Développement et environnement: Faits et perspectives dans les pays industrialisés et en voie de développement 9783110812039, 9789027975966

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Développement et environnement: Faits et perspectives dans les pays industrialisés et en voie de développement
 9783110812039, 9789027975966

Table of contents :
Introduction
La conférence de Stockholm
PREMIÈRE PARTIE. Développement et environnement dans les pays non industrialisés
Introduction
CHAPITRE I. Les atteintes à l'environnement
CHAPITRE II. Croissance démographique, urbanisation et environnement
CHAPITRE III. Les solutions
CHAPITRE IV. Conclusions
DEUXIÈME PARTIE. Développement et environnement dans les pays industrialisés
CHAPITRE V. Croissance démographique et urbanisation
CHAPITRE VI. Les ressources naturelles
CHAPITRE VII. La pollution
CHAPITRE VIII. La réflexion sur le développement
Ecologie, éthique et politique. Le rôle des hommes de science
Conclusion
Bibliographie sommaire en langue française sur les problèmes de développement et d'environnement
Liste des tableaux
Liste des figures
Table des matières

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Développement et environnement

ALBERT SASSON

Développement et environnement Faits et perspectives

dans les pays industrialisés et en voie de développement

MOUTON - PARIS - LA HAYE

Ouvrage publié sous l'égide de l'Association internationale de médecine et de biologie de l'environnement (A.I.M.B.E.) Avec le concours de : — l'Association nationale de protection de l'environnement et de la nature du Maroc (A.N.A.P.E.N.), — la Mission culturelle et de coopération de la France au Maroc

ISBN : 2-7193-0929-X Library of Congress Catalog Card Number : 74-78190 © 1974, Mouton et Co, The Hague, Paris Printed in France

Introduction

M ê m e si certains s'obstinent encore à le croire, on ne peut expliquer par une simple m o d e , un e n g o u e m e n t subit, la place prise depuis quatre à cinq ans par les t h è m e s variés de l ' e n v i r o n n e m e n t . Ces derniers font l'objet de colloques et de congrès, souvent de nature pluridisciplinaire ; les publications dans ce domaine ont déjà atteint un n o m b r e considérable ; la protection de la nature voit naître s p o n t a n é m e n t un peu partout de n o u v e a u x adeptes, depuis q u ' e n 1962 l'ouvrage de Rachel C a r s o n , Le Printemps silencieux (Silent Spring), est d e v e n u la Bible du m o u v e m e n t environnementaliste (dont les éléments les plus actifs aux E t a t s - U n i s d ' A m é r i q u e sont le Sierra Club, la National A u d u b o n Society, l'Isaac Walton League, le B o o n e and Crockett Club, et dont le bras séculier est l ' E n v i r o n m e n t a l D e f e n s e F u n d ; d ' a u t r e s associations se sont créées en E u r o p e c o m m e celle des Amis de la Terre). Les initiatives g é n é r e u s e s , individuelles ou collectives, parfois spectaculaires (comme cette procession r é c e n t e de bicyclettes dans les rues de Paris), ont été quelquefois s é v è r e m e n t j u g é e s : N o r m a n E. Borlaug, Prix N o b e l de la Paix 1970 et généticien, considère qu'il s'agit de malades de l'écologie, de p e r s o n n e s mal renseignées, d ' a m a t e u r s 1. Dans toute la France, le « mouvement écologique » groupait, en 1973, plus de 300 000 militants réunis dans plusieurs associations ou unions pour la sauvegarde de la nature (l'Union régionale de Provence et de Côte d'Azur compte, par exemple, 60 000 adhérents et celle de l'Ile-de-France, 50 000). On a noté récemment le rassemblement de vingt-deux grandes associations en un Comité national sur la base d'un programme d'action c o m m u n : la charte de la nature. Il représente certainement dans ce pays un groupe de pression très influent pour la protection de l'environnement.

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Introduction

d'oiseaux et d'amis de la faune, aux idées confuses, terrorisés par des prophètes de malheur ! Un tel jugement nous semble excessif et il convient de rappeler la conclusion mesurée du premier congrès international, tenu en 1971 à Helsinki, dont le volumineux compte rendu (650 pages) a été mis au point par réminent biogéographe, Nicolas Polunin, sous le titre Priorité : l'avenir de l'environnement : « Nous ne pensons pas que l'effrondrement de la civilisation soit imminent ; on a le temps d'éviter l'abîme. Cette déclaration est un appel à une action mondiale et à une autodiscipline collective. C'est le moment d'agir de façon décisive pour conserver et améliorer l'environnement humain. Tout retard pourrait se traduire par des dommages irréversibles et pourrait amener la biosphère au seuil d'un désastre écologique ».

Déjà en 1963, Julian H u x l e y 2 avait lancé un sérieux avertissement à propos de la croissance des populations humaines : « Bref, la situation démographique du monde est en train de devenir impossible. L ' h o m m e , en la personne de la présente génération d'êtres humains, est en train d'amonceler un fardeau sur l'humanité de demain. Il est en train de condamner les enfants à une misère accrue ; il est en train de rendre plus ardue l'amélioration du sort général de l'humanité ; il est en train de rendre plus difficile l'édification d'un monde uni délivré de la frustration et de la cupidité. Un nombre sans cesse plus grand d'hommes luttera pour obtenir de moins en moins, ou si l'on veut, chacun devra se contenter d'une part beaucoup plus réduite du gâteau commun qu'est le monde. Si nous, si tous ceux qui sont aujourd'hui vivants, nous ne faisons rien pour résoudre ce problème, c'est l'avenir de toute l'humanité, et, tout près de nous, celui de nos enfants et de nos petits-enfants qui en souffrira inévitablement. Les vingt-cinq années à venir seront à cet égard décisives ».

La Conférence de Stockholm (5 au 16 juin 1972) devait se pencher sur les aspects globaux et recommander un plan d'action. Mais comment en est-on arrivé à cette prise de conscience qui va même jusqu'à la remise en cause, ici ou là, des objectifs de la croissance des pays industrialisés ? En septembre 1968, la Conférence intergouvernementale d'experts sur l'utilisation rationnelle et la conservation des ressources de la biosphère, réunie à l ' U . N . E . S . C . O . , recommanda la tenue d'une conférence de l ' O . N . U . , celle-là même qui devait avoir lieu à Stockholm en 1972 (en 1949, un colloque des Nations unies, organisé à Lake-Success sur le même sujet, n'avait eu aucun écho). Le 10 avril 1969, le président Nixon invitait les membres de l ' O . T . A . N . à exercer « une action sociale pour répondre à notre 2. J. Huxley, The Human

Crisis,

Seattle, University of Washington Press, 1963.

Introduction

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préoccupation concernant le mode de vie en ce troisième tiers du vingtième siècle... ». Les nations industrielles, ajoutait-il, « n'ont pas de tâche plus pressante que de réconcilier l'homme du 20e siècle avec son environnement, de créer un monde à dimensions humaines et d'aider l'homme à se tenir en harmonie avec ce monde en évolution rapide ». En novembre 1969, était créé le Comité sur les défis de la société moderne (C.D.S.M.), placé sous l'autorité du Conseil de l'Atlantique-Nord, et, en juillet 1970, l'O.C.D.E. créait son propre Comité de l'environnement. La Commission des Communautés européennes, dans un mémorandum sur la politique industrielle, posait en 1970 la question fondamentale : à quoi sert la croissance ? La lettre de Sicco Mansholt sur « L'état du Monde » a été suivie d'une vive polémique entre le président 3 de la commission et son vice-président, Raymond Barre, qui rejette les conclusions du premier sur la nécessité de freiner la croissance, car socialement et politiquement inacceptables. Les Communautés établirent en mars 1972 un programme, et un colloque s'est tenu à Venise, en avril 1972, sur le thème « Industrie et Société ». Le 11 mai 1971, un message signé par 2 200 hommes de science de vingt-trois pays était remis au secrétaire général des Nations unies. Le « Message de Menton » fut diffusé parmi les biologistes et les spécialistes de l'environnement du monde, afin d'attirer l'attention sur les redoutables problèmes auxquels doit faire face l'humanité. La réunion de Menton avait été convoquée par un nouveau mouvement volontaire pour la paix, non gouvernemental et international, qui porte le nom de Daï Dong (signifiant littéralement « monde du grand ensemble »). En 1970 et 1972, l'Année européenne et internationale de protection de la nature donnait lieu à des manifestations qui devaient mettre en garde contre la dégradation des écosystèmes naturels et souligner la nécessité de leur sauvegarde et de leur aménagement rationnel. 3. S. Mansholt a assuré la présidence de la Commission de 1958 au 5 janvier 1973, pour être remplacé à ce poste par X. Ortoli. Le mandat de R. Barre s'est également terminé à la m ê m e date.

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Introduction

1972 marque, semble-t-il, un tournant dans l'attitude à l'égard des problèmes de l'environnement : on commence en effet à douter dans les pays industrialisés de la valeur curative du progrès économique pour « desserrer le carcan écologique » (selon l'expression d'Y. Laulan, responsable des Affaires économiques à l'O.T.A.N.). A côté de ceux qui continuent de proclamer que la science et les techniques finiront bien par apporter les remèdes à la pollution et à la raréfaction des ressources naturelles, que les forces productives représentent en fait la meilleure garantie pour la solution des problèmes du milieu, s'élèvent d'autres voix en faveur d'un contrôle de la croissance. La parution en avril 1972 de l'étude du Massachusetts Institute of Technology, Halte à la croissance (The Limits to Growth), commandée par le Club de Rome, fondé en 1968 par Aurelio Peccei 4 , l'un des responsables de la Fiat, a donné plus de force à une telle opinion, puisqu'en considérant les interactions de cinq paramètres, la croissance démographique, l'épuisement des ressources, la production alimentaire et les investissements, la conclusion de l'étude plaide en faveur d'une diminution de la croissance et de la substitution de priorités nouvelles (préservation du milieu et des ressources naturelles) aux anciennes (plein emploi et accroissement des revenus). La publication en 1972 d'un autre livre, Changer ou disparaître (traduction de A Blueprint for Survival) préparé par les responsables de la revue britannique The Ecologist, est venue renforcer le camp des adeptes du Club de Rome et a en outre reçu l'adhésion d'un grand nombre d'hommes de science du Royaume-Uni ; les auteurs y dénoncent le mythe de la croissance continue « qui exerce sur les gouvernements un attrait irrésistible [parce que], comme les drogues, l'usage en multiplie le besoin ». A. Peccei remonte plus loin pour dénoncer les causes de la crise : « La principale force motrice de la société moderne, dérivée dans ses deux versions, capitaliste et socialiste, de la tradition judéo-chrétienne, semble être • une foi illimitée en ses propres possibilités et réalisations scientifiques, technologiques, industrielles et en leur développement ultérieur. Cette présomption vient de la conviction que l'homme est non pas une parcelle de la nature mais le maître de la terre et qu'il peut exploiter son royaume

4. Président de l'Italconsult, Rome.

Introduction

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à son gré 5 . Elle a fait un héros de Vhomo faber, capable de transformer la pénurie en abondance, et elle a repoussé Vhomo sapiens à l'arrière-plan. Tous les peuples se sont ainsi laissé prendre au mirage d'une expansion économique sans limites. La glorification et la poursuite des valeurs matérielles... sont les symptômes de ce syndrome de la croissance, dont la conséquence la plus redoutable est l'érosion continue de la capacité dévolue à notre petite planète, finie, surpeuplée et, probablement, déjà bien malade, d'entretenir la vie ». Un colloque sur « Les jeunes scientifiques et la société contemporaine » a été organisé par la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques en juillet 1971, en Hollande, avec l'aide, notamment, de la division des activités de la jeunesse de l'Unesco. On y a constaté une véritable rupture avec l'état d'esprit de l'ancienne génération : critique de l'individualisme, du caractère fragmentaire des sciences actuelles, de l'absence d'ouverture de celles-ci sur les problèmes mondiaux, proposition « d'abandonner la s c i e n c e 6 puisque ses modalités d'utilisation ne peuvent conduire à une amélioration générale des conditions de vie sur la planète ». Réunis l'année suivante à l'Unesco, du 2 au 4 mai 1972, ils 5. « Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. Vous serez un sujet de crainte et d'effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la Terre, et pour les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains » (Genèse, 9). « Mais ce que les hommes ont fait de la terre promise — de la terre accordée —, il y a de quoi faire rougir les dieux. L'enfant qui brise un jouet n'est pas plus bête, ni l'animal qui saccage le pâtis où il doit trouver nourriture, trouble la source où il va boire, ou l'oiseau qui souille son nid » (André Gide). 6. Il est vrai que, malgré un mouvement d'opinion général assez défavorable à la science, certaines enquêtes nationales révèlent une attitude différente ou, tout au moins, plus nuancée. Ainsi, celle lancée en France par la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (D.G.R.S.T.), à la fin de l'année 1972, auprès de 2 800 personnes âgées de plus de dix-huit ans et formant un échantillon représentatif de la population française, a donné les résultats suivants : 76 % des personnes interrogées jugent la science et la recherche scientifique rentables par leur contribution au progrès technique et 69 % la considèrent comme indispensable à la prospérité nationale ; 71 % estiment que son budget devrait croître, contre 3 % pour sa réduction et 18 % pour la stabilité ; la recherche médicale et celle sur l'environnement sont particulièrement appréciées, tandis que la recherche militaire et spatiale n'ont pas la faveur. Cette enquête laisse donc prévoir dans ce pays une attitude favorable à court ou, peut-être, à moyen terme. Mais le développement technique et les progrès de la scolarisation et de la formation universitaire risquent de remettre en cause, par des couches nouvelles de haut niveau, les représentations actuelles de la science.

