Les souscriptions publiques dans les cités grecques
 9782920123090, 2920123092

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ÉCOLE

PRA TIQUE

DES HAUTES

ÉTUDES

-

JVe SECTION

Sciences historiques et philologiques

III HAUTES

ÉTUDES

DU MONDE GRÉCO-ROMAIN

17 Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des études humaines, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

LES

SOUSCRIPTIONS

DANS

LES

CITÉS

PUBLIQUES GRECQUES

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1

1

par

LÉOPOLD

MIGEOTTE

Professeur à l'Université Laval, Québec Directeur d'études associé à !'École des Hautes Études

ISBN: 2-920123-09-2 © Les Éditions du Sphinx / Librairie Droz s.a. Dépôt Légal: Ier trimestre 1992 Les Éditions du Sphinx C.P. 27 Sillery Québec, Canada GIT 2P7

Librairie Droz s.a. 11, rue Massot Genève, Suisse

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GENÈVE LIBRAIRIE DROZ 11, rue Massot

QUÉBEC LES ÉDITIONS DU SPHINX C.P. 27 Sillery

1992

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AVANT-PROPOS

DU MÊME AUTEUR

L'emprunt public dans les cités grecques. Recueil des documents et analyse critique Québec, Les Éditions du Sphinx Paris, Les Belles Lettres 1984

Nombreuses sont les personnes qui ont contribué à la conception et à l'élaboration de ce livre. Au fil des pages, j'aurai souvent l'occasion de remercier plusieurs d'entre elles pour l'aide qu'elles m'ont apportée dans l'étude de tel ou tel document. Dès l'abord, cependant, je tiens à dire explicitement ma gratitude à celles qui m'ont aidé d'une façon toute particulière. En premier lieu, je veux citer Louis Robert et rendre hommage à sa mémoire. Non seulement il m'a proposé le sujet de cette recherche, mais il en a fréquemment discuté avec moi dans la suite: ses conseils, son dévouement et son hospitalité, de même que ceux de son épouse, m'ont apporté une aide et un encouragement irremplaçables. L'année 1986-1987 a marqué une étape décisive. Je l'ai passée à Paris, à titre de Directeur d'études associé à la quatrième Section de l'École pratique des Hautes Études. L'invitation m'était parvenue grâce aux démarches de plusieurs collègues, notamment Joseph Mélèze-Modrzejewski, Claude Nicolet et Philippe Gauthier. Durant plusieurs mois, ce dernier fut mon interlocuteur privilégié et, dans les années qui ont suivi, il a bien voulu relire, avec sa rigueur coutumière, chacun des chapitres de l'ouvrage, contribuant ainsi largement à leur amélioration. Durant la même année, j'ai présenté à mes auditeurs plusieurs textes, parmi les plus importants, qui sont repris dans ce livre: chaque fois j'ai pu profiter de leurs remarques, critiques et questions. Enfin, grâce à l'amabilité du Président de la Section, Michel Fleury, et de son Secrétaire, Michel Terrasse, et à la collaboration entre les Éditions du Sphinx et les Éditions Droz, le volume peut prendre place aujourd'hui dans la collection des «Hautes Études du monde gréco-romain». Mais la publication n'aurait pas été possible sans l'aide financière de la Fédération canadienne des Études humaines et sans l'évaluation positive des deux lecteurs mandatés par elle et qui demeurent pour moi anonymes. Pour ce séjour à Paris, comme pour d'autres, plus brefs, qui l'ont précédé ou suivi, j'ai plusieurs fois bénéficié de l'aide financière du Conêeil de recherches en sciences humaines du Canada et de celle de l'Université Laval. A maintes reprises, cependant, c'est à l'École française d'Athènes que j'ai préféré m'établir, pour à la fois profiter des ressources de sa bibliothèque et en faire le point de départ de mes visites dans les réserves épigraphiques des musées grecs. Chaque foi~, mes travaux et mes démarches ont été facilités par l'hospitalité du Directeur de l'Ecole, Olivier Picard, et de son Secrétaire général, Jean-Yves Empereur. Enfin, mon amie Sonia Ratté m'a offert une aide précieuse en relisant le texte au complet pour en faire la «toilette» finale: s'il reste si peu d'erreurs et de coquilles, c'est à elle que je le dois. Québec, décembre 1991.

INTRODUCTION Sujet de l'ouvrage Le lecteur familier avec mon livre sur les emprunts publics des cités grecques 1 ne sera guère surpris d'en trouver ici une sorte de complément, tant pour le contenu que pour la méthode et même pour la présentation, car les deux sujets sont étroitement apparentés. En effet tous deux contribuent à éclairer le problème de la pénurie financière des cités: avec les eisphorai (impôts directs levés surtout à des fins militaires), les libéralités privées et royales (nombreuses aux périodes hellénistique et impériale) et les expédients imaginés à l'occasion par des cités démunies, les emprunts et les souscriptions étaient des moyens exceptionnels de financement, destinés à résoudre, chacun à sa manière et selon des proportions différentes, des problèmes urgents ou insuffisamment prévus comme la défense des cités, le ravitaillement en grain ou la construction d'édifices publics. En outre les deux sujets reposent, pour l'essentiel, sur l'étude des documents épigraphiques. Relativement négligés par la recherche, ils ont simultanément éveillé mon intérêt et révélé bientôt des documents plus nombreux et des institutions plus répandues qu'on ne le croyait communément. Presque aussi abondantes que celles qui traitent des emprunts, les inscriptions relatives aux souscriptions publiques n'ont pas la même richesse ni la même variété qu'elles; mais, rapprochées les unes des autres, elles s'éclairent mutuellement et permettent, elles aussi, non seulement de mieux comprendre les difficultés et les choix des cités lors de crises ou de besoins financiers, mais encore de toucher à leurs problèmes quotidiens, d'ordre politique, religieux, économique ou social. Si l'endettement des États modernes nous rend immédiatement familier celui des cités grecques, il n'en va pas de même, semble+il, des souscriptions publiques sous 1 Voir le titre dans la bibliographie à la fin du volume. Je notais à l'époque (p. 362 et n. 27), puis encore dans Historia, 32 (1983), p. 130, l'abondance des documents épigraphiques concernant les souscriptions publiques; dans la suite, je suis revenu sur le sujet dans quelques articles et contributions répertoriés eux aussi dans la bibliographie; finalement, comme on le verra aux pages 6-7, une définition plus stricte de la souscription publique m'a conduit à éliminer un certain nombre de documents. - Dans la suite du volume, je renverrai aux études énumérées dans la bibliographie soit par le seul nom de leur auteur, soit par son nom suivi du titre (abrégé ou non) de l'ouvrage ou de l'article. Il en ira de même pour les oeuvres d'auteurs anciens et les publications épigraphiques, dont on trouvera la liste dans l'index des sources.

r INTRODUCTION

INTRODUCTION

forme de dons, auxquelles on donne habituellement le nom grec d'epidoseis. Certes nous connaissons aujourd'hui divers types de souscriptions, soit au plan local (collectes de fonds organisées, par exemple, par des Églises, des groupes privés ou des entreprises) soit à l'échelle internationale (vastes quêtes, dans divers pays, pour soulager une famine ou aider les victimes d'une catastrophe naturelle). Mais, même si plusieurs de ces opérations revêtent évidemment un intérêt public, elles n'en gardent pas moins aussi un caractère privé, car elles sont habitue117ment organisées par des oeuvres de charité ou des groupes particuliers, non par des Etats. Aujourd'hui, il nous paraîtrait sans doute incongru qu'un gouvernement en difficulté, au lieu de décréter par exemple une hausse des taxes ou des impôts, ou encore un emprunt par obligations, décide d'organiser auprès des citoyens une vaste collecte de fonds, en se fiant à la générosité de chacun. Le monde grec ancien a connu lui aussi la souscription privée: fréquemment des amis ou des membres de confréries religieuses, par exemple, se cotisaient pour aider l'un d'entre eux, racheter un prisonnier, restaurer un sanctuaire ou un gymnase, consacrer en commun une statue ou une offrande. Dans un cadre plus large, les membres d'un dème, d'une garnison ou d'une clérouquie pouvaient agir de la même manière à des fins analogues. Les Grecs ont également connu la souscription «internationale», plus rare, car réalisable seulement dans des circonstances graves, propres à susciter des élans de solidarité ou de dévotion panhelléniques: la plus connue est probablement celle qui permit de rebâtir le temple de Delphes détruit en 373 a.C. Mais ils recouraient beaucoup plus fréquemment au type de souscriptions qui nous paraîtrait, aujourd'hui, le plus étrange: les collectes de fonds organisées dans le cadre de la cité et généralement à l'initiative de l'assemblée, sous forme de contributions volontaires et gratuites en vue d'un objet commun. Ainsi entendue, la souscription publique apparaît comme un moyen original, fondé sur l'habitude du don plutôt que sur celle de l'impôt ou de la réquisition.

réuni seize décrets de souscription, parfois accompagnés des listes de donateurs: documents importants, qui révèlent souvent les circonstances et les motifs de l'entreprise, parfois même sa date, et surtout peuvent nous instruire en détail sur le fonctionnement de l'institution. Le nombre des documents et leur diffusion dans le temps et dans l'espace donnent au départ l'impression que ce recours financier était largement répandu dans le monde grec. Or il n'a fait l'objet, jusqu'à maintenant, que d'un très petit nombre d'études.

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Sources

Le sujet est connu par quelques témoignages littéraires, onze en tout, qui se présentent sous la forme d'anecdotes ou d'allusions d'auteurs anciens et se rapportent presque tous à Athènes. Malgré leur brièveté, ces documents sont précieux, car la plupart nous reportent à la période classique et au début de la période hellénistique et nous permettent de saisir sur le vif une institution déjà bien ancrée dans les moeurs. Quant aux inscriptions, elles s'échelonnent du IVe siècle a.C. au IIe siècle de notre ère, mais la plupart se concentrent à la période hellénistique, surtout au IIIe siècle et au IIe. Elles proviennent de l'ensemble du monde grec: Grèce continentale jusqu'à la Mer Noire, îles égéennes, Asie Mineure, Afrique et Sicile. Au total j'ai réuni une centaine de témoignages, chiffre imposant si l'on tient compte du nombre encore plus considérable des documents perdus. La plupart sont des listes, parfois très longues, de donateurs, dont les noms sont fréquemment suivis des montants versés par chacun et qui avaient été gravées et exposées autrefois en hommage à la générosité des souscripteurs. Quand elles sont en bon état et qu'elles ont conservé leur intitulé, elles permettent de mesurer l'ampleur des dons et d'en connaître l'objet. J'ai d'autre part

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Études antérieures

Le seul ouvrage entièrement consacré au sujet est la brève dissertation du Suisse Adolphe Kuenzi, parue en 1923. L'auteur y a étudié divers aspects de l'institution: nature des documents, procédures, objets et formes des souscriptions, donateurs, honneurs et avantages octroyés; il l'a terminée par une liste des documents datables. Malheureusement il ne s'est pas préoccupé de dégager l'évolution du phénomène ni d'en préciser la place et l'importance dans les finances publiques. Surtout, en se limitant à Athènes, il n'a pu en donner une vue d'ensemble, a dû réduire à quelques pages la plupart de ses analyses et s'est laissé entraîner, peut-être par compensation, à voir des traces de souscriptions organisées dans bon nombre de décrets athéniens qui rendaient simplement hommage, à titre individuel, à des bienfaiteurs. D'autre part, en intitulant son ouvrage Epidosis, A. Kuenzi se conformait à un usage ancien, mais ambigu. En effet ce terme désignait en grec aussi bien les dons individuels que les contributions collectives. C'est pourquoi il me paraît préférable de parler ici d'«epidoseis collectives» ou simplement de «souscriptions publiques». La confusion entre les deux formes de dons apparaît dans plusieurs études antérieures à celle d'A. Kuenzi. Traitant de ce qu'il appelait les «freiwillige Beitrage (epidoseis)», A. Boeckh citait plusieurs exemples de largesses individuelles; on s'étonne d'ailleurs qu'au moment où se constituait la documentation épigraphique, un connaisseur comme lui n'ait consacré au sujet qu'une page entièrement fondée sur des témoignages littéraires (vol. I, p. 685-686). La même confusion persiste dans la description de Ch. Lécrivain, plus riche que celle d'A. Boeckh, bien qu'aussi brève: l'auteur y décrivait correctement plusieurs aspects de l'institution, puis, tout en évoquant un certain nombre d'inscriptions, d'Athènes et d'ailleurs, il notait erronément qu'«il n'est nulle part plus fréquemment question des epidoseis qu'à Athènes». Méprise attribuable, sans doute, à la prépondérance de la documentation littéraire et qu'on retrouve dans la courte note de Boemer: ce dernier, qui a pourtant évité les exemples de dons individuels, répétait que «die Praxis ist nur aus Athen genauer bekannt». C'est G. Busolt qui, le premier, a explicitement écarté les libéralités individuelles; malheureusement il n'a consacré au phénomène que quelques lignes inspirées de ses prédécesseurs (p. 432 et 612). Après l'étude d'A. Kuenzi, les souscriptions publiques ont mérité quelques lignes dans deux manuels généraux: une page d'A.M. Andreades (p. 349) qui, tout en reprenant l'essentiel de la définition d'A. Kuenzi, citait encore plusieurs témoignages retenus à tort par A. Boeckh; douze lignes de F.M. Heichelheim (vol. II, p. 137), sans aucune référence. Plus récemment, F. Ferrandini Troisi a publié un bref article qui,

