Les signes du zodiaque

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Les signes du zodiaque

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Les signes du

ZODIAQUE

Oswald Wirth Préface et commentaires de Igor Barzilai

Né à Brienz en Suisse, Joseph Paul Oswald Wirth (1860 – 1943) grandit dans une ambiance familiale tolérante et reçoit éducation et instruction dans des institutions religieuses. Après des études dispersées, un détour en Angleterre et son intégration à l’infanterie de Chalons sur Marne, il rejoint la franc-maçonnerie en 1884 où il accède dès l’année suivante au grade de compagnon puis de maître. C’est en 1887 que se produit sa rencontre décisive avec l’occultiste et poète Stanislas de Guaita – dont il devient le secrétaire et l’ami – et avec qui il réalise le tarot kabbalistique paru en 1889. Participant à diverses publications, il anime un groupe avec lequel il écrit Le Rituel interprétatif pour le grade d’apprenti qui, remanié et enrichi, deviendra le premier tome de sa trilogie continuellement rééditée : La franc-maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes. En 1912, il lance Le symbolisme, mensuel initiatique dont il assurera la direction durant vingt ans. À partir de 1921, il enchaîne les ouvrages : il s’agit d’abord d’essais (Les signes du zodiaque), de commentaires ou de traductions (Le Serpent vert, Le poème d’Ishtar) puis de compilations d’articles philosophiques (L’idéal initiatique). À partir de 1926, il écrit plusieurs volumes franc-maçonniques ainsi que des méthodes d’investigation dédiées à des sujets ésotériques (Le tarot des imagiers du Moyen Âge, Le symbolisme astrologique et Le symbolisme hermétique de la francmaçonnerie, qui forment à eux trois sa seconde trilogie). Couvrant l’essentiel de l'occultisme de l'époque, les textes d’Oswald Wirth révèlent un philosophe, éternel chercheur dévoué à la transmission didactique, mais aussi un homme aux valeurs simples, soucieux d’aider son prochain sur sa voie et son éveil.

Que soient ici remerciés pour leur contribution Boris Déniel pour sa relecture d’ensemble et ses correctifs ortho-typographiques Xavier Albert pour ses remarques sur l’introduction astrologique Anne Pinel et Pascal Godart pour les correctifs liés à leur domaine de compétence respectif

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Copyright 2017 Igor Barzilai & Tétraèdre. En application de l’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction des textes, des schémas ou des images, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite.

Oswald Wirth

Les signes du zodiaque illustrés par l’auteur et agrémentés de neuf schémas additionnels Préface et commentaires de Igor Barzilai

Tétraèdre

Préface Lorsqu’Oswald Wirth aborde un sujet ésotérique, il le pénètre en profondeur sous ses divers aspects : historique, scientifique et symbolique. Dans Les signes du zodiaque, il nous propose une vision d’ensemble conduite par un jeu d’analogies mettant en rapport les douze constellations avec la mythologie, l’hermétisme et les arcanes du tarot : trois de ces univers que l’auteur décrit comme les multiples arbres de la connaissance des choses cachées. De ces rapprochements se dégage une cohérence d’ensemble, comme si chacun de ces domaines répondaient à une même préoccupation ancestrale. Oswald Wirth la pointe du doigt et nous la laisse percevoir selon notre capacité individuelle.

Bref historique Les signes du zodiaque est le premier essai d’astrologie d’Oswald Wirth. Il n’a que rarement fait allusion à cette science dans ses précédents écrits : dans son premier ouvrage, il évoque succinctement les planètes mais nullement les signes du zodiaque1. Cela s’explique par la simple raison qu’au tournant du xxe siècle, l’astrologie n’était plus à la mode, fait que notre auteur nous révèle dans un de ses derniers écrits : L’astrologie classique ne se pratiquait plus à la fin du xıxe siècle et les occultistes d’alors la considéraient comme une science définitivement morte.2 À cette époque, un seul astrologue semble avoir écrit sur ce sujet et sa méthode, nous paraît aujourd’hui exotique : Autour de Stanislas de Guaita ne gravitait qu’un unique astrologue, Élie Star3, devin qui tirait ses oracles, non d’un horoscope conforme à la position réelle des astres au moment de la naissance d’un consultant, mais du nom de celui-ci, en reportant aux signes du zodiaque les lettres de l’alphabet 4.

1 L’imposition des mains, Paris, Chamuel éditeur, 1897 (page 182). Dans le septième chapitre de cet ouvrage, l’auteur fait une seule allusion à l’astrologie : « À chaque métal se rattache en outre une planète ou une divinité olympienne ». 2 Stanislas de Guaita, Souvenirs de son secrétaire, Paris, éditions du Symbolisme, 1935, (page 203). Les autres citations de notre bref historique, reproduites ici en italique, sont extraites du même livre. 3 (sic) l’orthographe correcte est Ély Star. 4 Ce qui nous est confirmé en introduction d’un des ouvrages d’Ély Star : « Indépendamment de l’influence mystérieuse que nous prêtons aux planètes et aux constellations zodiacales, notre méthode individualise les présages de l’horoscope, à l’aide des noms et prénoms des consultants. La date de la naissance de ces derniers nous sert à orienter le zodiaque ; tandis que le nom et le prénom du sujet (c’est-à-dire sa signature personnelle), traduit kabbalistiquement en nombres, nous indiquent par des tables spéciales, la place que doivent occuper les planètes dans les douze maisons solaires. » Ély Star, Les mystères de l’horoscope, E . Dentu éditeur, 1888 (page ıv).

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C’est durant le premier tiers du xx e siècle que l’on s’intéresse à nouveau à l’astrologie et qu’on l’étudie selon divers points de vue5. La résurrection est venue, au détriment de la kabbale, de l’hermétisme et de la magie. Des polytechniciens ont calculé des thèmes selon l’astronomie, ce qui leur fit constater que les astres parlent, quand on sait les interroger. C’est dans ce contexte de renouveau d’intérêt pour l’astrologie que s’inscrivent Les signes du zodiaque. Oswald Wirth émet un scepticisme rationnel sur cette pratique et paradoxalement, exprime la nécessité de comprendre cette science ésotérique. Parlant des astres, il nous dit : Leur langage est celui des symboles et donne lieu à une grammaire spéciale, s’appliquant aux sept planètes, aux douze signes zodiacaux et aux douze maisons de l’horoscope. L’astrologie fut-elle une chimère, son ingénieux symbolisme n’en mériterait pas moins d’être étudié. Il s’est imposé à l’imagination des astrologues et leur fait deviner des choses exactes, alors que rien ne saurait justifier rationnellement les procédés divinatoires de l’astrologie6. Notre pauvre sagesse s’effondre devant une folie qui a raison ! Nous voici lancés dans un occultisme digne de la Papesse du tarot. La grande prêtresse trône devant le voile tendu entre les deux colonnes de l’impénétrable sanctuaire. Elle tient les clefs du savoir et entr’ouvre à peine le livre de la révélation. Parmi les constellations, elle est Cassiopée, la reine d’Éthiopie, épouse de Céphée, le roi noir, dont le turban coiffe le fou du tarot. Ne nous dissimulons pas que notre lumière est obscure et ne nous effarons pas trop devant ce qui nous déconcerte.

5 Papus lui-même, auteur occultiste prolifique, s’est peu intéressé à cette discipline et n’écrira son Initiation astrologique qu’en 1916 (publiée à titre posthume en 1919). 6 Cette contradiction apparente trouve une explication scientifique dans la synchronicité de la psychologie analytique de Carl Gustav Jung.

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Un second ouvrage Seize ans après Les Signes du zodiaque paraît Le symbolisme astrologique qui en est un approfondissement : il se structure en quatre parties dont l’une d’elles reprend l’essentiel du premier ouvrage. Malgré les ajustements et reformulations, elle est très fidèle au sens du texte original : 1921 : Les signes du zodiaque

1937 : Le symbolisme astrologique

Pour les observateurs du ciel, l’équinoxe du printemps marque le commencement de l’année. Franchissant l’équateur, le Soleil quitte alors les régions inférieures, pour s’élever rapidement, en donnant le signal du réveil aux énergies végétales qui sommeillaient sous terre.

L’équinoxe du printemps marquait jadis le renouvellement de l’année. Franchissant l’équateur céleste, le Soleil s’élève alors des régions hivernales, en donnant le signal du réveil des énergies végétales qui sommeillaient sous terre.

Dans ces deux ouvrages, Oswald Wirth se positionne en tant que symboliste plutôt qu’expert en astrologie. Il explore le sujet et le met en relation avec d’autres domaines : la mythologie babylonienne et gréco-latine, l’alchimie, la franc-maçonnerie et le tarot. C’est ce que confirme la plaquette promotionnelle diffusée par l’éditeur en 1937 à l’occasion de la parution du Symbolisme astrologique, mettant ainsi en exergue les qualités de l’auteur : Ce symboliste d’exceptionnelle compétence ne pouvait se désintéresser du langage des astrologues, dont il offre une clef interprétative dans le présent ouvrage, où toutes les analogies génératrices de l’astrologie sont rapportées à une analyse subtile de l’harmonie humaine. Les planètes y sont mises en correspondance avec les types humains nettement caractérisés7.

7 À propos de la mise en correspondance des planètes avec les types humains, nous renvoyons le lecteur aux notions astrologiques présentées en annexes de la réédition de l’Introduction à l’étude du tarot, Tétraèdre, 2016 (pages 96 et 97).

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Ainsi, de la même manière qu’il le fait avec son exploration du tarot, Oswald Wirth propose deux ouvrages : un premier destiné au débutant (n’excédant pas 80 pages), puis un second de grand format, couvrant l’ensemble du sujet8.

Les signes du zodiaque (1921)

Le symbolisme astrologique (1937)

Avant de découvrir Les signes du zodiaque, initions-nous d’abord aux domaines de connaissance que l’auteur propose de mettre en analogie : la mythologie mésopotamienne, l’hermétisme et l’astrologie.

8 C’est en effet ce qu’il fait avec son Introduction à l’étude du tarot (Paris, le Symbolisme, 1931) qui prépare le débutant au Tarot des Imagiers du Moyen Âge (Paris, Émile Nourry, 1927). À ce sujet, nous renvoyons le lecteur à la préface de la réédition de l’Introduction à l’étude du Tarot, Tétraèdre, 2016 (pages 12 et 13).

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Notions d’astrologie Dès l’antiquité, les hommes consignèrent les mouvements planétaires, dégageant de l’astronomie douze constellations et sept planètes. 9

Les douze signes du zodiaque Ces premiers astrologues regroupèrent des amas d’étoiles (dont certaines étaient particulièrement brillantes) pour former des constellations. Douze d’entre elles précédaient le Soleil avant son lever. Ils les identifièrent aux événements importants de la période de l’année à laquelle ils apparaissaient. Ainsi prirent forme et évoluèrent les douze signes du zodiaque (de l’ancien grec, cercle de petits animaux) que l’on se représente par des pictogrammes.

^ _ ` a b c d e f g h i Bélier Taureau Gémeaux Cancer

Lion

Vierge Balance Scorpion Sagittaire Capricorne Verseau Poissons

Les sept planètes Alors que les étoiles se meuvent en même temps comme si elles étaient fixées à la voûte céleste, les anciens avaient remarqué que cinq d’entre elles se déplaçaient individuellement. Ne suivant pas la tendance générale, ils les appelèrent planètes (du grec, errant), auxquelles ils ajoutèrent deux autres astres célestes indépendants, le Soleil et la Lune. Ce sont les seuls astres mobiles que l’on pouvait voir à l’œil nu10.

C

D

E

F

G

A

B

Mercure

Vénus

Mars

Jupiter

Saturne

Soleil

Lune

9 Grâce aux écrits conservés sur des tablettes d’argile, on peut faire remonter l’astrologie à plus de 3000 ans avant Jésus-Christ en Mésopotamie. À cette époque, l’astrologie et l’astronomie étaient une unique et même science. 10 Depuis, des outils d’observation ont permis de déceler trois autres planètes : Uranus, Neptune et Pluton. Elles ont chacune fait l’objet d’une interprétation astrologique, mais ne sont pas prises en compte par tous les astrologues.

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L’année zodiacale Marquant le temps d’une année, le Soleil traverse les douze signes, répartis par groupe de trois dans chacune des saisons, partant du Bélier pour se terminer dans les Poissons. Depuis Ptolémée 11, les signes sont en relation avec les sept planètes, figurant chacune deux fois (sauf le Soleil et la Lune), symétriquement suivant un axe incliné de 30 degrés.

Hiver

Capricorne

g f

Verseau

Scorpion

h GF e G E i F D d

Poissons

Bélier

Automne

Sagittaire

C c ^ ED C BA

Taureau

Printemps

_

`a

Gémeaux

b

Balance

Vierge

Lion

Cancer

Été

Les douze signes du zodiaque et les sept planètes répartis dans les quatre saisons 11 Claúdios Ptolemaîos, dit Ptolémée (90c – 168) est un astronome et astrologue grec qui a déterminé l’association des planètes avec les signes du zodiaque dans son Tetrabiblos, chapitre 17.

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Notions de mythologie mésopotamienne Située dans l’actuel Irak, entre le Tigre et l’Euphrate, la Mésopotamie regroupe un ensemble de peuples dont l’histoire s’étend du IV e millénaire au ııe siècle avant J.C. (conquête par les Parthes). Elle est à l’origine de nombreuses innovations dont une des plus importantes est l’écriture 12 qui comprend entre autres, les premiers mythes. Évoluant sur plus de deux millénaires, ces contes répondent aux grands mystères : la création du monde et de l’homme, son rôle et son rapport avec les dieux, la destinée des défunts, le tout accompagné de récits de combats de divinités et de leurs amours. C’est avec une vision analogique de la mythologie mésopotamienne (ainsi que de celle gréco-latine) que Oswald Wirth met en relation les sujets qu’il traite dans plusieurs de ses ouvrages13. Les signes du zodiaque n’y font pas exception : on y retrouve notamment des références aux divinités originelles ainsi qu’à la célèbre Épopée de Gilgamesh. 12 Entre 3200 et 3400 av. J.-C., utilisant d’abord des caractères pictographiques, les mésopotamiens, alors Sumériens, inventent l’écriture cunéiforme qui sera reprise par les akkadiens. Elle se présente sous forme de tablettes d’argiles empreintes de signes en forme de poinçons. C’est au milieu du xıx e siècle, lors de chantiers de fouilles dans le Nord de l’Irak, que furent traduits les premiers récits mésopotamiens. Malgré la publication d’un fragment de l’Épopée de Gilgamesh comprenant un récit très semblable à celui du Déluge de la Genèse (1872, George Smith), ils n’eurent qu’un faible retentissement. Près d’un siècle plus tard (à partir de 1956), Samuel Noah Kramer traduisit de nombreuses tablettes, offrant ainsi ces récits au grand public. Dans les années 1970, Thorkild Jacobsen reconstitua une histoire de la religion mésopotamienne dans The Treasures of Darkness (1976). Plus récemment Jean Bottéro assisté de Samuel Noah Kramer a publié des traductions présentées dans Lorsque les dieux faisaient l’homme (1989). Quant à Oswald Wirth, il s’est appuyé sur l’ouvrage de Paul Dhorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, Paris, J. Gabalda, 1907. 13 Oswald Wirth a notamment publié une traduction de la Descente d’Ishtar aux Enfers, qu’il a commenté d’un point de vue ésotérique : Le poème d’Ishtar, Paris, Le Symbolisme, 1922.

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Récit des origines Au début des temps, l’univers est uniquement composé d’eau incarnée en deux divinités : Apsû, l’eau douce des abîmes et Tiamat, l’eau salée des océans14. De leur union naissent les dieux et à la troisième génération, Apsû trouvant ces derniers irritants décide de les détruire. L’un d’eux, Éa (Enki)15 déjoue le plan et tue Apsû. Plus tard, Éa engendre Marduk, un dieu supérieur qui défait Tiamat, fend son corps en deux, générant ainsi le ciel (que s’approprie le dieu An) et la terre (qu’investit Enlil). Les larmes de Tiamat devinrent l’eau des nuages, source du Tigre et de l’Euphrate. Quant à Kingu, le nouveau mari de Tiamat, il périt aussi et, de son sang, Éa créa les premiers hommes.

Épopée de Gilgamesh Scindé en deux parties, ce récit relate d’abord les hauts faits de Gilgamesh roi d’Uruk, puis sa quête solitaire. C’est pour stopper ce roi tyrannique que les dieux créent Éabani (Enkidu) un être puissant à l’aspect animal. L’affrontement entre ces deux forces ne permet pas de désigner de vainqueur et ils deviennent amis. Ils accomplissent alors de grandes choses : ils défont le géant Humbaba, puis le Taureau Céleste envoyé par le dieu Anu – à la demande de sa fille Ishtar (Inanna) que Gilgamesh avait éconduite brutalement. Après avoir tué le Taureau, Gilgamesh et Éabani rentrent glorieux à Uruk, mais pour les punir de leur dernière victoire, les dieux provoquent la mort d’Éabani. D’abord attristé par la perte de son ami, puis prenant conscience que son heure viendra aussi un jour, Gilgamesh part en quête de la vie éternelle. Il se rend sur l’île où vit l’immortel Atrahasis (Ziusudra), survivant du Déluge, qui lui apprend qu’il ne pourra jamais obtenir la vie éternelle. Résigné, Gilgamesh rentre alors à Uruk, où il termine sa vie. 14 Ce récit est conté dans Enuma Elish (Lorsqu’en haut), fin du IIIe millénaire av. J.-C. 15 Les noms sont en akkadien, ceux entre parenthèses correspondent à leur équivalent sumérien.