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Introduction

r e p r o c h è r e n t au « modèle » du M . I . T . et du Club de R o m e , de ne pas tenir c o m p t e d e l'inégalité d e la répartition des r e s s o u r c e s dans le m o n d e , de ne s ' i n t é r e s s e r q u ' a u x pays industrialisés et de ne pas stigmatiser les guerres, le gaspillage, les différences régionales. Ils proposèrent m ê m e de revenir à une soft technology c o m p r e n a n t des t e c h n i q u e s n'altérant pas irréversiblement l ' e n v i r o n n e m e n t , utilisant des matières premières disponibles localement, faisant appel au travail humain et au m a x i m u m d e m a i n - d ' œ u v r e , adaptées aux besoins des populations et aisément contrôlables par ces dernières. T o u t e s c e s réflexions, tous c e s j u g e m e n t s é m a n a n t de j e u n e s , de responsables influents du m o n d e de l'économie, de personnalités internationales, d'écrivains, de s a v a n t s , ont contribué à élargir le problème aux aspects p s y c h o s o c i a u x qui en font une véritable crise de civilisation : il n ' e s t pas seulement question de pollution, d ' i n s u f f i s a n c e des r e s s o u r c e s alimentaires ou énergétiques, mais e n c o r e de contraintes et d ' a g r e s s i o n s dues au surpeuplement et à un habitat inadapté ou insalubre, d'aliénation, de divorce avec la nature, des p r o f o n d e s injustices d a n s les relations é c o n o m i q u e s avec le tiers m o n d e . La société industrielle c o n t e m p o r a i n e , l'âge post-industriel de la fin de ce second millénaire 7 , ne présentent pas que des avantages pour l ' h u m a n i t é ou, dans le cas contraire, c'est pour une minorité. Il faut d o n c , de l'avis de ces différents publics unis par le souci de r e t r o u v e r un nouvel h u m a n i s m e pour notre t e m p s , fixer d ' a u t r e s objectifs à la croissance, revoir l'efficacité de la science afin de mieux tirer parti des soixante millions de pages nouvelles publiées c h a q u e a n n é e , reconsidérer les p h é n o m è n e s d ' u n point de vue plus global, faire le tri indispensable entre les p e r f e c t i o n n e m e n t s véritables et durables et les améliorations superfétatoires et é p h é m è r e s (car « tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès », écrivait Pascal). Quelques-uns ont m ê m e entrepris de traduire dans leur existence et par leurs actes leur adhésion à ces principes : Robin Clarke, adepte de la soft technology, a u t e u r de deux livres alarmistes, mettra en application ses idées en pratiquant, avec une vingtaine 7. Si l'on réduit aux six jours de la G e n è s e les quatre milliards d'années de l'âge présumé de la planète, la terre aurait été créée le dimanche à minuit et la vie serait apparue le mardi à midi ; le samedi, o n z e secondes avant minuit, l'homme de Neanderthal ; l'agriculture une s e c o n d e et demie, le christianisme un quart de seconde, la révolution industrielle un quarantième de seconde avant minuit.

Introduction

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d'amis, l'élevage dans une ferme de Grande-Bretagne ; Paul Ehrlich, professeur à l'université de Stanford (Californie), qui attira l'attention du monde sur les dangers de « l'explosion démographique », s'est fait stériliser ; M. Grothendieck, l'un des plus grands mathématiciens contemporains, professeur au Collège de France, fit un cycle de conférences sur le thème « Science et société » ; on voit se former en Europe et en Amérique du Nord de petits groupes qui manifestent leur refus de la société et de la civilisation actuelles en fuyant les villes et leur pollution pour adopter un mode de vie plus conforme, à leurs yeux, à l'équilibre écologique. C'est donc au milieu d'une année aussi fertile en discussions, en polémiques, en prises de position et en actions de portée internationale, que devait s'ouvrir à Stockholm la Conférence des Nations unies sur l'environnement de l'homme.

La conférence de Stockholm

Elle a été préparée depuis 1968 par un comité de vingt-sept pays désignés par l'Assemblée générale des Nations unies, en relation étroite avec le pays hôte. Les travaux de ce comité ont été complétés par ceux des groupes d'experts, de séminaires régionaux tenus à Addis-Abéba, à Bangkok, à Beyrouth et à Mexico ; par les consultations avec les organisations internationales, dont certaines avaient des programmes spécifiquement orientés vers l'environnement (Unesco, Programme sur l'homme et la biosphère, M.A.B. ; F.A.O. ; O.M.S. ; Commission océanographique intergouvernementale, programme L.E.P.O.R. ; Comité spécial sur les problèmes de l'environnement du Conseil international des unions scientifiques ; Programme biologique international). La coordination de ces diverses activités était assurée par le secrétariat, dirigé par Maurice Strong et situé à Genève. Les travaux préparatoires ont été surtout consacrés aux aspects scientifiques, car la Conférence de Stockholm étant une réunion au sommet, les aspects géopolitiques lui incombaient. Cent treize pays, dont la Chine, y ont participé. L ' U . R . S . S . , la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, n'y ont pas assisté, par solidarité avec la République démocratique allemande qui n'avait pas été admise. Un grand nombre d'associations internationales, gouvernementales et non gouvernementales, y avaient délégué des représentants et des observateurs. En tout, quelque 2 000 personnes (1 200 délégués, 400 observateurs officiels, 300 fonctionnaires de l'O.N.U.) plus 1 500 journalistes. Parallèlement aux travaux de la Conférence, se déroulaient les

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de Stockholm

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réunions de trois mouvements, dont les débats et les manifestations tendaient à démontrer que celle-ci n'était pas le lieu approprié pour discuter de ces problèmes, que les vraies questions avaient été oubliées comme les guerres, le gaspillage, les injustices et l'inégalité de distribution des ressources. Des savants de renom prêtèrent leur concours, aussi bien sur les thèmes généraux que sur des aspects très techniques comme les dangers de l'énergie nucléaire, les inconvénients des transports supersoniqu.es, les conséquences écologiques de la guerre au Vietnam, etc. Forum Daï Dong et Pow Pow étaient les dénominations de ces trois mouvements. En outre, les responsables de la revue The Ecologist et des Amis de la Terre assuraient la publication quotidienne d'un journal, intitulé Eco, qui a parfaitement résumé les débats, en soulignant les faiblesses et les insuffisances. Les pays en voie de développement avaient montré de sérieuses réticences, estimant que leur véritable problème était la pauvreté et que la pollution était une maladie des riches. Ils craignaient aussi un néoprotectionnisme à rencontre de leurs produits, à la suite de l'augmentation des frais consécutive aux mesures de protection de l'environnement. En outre, certaines de leurs exportations comme le plomb ou le pétrole à forte concentration de soufre, les fruits et légumes traités au D.D.T., pouvaient être refusées au nom de cette protection. Les techniques de recyclage des déchets entraîneraient aussi une diminution de la demande de matières premières. Le coût de la préservation du milieu ferait encore baisser le montant de l'aide au tiers monde, tandis que le transfert à ce dernier des techniques non polluantes hausserait considérablement les prix de revient des produits finis. M. Strong réussit à faire admettre que leur présence à Stockholm était indispensable, ne serait-ce que pour s'assurer qu'ils ne seraient pas les victimes de ces nouvelles attitudes. Les conclusions du rapport de la réunion de Founex (Suisse), tenue en juin 1971 sur le thème « Développement et environnement », leur apportaient en effet des assurances : ce rapport affirme que la pauvreté « est le plus important des problèmes intéressant l'environnement de la grande majorité de l'humanité ; que des ressources doivent être trouvées pour la 1. Organisé par le Conseil national de la Jeunesse de Suède et l'Association suédoise des Nations unies.

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solution de ces problèmes comme l'insuffisance de l'eau potable, l'état déplorable des systèmes d'assainissement, les maladies, la malnutrition, l'habitat insalubre ; qu'une nouvelle définition des objectifs du développement s'imposait afin de mettre l'accent sur une plus juste répartition des profits, d'encourager le plein emploi et une plus grande participation sociale ; que si, pour un individu, l'environnement est un bien public pouvant être contaminé à des fins égoïstes, pour la société, l'environnement fait partie du patrimoine commun dont la protection est vitale ; que l'analyse traditionnelle des coûts et profits devait inclure désormais les charges et les bénéfices sociaux ». Cette acceptation devait alors se traduire par la rédaction de rapports nationaux (plus de quatre-vingts furent transmis au secrétariat). Ce sont d'excellentes synthèses sur les ressources, les besoins, le niveau de la pollution, les conditions sociales dans les établissements humains, les écosystèmes naturels, etc. De ces bilans et des conclusions de tous les autres groupes de travail préparatoires devait être extraite la documentation finale : 6 500 pages furent réduites à 900, alors transmises à tous les gouvernements plusieurs mois avant l'ouverture du congrès. Trois commissions examinèrent pendant la première semaine les recommandations au niveau international dans les secteurs suivants : Commission

I : aménagement et gestion des établissements humains en vue d'assurer la qualité de l'environnement ; aspects éducatifs, sociaux et culturels des problèmes de l'environnement et question de l'information. Commission II : développement et environnement ; aménagement des ressources naturelles. Commission III : détermination des polluants d'importance internationale et lutte contre ces polluants ; incidences internationales, sur le plan de l'organisation, des propositions d'action. A l'initiative de la Chine, une quatrième examina les vingt-six principes de la déclaration sur l'environnement. La mise au point de cette dernière fut très laborieuse en raison des divergences

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d'opinion de nature politique et idéologique. Le consensus fut très difficile à obtenir sur la plupart des principes, la Chine s'abstenant en fin de compte de la signer. Elle renferme des obligations morales qui peuvent paraître aller de soi, mais qui introduisent en fait de nouvelles perspectives dans les relations internationales. Ainsi : — L ' h o m m e a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures. A cet égard, les politiques qui encouragent ou perpétuent l'apartheid, la ségrégation raciale, la discrimination, les formes coloniales ou autres d'oppression et de domination étrangères, sont condamnées et doivent être éliminées. — Le développement économique et social est indispensable si l'on veut assurer un environnement propice à l'existence et au travail de l'homme et créer les conditions nécessaires à l'amélioration de la qualité de la vie. Les déficiences de l'environnement imputables à des conditions de sous-développement posent des problèmes graves. Le meilleur moyen d'y remédier est d'accélérer le développement par le transfert d'une aide financière et technique substantielle. — Les politiques nationales d'environnement devraient renforcer le potentiel de progrès des pays en voie de développement et non l'affaiblir. — Dans les régions qui connaissent un taux d'accroissement ou une concentration excessive de population, de nature à exercer une influence défavorable sur l'environnement, il faudrait mettre en œuvre des politiques démographiques qui respectent les droits fondamentaux de l'homme et qui soient jugées adéquates par les gouvernements intéressés. — Conformément à la charte des Nations unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement, et ils ont le devoir de s'assurer que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans les autres Etats ou dans les régions ne relevant d'aucune juridiction. — Les Etats doivent coopérer pour développer encore le droit international en ce qui concerne la responsabilité et l'indemnisation des victimes de ces dommages.

Les recommandations des trois commissions devront sous-tendre les actions à court et à long terme, comme : — Démographie et établissements humains, développement des programmes d'étude de l'explosion démographique et du planning familial ; amélioration de l'habitat ; la création d ' u n fonds spécial a été proposée pour l'aide au tiers monde dans ce secteur crucial. — Aménagement des ressources naturelles : création et multiplication des « banques » de gènes pour assurer la conservation des espèces végétales et animales, menacées par la monoculture et la révolution verte ; protection de la faune sauvage, des forêts, conservation et restauration des sols, protection et extension des parcs nationaux ; proclamation d ' u n moratoire de dix ans de la pêche à la baleine ; surveillance, sous l'égide de l ' O . N . U . , des lacs et rivières limitrophes de plusieurs pays ; proposition de ratification de plusieurs conventions internationales relatives à

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la protection de la faune et de la flore, à la sauvegarde des éléments du patrimoine national de valeur universelle. — Lutte contre les pollutions : installation d'un réseau d'au moins cent stations pour la surveillance, sur une base régionale, de la pollution de l'air et d'une dizaine de stations de référence dans les zones éloignées de toute pollution ; réduction au maximum des rejets de substances toxiques, notamment de métaux lourds (mercure, plomb, etc.), et utilisation minimale des composés organo-chlorés et autres biocides ; lutte contre la contamination des eaux et des sols dans les pays en voie de développement (certains accusent des pertes annuelles, du fait de cette contamination, qui sont supérieures au montant de l'aide reçue). Signature avant 1975 d'une convention internationale interdisant tout rejet d'hydrocarbures en mer. Etude de la dissémination des radioéléments dans la biosphère et de leurs effets. Contrôle accru de l'utilisation des produits chimiques dans les aliments. — Diffusion de l'information : publication par l'O.N.U. de « registres internationaux » ; données sur les polluants chimiques et leurs effets ; confection de cartes mondiales des zones et des sols les plus menacés ; publication pour 1975 d'une étude des sources mondiales d'énergie ; étude des systèmes de planification mondiale de gestion des ressources naturelles.

Sur le plan institutionnel, un conseil d'administration de cinquantedeux pays, choisis à l'Assemblée générale de l'O.N.U. de septembre 1972, en tenant compte d'une répartition géographique équitable et en veillant à ce que des régions ayant des problèmes voisins ou particuliers soient convenablement représentées, administre un fonds volontaire pour l'environnement. Le montant de ce dernier a été fixé au moins à 100 millions de dollars pour cinq ans ; les Etats-Unis d'Amérique se sont engagés à fournir 40 %. Le Canada, l'Australie, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la France, les pays scandinaves ont également confirmé leur participation. Un secrétariat exécutif, d'importance modeste et dont le siège sera à Nairobi, suivra l'exécution de la politique définie par le conseil d'administration et assurera la coordination indispensable avec les organisations spécialisées des Nations unies. Les recommandations ont fait une très large place aux niveaux national et régional, notamment dans le domaine de l'information, de l'éducation et de la formation des spécialistes. Les politiques d'environnement et de développement peuvent en effet donner lieu à des échanges fructueux, à une coopération entre des pays présentant des similitudes profondes ou des économies complémentaires. La Conférence de Stockholm a enfin contribué à une prise de conscience planétaire : si la science et les techniques peuvent être orientées vers la solution de beaucoup de problèmes, on doit encore

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se demander si les intérêts égoïstes peuvent être dépassés, si les hommes sont prêts à s'engager vraiment dans les processus de collaboration internationale, s'ils sont capables de maîtriser la civilisation hautement technocratique, s'ils acceptent de soumettre leurs activités à des contraintes et à un contrôle, puisqu'elles ne peuvent plus se dérouler dans le désordre qui prévaut actuellement. Il s'agit là bien sûr de questions politiques et non plus scientifiques ou techniques, dont les réponses dicteront l'attitude de l'homme face à son environnement ; attitude et valeurs nouvelles que la Conférence de Stockholm souhaitait profondément voir se développer.