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INTRODUCTION

INTRODUCTION

après avoir rappelé la définition et quelques caractères généraux de l'institution, énumérait un certain nombre de décrets, puis les éléments communs qui s'en dégageaient. Malheureusement le choix des témoignages manquait de discernement: il faut retrancher treize des vingt-trois documents retenus, car il ne s'agit pas de décrets de souscriptions; les uns sont des listes de donateurs précédées d'un intitulé, d'autres sont des décrets de fondations, un dernier est un décret réglant un emprunt par souscriptions. Restent dix documents: la liste est loin d'être exhaustive. Quant à l'~naI1se, elle se présentait comme une, énumération purement descriptive et n'apportait nen de neuf. Beaucoup plus interessantes m'ont paru les quatre pages de L. Mo~et~i?ans un chapitre consacré aux problèmes du blé et de l'argent à la période helle~1st1que_ (p. 366-370), car le savant italien y a analysé les souscriptions, à côté des proe_1sphoraiet des emprunts, dans le cadre de la gêne financière des cités; en donnant plusieurs exemples, il a bien décrit les principaux caractères de l'institution: moti":ations des donateurs, buts, modalités, fréquence et ampleur des souscriptions. En fm de compte, on le voit , une étude complète du sujet manque encore.

assemblées et avaient pour cadre la cité, j'ai éliminé non seulement les souscriptions panhelléniques et les collectes des associations privées comme les thiases, mais également les souscriptions organisées par des dèmes, des garnisons, des clérouquies ou d'autres groupes analogues. Certes les unes et les autres contribuaient souvent à des fins publiques; mais les souscriptions panhelléniques, même si elles exigeaient également un effort collectif de la ville dans le besoin, dépassaient nettement le cadre de la cité: elles me paraissent constituer un type en soi, qui mériterait sans doute une étude particulière; quant aux autres, elles se situaient en-deçà du cadre poliade, à moins que l'assemblée du peuple ne les ait ensuite prises en charge: elles gardaient ainsi, à des degrés divers, un caractère privé et me paraissent apporter peu de lumière sur la gestion proprement dite des finances publiques. En outre il existe un certain nombre de documents douteux: ces listes de donateurs, parfois longues, mais coiffées d'intitulés vagues ou même entièrement dépourvues de titre à cause du mauvais état de la pierre: comment y distinguer les souscriptions publiques des souscriptions privées? Je me suis fié à certains indices, comme les allusions à l'assemblée ou aux autorités publiques, l'ampleur et l'objet de l'opération, la qualité des donateurs ou l'importance des montants donnés, écartant certains documents et retenant les autres au mieux de mon jugement et sans prétendre être infaillibles. Enfin, d'un certain nombre de décrets honorifiques, j'ai retenu les allusions qui désignaient des souscriptions bien identifiées et dont on pouvait ainsi retrouver le contexte 6; mais je n'aborde qu'en conclusion (p. 294) celles qui évoquent en termes généraux la participation des évergètes aux souscriptions de leur cité: utiles pour marquer l'importance de l'institution dans le monde grec, ces textes ne se prêtaient guère à des analyses détaillées. Ces choix rigoureux n'ont éliminé, je crois, aucun texte utile. Ils ont le mérite, surtout, d'avoir allégé ce livre de documents trop incertains. Aucun des documents retenus n'était évidemment négligeable. Mais, tout en m'appliquant à être exhaustif, j'ai dû reconnaître aussi que certains témoignages étaient plus significatifs que d'autres. C'est pourquoi j'ai finalement décidé, non sans remords, de ne reproduire intégralement que les extraits d'auteurs anciens et les décrets de souscription, en les faisant suivre de traductions (aussi littérales que possible) et de commentaires. J'ai donc éliminé les listes de donateurs, dont la publication aurait considérablement alourdi le volume à cause, notamment, de la mise au point des textes mal conservés ou mal établis. Mon propos n'étant d'ailleurs pas d'en tirer des conclusions onomastiques ou prosopographiques, je n'en donne que les intitulés, quand ils sont conservés, puis j'analyse l'objet et la portée de chaque souscription. Quant aux listes décapitées, plus décevantes, leur étude se réduit à la présentation et au commentaire des contributions. Je donne une édition critique de chaque inscription, reprenant les éditions antérieures et suivant, dans leur énumération, l'ordre chronologique et génétique (les textes dépendant d'éditions antérieures sont inscrits entre parenthèses). Quand c'était opportun et réalisable, j'ai pris contact avec des spécialistes qui étudiaient de leur côté

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Méthode Après bien des hésitations, j'ai finalement résolu de donner au lecteur tout le corpus des documents, en suivant l'ordre de présentation le plus classique et pour cela le plus maniable: région par région, en partant d'Athènes et en poursuivant ce tour du mo1:d~grec ~ar la Grèce continentale, les îles égéennes, l'Asie Mineure, l'Afrique et la S1c1le. Suivant l'abondance ou la rareté de la matière, j'ai isolé certaines cités et j'en ai regroupé d'autres, de manière à distribuer l'ensemble en quelques chapitres relativement équilibrés, et j'ai tenté, dans la mesure du possible, de donner à chacun le maximum d'unité tout en y traitant les documents dans l'ordre chronologique. Le volume se termine par un chapitre de conclusion, dans lequel je m'efforce de dégager l'origine, le fonctionnement et la portée des souscriptions publiques et, selon leur type et leur objet, leur évolution, leur place dans les finances des cités et leur signification dans le comportement de ces communautés. La définition de la souscription publique retenue ci-dessus m'a contraint à certains choix, que le lecteur trouvera peut-être arbitraires et qui méritent un mot d'explication. D'abord, puisqu'il s'agit de contributions volontaires et gratuites, je n'ai naturellement retenu ni les emprunts par souscriptions 2 ni les prestations imposées à des groupes de magistrats 3 ni les contributions plus ou moins forcées que des cités aux abois tiraient parfois de vastes mouvements populaires dirigés contre un agresseur 4 • Ensuite, puisque de telles souscriptions étaient normalement ouvertes par les

,2Dont j'ai traité dans mon Emprunt public, notamment aux pages 366-369 et 380-381, qui renv01ent aux documents étudiés dans la première partie. . 3 Par e~emple la longue liste reprise et commentée par S.V. Tracy, IG, 1/2, 2336. Contributors of First FrU1tsfor the Pythaïs, 1982 (Beitrage zur klassischen Philologie, 39). 4 Par ,exemple à R~odes l?rs du _siègede Dém~trios Poliorcète en 305/4 (Diodore, XX, 84) et dans la Confedération achee~ne a la v_eillede la bataille de Corinthe, en 146 (Polybe, XXXVIlI, 15-18). Sur ~eJ doc_uments, vmr plus 101~,p. 52-53. Cf. a~ssi les contributions, moins dqimatiques, des Lacedemomens au retour des Sanuens dans leur patne, autour de 321: Ps.-Aristote, Economique, II, 2, 9 (voir mon Emprunt public, p. 231).

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5 Sur plusieurs des textes éliminés, on trouvera mes arguments dans les commentaires et les notes, ainsi que dans les introductions des chapitres II à V. 6 La plupart sont athéniennes et se trouvent donc dans le premier chapitre.

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INTRODUCTION

tel ou tel document. J'ai revu les pierres ou m'en suis procuré des photographies et des estampages quand ces démarches m'ont paru utiles au progrès de la lecture ou de l'interprétation, surtout pour les documents les plus importants. Chaque fois je donne les indications utiles dans les lemmes. Mais un souci d'économie et de brièveté m'a souvent guidé dans l'énumération des éditions les plus anciennes, du moins quand elles étaient peu utiles à l'établissement du texte, ainsi que dans la présentation des pierres: je ne décris donc leur état ou leur provenance que dans la mesure où ces détails importent au commentaire. Il en va de même pour la publication des photographies: celles-ci n'illustrent que les documents les plus importants, dont on ne peut trouver de clichés ailleurs. Pour les signes critiques, je conserve, comme dans mo!1 livre précédent, l'usage consacré par la plus longue tradition et suivi jusqu'à mamtenant dans la plupart des éditions françaises, utilisant notamment les parenthèses pour les additions et les corrections, les crochets à angles aigus pour les suppressions, l'enc~drement pour les martelages 7. Quant aux quelques témoignages littéraires, il n'était guère utile d'en donner une édition critique, car leur tradition ne présente aucune divergence marquante: je reproduis donc une bonne édition antérieure, le plus souvent celle des Belles Lettres.

* Ainsi présentée, la plus grande partie de l'ouvrage risque de paraître fastidieuse au lecteur pressé, qui se hâtera peut-être de sauter aux conclusions. Mais on s'apercevra aisément que ces dernières ne pouvaient reposer que sur l'étude minutieuse de chaque document. J'en ai moi-même fait l'expérience à maintes reprises, corrigeant après coup l'impression laissée par une première lecture, et c'est pourquoi je veille à donner chaque fois, aussi précisément que possible, les multiples observations qui ont jalonné mes analyses et fondent mes conclusions. La méthode présente aussi l'avantage de fournir en un seul volume toutes les mises au point utiles. Quant au chapitre de conclusion, il est naturellement d'une autre facture, puisque, donnant un portrait d'ensemble de l'institution, je m'y efforce en particulier d'éclairer le rôle des souscriptions publiques dans la gestion financière et la vie quotidienne des cités. Mais cette synthèse n'est pas - et ne peut pas être - une étude d'ensemble des finances publiques des anciens Grecs, qui exigerait encore au préalable d'autres enquêtes, attentives à la diversité des cités grecques et non seulement au cas athénien, notamment dans le domaine, complexe et mal connu, des taxes et des impôts: ce sont là des projets auxquels je pense depuis longtemps et que j'aimerais réaliser dans les années à venir. Ce livre n'a donc pas l'ampleur que certains pourraient en attendre, mais j'espère que, dans les limites que je lui ai données, on l'accueillera comme une contribution utile.

7 Sur plusieurs de ces points de méthode, voir L. et J. Robert, La Carie (1954), p. 9-14.

CHAPITRE I ATHÈNES Dans le domaine des souscriptions publiques (comme dans beaucoup d'autres) nous découvrons sans surprise qu'Athènes est représentée par un nombre relativement élevé de documents, une vingtaine en tout 1, et que la moitié d'entre eux sont des témoignages littéraires (nQ 1 à 7, 10, 12, 14). Ces derniers se présentent sous la forme d'allusions ou d'anecdotes, qu'on ne peut certes pas toujours accepter sans réserve, car, utilisées parfois dans le feu d'un plaidoyer ou recueillies tardivement par un compilateur ou un moraliste, elles ont pu être déformées par le parti pris ou la tradition. Mais, une fois faite la part de l'invraisemblable, on constate que, sans entrer dans les détails, elles évoquent de manière concordante le fonctionnement des souscriptions et surtout, ce que ne font guère les documents épigraphiques, l'atmosphère qui entourait souvent leur organisation: en particulier elles mettent fréquemment en scène de grands personnages en butte aux réactions de leurs concitoyens. En outre elles ont le grand mérite de nous reporter aux années 425-260 environ, époque relativement ancienne pour laquelle les inscriptions n'abondent pas autant qu'à la période hellénistique, et de montrer que, depuis le dernier quart du Ve siècle au moins, la souscription publique était pour les Athéniens un recours tout naturel. Les dix inscriptions, de leur côté, s'échelonnent de 328n au milieu du Ile siècle avant notre ère (nQ8, 9, 11, 13, 15 à 20). A six reprises, notamment dans les trois documents les plus anciens (nQ8, 9, 11), il s'agit de simples allusions dans des décrets votés en l'honneur de bienfaiteurs, surtout des métèques. Les quatre autres documents, tous d'époque hellénistique, sont analogues à la plupart de ceux qu'ont légués 1 A. Kuenzi en avait compté bien davantage. Mais, fidèle au principe énoncé dans l'introduction (supra, p. 6-7), je n'ai retenu que les témoignages indubitables et j'ai notamment éliminé toutes les allusions à ce que je crois être des dons isolés. Voir à ce sujet mon article dans Historia, 32 (1983),

p. 129-148, où j'ai étudié les souscriptions athéniennes de la période classique; on voudra bien s'y reporter pour le détail de plusieurs commentaires de ce chapitre et y apporter les corrections suivantes: p. 135, première ligne, lire Isée au lieu de Lysias; p. 141, sixième ligne, lire vingt-sept au lieu de dix-sept. Notons d'autre part que, si le nombre des souscriptions athéniennes n'a rien de surprenant, cette cité a laissé peu de témoignages relatifs aux emprunts publics (voir mon Emprunt public, nQ1 à 7 et p. 360): elle paraît donc avoir recouru plus fréquemment à la souscription qu'à l'emprunt. Le contraste est également frappant pour Rhodes: voir infra l'introduction du chapitre III et, en conclusion, les pages 304-305.