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Notions d’hermétisme Dans son sens contemporain, l’hermétisme se rapporte à ce qui est occulte ou secret : l’origine de l’univers, le mystère de la conscience individuelle, la mort, etc16. L’hermétisme se développe à travers des domaines tels que l’alchimie ou la kabbale et se manifeste entre autres, dans la symbolique de la franc-maçonnerie.

Alchimie Née en occident au début de notre ère, l’alchimie est une discipline visant originellement à la transmutation des matériaux 17. Elle prend forme en particulier dans le Grand œuvre, consistant en la transformation du plomb (métal vil) en or (métal noble), mutation rendue possible par la pierre philosophale. Au Moyen Âge, cette dernière prétendait permettre d’atteindre la panacée, médecine universelle prolongeant la vie grâce à l’élixir de longue vie. À partir de la Renaissance, l’alchimie s’accompagne de spéculations philosophiques, mystiques et spirituelles 18. C’est selon cette dernière approche qu’Oswald Wirth la considère dans ses écrits 19. 16 Apparu à Alexandrie au ıııe siècle av. J.-C., l’hermétisme comprend à l’origine un ensemble de textes occultes, les Hermetica, attribués à Hermès Trismégiste, personnage mythique de l’Antiquité gréco-égyptienne. Durant la période hellénistique, les plus importants de ces textes ont été regroupés dans un recueil de traités mystico-philosophiques : le Corpus Hermeticum. Traversant l’antiquité, le monde arabo-musulman, le Moyen Âge et la Renaissance, l’hermétisme nous a laissé un vaste ensemble de textes couvrant d’autres buts (médicaux et métaphysiques) et a fait l’objet de diverses interprétations (mythologique, psychologique, etc.) 17 Jusqu’au xvııe siècle l’alchimie et la chimie étaient une même et unique science. C’est d’abord avec Robert Boyle, puis au cours du siècle suivant, en particulier avec les travaux d’Antoine Lavoisier, qu’elles se sont distinguées l’une de l’autre. 18 En effet, l’alchimie purement spéculative (sans manipulation), n’apparaît que vers 1565, avec Gérard Dorn ; Toutefois, dans cette acceptation philosophique l’alchimie a existé en Chine dès le ıve siècle av. J.-C. 19 Oswald Wirth lui consacrera un ouvrage, Le symbolisme hermétique dans ses rapports avec l’alchimie et la franc-maçonnerie, Paris, le Symbolisme, 1931.

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Kabbale

1 Kether

La kabbale (de l’hébreu Qabbala, réception) est une tradition ésotérique issue du judaïsme20. Son étude rapproche spirituellement l’homme de Dieu, offrant un plus grand discernement sur l’œuvre de la Création. Pour y parvenir, les kabbalistes ont élaboré au fil des siècles, différents modèles théoriques. L’un d’eux est l’Arbre de vie, composé de dix chiffres : les séphiroth (schéma ci-contre)21. Alors que cette série correspond aux dix clefs de tout processus de création consciente (macrocosme) en inversant l’ordre, on obtient les étapes que l’initié parcourt pour passer du monde matériel à celui spirituel (microcosme).

3 Binah

couronne

intelligence

sagesse

5 Geburah force

8 Hod gloire

2 C’hocmah

4 C’hesed 6 Tiphereth beauté

9 Jesod

miséricorde

7 Netsah victoire

fondement

10 Malcut royaume

20 C’est dans les premiers siècles de notre ère qu’est rédigé le Sefer Yetsirah (Livre de la Création), texte court qui pose les bases de la kabbale. De nombreux écrits suivront, aboutissant au xıııe siècle, au Sefer Ha Zohar (Livre de la Splendeur). Au xve siècle, ces idées seront reprises par le christianisme, donnant lieu à la kabbale de la Renaissance, dite philosophique, mouvement initié en 1486 par Pic de la Mirandole dans ses 900 conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques. 21 L’Arbre de vie, qu’Oswald Wirth appelle fréquemment Arbre des séphiroth, est parfois rapproché de celui de la Bible, où il est mentionné dès la Génèse (2, 9 et 3, 24). Ses dix séphires, transcrites ici en caractères latins d’après l’hébreu, se prononcent approximativement kétère, rokma, bina, rézèd, guéboura, tiférète, nétza, hode, iésode et malkoute.

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Franc-maçonnerie Cette alliance d’hommes, qui se veulent libres de toutes confessions et d’opinions, se donne pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité 22. Hiérarchisés en trois grades (apprenti, compagnon et maître), les franc-maçons se retrouvent lors de réunions organisées autour de rituels traditionnels initiatiques. Ils emploient un vocabulaire spécifique, dont voici un bref lexique et auquel renvoient les mots suivis d’un astérisque dans notre ouvrage. ∴ Ce caractère composé de trois points formant un triangle équilatéral dirigé vers le haut, fait référence au delta lumineux*, ainsi que potentiellement, à tout système ternaire : le temps (passé, présent et avenir) ; l’alchimie (soufre, sel et mercure), etc. Les trois points sont utilisés dans les textes franc-maçonniques en remplacement du point de terminaison des abréviations typographiques (voir J∴ et B∴) 23. Apprenti : Premier grade. Art royal : Expression dont le sens reste mystérieux au profane, et qui désigne une méthode. « En formant des initiés, cet art forme des rois, c’est-à-dire des hommes soustraits à toute domination, donc libres, souverains maîtres d’eux-mêmes. »24 B∴ (Bohaz) : Colonne* de gauche, féminine, de couleur blanche ou noire. Signifie en hébreu « la force en lui ».

22 Chaque maçon a sa propre interprétation de la franc-maçonnerie et l’idée que chacun s’en fait peut sensiblement varier. Yves Hivert-Messeca subdivise la franc-maçonnerie en cinq catégories suivant la tendance privilégiée : la francmaçonnerie ésotérique (initiatique) ; chrétienne ; ancienne ou anglo-saxonne (morale) ; moderne (libérale et symbolique) ; agnostique (politique). 23 Afin de ne pas surcharger typographiquement le texte de l’auteur, c’est exception nellement que nous n’avons pas ajouté d’astérisque après les trois points associés aux colonnes J∴ et B∴ 24 C’est la définition qu’en propose Oswald Wirth dans Les mystères de l’art royal, Paris, Émile Nourry, 1932 (page 8).

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Chambre du milieu : Lieu symbolique situé dans le temple*, exclusivement réservé au titulaire du grade de maître*. Colonne : D’après la Bible hébraïque, deux colonnes furent fabriquées par Hiram* et placées par le roi Salomon à l’entrée du Temple de Jérusalem (Premier livre des Rois 7, 13-22). Répondant aux noms de Iakin (J∴) et Bohaz (B∴), elles prennent différents sens symboliques. Compagnon : Deuxième grade. Couleurs : Toute couleur est porteuse de valeurs symboliques. En alchimie, quatre d’entre elles jouent un rôle particulier. Même si les auteurs ne s’accordent pas tous quant à leur sens, il s’en dégage des idées communes : Le processus alchimique (donc spirituel) se subdivise en quatre phases25. Le noir (nigredo) est comparable à la matière première ; le blanc (albedo, associé à l’argent ou à la Lune26) est le résultat de la transformation de cette matière ; le vert (parfois jaune) représente une étape intermédiaire ; le rouge (rubedo, masculin, soleil, roi) s’associe au blanc (albedo féminin-lune-reine) pour la célébration de leurs noces chimiques. Delta lumineux : Triangle comportant au centre un œil (voir le dessin page 34), placé sur le mur Est du temple*. Il symbolise la présence du Grand Architecte de l’Univers* : « Cet emblème est l’image de la Trinité qui se reflète dans toutes les créatures. Le triangle porte en son centre l’œil de l’intelligence ou du principe conscient. Il s’en échappe des rayons qui expriment l’activité dilatatrice, en vertu de laquelle tout être tend à remplir l’immensité sans limite. »27 25 Cette quadripartition de la philosophie a finalement été réduite à trois éléments au cours du xvıe siècle, pour des raisons symboliques privilégiant la trinité à la quaternité (d’après Carl Gustav Jung, Psychologie und Alchemie, 1944 ; traduit en français Psychologie et Alchimie, 1952). 26 Le blanc étant considéré comme la totalité des couleurs, on le nomme parfois la queue du paon. 27 Oswald Wirth, L’imposition des mains, Paris, Chamuel éditeur, 1897 (page 216).

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(Se) dépouiller de ses métaux : Afin de se prémunir de ce qui a un éclat trompeur, on laisse à la porte du temple tout objet métallique. Épreuves : Lors de son parcours initiatique, le franc-maçon est amené à traverser les épreuves des quatre éléments28. Équerre : Outil symbolisant la régularité, l’honnêteté et la droiture. Étoile flamboyante : Étoile à cinq branches portant en son centre la lettre G*. « Le pentagramme magique représente le microcosme ou le monde en petit, c’est-à-dire, l’ensemble résumé dans la partie. C’est l’image de l’homme à travers qui se manifeste la divinité (triangle rayonnant). La lettre G est la troisième de l’alphabet sacré29 ; elle renvoie donc à l’arcane III du tarot, qui figure l’intelligence ou la compréhension. »30 Grand Architecte de l’Univers : Symbole de la cause première. N’étant pas nécessairement rattaché à un dieu particulier, chaque maçon peut l’adapter à sa propre compréhension de l’univers. Grand œuvre : Travail réalisé ensemble et dont la finalité correspond à l’accomplissement du tout. Hiram : Personnage biblique, architecte du Temple de Salomon* dont le mythe sert de thème pour le compagnon* qui aspire à la maîtrise. Initié : Celui qui a passé la première initiation, donc tout franc-maçon. J∴ (Iakîn) : Colonne* de droite, masculine, rouge31. Signifie en hébreu « Il établit ». Lettre G : Caractère exprimant différentes idées d’après son graphisme ou par l’initiale d’un mot. Son interprétation est illimitée, mais elle est généralement mise en rapport avec la géométrie, la gravitation, le génie ou la gnose. La lettre G est placée au centre de l’étoile flamboyante*. 28 29 30 31

L’auteur les associe à ces quatre signes : Taureau, Gémeaux, Cancer et Lion. L’alphabet hébreux commence par aleph (A), beth (B) et ghimel (G). Oswald Wirth, L’imposition des mains, Paris, Chamuel éditeur, 1897 (page 222). Voir la note associée à B∴ page 18.

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Lumière : Symbole fondamental de l’initiation maçonnique, elle est donnée au néophyte lors de la cérémonie d’initiation. Maître : Troisième et dernier grade. Planche : Conférence ou intervention présentée en loge*. Récipiendaire : Celui qui est apte à recevoir donc, postulant lors d’une épreuve* initiatique. Temple : Local rituellement aménagé où se réunissent les franc-maçons. Temple de Salomon : Premier temple de Jérusalem, construit par Hiram*. La franc-maçonnerie reprend les symboles et les éléments de cet édifice dans ses propres temples*.

L’apprenti maçon32 32 Illustration de l’auteur, extraite de la première édition du Livre de l’apprenti, La loge Travail et vrais amis fidèles, Paris, 1894.

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À propos de cette édition La présente édition restitue intégralement le texte original. Afin d’en faciliter la lecture, nous y avons apporté quelques aménagements. Typographie : Les abréviations ont été ramenées à leur mot entier et la ponctuation a été allégée. La capitale appliquée à certains termes a été remplacée par une minuscule (mais toutefois conservée pour les noms des signes du zodiaque ainsi que pour les arcanes du tarot). Illustrations : Les gravures originales dessinées par Oswald Wirth ont été scannées puis nettoyées avant d’être incluses dans la mise en pages. Lorsque cela semblait pertinent, nous avons pris la liberté d’insérer des illustrations supplémentaires provenant d’autres ouvrages de l’auteur. Schémas : Les dessins de l’auteur ont été conservés et n’ont subi que d’infimes retouches. Afin de clarifier le propos, quelques schémas additionnels ont été créés et ajoutés au cours du texte. Tarot : À chaque mention d’un arcane, nous en avons ajouté l’image, même s’il ne figurait pas dans l’édition originale. Celles-ci ont été reproduites d’après le Tarot kabbalistique de 1889 d’Oswald Wirth. Mots babyloniens : Afin de nous approcher de la prononciation des noms babyloniens et pour éviter au lecteur l’apprentissage d’accents spécifiques, nous avons opté pour l’orthographe en caractères habituels (latins). Toutefois, une exception subsiste puisque le G est toujours dur (Gilgamesh se prononce Guilgamèche). Symboles alchimiques : Pour fluidifier la lecture, nous avons retiré les symboles hermétiques et astrologiques que l’auteur avait placé dans le texte et les avons reportés en marge intérieure. Afin que le lien entre le symbole et le mot concerné soit intelligible, nous avons mis celui-ci en italique (trois exemples en page 34).

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Au lecteur Lors de la mise au point de cette édition, nous avons pensé à tous les étudiants en ésotérisme, qu’il soient novices ou déjà initiés de longue date, et avons orienté notre travail avec cette dualité omniprésente. Nous avons conscience de la difficulté qu’éprouveront les débutants et c’est en pensant avant tout à eux que nous avons remplacé l’index alphabétique de l’édition originale par un lexique de vocabulaire hermétique, et avons complété notre préface par des notions d’astrologie et de mythologie mésopotamienne. Il ne nous a pas semblé nécessaire d’y adjoindre des notions de mythologie gréco-latine, déjà familières à la majorité des lecteurs d’aujourd’hui ; nous renvoyons ceux qui souhaiteraient s’y pencher, au synthétique ouvrage d’Edith Hamilton, La mythologie. Concernant les notes de bas de page, certaines s’adressent au novice en apportant des éclaircissements ; d’autres proposent au contraire des informations complémentaires et ouvrent, au lecteur curieux, de nouvelles portes sur des sujets connexes qu’il pourra étudier par lui-même. Afin que nos notes se distinguent de celles d’Oswald Wirth, ces dernières se terminent par la mention (ndla). Si le débutant se sent parfois désorienté par quelque incompréhension de passages ardus, nous l’invitons à ne pas se décourager et à poursuivre sans s’obstiner. Ainsi, il saisira l’essentiel et se réservera l’accès aux subtilités après lectures successives. Avec cette édition actualisée, nous voulons ainsi offrir à tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre d’Oswald Wirth, les meilleures conditions pour découvrir ses Signes du zodiaque, et aux débutants en symbolisme astrologique, un idéal étrier pour y placer le pied. Igor Barzilai

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Les signes du zodiaque

Au groupe d’études paléosophiques, qui s’efforce de comprendre les anciens et de s’assimiler les subtilités de leurs conceptions. O. W.

Les douze signes De tous les symbolismes, celui du zodiaque est certainement le plus universel. Il s’est imposé à tous les peuples, en tant que vestige d’une langue commune, basée non sur des mots, mais sur des images. Ce mode d’expression est tombé en désuétude depuis que les mots, devenus de plus en plus précis, ont conquis les esprits.33

33 Cette page d’introduction, ainsi que les deux suivantes, constituaient originellement une préface. Étant donné la nouvelle structuration de l’ouvrage, il nous a semblé plus opportun de la titrer les douze signes.

Les Grecs, ces grands discoureurs qui, sous couleur de philosophie se livrèrent avec passion au sport de la parole, furent à cet égard les pères de la mentalité moderne. Avant eux, des penseurs contemplatifs méditaient, s’entretenaient silencieusement avec les dieux et se comprenaient entre eux sans s’expliquer formellement. Leur pensée restait nébuleuse, comme le fantôme qu’évoquent les pentacles 34. Noyée dans l’infini, leur sagesse, en raison même de sa profondeur, restait diffuse et rebelle à la condensation en systèmes discutables. À défaut de mieux, ce passé de mystérieuse imprécision nous a légué ses symboles, miroirs magiques où se reflète à jamais la pensée vivante dont ils sont nés. Ils redeviennent pour nous évocateurs, pour peu que « dépouillant nos métaux »*, nous sachions revenir à la réceptivité des enfants de la nature. Nous remédions à la confusion des langues en nous affranchissant de ce qui est artificiel dans la formation de nos idées. Retrouvons la fraîcheur d’impression qui accepte la suggestion des images et nous bénéficierons de la plus vénérable des révélations.

34 L’auteur emploie le mot pentacle ou schéma pour parler des douze dessins qui représentent les signes du zodiaque. Aujourd’hui nous parlons plutôt de pictogrammes tels que ceux représentés en introduction, page 12. Remarquons que dans ses dessins, Oswald Wirth n’hésite pas à styliser librement les symboles planétaires et zodiacaux.