PREMIÈRE PARTIE

Développement et environnement dans les pays non industrialisés

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Pays non

industrialisés

La question de l'environnement est considérée par certains comme la nouvelle marotte des nations riches, qui a pour effet de détourner l'attention des problèmes importants que pose le développement des pays du tiers monde. Ce point de vue n'est pas complètement injustifié quand il s'applique, en particulier, aux champions du mouvement environnementaliste, pour lesquels tout développement est destructif. Les prophéties de catastrophes apocalyptiques aboutissant à un véritable syndrome (« doomsday 1 syndrome »), et le fait d'attirer l'attention uniquement sur les aspects négatifs des questions de pollution et de détérioration du milieu, peuvent avoir un sens pour les pays industrialisés mais ne sauraient beaucoup toucher les ressortissants de ceux où de tels problèmes sont encore localisés dans leurs incidences. Car l'ingéniosité et les dons qui ont assuré aux uns une nourriture suffisante, un habitat confortable, la santé, la mobilité et les loisirs, n'ont pu épargner au plus grand nombre la malnutrition, les maladies, les taudis et le désespoir. Les problèmes des pays non industrialisés sont en effet ceux de la pauvreté des campagnes et des villes, de l'analphabétisme, qui sont liés au retard et au sous-développement de leurs sociétés 2 . Ce n'est pas de qualité de la vie qu'il s' agit là, mais de la vie elle-même, qui est en danger. Il n'est donc pas étonnant que leurs opinions diffèrent de celles des autres. Il n'est pas non plus surprenant que les appréhensions au sujet des effets des techniques sur les écosystèmes 1. Doomsday : jour du jugement dernier. 2. Ils ne représentent que 14 % du produit national brut mondial, leur part dans la production alimentaire et industrielle est respectivement égale à 35 % et à 7 %. Leur contribution aux exportations est passée de 27 %, en 1953, à 18 % en 1969. Dans vingt-cinq d'entre eux, le produit intérieur moyen par habitant est inférieur à 100 dollars par an. Si on dénombrait, en 1970, 783 millions d'illettrés, soit le tiers des adultes vivant sur terre (34,2 %), 500 millions se trouvaient en Asie, où le pourcentage d'analphabètes est de 46 % (70 % en Inde, contre 83 % en 1947) ; ce dernier est de 73,7 % en Afrique et de 73 % dans les pays arabes. La proportion des enfants en âge de fréquenter l'école primaire et réellement scolarisés, est de 70 % pour l'Amérique du Sud, 55 % pour l'Asie et 40 % pour l'Afrique. Une étude récente révèle qu'il y aurait 5,5 millions de mendiants en Inde, soit environ 1 % de la population totale ; parmi eux 115 500 auraient moins de quatorze ans et 1,2 million plus de cinquante ans. Chaque année, 3 000 Indiens deviennent mendiants, parce qu'ils sont atteints de maladies infectieuses (51,8 % des cas) ou handicapés physiquement (13,9 %) ou encore victimes des calamités naturelles. En période de sécheresse, comme en 1972-1973, les sinistrés se comptent par millions dans les Etats du plateau du Deccan, comme le Maharashtra (Bombay), l'Andhra Pradesh, et le Madhya Pradesh. Le nombre de chômeurs est, dans ce pays, estimé à plus de 16 millions.

Développement

et environnement

17

aient pris naissance plus tôt là où elles sont les plus élaborées, où la nature est le plus profondément modifiée, mais où existent les moyens, l'ingéniosité et une opinion publique favorable pour entreprendre les processus d'amélioration et de correction. 11 est par ailleurs normal que les pays du tiers monde soient sensibles aux implications que cette nouvelle attitude internationale aura sur leur croissance. La plupart sont convaincus qu'une industrialisation rapide — voire même forcée — et les innovations techniques sont les seules réponses à la pauvreté, à la misère et à la dégradation du milieu. Pour eux donc, le développement représente la priorité des priorités, même s'il doit se faire à un coût élevé pour l'environnement. Tel commentaire d'un observateur favorable résume la situation : « pour les nations en voie de développement, tous les problèmes de l'environnement pourraient apparaître comme des menaces à leur développement interne ». De telles préoccupations sont le privilège de « ces pays dont les revenus sont assez élevés pour envisager les aspects esthétiques et dont la santé est suffisamment bonne pour s'attacher à la détection des effets des concentrations de l'anhydride sulfureux sur la mortalité et la morbidité ». Les opinions de leurs représentants vont dans le même sens. Ainsi l'ambassadeur de Ceylan à l ' O . N . U . : « Tous les pays en voie de développement sont avertis des risques qu'ils courent, mais ils sont prêts à accepter un centième de la pollution totale des pays développés si cela signifie pour eux une diversification de leur économie par l'industrialisation... Ils ne doivent pas être distraits des impératifs de leur développement et de leur croissance par l'illusion d'une atmosphère exempte de fumée ou d'un paysage sans cheminées... » Un autre délégué d'un Etat d'Amérique du Sud : « Les pays sous-développés ne demandent qu'à entrer dans ce club des pollueurs industriels, qui n'est pas aussi blâmable qu'on le dit... La responsabilité pour la préservation de l'environnement se manifeste et croît en fonction du développement économique lui-même ». Ces opinions contemporaines rappellent celles qui avaient cours au début de l'ère d'industrialisation. C'est ainsi qu'en 1887 le maire de Middlesborough (Angleterre) pouvait affirmer à ses concitoyens que « la fumée signifiait le plein emploi, qu'elle indiquait que toutes les couches sociales étaient au travail, qu'il n'y avait guère besoin

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Pays non

industrialisés

de charité et que même les plus humbles étaient à l'abri du besoin et donc qu'ils pouvaient être fiers de leur fumée ». Il n'est d'ailleurs pas rare de les retrouver aujourd'hui encore dans les pays industrialisés, parce qu'on y estime que la lutte contre la pollution et les nouvelles formes de protection de l'environnement menacent le progrès économique, réduisent les revenus et obligent à une révision des plans de développement. Aux Etats-Unis d'Amérique, certaines municipalités font obstacle à la réglementation anti-polluante, parce qu'elle limite la croissance industrielle future ; plusieurs entreprises défendent de leur côté leurs pratiques historiques de déversement des déchets dans l'air et dans les voies d'eau publiques ; les promoteurs ne veulent pas entendre parler de la préservation d'espaces libres et de sites sauvages ; les hommes d'affaires refusent de supporter le coût d'un milieu propre, au même titre que les consommateurs. Même lorsque ces problèmes ont fait l'objet d ' u n e publicité considérable, certains continuent de proclamer que le volume et la densité des émanations toxiques sont bien le signe de la puissance et du mieux-être et non pas d'un danger pour l'humanité. Mais cette convergence d'opinion ne doit pas faire croire à l'identité des problèmes dans les deux types de pays, ni faire perdre de vue la priorité et l'urgence de ceux des nations pauvres, qui ne peuvent sacrifier le présent au futur, car la volonté de différer la satisfaction des besoins est une vertu souvent réservée aux riches.

CHAPITRE I

Les atteintes à l'environnement

Principales

caractéristiques

de la planète

Terre

Diamètre : 12 756 km. Superficie totale : 510 101 000 km 2 . Superficie des océans : 361 000 000 km 2 . Superficie des terres émergées : 149 101 000 km 2 . Pour chaque habitant de la terre : 17 ha, océans et mers compris ; 5 ha de terres émergées (ou 20 individus par km 2 ). Masse de l ' a t m o s p h è r e : 52 x 10 14 tonnes (chacun des 3,5 milliards d'habitants dispose de 1 730 000 tonnes). Température à la surface du globe : + 58° C (maximum), - 88° C (minimum) et + 10° C (moyenne). La température moyenne des autres planètes est : + 400° C sur Vénus, + 180° C sur Mercure, - 60° C sur Mars, - 140° C sur Jupiter et - 220° C sur Pluton. L'environnement concerne, selon M. Strong, secrétaire général de la Conférence de Stockholm, « les aspects des activités de l'homme qui modifient sa propre vie et son bien-être ». Le Colloque international d'Aix-en-Provence, organisé en novembre 1972 par le ministère français de l'environnement, qui avait pour thème la sensibilisation aux problèmes de l'environnement à travers l'enseignement, avait retenu la définition suivante : « ensemble des êtres qui composent l'espace proche et lointain de l'homme dont celui-ci peut déterminer ou changer l'existence, mais qui peuvent déterminer totalement ou partiellement la sienne et les modes de vie de

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Pays non

industrialisés

celui-ci ». Ces deux définitions ont le mérite de souligner l'impact de l'homme sur son milieu ainsi que la rétroaction exercée sur l'existence humaine. On pourrait distinguer trois niveaux : — un micro-environnement : maisons, locaux de travail, écoles, fermes, etc. ; — un méso-environnement : agglomérations, villes, exploitations agricoles, etc. ; — un macro-environnement : air, océans, mers, lacs, cours d'eau, sols, formations végétales, faune. Les atteintes sont évidentes à ces trois niveaux.

A.

L'ÉROSION

C'est probablement le type majeur de dégradation sur la plus grande partie de la surface du globe. Alors que les diverses formes de pollution caractérisent les sociétés industrialisées, l'érosion des sols intéresse surtout les pays en voie de développement à économie rurale prédominante. Selon A. Guérin, l'érosion par le vent et par l'eau a détruit près de deux milliards d'hectares, au cours des cent dernières années, soit 10 % des terres 1 . D'après la carte dressée par F. Fournier, les régions arrosées d'Afrique du Nord perdent chaque année 60 à 600 tonnes de sol/km 2 , ce qui pour l'ensemble des continents représente une valeur moyenne. En Europe, on enregistre des nombres compris entre 10 et 100 tonnes/km 2 -an (80 en général) ; en Italie, dans le bassin du Tibre, l'érosion est aussi importante que dans le Haut-Sebou, au Maroc, soit 400 tonnes/km 2 -an. En Afrique, elle est de l'ordre de 700 tonnes/km 2 -an, les maximums étant relevés dans la zone guinéenne : plus de 3 000 tonnes/km 2 -an. En Chine, 25 % des sols ont perdu leur fertilité et des reboisements à grande échelle ont dû être ordonnés en mettant au travail même les écoliers. Des travaux gigantesques de canalisation des fleuves sont également réalisés pour réduire les effets catastrophiques des crues (le fleuve 1. Durant la période 1882-1952 — la seule pour laquelle on possède des données sûres —, 15 % des terres labourées sont devenues impropres à toute exploitation ; en outre, 38,5 % de celles-ci avaient perdu, en 1952, la moitié de leur humus, contre 9,9 % en 1882 ; la proportion des bonnes terres est passée de 85 à 41,2 % pendant ces soixante-dix ans.

Les atteintes à l'environnement

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Jaune transportait jusqu'à 34 kg de terre arable par m3 ; les inondations de 1938 ont coûté la vie à un million de Chinois). L'intensité du phénomène est variable, elle devient considérable et d'une gravité exceptionnelle lorsque se réalise la conjonction des facteurs climatiques, lithologiques et de systèmes de pentes favorables. C'est le cas dans le Rif, au Maroc, où par exemple l'Ouergha, issu de cette région, charrie à Ourtzagh 3 340 tonnes/km 2 -an, alors que l'Oued Sebou supérieur, provenant du Moyen-Atlas, a, au pont des Mdez, un débit solide correspondant à 320 tonnes/km 2 -an : l'érosion dans le Rif est donc dix fois plus grande que dans le Moyen-Atlas ; elle contribue à 38 % de l'ablation totale, alors que cette région représente 2 % du territoire 2 . On distingue l'érosion des versants, qui se fait essentiellement par ruissellement, griffes, solifluxion (mouvements de masse) ; l'érosion liée au réseau hydrographique (sapement des berges, caractéristique des rivières à vie spasmodique : en 1968-1969, dans le bassin expérimental de l'Oued Rhadra, près d^Ouezzane au Maroc, 5 % du débit liquide ont charrié, en quatre heures, 40 % de la terre emportée au cours d'une année). Les zones de ravinement ou bad lands sont issues d'une combinaison de ces deux processus. Les phénomènes météoriques sont aussi très actifs : gélifraction, thermoclastie, altération chimique. Dans les zones découvertes, l'érosion éolienne joue souvent un rôle prépondérant, en particulier dans les régions arides et semi-arides 3 ou dans les périmètres de culture extensive (en 1969, lors des tempêtes de poussière qui se sont abattues sur l'Ukraine, les champs encadrés par les rideaux forestiers n'ont presque pas souffert alors que les semailles des superficies non protégées ont été entièrement perdues ou, du moins, dans la proportion de 80 à 90 %). Si on ne peut encore évaluer avec précision le coût des dommages subits, il est clair que l'érosion est largement responsable de la réduction des terres arables (20 à 25 000 ha de moins, chaque année, au Maroc, par exemple) et qu'elle explique en grande partie le 2. Cf. R. Heusch, « Estimation et contrôle de l'érosion hydraulique », C.R. des séances mensuelles de la Soc. sci. nat. phys. Maroc, 37, 1971, p. 41-54. 3. On estime que depuis cent cinquante ans, 120 millions d'hectares ont été touchés par l'érosion aux Etats-Unis ; 20 millions sont presque entièrement dégradés. Dans la Grande Prairie du Texas, saccagée par le surpâturage et les cultures abusives, le vent emportait le limon et recouvrait les champs d'une fine poussière (dust bowl).

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Pays non

industrialisés

gaspillage de l'espace rural, caractéristique des pays non industrialisés. Elle est enfin la cause directe de la pollution des eaux par les sédiments.

B.

SUREXPLOITATION ET DÉGRADATION DES ÉCOSYSTÈMES

On assiste trop souvent à une exploitation « minière » ou prédatrice des écosystèmes naturels dont on ignore les limites de productivité et dont on réduit considérablement la stabilité. Dans le cas des formations végétales, cela se traduit en outre par une accélération de la dégradation des sols, la désertisation étant l'étape ultime et souvent irréversible 4 .

