et la façon dont la lourde masse des cheveux sombres de Mary semble peser sur elle, rappellent, ou plutôt anticipent, les portraits que fera Dante Gabriel Rossetti de son dernier grand amour, Jane Morris. On peut se demander où Burne-Jones réalisa ce tableau et comment il parvint à le cacher à Georgie. Doté d’une charge érotique plus grande encore que la gouache, un adorable portrait au crayon de Mary est réalisé à peu près à la même époque. La vision du sujet par le bas et le gros plan, son visage et le haut de son buste remplissant presque toute la feuille,

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traduisent une intimité certaine entre l’artiste et son modèle. Sa chevelure luxuriante s’étale sur les coussins telle des vrilles, créant l’effet d’un halo de flammes et annonçant d’innombrables images similaires de chevelures féminines dépeintes par les artistes fin de siècle tels que Toorop, Mucha et Munch. Au début des années 1870, Burne-Jones a peint de nombreux tableaux illustrant des mythes ou des légendes dans lesquels il semble avoir tenté d’exorciser le traumatisme de son histoire avec Mary Zambaco. Phyllis et Démophon (p. 22), aussi connu sous le nom de L’Arbre du pardon, illustre l’histoire de la reine de Thrace qui se pendit parce que son amant, Démophon, n’avait pas tenu sa promesse et n’était pas revenu vers elle. Elle a été transformée en arbre et lorsque Démophon finit par revenir, elle se penche vers lui pour l’embrasser. Démophon recule avec une expression de crainte coupable. Le thème dépeint par Burne-Jones semble être une allusion directe à l’épisode le plus douloureux et humiliant de son histoire avec Mary, ses menaces de suicide et leur inconvenant affrontement sur la rive du Regent’s Canal. C’est plutôt extraordinaire de la part d’un artiste qui, jusque-là, répugnait à dévoiler son œuvre en public, qu’il choisisse de montrer un tableau aussi révélateur à la Old Water Colour Society en 1870, alors que son aventure n’avait pas encore pris fin. C’était presque comme s’il avait besoin d’exposer sa culpabilité et sa honte au monde. Burne-Jones fut profondément mortifié lorsqu’on lui demanda de retirer son tableau des murs de l’exposition pour cause d’indécence. Ce sont apparemment les organes génitaux masculins dépeints qui furent à l’origine de l’offense. Burne-Jones obéissait à la coutume remontant au monde antique qui consistait à dépeindre des organes masculins de la taille de ceux d’un adolescent pré-pubère et d’aspect inoffensif. Cela semblait déjà être de trop pour les prudes sensibilités victoriennes, ou peut-être était-ce les rumeurs qui circulaient sur sa vie privée qui avaient alerté les organisateurs de l’exposition sur le sens caché de son œuvre. Une seconde peinture du début des années 1870, Pan et Psyché (p. 37), semble aussi faire indirectement allusion à l’incident de Regent’s Canal. Il montre Psyché se faisant tendrement réconforter par Pan après avoir en vain tenté de se noyer, se croyant rejetée par Cupidon. Le satyre aux jambes poilues, mi-bouc mi-homme, symbolise, sans aucun doute, la facette animale et sensuelle de la propre nature de Burne-Jones, ainsi que de l’espèce humaine en général dans la mythologie grecque. Si Phyllis et Démophon et Pan et Psyché présentent tous deux Mary sous des traits déguisés comme une victime impuissante, les rôles sont inversés dans une autre œuvre importante

14. Le Chant d’amour, 1868-1877. Huile sur toile, 114,3 x 155,9 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York.

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15. Phyllis et Démophon, 1870. Aquarelle et gouache, 91,5 x 45,8 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham. 16. Mary Zambaco, 1870. Gouache, 76,3 x 55 cm. Clemens-Sels-Museum, Neuss.

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17. Elaine, 1870. Vitrail, 89,4 x 53,7 cm. Exécuté par Morris & Compagny. Victoria and Albert Museum, Londres.

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traitant de manière légèrement voilée de leur relation, La Séduction de Merlin (p. 30). Commencée en 1873, lorsque leur aventure était déjà achevée et que Mary Zambaco avait quitté Londres pour Paris, celle-ci peut être considérée comme l’épitaphe de Burne-Jones à leur amour. Tirée des légendes arthuriennes, qui furent une grande source d’inspiration tout au long de sa carrière, elle relate la manière dont la nymphe Nimue jette un sort à Merlin (auquel Burne-Jones s’identifia à plus d’une occasion) et emprisonna son corps endormi dans un buisson d’aubépine pour toujours. Expliquant ce tableau dans une lettre écrite de nombreuses années plus tard, Burne-Jones faisait preuve de candeur en dévoilant son contenu autobiographique. « La tête de Nimue fut inspirée de la même pauvre traîtresse et est très ressemblante – toute l’action est ressemblante – son nom était Mary. Et n’est-il pas drôle qu’elle fut née au pied de l’Olympe et qu’elle eut l’air primitif et que la tête et la manière de se tenir et de tourner… je me laissais transformer en un buisson d’aubépine dans la forêt de Brocéliande – chaque année, lorsque le buisson bourgeonne c’est l’âme de Merlin qui tente de reprendre vie dans le monde et de parler – car il avait tu tant de choses. » Après avoir frisé la catastrophe dans son aventure avec Mary Zambaco, Burne-Jones se limita pour le reste de ses jours à une série de relations sentimentales mais, semblet-il, purement platoniques avec des jeunes filles de bonne famille très séduisantes, qui lui servaient également de modèles et de source d’inspiration pour son art. La première de la série fut Frances Horner, la fille de William Graham, l’un des plus fidèles collectionneurs de Burne-Jones. Il lui écrivit assez innocemment : « Quelle bénédiction cela doit être de regarder dans la lunette et de vous voir. » En retour, elle déclara : « Il fut mon plus grand ami dans toute ma vie d’adulte. » On peut reconnaître Frances Horner aux côtés des nombreuses autres jeunes femmes, amies de Burne-Jones, qui se tiennent sur l’escalier en spirale dans L’Escalier d’or (p. 43), suivant l’ordre où elles se succédèrent dans la vie de l’artiste. Parmi les dernières amitiés de Burne-Jones avec des jeunes femmes, celle qu’il entretint avec Helen Gaskell semble avoir outrepassé les règles strictes de la bienséance requise dans une amitié entre sexes de l’Angleterre victorienne. Des lettres attestent qu’une fois encore sa passion le conduisit un moment au bord de la rupture avec Georgie. Burne-Jones est généralement catalogué comme préraphaélite. En réalité, il ne fut jamais membre de cette confrérie, formée en 1848 par William Holman Hunt, John Everett Millais, Dante Gabriel Rossetti et quatre de leurs amis. Son art n’a pas non plus grand chose à voir avec le genre de préraphaélisme pratiqué par Hunt et Millais dans les