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Il ne suffit pas, cependant, de rester passif en présence des images : elles demandent à être interrogées avec sagacité, car elles demeurent muettes, tant qu’un rapport ne s’est pas établi entre elles et notre intelligence. Un effort de compréhension s’impose donc à qui veut s’initier, car l’énigme ne se livre pas d’elle-même. Nulle route ne saurait d’ailleurs mener plus lumineusement au sphinx que celle du Soleil, lequel en parcourant le cycle des douze signes, accomplit la révolution type à laquelle toutes les autres ont été rapportées 35. Ainsi une étude approfondie du duodénaire zodiacal confère en quelque sorte la clef du symbolisme universel, d’autant plus que la portée des symboles est fixée dans une très large mesure par le sens qu’ils prennent dans le zodiaque. Le lecteur s’en rendra compte, s’il veut bien nous suivre dans nos interprétations. Puisse-t-il y trouver un guide l’aidant à pénétrer dans le jardin secret des mythes et des symboles où tant de fruits d’or sont à cueillir sur les multiples arbres de la connaissance des choses cachées.

35 La division de l’année en douze mois n’est pas arbitraire. Elle trouve son origine dans le rapport entre les cycles du Soleil et de la Lune. Les premiers calendriers lunaires comptaient des mois de trente jours (une lunaison dure environ 29,5 jours). Ces derniers se produisaient donc approximativement douze fois dans l’année. D’où le caractère universel du nombre douze.

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Le bélier Pour les observateurs du ciel, l’équinoxe du printemps marque le commencement de l’année. Franchissant l’équateur, le Soleil quitte alors les régions inférieures, pour s’élever rapidement, en donnant le signal du réveil aux énergies végétales qui sommeillaient sous terre. Il y a deux mille ans, le point équinoxial printanier tombait dans la constellation du Bélier36, qui donne son nom à la première des douze divisions égales du cercle de l’écliptique, tracé par la marche apparente annuelle du Soleil. Ce segment initial de 30 degrés reste consacré au Bélier, bien que la précession des équinoxes37 le fasse actuellement coïncider avec la constellation des Poissons 38. Le Soleil agit en effet sur notre planète selon qu’elle s’incline plus ou moins sur son axe. L’influence attribuée au Bélier se rattache donc à la verticalité de l’axe terrestre, et non aux étoiles fixes qui jadis indiquaient la position du Soleil au moment où son action était symbolisée par le Bélier. 36 Oswald Wirth associe au Bélier l’arcane V du tarot (le Pape). Voir Le tarot des imagiers du Moyen Âge, Paris, Émile Nourry, 1927 (page 71). 37 Connu depuis Hipparque (vers 130 av. J.-C.), le phénomène astronomique de précession des équinoxes est un lent décalage du Soleil dans les signes du zodiaque d’environ un degré tous les 71 ans, déplaçant chaque signe dans le précédent tous les 2 146 ans. Au bout de douze décalages, soit 25 760 années, le cycle est complété et tout revient dans l’ordre. Ce phénomène est du à un changement progressif de la direction de l’axe de rotation de la terre. Ce décalage a amené certains astrologues à en tenir compte pour calculer le signe zodiacal d’un individu et à considérer ainsi une astrologie dite sidérale (diffusée en occident dans les années 1940 par Cyril Fagan, mais déjà pratiquée depuis fort longtemps en Inde sous le nom de Jyotish). Nous nous trouvons ainsi en présence de deux astrologies, l’une sidérale basée sur les positions des étoiles par rapport au Soleil et l’autre tropicale, qui suit le cycle des saisons et qui est aujourd’hui la plus répandue en occident. C’est cette dernière qui est traitée dans cet ouvrage. 38 Le décalage n’est pas tout à fait d’un mois complet puisqu’il n’est aujourd’hui que d’environ 25 jours : Le 14 avril est dans les Poissons et le 15 avril dans le Bélier (alors qu’en astrologie tropicale, la transition se fait entre le 20 et le 21 mars).

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Cet animal fonce brusquement sur son adversaire avec une impétuosité dont la puissance est dans le choc unique, non susceptible de continuation. À cet égard, le Taureau (deuxième signe du zodiaque) est tout le contraire du Bélier. Celui-ci correspond à l’ardeur agressive qui entreprend, met en œuvre, fonde, inaugure, mais peut manquer de patience pour continuer, pour lutter obstinément contre des obstacles répétés, ou même pour assurer le fonctionnement régulier de l’organisme appelé à la vie. Les initiés* rapprocheront donc le Bélier de la colonne J∴ qui est rouge et fait allusion au feu vital dont procède toute initiative. Nous verrons par la suite à quels signes zodiacaux se rapporte la colonne B∴ selon qu’elle est noire, blanche, verte ou bleue. Pour nous en tenir au Bélier, constatons que les anciens en ont fait un signe de feu, en considération du soleil printanier qui provoque la fonte rapide des neiges et fait immédiatement jaillir du sol, encore détrempé, de hâtives pousses de verdure. L’influence qui fait éclore les germes végétaux s’exerce d’ailleurs simultanément sur le règne animal, en déchaînant le rut procréateur. Les hermétistes ne voient dans ces manifestations annuelles qu’une répétition du grand drame mythique de la rénovation perpétuelle du principe vital. Un dieu, né obscurément au solstice d’hiver, prend possession de la terre au printemps. Il régnera jusqu’en automne, puisqu’il succombera, descendra chez les morts d’où il remontera bientôt pour la joie des vivants39. 39 On peut mettre ce récit en correspondance avec le mythe grec de Perséphone : chaque année au printemps, elle revient sur terre et dans l’Olympe, annonçant ainsi le retour de la végétation que rénove Déméter.

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L’énergie ainsi divinisée se condense en tout ce qui naît, pour correspondre à ce que les alchimistes appellent le soufre, substance r Ç destinée à brûler en alimentant le feu vital de tout individu animal, végétal ou minéral40. Le mystère de l’incarnation du principe animateur universel s’accomplit donc dans la nature, très mystérieusement, même pour les physiologistes, mais avec une banalité déconcertante pour les mystiques. Ceux-ci voient avec raison dans le triangle équilatéral l’image r de la tri-unité créatrice. Les philosophes hermétiques attribuent ce même idéogramme41 au feu subtil qui anime toute la création. Or, ce feu-lumière* émane perpétuellement d’un foyer unique, mais omniprésent, figuré par un point au centre d’un cercle ou par un œil tracé au A centre d’un triangle42. C’est là le Père ou centre émanateur d’un rayonnement qui correspond au Fils, alors que la lumière* produite, celle qui se manifeste aux intelligences n’est autre que le classique Saint-Esprit.

40 À ce dernier point de vue, l’individu est représenté par le corps céleste, la planète Terre en ce qui nous concerne (ndla). 41 Il faut différencier l’idéogramme du pictogramme. Celui-ci est une représentation graphique simplifiée d’une chose alors que celui-là, non représentatif, exprime plutôt un concept ou une idée. 42 Il s’agit du delta lumineux*, voir le lexique (page 19).

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Le Fils est essentiellement agissant : il se détache du Père pour travailler en s’incarnant. Il est en tout ce qui vit, comme dit l’Évangile Ç de saint Jean. La croix est sa caractéristique en tant que signe de — | l’incarnation, c’est-à-dire de la fécondation du passif par l’actif, lequel  peut s’envisager comme descendant (involution) ou comme remontant  (évolution). De toute façon, la croix indique une action élaborante. Associée au triangle du feu, elle forme le signe du soufre, auquel se rapporte le feu interne, qui, emprisonné d’abord dans le germe, en opère l’éclosion et construit ensuite l’individu. Le feu individualisé (Fils) procède du feu universel (Père). C’est ce que rappelle l’action du Soleil au printemps, époque à laquelle Ammon-Ra, le dieu à cornes de bélier, annonce aux artisans de la construction vitale que les travaux interrompus par l’hiver reprennent à son signal, « force et vigueur ».

Ariès, le Bélier, évoque Arès, Mars. Dans le septenaire de l’harmonie des choses, ce dieu figure l’instinct d’activité, l’impatience juvénile peu économe des réserves vitales. C’est aussi l’égoïsme radical de l’individu naissant, qui doit se conquérir une personnalité, c’est-à-dire un domaine propre, distinct de l’ambiance au sein de laquelle il se développe. Mars attire à lui avec férocité, car il est le dieu de la lutte pour la vie ; mais en tant que domicilié astrologiquement dans le Bélier, il préside à la croissance physiologique et ne détruit que pour construire. 35

Les Chaldéens voyaient dans le Bélier céleste la manifestation d’Enmeschara, dieu de la fécondité. Le mouton était d’ailleurs à leurs yeux l’animal de Gira, le protecteur divin des troupeaux. Ces divinités sont en rapport avec Éabani43, le robuste satyre tout couvert de poils, compagnon fidèle du sage Gilgamesh44. Celui-ci règne sur Uruk, la ville aux sept enceintes, qui figure le domaine de la personnalité consciente. Héros de l’intelligence, Gilgamesh accomplit ses hauts faits avec l’aide d’Éabani, personnification de la vigueur animale et de la puissance génésique. Mais le satyre s’épuise en luttant victorieusement contre un taureau descendu de la voûte céleste. Il s’engourdit graduellement puis disparaît absorbé par la terre. Gilgamesh pleure alors l’ami de sa jeunesse et entreprend un périlleux voyage, en franchissant jusqu’aux eaux de la mort (trajet du Soleil à travers les signes hivernaux). De retour à Uruk, Gilgamesh évoque Éabani et le fait remonter sur terre, ce qui semble correspondre à l’ascension printanière du Bélier45.

43 De par la relation qu’il entretient avec Gilgamesh, ce personnage peut symboliser le miroir du soi ou un rapport de type fraternel. 44 Gilgamesh est le personnage principal de plusieurs récits mésopotamiens dont les plus anciens ont été rédigés à la fin du III e millénaire avant J.-C. L’ensemble des récits a été compilé au xvıııe siècle av. J.-C. dans la célèbre Épopée de Gilgamesh (voir notre résumé, page 15). 45 P. Jensen, Das Gilgamesh-Epos in der Weltliteratur, Strasbourg, Trübner, 1906. Tome ı, page 89 (ndla). En effet, Gilgamesh évoque Éabani et le fait remonter, non pas comme « l’ascension printanière du Bélier » que décrit Oswald Wirth, mais plutôt sous forme d’un spectre, pour parler du monde des morts à Gilgamesh. Après ces échanges de paroles, Éabani n’est plus mentionné, ce qui confirme qu’il est bien redescendu aux pays sans retour.

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Selon l’astrologie, le Bélier favorise en art militaire les attaques brusques qui bousculent un ennemi surpris. Nul jour de l’année ne pouvait donc mieux convenir pour une offensive foudroyante que le 21 mars, choisi par les Allemands en 1918, comme s’ils avaient entendu conclure un pacte avec les influences astrales. Ils avaient alors un mois devant eux pour percer définitivement le front occidental ; mais ce résultat devait être obtenu avant l’entrée du Soleil dans le signe du Taureau, car à partir de ce moment, l’avantage passait à la défensive. Or chose déconcertante, les événements de la dernière année de la guerre mondiale semblent s’être déroulés en harmonie avec le symbolisme du zodiaque. Quant les destinées de la planète sont en jeu, les astres se croiraient-ils donc tenu d’intervenir ?

Le taureau Le germe qui vient d’éclore sous l’influence ignée du Bélier est appelé à subir les épreuves* successives de la terre, de l’air, de l’eau et du feu. La terre est à cet égard le domaine du Taureau dont l’effort persévérant retourne le sol en vue de le préparer à la fécondité. Ce travail est à strictement parler celui du Bœuf, qui correspond à la terre dans le quaternaire des éléments 46.

Comme le pouvoir procréateur rentre dans les attributions du premier signe du zodiaque et non du second, le Taureau devait perdre sa fougue au bénéfice du Bélier, dès que le Soleil printanier cessa de franchir l’équateur céleste dans la constellation qui a donné son nom au deuxième signe. La précession des équinoxes rend compte d’une castration devenue définitive, alors qu’elle était jadis annuelle et temporaire. Les monuments du culte de Mithra47 nous apprennent qu’elle était l’œuvre du Scorpion. Or ce signe est en opposition avec celui du Taureau, dont le règne s’ouvrait à l’équinoxe du printemps, alors que le Scorpion marquait la chute du Soleil, appelé à parcourir les ténèbres de la région australe. Pendant les six mois de ce trajet à travers les lieux infernaux, la nature reste impro ductive, parce que le fécondateur est momentanément émasculé. La victime automnale est actuellement le Bélier qui est frappé d’impuissance pendant l’hiver mais retrouve toute son ardeur dès que vient le printemps. 46 Dans ce schéma, nous avons ajouté des dessins d’Oswald Wirth et nous sommes permis une rotation des quatre vivants afin qu’ils coïncident avec ceux du tarot. 47 Voir le dernier paragraphe de la page 50 et sa note.

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L’épopée chaldéenne de Gilgamesh fait descendre sur terre le Taureau céleste pour y accomplir la vengeance d’Ishtar 48, la déesse de la vie physiologique, dédaignée par l’initié* victorieux des attractions élémentaires. L’animal furieux dont le souffle est mortel, représente la matérialité qui empoisonne l’ambiance respirable. Il faut vaincre le monstre pour rester soi, en échappant à la tyrannie des appétits grossiers. Après avoir résisté aux séductions d’Ishtar (la vie matérielle), Gilgamesh (la personnalité supérieure) et son compagnon Éabani (la personnalité inférieure disciplinée) soutiennent une lutte prolongée contre le Taureau dévastateur, qui est finalement abattu ; mais cette victoire coûte ultérieurement la vie au satyre Éabani, en qui sont personnalisées les énergies que symbolise le Bélier. Les dépouilles du Taureau, d’immenses cornes d’ivoire enchâssées de lapis-lazuli, sont rapportées à Uruk. Elles contiennent un baume guérisseur, qui semble promettre un pouvoir de thérapeute au sage, victorieux de la bête ishtaréenne. Celle-ci se développe en nous sous l’action de notre volonté de vivre. Le germe fécondé qui vient d’éclore (Bélier) doit puiser sa nourriture dans l’ambiance maternelle de la terre. S’il veut vivre, il lui faut prendre racine en s’unissant au sol par un pacte de matérialité. Désormais, l’avidité accapareuse domine dans l’être en formation, qui s’abandonne au taureau ou bœuf, symbole de l’instinct de conservation des individus. Cet instinct ne vise tout d’abord qu’à conserver les matériaux de la construction vitale ; il multiplie les cellules, qui auront à s’organiser entre elles, en se spécialisant selon les fonctions à remplir.

48 Associée à la planète Vénus, Ishtar est la déesse de l’amour et de la guerre. Elle fait une apparition dans l’Épopée de Gilgamesh (voir notre résumé, page 15). Par ailleurs, un mythe lui est entièrement dédié : La descente aux enfers d’Ishtar, dont le récit a été conté et commenté par Oswald Wirth dans Le poème d’Ishtar, Paris, Le Symbolisme, 1922.

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En initiation, l’épreuve* de la terre correspond au deuxième signe du zodiaque, lequel est terrestre comme le premier est ignée. Le récipiendaire* fait preuve d’initiative (Bélier) en formulant sa demande d’admission ; il doit ensuite se soumettre aux usages traditionnels en subissant tout d’abord un emprisonnement dans un caveau souterrain où, strictement isolé de l’extérieur, il est appelé à mettre en œuvre les énergies qui lui sont propres. S’enfonçant jusqu’à la source obscure du vouloir, il doit se rendre compte de ce qu’il veut en tant que dispensateur de sa propre destinée. De là ce testament que rédige ce néophyte. Il importe d’ailleurs que l’esprit prenne racine avant d’aspirer à s’élever. Notre personnalité ne se construit pas en l’air : avant de bâtir, il faut s’assurer une base solide. Au point de vue physique, nous empruntons à l’ambiance tous les matériaux que notre initiative créatrice (J∴) met en œuvre 49. Le règne animal nous fournit un organisme dont nous devons apprendre à nous servir. Par ce seul fait, nous nous naturalisons Terriens et devenons enfants de la grande Isis qui ne demande qu’à nous initier à ses mystères50.

49 L’auteur rapproche également le Taureau de l’arcane du Bateleur : Le Tarot des imagiers du Moyen Âge, 1927, Paris, Émile Nourry, 1927 (Page 72). 50 Déesse de l’Égypte, Isis connaît un culte qui sera repris et adapté par l’antiquité gréco-romaine et qui intéressera plus tard le christianisme et la francs-maçonnerie. De tous temps, des artistes ont été inspirés par cette déesse dont ils ont fait le symbole des lois cachées de la nature. Dans son tarot, Oswald Wirth associe Isis à la Papesse (arcane II), prêtresse du mystère à la tiare surmontée d’un croissant de lune, et détentrice d’un savoir que contient le livre des secrets qu’elle tient posé sur ses genoux.