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les autres cités: listes de donateurs (nQ13, 19, 20) avec, dans un cas, le décret de souscription lui-même (nQ 17). Sauf oubli de ma part, il ne reste aucun document pour la seconde moitié de la période hellénistique ni pour la période impériale. Il est vrai que les souscriptions publiques semblent alors plus rares dans le monde grec. Mais les hasards de la documentation ne sont probablement pas étrangers à cette lacune. Il faut noter d'autre part que treize souscriptions (en comptant les trois réunies au nQ4 et les deux mentionnées par le nQ18) furent ouvertes pour financer des opérations militaires, offensives ou défensives, soit durant le IVe siècle (nQ2, 4 à 7, 9) soit au milieu ou à la fin du IIIe (nQ15 à 18). Certes le fait n'étonne guère de la part d'une ville puissante et ambitieuse, qui fut mêlée à la plupart des conflits du IVe siècle et ne se résigna que progressivement dans la suite à un rôle moins actif. Mais la proportion est remarquable, car ailleurs, on le verra, les souscriptions avaient plus fréquemment pour objet des constructions publiques. Or seulement trois ou quatre des nôtres (nQ13, 14, 20 et peut-être 19) furent ouvertes pour contribuer à la const.ruction ou à la restauration de bâtiments autres que des ouvrages de fortification. Etant donné que l'histoire politique d'Athènes, à cette époque, est parfois connue avec quelque détail, j'ai veillé à replacer dans son contexte chacune des souscriptions militaires et notamment, dans la mesure du possible, à la mettre en parallèle avec la levée de l'eisphora, de manière à tenter d'évaluer le poids relatif de l'une et de l'autre. Je reviendrai sur ce point à la fin du chapitre.

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OBJET INCONNU (VERS 425 A.C.) Plutarque, Alcibiade, 10, 1.

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quelques déformations. Mais sa description n'a rien que de vraisemblable, on va le voir. Il n'y a donc aucune raison de le mettre en doute, comme l'a fait A. Kuenzi 2 • Tous les détails concordent en effet avec ce que nous apprennent les autres documents. D'abord les trois étapes habituelles de la souscription sont bien marquées: débat et vote de l'ecclésia (tel est évidemment le sens, confirmé par la suite de l'anecdote, des allusions aux «Athéniens» et au «peuple»), promesses des donateurs recueillies séance tenante (il est clair qu'Alcibiade n'avait pas avec lui la somme requise et qu'il faut rendre epididonai par «offrir» ~u «promettre»), versement des montants promis dans les délais fixés par le décret. Egalement naturelle est l'atmosphère d'excitation et d'émulation qui entourait le débat. Notons aussi que le recours aux contributions volontaires est présenté comme une opération normale et une institution bien identifiée, entrées dans les moeurs athéniennes depuis longtemps. Les débuts politiques d'Alcibiade ont coïncidé avec les premières années de la guerre du Péloponnèse: en 430 il avait environ vingt ans. On a donc cherché un lien entre la souscription et les difficultés financières d'Athènes entre 428 et 425 3 . Malgré les énormes réserves dont la cité disposait à la veille de la guerre, le siège de Mytilène, durant l'hiver 428n, exigea des fonds supplémentaires: les Athéniens euxmêmes contribuèrent à une eisphora de 200 talents et les alliés fournirent un complément dont le détail est inconnu 4 . Dans les années suivantes Athènes recourut encore à d'autres eisphorai, dont le nombre et le rythme ne peuvent être établis avec certitude, et en 425/4 elle augmenta les contributions des alliés 5 • Mais, si l'on admet la date habituellement attribuée à la naissance d'Alcibiade, environ 450, il est probable que ses premières apparitions à l'assemblée ont eu lieu avant ces années difficiles. En outre - et surtout - il me paraît peu vraisemblable qu'Athènes ait à ce moment ouvert une souscription dans un but militaire, puisqu'elle était au faîte de sa puissance et disposait des moyens appropriés, phoros et eisphora, pour résoudre ce genre de difficultés. Ces contributions ont pu, comme on le voit fréquemment ailleurs, être destinées au culte, par exemple à la réfection d'un édifice religieux ou à l'organisation d'une fête.

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seul témoignage explicite à ce sujet. J'ai proposé ailleurs 14 d'en rapprocher un passage de la Constitution d'Athènes d'Aristote. Celui-ci rapporte en effet que, devant l'assemblée principale de la sixième prytanie, donc une seule fois par an, on pouvait déposer une «plainte préalable» (probolè) contre «quiconque avait fait une promesse au peuple et ne l'avait pas tenue» 15. L'assemblée pouvait alors blâmer l'accusé par une sorte de vote de censure, dont on mesure l'importance bien qu'il n'ait eu, lui aussi, qu'une portée morale. L'accusateur pouvait se contenter de cette sanction ou au contraire poursuivre l'action devant un tribunal. Nous ignorons tout, cependant, de la procédure et des peines éventuellement infligées aux condamnés. Tel était donc probablement le moyen auquel les citoyens athéniens, s'ils le désiraient, pouvaient recourir, au temps d'Aristote, contre des souscripteurs défaillants. Il semble cependant que ces derniers ne devaient en percevoir la menace que s'ils étaient eux-mêmes des personnages en vue et si leur geste risquait de provoquer, par exemple, l'animosité d'un adversaire politique. On ignore du reste si la procédure était déjà en vigueur au début du siècle, à l'époque de Dicaiogénès, et si elle se perpétua à la période hellénistique. Quant aux autres cités, qui devaient connaître des situations analogues, elles avaient peut-être leurs propres recours, dont nous ne savons rien.

croassaient de nouveau, il s'arrêta; à la fin il leur dit: vous aurez beau croasser aussi fort que vous pourrez, vous ne goûterez pas à ma chair».

14

15

On ne peut dater cette anecdote de manière aussi précise que celle du document précédent. Mais elle appartient au coeur du IVe siècle, puisqu'elle met en scène Phocion, l'homme politique bien connu. C'est peut-être à tort qu'elle met en relief sa gêne financière 16, mais les autres détails sont parfaitement vraisemblables: collecte de fonds pour la célébration d'un sacrifice, mauvaise volonté de Phocion, comparable dans une certaine mesure à celle de Dicaiogénès (texte précédent), protestations de la foule. On garde l'impression qu'ici, comme dans les autres cas, la scène se déroulait à l'assemblée: il s'agissait donc bien d'une souscription publique.

4. TRIÉRARCHIES VOLONTAIRES ET DONS DE TRIÈRES (357-348 A.C.) Démosthène, XXI (Contre Midias), 161-162.

3.

SACRIFICE (ENTRE 380 ET 318 A.C.) Plutarque, Phocion, 9, 1-2.

Ilpos 8È 0uafov nvà Twv 'A0TJvatwv al TOUVTuJVÈ:m86aELs Kal Twv àk ÀuJV È:m8L86vTwv, KÀTJ0i\s rroÀMKLS lcf>TJ' «TOUTOUS-al TELTE Toùs rrÀouatous· È:y(l) 8' alaxuvo(µT]v dv El TOUT4J µTj àrro8L8oùs ùµtv È:m8otTJv», 8dças KaÀÀLKÀÉa Tov 8avnaTT)V. 'Os 8' ouK irrauovTo KE:Kpay6TES Kal KaTal3owvTES, Myov EÎ rrEv auToîs ToûTov· «àVTJp 8eùàs hl rr6ÀE:µov EÇlJEL, cf>0EyçaµÉvwv 8È KopciKuJV,Tà orrÀa Sels ,;auxa('Ev· EÎT' àvaÀal3(Dv aù0Ls tf(in, ml cp0EyyoµÉVulV TTClÀLV ÙTTÉaTTJ'KŒLTÉÀoS ELTTEV' uµEîS KEKpaçrn0E µÈv µÉyLaTOV WS 8UVŒTOV,ȵoû 8' OU yEuarn0E».

«Comme les Athéniens demandaient des contributions pour un sacrifice et que les autres en offraient, sollicité à plusieurs reprises il dit: demandez à ces riches; j'aurais honte de vous donner et de ne pas rembourser celui-ci, en montrant Calliclès, son créancier. Comme ils ne cessaient de crier et de vociférer, il leur conta cet apologue: un poltron sortait pour aller à la guerre mais, entendant croasser des corbeaux, il déposa ses armes et se tint coi; puis il les reprit et se remit en route, mais, comme ils 14 Article cité à la note 1, p. 135-139. 15 43,5: KliV TtS irrroox6µcVCJSTt µT) iTOlî)O'\'l T(il 8rJµ4>.

'EyÉvovTo Els Eü~OLav im86aELs rrap' uµtv rrpwTm · TovTwv oùK iiv MELBlas, àM' Èyw, Kal auvTpLT]papxos 'J1VµoL .n.Démosthène et Philinos sont cités comme syntriérarques dans l'inventaire naval de 356/5, /G, IJ.2, 1612-d, l. 301. Cf. J.K. Davies, Athenian Propertied Families (1971), p. 136.

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5. DONS DE TRIÈRES (340A.C.) [Plutarque], Vies des dix Orateurs, 849-F.

cI>LÀlrrnou8È TTÀELVÈrr' Eù~o(as rrapaaKEuaaµÉvou rnt Twv 'A0Tiva(wv dÀa~ws ÈXOVTlùV, Trnaapa.KOVTŒTPLTJPELS 118pOLŒ€V È~ Èm86aclùS KŒLTTPWTOS ùrrÈp aùrnû rnt Toû rrm8às ÈrrÉ8WKE81'.loTPLTJPELS.

«Comme Philippe était prêt à faire voile contre l'Eubée et que les Athéniens demeuraient sur la réserve, il (Hypéride) rassembla quarante trières par souscription et, le premier, en son nom et au nom de son fils, il donna deux trières». 24 P. Brun, p. 165-166, a daté erronément cette souscription de 349/8 (voir la note précédente). D'après E. Ruschenbusch, ZPE, 67 (1987), p. 158-159, l'opération eut lieu avant la fin de l'année 358n, opinion contestée par H. Wankel, ZPE, 71 (1981), p. 199-200, et D.M. MacDowell, Demosthenes. Against Meidias (1990), p. 380-381, pour qui la date exacte demeure incertaine. 25 F. Jacoby, FGH, 328 F 49: l301']0navlm:µ!J;av TTEÀrncrTàS' fücrxüJ.ous, TPLTJPELS 8È TpLa· KoVTaTàs µnà XapTJTOS'i6TEpa TOÛTa, Kat EÜVOUSTiJ TT6À.EL Kat TTX.ouatous,ol µETà Taûm Tàs µEya>..as è-m86ans è-m86vTES" ~al. yàp EÙVOLQ'. KQL TTÀ.Ot/T'-1) TOÜT' È:TTOLT)OUV.

on

«Cependant, s'il avait fallu que s'avancent ceux qui voulaient le salut de la cité, vous to~s et les autres Athéniens vous seriez levés pour aller à la tribune, car tous, je le sais, vous vouliez son salut. S'il s'était agi des plus riches, les trois cents l'auraient 26 Voir mon Emprunt public, p. 238-242, et mon article cité à la note 1, p. 143-144. 27 A. Kuenzi, p. 38-40, y voyait des souscriptions publiques. Voir mon article cité à la note 1 p 144-145. ' .

Démosthène, XVIII (Sur la Couronne), 312.

, "OaT:S, ~ TTCl.VTW~ àfüKWTaTE, ,où8' 86' tJ.TTQVTES OOOLTTWlTOT'È:q>0ÉyçavT' ETTLTOU ~T]µaTOS ELS OWTT)p(av ETTE8(8oaav, KQL Tà TEÀEUTQLOV'ApwT6vLKOS TO OUVELÀ.EyµÉvovEls TTJV È:mnµ(av, où8È T6T' OÜTE 1rapi1X.6e:sOÜT' È:TTÉ8WKUS oÙ8Év, OÙK àTTopwv.

28 Voir par exemple A. Schaefer, Demosthenes und seine Zeit, III (2e éd. 1887), p. 12-18; H. Wankel, Demosthenes. Redefür Ktesiphon über den Kranz, II (1976), p. 861. 29 I, 80: ou8Èv qipovTlaas nîs T6TE trapOUCJTJS atrop[as ~v[x' ol c'i.ÀÀol TTO.VTESÈ"K TWV l8[wv ÈTTE8t8oaavEls

TTJV Lµntpav

awTI7p[av.