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premières années de leur confrérie. Une comparaison entre L’Eveil de la conscience de Hunt et Le Roi Cophetua et la jeune mendiante, toutes deux représentatives des attitudes respectives de leur créateur face à l’art et la vie, révèle à quel point ils étaient éloignés l’un de l’autre. Les deux œuvres concernent la relation entre les sexes mais à tous les autres égards, elles sont extrêmement polarisées.

18. L’Eglantine : La Charmille, 1871. Huile sur toile, 60 x 115 cm. Museo de Arte de Ponce, The Luis A. Ferré Foundation, Porto Rico.

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L’Eveil de la conscience traite du problème contemporain de la « femme déchue » d’une manière documentaire et dépourvue de tout compromis. Hunt louait une chambre dans Woodbine Villa, au numéro 7 de Alpha place à St John Wood (un quartier de Londres réputé alors pour ses « femmes enfermées ») afin de procurer le décor le plus précis et le plus approprié possible à cette scène de dépravation moderne. Le « fatal aspect neuf de l’ameublement » selon les termes de Ruskin, est reproduit sans concession, tout comme la laideur du piano en bois de rose, que Burne-Jones et Morris auraient certainement trouvé repoussant, tant ils s’efforçaient de concevoir des pianos esthétiquement acceptables.

Burne-Jones produisait autant d’efforts pour détacher sa scène du temps et de l’espace que Hunt pour créer un décor spécifique. Il ne voulait pas que l’armure du roi Cophetua rappelât une période en particulier, c’est pourquoi il étudia les armures jusqu’à ce qu’il sente qu’il maîtrisait suffisamment les principes de réalisation d’une armure pour en concevoir une luimême. Le résultat est assez extraordinaire : une armure étrange, organique, préfigurant l’art nouveau, moulant le corps et qui semble être faite de plastique ou de cuir plutôt que de métal. Burne-Jones endura aussi un véritable supplice avec les élégants haillons de couturier de la mendiante, désireux de les faire sembler « suffisamment misérables » mais en même temps parfaitement beaux. Dans une lettre de 1883, il écrivit qu’il espérait que le tableau ait été réalisé de manière « à ce qu’elle (sa robe) donne l’impression de mériter d’être tissée d’or et de perles. J’espère que le roi avait gardé l’ancienne et la regardait de temps en temps ». La première impression qui se dégage du tableau de Hunt est une expression de révélation flottant sur le visage de la putain repentante (Hunt modifia l’expression à la demande du

19. L’Eglantine : La Forêt de ronces, 1871-1873. Huile sur toile, 60 x 127,5 cm. Museo de Arte de Ponce, The Luis A. Ferré Foundation, Porto Rico.

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premier propriétaire) tandis que son amant sans cœur chante, imperturbable et inconscient de sa métamorphose. Cet usage théâtral des expressions faciales aurait été considéré comme un anathème aux yeux de Burne-Jones qui déclarait : « Dès l’instant où vous donnez ce que les gens appellent une expression, vous détruisez la singularité des personnages et les dégradez au rang de portraits inutiles. » La mendiante regarde fixement devant elle. Sa posture et l’absence d’expression de son visage traduisent un vague sentiment de malaise et de crainte. Cette princesse des cœurs, une fille simple destinée à devenir l’épouse d’un roi, pouvait être boulimique. Le halo sombre autour de ses yeux et sa pâleur maladive sont les attributs fin de siècle de « l’héroïne chic ». Selon Burne-Jones, « un peintre moralisateur néglige sa véritable tâche consistant à créer de la beauté ». La peinture de Hunt qui se veut l’expression d’une conscience sociale et de la morale victorienne, avec sa technique brillante, tirée au cordeau et ses témoignages pédants d’une réalité rude et matérialiste, incarne tout ce que BurneJones réfutait.

20. Pygmalion et l’Image I : Le Cœur désire, 1875-1878. Huile sur toile, 99,1 x 76,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

La branche du préraphaélisme dont relève Burne-Jones n’est pas celle d’un Hunt ou d’un Millais mais de Dante Gabriel Rossetti. Dans les années 1850 déjà, Rossetti perdit patience face au désir de soigneuse fidélité à la nature de ses deux amis. Found (Trouvée), son unique tentative de réalisme social à la manière de Hunt (une nouvelle description d’une femme déchue repentante), ne fut jamais achevée. En revanche, Rossetti commença à réaliser des gouaches en s’inspirant de légendes, de rêves et de thèmes littéraires qui comptent parmi ses plus belles œuvres. Bien qu’extrêmement détaillées, elles sont sans reliefs et abstraites. Le plus souvent elles évoquent un état d’âme plus qu’elles ne racontent une histoire.

21. Pygmalion et l’Image II : La Main réfrène, 1875-1878. Huile sur toile, 99,1 x 76,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

A posteriori, nous pouvons interpréter cette absence de relief et ce détournement de la narration comme les caractéristiques d’un modernisme précoce, les premiers pas hésitants vers l’abstraction. Il n’est donc pas étrange que Kandinsky mentionne Rossetti et Burne-Jones comme les précurseurs de l’abstraction dans son livre Du Spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier. Alors qu’il se trouvait toujours à Oxford au milieu des

22. La Séduction de Merlin, 1873-1874. Huile sur toile, 186 x 111 cm. Lady Lever Art Gallery, Port Sunlight.

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23. L’Eglantine : La Chambre du conseil, 1872-1892. Huile sur toile, 124,4 x 264,1 cm. Delaware Art Museum, Samuel and Mary R. Bancroft Memorial, Wilmington (Delaware).