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Cette déesse correspond à Cybèle, Rhéa, à l’Arthémise éphésienne, à Cérès et Proserpine, à Ishtar et Vénus. Sous ces dernières appellations, on adora plus particulièrement jadis la Mère des vivants. Aphrodite est l’universelle séductrice qui fait aimer la vie. Elle attire l’esprit pour l’unir à la matière en l’obligeant à élaborer celle-ci. L’initié* ne voit pas en elle une Ève blâmable d’avoir tendu la pomme à Adam non encore revêtu de sa tunique de peau. S’il y a une chute ou déchéance du fait de notre matérialisation, il ne saurait y avoir là de la part de l’esprit qu’une condescendance nécessaire en vue d’une tâche sacrée. Chacun de nous est une incarnation du verbe et, pour s’incarner, il faut subir l’épreuve* de la terre, qui est une première purification par rapport aux existences antérieures, dont rien ne doit survivre en nous après la mort volontaire dans la nuit du total renoncement, tel qu’il est exigé de ceux qui veulent renaître pour participer au Grand œuvre* de la construction universelle.

Les gémeaux Dès que la plante s’est solidement alliée à la terre en prenant racine, elle s’élance vers l’atmosphère. Cette montée opposée à la descente initiale correspond au troisième signe zodiacal, celui des Gémeaux, qui est aérien et se rapporte à l’épreuve* de l’air. C’est du reste en cette période que se place symboliquement la fête de l’Ascension 51. Le Soleil s’élève alors jusqu’à la plus grande hauteur de sa course annuelle et la végétation semble elle aussi, enivrée d’altitude. En initiation, le candidat sort de sa prison terrestre les yeux bandés et ne tarde pas à gravir la montagne où l’attend l’épreuve* de l’air. Il est l’objet de la sublimation que subit le sujet dans l’œuf philosophique. Sous l’influence d’un feu modéré, humide, la matière du Grand œuvre* hermétiquement isolé se décompose et tourne au noir. Il convient alors d’activer le régime du feu, afin de provoquer l’évaporation par laquelle le subtil se sépare de l’épais. Du chaos informe se dégage ainsi l’esprit chargé de le coordonner. Il s’agit d’un agent constructif, qui utilise les matériaux rassemblés par l’attraction accapareuse du germe subissant l’influence du deuxième signe du zodiaque. Désormais les cellules se superposent et visent à rattacher la terre au ciel, à l’aide de cette Tour de Babel que représente la tige pour les végétaux. Du noir terrestre surgit alors le blanc qui tourne rapidement au vert, puis s’épanouit en prenant les teintes variées de l’arc-en-ciel. Ces changements de couleur* indiquent à l’alchimiste les progrès de son œuvre. Lorsqu’il admire le chatoiement de la « queue de paon »52, c’est qu’en alchimie végétale les fleurs sont écloses. Or, floréal coïncide avec les Gémeaux.

51 Cette fête tombe, sinon toujours dans le signe, du moins dans le « mois » des Gémeaux (ndla). 52 Voir Couleurs* et sa note dans le lexique (page 19).

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a b

C b

Ce signe est d’ailleurs le domicile du mercure agissant, de l’intelligence constructive qui s’est insinuée dans la matière terrestre à l’état de souffle imperceptible, afin de l’évoluer. L’esprit mercuriel qui, selon la Table d’émeraude53, s’élève de la terre au ciel pour derechef descendre du ciel en terre, correspond d’ailleurs au Saint-Esprit, dont la fête de Pentecôte célèbre la descente sur terre. Ici encore l’époque est admirablement choisie, car l’esprit divin est attiré par les efforts de la créature qui aspire à s’élever, à s’épanouir en beauté, comme la végétation sous le signe des Gémeaux. Les deux enfants qui accompagnent le Soleil jusqu’au sommet de sa course annuelle représentent Castor et Pollux. Ils ont pour attributs, le premier la lyre d’Apollon et le second la massue d’Hercule. Les deux inséparables se rapportent donc à la lumière intellectuelle, source d’entente et d’harmonie, puis à l’énergie qui se traduit par des actes. Les Babyloniens ont du être à cet égard les inspirateurs des Grecs car les deux étoiles brillantes qui succèdent au Taureau céleste évoquaient à leurs yeux l’association de Gilgamesh et d’Éabani, personnifications de la sagesse lucide, ordonnatrice de l’activité consciente et de la force exubérante qui réalise les œuvres conçues par l’intelligence. Tant que le roi d’Uruk bénéficia de la collaboration fraternelle du satyre qu’une hiérodule sut charmer en lui faisant perdre son empire sur les animaux de la steppe, rien ne fut impossible au couple héroïque. Mais dès que Gilgamesh est privé du concours volontaire d’une énergie tirée de l’animalité, il n’entreprend plus qu’un exténuant voyage en quête d’une immortalité qui lui échappe. Le mythe grec nous montre Pollux frappé à mort et Castor prêt à renoncer en sa faveur aux privilèges de la divinité.

53 Tiré d’un manuscrit arabe du vıe siècle, la Table d’émeraude (qui pourrait avoir une origine antérieure et différente) est un texte court, dont est tirée la célèbre formule « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » posant la correspondance entre le macrocosme (univers) et le microcosme (humain).

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Il y a là un parallélisme qui tend à justifier la thèse de Jensen, selon laquelle l’épopée de Gilgamesh, antérieure d’au moins trois mille ans à l’ère chrétienne54, aurait été le prototype de la plupart des productions littéraires de l’antiquité55. En réalité, les Dioscures, aussi bien que leurs prototypes chaldéens, correspondent à la dualité qui se fusionne harmoniquement dans l’être jeune, en pleine possession de ses moyens d’action physique. Les Gémeaux font resplendir le printemps, cette jeunesse de l’année. Le Tarot leur consacre la dix-neuvième de ses clefs mystérieuses. On y voit deux enfants, un garçon et une fille, qui se tiennent fraternellement entrelacés au milieu d’un cercle de verdure émaillé de fleurs. Derrière eux court le mur d’une enceinte qui les protège contre la brutalité du dehors et leur permet de goûter les douceurs de la fraternité sous un soleil radieux, dispensateur d’une félicité paradisiaque figurée par une pluie d’or.

54 Nous savons aujourd’hui que son histoire n’est pas aussi ancienne que cela. Gilgamesh, roi ayant vraisemblablement existé, aurait régné vers 2650 av. J.-C. avant d’inspirer des récits mythologiques qui remontent à la Babylonie du xvıııe au xvııe siècle av. J.-C. 55 Le texte de cette épopée, transcrit d’après l’assyrien avec traduction et commentaires, figure dans Paul Dhorme, Choix de textes religieux assyrobabyloniens, Paris, J. Gabalda, 1907 (ndla).

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Au point de vue astrologique, le signe des Gémeaux favorise les éclosions, plus particulièrement celles des idées en ce qui concerne les humains. Sous ses auspices, la lumière* pénètre les esprits et les prépare au discernement. Épanouie dans toute sa splendeur, la nature invite alors les yeux à se saturer de couleur et de clarté ; or, le physique réagissant sur le moral, toute propagande intellectuelle a chance d’être mieux accueillie dans la période des jours qui atteignent leur maximum de longueur qu’en toute autre saison. Pour éclairer ceux qui sont dans l’erreur, Castor et Pollux sont de puissants auxiliaires. Puissent-ils remplir leur office en faisant reconnaître l’inanité des doctrines qui tendent à égarer les peuples. Dioscures, soyez propices au monde nouveau qui cherche sa voie !

Le cancer La période des plus longs jours de l’année devait tout naturellement inviter à fêter le triomphe de la lumière*. Les réjouissances populaires de la Saint-Jean correspondent à d’antiques rites solaires ayant la prétention de retarder la décroissance des jours. Actuellement, les hommes ne croient plus à la répercussion magique des actes qu’ils pourraient accomplir dans une intention déterminée : ils n’en restent pas moins attachés à des usages dont la poésie les captive à leur insu. Pour les initiés*, les traditions prennent une valeur particulière par des adaptations à des réalités d’ordre métapsychologique 56. Ils établissent un rapport étroit entre la lumière physique et la clarté intellectuelle. Quand la nuit est réduite à son minimum, l’esprit humain se montre plus actif, plus compréhensif, donc plus accessible aux idées nouvelles. La fête des roses, chère aux loges 57 allemandes, ne devrait pas être un simple prétexte à banquet et à revue des travaux de l’année. Quand les maçons seront pénétrés du sens de leurs symboles, ils procéderont au solstice d’été et à une conjuration dans le sens le plus élevé du mot. Ils voudront que ce qu’ils auront reconnu clairement au cours de leurs méditations individuelles, ou de leurs échanges de vues, se répercute au large dans tous les cerveaux réceptifs, telles les ondes d’une télégraphie sans fil mentale. Symboliquement, la réceptivité dont il s’agit se développe avec une particulière acuité sous le signe du Cancer, dont les anciens ont fait le domicile de la Lune, tout en lui attribuant l’eau comme élément.

56 La métapsychologie est la partie théorique de la psychanalyse de Freud, basée sur des concepts tels que le processus de refoulement, l’inconscient, etc. Sigmund Freud, Métapsychologie, 1915. 57 En franc-maçonnerie, la loge est une réunion de franc-maçons et par extension, l’ensemble des frères d’un atelier.

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Ce liquide est ici la sève dont les végétaux se gonflent, mais il devient autre chose au point de vue psychique. Notre âme a été dépeinte comme un fluide provenant du grand océan mystique. Elle nous enveloppe pour recueillir les impressions qui doivent pénétrer jusqu’à notre conscience. Si ce miroir est calme, les images du dehors se reflètent fidèlement à sa surface ; si de plus la substance est limpide, nos intuitions deviennent révélatrices. Les images perçues sont d’ailleurs gouvernées par la Lune, l’astre de l’imagination, de même que le Soleil est celui de la raison. Le Cancer nous porte à imaginer juste et surtout à nous saturer d’images destinées à nous faire réfléchir, et le cas échéant, à nous inciter à un salutaire retour sur nous-même. Il est le signe de la conversion, de l’action d’abord intérieure de la lumière*, qui ne se traduira que plus tard en actes extérieurs.

N’oublions pas qu’en initiation le myste 58 subit l’épreuve* de l’eau après celle de l’air. Il lui faut d’abord descendre (Taureau) puis monter (Gémeaux), pour retomber finalement au niveau moyen en ce monde sublunaire, si ingénieusement représenté par l’arcane XVIII du tarot. On y voit le chemin de la vie longeant d’abord le marécage où s’embourbent les esprits paresseux, incapable d’efforts pour distinguer l’apparent du réel. L’écrevisse59 rétrograde les guette pour en faire sa proie. Si le voyageur reste sourd aux sirènes du marais, il ne manquera pas d’entendre les aboiements furieux de deux chiens (les constellations de la Canicule60), gardiens chacun d’une tour massive, autant dire de la forteresse d’un parti, d’une école ou d’une église. La fureur des deux cerbères antagonistes immobilise les timorés, alors que, dédaigneux des hurlements impuissants, l’initié* passe pour s’engager dans les champs illimités ouverts à son imagination. Bien téméraire est celui qui, à la clarté insuffisante de l’astre des nuits, s’aventure en un domaine inexploré, semé de fondrières. Il n’échappe aux dangers de sa pérégrination hasardeuse que si quelque guide invisible l’accompagne, pour le soutenir quand il perd l’équilibre, ou l’aider à se relever après d’inévitables chutes. Sans l’assistance d’un conducteur remplissant ainsi les fonctions d’ange gardien, les épreuves* initiatiques ne sauraient être subies les yeux bandés. 58 Ce qu’Oswald Wirth appelle le myste, n’est autre que l’initié*. Voir ce dernier terme dans les notions hermétique, page 18. 59 Cancer est un mot d’origine latine signifiant crabe, apparenté au grec karkinos, écrevisse. 60 Canicula est le nom latin de l’étoile Sirius, signifiant petite chienne. Étoile la plus brillante du ciel , elle est située dans la constellation du Grand Chien.

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En maçonnerie, les chiens assourdissants ont fait place à des gladiateurs qui font retentir l’arène des combats de la vie du cliquetis de leurs armes. Le récipiendaire* passe au milieu d’eux sans se mêler à leurs querelles et parvient ainsi au bord du fleuve, dont il doit franchir à la nage le cours impétueux pour être purifié par l’eau. On explique cette purification en la rapportant aux facultés imaginatives. Pour ne pas être égaré par l’imagination, il faut en effet, avoir conquis assez d’autonomie mentale pour résister aux courants d’opinion (fleuve des idées reçues et des préjugés en vigueur). Le symbolisme nous enseigne à nous appuyer en toute chose sur le binaire, dont la loi est rappelée par les colonnes J ∴ et B ∴, l’une masculine-active et l’autre féminine-passive. J∴ préconise la déduction, le positivisme, le raisonnement rigoureux, tendance dont le complément est offert par B∴ sous forme d’intuition, de rêve et de lucidité imaginative. C’est à cette dernière faculté que fait allusion la colonne B ∴ lorsqu’elle est blanche, en opposition au rouge ou au noir de la colonne J∴ Si la philosophie moderne reste stérile, c’est qu’elle ne sait que raisonner et qu’elle tremble devant ce qui reste pour elle « la folle du logis ». Or, nous avons tort de la mépriser, cette fille de la Grande Déesse, sans laquelle il n’y a ni artiste, ni poète, ni penseur complet. L’art d’imaginer juste n’est pas une chimère, si l’imaginatif sait discipliner l’imagination, et la divination peut n’être point un leurre, si le devin ne cherche à deviner que ce qui est devinable.

Le lion Dans l’ordre des purifications initiatiques, le feu succède à l’eau, comme l’air à la terre, tout extrême appelant son opposé. À force de descendre dans les profondeurs insondables, domaine de Saturne (Taureau), nous nous trouvons brusquement ravis dans les hauteurs jupitériennes (Gémeaux). Au sortir de la fraîcheur de l’onde qui nous lave extérieurement, il faut donc nous attendre à souffrir de la chaleur et de la sécheresse. Le myste, que le torrent de la vie commune n’a pas entraîné, aborde un sol aride, durci, poussiéreux, où la marche est faible, tant que le pied ne s’enfonce pas dans le sable ou qu’il ne se heurte pas à des débris rocheux. La route devient alors pénible au milieu d’un désert brûlé par un soleil implacable. Il faut avancer cependant, sans se laisser détourner par de fréquents mirages. Mais où mène cette course harassante ? Quel est ce cercle de feu qui subitement enveloppe le voyageur ? Épouvanté, il s’arrête et rapidement le cercle se resserre. Aucune issue ne s’offre : les flammes grandissent, elles approchent, dégageant une chaleur pénétrante ! Que faire ? Ne pas trembler et consentir à être brûlé vif. Un feu spirituel consume alors en nous tout ce qui nous est étranger, tous les germes d’égoïsme mesquin ou de passions indignes d’un pur initié*. C’est la suprême purification, celle qui donne droit à recevoir la lumière*. D’un thème analogue s’inspiraient vraisemblablement les rites en vertu desquels le Soldat de Mithra61 était jadis promu Lion. Assimilé au roi 61 Le mithraïsme est un culte monothéiste qui connut son apogée dans la Rome antique et dont les sept grades sont corbeau (corax), fiancé ou jeune marié (nymphus), soldat (miles), lion (leo), Perse (Perses), Héliodrome (Heliodromus) et Père (pater). Également inspirée de l’image de cet animal royal, mentionnons l’initiation de l’Ordre du Lion, évoqué dans les Mémoires d’un conscrit de 1808 recueillis et publiés par Philippe Gilles (Paris, Victor Havard, troisième édition de 1892, source Gallica). Douze ans avant la publication des Signes du zodiaque, Oswald Wirth avait retranscrit les passages relatifs à cet ordre et les avait accompagnés d’un rituel manuscrit de l’époque (L’Acacia, numéro 78, Janvier 1909, page 17).

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du désert, l’initié* du quatrième degré mithriaque incarnait, de ce fait, le Soleil du milieu de l’été. En cette saison, le revivificateur printanier, le doux agneau pascal, se transmue en fauve cruel, qui dévore toute sève vivifiante et tue la végétation. C’est le jugement par le feu, qui réduit en paille morte les tiges naguère verdoyantes, porteuses d’épis dont les grains concentrent désormais toute la vitalité de la plante. Le Soleil du Lion dessèche le support, mais il mûrit la semence des récoltes futures ; il ne détruit la vie des formes aqueuses que pour déposer dans le germe cette énergie ignée dont naîtront les êtres nouveaux. N’oublions pas qu’au point de vue intellectuel le grain figure le fruit de vérité qui mûrit à l’abri de ses écorces expressives et formelles ; c’est l’ésotérisme que l’esprit conçoit, puis dégage des enveloppes dont la vie s’est retirée. Résolu à n’être dupe d’aucune illusion, le penseur dessèche, lui aussi, les formes végétatives luxuriantes que l’imagination a gonflé de sa sève (Cancer, eau, Lune). Ne s’attachant qu’à ce qui résiste à l’épreuve de la dessiccation, il ne prise que le grain qui possède en lui le feu vital du vrai. Si l’on compare les saisons aux phases de la révolution diurne, on obtient les correspondances suivantes.

Printemps Orient

Hiver Nord Minuit Matin Soir Midi Été Sud

Automne Occident

Le signe du Lion marque ainsi le midi de l’année, donc aussi celui de la vie, l’âge adulte, où l’homme prend pleine conscience de lui-même et dispose de son maximum de puissance de réalisation.