'

30 Voir mon Emprunt public, p. 25-26. C'est probablement dans les mêmes années qu'Eudémos de Platées ~romit à la c~té 4 000 drachmes pour la guerre «en cas de besoin»: IG, II2, 351 (Sylloge3, 288; J. Pomlloux, Choix, 6), l. 11-15. Mats, contrairement à une opinion répandue, je ne vois rien dans .le texte .qui révèle une souscription plutôt qu'une promesse isolée. Il en va de même, je crois, aux hgnes suivantes, pour le don de 1 000 journées de travail de boeufs en vue de la construction du stade et du théâtre panathénaïques, en 330/29.

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«Toi (Eschine), jamais dit un mot donnait la somme présenté et tu n'as

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le plus malhonnête de tous, alors même que tous ceux qui n'avaient à la tribune ont donné pour le salut public et qu'à la fin Aristonicos réunie pour recouvrer ses droits civiques, même alors tu ne t'es pas rien donné, alors que tu n'étais pas sans moyens».

Allusion comparable à la précédente (n2 6), mais qu'A. Kuenzi, suivant A. Schaefer, a proposé de rapporter à l'automne 335, au moment où Alexandre marchait sur Thèbes révoltée et où les Athéniens se préparaient à venir en aide à la cité voisine 3 1• Si ces contributions ont bien été sollicitées et organisées par la cité, on peut en effet les rapprocher de cette autre allusion, qui rappelle un don de Chrysippos et de son frère, auquel elles ont pu servir de cadre: «mais quand Alexandre marchait sur Thèbes, nous vous avons donné un talent d'argent» 32. En même temps la cité levait peut-être une eisphora 33.

Les années 330-324, on le sait, furent, pour la Grèce péninsulaire et insulaire, une période de disette de grain, qui entraîna une forte hausse des prix et de grandes difficultés d'approvisionnement dans bien des cités. Athènes dut, elle aussi, prendre diverses mesures, désignant par exemple Démosthène comme sitônès (chargé des achats de grain). Elle profita de la générosité de plusieurs citoyens et étrangers: vente de céréales à bas prix, comme le fit Héracleidès lui-même en 330/29, et dons en argent, parlais considérables, comme ceux de Démosthène, d'Héracleidès, de Chrysippos et de son frère (dont il était,question aussi à pro~os du document préc~d,ent). Trois inventaires navals des annees 326/5-323/2 mentionnent les fonds destmes au blé, ta sitônika, qui disposaient alors d'un surplus de plusieurs talents. Il est probable que certains de ce~ dons,,,souvent impossib~es à, dater, ont été rec1:1~ill~slors de la souscription orgamsée en 328/7. Il est possible egalement que la cite ait ouve~t,. au cours de ces années, d'autres souscriptions dont nous n'avons aucune trace explicite. Mais on ne peut, avec A. Kuenzi, rapporter tous les dons de l'époque à la seule souscription de 328/7 36. Ils se sont en effet étendus sur plusieurs années - alors que chaque souscription était nécessairement limitée dans le temps - et devaient être souvent isolés et spontanés. Notons la générosité d'Héracleidès: si beaucoup de souscripteurs ont fait de même, l'opération a dû rapporter une somme considérable.

8. ACHAT DE GRAIN (328/7 A.C.)

Éd. les plus récentes: J. Kirchner, /G, Il2, 360 (Ch. Michel, 110; Sylloge 3 , 304); C.J. Schwenk, Athens in the Age of Alexander (1985), 68, p. 334-344, avec commentaire.

KUL TTO.À.LV OTE al Èm86aELs 12 s CTL TWVLUV KTÀ..

~aav ÈTTÉ8wKE : XXX : 8paxµàs El-

« ... et de nouveau, quand avaient lieu les contributions, il donna 3 000 drachmes

9. PRÉPARATIFS DE LA GUERRE DE QUATRE ANS (307 A.C.)

Éd. les plus récentes: J. Kirchner, /G, II 2 , 505 et add. p. 661 (Sylloge Griech. Mauerbauinschr., 13, avec commentaire.

pour un achat de grain, etc.» A. Kuenzi avait probablement raison de voir, dans l'expression du début de la ligne 11, le rappel d'une souscription publique 34 , car elle désigne un événement bien précis. Or un autre passage de cet ensemble de propositions et de décrets en l'honneur d'Héracleidès, Salaminien de Chypre, permet de dater la souscription: évoquant en effet le même bienfait en des termes presque identiques, il le date de l'archonte Euthycritos (328/7) 35.

30

3,

346); F.G. Maier,

[Ka'L OTE 'Afrr1va1]TOû] [oL Ë]0evTo TÙS Èm86crELs [Ells [T17vTTapaaKEUYJV [1T]OÀ.ɵou KUL T17V CTWTI]pta[v]nîs 1T[6À.EWS ÈTTÉ8WKUV à][µ]qi6TEpOL: X opaxµas· KTÀ.

N.C.- L. 28-29: rest. Ditt. (Sylloge2, 187) approuvé par Wilhelm (Jahreshefte, 1914, p. 60) et suivi par Kirchner dans l'add. Celui-ci avait d'abord proposé [Kal OTE no>J..ol Èné-?]0évTo.

« ... et quand les Athéniens ont organisé les contributions pour la préparation de la guerre et le salut de la cité, ils ont donné ensemble 1 000 drachmes, etc.» 3l Cf. A. Schaefer, op.cit., p. 135-136; A. Kuenzi, p. 53. H. Wankel, op. cit., p. 1318, admettait lui aussi cette date comme possible. 32 Ps.-Dém., XXXIV (Contre Phormion), 38: à>J..'OTé µÈv éls efi~as 'AÀÉ~av8pos 1mp1Jn, ÈTTé8WKaµéV Ùµ1v TO.Àa.VTOV àp-yuplou. 33 Cf. R. Thomsen, p. 237. La date n'est pas assurée. 34 P. 29, n. 3. Pour le détail de la discussion et les autres références, voir mon article cité à la note 1, p. 146-147. 35L. 70-71:Kal na.Àlv Èn' Eù0uKplTou lipxoVTos ÈnÉ8WKéVTWL(8iîµwL) éls crLTwvlav XXX

spaxµ.as.

Aussitôt après avoir été libérée par Démétrios Poliorcète du régime censitaire de Démétrios de Phalère, Athènes dut soutenir la guerre dite «de quatre ans» (307-304) contre Cassandre, stratège de l'Europe puis roi à partir de 305. Cette guerre donna lieu à d'importants préparatifs, travaux de fortification, armement, constructions 36 C'est également ce qu'a fait, à tort me semble-t-il, P. Garnsey, Famine and Food Supply in the Graeco-Roman World (1988), p. 155-156.

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ATIIÈNES

NQ10et 11

ATHÈNES

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10. OBJET INCONNU (FIN DU IVe SIÈCLE A.C.)

navales, qui entraînèrent de lourdes dépenses. Plusieurs inscriptions ont gardé la trace des dons de Démétrios et de son père Antigonos, des contributions de particuliers et de cités étrangères, des prélèvements de fonds par les trésoriers d'Athéna et des autres dieux 37 . En outre les Athéniens ont peut-être levé une eisphora, mais aucun document ne l'atteste 38. En revanche un long décret voté en 302/1 en I1honneur de deux métèques, Nicandros d'Ilion et Polyzélos d'Éphèse, fait clairement allusion à une souscription ouverte sans doute dans les mêmes circonstances. Les lignes précédant cet extrait rappellent les services rendus par les deux métèques, d'abord pour la reconstruction de l'arsenal maritime, puis au cours de la guerre lamiaque 39, donc plus de quinze ans avant la guerre de quatre ans. Les suivantes mentionnent leur participation aux travaux de fortification durant la deuxième année de la guerre, sous l'archonte Coroibos (306/5). L'allusion de notre extrait, qui précède immédiatement cette précision chronologique, trouve donc une place naturelle en 307, au moment où se préparait le conflit, plutôt que dans une année antérieure 40. Elle désigne clairement une souscription organisée à des fins publiques, mais ne permet d'en connaître ni l'objet ni l'importance. Notons cependant la générosité des deux métèques: dans l'enthousiasme provoqué par le retour de la démocratie 41, la souscription a peut-être pris une ampleur nationale. Sans doute peut-on en lire des échos dans plusieurs dons de particuliers connus par d'autres inscriptions 4 2. L'extrait suivant, en revanche, fait nettement allusion à une souscription publique, probablement un peu postérieure.

Athénée, Banquet des Sophistes, IV, 168-f.

'Em86crEWV 8É TTOTEyLVoµÉvwv TTapEÀ.6wvKat aùTos Ets TIJVÈKKÀTlcr(av lc/>Tl"«è-m8t8wµL Kàyw», Kat oi. 'A&riva1oLàµo6uµa8ov à.vE~6Tlcrav· «Els àKo>..acrtav.» «Et comme il y avait une fois des souscriptions, s'avançant lui-même dans l'assemblée, il dit: moi aussi je donne. Et les Athéniens de s'écrier d'une seule voix: c'est pour du dévergondage!» On peut dater de la fin du IVe siècle cette anecdote relative à Phôcos, le fils de Ph~cion, qui avait très mauvaise réputation aup~s des AtJ:iéniens, notam,men! P,arce qu'~I dilapidait la fortune paternelle. P~usieurs s1~cles la separent donc d Athene~, qm I a recueillie sous la forme que nous lisons. Mais, comme celles de Plutarque (n- 1 et 3), elle se présente de manière tout à fait vraisemblable: elle révèle en particulier que l'opération, vote et promesse des donateurs, s'est déroulée à l'assemblée.

11. OBJET INCONNU (FIN DU IVe SIÈCLE OU DÉBUT DU Ille A.C.) Éd. la plus récente: J. Kirchner, /G, II2 , 747 et add. p. 666.

7 37 La plupart de ces documents sont cités notamment par W.S. Ferguson, Hel/enistic Athens (1911), p. 112-114, et T. Leslie Shear Jr., Kallias of Sphettos (1978), p. 47, n. 127. Voir aussi A. Kuen~i, p. 43-46, qui voyait à tort des traces de souscriptions publiques dans des allusions à des dons isolés, et F.O. Maier, n2 11-13. On peut leur ajouter un décret délabré qui mentionne des dons et un prêt d'un ressortissant d'Héraclée: voir mon Emprunt public, nQ4. 38 Cf. R. Thomsen, p. 237-238. 39 Les lignes 22-27, à la jonction des deux fragments de la stèle, n'ont pu être entièrement restituées. La ligne 18 mentionne la «guerre hellénique», expression habituelle dans les sources pour désigner ce conflit. R. Thomsen, /oc.cit., croyait voir là, de même que dans /G, II2, 554, I. 12-14, une allusion à une souscription publique, mais il s'agissait probablement de dons isolés. 4 o Ainsi A. Kuenzi, p. 43, et F.O. Maier, p. 72 (avec plus de réserve). 4J Cf. Plutarque, Démétrios, 8-9. 42 Ainsi peut-être /G, IJ2, 374 et 553, qui font allusion à des dons individuels reçus dans les mêmes années, mais pas nécessairement dans le cadre d'une souscription comme l'affirmait A. Kuenzi, p. 43-46. Ce dernier, ibid., voyait des traces d'autres souscriptions ouvertes au cours des mêmes années dans des décrets souvent mutilés, qui mentionnent des dons individuels sans faire auc_une allusion à des sousc,riptions organisées: /G, II2, 268, 479, 480 et peut-être 489 (pour du gram en 307/6), 479 et peut-etre 489 (pour le salut du peuple en 304), peut-être 554 (pour compléter l'armement en 306/5).

[Kal vûv] [yEvoµÉ]vwv Èm86crEwv ds TîJV Tl- - - - - - - ÈTTÉ8wK][E i.Kavà. xp11lµaT[al v KTÀ..

N.C.- Rest. Wilhelm (add.) qui proposait aussi TbXDTTOLtavl pour la fin de la ligne 7. ~aier (p~ 74) suggérait plutôt T[ijs TT6ÀcWS Lcrµa o ALOCTKoupi.8î]S vacat [- - - - - - - - - - - ElTTEv]·vacat 43 P. 46-47. A. Kuenzi suggérait d'en rapprocher /G, u2, 740 et 774. Mais le premier texte (repris par F.G. Maier, n2 14) n'est qu'un débris peu utile et le second, mis au point peu après par Ad. Wilhelm, Att. Urk. III (Sitzungsb. Ak. Wien, 202 [1925]), p. 15-34 (==Akademieschr. I, p. 475-494), ne peut se rapporter aux constructions de 307.