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années 1850, la découverte de la gravure de Rossetti Les Demoiselles d’Elfen-Mere, illustrant un poème de William Allingham, fut pour Burne-Jones une révélation qui changea le cours de sa carrière. Selon Georgiana Burne-Jones, il était possible de distinguer du premier coup d’œil les dessins réalisés avant ou après sa vision des Demoiselles d’ElfenMere. Lorsque Burne-Jones rencontra finalement Rossetti, l’hiver 1855, au club des travailleurs de Great Titchfield St., ce fut une expérience proche du coup de foudre. Peu après, il écrivit à un ami : « … et alors Lushington me murmura que Rossetti venait d’entrer et c’est ainsi que je le vis pour la première fois, son visage répondant à toutes mes attentes, et dès lors je n’entendis plus personne, mais me repaissais de sa vue … ». Ce fut une adoration qui ne connut aucun affaiblissement malgré la descente dans l’alcoolisme, la drogue et la paranoïa que vécut Rossetti plus tard dans sa vie. Des années plus tard, Burne-Jones déclara à son sujet : « Il y a bien plus que de la tendresse et de l’amitié dans ce que je ressens pour lui. Il est à l’origine de tout ce qui compte en moi. » Le travail de Burne-Jones de la fin des années 1850 est très proche du style de Rossetti. Son idéal féminin est également inspiré de celui de Rossetti, caractérisé par des chevelures

abondantes, des mentons affirmés, des cous longs et des corps androgynes cachés par d’amples robes médiévales. Ils divergeaient sur la question de la couleur des cheveux. « Rossetti avait coutume de me persuader de peindre des femmes aux cheveux roux et je l’ai fait sans que cela ne change grand chose… j’apprécie de voir des femmes rousses. J’aime énormément les tableaux de Rossetti dépeignant des femmes rousses mais je ne pense pas que les cheveux roux conviennent à mon travail. » Les mentons affirmés demeurent un trait frappant que les deux artistes utilisèrent dans leurs tableaux de femmes, trait qui fut caricaturé sans merci par Beardsley et Max Beerbohm. A partir des années 1860, leurs canons de beauté divergent. Tandis que les femmes de Rossetti évoluent vers une plus grande opulence charnelle, celles de Burne-Jones se font de plus en plus virginales et éthérées, au point que dans certaines de ses œuvres ultimes comme Les Noces de Psyché (p. 74-75) de 1894-95, les jeunes femmes ont l’air anorexiques. Dès Le Chant d’amour (p. 20) – l’aquarelle datant de 1865 et la version à l’huile commencée en 1868 – et Le Moulin (p. 33) entamé en 1870, nous retrouvons toutes ces

24. Le Moulin, vers 1870. Huile sur toile, 91 x 197 cm. Victoria and Albert Museum, Londres.

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25. Saint Georges, 1873-1877. Huile sur toile, 155 x 57 cm. Wadsworth Atheneum, Hartford.

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26. La Sibylle Tiburtine, 1875. Crayon, fusain et pastel rehaussé avec de l’or, 111,6 x 45,3 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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caractéristiques dans le travail de Burne-Jones que nous qualifierons de « fin de siècle » et de symboliste, bien longtemps avant que l’un ou l’autre terme n’entre dans l’usage courant. Bien que Le Chant d’amour soit une référence au Concert champêtre de Giorgione exposé au Louvre (qui, deux ans auparavant, avait inspiré le très différent Déjeuner sur l’herbe à Manet), son point de départ est la série de petites gouaches de sujets médiévaux exécutées au début des années 1850 par Rossetti, telle Le Cabinet bleu qui se concentre sur l’évocation d’une humeur poétique plutôt que sur la narration d’histoires. A l’instar du Cabinet bleu, Le Chant d’amour illustre la composition musicale.

27. Pan et Psyché, vers 1872-1874. Huile sur toile, 61 x 54,6 cm. Collection privée. 28. Pygmalion et l’Image III : La Divinité embrase, 1875-1878. Huile sur toile, 99,1 x 76,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham. 29. Pygmalion et l’Image IV: L’Ame atteint, 1875-1878. Huile sur toile, 99,1 x 76,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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L’idée de peindre des « mélodies inédites » était importante pour Rossetti et Burne-Jones. Ils étaient fascinés par la manière dont la musique peut exprimer des humeurs et des émotions par des moyens purement abstraits, et ils désiraient que la peinture soit dotée des mêmes pouvoirs. Les deux aspects du Chant d’amour et d’autres peintures comme celle-ci, qui semblent tellement « fin de siècle », sont la langueur des personnages (ce que Gustave Moreau aurait qualifié de « belle inertie ») et la confusion des genres. Mise à part la complexion un peu plus pâle de la jeune femme qui joue de l’orgue, sa tête pourrait aisément être échangée avec celle du languide cavalier de gauche sans que l’on remarque la différence, et la jeune personne qui active le soufflet de l’orgue est de sexe absolument indéterminé. Durant le dernier quart du XIXe, le culte de l’androgyne, un genre combinant la beauté des deux sexes, devint l’un des principaux thèmes de l’art et de la littérature symbolistes. Dans son livre novateur L’Agonie romantique, Mario Praz déclarait au sujet des peintures de Moreau : « Les amants ressemblent à des parents, les frères à des amoureux, les hommes ont des visages de vierges et les vierges ceux de jeunes garçons. Les symboles du bien et du mal sont entremêlés et ambivalents. Il n’y a aucun contraste entre les différents âges, sexes ou genres. La signification sous-jacente de l’œuvre est l’inceste, sa forme la plus exaltée l’androgyne, son degré ultime la stérilité. » Il s’agit d’une description qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’œuvre de Burne-Jones. Le Moulin, entamé en 1870 mais qui ne fut pas exposé avant 1882, est une œuvre encore plus insaisissable. Son titre ne nous est d’aucune aide lorsqu’il s’agit de pénétrer ses multiples niveaux de signification. Au premier plan, trois jeunes femmes dansent de façon solennelle et hiératique, accompagnées par des musiciens de sexe indéterminé. La danseuse du centre invite le