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Le myste élevé au grade de Lion devait logiquement se proposer un idéal d’action positive, de réalisation pratique, écartant toute illusion, toute rêverie alanguissante, toute sentimentalité inhibitive. C’est bien là le caractère que les astrologues attribuent au Lion zodiacal. Sous son influence, les décisions hardies sont mises à exécution, les volontés se tendent, les cerveaux s’exaltent rationnellement et les bras s’enfièvrent d’énergie agissante, comme en 1918, lors du développement de l’offensive victorieuse. C’est d’ailleurs le soleil léonin qui pénètre dans le temple par la fenêtre du midi. Or, la pleine lumière du jour, qui réduit l’ombre portée à son minimum, montre les choses telles qu’elles sont, dans leur réalité objectivement observable. La clarté du positivisme scientifique succède ainsi à l’illumination trop subite du soleil matinal, dont les premiers rayons foncent comme le Bélier sur les nuées ténébreuses qu’ils dissipent. La combativité juvénile de la raison à l’état naissant bouscule alors les vieilles erreurs et renverse les préjugés tenaces. Mais ce luciférisme manque de discernement : il n’a pas eu le temps d’approfondir et de juger en pleine connaissance de cause. L’apprenti* qui fut ébloui par la lumière* de l’Orient, devra donc s’assagir au cours de ses voyages de compagnon*, en observant sans parti-pris les hommes et les choses, avec le désir de mettre au point sa vision intellectuelle, afin de parvenir à la compréhension en approchant de la fenêtre du Midi. S’il poursuit sa carrière, il contemplera au soir de sa vie les feux du soleil couchant, qui feront resplendir la fenêtre d’Occident comme la rosace d’une cathédrale. Mais le moment n’est pas encore venu de nous étendre sur les flèches d’or du Sagittaire et sur tout ce que le centaure Chiron peut révéler du passé au maître* qui possède l’art des évocations.

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Le symbolisme des trois fenêtres précise la portée du trigone ignée, marqué dans le zodiaque pas les signes du Bélier, du Lion et du Sagittaire.

Le Bélier se rapporte au feu constructeur de l’individu, à la lumière* intérieure emprisonnée, qui s’efforce de rendre transparentes les écorces de son cachot en les soumettant aux purifications successives de l’apprentissage. Il s’agit alors de vaincre les éléments avec l’aide de Mars, en digne soldat de Mithra. Au Lion correspond le Feu agissant, celui qui se traduit en actes extérieurs, en travail fécond, au sens du compagnonnage. L’illumination est alors effective, car la clarté solaire pénètre librement jusqu’au foyer de la lumière* intérieure. Le signe du Lion est le domicile du Soleil, qui règne en l’adepte léonifié. Mais il est un troisième feu, qui tient sa vertu de Jupiter et se projette au loin comme la foudre. Le Sagittaire en est détenteur, ainsi que le sage trop vieux pour agir de ses bras, mais puissant par la pensée qu’il sait décocher comme un trait lumineux. À lui appartient la maîtrise de l’enseignement régénérateur. 53

Si le Lion ne devait être envisagé que dans sa royauté, il n’y aurait pas à le redouter comme bête malfaisante. C’est cependant à ce titre que les héros le combattent. Il représente pour eux les passions qu’il faut savoir dompter afin de posséder la force initiatique, laquelle n’est pas, précisément celle des muscles, ni même celle de l’intelligence calculatrice. Dans le ternaire sagesse, force et beauté62 le second terme ne saurait être mieux illustré que par l’arcane XI du tarot 63. On y voit une femme souriante qui, sans effort, maintient écarté de ses mains délicates les mâchoires d’un lion en fureur.

62 Ces trois termes expriment des valeurs essentielles de la franc-maçonnerie, qui sont symbolisés au centre du temple* par trois piliers. Bien que l’on puisse disserter à l’infini sur leur sens, ils se comprennent d’abord ainsi : La sagesse guide les pas dans les pensées, dans les propos et dans les actions ; la force fournit l’énergie nécessaire à la recherche d’une meilleure connaissance de soimême ; la beauté s’épanouit dans la joie d’être en harmonie les uns avec les autres et dans le rayonnement de nos cœurs. 63 Depuis la fin du xvıııe siècle, l’arcane XI est parfois rattaché à un autre groupe, cette fois quaternaire ; il s’agit de celui des vertus cardinales : Force (XI), Justice (VIII), Tempérance (XIV) et Prudence (XII). Antoine Court de Gébelin est le premier à faire cette analogie dans Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, volume 8 (pages 371 et 372).

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L’image se complète, si nous nous reportons aux sculptures assyriennes du Louvre, qui représentent Gilgamesh, l’Hercule chaldéen64. Le légendaire roi d’Uruk presse sur son cœur un lion qu’il s’est bien gardé de tuer, car son arme est une massue élastique, une sorte de sac allongé, vraisemblablement rempli de sable, permettant d’étourdir l’adversaire sans même le blesser. L’initié* sait ménager ainsi l’ardeur passionnelle, énergie indispensable à l’accomplissement des grandes choses. Il serait dangereux de lui laisser libre cours ; mais l’art suprême enseigne à capter l’irrésistible agent et à l’appliquer à la réalisation du Grand œuvre*.

64 Le lien entre ces deux héros est mis en exergue par Hélène Tronc dans son Gilgamesh et Hercule, Folioplus classiques, 2011 (pages 93 à 102). Elle insiste notamment sur leur constitution partiellement divine, leur faiblesse non physique (mais plutôt psychologique : excès, orgueil, etc.) et leur rapport avec le monde des morts qu’ils visitent le temps d’une épreuve. Tous les deux mourront finalement mais accéderont à une forme d’immortalité : Hercule en rejoignant l’Olympe ; Gilgamesh en devenant un personnage sacré dont l’épopée sera transmise durant près de deux-mille ans.

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La vierge L’ardeur du Lion zodiacal tend à tout consumer, comme Baal-le-brûlant, ce terrible dieu qui calcinerait la terre sans Thanith, la dame de la fraîcheur nocturne et de la rosée revivifiante. Cette déesse est devenue la vierge des symbolistes du Moyen Âge, qui en ont fait la reine du ciel, en lui attribuant des ailes, une couronne d’étoiles et le sceptre de la fécondité. C’est ainsi qu’elle nous apparaît dans l’arcane III du tarot, où elle représente la suprême idéalité, l’intelligence universelle, mère des idées génératrices des formes (Binah, le troisième terme de la première triade de l’Arbre des séphiroth 65). Mais la Femme apocalyptique renonce à ses ailes pour descendre sur terre et dompter le Lion, ainsi que nous le montre l’arcane XI. L’idéogramme que nous ont transmis les astrologues 66 n’en fait pas moins allusion à une femme ailée67, bien que le signe de la Vierge soit terrestre. Il est vrai qu’il s’agit d’une terre allégée par Mercure qui s’y trouve domicilié. Ce n’est plus l’élément grossier, résistant, hostile, contre lequel a dû s’obstiner le Taureau de Vénus pour en tirer l’alimentation vitale. Les grâces de la maternité ont transfiguré la Terre, qui s’est sublimée par la gestation, en se purifiant, au point de devenir vierge, par le fait même qu’elle enfante la moisson. C’est là un très antique mystère, auquel Virgile était initié avant le christianisme. 65 Voir la représentation de l’Arbre de vie, page 17. 66 Voir le pentacle page 59 (ndla). 67 Le signe de la Vierge correspondant à la période des plantations florales. L’origine de ce pictogramme pourrait venir de la déformation d’un hiéroglyphe montrant une faucille fauchant trois épis de blé, image de la moisson. C’est la théorie proposée dans l’Initiation à l’astrologie sidérale, Denis Labouré, Guy Trédaniel / Pardès, 1986 (Page 29).

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Graphiquement, l’hiéroglyphe de la Vierge dérive des plus anciennes figurations d’Ishtar ou d’Astarté, le cône ou triangle surmonté par une boule, que rappelle le symbole de Thanith, tel qu’il se rencontre gravé sur de nombreuses stèles puniques.

En amincissant le corps de Thanith et en substituant des ailes à ses bras, on obtient le schéma de la Vierge zodiacale, que les Grecs se représentaient comme une femme ailée tenant un épi à la main. Un simple trait courbé indique cet attribut dans le graphisme du signe de la Vierge. Ce pourrait être aussi bien le croissant lunaire ou le serpent traditionnel que la femme est appelée à vaincre. Notons que la victoire est une vierge ailée comme celle du zodiaque, à laquelle se rattache la moisson victorieuse, triomphe du travail dans sa lutte contre les éléments hostiles. L’épi de la Vierge, la brillante étoile dont le Soleil approche quand la récolte est entrée, nous ramène ainsi au mot de passe des compagnons*. Ceux-ci recueillent le fruit de leurs peines en découvrant un astre mystérieux, dont la contemplation enseigne à voir clair en soi-même. Il sont désormais en possession de l’épi d’or qu’ambitionnait Éleusis le myste de Déméter.

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Toute vraie initiation procède en cela d’un sage positivisme. Les mystères qui nous intéressent sont ceux de la terre, non ceux du Ciel. Nous voulons travailler et récolter, sans nous préoccuper d’assurer artificiellement notre salut éternel. Enfants de la Terre, montronsnous pleins de gratitude à l’égard de notre mère nourricière : acceptons la vie telle qu’elle nous est donnée, sans récriminer contre ses lois, mais en nous efforçant de comprendre ce qu’elle exige de nous. Celui qui a compris a vu l’Étoile flamboyante* et il connaît la Lettre G*. Touchée de sa piété filiale, Isis lui a confié ses secrets, ceux de la Terre, qui n’est pas une marâtre à l’égard des vaillants, résolus à la cultiver avec amour. Le paradis perdu, ils sauront le créer, les Titans, fils de la Terre, qui se disent enfants de la veuve ! Du travail, ils font leur gloire et, s’ils ont l’ambition de s’élever jusqu’au Créateur, c’est en accomplissant son œuvre, le Grand œuvre* constructif, conforme au plan du Grand Architecte de l’Univers*. Pour ces ouvriers, l’atelier sacré c’est le monde qui est à leur portée. Ils y puisent les matériaux qu’ils façonnent et assemblent en vue d’édifier le temple éternel. Ne vivant que pour l’art auquel ils s’adonnent, peu leur importe ce qui les attend après la mort. Ils s’identifient avec l’œuvre, qui leur promet la moins équivoque de toutes les immortalités. Leur héroïsme en cela n’est pas supérieur à celui du soldat matérialiste qui meurt volontairement pour sa patrie. La question de la survivance n’est d’ailleurs pas résolue en un sens négatif par les initiés*, qui préfèrent simplement ne pas discuter dans le vide. Ils savent s’en tenir à cet orbe restreint du connaissable, que mesure pour chacun l’écartement des branches du compas dont il dispose. Or, l’autre monde est situé en dehors du cercle, en un domaine sur lequel il est plus judicieux de se taire.

58

D

C

Mercure a son double domicile dans les Gémeaux et dans la Vierge. Il est aérien dans le premier de ces signes et terrestre dans le second, si bien qu’il faut demander à l’astrologie la signification de la terre mercurielle des alchimistes. D’une extrême subtilité, cette substance s’insinue dans l’interstice des atomes élémentaires ; elle correspond à l’éther, véhicule des vibrations et mieux encore à la quintessence. Son symbole superpose l’antimoine ou la terre exaltée au croissant lunaire, pour dessiner le signe du mercure en le renversant. Or, le mercure ordinaire fait allusion à la matière première, apte à subir toutes les transmutations ; c’est la substance vivante que l’art met en œuvre, Protée unique, qu’il faut savoir saisir sous la multiplicité de ses aspects. Les Gémeaux en offrent la manifestation aérienne ou fleurie. En la Vierge se dissimule, au contraire, un Mercure devenu inaltérable, mais condensant en lui une puissante énergie transmutatoire : c’est la vertu rattachée au germe qui renouvellera la vie. La Vierge zodiacale est en somme une personnification de la sagesse pratique, intimement liée à la vie et au travail qui est le but de celle-ci. L’intelligence nous est donnée en vue de nous permettre d’accomplir notre tâche d’agents vitaux, non pour la satisfaction d’une curiosité indiscrète. Nous ne sommes pas appelés à tout savoir, mais à comprendre ce qui nous est demandé. L’initiation est agissante et non simplement spéculative, comme le supposent les sophistes du temple*.

C

La balance Comme uniques figurations de la divinité, Hérodote ne vit, dans le plus ancien temple de Tyr, que deux stèles dressées en l’honneur du feu et du vent. Ce binaire représentait le double aspect du principe animateur de toutes choses. Le feu dont il s’agit est en effet, celui qui s’allume en tous les êtres pour assurer leur fixité, en même temps que leur croissance et leur développement. C’est l’archée, le souffre des alchi- r Ç mistes, l’ardeur constructive intérieure qui correspond à la colonne Iakîn*. Cette énergie vitale dort dans le germe, tant qu’elle n’est pas tirée de puissance en acte par le vent auquel se rapporte le mercure des hermétistes. C Le messager des dieux opère en cela comme un air si subtil qu’il pénètre partout, pour souffler sur l’étincelle de la vie naissante et entretenir le foyer d’activité qui ne s’éteint qu’à la mort des individus. Cet agent de vitalisation permanente possède en lui la force68, comme la seconde colonne* du Temple de Salomon*, qui porte le nom significatif de Bohaz*. Appliqué au zodiaque, ce symbolisme se retrouve dans les signes des équinoxes.

g

a

Bélier – feu – Mars Balance – air – Vénus Hiver Jaillissement créateur Stabilisation équilibrée continu de la vie Printemps Automne des forces vitales jeunesse, fougue maturité, calme Été fonder ménagement, maintenir

Æ

68 Qui se dit bohaz en hébreu (voir B∴ dans le lexique, page 18).

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Nous sommes ainsi en présence des deux grands facteurs de la construction universelle, représentés en maçonnerie par J∴ (initiative du fondateur de l’édifice vital ; volonté constructive qui provoque la mise en œuvre conformément au plan arrêté) et B ∴ (organisation du travail constructif ; loi selon laquelle il s’accomplit sans interruption, avec ordre et régularité). Une distinction analogue se traduit en Kabbale par les deux branches divergentes de l’Arbre des séphiroth69 que désignent C’hesed et Geburah70. Il s’agit d’une part d’un pouvoir de générosité, qui donne et répand la vie en appelant les êtres à l’existence, de l’autre du gouvernement de la vie donnée, de sa restriction en vue de l’adapter aux nécessités logiques de coordination des énergies vitales.

1 Kether

3 Binah

couronne

intelligence

sagesse

5 Geburah force

8 Hod gloire

2 C’hocmah

4 C’hesed 6 Tiphereth beauté

9 Jesod

miséricorde

7 Netsah victoire

fondement

10 Malcut royaume

69 Plus connu sous le nom d’Arbre de vie, sa représentation ne figurait pas dans l’édition originale de cet ouvrage. Nous l’avons conçue à partir du texte d’Oswald Wirth extrait de son Tarot des imagiers du Moyen Âge, Paris, Émile Nourry, 1927 (page 61). 70 C’hesed et Geburah se prononcent Rézède (avec un R guttural) et Guéboura.

61

Nous voici ramenés à la Balance, ou plus exactement à l’arcane VIII du tarot qui représente la Justice armée du glaive et tenant une balance dont les deux plateaux sont en rigoureux équilibre, comme pour indiquer la stricte égalité du jour et de la nuit lorsque le Soleil traverse l’équateur. Ce phénomène est commun aux deux équinoxes ; mais les jours grandissant rapidement, tandis que la nature s’éveille à une vie nouvelle, sont ce qui frappe au printemps. En automne, on constate, par contre, une sorte d’immobilisation de la vie dans le fruit parvenu à maturité. Il y a effort de conservation par la prolongation de l’équilibre qui s’est établi entre les forces constructives et les tendances à décrépitude ou à destruction. Le signe de la Balance se rapporte donc à cette phase de la vie humaine où l’individu est en possession de son maximum de moyens d’action. Il n’est plus sujet aux impulsions irréfléchies de la fougue juvénile, puisque le Lion est dompté 71. La sagesse acquise lui permet d’agir judicieusement, en pleine connaissance de cause et en tenant compte des oscillations de cette balance mystérieuse qui est sensible à toute action nécessairement génératrice d’une réaction équivalente.

71 Voir plus haut, page 56 (ndla).

62

L’initié* sait que tout s’équilibre avec rigoureuse exactitude. Il en est ainsi dans le domaine de nos sensations, où le plaisir se mesure à la peine qu’il a coûtée, si bien qu’il ne saurait y avoir de félicité absolue. Le bonheur est une récompense : celle de l’effort courageux qui a bravé la douleur. La vie, en effet, est une conquête, une lutte ininterrompue, que servent même les phases de repos accumulatrices d’énergie, car le travail est la loi de l’existence72. L’univers est un organisme dont chaque être est un organe appelé à remplir une fonction. Le grand art initiatique se base sur le discernement de ce qui est demandé à l’ouvrier de bonne volonté résolu à exécuter fidèlement sa tâche. En voyageant à travers le monde, le compagnon* a trouvé l’emploi de son talent et de son énergie ; il se consacre donc au Grand œuvre* en travaillant à la construction du temple humanitaire. Cet édifice, dont les matériaux sont vivants, se construit selon les lois de la vie, auxquelles les constructeurs doivent se conformer. Leur sagesse n’a donc rien d’abstrait ou de métaphysique ; elle est essentiellement positive, liée à la logique des choses, à la physiologie sociale et aux règles immuables de l’harmonie universelle.