/ . Déforestation

et

steppisation

Le recul des forêts illustre bien cette tendance : les coupes illicites ou réglées, en vue d'une exploitation rapide des produits ligneux 5 , ne tiennent pas compte des autres services rendus et en fin de compte les bénéfices retirés de la vente du bois sont considérablement réduits ou même annulés. Le rôle des forêts est en effet capital : elles fixent la moitié du gaz carbonique réduit dans la photosynthèse (1 ha assimile annuellement 5 à 10 tonnes de carbone et libère 10 à 20 tonnes d'oxygène), elles interviennent dans la régulation des ressources aquatiques et en particulier du régime des cours d'eau, elles participent à l'équilibre thermique dans la biosphère, elles absorbent la poussière (30 à 80 tonnes par hectare) et réduisent le bruit. Les rideaux forestiers et les brise-vents ralentissent l'érosion éolienne et diminuent l'évapotranspiration ; dans certaines régions peu arrosées, ils ont eu pour résultat d'accroître de 150 à 300 % les rendements de blé, de seigle, d'avoine et de luzerne par rapport à ceux obtenus dans les zones non protégées. Actuellement, sur les 4 126 millions d'hectares de terres à vocation forestière, 3 712 millions sont en fait occupés par des 4. Cf. A. Sasson, « Terres arides dans un monde en mutation », C.R. des séances mensuelles de la Soc. sci. nat. phys. Maroc, 36, 1970, p. 35-36. 5. « Un quotidien à grand tirage consomme chaque jour 6 ha de forêt ! ».

Les atteintes

à l'environnement

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formations arbustives 6 ; le reste a été déboisé pour les besoins de l'homme. Les forêts des climats tempérés ont été l'objet de l'exploitation la plus ancienne, la plus intensive et, dans certains cas, très destructrice ; celles des zones arides et semi-arides sont souvent très instables dans des conditions caractérisées par une ablation redoutable ; celles enfin des régions tropicales humides (2 000 millions d'hectares, dont 850 pour les forêts équatoriales), sont peu ou mal exploitées, avec souvent pour résultat la dégradation irréversible des sols et de la qualité du boisement. 70 % du patrimoine mondial appartiennent au domaine public. Si, en Europe, la totalité des peuplements d'arbres fait l'objet d'aménagements, 20 % seulement sont exploités en Afrique et en Amérique du Sud. Leur régression est néanmoins alarmante : 5 à 10 millions d'hectares de moins chaque année en Amérique latine, 8,5 millions en Extrême-Orient ; en Afrique, au Sud du Sahara, leur surface a subi une réduction de l'ordre de 100 millions d'hectares. Plus du tiers (36,8 %) des forêts existant en 1882, soit 1,9 milliard d'hectares, a été détruit 7 . 6. La répartition des forêts dans le monde est la suivante : U.R.S.S. 1131 000 000 ha Amérique latine 1 031 000 000 ha Afrique 753 000 000 ha Amérique du Nord 733 000 000 ha Asie 520 000 000 ha Europe 141 000 000 ha (3 % de la totalité des zones boisées) Pacifique 96 000 000 ha Les forêts couvrent actuellement 33 % des terres. 7. Cette déforestation a également sévi dans les pays industrialisés, où la situation est toutefois moins alarmante à la suite d'importants programmes de reboisement et du fait de conditions climatiques favorables. C'est ainsi que dans le pays de Galles les causes du déboisement sont assez semblables : surpâturage en montagne, surtout en été, fourniture de bois aux chantiers navals, de poteaux de mines, de charbon aux fonderies et aux usines de traitement des minerais de plomb et de cuivre ; en outre, 24 000 ha furent déboisés pour satisfaire les demandes exceptionnelles au cours des deux dernières guerres mondiales. Dès le début du 19e siècle, certains propriétaires avaient entrepris des travaux de restauration, mais c'est seulement en 1920 que fut créée une Commission forestière qui gère actuellement 158 000 ha de forêts domaniales (126 000 ha en production). 85 000 ha sont sous le régime de la propriété privée. En 1972, 10 % du territoire, soit 212 000 ha, étaient occupés par des formations arbustives (170 000 ha réellement productifs). La plantation annuelle de 8 250 000 arbres, en moyenne, intéresse avant tout les conifères qui représentent 8 200 000 individus (dont 5 millions d'épicéas « Sitka ») \ la préférence marquée pour les résineux s'explique par la demande de bois tendre qui

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Pays non

industrialisés

En Afrique du Nord, la dégradation dans les zones marginales de piémont progresse en faveur d'une céréaliculture aléatoire, c'est-à-. dire un type d'agriculture archaïque qui ne protège pas les sols, d'un élevage extensif souvent caractérisé par le surpâturage. Au Maroc, par exemple, le chêne-liège qui avait une aire de végétation de l'ordre de 1 800 000 ha, n'occupe plus que 425 000 ha où il représente l'essence dominante. Bien que l'influence de l'homme ait joué, comme dans les autres pays méditerranéens, un rôle prépondérant dans cette évolution, qui s'accélère d'ailleurs depuis une cinquantaine d'années, il convient de souligner que les subéraies, installées au Villafranchien sous un climat plus humide, se trouvent aujourd'hui très souvent à leur limite climatique ; leur maintien et leur régénération sont rendus d'autant plus difficiles. On saisit l'importance du problème en comparant les superficies reboisées et les projets de plantation aux 5 143 000 ha de forêts marocaines actuelles : 294 265 ha entre 1953 et 1971 et 662 000 ha prévus pour la période quinquennale 1973-1978. 2. L'exploitation

des ressources

de la mer.

L'aquiculture

L'exploitation des océans ne cause pas moins d'inquiétude, même si on fait généralement preuve de plus d'optimisme dans leur cas. La production mondiale de poisson a été de 67 millions de tonnes en

est neuf fois supérieure à celle de bois dur et à cause de leur croissance rapide. L'accroissement du volume annuel est en effet de l'ordre de 37,5 tonnes/ha, soit une valeur moyenne de 360 dollars/ha-an. En quarante-deux ans, un bois de sapin (Abies grandis) a produit 950 tonnes/ha, tandis qu'une plantation d'épicéas avait fourni en quarante-cinq ans 1 250 t/ha (elle continue de croître actuellement à raison de 32,5 t/ha-an). La plus grande pépinière du pays de Galles peut contenir 9 millions de jeunes plants. La production annuelle est évaluée à 290 000 m 3 (275 000 tonnes), soit 3 100 000 dollars ; elle satisfait 10 % seulement des besoins de la Grande-Bretagne, qui importe près de 1 540 millions de dollars par an de bois (ce dernier se classe au 4 e rang, après le pétrole, les machines et les produits alimentaires). Lorsque les forêts installées à partir de 1940 atteindront leur maturité, on s'attend à une sérieuse augmentation ; dans l'immédiat, la moitié de la production provient de coupes visant à éclaircir les boisements. Entre 1600 et 1800, les destructions ont été telles qu'en 1823 la forêt française ne couvrait plus que 6 300 000 ha. Un énorme effort de reboisement a été accompli depuis 1860 et actuellement la superficie boisée est de 12 millions d'ha, dont un tiers en futaies, un tiers en taillis ou taillis sous futaie et un tiers non productif. La répartition est de 67 % de feuillus et 33 % de résineux.

Les atteintes

à l'environnement

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1970 (dont 11 % provenaient des eaux continentales) ; elle s'est régulièrement accrue de 10 % environ par an, doublant presque entre 1958 et 19688. Les spécialistes estiment qu'avec les techniques actuelles on pourrait la porter, en 1985, à 107 millions de tonnes. Toutefois, il apparaît que certaines zones sont surexploitées et à la limite de leur productivité : les bancs de baleines et de cachalots sont décimés ; le repérage par le sonar des champs de nourriture du saumon a permis de faire passer la prise de 60 à plus de 2 000 tonnes en dix ans, alors que le nombre de poissons retournant aux frayères a sérieusement diminué ; le Comité de la F.A.O. pour l'aménagement de l'Atlantique Centre-Est vient de recommander l'emploi de filets à mailles plus grandes (70 mm au lieu de 30 mm) pour la capture des sparidés (daurades), merlus et céphalopodes, au large des côtes d'Afrique occidentale ; selon Ekonomicheskaia Gazeta, le niveau de la mer Caspienne a baissé de 2,50 m au cours des vingt dernières années, réduisant d'environ un tiers la superficie des zones de frai de l'esturgeon. Plus grave encore, on assiste, depuis 1970, à un effondrement spectaculaire des prises d'anchois le long des côtes péruviennes. Jusqu'à cette année-là, la pêche miraculeuse était annuellement de l'ordre de 10 millions de tonnes, soit deux fois le tonnage péché par tous les pays d'Amérique centrale et du Nord. En 1970, les 12,3 millions de tonnes récupérées représentaient en fait, en tenant compte des pertes en mer, à terre et au cours de la transformation industrielle, un prélèvement de 13 à 14 millions de tonnes. Ce dernier fut considéré comme excessif par les spécialistes, qui estimaient la population totale des anchois (stock) à 15 millions de t environ et, au mieux, à 20 millions de t. En 1957 et 1965 déjà, on avait enregistré une diminution brutale des prises due à un changement d'orientation des vents dominants, qui perturbe les courants, modifie la composition minérale des eaux, le plancton, avec pour conséquence une réduction très importante de la population de poissons. Celle des oiseaux du guano accusa quant à elle des fluctuations importantes : de 27 millions d'individus à 5,5 millions en 1957, 17 millions en 1964 à 4,3 millions en 1965 ; 8. L'Annuaire poisson a porté, minimale, car elle certaines régions,

statistique des en 1968, sur n'inclut pas la 50 % environ

pêches de la F . A . O . indique que le c o m m e r c e du 2,5 milliards de dollars. Cette évaluation paraît valeur de la pêche de subsistance, qui atteint, dans de la production officielle.

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Pays

non

industrialisés

depuis lors, ces oiseaux qui se nourrissent exclusivement d'anchois (2,5 tonnes par an, soit entre le quart et le cinquième des prises commerciales) souffrent beaucoup de Yoverfishing et ont du mal à se multiplier. En 1972, à la fin de la saison de pêche, le Pérou avait seulement récolté 4,5 millions de t de poissons et on estimait qu'en 1973 les prises ne devaient pas dépasser 3 millions de t. A l'instar des industries sardinière de Californie et harengère du Hokkaïdo, celle basée sur les anchois paraît à son tour sérieusement menacée et avec elle la disparition progressive d'une précieuse ressource pour l'économie péruvienne : en 1970, l'exportation des farines de poisson et autres produits avait rapporté 340 millions de dollars, soit le tiers des revenus en devises étrangères du Pérou. Si des pressions politiques et économiques sont à l'origine de cette situation découlant d'une pêche abusive, il est aujourd'hui évident que les usines de fabrication de farine et les bateaux sont trop nombreux ; la flotte péruvienne, qui serait capable en 2 ou 3 jours de récolter tout le saumon péché annuellement en Amérique du Nord, pourrait être réduite du quart de ses effectifs et être néanmoins en mesure de récupérer 10 millions de tonnes d'anchois par an. Les graines de Simmondsia californica pourraient sauver de la destruction les cétacés ! L'« huile » de cachalot est employée comme lubrifiant, à cause des propriétés rhéologiques particulières des substances cireuses qui la constituent ; sa valeur industrielle et son approvisionnement limité la font considérer comme un produit stratégique dont les stocks doivent rester importants (en 1968, aux Etats-Unis, ils étaient de 26 000 tonnes ; la consommation s'était élevée à 20 000 tonnes, dont la moitié pour la fabrication d'huile de transmission pour les automobiles). On n'a pas encore réussi à la remplacer, mais une cire liquide de propriétés très voisines se trouve dans les graines de Simmondsia californica, qui est une buxacée dioïque, endémique des régions désertiques de la Californie, de l'Arizona et du Mexique. Il s'agit d ' u n arbuste héliophile pouvant atteindre 3 m, résistant bien à la sécheresse, qui est brouté par le bétail. Le pied femelle porte des graines de la taille de cacahuètes, qui renferment 50 % d'huile, utilisée en cuisine par les Indiens. Cette plante a été cultivée à titre expérimental, avec ou sans irrigation ; dans ces conditions, le rendement est plus élevé : 2 à 3 kg de graines par arbuste, trois à quatre ans après la plantation, j u s q u ' à 20 kg ou plus pour les pieds parvenus à maturité. Du point de vue chimique, 1'« huile » de Simmondsia est en fait, comme celle du cachalot, une cire liquide, non saturée, très stable et qui ne rancit pas. Elle peut donc rendre les mêmes services comme lubrifiant et présente certains, avantages supplémentaires : odeur agréable, absence de stéarines, raffinage non indispensable, très grande viscosité, non modifiée par l'élévation de température, résistance à r é c h a u f f e m e n t répété. Le marché américain pourrait absorber 40 000 tonnes par an, surtout pour les industries mécaniques. Elle peut aussi servir en cosmétique, en diététique (elle ne rancit pas et elle n'est pas digérée par l'homme) et dans la fabrication de détergents et autres agents mouillants (c'est en effet une source

Les atteintes

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précieuse de deux alcools à 20 et 22 atomes de carbone). Elle est hydrogénée en une cire solide blanche, très dure, par un mécanisme analogue à celui de la production de margarine à partir d'huiles végétales. Elle pourrait remplacer celle de carnauba, de couleur grise ou brune, extraite des feuilles d'un palmier, Copernica cerífera, dont la production est très variable et qui est deux fois plus chère : la fabrication de cires à polir, de papier carbone, de bougies, l'imprégnation des emballages, représentent un marché de plusieurs milliers de tonnes. Après extraction de l'huile, les graines de Simmondsia donnent un tourteau contenant 30 à 35 % de protéines, certainement utilisable pour l'alimentation du bétail. Simmondsia californica est donc une alternative à la destruction inconsidérée des cétacés ; ses avantages économiques paraissent en outre très importants.