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spectateur par son expression ambivalente et taquine. Derrière les danseuses, de l’autre côté d’un canal humide, nous pouvons voir un groupe de magnifiques jeunes hommes nus qui semblent s’être échappés du plafond de la chapelle Sixtine pour un après-midi de natation. Sur le fond s’étale un étrange paysage urbain tout droit sorti de l’imagination dont l’architecture rappelle celle de la Rome antique et du Moyen Age et annonce Voysey et Mackintosh, et dont les escaliers, les portes et les ponts ne mènent nulle part. Une étude minutieuse de la surface de la peinture, sous la vitre protectrice qu’affectionnait Burne-Jones (une innovation de l’ère industrielle qu’il ne rejetait pas), révèle l’élaboration des textures et le motif en relief de feuillage stylisé sous la verdure du premier plan. « J’aime mon tableau comme un orfèvre aime ses joyaux » dit-il. « J’aimerais que chaque centimètre de la surface soit si parfait que si tout, à l’exception d’un petit morceau de chacun d’entre eux, devait être brûlé ou détruit, l’homme qui le trouverait puisse dire – quoi que cela ait pu représenter, la surface de cette œuvre est splendide et ses couleurs d’une grande qualité. » Cet amour des surfaces peintes précieuses et élaborées était un autre élément que BurneJones partageait avec Gustave Moreau qui le qualifiait de « richesse nécessaire ». L’importance accordée à la beauté de la surface et de la couleur, indépendamment de la représentation, préfigurait la fameuse maxime de Maurice Denis : « Une peinture, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » Les cheveux couleur d’avoine et l’expression mystérieuse de la danseuse centrale dans Le Moulin l’identifie comme l’une de ces femmes « excessivement maléfiques » pour lesquelles Burne-Jones avait un penchant notoire. Il divisait les femmes qu’il aimait peindre en deux catégories, « les très bonnes, aux cheveux d’or, et les excessivement mauvaises, les sirènes aux chevelures couleur d’avoine ». Burne-Jones a peint plus de femmes victimes que prédatrices, mais son expérience avec Mary Zambaco l’avait mené à penser que même les victimes n’étaient pas dépourvues de dangers. Il déclara à son assistant d’atelier Thomas Rooke : « S’apitoyer sur une femme est une contradiction en soi car aussitôt que vous l’avez prise en pitié elle cesse d’en avoir besoin. Donc soyez prudent. »

30. La Roue de la Fortune, 1875-1883. Huile sur toile, 200 x 100 cm. Musée d’Orsay, Paris. 31. Carnet de croquis, 1875. Crayon et craie, 25,4 x 18,2 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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32. Le Cantique des Cantiques « Quelle est celle qui monte au désert? », 1876. Crayon, 35 x 20,3 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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33. L’Escalier d’or, 1876-1880. Huile sur toile, 269,2 x 116,8 cm. Tate Britain, Londres.

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Certaines déclarations de Burne-Jones sur les femmes offenseraient certainement les canons du « politiquement correct » du XXIe siècle. « Une femme sous son meilleur jour, pleine d’abnégation et de dévouement, est pathétique et adorable au-delà des mots, mais une fois qu’elle prend le dessus et fait fi de l’autorité, elle est le diable, il n’y a pas d’autre mot pour la qualifier, elle est le diable. » Mais Burne-Jones ne partagea jamais la virulente misogynie de Moreau, Rops, Munch et de nombreux autres artistes et écrivains de la fin du siècle. Les plus sensuelles femmes fatales, comme Salomé, Judith et Dalila ne l’intéressaient pas comme sujet d’inspiration. Sa plus frappante peinture d’une mauvaise femme remonte au début de sa carrière : il s’agit de Sidonia von Bork (p. 7), une gouache de 1860, basée sur le roman de Johann Wilhelm Meinhold Sidonie la Sorcière. Ce tableau est doublement redevable à une ancienne gouache de Rossetti représentant Lucrèce Borgia se lavant les mains après s’être débarrassée de l’un de ses maris grâce au poison et au célèbre et non moins sinistre portrait d’Isabelle d’Este par Giulio Romano dont Burne-Jones avait emprunté le motif entremêlé et linéaire de la robe qui suggère si efficacement la toile de l’intrigue meurtrière tissée par la malfaisante Sidonia.

34. Ange jouant du flageolet, 1878. Aquarelle, gouache et or, 74,9 x 61,2 cm. Board of Trustees of the National Museums and Galleries on Merseyside, Liverpool.

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Laus Veneris (p. 46-47), exposé à la Grosvenor Gallery en 1878, fut le plus somptueux et le plus ambitieux traitement du thème de la femme fatale par Burne-Jones. L’histoire racontant comment Vénus, la déesse de l’amour dans la mythologie classique, fut transformée en une enchanteresse dans la légende médiévale et utilisa ses pouvoirs anciens pour prendre au piège les chevaliers chrétiens, exerçait un attrait puissant au XIXe siècle et avait déjà inspiré Wagner, William Morris et Swinburne avant que BurneJones ne peigne celui-ci, sa seconde version du sujet. La moiteur et l’érotisme languide qui émanent du tableau de Burne-Jones sont extrêmement fidèles au poème du même nom de Swinburne, publié en 1866 dans le volume Poèmes et ballades dédié par son auteur au peintre. Le critique Frederick Wedmore trouva l’atmosphère « malsaine » du tableau repoussante. « Laus Veneris est un tableau inconfortable, si blême et si morbide, tant éprouvé par les maux de l’âme, tellement consumé et rongé par la déception et le désir, voilà comment est présentée la Reine de l’Amour à Grosvenor… Ce genre est une offense pour trop de monde, une expérience désagréable pour la plupart, et la Vénus en est l’exemple le plus désagréable, le plus offensant. Son corps est déplaisant, disgracieux, et l’âme derrière celui-ci… monstrueuse. »

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35. Laus Veneris, 1878. Huile sur toile, 122,6 x 183,2 cm. Laing Art Gallery, Newcastle-upon-Tyne.