72 Cette phrase ne prétend nullement que l’on doit éprouver de la souffrance au labeur pour survivre, mais plutôt que le travail est notre raison de vivre et, par là même, qu’il est le sens de la vie : « Alors achevons de comprendre et montrons-nous intelligents jusqu’à pénétration du sens profond de la vie. Nous constaterons que vivre et travailler sont synonymes, les êtres n’existant qu’en vue de la tâche qui leur incombe. Après nous être émancipés de la tutelle indispensable à l’enfance, il ne faut pas nous révolter contre la nécessité de gagner péniblement notre vie. Ce n’est pas en gémissant contre le prétendu péché commis à l’égard de la providence animale que nous nous montrons hommes, dignes fils de cette Ève qui eut le mérite de désirer l’intelligence. Bénissons-là, sans oublier le serpent, bête qui fut maudite par incompréhension. », Oswald Wirth, Les mystères de l’Art royal, Paris, Librairie critique Émile Nourry, 1932 (page 16).

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Celle-ci résulte d’un état d’équilibre assurant le fonctionnement normal ou la santé. L’initié* vise donc en toutes choses à l’équilibre et se garde bien de se déséquilibrer pour développer artificiellement des facultés anormales. Les pratiques d’acrobatie nerveuse, qui émerveillent les esprits grossiers, relèvent d’une fausse initiation. Le véritable adepte ne se soucie pas d’acquérir des pouvoirs prétendus surnaturels. Il reste dans la nature, avec laquelle il s’harmonise par l’équilibre qu’il a su réaliser en lui-même. Bénéficiant ainsi des forces agissantes du grand organisme dont il n’est qu’une particule, il remplit sa fonction en toute simplicité, sans tirer vanité de son rôle s’il paraît important, sans se trouver humilié non plus si sa mission est obscure ou ingrate. Tous nous sommes égaux devant le travail que nous accomplissons tel qu’il nous est demandé. En tant que signe d’air, la Balance, domicile de Vénus, tient le milieu entre les Gémeaux dont le maître est Mercure, et le Verseau où règne Saturne. Or les Gémeaux correspondent à l’épanouissement constructif, à l’achèvement de l’édifice vital qui se dresse dans la séduction de sa jeune beauté. Avec la Balance, la bâtisse a fait ses preuves ; elle est en usage et répond pleinement à sa destination. Quant au Verseau, il la trouvera déserte, abandonnée, mais debout, en témoin du passé servant désormais de modèle aux architectes. Les promesses d’avenir (Gémeaux) conduisent ainsi aux réalisations fécondes du présent (Balance), dont Saturne respectera les ruines, inspiratrices de constructions nouvelles. Notons enfin que Vénus, qui est terrestre dans le Taureau, y personnifie la sève vitale, donc la vitalité intérieure propre à chaque individu. Or, dans la Balance, cette planète devient aérienne et représente en conséquence la vie ambiante, celle qui se respire et appartient à l’espèce.

64

Capricorne

g f

Verseau

Poissons

Bélier

Sagittaire Scorpion

h GF e G E i F D d

C c ^ ED C BA

Taureau

_

`a

Gémeaux

b

Balance

Vierge

Lion

Cancer

L’égoïste, qui ne vit que pour lui-même, limite sa vie à ce qu’il tient du Taureau zodiacal. Il s’expose à mourir comme tout ce qui se contente de végéter. Autre est le sort de qui fait déborder sa vie au dehors et entre ainsi en communion avec une vie plus grande et plus durable. En vivant pour et en autrui, il s’immortalise sans attendre la suprême initiation du tombeau. Vivons pleinement si nous voulons vaincre la mort.

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Le scorpion L’heureux équilibre réalisé par la Balance ne saurait se maintenir indéfiniment. La vie, dont la loi est l’écoulement continu, ne se stabilise relativement que pour une période limitée. Une décrépitude fatale guette tout ce qui a pris naissance ; elle peut tarder à se manifester, mais il est une échéance inéluctable que le sage n’aspire pas à esquiver : il sait vieillir et ne redoute pas de s’acheminer vers le tombeau. Que penser dès lors de l’élixir de vie, qui aurait permis à certains adeptes de braver l’injure des siècles, figés dans une immuabilité artificiellement acquise ? Ce qui peut s’affirmer sans risque d’erreur, c’est que de piètres initiés* ont seuls pu s’attacher à la réalisation d’un programme aussi mesquin. Attacher tant de prix à la vie transitoire est le fait du profane séduit par la matérialité, au point de n’avoir aucun soupçon d’une vie plus grande et plus durable, à laquelle nous avons bénéficié à participer le plus pleinement possible. En ne craignant pas la mort, le véritable initié* s’élève au dessus de la vie destinée à lui échapper, et c’est ainsi que lui échoit un élixir allégorique n’ayant rien en commun avec les préparations des héros de romans 73. Un fruit mûr tend, il est vrai, à se conserver ; il en est de même de l’individu parvenu à la phase de stabilité automnale de la vie. Mais, à moins qu’il ne soit sec, tout produit organique se décompose rapidement, grâce aux fermentations qu’engendre le venin du Scorpion. Cet animal est l’ennemi du Taureau de Vénus, qui consolide et alimente la vie naissante. Jaloux de ce qui s’applique à durer en se stabilisant, il empoisonne la sève vitale, en y développant des foyers d’une activité hostile au bon fonctionnement de l’ensemble. Il pousse la partie à s’insurger contre le tout et inspire à la cellule des ambitions d’autonomie visant à l’ériger en corps étranger au sein de l’organisme.

73 Dans Zanoni, Bulwer Lytton met en scène des fantoches qui donnent l’idée la plus fausse de l’initiation authentique (ndla).

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Les maladies révolutionnaires, qui sapent la constitution physiologique, relèvent ainsi du Scorpion, que les astrologues font correspondre à leur huitième maison, où ils cherchent les présages de la mort. Ils font d’ailleurs de ce signe le domicile du Mars destructeur et aquatique, par opposition au Bélier74, où réside l’ardeur martienne du feu vital constructeur. Ne nous hâtons pas, cependant, de maudire le Scorpion. Sans lui, rien ne se renouvellerait. Des traditions proclamées sacrées seraient à jamais religieusement suivies et nul progrès ne s’accomplirait. Où en serait le monde, si aucune révolte n’était venue bouleverser l’ordre primitivement établi ? Nous jouirions encore de l’ère paradisiaque, où l’homme nu ignorait le bien comme le mal et vivait à la façon du singe. Le Scorpion poursuit en somme l’œuvre du Serpent tentateur, qui est excellente dans ses finalités, puisqu’elle aboutit au progrès. Ne faut-il pas détruire pour reconstruire et provoquer le désordre afin qu’il surgisse un ordre nouveau ? Toute fermentation d’ailleurs n’est pas nécessairement putride, témoin ce qui se passe dans les cuves où le doux jus du raisin devient âpre pour se spiritualiser. Les mystères de Dionysos ont pu exploiter cette métamorphose en divinisant l’esprit du vin qui, en excitant notre propre esprit, semble nous mettre en rapport avec l’esprit universel. Un rôle de médiateur a par suite été attribué à Bacchus, dispensateur d’une ivresse mystique transportant l’homme dans le domaine des dieux. Le Scorpion, qui marque l’époque des vendanges, se rattache à ce culte délirant. Il trouble les esprits qu’il exalte et les pousse aux excès révolutionnaires, source de désagrégation et de ruine.

74 Voir le schéma, page 13.

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Les crises ainsi déterminées libèrent les énergies vitales que le Taureau avait attachées à la matière : il y a rupture des liens organiques, avec explosion de dynamisme, comme le montre la seizième clef du tarot (Maison-Dieu ou Tour foudroyée75). Pour rester en harmonie avec la nature, ces perturbations devraient se produire avec une particulière intensité sous l’influence de l’obscurité grandissante, alors que les jours diminuent rapidement. Octobrenovembre se recommande dans l’hémisphère nord comme phase de bouleversements. Les complots se trament en effet, sous l’inspiration du Scorpion qui devient à ce titre, l’inspirateur du meurtre d’Hiram*. Les mauvais compagnons* symbolisent tous les ferments de dissolution qui tuent un organisme quel qu’il soit. En maçonnerie, comme en toute autre collectivité, ce sont tout d’abord les esprits trop obtus pour s’élever à la compréhension du but poursuivi. Quand ces brutes ignorantes ont la prétention de faire la loi, elles se servent de la règle pour paralyser l’intelligence directrice. Le trouble qui en résulte est exploité par les fanatiques, avides d’imposer ce qu’ils conçoivent comme juste. Leur tyrannie sème la division et désorganise tout groupement basé sur la concorde, laquelle implique tolérance réciproque. Détournée de son office régulateur, l’équerre* sème alors la zizanie, jusqu’au moment où les ambitieux surgissent en brandissant le maillet*. Flattant les plus viles passions, surexcitant les appétits, ils achèvent de détruire l’ordre pour réaliser le chaos.

75 Ou encore nommée Le Feu du ciel, tel qu’en témoigne l’arcane ci-dessus, tiré du premier tarot de l’auteur, 1889.

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Ce sont eux qui portent le coup mortel au principe vital coordinateur de toute organisation. Telle est l’œuvre du Scorpion, ce redoutable dissolvant auquel nul composé ne résiste. Démolisseur de la construction vitale, il désagrège ce qui avait fusionné en un tout agissant. Son venin enivre d’orgueil les sous-multiples individuels qui, avides d’autonomie sans contrôle, entrent en conflit avec la collectivité dont la vie s’est particularisée en eux. Ennemi de la vie qui s’est édifiée grâce au travail persévérant du Taureau, le Scorpion s’attaque à cet animal sur les monuments du culte de Mithra. Tandis que le dieu égorge la victime en détournant la tête, pour indiquer que l’acte lui est pénible, la bête venimeuse semble enfoncer avec délice ses pinces dans les génitoires du puissant fécondateur terrestre. Il convient de remarquer à ce sujet que le Scorpion correspond aux organes génitaux dans la répartition astrologique des signes du zodiaque entre les différentes parties du corps humain. ^ tête, boite crânienne _ gorge, mâchoire inférieure et cou ` bras, épaules, seins a poumons, cage thoracique b cœur, épigastre, colonne vertébrale c ventre, intestins, matrice d hanches, reins, os du bassin e organes génitaux, pubis f cuisses et muscles en général g genoux (et articulations par extension) h jambes (et avant-bras) i pieds (et mains)

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Aucune constellation n’est d’ailleurs mieux nommée que celle du Scorpion, car les étoiles qui la composent suggèrent effectivement, par leur disposition, l’idée d’un animal à pattes nombreuses et à queue recourbée, terminée par un dard. C’est ce monstre céleste qui épouvante Phaéton et lui fait lâcher les rênes des coursiers du Soleil. Diane lui aurait obtenu place au ciel par reconnaissance car, poursuivie par Orion, elle allait être atteinte au moment où ce géant fut piqué par le Scorpion. L’épopée chaldéenne de Gilgamesh met en scène un couple monstrueux, humain jusqu’à la ceinture et scorpion dans la partie inférieure du corps. Ce sont les gardiens gigantesques et terrifiants du passage ténébreux en lequel le Soleil s’engage pour traverser la montagne d’occident. Il tuent par leur seul aspect76.

Une divinité de la même famille nous apparaît dans le Baal d’Arad, tel que nous le montre une médaille phénicienne, dont s’inspire l’esquisse ci-dessus 77.

76 Voir Paul Dhorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, Paris, Gabalda, 1907, 1 vol. gr. in-8, p. 273 (ndla). 77 Voir G. Maspero, Histoire Ancienne des peuples de l’Orient classique, tome ıı, page 169 (ndla).

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Ce dieu aquatique, dont le corps se termine, non en queue de poisson, mais en pince de Scorpion, personnifie le Soleil qui, en se couchant disparaît dans les flots, de même qu’il entre dans le signe d’eau du Scorpion au soir de l’année. Pendant la nuit, à laquelle correspond l’hiver, l’astre lumineux agit en rénovateur de la vie. Tournant celle-ci contre elle-même, il la comprime, au lieu de stimuler son expansion comme au matin-printemps. Ainsi peut s’expliquer le sceptre à pointe reproduisant le signe du Bélier renversé. Quant à l’anneau que le Baal d’Arad tient de la main gauche, il fait allusion à la multiplicité des vies particulières surgissant de l’unité vitale, figurée par le cercle, schéma du serpent qui se mort la queue (ouroboros). Le grouillement de la vie nouvelle s’effectue dans le liquide qui se corrompt. La corruption est donc dans l’ordre des choses : nul organisme n’y échappe, car la vie répugne à la stabilisation. Son propre est de circuler et de se renouveller incessamment. Le sage se garde bien de faire obstacle au processus fatal de toute régénération. Il conçoit la nécessité des orages et des cataclysmes : quant tout est renversé, il ne perd pas courage, sachant que le maître* en art royal* se dit fils de la putréfaction.

Le sagittaire Comme rien ne se détruit, pas plus dans le domaine des forces qu’en celui de la matière, la décomposition d’un organisme donne lieu au dégagement des énergies qui avaient concouru à le construire et à le conserver. L’ardeur vitale ne s’éteint pas plus que le Soleil quand il se couche. Celui-ci ne disparaît d’un hémisphère que pour en éclairer un autre ; il en est de même de la vie : quand elle cesse de se manifester sur un plan, c’est que son indestructible activité se poursuit dans un autre domaine. Or, le symbolisme du zodiaque attribue ce domaine invisible au Sagittaire 78, qui conduit le Soleil jusqu’au plus bas de sa course annuelle, jusqu’aux jours les plus courts. Ce signe est ainsi en opposition avec les Gémeaux, qui glorifient la vie lumineusement épanouie dans les formes matricielles. Par contraste, le Sagittaire soutire la sève vitale et réduit les arbres dépouillés à l’état de squelettes desséchés, dont les branches semblent se tendre en détresse vers le ciel. Privée de chaleur, la nature prend sous son influence un aspect de mort : elle porte le deuil du principe vivificateur du Bélier, non moins que de l’ardeur véhémente du Lion, sans laquelle rien ne viendrait à maturité.

78 Dans son Tarot des imagiers du Moyen Âge, Oswald Wirth met l’arcane VI du tarot en relation avec le Sagittaire. Cependant, dans la première édition de notre ouvrage, quelques années plus tôt, il lui associe plutôt l’Ermite. Nous reproduisons ci-dessus l’Amoureux (arcane VI) qui semble plus fidèle aux dernières idées de l’auteur, ainsi qu’un peu plus loin et conformément à l’édition originale, l’Ermite.

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Le Sagittaire, cependant, est signe de feu ; à ce titre il est intermédiaire entre le Lion qui tue en brûlant et le Bélier stimulateur d’une vie renouvelée. Il est donc agent de renouvellement et ne retire la vie usée que pour lui restituer la vigueur perdue. Son feu est jupitérien, comme celui du Bélier tient du Mars constructeur et comme l’embrasement du Lion est solaire. Or Jupiter distribue la vie, qui revient à lui lorsqu’elle languit, afin d’être imprégnée à nouveau de feu céleste ou d’électricité animatrice. La constellation du Sagittaire a suggéré aux Babyloniens la monstrueuse conception d’un centaure ailé à deux têtes et à deux queues, dont une de scorpion. Le double visage peut rappeler les Gémeaux qui correspondent au Sagittaire par opposition ; mais un être qui regarde simultanément en avant et en arrière, comme le Janus des Latins, est communément réputé devin, en ce sens que le passé lui révèle l’avenir.

Sagittaire babylonien gravé sur une borne du xııe siècle avant J.-C. conservée au British Museum.

Le privilège d’une semblable prévision basée sur l’expérience appartient à la vieillesse, dont toute la vigueur s’est sublimée dans l’intelligence. Quand il se met à l’ordre, le maître* par son geste, s’affirme victorieux du Scorpion. Tout étant mort en son animalité, nulle fermentation ne trouble la limpidité de son fluide animique, d’où cette sereine Sagesse qui, habile à prévoir, détermine le plan de la construction future. C’est ce qui s’appelle travailler sur la planche* à tracer. Pour saisir toute la portée de cette locution maçonnique, il est bon de se représenter à la base de l’organisme une trame invisible sur laquelle il se construit. C’est le corps causal des Orientaux, plus connu des occultistes sous le nom de corps astral 79. Il est difficile d’expliquer l’atavisme sans admettre une mémoire qui survit à l’individu pour profiter aux générations suivantes. C’est à cette mémoire reconstructive que correspond le Sagittaire en qui les Grecs ont voulu voir le centaure Chiron, l’éducateur d’Esculape et de nombreux héros.