Diogène Laërce, VII, 12.

rwl 8' 'AvTtyovos b Kapuanos ouK àpvE1cr0m auTàv E1vm KLnÉa. T(Dv yàp Els ETTLCTICEUTJV TOÛ ÀoUTp(Dvoscruµ~aÀÀoµÉvwv ELS wv KŒl àvœypac/>6µEvos è-v Tij O'Tî]À:r:r«ZT]vwvos Toû c/>LÀocr6c/>ou», TJÇLWCTE Kal Tà KLTLEÙS TTpOO'TE0fjVaL. «D'après Antigonos de Carystos, il ne cachait pas qu'il était de Kition. En effet, comme il était de ceux qui contribuaient à la restauration du bain et qu'on inscrivait sur la stèle: de Zénon le philosophe, il demanda qu'on ajoutât: de Kition». Anecdote instructive, malgré son laconisme, car elle s'accorde en tous points avec ce que nous apprennent d'autres documents: participation d'un étranger résident à une souscription, effort collectif pour restaurer un édifice public et gravure sur une stèle des noms des donateurs 44. Ces indices confinnent que l'entreprise résultait pro44 L'inscription de Zénon comme «philosophe», sans autre indication, est tout à fait comparable à celle du péripatéticien Lycon dans la liste des souscripteurs de 243 (n2 17: voir plus loin la note 69). Cependant, alors que Lycon fut inscrit au nominatif, comme la plupart des autres donateurs, la tournure au génitif, dans notre texte, semble indiquer qu'un citoyen athénien a souscrit au nom de Zénon: dans le n 9 19, on trouve ainsi deux étrangers représentés chacun par un citoyen et inscrits au génitif avec imé-p (voir les notes 90 et 101).

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ATI-IÈNES

ATHÈNES

bablement d'une initiative publique et non privée et que l'établissement de bain ~omme celui d'Hippoukômè en Lycie (nQ80), appartenait à la cité, non à un particu~ ber. Le f?ndateur du stoïcisme, comme on sait, vécut à Athènes à partir de 312/11. U.,_ von Wilamowitz a proposé, voilà déjà plus d'un siècle, de rapporter l'anecdote, de me°1:~que celles qui la suivent immédiatement dans l'ouvrage de Diogène Laërce, ·aux derme~e~ années ~e la ~ie du philosophe; mais, récemment, D. Knoepfler a élargi c~tte pe~ode_ au~ vm~t-crnq années allant de la libération d'Athènes du joug de Démétrios Pohorcete a la frn de la guerre de Chrémonidès (287-262/1) 45. Notons l'emploi de auµ/3ciÀÀrn6m, verbe beaucoup moins fréquent qu'bn8L86vm dans l_es décrets et les listes de souscriptions, mais dont l'usage au sens de «contribuer» est bien attesté par ailleurs à la voix moyenne. Il est ici d'autant plus ~ppr~pr_ié qu'il provient d'un texte d'Antigonos de Carystos. En effet, dans les 11:scriptions relatives aux souscriptions publiques, il n'apparaît que dans quelques cités d'Eubée et de Béotie, ainsi qu'à Délos 46.

pourraient dès lors désigner des travaux de fortification. Mais les circonstances de cette souscription nous échappent, de même que nous ignorons le nom du donateur et le montant qu'il a versé. On a proposé de voir dans le document suivant un écho de la même souscription.

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16.

DÉFENSE

DU PAYS (MILIEU

DU

me

SIÈCLE

A.C.)

Éd. les plus récentes: J. Kirchner, IG, II 2 , 798; B.D. Meritt, Hesperia, 4 (1935), p. 583; M.J. Osborne, ZPE, 78 (1989), p. 234-236, avec photographie, pl. XV-a.

20

[yEVT)µÉVT)S Els-

v rnt Ti)s È:m86arn[s yE]TTJV UÀUKTJV TT!S'xwpas È[v] TWL817µwLTl ÈV TftL ~Tl lTpàs Toùs aTpaTT)yoùs àTToypmj;a[µ]ÉvousµÉXPL Toû MoOUÀEÎ. UVL XL6\vos· v µ11 ÈçÉaTw 8È µ116EvtÈm8oûva[d lTÀÉOvHH v Bpaxµwv µ118' ÉÀaTTovv f,1·v ElVaL 8È TOLSÈm8oûm[v K]at KOLVE'i Kat l8taL ÈTTaLVE0fivm rnl nµ110fivm imà Toû 817µou Ka06n àv h a.çLos ËKaOTOSavTwv· v TOV 8È ypaµµaTÉa TOÛ 8[17]µouàvaypa.tj;m T6ÀL0tv[8]E Tà o/lÎdaµa]Kat Tà 6v6µam T6\v Èm86vT[w]v Èv GTLÀEL EL K[a]l aTfiam Èv TftL àyopfü OlTWSâv q>avEp[à]YJLcfoaaLv Tl q>LÀor Lµ(a Twv ~ou;\oµÉvwv e:ÙEpynE'iv T[àv] 8fiµ[o]v·v TO 8È àvciÀWµa r à yEv6µEVOVE'ls TE TT]VOTT]ÀT}V Kat TT]Và[vay]paq>T)VTWV àvoµar · TO 8È o/lÎ[]Laµa T68E, ÈlTEL8î) wv µEpi.am TOV ÈlTLTT!LfüOLKT]OEL lTEpl TT6pouxpriµa.TWVÈGTLVGTpaTLWTLK6\[v, cfoav] e:1vm ds uÀaKTJV TT!S XWpas.V Œ8E ÈlTÉ8wrnvEls TTJVaw[T]nplav Tfts 1T[6]ÀEWSKat TT)V q>UÀaKTJV Tfts [xlwpas KUTà T[à] o/lÎLaµaTOÛ817µou· KTÀ.

N.C.- Rest. Rang. et surtout Koehler.- L. 3: nom de la tribu martelé: il s'agit donc d'Antigonis ou de Démétrias; Koehler a suggéré celle-ci, car celle-là apparaît à la sixième prytanie dans /G, II, 836, 1. 1 (/G, IJ2,1534-B, 1. 141), mais il ne fut pas suivi; cf. aussi W.B. Dinsmoor, The Archons of Athens (1931), p. 95-96 (également sur le chiffre de la prytanie, restitué par Koehler) et S.B. Aleshire, ZPE, 64 (1986), p. 82.- L. 4: dème rest. Kroll, Hesperia, 46 (1977), p. 121-122;

N2 17

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AkuKovoEusl Wilhelm, Eph. Arch. 1892, p. 139; 'Alvœyupdcnosl Mer.- L. 5: 8EuTlpm rest. Unger, Philo!. Suppl. 5 (1889), p. 709.- L. 6: sigma du verbe rest. Mer. pour respecter la gravure stoichèdon.- L. 10: au lieu de 8E6µcva Pél. suggérait aussi 8fovmv ou avayK(!j:a.- L. 11: auyK[oµLa0GiaLv ol ÈK TT}S'(xwpas) Klap1rnt ou cwyK[oµLafü'iLo a1TOS' Kal (ol. lliot) Klaptrot Wilhelm dans I'add. de IG, 112,791, corrections violentes; [ol ÈK (xwpas) K]aprrol Kuenzi.- L. 17: È[îrayyct>,aa0m TE1 ~]ouÀE1Rang. et Koehler.- L. 18: a,roypat/Ja[aem ÈVTOS'µ11vos-Mo]uvLxtw· vos-Koehler; id. sans µ11v6s Kuenzi.- L. 20: [aTEavwfü'ivatTE mlt Rang. et Koehler.

«Trésorier des fonds militaires: Eurycleidès fils de Mikion, du dème de Képhisia. Sous l'archontat de Diomédon, sous la prytanie de la tribu Démétrias, dixième de l'année, pour laquelle Phoryskidès fils d'Aristoménès, du dème d'Alopékè, était secrétaire; le 30 intercalé d'Élaphébolion, deuxième jour de la prytanie; assemblée; du collège des présidents, mettaient aux voix Callistratos fils de Télésinos, du dème d'Erchia, et ses collègues; il a plu au peuple; Théophèmos fils de Timoclès, du dème de Marathon, a fait la proposition: afin que, grâce aux fonds réunis, le trésorier puisse allouer les fonds nécessaires afin d'assurer, pour le reste de l'année, la récolte des fruits en toute sécurité; à la Bonne Fortune; plaise au conseil: que les présidents qui seront tirés au sort pour la prochaine assemblée mettent cette question aux voix et présentent la proposition du conseil, à savoir qu'il plaît au conseil: que les volontaires parmi les citoyens et les autres habitants de la cité donnent pour le salut de la cité et la sauvegarde du pays, en s'inscrivant dans l'assemblée ou au conseil ou devant les stratèges jusqu'au mois de Mounichion; que personne ne puisse donner plus de 200 drachmes ni moins de 50; que les donateurs puissent être loués et honorés par le peuple, collectivement et individuellement, selon le mérite de chacun d'eux; que le secrétaire du peuple transcrive ce décret et les noms des donateurs sur une stèle de pierre et l'érige sur la place publique, de manière à rendre manifeste aux yeux de tous le zèle de ceux qui veulent rendre un bienfait au peuple; que le préposé à l'administration paie la dépense encourue pour la stèle et la transcription des noms; que ce décret, puisqu'il concerne la recherche de fonds militaires, soit tout entier de la catégorie des décrets pour la sauvegarde du pays. Ceux que voici ont donné pour le salut de la cité et la sauvegarde du pays, conformément au décret du peuple: etc.» Ce document est probablement l'un des mieux connus dans le domaine des souscriptions publiques. Il a conservé un décret presque intact, dont la date et la portée ont pu être relativement bien établies, et une assez longue liste de donateurs à laquelle il ne manque qu'une petite partie. Telle qu'elle est reconstituée depuis 1942, la stèle se présente en deux ensembles de fragments. Les quatre fragments supérieurs, qui se joignent et ont été recollés, portent le décret, l'intitulé et les neuf premières lignes de la liste (en trois colonnes). Les deux fragments inférieurs, eux aussi jointifs et recollés, donnent la fin de la liste: 39 lignes, suivies d'un grand vacat, de chacune des deux premières colonnes et 34 lignes, clôturées par un vacat plus grand, de la troisième colonne, dont il ne reste que la partie gauche. Les deux ensembles, que j'ai revus au musée d'Athènes (EM 7378 et 7405), ne sont pas jointifs. Mais il ne peut manquer entre eux qu'un texte relativement court, à moins d'imaginer une stèle aux dimensions disproportionnées. En effet, additionnés l'un à l'autre, ils forment

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déjà un monument trois fois plus haut que large (environ 125 x 41,5 cm). En outre j'ai tenté d'évaluer la lacune en alignant les deux blocs selon la tranche gauche, d'une part, et la longue cassure verticale, légèrement oblique, d'autre part. Il peut manquer, me semble-t-il, à peine 20 cm, soit une vingtaine de lignes 51. Comme celle de plusieurs archontes de la même époque, la date de Diomédon, sous lequel fut voté le décret, n'est pas fixée. J'adopte l'année 244/3, récemment proposée au terme de plusieurs recherches concordantes et qui paraît vraisemblable 52. Le but de la souscription est décrit aux lignes 9-12: réunir les fonds nécessaires à la sécurité des récoltes jusqu'à la fin de l'année. Or le décret, voté à la fin d'Élaphébolion (mi-avril 243) priait les volontaires de s'inscrire - et probablement aussi de verser leurs contributions - au cours du mois suivant, Mounichion (1. 18-19): délai d'un mois, relativement bref en raison sans doute de l'urgence et qui visait manifestement la récolte des céréales, orge et froment, de la mi-mai à la mi-juin (Thargélion), de même que celle des fruits et des légumes de la saison, et leur mise à l'abri durant le dernier mois de l'année, Skirophorion 53. L'opération était donc limitée à une période de deux mois. D'autre part, comme les fonds étaient destinés au trésorier (1. 10), c'est-à-dire au trésorier des fonds militaires sous l'autorité duquel était mise la souscription (1. 1-2) 54, pour qu'il assurât la «sécurité» (1. 12) des récoltes, il est 51 Je suis plus prudent que dans les Mélanges Gareau, p. 49-50 et n. 21, où j'ai brièvement présenté le document et imaginé une lacune de 20 à 30 lignes. De son côté Ch. Habicht, Studien, p. 31, aboutissait à un résultat légèrement inférieur (11 à 22 lignes), d'une part à cause des dimensions de la stèle, d'autre part en calculant qu'avec une lacune de 11 lignes, environ 32 donateurs supplémentaires (en trois colonnes) auraient fourni un talent, et qu'avec une lacune de 22 lignes il manquerait plus de 60 souscripteurs et deux talents. Mais pourquoi partir a priori de sommes aussi rondes? Voir la note 67. 52 Cf. G. Nachtergael, Historia, 25 (1976), p. 68-72, et Les Galates en Grèce et les Sôtéria de Delphes (1977), p. 211-241; Ch.Pélékidis, p. 37-40; Ch. Habicht, Untersuchungen, p. 133-142, et Studien, p. 28; M.J. Osborne, ZPE, 78 (1989), p. 209-242. B.D. Meritt plaçait Diomédon en 247/6 (Historia, 26 [1977], p. 176), puis il l'a descengu en 245/4 (Hesperia, 50 [1981], p. 78-99). L'année 244/3 a été adoptée aussi, entre autres, par Ed. Will, Hist. pol. du monde hell., I, p. 257-258. 53 Sur l'époque de cette récolte, voir A. Jardé, Les céréales dans /'Antiquité grecque (1925), p. (!. 12) s'applique aux céréales comme aux fruits et 45, n. 2. Les dictionnaires montrent que KapTT6saux légumes. C'est probablement par inadvertance que Ch. Habicht, Studien, p. 27, parlait d'un délai de deux mois, ce qui l'a entraîné (ibid. et p. 29, n. 86) à exclure la récolte des céréales, qu'il situait en mai, pour ne retenir que celle des fruits et des légumes en juin. 54 Charge exercée à ce moment par Eurycleidès, l'un des hommes politiques les plus importants de l'époque (voir plus loin). Ces fonds militaires apparaissent pour la première fois en 373, puis sont attestés par quelques documents, littéraires et épigraphiques, du IVe siècle: voir notamment G. Busolt-H. Swoboda, Griech. Staatsk. II, p. 1131 et 1145; G.L. Cawkwell, Mnemosyne, 1962, p. 381383; P. Brun, Eisphora, p. 170-176. Leur création est probablement liée à celle de la deuxième Confédération athénienne, mais, alors que pour G.L. Cawkwell ils désignaient sans doute dès l'origine une caisse bien définie, gérée par un trésorier, P. Brun y voyait l'appellation générale d'un fonds alimenté par la syntaxis et l'eisphora et probablement géré par les stratèges. Il est malaisé à la fois d'interpréter des sources peu explicites et parfois contradictoires, et de voir quels rapports avaient ces fonds avec le fameux théorikon, créé, selon P. Brun, vers 350, après la fin de la guerre des alliés: fonds identiques sous des vocables différents ou institutions dont la coexistence paraît contradictoire? P. Brun a émis tour à tour l'une et l'autre opinion. Ces stratiôtika réapparaissent, dans notre souscription, un siècle plus tard, mais on ignore s'ils avaient évolué entretemps et comment ils étaient alimentés. Quant à leur tamias, attesté non seulement par notre document, mais à partir de 344/3 (/G, II2, 1443), il fut supprimé entre 322/1 et 307/6, sous le régime plus autoritaire de Démétrios de Pha-