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Même Henry James, habituellement fervent supporter de l’artiste, fut plutôt sceptique, et déclara au sujet de cette Vénus « qu’elle a le visage et l’aspect d’une personne qui a connu ce que les Français appellent une certaine intimité » avec la vie, ses compagnes en revanche, bien qu’elles soient pâles, maladives et blafardes à la manière dont M. BurneJones dépeint toutes les jeunes personnes, possèdent une expression plus innocente et distraite et leur langueur semble provenir essentiellement du contact et de la sympathie qui règne entre elles ». La langueur « fin de siècle » est portée à son paroxysme dans la « Rose Briar Series » (« L’Eglantine ») (p. 26-27 et p. 32), indubitablement le meilleur et le plus caractéristique des tableaux de Burne-Jones. La série est un nouveau récit de La Belle au bois dormant, tiré du conte de fées de Charles Perrault. Burne-Jones traita le sujet au moins trois fois, la dernière version étant la superbe série peinte entre 1874 et 1890 qui se trouve aujourd’hui à Buscot Park. Un autre artiste à une autre époque aurait très probablement dépeint le moment du réveil mais Burne-Jones choisit de montrer le monde plongé dans le plus profond sommeil. Seul le prince, sur le point de pénétrer dans l’univers enchanté, est encore éveillé mais il a l’air si fatigué que nous ne sommes pas certains qu’il arrivera à traverser les quatre panneaux jusqu’à la princesse endormie. C’est sa fille adorée, Margaret, que Burne-Jones utilisa comme modèle afin de dépeindre la princesse sur sa couche. La série peut être interprétée comme un traitement allégorique de l’éveil sexuel de Margaret. En 1888, deux ans avant l’achèvement de la série, Burne-Jones fut profondément déconcerté et perturbé par les fiançailles de sa fille avec John W. Mackail. Il annonça l’événement à son vieil ami George Frederick Watts sur un ton faussement tragique qui ne parvient pas à masquer complètement sa profonde perturbation. « Ma petite est fiancée. Cela ne m’a pas fait plaisir, et je me suis conduit mieux que mes sentiments ne me le permettaient. Il a l’air très heureux, et avant qu’il ne la veuille, et avant que je n’imagine une chose pareille, je le considérais comme un véritable gentleman, et pourtant, regardez ce qu’il m’a fait ! Je le connais depuis sept ans et il m’a toujours paru être un homme sérieux et instruit qui venait me trouver pour parler de livres, et ce n’était pas pour les livres qu’il venait, et maintenant où est ma place dans cette histoire ? Envoyez-lui une petite bénédiction car elle vous aime beaucoup tous les

36. Le Cycle de Persée : La Tête maléfique, 1885-1887. Huile sur toile, 150 x 130 cm. Staatsgalerie, Stuttgart.

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deux, et n’essayez pas de me consoler, car il n’y a au fond de moi pas une once de sagesse ou de philosophie, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura jamais. » Dans le premier grand panneau, le prince pénètre dans un bois dans lequel les chevaliers sont revêtus des armures organiques, sexy et moulantes à la Burne-Jones, alanguis dans des positions suggérant la détente post-coïtale. Une étude pour la scène montrant les chevaliers nus est encore plus sensuelle et rappelle de façon frappante le carnage orgiaque du premier plan des Soupirants de Gustave Moreau. A l’instar de Burne-Jones, Moreau avait coutume d’utiliser les mythes et les légendes pour exorciser des démons psychologiques et exprimer des fantasmes sexuels. Le tableau de Moreau est basé sur l’histoire du retour d’Ulysse à Ithaque après de longues années d’errance. Il massacre les cinquante soupirants qui sont venus manifester des attentions non souhaitées à Pénélope, la fidèle épouse d’Ulysse. Les jeunes hommes beaux et efféminés qui portent des vêtements peu couvrants assez osés dont on dirait qu’ils ont été dérobés dans les placards des Folies Bergères, cèdent à des postures d’abandon sexuel alors que les flèches d’Ulysse viennent les frapper par derrière. Il est difficile de croire qu’aucun d’entre eux ait pu éprouver un quelconque intérêt pour Pénélope. La longue histoire de la vie de Burne-Jones et ses amours désespérées pour des belles jeunes femmes laissent peu de doute quant à sa nature principalement hétérosexuelle, mais la beauté efféminée de ses figures masculines et ses amitiés intenses avec le poète Algernon Swinburne et le peintre Simeon Solomon à la fin des années 1860 soulèvent inévitablement des questions sur sa sexualité profonde. Burne-Jones était certainement très sensible à la beauté masculine. Lorsqu’en 1893, il découvrit le 37. Le Cycle de Persée : Persée et les Nymphes de la mer (L’Armement de Persée), 1877. Gouache, 152,8 x 126,4 cm. Southampton City Art Gallery, Southampton.

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séduisant pianiste polonais Jan Paderewski, il subit un « coup de foudre » presque aussi intense que les nombreux qu’il avait ressentis à la vue de jeunes femmes « ravissantes » au fil des années. Il écrivit : « Il y a à Londres un splendide garçon du nom de Paderewski, et j’aimerais avoir un visage comme le sien et lui ressembler, et je ne puis, voilà le problème. Il me rappelle tellement Swinburne à l’âge de vingt ans que je pourrais me mettre à pleurer sur le passé, il a ses manières aussi, ses agréables manières, ses petites courtoisies et ses profondes révérences et sa main ferme lorsqu’on la serre… J’ai loué Allah pour l’avoir créé et je me suis senti misérable pendant de longues heures. Mais ça va mieux maintenant ! »

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38. Georgiana Burne-Jones, 1883. Huile sur toile, 73,7 x 53,3 cm. Collection privée. 39. Lady Frances Balfour, 1881. Huile sur toile, 70,1 x 39,5 cm. Musée des Beaux-Arts, Nantes.