79 D’un point de vue occulte, le corps astral est une des sept parties constituantes de l’homme, se trouvant entre le corps et l’esprit. L’expression semble avoir été inventée par Paracelse (Astronomia magna, œuvre posthume, 1571) pour désigner cette partie de l’individu, capable de se détacher du corps physique, par exemple durant le sommeil, pour se déplacer librement et communiquer avec d’autres êtres situés dans le plan astral. Le concept a été repris par les occultistes du xıxe siècle, tel Éliphas Lévi (Histoire de la Magie, 1861). Quant à l’expression, elle a été popularisée par la fondatrice de la théosophie Helena Blavatsky (Isis Unveiled, 1877 ; The Secret Doctrine, 1888). Le corps astral trouve son origine et des équivalents dans de nombreuses cultures : antiquité égyptienne (Ba ou âme-Ba) ; hindouisme (linga-sharîra ou sûkshma-sharîra) ; antiquité chaldéenne néo-babylonienne (descente et remontée astrale de l’âme), etc. Notons enfin, que le deuxième volet du Serpent de la Genèse de Stanislas de Guaita (illustré par Oswald Wirth, alors qu’il en était le secrétaire) est pour une grande part consacré à l’astral (La clef de la magie noire, Paris, Carré, 1897).

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Fils du temps et d’une nymphe océanide, Chiron est immortel, mais voulant libérer Prométhée, il se pique volontairement avec une flèche qu’Hercule avait trempée dans le venin de l’Hydre de Lerne. Nous disons plus prosaïquement que les espèces ne sont pas immuables et qu’elles finissent par s’éteindre. Elles évoluent d’ailleurs, grâce à l’expérience des individus disparus, laquelle n’est pas perdue pour ceux qui naissent. Les morts qui revivent en nous sont premiers précepteurs. Ils nous enseignent tout ce qui est instinctif ; mais ils vont beaucoup plus loin, si nous savons les écouter. L’arc du Sagittaire porte à grande distance ; il décoche la pensée d’avenir. Invisible, le centaure demidieu ressemble aux maîtres* qui, dans la chambre du milieu*, se tiennent derrière le rideau pour diriger les travaux. Ce sont les supérieurs inconnus, que le baron de Hund prit au xvıııe siècle pour des individus en chair et en os faute de saisir une doctrine dont la véritable portée n’échappa point à Gœthe80. Ces entités mystérieuses dirigent toute construction, tant celle de l’organisme des individus que celle du corps subtil des collectivités, en adaptant partout les fruits de l’expérience du passé aux nécessités de l’avenir. Si au milieu des ténèbres qui nous enveloppent, nous voulons bâtir utilement, il faut que la voix des maîtres secrets retentisse dans l’intimité de notre être, grâce au silence qui s’est fait en nous. Le feu jupitérien du Sagittaire descend parmi les sages pour illuminer mentalement. Il est l’étincelle inspiratrice qui suscite les précurseurs et prépare le renouveau.

80 Témoin sa poésie intitulée Symbolum, dont la dernière strophe se fait l’écho de la voix des esprits, celle des maîtres clamant de l’au-delà : Ne négligez pas d’appliquer les forces du bien ! (Doch rufen von drüben / Die Stimmen der Geister, / Die Stimmen der Meister : / Versäumt nicht zu üben / Die Krätte des Guten) (ndla).

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1 Kether

Le neuvième signe du zodiaque n’est pas sans concordance avec couronne 3 2 la neuvième séphire81, dite Jesod C’hocmah Binah ou fondement. Elle correspond intelligence sagesse au tronc de l’arbre qui s’élève de la terre au ciel. En Jésod se 5 4 concentrent toutes les énergies Geburah C’hesed créatrices, car à l’encontre des force miséricorde 6 végétaux ordinaires, l’Arbre des Tiphereth séphiroth puise sa sève dans les beauté 8 7 suprêmes hauteurs et les canalise Hod Netsah vers le sol où s’étale Malcut, le gloire victoire 9 Royaume, autrement dit la créaJesod tion objective. Jésod est le plan fondement vivant de tout ce qui se construit ; c’est le modèle fantomal 10 permanent sur lequel les êtres Malcut transitoires se forment. Si ce moroyaume dèle était immuable, les générations se succéderaient identiques les unes les autres, ce qui en exclurait tout progrès. Or, Jésod est essentiellement plastique dans sa sensibilité aux répercussions d’en haut et d’en bas. Il maintient la tradition en ce qu’elle a d’éprouvé, mais il tient compte de la marche des choses et y adapte sans cesse les formes à naître. Les ouvriers du Grand œuvre*, ceux qui aspirent à transformer le mal présent en bien futur doivent donc s’efforcer d’influencer Jésod, en méritant d’être admis à tracer des figures appropriées sur la planche* mystérieuse des maîtres*.

81 Traditionnellement, on emploie plutôt le terme séphirah (de l’hébreu nombre au singulier) et séphiroth (au pluriel). Concernant l’Arbre de vie de la kabbale et la prononciation des séphires, voir les notions kabbalistiques, page 17.

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Dans ce même ordre d’idées, le tarot nous offre l’Ermite (arcane IX), qui est un vieillard prudent, enveloppé dans un sombre manteau, dont un pli masque une lanterne soulevée de la main droite, tandis que la gauche, à l’aide d’un bâton à sept nœuds, sonde le terrain qu’éclaire la lumière* du sage. C’est d’un maître en effet qu’il s’agit, d’un esprit qui s’est retiré du courant des passions humaines pour conspirer avec désintéressement, pauvre et ignoré des foules, mais puissant par le savoir et la concentration psychique. Un tel solitaire devient thaumaturge : il pratique la médecine universelle et se consacre utilement au Grand œuvre* humanitaire. Réservé, il n’exerce sa volonté qu’à bon escient ; mais aussi ce qu’il trace sur la planche* des réalisations futures, ne peut manquer de s’accomplir.

Le capricorne Les hymnes védiques célèbrent le jour des dieux comme une période annuelle assez étendue, au cours de laquelle le Soleil ne disparaît pas sous l’horizon. Ce triomphe de la lumière se produit au solstice d’été, qui a toujours impressionné les peuples du nord. Jadis les foules aimaient alors à se réunir pour des sacrifices, suivis de plantureuses agapes, de jeux et de danses fleuries. Il nous en reste un souvenir dans les feux de joie et les rondes de la Saint-Jean. À cette phase d’exubérance consécutive au midi de l’année, s’oppose le recueillement de la nuit des dieux, qui survient lorsque le Soleil, descendu au plus bas de sa course, devient invisible aux habitants des régions voisines du cercle polaire. Plongés dans une obscurité persistante, ils ne sont plus alors à s’ébattre dans le bruit : chacun se tait, pour évoquer dans le silence de son cœur le dieu qui doit renaître afin de revivifier la nature engourdie. Et lorsque le vœu universel est exaucé, lorsque le disque solaire réapparaît aux yeux des mortels anxieux, quelle détente dans les âmes, quel sentiment de gratitude religieuse ! Nulle fête n’est donc plus naturelle et plus conforme à l’harmonie des choses que celle de Noël. Elle est d’ailleurs d’origine païenne, puisque l’institution du culte officiel du Sol invictus82 remonte à l’empereur Aurélien qui fixa au 25 décembre la Natalis invicti, jour que les chrétiens ont adopté entre les années 354 et 360 comme celui de la naissance du Sauveur83.

82 Du latin (Soleil invaincu) cette divinité solaire romaine inspirée de la mythologie d’Apollon et du culte de Mithra, date du ıııe siècle. Elle est le patron principal de l’Empire romain auquel l’empereur Aurélien attribua la dies natalis solis invicti (fête du jour de naissance du Soleil) le 25 décembre, date à laquelle tombait le solstice d’hiver. 83 Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, article Sol (ndla). Cette note de l’auteur fait référence à l’ouvrage de Charles Victor Daremberg et Edmond Saglio, publié en dix volumes entre 1877 et 1919 chez Hachette.

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Cela prouve que les correspondances symboliques s’imposaient au ıve siècle, époque où le fidèle du Christ ne reculait pas devant des rapprochements qui tendaient à diviniser le Soleil. Déjà Jamblique s’était appliqué à démontrer qu’Apollon, Mars, Mercure, Esculape, Hercule, Sérapis, Adonis, Attis, Osiris ne sont que des appellations variées du dieu solaire84. Le monothéisme philosophique, pour qui le Soleil devenait l’image de l’unique vrai Dieu, n’a pu manquer d’influencer les chrétiens à une époque où ils se préoccupaient de recueillir l’héritage de la plus haute pensée hellénique. Quoi qu’il en soit, aucune solennité religieuse ne correspond mieux à son objet que la messe de minuit. Tout y concourt à intensifier la ferveur, surtout dans l’intimité des sanctuaires de campagne ensevelis sous la neige. Du reste, le Capricorne incline à la piété, puisque la tradition astrologique le met en rapport avec les genoux85. Il développe les sentiments d’adoration que le fidèle exprime en s’agenouillant. Les franc-maçons pourraient eux aussi célébrer le solstice d’hiver en bénéficiant des concordances de rythme qui font vibrer l’homme en synchronisme avec la planète. Ils s’en tiennent malheureusement aux banquets agrémentés de discours, sans songer à la légende d’Hiram*, qui fournit cependant le thème des rites de circonstance. Les travaux de l’année devraient être clôturés par une tenue de maîtrise, car il convient de pleurer Hiram* quand la nature est en deuil et de faire coïncider sa résurrection avec la renaissance du Soleil.

84 Le philosophe néo-platonicien Iamblicos (242-325) place le Soleil comme principe moteur de l’univers : « Si toutes choses persévèrent dans l’immobilité et la perpétuité renouvelée, c’est que jamais ne s’arrête la course du Soleil. » Jamblique, Les Mystères d’Égypte, VI, 7. 85 Voir page 69, la figure indiquant la correspondance des signes du zodiaque avec les parties du corps humain (ndla).

79

Cet astre « renaît » par le fait de son entrée dans le signe du Capricorne, qui est terrestre comme ceux du Taureau et de la Vierge.

Mais la terre printanière, que le Kéroub céleste a fécondé, appartient à Vénus ; celle du milieu de l’été, qui vient d’enfanter les récoltes en devenant virginale, relève de Mercure ; celle d’hiver enfin, stérile et vide, mais fécondable, est dominée par Saturne, le dieu des profondeurs ténébreuses, souverain du néant dont sortent les choses. Cette terre saturnienne équivaut à la matière première des sages, substance universelle susceptible de se prêter à toutes les transmutations. Le poissonchèvre des Babyloniens s’y rattache, car il figure les solidifications qui constituent des îles au sein de l’Océan cosmique.

Atomes ou corps célestes, ces pétrifications nagent au gré des courants qui les entraînent ; mais une faune capricieuse navigue à leur bord, car la vie animale (Pan, Bouc de Mendès86) s’attache à tout ce qui surgit des ondes uraniennes. Le Capricorne apparaît ainsi comme un agent de corporisation et de rattachement de l’esprit à la matière, si bien que les chrétiens des catacombes purent y voir le symbole de l’incarnation du Verbe et de la renaissance du fidèle au sortir des eaux du baptême. C’est là du moins l’interprétation vraisemblable de la peinture des cryptes de l’Ardéatine qui associe le Capricorne au trident de Neptune. Le dixième signe du zodiaque ne pouvait manquer d’entrer dans la composition de la dixième clef du tarot, qui représente la Roue de fortune. Cette roue de l’existence ou du perpétuel devenir engendre le tourbillon vital : elle tourne sous l’impulsion de deux agents contraires cramponnés à sa double jante. C’est d’une part un Hermanubis figurant la Canicule, dont la chaleur qui dilate les corps et active la circulation vitale. À ce génie bienfaisant s’oppose le démon du froid restrictif, condensateur et matérialisant. Or ce Typhon est un être semi-aquatique et cornu comme le Capricorne, qui, envisagé dans son rôle cosmogonique, représente ce que l’on peut appeler l’égoïsme créateur, c’est-à-dire l’aspiration accapareuse, épaississante et durcissante, génératrice des corps. Cela nous ramène à la terre saturnienne, substratum de toute objectivité. 86 Le Bouc de Mendès est à rapprocher du Baphomet, idole figurée par la tête d’un homme barbu, portant parfois des seins et une tête de bouc. Ce serait à partir de la description du dieu bélier, honoré à Mendès par Hérodote, qu’Éliphas Lévi aurait donné le nom de Bouc de Mendès pour désigner le Baphomet.

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La constellation du Capricorne est située dans le ciel à l’entrée de la région de l’eau, qui englobe le Verseau, les Poissons, la Baleine et le fleuve Éridan, mais commence à mi-corps du Poisson-Chèvre, car l’animal grimpeur appartient encore à la région de l’air. Celle-ci est caractérisée par l’Aigle, le Vautour et le Cygne, lequel touche à la région aquatique. Les constellations du printemps : Bélier, Taureau, Gémeaux, avec Orion et le Lièvre rappellent d’autre part la terre, de même que l’on rapporte au feu, les Chiens (Canicule), le Lion et la Vierge. Cette répartition accorde à chaque élément un signe du zodiaque comme domaine particulier ; c’est ainsi que le Taureau est essentiellement terrestre, le Lion véhémentement igné, la Balance purement aérienne et les Poissons entièrement aquatiques.

Eau

Capricorne

g f

Verseau

Poissons

Bélier

h i

^

Taureau

Terre

Scorpion

terre feu air

eau

e d

eau

air

feu

terre

terre

_

feu air

eau

`a

Gémeaux

Air

Sagittaire

c

b

Cancer

Balance

Vierge

Lion

Feu

Quant aux autres signes, il sont caractérisés comme suit87 : Bélier Taureau Gémeaux Cancer Lion Vierge Balance Scorpion Sagittaire Capricorne Verseau Poissons

feu terrestre (intérieur). terrestre air terrestre (atmosphérique). eau ignée (chaude). igné terre ignée (calcinée). aérien eau aérienne (vaporisée). feu aérien (électrique). terre aqueuse (chaotique). air aqueux (aéthérique). aquatiques

87 Dans l’édition originale, Oswald Wirth ne listait que les huit signes supplémentaires. Pour plus de clarté, nous les énumérons tous, en les différenciant par une mise en gras. On remarque que chacun des huit signes en gras est associé à deux éléments, le premier étant intrinsèque (à l’intérieur du cercle du schéma ci-contre), le second saisonnier (à l’un des quatre coins). Les quatre autres signes ont le même élément intrinsèque et saisonnier.

83

Le verseau Connu des anciens comme la planète la plus éloignée, Saturne règne sur les signes du zodiaque qui sont en opposition avec le Cancer et le Lion, domiciles de la Lune et du Soleil. Mais le maître du Capricorne, signe de terre, opposé au Cancer, signe d’eau, change de caractère dès qu’il vient habiter le Verseau, signe d’air. Le dieu patient, obscur et silencieux qui stabilise partiellement le chaos dont l’agitation furieuse s’oppose à toute formation, est cet Ancien des jours, El Olam, que les Grecs, faute de mieux, assimilèrent à leur Kronos. Pour bien saisir son rôle, il faut remonter à la conception chaldéenne de l’Océan chaotique, domaine de la fougueuse Tiamat, l’ennemie du repos, qui se débat aveuglément au milieu des éléments qu’elle mêle et confond sans cesse, en poussant d’effroyables rugissements. Cette mère des monstres que les dieux ont à combattre est en dernière analyse la source du mouvement, lequel est considéré comme diabolique, tout au moins dans ce qu’il a d’excessif et de désordonné. Les dieux créent en calmant, en stabilisant, en coordonnant et, le premier rôle revient à cet égard au vieux Saturne, tel que l’ont conçu les astrologues alexandrins, lorsqu’ils l’ont domicilié dans le Capricorne.

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Mais que devient ce dieu lorsqu’il dépouille sa lourdeur terrestre pour s’élever jusqu’au palais aérien du Verseau ? Il semble cette fois, vouloir recueillir l’héritage d’Éa, afin de commander aux eaux supérieures, qui se sont sublimées au plus haut du ciel. Ces eaux proviennent de l’Océan salé dont Tiamat entretient l’infructueuse agitation ; mais l’évaporation les a rendues douces. Elles fertilisent par suite la terre aride sur laquelle les fait retomber le génie du Verseau qui est, sinon Éa lui-même, du moins un messager, un ange de ce grand dieu dispensateur de sagesse. Car l’eau, devenue invisible à l’état de vapeur, est le symbole de l’âme, bénéficiaire de l’inspiration d’Éa. C’est ce dieu en effet, qui sauve du déluge son favori Atrahasis, le « très avisé » ou le « bon entendeur », dont l’oreille sut percevoir la révélation d’une haie de roseaux à laquelle Éa avait confié le secret des Dieux 88. L’amphore du Verseau répand donc la sagesse en même temps que la vie, si bien que Saturne assume en ce signe le rôle d’un Jupiter pluvius, ou mieux encore celui de l’Indra védique.