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évident qu'on voulait donner une protection armée à la campagne et aux paysans. C'est aussi pourquoi, en même temps que pour faire vite, on permit aux souscripteurs de se présenter aussi bien aux stratèges qu'à l'assemblée ou au conseil (1. 17-18). Il n'était pas rare que des troupes protègent ainsi les travaux agricoles, spécialement les récoltes, au moment où une guerre sévissait ou menaçait dans le pays. Plusieurs décrets attiques du IIIe siècle donnent d'intéressants parallèles 55. Parmi eux le décret du dème de Rhamnonte en l'honneur du stratège Épicharès fournit le plus de détails sur ce genre d'interventions: dur~nt la guerre de Chrémonidès, donc une vingtaine d'années avant notre souscription, Epicharès, chargé de la région côtière, a protégé manu militari les récoltes des céréales et des fruits dans un rayon de trente stades, a construit pour eux des abris couverts, établi des postes d'observation, veillé aussi sur les vignes, élevé à ses frais un abri temporaire pour y cantonner ses troupes la nuit et leur permettre d'intervenir rapidement, construit deux tours de garde et confié des chiens à leurs occupants 56_ On voit quels genres de frais il fallait prévoir: avant tout, bien sûr, la solde des troupes. Au printemps 243 la campagne attique, en tout ou en partie, vivait donc dans la guerre ou du moins dans l'insécurité. Reprenant et développant une remarque heureuse de W.S. Ferguson, Ch. Habicht a montré que trois dèmes de la mésogée (Erchia, Sphettos et Paiania) étaient représentés par un nombre relativement élevé de souscripteurs (21 des 80 donateurs encore reconnaissables avec leurs démotiques), alors que d'autres, de la ville et de la côte, l'étaient nettement moins ou pas du tout:

!ère. P. Brun en situait l'apparition autour de 350 (ou peu après) en même temps que la création de la caisse proprement dite des stratiôtika, alors que G.L. Cawkwell le faisait remonter aux années 370. Après l'examen des témoignages sur ses responsabilités (d'ordre militaire dans certains cas, mais aussi relatives par exemple à la gravure des stèles), G. Busolt et H. Swoboda concluaient, p. 11451146, qu'il ne semblait pas avoir joué un rôle central dans l'administration financière. Sur l'évolution de son rôle, voir aussi R.L. Pounder, Hesperia, 52 (1983), p. 248-250. Dans notre souscription il remplit des fonctions conformes à son titre. Par ailleurs on ne voit pas bien comment il partageait ses responsabilités avec le «préposé à l'administration», chargé ici (L 25-27) comme dans beaucoup d'autres décrets, des frais de la stèle. Ce magistrat, attesté depuis 307/6, semble avoir tenu un rôle plus central dans l'administration financière de la cité: voir G. Busolt-H. Swoboda, p.11471150; P.J. Rhodes, The Athenian Boule (2e éd. 1985), p. 107-110, et Clas. Journal, 75 (1980), p. 313-314. Dans les inscriptions, il alterne avec un collège de même titre qui, selon l'opinion commune, daterait des moments où Athènes s'affranchissait du contrôle macédonien: voir les mises au point d'A.S. Henry, Chiron, 14 (1984), p. 49-92, et ZPE, 72 (1988), p. 129-136. Mais, dans le Bull. épigr. 1983, 157, J. et L. Robert notaient que l'alternance ne reflétait peut-être qu'une variante de formule, le pluriel désignant le collège entier et le singulier, celui qui, à tour de rôle, s'occupait des affaires au nom du collège; dans le même sens, voir aussi Ph. Gauthier, Bull. épigr. 1987, 250, critiquant A.S. Henry. 55 Décrets pour Phaidros de Sphettos (/G, 112,682, L 30-37) et son frère Callias (T. Leslie Shear Jr., Kallias of Sphettos and the Revolt of Athens [1978], p. 2, 1. 23-27), de même que celui pour Zénon (/G, II 2, 650, 1. 16-19, avec les restitutions de T. Leslie Shear, ibid., p. 92-93), relatifs aux événements de 288n ou de 286. Décrets de dèmes ou de garnisons pour des stratèges: /G, n2, 1281 et F.G. Maier, Griech. Mauerbauinschr., 25, L 2-6 (Sounion, avant 263); IG, II2, 1235 (Sylloge3, 454) et F.O . .ty!aier,24, 1. 7-15 (Salamine, vers 250), /G, JI2, 1299 (Sylloge3, 485) et F.O. Maier, 22, 1. 16-17 (Eleusis, après 239/8). 56 B.C. Petrakos, Arch. Delt. 22 (1967), p. 38-52 (SEG, XXIV, 154), surtout 1. 8-15, avec les importants commentaires de J. et L. Robert, Bull. épigr. 1968, 247 et 1969, 220.

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sont absents notamment plusieurs dèmes urbains pourtant très peuplés. Il en a conclu que la menace devait venir de la frontière mégarienne, c'est-à-dire de la Confédération achéenne. Or Aratos allait à ce moment occuper pour la deuxième fois le poste de stratège des Achéens. La nouvelle de son élection avait dû parvenir en avril aux Athéniens, et ces derniers avaient des raisons de craindre l'entreprenant et ambitieux . stratège 57. En vérité, la première de ces conclusions n'est pas évidente: la mésogée pouvait être menacée de divers côtés. Il est clair en revanche qu'à ce moment les Achéens constituaient pour les Athéniens une réelle menace, aggravée par la réélection d'Aratos. En effet les uns et les autres venaient d'être mêlés, dans des camps opposés, au conflit entre Antigonos Gonatas et son neveu Alexandros, commandant de la région isthmique et de !'Eubée. Ce dernier, allié aux Achéens, avait même attaqué Athènes 58. En fait Aratos lui-même ne devait se tourner vers l'Attique qu'un an plus tard, après avoir concentré ses efforts sur la prise de l'Acrocorinthe à l'été 243 59. Mais on comprend que, dès le printemps, les Athéniens se soient hâtés d'assurer la prochaine récolte: la mesure, bien que seulement préventive, était bien destinée «au salut de la cité et à la sauvegarde du pays» (1. 16-17 et 30-31). Au moment du vote, l'assemblée décida en outre de ranger toutes les dispositions prises dans la catégorie privilégiée des décrets «pour la sauvegarde du pays» (1. 27-29), leur donnant ainsi prépondérance sur d'autres décisions contraires et, en particulier, mettant les fonds recueillis à l'abri de tout détournement 60. Au milieu du IIIe siècle, plusieurs garnisons occupaient et protégeaient !'Attique. La plupart d'entre elles étaient aux ordres et à la solde du roi de Macédoine: d'abord celles du Pirée, de Mounychie, de Salamine et de Sounion, dont le départ fut acheté en 229 par les Athéniens 61, ensuite celle de Rhamnonte, qui paraît être demeurée macédonienne, elle aussi, jusqu'en 229, enfin celles des forteresses du nord, Éleusis, Panakton et Phylé, dont l'occupation ne fut rendue aux Athéniens qu'en 238 ou 237, par suite de l'entrée de la Béotie dans l'alliance macédonienne. L'occupation du Mouseion, en revanche, leur avait été rendue peu après 256/5 ou 255/4 62. Dans l'alliance de la Macédoine, ces troupes avaient défendu !'Attique contre l'incursion 57 Studien, p. 28-30. Cf. auparavant W.S. Ferguson, «The Priests of Asklepios», Univ. Calif. Pub!. I, 5 (avril 1906), p. 160-161. 58 Sur ces événements, djfficilement datables mais qui ont occupé une dizaine d'années à partir sans doute de 253/2, voir Ed. Will, op. cit. I, p. 316-325. Rappelons que le lien établi par Ch. Habicht entre la souscription et l'élection d'Aratos repose sur la date de l'archonte Diomédon, qui ne fait pas l'unanimité (voir la note 52). 59 Comme Ch. Habicht, Ch. Pélékidis, !oc. cit., attribuait aux Achéens l'insécurité de l'Attique, mais, pour rendre plausibles leurs incursions dès l'automne 244 et le printemps 243, il a proposé de déplacer à l'été 244 la prise de l'Acrocorinthe par Aratos, ce que les sources ne permettent guère. Par ailleurs, p. 45-46, il a justement attiré l'attention sur un décret honorant des sitônai élus sous Diomédon (B.D. Meritt, Hesperia, 11 [1948], p. 3-4): Athènes veillait donc aussi à son approvisionnement extérieur. Mais les deux mesures ne sont pas nécessairement liées, car, on l'a vu, la souscription date de la fin de l'année, alors que la sitônie pouvait remonter à plusieurs mois. 60 Voir l'analyse des clauses de ce type dans le monde grec et la discussion des opinions antérieures chez F. Gschnitzer, Symposion 1979 (1983), p. 143-164. 61 Voir le commentaire du document suivant 62 Sur la situation des garnisons attiques à cette époque, voir la récente mise au point de Ch. Habicht, Studien, p. 16 et 54-59.

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d'Alexandros, quelques années auparavant, et s'apprêtaient à faire de même en cas d'invasion achéenne. Pourquoi dès lors lever une troupe supplémentaire pour protéger les récoltes, sinon parce que l'assemblée, mesurant la gravité du danger, ne voulait dégarnir aucun des fronts ni disperser dans la campagne une partie de ses effectifs? Il peut paraître étrange qu'Athènes ait pour cela recouru à une souscription plutôt qu'à une eisphora, certes tout indiquée en de telles circonstances. Mais l'eisphora ne jouait plus, semble-t-il, au IIIe siècle le rôle central qu'elle tenait au siècle précédent dans les affaires militaires 63, Peut-être, en outre, le choix s'explique-t-il par la hâte, comme en 392, et par le fait que le montant requis n'était pas très élevé 64 • En effet la souscription, bien qu'ouverte en principe à tous les citoyens et métèques (1.15-16), n'attira qu'un nombre réduit de donateurs et fournit au trésorier une somme relativement modique, du moins à l'échelle d'Athènes. Dans l'état où elle se présente, la pierre compte environ 130 souscriptions. Si l'on suppose, comme je l'ai suggéré cidessus, une lacune réduite, la partie perdue pouvait porter quelque 60 contributions (environ 20 par colonne). Au total donc, à peine 200 souscripteurs se sont présentés. Parmi les premiers inscrits (1, 1.34-35) on reconnaît Eurycleidès, alors trésorier des fonds militaires, et son frère Mikion, tous deux hommes politiques bien connus 65 . En outre Ch. Habicht a identifié plus de la moitié des 65 autres citoyens dont les noms et les dèmes sont conservés, avec des membres de familles riches ou des hommes politiques en vue: il a reconnu notamment sept archontes des années 263-229, onze membres de familles connues par leurs liturgies depuis le Ve ou le IVe siècle, bon nombre de cavaliers des années 260-240 et quelques autres citoyens actifs en politique à la même époque 66. Ainsi, ont répondu à l'appel non seulement beaucoup de notables, domiciliés principalement dans la mésogée, mais aussi bon nombre d'hommes politiques. Tous les montants ne sont pas conservés sur la pierre. On en compte 83, dont deux partiellement restitués: 73 de 200 drachmes, 8 de 100 drachmes et 2 de 50 drachmes (dispersés parmi les contributions de 200 drachmes), soit au total 15 500 drachmes, en moyenne plus de 185 drachmes par souscription. Si l'on applique cette moyenne, sans grand risque d'erreur, aux quelque 60 souscriptions manquantes et aux 45 autres dont les chiffres sont perdus, il faut ajouter à peu près 19 500 drachmes, ce qui donne

63 En tout cas les témoignages sont beaucoup plus rares: cf. R. Thomsen, Eisphora, p. 238, et

infra, p. 37. 64 Pour la souscription de 392, voir supra, p. 13; pour une proeisphora d'un montant plus de vingt fois supérieur, voir infra, p. 37. 65 Voir le fragment de décret en l'honneur d'Eurycleidès dans /G, If2, 834 (Sylloge 3, 497) et chez F.G. Maier, 15. Avec son frère il fut également à l'origine de la libération d'Athènes en 229: voir le commentaire du document suivant et la note suivante. 66 Studien, p. 32-33, où l'on trouvera le détail de l'analyse. Voir aussi, p. 178-185, l'étude prosopographique de deux éminentes familles représentées dans la souscription: celles d'Eurycleidès et Mikion de Képhisia, et de Droméas d'Erchia. Il faut en revanche éliminer Diogénès, connu en 229 comme commandant de la garnison du Pirée et dont on a voulu restituer le nom à la ligne I 48 avant l'ethnique «Macédonien»; en effet Diogénès était un Athénien de souche: voir l'état de la question chez Ph. Gauthier, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, p. 65.