Beaucoup de pays en voie de développement assistent, impuissants le plus souvent, au pillage de leurs ressources halieutiques par des flottes étrangères aux moyens considérables. La détermination des nations d'Amérique latine à défendre leurs droits à la pêche au thon et à la crevette a engendré avec les Etats-Unis un conflit qui dure depuis vingt ans ; elles ont en effet porté à 200 milles 9 la limite de leurs eaux territoriales, au lieu des 12 milles habituellement admises, ce qui les oblige à arraisonner tous les ans de nombreux navires-usines américains. Le Maroc, pour sa part, a décidé, en 1973, d'étendre sa zone de pêche exclusive à 70 milles, sauf pour le détroit de Gibraltar. Le 28 mars 1973, le Ghana, à son tour, la faisait passer de 12 à 30 milles. Ces exemples soulignent la difficulté de parvenir à une entente en vue de l'exploitation mesurée d'une ressource commune 1 0 , coopération en l'absence de laquelle on 9. 1 mille marin = 1 853 m. La Nouvelle-Zélande a pris une mesure identique. 10. En 1958, l'Islande avait aussi étendu sa zone de pêche de 4 à 12 milles, ce qui avait provoqué des batailles entre marins anglais et islandais (« guerre de la morue »). En février 1972, après un vote unanime du plus vieux parlement du monde, l'Althing, la limite des eaux territoriales était portée à 50 milles, ce qui représente une moyenne entre les distances extrêmes du bord du plateau continental à la côte. Le 14 juillet, le gouvernement mettait en application cette décision et on signalait à la fin du mois d'août les premières escarmouches avec les chalutiers britanniques. Quatre ports de Grande-Bretagne et trois ports allemands vivent en effet des prises dans les zones litigieuses. Les Britanniques y avaient péché, en 1971, 201 000 tonnes de poissons et ils avaient offert de descendre à 145 000 1, alors que la Cour internationale de La Haye leur avait enjoint de ne pas dépasser 170 000 t. Les autorités islandaises, pour leur part, ne veulent pas concéder plus de 117 000 t et pour une courte période, car elles souhaitent obtenir à brève échéance qu'aucun bateau étranger ne vienne plus jeter ses filets dans la région fixée. La fermeté de Reykjavik de défendre son unique et précieuse ressource est tout à fait compréhensible, quand on sait que les exportations de poissons représentent 82 % de l'ensemble des ventes à l'étranger (contre 0,2 % au Royaume-Uni), que le hareng s'est raréfié ou a disparu en plusieurs endroits (50 000 tonnes pêchées en 1971 contre 763 000 en 1965). 1 % seulement du territoire est cultivable, 13 % sont

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Pays

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industrialisés

risque de ruiner pour longtemps la plus grande source de protéines d'origine animale. L'aquiculture est certainement riche de promesses bien qu'elle ne soit qu'à ses débuts. L'élevage de poissons, de crustacés et de mollusques dans les baies, les estuaires et les lagunes littorales donne des rendements très é l e v é s 1 1 dans des conditions beaucoup plus avantageuses que dans le cas du bétail. Elle représente d'ores et déjà 5 à 10 % des tonnages péchés dans le monde. Elle est cependant particulièrement sensible à la pollution et à d'autres modifications du milieu : une récolte d'huîtres peut être entièrement détruite par la variation du volume d'eau douce se déversant dans la lagune ou l'estuaire, à la suite par exemple de la construction d'un barrage ou d'un canal de dérivation. 3. La « révolution

verte »

La « révolution verte » 1 2 a de son côté remporté des succès spectaculaires : au Mexique, où le programme débuta en 1940 avec couverts de glaces éternelles et 80 % sont menacés, durant dix mois de l'année, par les intempéries, les tremblements de terre et les éruptions volcaniques ; assez peu pourvue en richesses minières en dehors de la bauxite, l'industrialisation des usines est limitée et la hantise de la pollution a fait souvent refuser l'installation des usines pour exploiter l'aluminium. Les 200 000 habitants vivent en définitive sur 20 000 km 2 et leur niveau de vie, malgré des variations en 1967-1968 et l'inflation (11 %), est resté supérieur à celui des autres nations européennes. Suède exceptée ; il a même augmenté de 9 % en 1971 (les revenus varient entre 300 et 500 dollars par mois, toute l'économie est contrôlée par l'Etat ou les coopératives). Ce résultat est obtenu grâce aux ventes de poisson congelé ou séché aux Etats-Unis (38 % des exportations), à l ' U . R . S . S . , à l'Allemagne de l'Est et au Nigéria. 11. Au Japon, l'ostréiculture sur des filets suspendus ou sur des radeaux a l'avantage de soustraire les mollusques aux ravages des prédateurs, de permettre une meilleure alimentation et d'éviter l'envasement. Les rendements annuels de ces cultures sont de l'ordre de 46 tonnes de chair/ha. Dans les eaux côtières de l'Est des Etats-Unis, on pourrait obtenir 61,5 t/ha-an. Dans la baie de Vigo, en Espagne, la récolte de moules est égale à 240 t de chair/ha-an, soit cinq fois plus que pour les cultures suspendues d'huîtres au Japon. L'élevage des poissons est moins commode (certains, comme le mulet, doivent se reproduire en mer), mais aux Philippines les prises annuelles s'élèvent à 21 000 tonnes (0,30 t/ha-an). Les étangs fertilisés de Taïwan et d'Indonésie ont des productivités respectives de 2 et 5 t/ha-an. La F.A.O. a calculé que plus de 364 000 km 2 , en Asie, pouvaient être gagnés à l'aquiculture ; en supposant pour ces régions des rendements comparables à celui de Taïwan, on obtiendrait une récolte équivalente aux tonnages totaux actuels extraits des océans ! 12. Elle est due en grande partie aux efforts du généticien américain d'origine norvégienne, Norman Ernest Borlaug, qui est actuellement professeur au Centre

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29

l'aide de la Fondation Rockefeller, les rendements en blé sont passés de 7,5 quintaux en 1945, à 27,9 quintaux/ha en 1967 (350 000 à 2 500 000 tonnes par an) et ce pays, autrefois importateur de céréales, se suffît aujourd'hui à lui-même, malgré un doublement de sa population. Des résultats comparables ont été obtenus en Inde 13, au Pakistan et dans d'autres pays d'Asie ainsi qu'en Afrique du Nord. Cette opération a introduit des variétés à haut rendement (blé

international d'amélioration de la qualité du blé et du maïs, à Mexico. Envoyé au Mexique par la Fondation Rockefeller en 1943, il s'acquitta en une dizaine d'années de sa mission qui consistait à développer des variétés de blé résistant à la rouille noire, avec pour conséquence un accroissement des rendements de l'ordre de 50 %. Il diffusa, dès 1962, les premiers blés demi-nains mexicains, résultant de croisements entre des plantes américaines et japonaises. D'où le bond spectaculaire de la production. Celle-ci a doublé en cinq ans, en Inde et au Pakistan, où 50 % des superficies cultivées sont ensemencées en races améliorées. Cette « révolution verte » est donc le résultat de la transposition rapide des essais génétiques réalisés au laboratoire au niveau de grandes surfaces, dans des délais très courts, grâce à la ténacité et au dévouement de Borlaug et de ses collaborateurs. Elle démontre qu'il est possible, par un effort d'adaptation judicieuse, de renouveler dans les pays tropicaux certains des succès obtenus en climat tempéré. 13. Ils concernent les riches plaines de l'Haryana, de l'est de l'Uttar Pradesh et du Pendjab ; dans ce dernier Etat, où le revenu par habitant est le plus élevé de l'Inde, on a enregistré une forte augmentation de la production de blé (qui représente environ la moitié de celle du riz), au détriment toutefois d'autres cultures. Les progrès spectaculaires de ces dernières années (74,2 millions de tonnes de grains en 1966-1967, 94 millions en 1968-1969, 107,8 millions en 1970-1971 et 105,8 millions en 1971-1972) ont permis à ce pays de se classer au deuxième rang dans le monde, après les Etats-Unis, pour l'accroissement de la production céréalière (celle du blé a doublé en cinq ans). Pour la première fois depuis quinze ans, l'Inde importera, en 1972, moins de céréales, alors que les importations annuelles s'élevaient jusqu'ici à 5,6 millions de tonnes en moyenne. Mais il reste à étendre les bienfaits de la « révolution verte » aux régions rizicoles du sud et de l'est afin de faire progresser la consommation par tête qui stagne en raison de la croissance démographique (200 millions de personnes en vingt-cinq ans). Les aléas climatiques (l'Etat du Bihar connaît alternativement depuis dix ans des périodes de sécheresse et des inondations catastrophiques ; la mousson est tardive et insuffisante quelquefois, en Inde du Nord, compromettant la récolte d'été et le repiquage du riz de printemps), la complexité du marché des produits agricoles, la spéculation de la part des gros agriculteurs et des commerçants (le Koulak lobby) et l'inflation (12 % en un an pour les principales denrées) sont autant de freins à la lutte officielle contre la pauvreté et la pénurie. La famine fait encore des morts au Bengale occidental, où le riz est rationné et vendu à un prix exorbitant, alors que 40 % des Bengalis ont un revenu inférieur à 7 dollars par mois (60 % des Indiens vivent dans des conditions encore plus difficiles) ; elle sévit aussi dans les Etats du plateau du Deccan, comme le Maharashtra (Bombay), l'Andhra Pradesh, le Madhya Pradesh. Cf. N . E . Borlaug, « The green révolution ; for bread and peace », Bulletin of Atomic Scientists, 27 (6), 1971, p. 6-9, 42-48.

30

Pays

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industrialisés

mexicain, riz IR-5 et IR-8) 1 4 qui exigent un nivellement parfait des rizières à cause de leur petite taille, des engrais 15 , des traitements par insecticides et herbicides, dont le coût doit néanmoins permettre à l'agriculteur de tirer profit de ses investissements. 14. Les rendements des blés dits mexicains peuvent être de l'ordre de 5 tonnes de grains à l'hectare. Les variétés de riz IR-5 et IR-8 furent créées à l'Institut international des recherches rizicoles de Los Banos, près de Manille, aux Philippines, sous l'impulsion des Fondations Ford et Rockefeller. Appelées « riz miracle », ces variétés parviennent à l'épiaison en 120 jours au lieu de 150 ou 180 ; les graines sont moins sensibles à la photopériode (longueur du jour), car elles ont été sélectionnées à partir de semences de provenances diverses ; on peut alors les mettre en terre à des latitudes variées et à différents moments de l'année. Aux Philippines, l'IR-8 permet de faire trois récoltes par an, avec un rendement annuel de 8 à 15 tonnes à l'hectare, soit trois fois le rendement céréalier des Etats-Unis. Dans le nord de l'Inde, après la récolte de blé d'hiver précoce, on pratique la culture du riz d'été. A Ceylan, une « semi-révolution verte » a permis de ne plus importer que le tiers du riz consommé au lieu de la moitié en 1955 ; on projetait, en 1958, l'autosuffisance alimentaire pour 1970, qui ne serait cependant pas réalisable avant 1980. Les progrès à Taïwan sont réels, car l'aide américaine a été mieux utilisée par une paysannerie très travailleuse : on voit souvent se succéder, la même année, deux cultures de riz et une de blé (« 3 jours sans culture, 1 quintal par hectare de perdu ») et des rendements de 20 t de grain/ha ne sont pas exceptionnels. Au Maroc, où 3,5 millions d'hectares sont cultivés en blé et en orge, on espère parvenir, en 1990, à la satisfaction intégrale des besoins, c'est-à-dire à des rendements de 17,5 q x /ha pour l'orge (+ 75 % par rapport à 1970) et de 23,5 q x /ha pour le blé (+ 160 %). Les travaux de sélection ont commencé en 1960 et ont permis de retenir les variétés suivantes : 2 777 Kyperounda, blé dur précoce (26,0 q x /ha) ; 27-3A-16, hybride descendant de 2 777, blé dur tardif (27,9 q x /'ha) ; 2 306 Pynite, blé tendre (25,7 q K /ha). En outre, des essais comparatifs ont montré la supériorité des variétés italiennes dans le nord du pays et des mexicaines dans le sud : 33,3 (sec) à 39,4 (irrigué) q x /ha pour les premières et 28,0 à 47,6 q x /ha pour les secondes (« Tobari » et « Siete Cerros »). Les meilleures qualités technologiques (valeur boulangère, rendement semoulier) se retrouvent chez les races 2 777 Kyperounda et Siete Cerros. Quant à l'orge, c'est la variété locale « Espérance 289 » qui donne de bons résultats : 27,9 q x /ha. Les croisements en cours entre des souches indigènes et étrangères tendent à créer des blés tendres et durs à paille courte, résistants à la verse, à la rouille noire, à la septoriose (maladie due à un champignon, Septoria, se développant sur les feuilles, les glumes et les graines), aux cécidomyies (mouches du genre Mayetiola, provoquant le bleuissement du limbe et l'apparition de galles à la base des tiges ; les clones résistants ont une teneur élevée en silice dans les chaumes et une grande pilosité). On cherche aussi à mettre au point des orges de brasserie à haut potentiel. 15. Chaque kg d'azote correspond sur le blé à un gain de 12 à 17 kg de grain, pour des fumures moyennes (jusqu'à 120 kg N/ha) ; en retenant une consommation de 140 g par jour, qui est la moyenne pour un Européen, ce kg d'azote permet donc de fournir à un individu du pain pendant cent jours. Avec les nouvelles variétés de riz cultivées à Ceylan, on a obtenu les rentabilités suivantes : 11,5 kg de paddy par kg d'azote, 10,5 kg par kg d'engrais phosphaté (P 2 0 5 ) et 12 kg par kg d'engrais potassique ( K 2 0 ) . Pour le maïs enfin, le gain de rendement en grain d'hybrides doubles peut atteindre 15 à 25 kg en culture irriguée et 5 à 13 kg en sec.

