« Dieu » ou « comme Dieu » ?: Enquête philologique sur harpagmos en Philippiens 2.6 (French Edition) 9782343249384, 2343249385

Dès les premiers temps de l'Église, les chrétiens l'avaient remarqué : les écrits de l'apôtre Paul contie

160 18 65MB

French Pages [207]

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

« Dieu » ou « comme Dieu » ?: Enquête philologique sur harpagmos en Philippiens 2.6 (French Edition)
 9782343249384, 2343249385

Table of contents :
Prologue
Table des matières
Introduction
Abréviations
Index

Citation preview

Didier Fontaine

ou >

Enquête philologique sur apnayµoç en Philippiens 2.6

& spiritua

ilé

?

Religions et Spiritualité Collection fondée par Richard Moreau, Professeur émérite à l'Université de Paris XII,

Dirigée par Gilles-Marie Moreau et André Thayse, Professeur émérite à l'Université catholique de Louvain. La collection Religions et Spiritualité rassemble divers types d'ouvrages : des études et des débats sur les grandes questions fondamentales qui se posent à l' homme, des biographies, des textes inédits ou des réimpressions de livres anciens ou méconnus. La collection est ouverte à toutes les grandes religions et au dialogue interreligieux.

Derniers titres parus Joseph Ntumba Tshiambi, Quête de Dieu au cœur de la religiosité populaire: la foi chrétienne au risque de la superstition. Préface de Victor Biduaya Badiunde, 2021. Fawzia Al Ashmawi, Elle n'est pas voilée dans le Coran : regard féminin sur l 'image de lafemme et dans la tradition musulmane, 2021. Didier Mellière, Tous ces catholiques qui ont déserté l'Église ... comment leur donner envie de revenir ?, 2021. Jean-Michel Le Bot, L'écologie avec ou contre l'Église ? Crise catholique, celtisme et conversion écologique dans le Finistère, 2021. Marie Moreau, La Vierge Marie, fille d'Israël. Préface de l'abbé Pierre Deprecq, 2021. Odon Abbal, Le saint (?) et le sauvage (?) : Pierre Chanel et Musumusu (1837-1841) , 2021. Claude-Henri Vallotton, En vieillissant: un journal d'apprentissage. Préface de Jacques Herman, 2021. Ronald Zoumango, Souffrance de l'homme, souffrance du Christ: « Dieu était où quandje vivais cela? », 2021. Jean-Philippe Pettinotto, Dans le soujfle du vent: conquête de soi et résistance franciscaine dans le monde post Covid-19, 2021. Mistral Okangou, Christ et Eucharistie, 2021. Ngoc Tiem Tran, La pensée franciscaine : une pensée à la lisière du singulier et de l'universel. Préface d' Alonso Morales Duque, 2021. Michel Bourron, Cinquante ans au service de l'Église de Lyon (1971-2021) . Préface du cardinal Philippe Barbarin, 2021. Jean Brac, Retour au Christ: Évangile de Jésus le Christ selon saint Marc avec commentaires, 2021. Gilles-Marie Moreau, La chapelle des Pénitents blancs de Grenoble. Préface de Jean Guibal, 2021. Gabriel Tankwa Lumbele, Perfectae caritatis et la spiritualité des chanoines réguliers de Prémontré, 2021.

« DIEU » OU « COMME DIEU » ?

0 L'Harmattan, 2022

5-7, rue de l'tcole-Polytedmique; 75005 Paris

http://www.editions-harmattan.fr/ ISBN: 978-2-343-24938-4 EAN: 9782343249384

Didier Fontaine

« Dieu » ou « comme Dieu » ? Enquête philologique sur àprrayµ6ç en Philippiens 2.6

Du même auteur

Le nom divin dans le Nouveau Testament, L'Harmattan, 2007 Il nome di Dio nel Nuovo Testamento, Azzura7, 2009 (édition revue et augmentée)