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Le Chevalier miséricordieux (p. 14) est une œuvre de jeunesse pleine de sous-entendus résolument homosexuels, montrant une sculpture du Christ crucifié nu se penchant de la croix pour embrasser un chevalier en prière. Cette imagerie évoque les peintures du Baroque espagnol représentant des christs nus et musculeux tels que le Saint François embrassant le Christ en croix de Murillo et le Christ embrassant saint Bernard de Ribalta, bien que Burne-Jones qui rejetait l’art espagnol pour sa « bestialité » ait été inconscient de ces précédents espagnols. Lors de sa première exposition à la Old Watercolor Society, Le Chevalier miséricordieux fut intensément détesté pour des raisons que ses critiques ont dû trouver difficiles à expliquer. Burne-Jones rappelle que ses camarades membres « étaient furieux contre moi pour l’avoir envoyée, et me le firent savoir. Ils étaient en grande conversation lorsque je me retournais et laissaient échapper des remarques de nature hostile à son sujet pour que je les entende. » La beauté sensuelle des nus masculins de Michel-Ange exerçait un puissant attrait sur Burne-Jones, ainsi que nous pouvons le constater grâce aux ignudi de l’arrière-plan du Moulin et aux langoureux nus masculins dans La Roue de la Fortune rappelant énormément L’Esclave mourant de Michel-Ange. Ainsi que nous pouvons le déduire de l’enthousiaste description de la ressemblance de Paderewski avec Swinburne, il ne se départit jamais de sa tendre affection pour le poète en dépit des rumeurs de scandales qui l’entouraient. Dans les années 1860, Swinburne, Burne-Jones et Simeon Solomon faisaient partie d’une coterie d’amis dans laquelle nous avons du mal à imaginer que le sujet de l’homosexualité n’a pas affleuré, au moins de façon détournée. Une lettre du romancier et caricaturiste George du Maurier écrite en 1864 nous donne un aperçu de ces rencontres. « L’autre nuit, je me rendis à une soirée de célibataires pour retrouver Rossetti et Swinburne chez Simeon Solomon. Quelle étrange soirée… Quant à Swinburne, il est sans exception l’homme le plus extraordinaire, non seulement qu’il m’a été donné de connaître, mais dont j’ai pu entendre parler … Après ça tout semble insipide mais la petite bête ne sera jamais, je pense, reconnu car il possède un sens moral complètement perverti, il place Lucrèce Borgia et Jésus-Christ au même niveau, en fait il dit même qu’elle est bien mieux, et très peu de sa poésie pourrait être admis à la publication. » A la fin des années 1860, Simeon Solomon exposait des œuvres de caractère ouvertement homosexuel et dont le style était très influencé par Burne-Jones. Burne-Jones pour sa part était très impressionné et le nommait « le plus grand artiste de nous tous ». Il est également clair que le flot d’inspiration entre les artistes n’était pas entièrement unilatéral

40. Le Cycle de Persée : Le Rocher du Destin, vers 1884-1885. Gouache, 154 x 128,6 cm. Southampton City Art Gallery, Southampton. 41. Le Cycle de Persée : Le Funeste Destin accompli, vers 1884-1885. Gouache, 153,8 x 138,4 cm. Southampton City Art Gallery, Southampton. 42. Pomona, 1884-1885. Tapisserie de laine et de soie sur lisse de coton, 300 x 210 cm. Exécutée par Morris & Compagny. The Whitworth Art Gallery, University of Manchester, Manchester.

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43. Portrait de Katie Lewis, 1886. Huile sur toile, 61 x 127 cm. Collection privée.

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et ceci est attesté par une série de gouaches exposée au Fogg Museum et intitulée Nuit et Jour dans laquelle Jour est représenté par le genre exact de nu masculin efféminé en pâmoison qu’affectionnait Solomon. On avait accusé Swinburne d’avoir introduit Solomon à la pratique du masochisme et de l’homosexualité. Il fut tellement enthousiasmé par cette dernière qu’elle le mena à sa chute en 1873 lorsqu’il fut poursuivi pour atteinte à la pudeur dans des toilettes publiques. Le réquisitoire du jury de février

44. Margaret Burne-Jones, 1885-1886. Huile sur toile, 96,5 x 71,1 cm. Collection privée. 45. Frances Graham, 1879. Huile sur toile. Collection privée.

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46. Les Profondeurs de la mer, 1886. Huile sur toile, 197 x 75 cm. Collection privée. 47. Terrains de chasse de l’Amour, 1885. Gouache, 97,2 x 75,2 cm. Delaware Art Museum, Samuel and Mary R. Bancroft Memorial, Wilmington (Delaware).

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48. L’Etoile de Bethléem, 1887-1890. Aquarelle et gouache, 257 x 386 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham. 49. L’Adoration des Mages, 1894. Tapisserie de laine et de soie sur lisse de coton, 258 x 384 cm. Exécutée par Morris & Compagny. The Manchester Metropolitan University, Faculty of Art and Design, Manchester. 50. L’Armement et le départ des chevaliers de la Table Ronde dans la quête du Saint-Graal, 1895-1896. Tapisserie de laine et de soie sur lisse de coton, 244 x 360 cm. Exécutée par Morris & Compagny. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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1873, formulé dans un jargon légaliste victorien splendidement pondéré, nous offre un curieux aperçu de la lascivité et de la pudibonderie du XIXe siècle. « Et les susnommés jurés considèrent de plus que les dits George Roberts et Simeon Solomon, ce même jour de l’année susdite, dans un certain urinoir, fréquenté et utilisé par nombre de loyaux sujets de Sa Majesté la Reine pour un usage nécessaire, et dans un certain endroit exposé nommé Stratford Place Mews situé dans la paroisse de Sainte-Marylebone, dans le comté de Middlesex, proche et voisin d’une voie publique et d’un sentier sis là, et au vu et au su de nombre de loyaux sujets de Sa Majesté la Reine, fréquemment allant

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et venant, se sont associés dans le but de commettre l’un avec l’autre diverses pratiques impudiques et contre-nature, et ont commis et perpétué fréquemment entre eux les diverses pratiques susdites. Et à cela s’ajoute que le dit George Roberts dans le susdit endroit exposé et public, a exposé ses parties intimes illégalement et perversement, nu et découvert durant un long moment, à savoir durant quinze minutes. Ce qui a causé grand dommage et nuisance collective à tous les loyaux sujets de Sa Majesté la Reine allant et venant là et à la paix de Sa Majesté la Reine, la Couronne et la Dignité. »

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51. L’Espérance, 1896. Huile sur toile, 179 x 63,5 cm. Museum of Fine Arts, Boston.