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~n total, compl et d'environ 35 000 drachmes ou presque six talents 67. À dix exceptions pres, on 1a vu, les donateurs dont les montants sont conservés ont tous versé 200 drachmes, maximum souhaité par le décret (1. 19). En effet l'assemblée n'a pas laissé libre cours à la générosité de chacun. En outre elle a imposé un minimum de 50 drachmes qui, sans être très élevé, n'était certainement pas à la portée de toutes les bourses. Il se confirme ainsi que l'opération fut conçue et organisée par un certain nombre de citoyens influents qui, par un geste collectif d'évergétisme, se sont entendus pour fournir à la cité à peu près le montant dont elle avait besoin. On ignore comment fure?t utilisés les fonds. Mais si, à l'exemple du décret pour Êpicharès, on suppose que diverses dépenses, comme celles des constructions, ont exigé une partie d~ la somme, on peut imaginer qu'il en restait pourtant une grande part pour la solde: ~1s?ns qua~re ou cinq ~lents. Sachant qu'à l'époque la solde moyenne d'un hoplite etalt de hmt oboles par Jour 68, on voit que quatre talents permettaient de payer 300 hommes, et cinq talents, 375 hommes, durant 60 jours. La plupart des donateurs furent des citoyens, comme il se devait dans une affaire aussi nettement politique. Aucune femme n'apparaît donc, même par l'intermédiaire d'un mari, d'un frère ou d'un fils. Sept métèques se sont joints à l'effort: un Macédonien, un Syracusain, un Corinthien, un Mésembrien, un certain Callimachos dont l'ethnique n'est pas indiqué, Lycon, péripatéticien bien connu, identifié simplement comme philosophos 69 , et un isotèle. Chacun d'eux a versé le maximwn souhaité, sauf le dernier, qui a donné 50 drachmes en son nom et autant au nom de son fils. On ne trouve par ailleurs que deux autres versements familiaux, effectués par des citoyens en leur nom et au nom de leur fils: un seul don, de 200 drachmes, est encore lisible. Les dernières clauses du décret (1. 20-27), concernant les honneurs à rendre aux souscripteurs, se passent de commentaire. 1

18, DÉFENSE DE LA CITÉ ET FORTIFICATION DU PORT (A VANT ET APRÈS 229 A.C.) U. Koehler, /G, II, 380; J. Kirchner, /G, II2, 835; B. Leonardos, Arch. Delt. 2 (1916), parart., p. 70~71, n~ 4, avec photographie, fig. 4 (Ad. Wilhelm, Pragm, Ak. Ath. 4 [1936], p. 30-32: les 18 prermères lignes= Akademieschr. II, p. 544-546); F.G. Maier, Griech. Mauerbauinschr. 16 avec commen,taire, (SEC, XIX, 80). J'~i relu les premières lignes et fait un estampage de la,pie~e au musée d Athenes (EM 7468), mats sans plus de succès que mes prédécesseurs. Voir aussi une photographie chez J. Pel!rrka, The Formula/or the Grant of Enktesis (1966), pl. 23. 67 _ La moyenne étant exactement de 1,86,74 drachmes, le total des sommes manquantes s'élève en

fatt ~ un peu plus de 19 ?08_drachmes. A la suite de calculs différents (voir la note 51), Ch. Habicht, Studzen, p. 30-31, aboutissait à un total compris entre quatre et six talents. 68 Cf. M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques, II, p. 758-764· P. Ducrey BCH 94 (1970), p. 653-656. ' ' ' 69 2 L. I 71. Son cas est tout à fait analogue à celui de Zénon dans le n 14 (voir la note 44).

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- - - - - N o 817µos Èç Èm86adws - - - - -] - - - - - N ds TTJVawTT)plav Twµ n-[oÀL Twv] [Èv n-pw]TOLStn-É8WKE~Kat ÙTTÈpÉm:TOV [Ka.}. ùl,-

4 hrÈp Tw]v ùwv à.µq>oTt:pwv8aov TTÀELaTov[ijv Ev][8EXÔ]µE[v]o[vl· 15'.[aTlà8È Toµ n-po8avELa[µov XPTJl[µcfüwv [dls- TT]VÈÀE:u0EptavETI- - - - - - - - - - - füOXLALas TTpOELOTJVEYKEV 8paxµà[s OÙX ÙTTO] 8 [Toû 817µlov [àçLlw0Ets, àÀÀà aùTos ÉKwv [Tf\s;Toû] [8Tj]µ,ou [xpldas aToxa(ôµEvos· ml vûv 8~ [ A0r]vatwv] [TTJV6xlûpwaw Toû Èv ZÉm, ÀLµÉvos [~q>L,aal-, [µÉvwvl, où[8È] TaÛTTJS ÙTTOÀÉÀEL TTTULT[TJSETTL8o]l 2 [arnsl, à.ÀÀà Toî.s TToÀt mLs Èva.µLÀÀo[vn-apa][L..LV EV rrpwTOLSlW1I., mats Koehler a transcnt ~u EIJ Kirchner; EIT Maier; j'ai cru lire le pi; ~'IJÜfü86vTWv]Kuenzi, p. 18, mais déb~t . l'ensemble ne donne pas de sens satisfaisant: voir le cornrnentarre.- L. 7-9: lect. et rest. Leon., sauf les lettres pointées par Maier.- L. 9-10: rest. Wil., mais je conserve 8É, partiellement lu par Lean. et Maier; 1ml [v)D[vToû 8-fJµou ds TT]V6xu]pwo-LvToû Év ZÉm ÀLµÉ~o[s1/rriLaaµÉvou Érrt8oaLV] Koehler suivi par Kirchner; Kal vûv ô~ [ca. 5 1/2 TTJV6xulpwaLV TOU Év U-m ÀLµÉvo[s]~ [ca. 6 puis 5 1/2] Leon.; Kal vûv ~ [. ... ds TTJV6xl~pwmv mû ~v Zfot >..tµtvos x[p17µarn? ca. 6] Maier; je n'ai vu trace à la fin ni du K de Leon. m du X de Ma1er.- L. 11-15: lect. et r_est.K~ehler, sauf 8uo[vrrEp] Kirchner au lieu de foo[v] (N lu par Maier) et 'Ayaµ17[8]ou Leon. au heu de Ay[aµÉv]ou[s](~ lu partiellement par Maier).

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« ... le peuple par une souscription ... pour le salut des citoy~ns, parmi l~s premiers il a donné en son propre nom et au nom de ses deux fils le maxunum permis; et en vue de l'avance de fonds pour la liberté ... il a fourni deux mille drachmes, ~on à la demande du peuple, mais attentif de son plein gré au besoin du peuple; et mamtenant, les Athéniens ayant voté la fortification du port de Zéa, il ne s'est pas dérobé non plus à cette souscription, mais, se montrant égal aux citoyens, il a versé la s~II?11evotée par le peuple en son propre nom et au nom de ses fils Tharrynon et Agamedes; etc.»

Le bénéficiaire de ce décret honorifique, Apollas fils de Tharrynon, était un riche métèque, mais, comme seules les dernières lettres de son ethnique s~mt conse~ées (L 23), on n'a pu établir son origine avec certitude '.o. ~algré leur e_tat_ lacunair~, les considérants repris ci-dessus font clairement allusion a deux souscnpttons pubhques 70 Voir des exemples de restitutions possibles chez J. Pe~frka, p. 114, n. 2.

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auxquelles Apollas a successivement pris part (1. 1-5 et 9-15). On y trouve en effet non seulement le terme epidosis (restitué avec vraisemblance aux lignes 11-12), mais surtout le rappel caractéristique de dons effectués, à l'invitation de l'assemblée, par Apollas en son nom propre et au nom de ses deux fils 7 1. Si le texte ne précise pas le montant des versements, comme le font souvent les décrets honorifiques de ce genre, c'est que dans les deux cas ce montant avait été fixé par l'assemblée. La première fois, comme lors de la souscription de 243 (document précédent), l'assemblée a indiqué aux souscripteurs un maximum - et probablement aussi un minimum - et Apollas s'est montré le plus généreux possible. La deuxième fois, si je comprends bien le texte, l'assemblée a non seulement demandé à tous les souscripteurs une contribution identique, mais également invité les seuls citoyens à souscrire. Apollas a néanmoins tenu à donner sa part, que la cité a naturellement acceptée avec gratitude. On ne peut établir exactement la date de la première souscription, mais elle a précédé une autre opération qui, on va le voir, doit probablement se situer en 229 (1. 59). Son objet, le «salut des citoyens», n'était pas sans importance et l'expression, bien que relativement banale, peut être rapprochée du «salut de la cité» évoqué dans le document précédent. Peut-être en effet notre décret rappelle-t-il la participation d'Apollas à cette souscription ouverte quinze ans plus tôt 72. Mais les dangers n'ont sans doute pas manqué en Attique dans les années suivantes, ni les occasions pour la cité de recourir à des contributions volontaires. Malgré une courte lacune, les lignes 5-9 donnent manifestement un sens complet. Celui-ci n'apparaît pourtant pas d'emblée et a donné lieu à plusieurs interprétations. Un point sur lequel s'accordent la plupart des commentateurs est le sens de la «liberté» mentionnée à la ligne 6. U. Koehler a heureusement rapproché cette allusion, de même que celle qui, à la ligne 10, rappelle la fortification du port de Zéa, d'une part d'un décret voté durant les mêmes années en l'honneur d'Eurycleidès, d'autre part de récits de Plutarque et de Pausanias 73. Ces derniers racontent en effet qu'à la mort du roi de Macédoine Démétrios II (au début ou au printemps de 229), les Athéniens demandèrent l'aide de l'Achéen Aratos pour se débarrasser des troupes qui, à la solde de la Macédoine, tenaient encore Le Pirée, Mounychie, Salamine et Sounion. Diogénès, commandant de la garnison, accepta de libérer les lieux moyennant 150 talents, et Aratos lui-même en fournit 20 à la cité. Le prix du marché ainsi conclu était relativement élevé, mais certes pas hors de portée des Athéniens: peu auparavant, ils avaient pu réunir près de six talents grâce aux dons de 200 souscripteurs à peine (document précédent). Le problème était plu-

71 Dans le deuxième cas, l'emploi d'eispherein pourrait à première vue renvoyer à une eisphora, d'autant plus qu'on pourrait songer à restituer Elcrqiopâs aux lignes 11-12 au lieu d'é-m86crrns. Mais les tournures des lignes 12-15 indiquent clairement une souscription. Eispherein est donc employé au sens large de «verser, fournir». 72 Dans ce sens cf. A. Kuenzi, p. 17. J;l.G. Maier, p. 82, était plus réservé. Le nom d'Apollas pouvait se trouver dans une lacune du document n2 17. 73 /G, IJ2, 834 (Sylloge3, 497); F.G. Maier, 15, 1. 11-17; Plut., Aratos, 34, 5-6; Paus., II, 8, 6. Sur l'épisode, voir Ed. Will, Hist. pol. du monde hell. I, p. 363-364; Ch. Habicht, Studien, p. 7993, et ma contribution à Boiotika. Vortriige vom 5. internationalen Bootien-Kolloquium (1989), p. 193-201, dans laquelle on trouvera le détail de la discussion.