L'égalité avec Dieu en Philippiens 2.6, L'Harmattan, 2010

6

Prologue

Il n'est pas exagéré d'affirmer que l'éloge du Christ contenu en Philippiens 2.6-11 constitue le mont Everest des études sur cette épître. 1 Depuis la publication en 2010 2 de mon essai sur la question - qui m'avait déjà coûté deux ans de recherche et des centaines de lectures - un flot ininterrompu d'études n'a cessé d'affluer: commentaires, thèses, monographies, articles en tous genres. De quoi donner le vertige. Ma première expérience m'avait enseigné, comme l'éloge, la modestie, et je ne serais certainement pas revenu de moi-même à ce texte, ne serait-ce qu'en considération du volume intimidant de contributions à consulter, méditer, digérer, pour se mettre à jour, sans parler des difficultés inhérentes au sujet. Le cours des évènements en a toutefois décidé autrement. 3 Le lecteur trouvera ici une étude complémentaire à notre première approche del' encomium. En 2010 j'avais abordé ce texte de manière oblique en examinant s'il était légitime, sémantiquement et grammaticalement, de considérer les expressions « en forme de Dieu» et « l'égalité avec Dieu» comme des énoncés interchangeables. La réponse à cette question, négative, permettait d'apporter un éclairage sur le sens du verset 6, et par ricochet de l'exorde dans son ensemble. Certaines questions importantes n'étaient traitées que de manière succincte, et c'est à cette limite que tente de répondre le présent travail. L'approche est cette fois-ci frontale: quel est le sens de àprrayµéç? Ce que l'on conquiert de force? Ce que l'on utilise à son avantage? On ne peut tolérer que des sens diamétralement opposés puissent cohabiter. Examinez tout, retenez ce qui est bon, déclare !'Écriture (lTh 5.21). Mais comment débusquer le sens importun? S'agissant de l'exhortation à l'humilité de Philippiens 2.6-11 et de la fascination exercée par ce texte depuis des siècles, on peut raisonnablement penser que cette question a déjà été traitée par des penseurs de qualité - à maintes reprises. Étonnamment, ce n'est pas si vrai. Naturellement bon nombre des questions posées par le

1

REUMANN 2008, 333. D. FONTAINE, L'égalité avec Dieu en Philippiens 2.6, L'Harmattan, Paris 2010. 3 Le chapitre 2 de la présente étude paraîtra, sous forme abrégée, dans un 2

en italien.

7

ouvrage collectif,

texte - rhétoriques, théologiques, sociologiques - ont été tournées et retournées. Peu nombreuses, toutefois, sont les études spécifiquement dédiées à l'analyse philologique de àprrayµ6ç. La grande majorité des études se contentent en fait d'épouser la thèse de HOOVER,4 sans la questionner. Le débat est-il clos? Je ne le pense pas. La solution avancée par HOOVER est critiquable sur le fond et sur la forme. Sur le fond car les textes cités, quand on se donne la peine de vérifier, n'appuient pas toujours le sens allégué. Sur la forme car la méthode adoptée conduit à confondre des sens contextuels avec le sens prototypique. Le sujet est d'importance, car cette thèse est constamment reprise sans critique, à l'identique ou avec d'arbitraires variations. Il me paraît de ce fait plus qu'opportun de remettre l'ensemble du dossier en question. Le consensus actuel a certes de quoi impressionner. Mais le consensus n'est pas un critère scientifique, contrairement au débat contradictoire. Est-ce à dire que je propose, seul contre tous, une lecture singulière et dissonante de Philippiens 2.6? Pas vraiment. Ce passage ayant, on l'a dit, exercé la sagacité de générations de savants depuis des siècles, il est peu probable d'apporter une vue véritablement originale à sa compréhension. Au vrai la position que je défends a déjà été soutenue, et je ne prétends nullement à une quelconque originalité. Je bornerai la singularité de mon apport à l'examen critique de la thèse de HoovER, et j'estimerai avoir atteint mon objectif si les autres pièces du puzzle - notamment l'analyse des contextes littéraire et historique qui ont déjà fait l'objet de bons traitements que je reprendrai, peu ou prou, à mon compte - s'emboîtent de manière à former une image crédible de l'exhortation que Paul a adressée aux Philippiens. Un mot sur cet« hymne». Pour emboîter les pièces du puzzle, il est utile d'avoir au préalable une vue d'ensemble de l'exorde - de manière, justement, à placer àprra:yµ6ç dans le bon sens. N'est-ce pas là un danger, un biais d'analyse? Il faut s'entendre sur cette nécessaire « vue d'ensemble». Pour déterminer le sens du terme débattu, il est évidemment préférable de n'avoir aucun présupposé sur son sens possible. En revanche il est crucial de comprendre son contexte d'énonciation. Le langage est ainsi fait que les mots prennent leur «sens» en un temps et en un lieu D'après HOOVER (voir chapitre 2), µµopq,tl;6µEVOÇ T½) eavaT½) Q'.UTOÜ, Phi 3.10 en devant conforme à lui dans sa mort