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52. L’Annonciation, 1876-1879. Huile sur toile, 250 x 104,5 cm. Trustee of the National Museums and Galleries on Merseyside, Lady Lever Art Gallery, Port Sunlight.

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53. Le Défi dans le désert, 1894-1898. Huile sur toile, 129,5 x 96,5 cm. Collection Lord Lloyd-Webber. 54. Lady Windsor, 1893-1895. Huile sur toile, 199,5 x 95,5 cm. Collection Viscount Windsor.

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55. Tête de femme, vers 1890. Peinture or sur fond préparé pourpre, 32,1 x 21,9 cm. The Ashmolean Museum of Art and Archaeology, Oxford. 56. Fantaisie, 1897. Pierre noire, gouache et or sur fond préparé pourpre. London Borough of Hammersmith and Fulham, Londres.

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On dit souvent que Simeon Solomon fut rejeté par tous ses amis artistes après cet incident, mais dans sa biographie de Burne-Jones, la redoutable Georgie s’autorise une digression pour écrire quelques mots sur Solomon sans émettre de jugement et en toute affection, dans un moment où nombreux étaient ceux qui auraient jugé prudent d’omettre toute mention de son nom.

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57. Les Noces de Psyché, 1895. Huile sur toile, 122 x 213,4 cm. Musées royaux des BeauxArts de Belgique, Bruxelles. 58. Le Roman de la Rose : Le Cœur de la Rose, 1901. Tapisserie de laine et de soie à chaîne de coton, 150 x 201 cm. Exécutée par Morris & Compagny. Badisches Landesmuseum, Karlsruhe. 59. Les Sirènes, vers 1891-1898. Huile sur toile, 213,4 x 305 cm. Collection of the John and Mabel Ringling Museum of Arts, Sarasota.

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De Constable à Francis Bacon, aucun peintre anglais vivant ne jouit d’une reconnaissance internationale aussi importante que celle dont Burne-Jones fit l’objet au début des années 1890. Sa grande réputation commença à décliner dès la seconde moitié de la décennie et s’effondra après 1900 avec le triomphe du modernisme. Avec des mots d’ordre tels que « Kill the Moonlight » les futuristes, les cubistes, les vorticistes et défenseurs d’autres « ismes » tentèrent de disperser le brouillard de la « fin de siècle ». Hormis Kandinsky, rares étaient ceux disposés à reconnaître l’importante contribution de Burne-Jones au développement de l’art moderne, sans compter qu’il était l’un des meilleurs dessinateurs et l’un des artistes les plus originaux et inventifs de son temps. Cette reconnaissance ne

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vint qu’avec la fin d’un autre siècle, dans les salles de ventes, les prix de ses œuvres commencèrent à rivaliser ou même à surpasser en termes réels les sommes fabuleuses que son œuvre lui avait rapportées de son vivant. Burne-Jones et Georgie auraient certainement trouvé la manière dont un livre tel que celui-ci tente de fouiller les aspects les plus privés de leurs existences, extrêmement déplaisante. L’ironie veut que ce soit la façon dont il a lui-même exposé ses peurs secrètes et ses fantasmes dans ses œuvres qui les rende aussi irrésistibles aux yeux modernes.

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60. L’Eglantine : étude pour La Cour au Jardin, 1889. Gouache, 89 x 59 cm. Museums and Art Gallery, Birmingham.

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BIOGRAPHIE 1833 :

1853 :

1855 : 1856 :

1859 : 1861 :

1862 :

1864 : 1866 : 1870 :

1877 :

1886 :

1889 : 1890 : 1894 : 1895 : 1898 :