88 Paul Dhorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, page 103 (ndla).

85

Si l’on compare les trois signes d’air : Gémeaux, Balance et Verseau, on reconnaît qu’ils se rapportent au souffle animateur, manifesté sous la triple influence de Mercure de Vénus et de Saturne. Mercure a favorisé l’incarnation de ce souffle dans l’individu qui s’est épanoui comme une fleur à la lumière du grand jour solaire. Vénus a voulu préserver de détérioration l’édifice vital solidement construit en vue de réaliser l’équilibre. Quant à Saturne, il a recueilli la vitalité qui s’est dégagée des formes frappées de décrépitude. Avare, il n’en a rien laissé perdre et il entre dans ses attributions de veiller jalousement sur le réservoir de la vie universelle. Il modère l’écoulement du fluide animateur et ne distribue la vie qu’avec une sage économie, afin que son débordement immodéré n’aboutisse au chaos. Le Saturne-Verseau de la sphère céleste se transforme dans le tarot en un archange solaire, génie de la Tempérance. Cette vertu soulève de la main gauche une urne d’argent dont elle déverse le contenu dans l’urne d’or qu’elle tient de la main droite. Le mouvement de la figure implique une alternance faisant passer un même liquide tour à tour d’une urne dans l’autre. Il s’agit là aussi du fluide animateur universel ; mais l’ange qui assure une perpétuelle circulation semble indifférent aux contenants successifs, à jamais incapables de retenir le précieux contenu transitoire.

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L’arcane XIV, qui met en scène la conservation de l’énergie vitale, contraste d’ailleurs avec l’arcane XIII : la Mort. Rien ne cesse, tout s’écoule sans arrêt concevable. L’individu périssable ne prolonge d’ailleurs sa durée qu’en se retrempant sans cesse dans les flots de la fontaine de jouvence du Verseau ou de la Tempérance. Le sommeil réparateur équivaut à un bain dans le mystérieux fleuve-océan de la vie universelle. Nous y plongeons chaque nuit et, comme Gilgamesh, nous en rapportons un rameau épineux de la plante d’immortalité, talisman destiné à nous être ravi par le serpent de notre animalité89.

89 Loc. cit. Épopée Gilgamesh, page 313 (ndla).

87

Les poissons En s’écoulant de l’amphore du Verseau, la vie universelle engendre le courant animateur auquel les êtres doivent leur existence. La chute des eaux supérieures est la source de tout mouvement vital : il s’en dégage un dynamisme qui donne à la vie son caractère d’activité constructive. Nous sommes mus par le grand écoulement des choses qui nous entraîne irrésistiblement. Mais il faut distinguer ; tout comme l’électricité, la vie est double : dynamique et statique. Elle se traduit par une succession d’actes qui se constatent et tendent à ce titre à se faire identifier avec la vie elle-même. Sans doute, nous ne vivons que pour agir et nos actes traduisent tout le côté dynamique de notre vie, qui doit cependant être envisagée aussi sous son aspect statique. Ne sommes-nous pas baignés en effet, dans un océan de vie latente que tout être transforme pour sa part, en vie agissante ? Les ondes invisibles de cet océan fluidique enveloppent tout ce qui vit. C’est là le domaine d’Éa, ce dieu chaldéen des eaux vivifiantes qui entretiennent la vie de l’esprit non moins que celle du corps. Car d’après une conception d’une extrême antiquité, la pensée d’ordre élevé, la sagesse, se transmet du ciel à la terre par l’intermédiaire d’un fluide subtil que l’on se représentait comme de l’eau vaporisée. Dans ce milieu nagent des Poissons célestes, comme ceux du zodiaque. Ce sont les messagers d’Éa, qui prit lui-même la forme d’un dieu-poisson pour instruire les premiers habitants de la Babylonie.

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Bérose, qui au ıııe siècle avant notre ère, révéla aux Grecs les légendes babyloniennes, décrit cette divinité sous le nom d’Oannès. Surgissant de l’onde au lever du jour, elle conversait avec les hommes jusqu’au coucher du Soleil, pour leur enseigner la pratique des lettres, des sciences et des arts, les règles concernant la fondation des villes et la construction des temples, enfin les principes des lois et jusqu’à la géométrie, sans oublier les préceptes relatifs à la culture de la terre, semailles, moisson, etc. Les Poissons du zodiaque ne doivent pas cependant être identifiés avec Oannès. Ils sont tout au plus ses enfants, comme l’homme-poisson et la femme poisson du cachet babylonien conservé au British Museum, qui semblent avoir suggéré l’image des tritons et des sirènes.

Oannès90

Ce couple explique la dualité des Poissons zodiacaux, qui font à leur manière, pendant aux Gémeaux. Mais ceux-ci expriment la fraternité, telle qu’elle se pratique sur terre, alors que les Poissons, qu’un long ruban relie entre eux, font allusion aux sympathies d’ordre spirituel ainsi qu’au binaire (J∴ et B∴) qui intervient dans la génération des idées. Car ce sont les idées, ces images vivantes, qui peuplent l’océan d’Éa, d’où les penseurs les attirent à eux pour écouter leur parole humaine.

90 D’après Layard, The Monuments of Nineveh, 2nd Ser., pl. 6, no 1. Figure reproduite par G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Tome I, page 547 (ndla).

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Comme toute idée en évoque une autre qui lui est complémentaire, on conçoit que les Poissons soient accouplés par un fil. Leur dualité implique d’ailleurs discussion, échange et multiplication. Ils sont féconds et plaisent à Vénus, dont le pouvoir s’exalte dans le signe des Poissons, domicile de Jupiter.

Sous ces auspices combinés, les Poissons favorisent la germination de la semence fournie par la Vierge et que le Bélier fera éclore. Ils se rapportent à ce qui est en puissance de devenir, aux réalisations prochaines, dont il est dit qu’elles « sont dans l’air ». Le dernier des douze signes correspond aussi à l’achèvement du Grand œuvre* ou à la revivification d’Hiram* par les maîtres* qui se sont unis à cet effet. Pour que le mort revive, il faut qu’il soit relevé, donc mis sur pied. Or, dans la répartition des signes du zodiaque entre les parties du corps humain, les Poissons échoient aux pieds91. Se tenir debout est le propre de l’homme, que la station verticale distingue des animaux.

91 Voir figure page 45 du no d’octobre 1920 (ndla). Cette note de l’auteur fait certainement référence à un numéro de la revue Le Symbolisme (que nous n’avons malheureusement pas pu nous procurer). Nous renvoyons donc le lecteur au schéma de la page 69.

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Aux pieds (Poissons), se rattache ainsi la dignité de l’individu, le respect de soi-même et le culte de l’hominalité. Dans le même ordre d’idées, le Verseau se rapporte aux jambes et à la locomotion en général, donc à la liberté de mouvement, à la marche permettant le progrès et conduisant les hommes à se rapprocher pour collaborer. Il reste à noter que les premiers chrétiens firent du poisson le symbole rédempteur et qu’euxmêmes se considéraient comme de petits poissons ayant trouvé le salut dans les eaux du baptême.

Conclusion Après avoir commenté chaque signe du zodiaque pris isolément, il convient de mettre sous les yeux du lecteur des schémas et tableaux lui permettant d’appréhender les liens existants entre les principales notions astrologiques92.

92 Dans un souci de cohérence avec la structuration de notre édition, nous avons scindé et ajusté le texte, sur cette page et sur les trois premières lignes de la suivante. Celui d’origine était : « Après avoir commenté chaque signe du zodiaque pris isolément, il convient de mettre sous les yeux du lecteur un schéma d’ensemble, lui permettant de discerner les rapports d’opposition ou d’affinité de signe à signe ». Nous avons également inséré un titre supplémentaire à chacune des double pages de ce chapitre.

Vue générale Voici une image d’ensemble, permettant de discerner les rapports d’opposition ou d’affinité de signe à signe.

^

b

f

Terre _

c

g

Air

`

d

h

Eau

a

e

i

Feu

94

Cette figure distribue les planètes dans leurs domiciles zodiacaux ; elle associe en outre chaque signe à la maison de l’horoscope qui en procède, mais elle s’attache surtout à faire ressortir les triplicités, c’est-à-dire les signes placés au sommet des triangles ou trigones de chaque élément 93.

93 La position des symboles zodiacaux indique le début du signe et non l’ensemble du signe lui-même (comparer avec la figure de la page 13). Nous avons simplifié ce schéma au strict minimum requis, l’image complète étant reproduite en couverture de notre ouvrage.

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La triplicité des éléments Les éléments apparaissent ainsi comme triples dans leurs manifestations zodiacales94.

Les trois aspects du feu • Le feu du Bélier, qui correspond au soufre des alchimistes, donc à l’archée, au feu-principe intérieur, source de toute activité vitale. • Le feu du Lion, qui est le même feu non plus concentré en un noyau, en vue d’expansion constructive, mais en plein déploiement d’action. C’est le feu dévorant qui consume les réserves vitales. • Le feu du Sagittaire, feu céleste, qui s’est dégagé des individus pour se répandre dans les hauteurs, d’où il redescendra, en se condensant réincarné dans le Bélier.

Les trois terres • La terre que laboure le Taureau. Elle nourrit le germe qui se développe et fournit aux êtres les matériaux de leur construction vitale. • La terre de la Vierge. Elle a pour symbole le globe ailé des Égyptiens, qui figure la planète virginale dont nous sommes les enfants. • La terre du Capricorne, autrement dit la matière première des sages, à laquelle tout retourne, dont tout se forme et se reforme perpétuellement. 94 En plus de la correspondance des quatre éléments aux saisons (voir le centre du schéma de la page 95), ceux-ci sont également mis en relation avec chaque signe du zodiaque, tels qu’attribués ici sur cette double-page). Cela permet d’affecter les quatre éléments aux signes du zodiaque de deux manières différentes (illustrées par le schéma de la page 82).

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La triplicité de l’air • L’air des Gémeaux, que les vivants aspirent, pour s’en saturer et s’alléger ainsi par rapport à la pesanteur terrestre (air intérieur). • L’air de la Balance, celui qui entretient la vie et que tous les êtres respirent. Il est leur bien commun, également accessible aux riches et aux pauvres (air ambiant). • L’air du Verseau, essence subtile prêtant un corps éthéré à ce qui veut prendre forme ; souffle de vie animant jusqu’aux pensées dignes de rester agissantes.

Le triple aspect de l’eau • L’eau du Cancer. Elle est animée par la chaleur, comme la sève vitale qui gonfle les tissus animaux ou végétaux pleinement développés. • L’eau du Scorpion. Elle est le milieu où s’accomplit toute fermentation transformatrice. Véhicule de décomposition, elle disloque ce qui s’est construit. Elle distille le venin dont meurt l’organisme et qui libère les esprits vitaux. • L’eau des Poissons. Elle ranime ce qui doit revivre, fournissant aux germes l’humide radical nourricier de leur feu-principe. C’est une huile analogue au Sôma du sacrifice védique. À son contact, l’étincelle flambe soudain comme si l’onction sainte manifestait la royauté d’Agni, c’est-à-dire du feu vital appelé à renaître sous les auspices du Bélier ou de l’agneau (agnus).

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Les sept planètes Ces indications trop sommaires ne satisferont sans doute que les seuls Fils d’Hermès, dont la sagacité, toujours en éveil, se contente du moindre indice. N’étant plus de ces débutants qui ne savent encore « ni lire, ni écrire », les symboles ont pour eux l’avantage de parler, si bien que d’un simple point, ils sont capables de tirer toute une cosmogonie. À plus forte raison, rattacheront-ils un monde au groupement suivant des sept signes planétaires.

Soleil A Le Soleil du Lion est d’une activité dévorante. Il symbolise l’esprit agissant qui use la matière, comme le cavalier insouciant des forces de sa monture sacrifie celle-ci au but qu’il se propose d’atteindre. Par opposition, le Saturne du Verseau ménage la vie en la dispensant avec mesure.

Lune B La Lune du Cancer préside au développement des formes, qu’elle gonfle transitoirement. Elle s’oppose au Saturne du Capricorne, maître des l’essence impérissable des choses, alors que la Lune ne régit que les apparences éphémères.

Mercure C Mercure est aérien dans les Gémeaux et terrestre dans la Vierge. Il représente d’une part le levain de subtilité qui s’insinue dans la pâte corporelle pour la faire lever, et de l’autre, la quintessence qu’élabore la matière en travail. Il s’oppose dans le premier cas au Jupiter igné du Sagittaire (feu céleste non incarné) et dans le second au Jupiter des Poissons (Éa, le dieu de l’océan vital cosmique). Mercure et Jupiter se partagent les quatre éléments. Les deux autres carrés analogues mettent en opposition Mars et Vénus, qui sont en quadrature avec Saturne, puis avec le Soleil ou la Lune.

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eau

i

F C

` air

feu

F C

f

c terre

feu

^

terre

E G B D

a eau

g d air

air

h

eau

G E D A

_ terre

e

b feu

Vénus D Vénus est terrestre dans le Taureau et aérienne dans la Balance. Elle inspire dans le premier signe l’amour de vivre et de jouir, quitte à substituer dans le second l’altruisme et l’égoïsme, en développant les sentiments généreux de bienveillance et d’équité. Dans les deux cas elle s’oppose à Mars.

Mars E Mars est igné dans le Bélier et aqueux dans le Scorpion. Il est violent dans toutes ses manifestations, soit qu’il rompe les enveloppes protectrices du germe qui éclot, soit qu’il fomente la révolte des énergies impatientes d’agir avec autonomie au sein d’un organisme affaibli. Vénus tempère utilement son ardeur trop fébrile et retarde l’explosion de sa colère meurtrière.

Jupiter F Jupiter est igné dans le Sagittaire et aqueux dans les Poissons. Il dispose dans le premier signe du feu spirituel et plane dans le second au dessus des eaux animatrices ; son universalité s’oppose au Mercure individualisé, soit dans les Gémeaux soit dans la Vierge.

Saturne G Reste Saturne, qui est terrestre dans le Capricorne et aérien dans le Verseau, tout en représentant toujours la base fondamentale des êtres et des choses. En tant qu’opposé aux apparences lunaires, il figure la réalité abstraite, telle que la nécessité oblige à la concevoir, bien qu’elle ne puisse tomber sous les sens. Par opposition à l’éclat solaire, il symbolise, d’autre part, le mystère insondable qui enveloppe le peu que le Soleil de la raison éclaire. 99

Le lecteur voudra bien excuser le caractère par trop apocalyptique de la présente étude, esquisse rapide destinée aux investigateurs de tous les symbolismes qui se rattachent au zodiaque. Ils y trouveront les jalons d’une piste féconde pour qui veut se livrer à une exploration autonome et possède le génie de la découverte. Car nous ne sommes plus ici dans le domaine des notions qui se formulent avec précision, afin qu’un esprit réceptif puisse se les assimiler passivement. Les symboles sont évocateurs, non d’une idée déterminée, mais d’images liées les unes aux autres en chaîne indéfinie. Le raisonneur qui ne sait que raisonner en fait fi ; mais le penseur ayant acquis la pleine maîtrise de la pensée se garde bien de dédaigner d’apparentes puérilités. Les symboles se prêtent à des jeux qui conduisent l’esprit aux conceptions les plus inattendues. Sont-elles vraies ? Sont-elles fausses ? À coup sûr elles sont ingénieuses et elles ont l’immense mérite de faire comprendre ce que l’humanité s’est jadis figuré. À ce titre elles sont respectables et sollicitent toute l’attention de l’archéologue réfléchi et du paléosophe.

Table des matières Préface................................................................7 Bref historique...........................................................................8 Un second ouvrage...................................................................10 Notions d’astrologie.................................................................12 Notions de mythologie mésopotamienne.................................14 Notions d’hermétisme..............................................................16 À propos de cette édition.........................................................22 Au lecteur................................................................................23

Les douze signes...............................................29 Le bélier...................................................................................32 Le taureau................................................................................38 Les gémeaux............................................................................42 Le cancer..................................................................................46 Le lion.....................................................................................50 La vierge..................................................................................56 La balance................................................................................60 Le scorpion..............................................................................66 Le sagittaire.............................................................................72 Le capricorne...........................................................................78 Le verseau................................................................................84 Les poissons.............................................................................88

Conclusion........................................................93 Vue générale............................................................................94 La triplicité des éléments.........................................................96 Les sept planètes......................................................................98

Le tarot kabbalistique d’Oswald Wirth de 1889 tel que reproduit dans cet ouvrage ainsi que l’oracle astrologique réalisé d’après les dessins de l’auteur sont édités par Tarot Artisanal (www.tarot-artisanal.fr).

Imprimé en septembre 2017 à Nice par l’imprimerie Ciais

Les signes du zodiaque Abordant les constellations zodiacales sous leurs principaux aspects (historique, scientifique et symbolique), Oswald Wirth propose une vision d’ensemble conduite par un subtile jeu d’analogies. Il rapproche le zodiaque de la mythologie, de l’hermétisme et des arcanes du tarot : trois de ces vastes domaines qu'il décrit comme « les multiples arbres de la connaissance des choses cachées. » Il s'en dégage une cohérence d’ensemble que l'auteur pointe du doigt et nous laisse percevoir selon notre capacité individuelle.

Oswald Wirth

Ayant consacré sa vie au symbolisme sous ses diverses formes, Oswald Wirth (1860-1943) s’est penché sur l'astrologie, la mythologie babylonienne, le tarot, la kabbale ou encore l’alchimie. Orienté vers la réalité psychique et ses manifestations culturelles il les a ainsi mises en rapport pour nous ouvrir à une réconciliation des idées.

Igor Barzilai

Artisan cartier, Igor Barzilai restitue les anciens tarots et créé des oracles historiques, astrologiques et jungiens. Soucieux de diffuser fidèlement la pensée wirthienne, il nous accompagne dans cet exposé zodiacal prenant le novice par la main et éclairant l’érudit.

Tétraèdre