Les atteintes

à /'environnement

31

Mais on est encore loin des productions céréalières des pays industrialisés : entre 1961 et 1971, les Etats-Unis ont progressé de 17 à 22,8 q x /ha ( + 13,4 %), tandis qu'au Pakistan cette progression était de 13 % pour parvenir seulement à 10,8 q x /ha. Au Maroc : 8,9 à 10,3 q x /ha en moyenne ; 6 à 10 q x /ha pour les légumineuses à graines. Les disponibilités annuelles par habitant montrent des différences encore plus flagrantes : 363 à 429 kg de céréales/hab., au cours de la décennie 1961-1971 ( + 12 %), en Europe ; 168 à 172 kg/hab. ( + 1 %) en Afrique (201 à 207 kg au Maroc : 130 kg de blé + 77 kg d'orge) ; 145 kg/hab. en Inde 16. D'autres problèmes demeurent : les risques de pollution par les biocides, la sensibilité des agro-écosystèmes aux maladies et aux prédateurs, qui résulte de leur uniformité génétique. Il reste aussi à faire un énorme effort de vulgarisation (modification des façons culturales), d'encouragement à l'épargne et de commercialisation par les coopératives. R. Dumont reproche par ailleurs à cette « révolution verte » d'accélérer la dépossession des paysans, car elle favorise l'absorption des terres par les gros agriculteurs, c'est-à-dire la « concentration capitaliste » ; les zones marginales sont tenues à l'écart de l'opération tandis que dans les régions fertiles la grande propriété est seule l'objet du développement 1 7 . Gunnar Myrdal a également 16. Une production annuelle de 110 millions de tonnes de céréales et de légumineuses, réduite à 90 millions (pertes dues aux champignons, aux insectes et aux rongeurs ; alimentation du bétail, semences et usages industriels), répartie entre les 550 millions d'habitants, donne en moyenne 145 kg par tête, soit 400 g par personne et par jour. 17. En mars 1959, à la suite d'une mission de treize agronomes nord-américains envoyés par la Fondation Ford, qui conclut à l'impossibilité de faire progresser tous à la fois les cinquante millions de petits exploitants agricoles de la plupart des villages indiens, on limita l'intervention massive aux zones assez fertiles, bien arrosées ou irriguées, ce qui laissait de côté la moitié du pays. On s'intéressa aux propriétés d'une superficie supérieure à 2 ha et, dès 1961, on réserva à ce groupe avantagé les crédits, les engrais, les biocides, les silos de stockage, un bon réseau de commercialisation et l'encadrement technique. Une telle opération créa dans les régions délaissées un profond malaise social, qui aboutit à des manifestations violentes des populations (agrarian unresl). Une opinion analogue est partagée par le directeur général de la F.A.O., M. Boerma, qui a dressé récemment devant l'assemblée du Conseil de l'Europe un bilan très pessimiste, en soulignant notamment que « j u s q u ' à présent la révolution verte n ' a enrichi que les riches, en appauvrissant davantage les pauvres ». Il a ajouté que « si les gouvernements des pays du tiers monde n'agissent pas rapidement pour rendre les nouvelles techniques accessibles aux agriculteurs pauvres, comme aux

32

Pays

non

industrialisés

lancé un sévère avertissement, en soulignant qu'elle ne doit pas conduire à une « euphorie technocratique », car il lui paraît indispensable d'accompagner le progrès agricole d'un effort de transformation des structures sociales, en vue de favoriser les plus pauvres ; l'emploi ne doit pas être affecté, car il est très tentant pour les fermiers aisés de mécaniser leurs exploitations, ce qui entraîne alors l'exode des villageois vers des villes à peine touchées par l'industrialisation. Il y a donc là un débat entre les partisans de l'efficacité (auxquels il faut surtout produire) et les hommes soucieux de justice sociale. Bien que depuis une dizaine d'années l'accroissement de la production agricole soit à peine supérieur à celui de la population (2,6 % par an contre 2,5 %), l'espoir demeure d'améliorer la situation alimentaire du tiers monde, où l'on doit cependant être conscient des limites de la productivité des écosystèmes.

4. Les limites

de la productivité

des

écosystèmes

Jen Hu-chang, de l'université de Hawaï, a évalué la photosynthèse potentielle et la productivité des cultures pour les différentes régions du globe. Ses estimations prennent en considération l'intensité et la durée de l'éclairement, la moyenne mensuelle des températures pendant la période considérée et il a supposé que les besoins en eau étaient couverts. Ses résultats sont exprimés en g/m 2 -jour 1 8 , pour plus p r o s p è r e s , ce n ' e s t pas s e u l e m e n t la révolution verte qui se t r o u v e r a enlisée d a n s bien d e s régions, mais c ' e s t le climat général du d é v e l o p p e m e n t m ê m e qui en sera e m p o i s o n n é ». L a situation est en effet a l a r m a n t e car, tandis que l ' a c c r o i s s e m e n t d e la p r o d u c t i o n agricole atteint s e u l e m e n t 1 à 2 % d a n s les n a t i o n s d é f a v o r i s é e s , on n o t e un recul général d e s disponibilités en c é r é a l e s d a n s les p a y s gros p r o d u c t e u r s (le stock mondial est en e f f e t t o m b é à 7,5 millions de t o n n e s ) . 18. L a p r o d u c t i o n n e t t e (PN) d ' u n végétal c o r r e s p o n d à la matière s è c h e mise en r é s e r v e , d i r e c t e m e n t disponible p o u r les c o n s o m m a t e u r s ultérieurs, c ' e s t - à - d i r e à la d i f f é r e n c e e n t r e l ' é n e r g i e totale r e ç u e et c o n v e r t i e en b i o m a s s e ( p r o d u c t i o n b r u t e , PB) et celle dissipée par la respiration d e la plante a u t o t r o p h e (RSA) : PN = PB - RSA. O n c o n s t a t e g é n é r a l e m e n t q u e la respiration é q u i v a u t à la moitié d e l ' é n e r g i e fixée d a n s la p h o t o s y n t h è s e . D a n s la b i o s p h è r e , la p r o d u c t i o n nette globale varie e n t r e 150 à 200 milliards d e t o n n e s de matière o r g a n i q u e s è c h e ; W h i t t a k e r et L i k e n s , d e l ' U n i v e r s i t é Cornell, l'ont é v a l u é e à 164 g i g a t o n n e s , d o n t d e u x tiers sur terre et un tiers d a n s les o c é a n s . L o r s q u ' u n é c o s y s t è m e d e v i e n t plus c o m p l e x e et qu'il se r a p p r o c h e d e son état d ' é q u i l i b r e (climax), la population d e s c o n s o m m a t e u r s a u g m e n t e s e n s i b l e m e n t et leur respiration d ' h é t é r o t r o p h e s (RSH) s ' a j o u t e à celle d e s a u t o t r o p h e s ( p r o d u c -

Les atteintes

à /'environnement

33

une période estivale de quatre mois et une autre de huit mois elle-même centrée sur l'été. Durant la période estivale de quatre mois, la photosynthèse potentielle la plus basse se rencontre sous les tropiques et en particulier à 10° de latitude nord qui représente l'équateur thermique de la terre ; elle est en effet de 25 % inférieure à celle des zones tempérées. Là, les hautes terres ont un rendement plus élevé que les basses terres, chaudes et humides. Dans le sud de l'Alaska, le nord-ouest du Canada, le sud de la Scandinavie et l'Islande, on enregistre plus de 37,5 g/m 2 -jour, car ces régions reçoivent plusieurs heures de lumière par jour durant l'été ; plus au nord, les basses températures font diminuer la productivité. En Europe septentrionale, 38 g/m 2 -jour : ces contrées sont très favorables à des plantes ayant une courte saison de croissance et c'est en Europe occidentale, entre 50 et 60° de latitude nord, que les rendements en céréales sont les plus élevés du monde. Dans le centre des Etats-Unis d'Amérique, 30 g/m 2 -jour, à la fois durant la période estivale et la période de huit mois ; à la frontière canadienne, 36 et 27,5 g respectivement, la valeur moyenne annuelle étant égale à 17,5 g (voir figure 1). Chang a remarqué que, dans tous les pays industrialisés ou développés, la photosynthèse potentielle, durant les mois d'été, était supérieure à 27,5 g/m 2 -jour, alors que dans les autres on avait des nombres inférieurs. Cela signifie que ces derniers peuvent accroître leurs rendements agricoles de 50 % grâce à des techniques appropriées, mais ils ne peuvent les améliorer de 500 % pour atteindre ceux qui sont possibles en Espagne, par exemple. Ils sont, en d'autres termes, climatiquement limités. Chang a comparé la production de riz, de coton et de canne à sucre avec la photosynthèse potentielle calculée respectivement sur quatre, huit et douze mois (le coton est planté au printemps et récolté en automne, tandis que la canne à sucre a une longue saison

teurs primaires). La production nette de l'écosystème (PNE) est alors égale à : PB - (RSA + RSH) et correspond à la fraction d'énergie emmagasinée dans les tissus des êtres vivants. Dans un ensemble en cours d'évolution, la respiration totale est inférieure à PB et la production nette s'ajoute aux ressources du site. Au stade climacique, PNE tend vers 0, il n'y a plus de surplus annuel mais l'équilibre est maintenu entre l'assimilation, la consommation et la dégradation.

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AFRIQUE DU SUD

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Afrique du Sud Afrique du Sud-Ouest (Namibie) Angola Botswana Lesotho Mozambique Rhodésie du Sud Swaziland

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1950

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2000

l'homme.

Cette puissance a plus que quadruplé depuis le début de la révolution industrielle (1750). Pour la machine à vapeur et la turbine à vapeur, la progression a été considérable : de moins d'un kilowatt à plus d'un million. Tous ces engins sont aujourd'hui surpassés par les fusées à carburant liquide, dont la puissance peut être supérieure à 16 millions de kW pendant de courtes périodes. (D'après C. Starr, in Scientific

American,

225(3), 1971, p. 38).

Les ressources

naturelles

205

nouvelles variétés végétales, d'engrais 1 3 , d'insecticides, et l'extension de l'irrigation ont permis par la suite une augmentation très importante des rendements. Cette modification radicale s'accompagnait d'une consommation prodigieuse d'énergie : elle a été multipliée par 17 au siècle dernier, alors que la population quintuplait seulement ! (voir figure 11).

Figure

11. Energie et agriculture : remplacement du travail animal par les engins à moteur, aux Etats-Unis, entre 1920 et 1960. Durant cette période, le nombre de chevaux et de mulets est passé de 25 à 4 millions environ, tandis que celui des tracteurs atteignait près de 5 millions en 1960. (D'après C. Starr, in Scientific

American,

225(3), 1971, p. 41).

13. Il faut cinq tonnes de houille pour fabriquer une tonne d'engrais azotés ou 6 000 kc par kg d'azote fixé. L'addition d ' u n kilogramme d'azote entraîne par ailleurs un accroissement du rendement agricole équivalent à près de 6 000 kc : il y a donc finalement un échange entre l'énergie fournie lors de la fixation industrielle et celle récupérée dans l'excédent de denrées alimentaires. La transformation et la distribution de celles-ci et, auparavant, tous les travaux j u s q u ' à la récolte consomment d'une manière générale une quantité d'énergie à peine inférieure à celle des produits alimentaires obtenus. Lorsque l'apport de fertilisant est excessif, la mécanisation poussée, l'épandage de pesticides fréquent, le calcul fait parfois ressortir un déséquilibre du bilan énergétique, ce qui fait écrire à l'écologiste américain H. Odum : « Nos pommes de terre ne sont pas des produits de la terre, mais sentent le mazout ! ».

206

Pays

industrialisés

Cette évolution concerne aussi la nature des combustibles ainsi que les modes d'utilisation de l'énergie. En 1850, aux Etats-Unis, le bois fournissait la majeure partie de celle-ci ; en 1910, les parts respectives du charbon et du bois étaient égales à 75 et 10 % ; entre 1910 et 1960, la houille fut remplacée par le pétrole et le gaz (figure 12). Il semble donc que la transition à un nouveau combustible prenne cinquante ans environ ; le temps nécessaire dépend de la durée de vie des machines et de la période indispensable à la réorientation des établissements industriels. L'accroissement continu des besoins en électricité nécessite, par exemple, l'édification de centrales à une vitesse qui dépasse les possibilités de l'industrie nucléaire encore embryonnaire ; il faudra alors construire durant plusieurs décennies des usines thermiques de type classique ; si celles-ci fonctionnent pendant trente ans, elles continueront donc de jouer un rôle important au cours du demi-siècle qui suivra le passage à l'énergie nucléaire 14. Il y a cent ans, la production de chaleur pour le foyer était prédominante et le quart seulement était consacré à la métallurgie 15. De nos jours, aux Etats-Unis, plus de la moitié de l'énergie est transformée en travail (35 % pour l'industrie et 1 % pour l'agriculture ; figure 13). Le rendement de la conversion thermique est de l'ordre de 40 % dans les turbines à vapeur électrogènes, de 33 % dans les centrales nucléaires et il pourrait s'élever à 50 % dans 30 ans ; il varie entre 10 et 25 % pour le moteur à combustion interne. On estime qu'en l'an 2000 les deux tiers de la production d'énergie serviront aux transports, au chauffage et à l'industrie. La

14. Au Canada, l'extraction du charbon a diminué de 50 % environ en cinquante ans, tandis que la production de pétrole a connu une expansion considérable : de 3 150 m 3 par jour en 1946 à 237 450 m 3 en 1971 (87 millions de t). La consommation nationale a sextuplé et, malgré cela, les besoins sont largement couverts. Dans le m ê m e laps de temps, celle de gaz naturel a été multipliée par 280 et la moitié des tonnages produits est néanmoins exportée. L'énergie hydroélectrique se place, en importance, loin derrière les hydrocarbures, à peu près à égalité avec le charbon ; si l'Ontario ne peut plus augmenter son potentiel de houille blanche, le Q u é b e c et Terre-Neuve ont mis en service, en juin 1972, dans le Labrador (à Churchill Falls) la plus grande centrale souterraine du monde, capable de produire 10 % de l'électricité utilisée au Canada. 15. 1 kilowatt-heure d'électricité est nécessaire à la fabrication de l'aluminium d'une canette de bière !

Les ressources

Hgure

12. Evolution, aux Etats-Unis, de la contribution la production de l'énergie. (D'après E. Cook, in Scientific

American,

naturelles

des divers combustibles

207

à

225(3), 1971, p. 137).

part de l'électricité deviendra plus importante (de 10 % actuellement aux Etats-Unis à plus de 40 % en l'an 2000), surtout lorsqu'elle sera en grande partie issue des réacteurs nucléaires. Mais même en pareil cas, les combustibles consommés pour la génération de courant électrique représenteraient encore 60 % des besoins totaux. Entre 1970 et 1980, d'après l'O.C.D.E., le pourcentage moyen d'accroissement annuel de la consommation d'électricité sera de 8 à 12 % dans le monde, contre un peu plus de 6 % pour les hydrocarbures et 2,4 % pour le charbon (figure 14 B). L'orientation dans les pays industrialisés vers une « économie électrique » est donc évidente.