auµµopcpoç

on oüç n:poéyvw, KQ'.1 n:powpioev auµµ6pcpouç Tî]Ç rlx6voç TOÜ uioü Q'.UTOÜ, Rom 8.29 ; car ceux qu'il a connus d'avance, il les a prédestinés à deY.enir. conforme à l1mag.e. de son fils ; ôç µrraaxttµanoet T0 owµa Tî]Ç TQ'.TtflVWOfWÇ ~µwv auµµopq,ov T½) owµan Tr]Ç ~fJÇ Q'.UTOÜ, Phi 3.21 ; lequel transformera le corps de notre humiliation (= notre corps misérable) pour le rendre conforme au corps de sa gkUœ (- son corps glorieux)

On compte cinq dérivés de µopcp~ dans le NT : µopcp6w, former, µnaµopcp6w, transformer, µ6pcpwm.ç, forme, cruµµopcpoç, conforme, auµµopcpi~w, conformer38• Dans notre échantillon, leur emploi permet de formuler quelques constats: « forme d'esclave», 2) la contrainte stylistique de ne pas répéter les mêmes termes, autrement dit la variété lexicale (FONTAINE 2010, 72; R0MER0WSKI 2011, 171-172), et peut-être 3) la reprise d'un terme rencontré dans le texte isaïen qu'il cite aux vv. 9-10. Résumé synthétique des différentes positions adoptées dans MARTIN et NASH 2015, 114-115 : « ouoia, o6~a, kabod, condition/status, form of appearance, bodily appearance, Daseinsweisse, (. ..) Adamaic etKWV ». La traduction« forme de Dieu» que nous adoptons s'entend de la condition divine, de la sphère ce1este (cf. REUMANN 2008, 342, GREEHY 1975, 1195) dans laquelle christ existait avant son incarnation. 38 Dans la Septante on trouve par ailleurs &µopq>oç, sans forme, euµopq>la, beauté de forme, eùµopq>oç, de belle forme.

23

la forme n'est pas toujours visible, ou pas directement (Gal 4.19), la forme peut être trompeuse (2Ti 3.5), 39 elle ne manifeste donc pas nécessairement des « caractéristiques intrinsèques ou 40 essentielles» comme on le dit souvent , la forme n'est pas immuable, elle peut changer41 (Mar 16.12, Mat 17.242, Phi 3.10) ; pour le signifier on utilise deux verbes d'usage comparable: µnaµopcp6w - µnaaxriµa-dçw, transformer43 , le changement de forme n'équivaut pas nécessairement à un changement de l'être (Mar 16.12, cp. Luc 24.13-31), les termes pour changer d'aspect/de forme (µnaaxriµaT{Çw) et devenir conforme (m5µµopcpoç, auµµopcp{Çw) peuvent désigner le même évènement, de même, devenir conforme (auµµopcpoç) à Christ, c'est prendre son image (E:iKwv), Phi 3.21 (cf. Col 3.10). Comme aiment à le répéter les exégètes:« tout est dans le contexte» 44 • On n'insistera jamais assez sur l'idée que c'est le contexte seul qui imprime son sens à un terme (i.e. son usage spécifique), parmi les différents sens possibles 45• Or dans le contexte immédiat de Phi 2.6, Paul indique que mort et résurrection impliquent de changer d'aspect (axfiµa, µnaO'){TlµaT{Çw) pour se conformer au Christ (auµµopcpov, auµµopcp{Çw); ce changement consiste à adopter l'image (tlKwv) du Christ (Phi 3.10,21). Les termes µopcp~, EÎKwv et axfiµa sont ainsi utilisés de manière lâche, mais équivalente. On peut dire plus en élargissant le contexte. Dans le NT, cette conformation à l'image du Christ n'est ni plus ni moins qu'une participation à

la nature divine. 39 SPICQ mentionne le cas d'un magicien invoquant la divinité de lui apparaître sous sa « vraie forme» (1973, 43). On ne peut donc pas souscrire à une définition comme celle de MOULTON et MILLIGAN : « a fonn which truly and fully expresses the being which underlines it » (MM 417), souvent reprise à bon compte (ex. FEE 2007, 378, HUBY 1935, 297, cf. FONTAINE 2010, 90). 40 Ex. LIGHTFOOT 1894, 110, HAWTHORNE 1983, 84, PIGEON 425 ; FONTAINE 2010, 75-76. 41 Dans sa thèse sur les noms grecs de la forme d'Homère à Platon, SANDOZ montre d'ailleurs que µop