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tôt de trouver rapidement une telle so~me ~4 • L'occasi~n était doi:c ~out indi~uée pour un effort national ~o~s la forme d un~ ezsphora o? d ~ne sous~r_ipt1onpublique. Peut-être d'ailleurs la elle a-t-elle reçu d autres contnbut10ns exteneures que celle d'Aratos. Mais nous n'en avons aucune trace et l'on sait qu'Aratos était fort désireux d'attirer Athènes dans la Confédération achéenne. Son geste fut donc probablement isolé. Il est clair d'autre part que la cité n'a pas ouvert de souscription interne, à moins que notre décret n'en souffle mot, car les te~e~ emp,loyés, prodaneis_mos et proeispherein, ~v?quent tout autre c~~se. Comr:ie J a1 tente de 1~montre~-a1lle~rs, prodaneismos des1gne probablement 1c1une proezsphora, de la meme mamere qu un décret d'Amyzon du début du Ile siècle utilise prodaneizein pour décrire une opération manifestement assimilable à une proeisphora 75 • Certes il peut paraître étrange que, pour désigner _cette institution cl_assi~ue,notr~ document util}se u~ terme ~us~i rare. Mais ce dernier donne un sens identique et n est donc pas deplace. Il est mteressant de noter la persistance, à cette époque, d'un recours financier très utilisé au siècle précédent et qui, peu attesté dans la suite, paraît être sorti de l'usage courant. Peut-être le changement de vocabulaire reflète-t-il une évolution de son organisation. Quoi qu'il en soit, pour répondre rapidement a?x conditions de ~iogénè~, l'ass_emblé_e athénienne a imposé l'avance des fonds aux citoyens les plus nches. St le pnx avait été moins élevé, elle aurait pu, comme dans le document précédent, demander plutôt des contributions gratuites. Sans y être obligé, Apollas a pris part à l'effort commun avec une somme de 2 000 drachmes 76. Si l'on suppose que le nombre des proeispherontes était encore de 300, comme autrefois, et si chacun d'eux a versé la même somme qu'Apollas, le total de leurs avances s'est élevé exactement à 100 talents. Mais, pour réunir les 130 talents nécessaires, il suffisait de demander à chacun d'eux 2 600 drachmes, avance dont ils devaient ensuite être remboursés par les eisphorai de leurs concitoyens. Peu de temps sans doute après la libération, Athènes entreprit de fortifier ses ports et de restaurer les murs de la ville et du Pirée 77 . Nous ignorons comment elle finança l'ensemble des travaux, probablement considérables, mais nous apprenons par les lignes 9-11 de notre décret qu'elle ouvrit au moins une souscription publique, dont nous ne connaissons pas l'ampleur, pour fortifier le port de Zéa. Sans doute dut-elle échelonner l'entreprise sur une certaine période et décider chaque fois à quels moyens elle ferait appel: eisphora, souscription ou emprunt public, aide extérieure par exemple 78. Comme on l'a vu, les métèques ne furent probablement pas invités, du moins explicitement, à souscrire pour fortifier Zéa, mais cela n'a pas empêché Apollas de contribuer aux côtés des citoyens. 1 '

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74 Dans le même sens, cf. Ch. Habicht, ibid., p. 80. F.G. Maier, p. 79, en comparant avec d'autres cas analogues, trouvait le prix «moyen». 75 J. et L. Robert, Fouilles d'Amyzon en Carie, I, n2 28. Voir aussi mon article cité à la note 73. 76 Proeispherein est donc bien employé ici dans son sens technique. 77 Décret pour Eurycleidès (note 73), 1. 14-16. 78 W.S. Ferguson, Hellenistic Athens (1911), p. 211, évoquait une taxation directe et plusieurs souscriptions auprès des citoyens et des résidents étrangers. Mais les preuves manquent.

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À la même souscription - ou du moins au financement de l'un ou l'autre de ces travaux - on rapporte généralement l'allusion suivante, conservée au début des restes d'un décret en l'honneur d'Aristocréon, probablement neveu du philosophe Chry8È mt Els TT)Vxwmv[Twv X1µÉvwv- -] 79. Le rapsippe (1. 6): [- - ÈTTÉ8wK]E prochement, proposé par Ad. Wilhelm il y a un siècle, en partie peut-être à cause de l'allusion (isolée) à la «liberté» trois lignes plus haut, a paru heureux à la plupart des savants 80. Or, d'une part la date du décret est mal assurée: il peut être postérieur à 229 de plusieurs décennies 81; d'autre part et surtout, le terme xwaLs, qui signifie «amoncellement, terrassement» et qu'on a rapproché abusivement d'oxupwaLs, peut certes désigner des travaux de fortification, mais il convient davantage à des travaux de siège 82. Appliqué aux ports comme le proposait la restitution d'U. Koehler, il signifie exactement la fermeture de ces derniers par une jetée ou une digue, mesure défensive qu'on voit mise en oeuvre, par exemple, à Mytilène au moment où celle-ci préparait sa révolte contre Athènes en 428 83 ou par Athènes elle-même, en plein désarroi à l'annonce de la défaite d'Aigos Potamos 84. Une telle fermeture des ports athéniens - ou du moins de l'un d'eux si l'on restitue un singulier au lieu d'un pluriel - paraît peu appropriée au lendemain d'une action d'éclat qui rendait à la ville sa pleine souveraineté. La prudence s'impose donc, à mon avis: ces travaux de terrassement renvoient sans doute à des circonstances que nous ignorons 85. Quant à la souscription à laquelle ferait allusion [ÈTTÉ8wK]E, elle me paraît également douteuse, non seulement parce que le verbe est presque entièrement restitué 86, mais surtout parce qu'il peut désigner un don isolé. La même réserve doit s'appliquer, je crois, à deux autres documents qu'on a rapprochés du nôtre: d'abord les restes d'un décret en l'honneur d'un banquier, qui paraît dater lui aussi de la fin du IIIe siècle, mais qui peut évoquer aussi bien une contribution isolée, dont nous ignorons d'ailleurs l'objet, que la participation à cette souscription 87; ensuite un fragment d'inscription en l'honneur d'un inconnu qui a 79 A. Kirchhoff, Sitzungsb. Ak. Berl., 1887, p. 1069, nQ8 (Ad. Wilhelm, Hermes, 24 [1889], p. 331-336); U. Koehler, /G, II 5, 407-e; J. Kirchner, /G, II2, 786 (Sylloge 3 , 475). Voir mes brèves remarques dans L'emprunt public, p. 32. 80 Outre les éditeurs ultérieurs cités à la note précédente, voir notamment A. Kuenzi, p. 51, et Ch. Habicht, Studien, p. 81 et n. 11. 81 Voir la discussion de J. Pe~frka, p. 109-110. 82 Cf. par exemple Thue., II, 75-76: xwms est employé en 76, 4; ailleurs xwµa désigne la jetée que les Péloponnésiens élevaient face aux murs de Platées. 83 Jbid., m, 2, 2: MµÉVwvxwats. 84 Xén., Hel/., II, 2, 4: dTroxwam Toùs >-.tµÉvas; Diod., XIII, 107, 1: Èmxwvvuvm Toùs >-.tµÉvas. 85 À noter qu'Ad. Wilhelm n'a rien restitué après xwatv et que sa proposition concernant l'année 229 mentionnait autant la restauration des murs de la ville que la fortification des ports. W.S. Ferguson, op. cit., p. 207-211, n'a pas cité ce document dans les pages consacrées aux mesures prises après la libération. F.G. Maier, p. 82, l'a explicitement écarté parce qu'il ne pouvait s'agir de travaux de fortification. 86 Certes la restitution d'Ad.Wilhelm est heureuse, mais beaucoup de verbes conviendraient à l'E final, seul conservé. 87 JG, 112, 857, l. 14: [- - Èm&8lwKévm aÙTov T[aJ>,,a[vT--]. Le rapprochement est suggéré par Ch. Habicht, Studien, p. 82, n. 18.

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donné des fonds, isolément sans doute, pour la fermeture des ports à une date indéterminée 88.

19.

OBJET INCONNU (183/2 A.C.?)

S.A. Koumanoudis,

u2.2332.

Philistôr, IV, p. 341-344, n 2 5; U. Koehler, /G, II, 983; J. Kirchner, IG, 1

Cf. A. Kuenzi, p.13-14 et 28-30.

Œ8E È'1:M8wmv Els

T-

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ÈTTL'EpµoyÉvousl q.p)_([OVTOS]'

KTÀ.

N.C.- Koum., n'ayant lu que les 5 premières lettres, a restitué le verbe avec doute. À la fin de la 1. 2, il a lu le bas de 3 lettres indistinctes qu'il interprétait comme APX, d'où sa rest. Le nom de l'archonte, rest. par Koehler, se trouve col. I, l. 119 (selon la numérotation de Kirchner) où il date les contributions des thesmothètes. Personne n'a rien lu d'autre à la I. 2. J'ai examiné la stèle au musée d'Athènes (EM 10399+2516+8033) et lu au début le bas de la première haste du pi (Koehler et Kirch. ont lu les deux hastes). Je n'ai rien lu de la suite ni de la 1. 2, qui pouvait en effet commencer en retrait: il ne semble y avoir aucune trace de lettres au début. L'érosion de la pierre au centre a emporté non seulement l'essentiel du titre, mais encore la partie droite de la première colonne des donateurs, avec les montants souscrits (environ 50 lignes), les 60 premières lignes de la colonne médiane et presque tous les noms et montants des 25 premières lignes de la colonne de droite. J'ai renoncé à déchiffrer la liste, car Madame Peppas-Delmousou en prépare une nouvelle édition, avec quelques nouveaux fragments (voir plus loin la note 100). Le texte de Kirch. laisse à désirer, tant pour la numérotation des lignes que pour plusieurs restitutions de montants perdus.

povTt8os Els Tàv .6.âµov TWV'Pwµatwv Kal TTOTL Tàv LE~aCJTàvEÙvot~,vË8o~E TÔl.ScrvvÉ8poLS ÈTTaLVÉO"aL TOÙSÈTTavyEk µÉvovs ÈTTLTTÛCJL TOÎ.STTpoyEypaµµÉVOLS" OTTWS 8È: ij 8Lci8î]ÀOS à 8E8oxcipLs, µÉ:va {m' aùTwv Tq TTOÀEL àvaed TW TTapà Tà LE~UCJTELOV 'ETTLVLKOS 6 ypaµµaTEÙS TWVcrvvt8pwv ÈK Tâv Tâs TTOÀLos Elcr68wv xapci40 eas ds CJTUÀ.av À.L8tvavrn8ws ËKaO"TOS UTTÉCJXETO Kal OTLÈTTLypaµµaTÉoS crvvÉ8pwv'EmvtKov· cllCJauTWS 8È: Ka0' ËKaO"TOV àva0T]µa TWVTEÀE0"0T]CJOµÉVWV 'YLVÉCJ8W ÈTTLypaq>àon UTTÉO"XETO ÈTTlypaµµaTÉoS avvÉ8pwv 'ETTLVLKOlJ. vacat

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MESSÈNE

. ,f.!·C;-,Au-dessus de la 1. ~. au début, quelques traces inutilisables de lettres.- L. 1: je lis la moitie mfeneure des deux prermères lettres et le bas de la troisième (rien Or.), puis la partie inférieure gauche ~e l'O po~té, la moitié inférieure (avec départ de la boucle) du P, la moitié inférieure d'une ha~te qm ?e peut etre qu'q_n I, enfin le bas d'une haste qui, vu l'écart qui la sépare du I, ne peut être ~u un T; ..wµa TO ds Tàv av]œypmpâv Hi!., mais la longueur des lignes ne peut être fixée.- L. 3-4: [rnû 86yµaToS b KaTlao-rn8ds Fouc.; T[oû 86yµaToS? 86Tw b 8e'i:va à KaT]ao-rn8Els Hil.- L. 4-5: rest. Fouc.; TTE0-6!VTwv Tfü TT6ÀtKaT' ÈVWVTOV füla6pwv Hil.- L. 6: [Kuptolv foTw Fouc., fixant ainsi la longueur de la ligne; [El 8È TWLSâµwt d).,).,o 861;-Q, KUptolvHi!., faisant la ligne plus longue.- L. 7: 8661(d Maier, corr. inutile.- L. 8: !EL8È 86.;u TWL86.µwt i\ To'ls auvÉ8p]ots Hi!.; peut-être [- -rn1s o-TpaTT]ylo1sou [TToÀéµa.px]otsFouc. dans son commentaire; ensuite 8(L)6.ypaµµa Maier suivant la copie de Rich., mais celle de Hirsch. donne l'I.- L. 9: [- - µT]v6s- -] Hi!.- L. 9-10: Taû[rn Kupta Ëo-Tw].vacat Hi!.; rien Fouc.- L. 11: ['ETTÉ8wr]pov Fouc., faisant une ligne courte; [El 8É TLVESTELXÉWV µÉpas(?) Kal Tâq>]pov Hi!., faisant une ligne plus longue.- L. 11-12: KEKÀapwµÉ[vov@v µilKoS OÙKÈ]o-T(Fouc.; KEKÀapwµt[vot do-lv - - - @v µilKoS oÙK ÈlaT( Hil.- L. 13: rest. Hi!.; [rnl àvÉOTT]O-avTàs KÀL]µaKa[s] r