208

Pays

industrialisés

100 '

90

'

'

1

USAGES

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13.

1960

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1970

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1950

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1990

relative



2000

des différents

secteurs

d'énergie.

L a part de l'industrie a d i m i n u é , tandis que c e l l e c o n s a c r é e aux usageS d o m e s t i q u e s et c o m m e r c i a u x

ainsi q u ' a u x transports a a u g m e n t é .

La

contribution d e l ' é n e r g i e é l e c t r i q u e montre une c r o i s s a n c e particulièrement nette ( z o n e

hachurée).

( D ' a p r è s E . C o o k , in Scientific

2. Les

sources

American,

225(3), 1971, p. 137).

d'énergie

L a principale est la lumière solaire, à laquelle il convient d ' a j o u t e r celle des marées ainsi que la chaleur provenant d e l'intérieur d e la terre. L e s plantes capturent une faible proportion du rayonnement incident et la transformation d e celui-ci en énergie chimique est le point d e départ des diverses chaînes trophiques ; la photosynthèse qui est maintien

à l'origine de

la

vie

de

l'oxygène

dans

la

de

l'air,

biosphère.

est La

indispensable matière

au

organique

synthétisée est dégradée à une vitesse comparable à celle d e sa mise en r é s e r v e . Cependant, depuis 600 millions d'années, une partie a

Les ressources

naturelles

209

été enterrée (surtout au Carbonifère) et a donné naissance aux combustibles fossiles. L'énergie solaire reçue par la terre est égale à 1,395 kW/m 2 ±2 % ; le flux de chaleur interne est de l'ordre de 0,063 watt/m 2 , soit 32 x 1012 watts pour la superficie totale (510 x 1012 m2) ; les sources thermales et les volcans représentent 0,3 x 1012 watts et on a évalué à 3 x 1012 watts l'énergie des marées. La surface du globe reçoit donc 173 035 x 1012 watts, dont 99,98 % proviennent du soleil. 30 % de la lumière incidente (52 000 x 1012 watts) sont réfléchis et diffusés dans l'espace sous forme de radiations de courte longueur d'onde ; 47 % (81 000 x 1012 watts) sont absorbés par l'atmosphère, la croûte terrestre et les océans, et sont convertis directement en chaleur à la température ambiante ; 23 % (40 000 x 1012 watts) sont conservés lors de l'évaporation, de la convexion, de la précipitation et de l'écoulement des eaux superficielles ; 370 x 1012 watts sont responsables de la circulation atmosphérique et océanique ; 40 x 1012 watts seulement sont transformés par les plantes. La consommation mondiale de houille a été, durant les cent dix dernières années, 19 fois supérieure à celle des sept siècles précédents ; les quantités extraites et consumées depuis 1940 sont équivalentes à celles utilisées jusqu'à cette date. 133 gigatonnes ont été produites de 1860 à 1970 (2,8 gigatonnes en 1970) contre 7 mégatonnes avant 1860 (250 mégatonnes en 1870) (voir figure 14 A). De 1890 à 1970, l'exploitation des gisements de pétrole a connu une expansion de l'ordre de 6,94 % par an. Jusqu'en 1969, 43 milliards de m3 avaient été extraits : la première moitié en 102 ans (de 1857 à 1959), l'autre en 10 ans seulement (de 1959 à 1969). La consommation annuelle a progressé de 8 % entre 1960 et 1970 (figure 14 C) et, en 1970, on a consommé autant de pétrole qu'entre 1857 et 1970 (figure 14 B). En 1972, la production mondiale s'est élevée à 2 599 millions de tonnes 16 (accroissement annuel d'environ 5 %) : près de 527 mégatonnes aux Etats-Unis, soit un cinquième du total ; 249 en Amérique latine (167,4 au Venezuela et 8,4 au Brésil) ; 912,4 au Proche et au Moyen-Orient, soit 35 % du total (285,5 en Arabie Saoudite, troisième producteur mondial après les Etats-Unis et l'U.R.S.S. ; 254 en Iran, 152 à Koweït, 50 à Abou Dahbi et 23,3 à

0 , 9 7 3 : d e n s i t é a p p r o x i m a t i v e du p é t r o l e brut.

Figure

14. La consommation des différentes

d'énergie sources.

dans le monde

et la contribution

respective

M i l l i o n s de t o n n a » d'équivalant - c h a r b o n

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6000

5000

4000

3000

2000

1000

1950

1955

1965

1960

1970

A. Entre 1950 et 1970 (en millions de tonnes d'équivalent-charbon). * Ces n o m b r e s c o r r e s p o n d e n t en fait à l ' a n n é e 1969.

B.

2,8 T a u x c ac0: r-2-%. 1 9 6 0 - 70 : 8 % 4

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1

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1

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Japon

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80

90

1900'10

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1 8 6 0 70

Europe

20

30

40

1950'60

B. Consommation mondiale de pétrole brut répartition régionale de cette consommation.

Nord

1970

entre

1860 et 1970

et

Taux d'accroissement annuel (%)

C. Entre I960 T.E.P.). 1 t o n n e de pétrole brut = 1 t o n n e de lignite = 1000 m 3 de gaz naturel = 1000 R W h =

et 1980 (en milliards

de tonnes

d'équivalent-pétrole,

1,5 t o n n e d ' é q u i v a l e n t - c h a r b o n ( T . E . C . ) . 0,3-0,6 t o n n e T . E . C . 1,322 T . E . C . 0,125 T . E . C .

212

Pays

industrialisés

Qatar) ; 264,4 en Afrique (105 en Libye, 52 en Algérie et 89,5 au Nigeria) ; 92,5 en Extrême-Orient (54 en Indonésie) ; 457,7 pour les pays socialistes, soit 17,6 % du total (394 en U . R . S . S . et 42 en Chine) ; 16,06 en Europe. On estime que la consommation à des fins industrielles double à présent tous les dix ans, du fait surtout des activités des pays d é v e l o p p é s : les Etats-Unis utiliseront en trente ans (1972-2001) plus d'énergie que durant toute leur histoire et si, actuellement, ils absorbent le tiers des produits pétroliers raffinés, la proportion sera

Prévisions

énergétiques dans le monde industrialisé pour 1980 et 1985 (en millions de tonnes d'équivalent-pétrole)

„ Europe

. Japon

A m é r i q u e du N o r d ,, . „ ( E t a t s - U n i s et C a n a d a )

1970

1980

1970

1980

1970

1980

1 041

1 709

265

636

1 762

2 869

3 178

P r o d u c t i o n locale

409

742

39

83

1 586

2 408

2 328

I m p o r t a t i o n s totales

632

967

226

553

176

461

850***

I m p o r t a t i o n s de pétrole

596

898

190*

464

156

400

750

Consommation

1985="*

totale d ' é n e r g i e

Source : O . C . D . E . et C h a s e M a n h a t t a n B a n k . * L e J a p o n a i m p o r t é , en 1970, 100 millions d e t o n n e s d ' I r a n , soit 44 % d e la p r o d u c t i o n totale d e ce p a y s . ** P o u r les E t a t s - U n i s s e u l e m e n t . L a c o n s o m m a t i o n totale d ' é n e r g i e (en millions d e t o n n e s d ' é q u i v a l e n t - p é t r o l e ) d e ce pays se d é c o m p o s e ainsi :

Pétrole

G a z naturel C h a r b o n

Hydroélectricité

E n e r g i e nucléaire

Total

1970

736

521

325

62

6

1 650

1985

1 500

642

528

90

418

3 178

*** 850 = 750 (pétrole) + 100 (gaz naturel).

Les ressources

naturelles

213

probablement de 25 % en 2001 ; elle atteindra pour l'Europe occidentale, 24,3 % en 1985 (1 450 mégatonnes). La part des importations, surtout du Moyen-Orient et de l'Afrique qui renferment la moitié des réserves mondiales, s'accroît très vite : on estime, par exemple, que les Etats-Unis devraient importer, en 1985, 50 % de leur pétrole, contre 23 % en 1970 (ces importations représenteront, en 1980, 15 à 20 millions de dollars contre 3 millions actuellement ; le pétrole de l'Alaska arrivera seulement à combler les besoins correspondant à l'augmentation de la consommation durant 2 à 3 ans). Dans le cas du charbon, en se basant sur une production annuelle de trois gigatonnes, l'épuisement pourrait intervenir après 2 300 (figures 15 et 16) ; pour le pétrole, dans soixante-dix à quatre-vingts ans (figures 17 et 18). Quant au gaz, il y en aurait encore pour 50 ans i r . Il faut noter toutefois que les réserves prouvées d'hydrocarbures, c'est-à-dire susceptibles d'être certainement extraites aux conditions économiques actuelles, représentent, en pétrole et en gaz, 40 fois la consommation mondiale en 1970. Les réserves ultimes, exploitables dans l'avenir sans considération de temps ou de prix, équivaudraient à 200 fois cette consommation mondiale dans le cas des gisements ordinaires, à 300 fois si l'on tient compte des schistes bitumineux. La consommation de pétrole diminuera probablement après 1980, de même que la différence entre son taux d'accroissement annuel et celui de l'énergie totale ; cette diminution sera surtout marquée en Europe occidentale, où la progression ne serait plus que de 4,5 % par an au lieu de 8 % entre 1960 et 1970 (figure 14 C). La tendance sera analogue pour le charbon et le gaz ne gagnera pas beaucoup de terrain. On notera parallèlement une hausse des prix, à cause des augmentations consenties aux pays producteurs, de la demande accrue sur le marché américain, des mesures de lutte contre la pollution, de l'expansion de la pétrochimie. Les gouvernements des

17. Ce sera probablement le cas du plus grand gisement du monde à Hassi-R'Mel, dans le Sahara algérien ; les réserves sont évaluées à 2 000 milliards de m 3 , à 2 300 m de profondeur et dans un rayon de 50 km ; l'extraction devrait atteindre 6 milliards de m 3 de gaz liquéfié en 1973 et près de 50 milliards de m 3 vers 1980. L'épuisement des gisements de pétrole tient aussi au fait que pour tenir c o m p t e des coûts de production, l'extraction intéresse 30 % (Proche-Orient) et 45 % (Etats-Unis) des hydrocarbures qui y sont contenus.

214

Pays

industrialisés

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N 0 3 + o2 N 0 3 + rayons ultra-violets —* N O + O N O + 0 3 —» N 0 2 + 0 2 2 0 3 —» 2 0 2 + O Le méthane, les radicaux OH et OH 2 peuvent aussi, directement ou indirectement participer à ce processus, en réagissant avec les atomes d'oxygène et les oxydes d'azote. Les incertitudes demeurent sur le rôle exact de tous ces polluants : d'après de récentes études américaines et britanniques, on a évalué à plus de 825 000 tonnes les quantités d'oxydes d'azote répandues dans la stratosphère à la suite de l'explosion d'une série de bombes nucléaires de plusieurs mégatonnes en 1961 et 1962 ; or,

274

Pays

industrialisés

de 1960 à 1970, la concentration d ' o z o n e a augmenté en moyenne de 5 % au-dessus de l'Amérique du Nord et de 20 à 25 % en Europe entre 1960 et 1965 ; cette injection brutale, comparable dans une moindre mesure à celle provoquée par certains orages, n'est certes pas équivalente à une évolution plus lente, mais elle a été égale aux émissions de 2 000 avions « Concorde » ! En conclusion, bien qu'il ne soit pas encore possible, au stade actuel de nos connaissances, d'évaluer avec précision toutes les conséquences de la mise en service des avions supersoniques, les études déjà faites laissent prévoir une perturbation de l'ozonosphère dans les couloirs de circulation intense, entre 17 et 20 km, surtout en été, lorsque les quantités d'ozone sont minimales et les vents faibles.

D.

L A POLLUTION DES EAUX « Eau, tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. Tu es la plus grande richesse qui soit au m o n d e , et tu e s aussi la plus délicate ». A.

DE

SAINT-EXUPÉRY.

« Ce que nos s o c i é t é s demandent aux cours d'eau est un défi au bon sens : ils doivent tout à la fois fournir de l'eau propre et emporter les déchets ». Albert DU ROY.

On a vu que les ressources en eau avaient tendance à diminuer, alors que les besoins doublaient tous les quinze ans. L'action dans ce secteur est à la fois urgente et cruciale, car comme l'a déclaré le professeur Reploch, de l'Institut d'hygiène de l'université de Munster : « nous ignorons si les mesures prises pour l'assainissement de nos cours d'eau peuvent vraiment soutenir la course engagée avec le rythme de croissance de la pollution ». Dans beaucoup de villes, 600 1 d ' e a u x usées par personne et par jour sont évacués ; leur teneur en polluants organiques et minéraux correspond à 10 1 de boues par habitant et par jour, soit 50 kg de matières solides séchées/an-habitant (O.M.S., 1967). C'est ainsi q u ' à Genève 100 000 m 3 par jour sont déversés dans l'Arve et le Rhône qui véhiculent déjà quotidiennement 10 tonnes de déchets ; or le débit des fleuves tombe en été au-dessous de 200 m 3 /sec. et ne

La pollution

275

peut supporter une telle charge. Les eaux d'égout de l'agglomération parisienne représentent 3,5 millions de m3/jour, ce qui équivaut à la moitié du débit de la Seine à l'étiage. Au Japon, en 1966, 20 % de la superficie urbaine était drainée par un réseau d'égouts, ce qui correspondait à 15 millions d'habitants ou à 31 % de la population des villes, c'est-à-dire 7 % des effectifs totaux. En 1969, 226 municipalités sur 3 285 disposaient de collecteurs ; 142 stations fonctionnaient dont 120 effectuaient un traitement biologique : la moitié seulement des eaux résiduaires subissaient une épuration avant leur rejet. En 1971, on devait arriver à couvrir 32 % de la superficie urbaine et desservir 30 millions de personnes, mais la proportion de Japonais disposant du tout-àl'égout était au mieux égale à 20 %. En France, également, pour une population de 50 millions d'habitants, l'épuration concerne au maximum 10 millions d'entre eux, tandis que l'industrie est responsable d'une pollution qui serait due à 60 millions de personnes ; or 15 % seulement des eaux résiduaires industrielles sont traitées. En 1971, 2 500 km de cours d'eau français étaient pollués et le volume total ainsi détérioré dépassait en moyenne 10 % du débit des rivières. L e coût du programme d'assainissement a été évalué dans ce pays à 4 milliards de francs (800 millions de dollars), dont 2,5 pour les collectivités. Celles-ci se sont vu accorder, en 1972, près de 108 millions de francs (21,6 millions de dollars), dans le cadre de l'opération « rivières propres » 18 ; les plus menacées parmi ces dernières sont la Vire (Basse-Normandie), la Bruche (Alsace), le Lot (Midi-Pyrénées), l'Huveaune (Provence-Côte d'Azur), le Rupt-de-Mad (Lorraine), la Drouette (région parisienne), la Nivelle (Aquitaine) et I'Ondaine (Rhône-Alpes), qui sont souvent des égouts à ciel ouvert. L e bassin de I'Ondaine, par exemple, reçoit les eaux de lavage des houillières de la région, les bains de décapage des métaux, les huiles de Creusot-Loire et de 126 petites et moyennes entreprises, métallurgiques, chimiques et textiles ; il faut encore y ajouter les eaux ruisselant sur les terrils, les résidus des abattoirs et les déchets de 80 000 personnes, de sorte que, chaque jour, I'Ondaine transporte 55 tonnes de boue à son embouchure. Cinquante-sept ans après la

18. « A u total, les rivières d e F r a n c e r e ç o i v e n t annuellement la valeur de 10 000 trains de 600 tonnes d e d é c h e t s . » ( R o b e r t C l a r k e ) .