Naît le 28 Août à Birmingham. Sa mère, Elizabeth Coley, meurt quelques jours après. Elevé par son père Edward Jones, Edward est un élève brillant et développe un don naturel pour le dessin. Quitte la King Edward VI School de Birmingham pour entrer à l’Exeter College d’Oxford. Il y rencontre William Morris, avec qui il partage une passion pour le Moyen Age et les écrits de Thomas Carlyle et John Ruskin. Après avoir communément songé à entrer en religion, ils se découvrent une vocation d’artistes suite à une visite des cathédrales du nord de la France. En novembre, ils aménagent à Londres, au 17 Red Lion Square, dans l’ancien appartement du peintre préraphaélite Dante Gabriel Rossetti, de qui Burne-Jones reçoit quelques leçons informelles. Rossetti renforce leur désir de redonner à l’art la pureté formelle, la stylisation, et la valeur hautement morale des créations médiévales. Epouse Georgiana MacDonald. Membre fondateur de Morris, Marshall, Faulkner and Company, il devient le principal dessinateur de vitraux de la société, créant plus de cinq cent figures. Ses premiers travaux sont des dessins au crayon ou des aquarelles. Influencé par Rossetti, il bénéficie aussi du contact d’autres artistes tels que George Frederic Watts. Au retour de son second voyage en Italie avec Ruskin et Georgiana (le premier datant de 1859 avec Val Prinsep), s’affirme son style sentimental et romantique, qui traite de thèmes aussi bien classiques que médiévaux et bibliques. Ses grandes aquarelles, dont Le Chevalier miséricordieux (1863) lui permettent d’être élu à la Old Water Colour Society. Naissance de sa fille adorée, Margaret, qui deviendra sa confidente et un modèle fréquent pour ses peintures. Durement critiqué pour l’homme nu de sa toile Phyllis et Démophon, il doit démissionner de la Old Water Colour Society. Sa liaison avec Mary Zambaco, un de ses modèles, provoque un scandale qui l’affecte péniblement. Ces troubles successifs l’incitent à se retirer à Fulham, à l’ouest de Londres, pour les sept années suivantes. Deux voyages successifs en Italie (1871, 1873) enrichissent sa connaissance de la haute Renaissance, qui se dénote ensuite dans Le Miroir de Vénus et La Séduction de Merlin, œuvres vivement applaudies à l’exposition de la Grosvenor Gallery. Lancement de l’exposition annuelle de l’Arts and Crafts Exhibition Society. Là, il expose de nombreux travaux conçus pour l’atelier de Morris, joailleries, vitraux, pianos et tapisseries – dont la série du Saint Graal. Le prix de ses œuvres atteint des sommets aux ventes, on commence à les collectionner. Décoré de la Légion d’honneur, après son succès à l’Exposition universelle de Paris, où il exposait Le Roi Cophetua et la jeune mendiante. L’exposition à l’Agnews Gallery de Londres de la « Briar Rose Series », qui retrace l’histoire de La Belle au bois dormant, renforce sa renommée. Reçoit un titre de baronnie par le premier ministre Gladstone. Déjà malade, il exécute cinquante-sept illustrations pour le Kelmscott Chaucer, revue éditée par Morris. Sir Burne-Jones meurt d’un arrêt cardiaque le 17 juin. Ses cendres reposent à l’église de Rottingdean, dans le Sussex, où il possédait une maison de vacances.

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LISTE DES ILLUSTRATIONS 1.

Le Roi Cophetua et la jeune mendiante, 1880-1884.

p. 4

2.

L’Annonciation (« La Fleur de Dieu »), 1863.

p. 6

3.

Sidonia von Bork, 1860.

p. 7

33. L’Escalier d’or, 1876-1880.

p. 43

4.

Le Départ pour la bataille, 1858.

p. 9

34. Ange jouant du flageolet, 1878.

p. 45

5.

Clara von Bork, 1860.

p. 10

35. Laus Veneris, 1878.

p. 46-47

6.

Cendrillon, 1863.

p. 11

36. Le Cycle de Persée : La Tête maléfique, 1885.

p. 48

7.

Saint Georges et le dragon : La Pétition au roi, 1865-1866.

8.

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p. 12

Saint Georges et le dragon : La Princesse Sabra p. 13

Le Chevalier miséricordieux, 1863.

p. 14

10. Amour découvrant Psyché, 1865.

p. 15

11.

p. 16

La Lamentation, 1866.

qui monte au désert? », 1876.

p. 42

37. Le Cycle de Persée : Persée et les Nymphes de la mer

tirant au sort, 1865-1866. 9.

32. Le Cantique des Cantiques « Quelle est celle

(L’Armement de Persée), 1877.

p. 51

38. Georgiana Burne-Jones, 1883.

p. 52

39. Lady Frances Balfour, 1881.

p. 53

40. Le Cycle de Persée : Le Rocher du Destin, vers 1884-1885.

p. 54

41. Le Cycle de Persée : Le Funeste Destin accompli, vers 1884-1885.

p. 55

42. Pomona, 1884-1885.

p. 56

43. Portrait de Katie Lewis, 1886.

p. 58-59

44. Margaret Burne-Jones, 1885-1886.

p. 60

45. Frances Graham, 1879.

p. 61

12. Etude pour La Lamentation, vers 1865.

p. 17

13. Amour délivrant Psyché, 1867.

p. 19

14. Le Chant d’amour, 1868-1877.

p. 20

15. Phyllis et Démophon, 1870.

p. 22

16. Mary Zambaco, 1870.

p. 23

17. Elaine, 1870.

p. 25

18. L’Eglantine : La Charmille, 1871.

p. 26

19. L’Eglantine : La Forêt de ronces, 1871-1873.

p. 27

20. Pygmalion et l’Image I : Le Cœur désire, 1875-1878.

p. 28

21. Pygmalion et l’Image II : La Main réfrène, 1875-1878.

p. 29

22. La Séduction de Merlin, 1873-1874.

p. 30

51. L’Espérance, 1896.

p. 68

23. L’Eglantine : La Chambre du conseil, 1872-1892.

p. 32

52. L’Annonciation , 1876-1879.

p. 69

24. Le Moulin, vers 1870.

p. 33

53. Le Défi dans le désert, 1894-1898.

p. 70

25. Saint Georges, 1873-1877.

p. 34

54. Lady Windsor, 1893-1895.

p. 71

26. La Sibylle Tiburtine, 1875.

p. 35

55. Tête de femme, vers 1890.

p. 72

27. Pan et Psyché, vers 1872-1874.

p. 37

56. Fantaisie, 1897.

p. 73

28. Pygmalion et l’Image III : La Divinité embrase, 1875-1878.

p. 38

57. Les Noces de Psyché, 1895.

p. 74-75

29. Pygmalion et l’Image IV: L’Ame atteint, 1875-1878.

p. 39

58. Le Roman de la Rose : Le Cœur de la Rose, 1901.

p. 76

30. La Roue de la Fortune, 1875-1883.

p. 40

59. Les Sirènes, vers 1891-1898.

p. 77

31. Carnet de croquis, 1875.

p. 41

60. L’Eglantine : Etude pour « La Cour au Jardin », 1889.

p. 78

46. Les Profondeurs de la mer, 1886.

p. 62

47. Terrains de chasse de l’Amour, 1885.

p. 63

48. L’Etoile de Bethléem, 1887-1890.

p. 64-65

49. L’Adoration des Mages, 1894.

p. 66

50. L’Armement et le départ des chevaliers de la Table Ronde dans la quête du Saint-Graal, 1895-1896.

p. 67