276

Pays

industrialisés

création à Chambon de la première aciérie de France par l'Anglais Jackson, on semble, à l'instar du cas de l'Ondaine, prendre au sérieux l'inquiétante pollution des rivières et construire alors les collecteurs et les stations d'épuration indispensables. Le Rhin, long de 1 070 km et axe économique de première importance, a depuis longtemps la fâcheuse réputation d'être « le plus grand cloaque d'Europe ». En effet, si à la sortie du lac de Constance, à Stein-am-Rhein, l'eau est encore transparente jusqu'à 3 m de profondeur, à Emmerich, 800 km plus au nord, près de la frontière hollando-allemande, on n'y voit plus qu'à 50 cm ! Les 2 000 à 3 000 m 3 qui déferlent à chaque seconde vers la mer du Nord entraînent les eaux usées de près de 40 millions de personnes (dont 20 pour la République fédérale d'Allemagne) ainsi que les déchets des usines pour lesquelles, chaque année, 3,5 milliards de m 3 sont pompés du fleuve ; en outre, 18 000 bateaux y déversent quelques 10 000 tonnes d'hydrocarbures. Les sommes dépensées sont à la mesure de l'ampleur des phénomènes de pollution : 10 milliards de marks (3,2 milliards de dollars) ont été consacrés à l'opération « Rhin propre », par les Länder de Rhénanie-Westphalie, Rhénanie-Palatinat, Hesse, Bade-Wurtemberg, Bavière et Sarre ; un gros effort a été également consenti par des villes comme Düsseldorf et Cologne et, au confluent du Rhin et de l'Emscher qui provient de la zone industrielle de la Ruhr (6 millions d'habitants), on a construit la plus grande station d'épuration d'Europe (70 ha), à laquelle ont contribué pour 34 millions de marks (11 millions de dollars) les firmes Bayer et Dormagen (pétrochimie). En Suède, à la suite de la détérioration alarmante des eaux du lac Mälaren 19, un programme de recherches et de travaux d'amélioration a été mis en route en juillet 1964. Ce lac, qui est le troisième en importance, est long de 115 km, large de 65 et a une profondeur maximale de 66 m ; son bassin de drainage a une superficie de 22 600 km 2 . Il reçoit les eaux usées de 1 100 000 personnes, ce qui représente 90 kg d'azote et 7 kg de phosphore/ha-an (de 25 mg/m 3 en 1930, la concentration est passée à 65 mg/m 3 en 1961, pour atteindre 135 mg/m 3 en 1964-1965). Les régions périphériques se caractérisent par une pollution croissante, alors que la zone centrale est 19. Cf. T. Willen, « The graduai destruction of Sweden's lakes ». Ambio, p. 6-14.

1, 1972,

La pollution

277

relativement propre ; cette évolution est marquée, dans le phytoplancton, par la prédominance des cyanophytes et des diatomées et la disparition progressive des chrysophycées et des desmidiacées ; un crustacé microscopique, Pontoporeia affinis, qui est très apprécié des poissons et qui était très abondant en 1913, s'est réfugié au milieu du lac, alors que d'autres représentants moins intéressants du zooplancton se sont multipliés dans les parties polluées ; la pêche a connu une baisse sensible, de 4,5 kg/ha en 1964 à 2,6 kg/ha en 1969 (on ne rencontre plus que quelques exemplaires de truites ; les prises de corégones qui étaient en 1964 de 5 000 kg avaient régressé à 200 kg en 1969, la perche seule ne semble pas affectée). Les mesures ont consisté à renforcer l'équipement, à partir de 1968, de 20 usines d'épuration et à édifier près de 50 autres en 1972. Après avoir rougi les eaux du lac de Morat, en 1825, on assista à la propagation de l'algue bleue responsable (Oscillatoria rubescens) en Europe centrale et occidentale ainsi qu'aux Etats-Unis d'Amérique (depuis 1934) 20 . La prolifération excessive de cette cyanophycée, qui faisait suite au déversement des eaux domestiques et industrielles, s'accompagnait du remplacement des corégones par des poissons de moindre qualité. Outre les micro-organismes pathogènes ou non (virus, bactéries, cyanophytes, actinomycètes, algues, protozoaires), les principaux agents polluants des eaux sont de nature chimique et proviennent de l'érosion des terres, du lessivage des sols cultivés, des résidus et des déchets des collectivités et de l'industrie. Leur nombre est considérable 2 1 , ce qui ne doit pas étonner quand on sait que chaque année 250 000 nouveaux produits s'ajoutent aux 2 millions déjà enregistrés et que 500 d'entre eux sont commercialisés. Des métaux comme l'arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et le plomb et, en particulier, les formes organiques volatiles des trois derniers ; les nitrates, les phosphates, les fluorures, les détergents, les biocides, les hydrocarbures, sont parmi les plus importants.

20. Cf. O. Jaag, « La détérioration des eaux et la lutte contre la pollution des lacs, des eaux courantes et des eaux souterraines en Suisse », C. R. des séances mensuelles de la Soc. sci. nat. phys. Maroc. 37, 1971, p. 15-29. 21. Trente-deux composés organiques différents ont été trouvés, par exemple, dans les eaux du Rhin.

278

Pays

industrialisés

La persistance excessive de certains, leur grande diffusion, leur accumulation progressive, peuvent non seulement provoquer des toxicoses chez l'homme, mais encore perturber gravement les chaînes alimentaires, entraîner une diminution de la productivité végétale et animale et rendre les eaux impropres à tout usage. Les dangers pour la santé humaine ne sont pas uniquement ceux de malaises, d'intoxications ou de maladies immédiatement décelables, mais concernent des troubles beaucoup plus longs à se manifester et affectant les générations les plus exposées ; une eau de boisson chargée en nitrates pourrait donner lieu, par exemple, à la formation dans l'estomac d'acide nitreux qui, en se combinant à des aminés, produit des nitrosamines 22 qui sont des substances cancérogènes et mutagènes ; un excès de nitrate entraîne parfois une methémoglobinémie, qui réduit la capacité d'oxygénation du sang et dont les conséquences sont redoutables chez les enfants de moins de cinq ans 2 3 ; d'autres composés sont tératogènes 2 4 ou clastogènes, c'est-à-dire produisent les malformations fœtales ou des cassures chromosomiques.

22. La teneur en nitrates des eaux de surface est généralement inférieure à 5 mg/1. Mais on observe quelquefois un excès ou une contamination provenant des engrais ou de la décomposition des déchets azotés organiques. Le faible pH de l'estomac favorise la formation à partir des nitrates de nitrites qui s'unissent à des aminés secondaires pour donner des nitrosamines. La microflore intestinale est également capable de réduire les nitrates en nitrites. Après avoir administré par voie intra-gastrique un mélange de nitrate de sodium et de diphénylamine à trente et un sujets humains, on a constaté la présence de diphénylnitrosamine dans l'estomac (Magee, 1971). La diméthylnitrosamine, la plus simple de ces substances, est hépatoxique chez le mouton et léthale à la dose unique de 5mg/kg de poids (Sakshaug et al., 1965) ; on l'a retrouvée, en Norvège, dans la farine de poisson conservée au nitrite de sodium et donnée en nourriture au bétail. En dehors du foie, des tumeurs peuvent apparaître au niveau de l'œsophage, de la trachée, du poumon et du rein. 23. Les nitrites transforment l'hémoglobine en methémoglobine. La methémoglobinémie infantile est rare lorsque la teneur en nitrates est inférieure à 45 mg/1. En 1970, les enfants, affectés en Tchécoslovaquie, avaient consommé une eau renfermant en moyenne plus de 100 mg/1 de nitrates. 24. Les dérivés nitrosés, comme la N-nitrosométhylurée et la N-nitrosoéthylurée, sont de puissants tératogènes ; elles engendrent des malformations dans la progéniture de rattes traitées pendant le gestation. Elles produisent également des tumeurs du système nerveux central et périphérique.

La pollution 1.

279

L'eutrophisation

L ' O . C . D . E . qui s'est occupée depuis 1965 des problèmes d'eutrophisation, a organisé des réunions d'experts en 1966 et 1967, à Paris et à Lucerne ; un autre colloque a réuni, en janvier 1969, à Paris, des spécialistes, sous l'égide du Groupe sur la gestion de l'eau de cet organisme. Ils proposèrent la définition suivante : « L'eutrophisation est un enrichissement des eaux en substances nutritives, qui aboutit généralement à des modifications symptomatiques telles que la production accrue d'algues et autres plantes aquatiques, la dégradation de la pêche, la détérioration de la qualité de l'eau ainsi que de tous les usages qui en sont faits en général ».

Le premier indice est une croissance rapide des algues périphytiques des zones littorales ou planctoniques des régions pélagiques, ainsi que des plantes aquatiques (macrophytes) ; on note un appauvrissement des espèces typiques pour les eaux oligotrophes et, en même temps ou plus tard, l'invasion massive de cyanophytes ou algues bleu-vert qui forment de véritables « fleurs d'eau » (Anabaena flos-aquae, Aphanizomenon, Oscillatoria). Cette production végétale accrue mène à une seconde phase de décomposition organique, qui entraîne une forte consommation d'oxygène par les microorganismes hétérotrophes et l'épuisement de ce gaz 2 5 . Ce dernier intervient surtout dans les couches profondes (hypolimnion) en raison de la sédimentation et crée des conditions anaérobies favorisant les phénomènes de réduction (dégagement d'hydrogène sulfuré, H 2 S, d'ammoniaque, de méthane), l'apparition de fer et de manganèse, la concentration de matières organiques non minéralisées. Les cycles géochimiques des différents éléments (carbone, azote, soufre, phosphore) sont gravement perturbés et on enregistre une modification qualitative et quantitative de la faune, en particulier au niveau des communautés de poissons (les salmonidés et les corégones sont remplacés par des cyprinidés). Des variations de schéma général, en fonction des conditions climatiques, limnologiques et écologiques, sont notoires : dans le Lough Neagh, en Irlande du Nord, on peut constater les deux premiers stades, 25. La demande biochimique d ' o x y g è n e ou D B O représente le poids de l'oxygène dissous par un volume unitaire d'eau ou d'eau usée, utilisé au cours du processus de dégradation biologique des matières organiques. Elle est égale à 1 mg/1 dans les eaux naturelles et à 300-500 mg/1 pour des eaux domestiquées non traitées.

280

Pays

industrialisés

mais pas le troisième, car l'oxygénation est encore appéciable (90 %) ; dans les lacs finlandais, qui sont très chargés en substances humiques, on remarque surtout l'absence d'oxygène et la prédominance de l'anaérobiose. Les répercussions sont graves sur le plan pratique. La détérioration de la qualité de l'eau, des conditions hygiéniques et esthétiques, menace les grands réservoirs et les barrages d'estuaires, qui risquent d'apparaître comme des erreurs d'investissement et amèneront peut-être à envisager un stockage souterrain à grande échelle. Il est en effet très difficile d'éliminer économiquement les composés organiques, qui induisent la prolifération des microbes dans les systèmes de distribution, la corrosion de ceux-ci, l'obstruction des filtres, la précipitation du fer et du manganèse ; il en est de même pour les goûts et les odeurs désagréables. Les hécatombes de poissons réduisent ou annulent la pêche professionnelle et sportive. Les activités récréatives finissent aussi par être entravées. Dans l'ensemble, les conséquences économiques sont lourdes, car l'utilisation de telles eaux nécessite de nouvelles recherches et des installations perfectionnées, ce qui aura pour effet direct une sérieuse augmentation du coût. En résumé, on peut englober sous le vocable d'eutrophisation tout ce qui contribue à un accroissement de l'approvisionnement et de la teneur des éléments nutritifs, et par suite à une élévation de la productivité des eaux. Le phosphore et l'azote représentent les facteurs essentiels et on leur confère généralement un rôle prépondérant. Des essais de classification des eaux courantes et stagnantes ont été tentés, en fonction des concentrations en phosphore et en azote, par exemple :

Caractère trophique

Ultra-oligotrophe Oligo-mésotrophe Méso-eutrophe Eu-polytrophe Polytrophe

Phosphore total mg/m 3

Azote minéral mg/m 3

< 5 5-10 10-30 30-100 > 100

< 200 200-400 300-650 500-1 500 > 1 500

La pollution

281

Sakamoto (1966) a donné, pour le Japon, une répartition assez comparable : Caractère trophique

Lacs Lacs Lacs Eaux

oligotrophes mésotrophes eutrophes courantes

Phosphore total mg/m 3

Azote combiné total mg/m 3

2-20 10-30 10-90 2-230

20-200 100-700 500-1 300 50-1 100

On estime généralement que lorsque les taux de phosphore et d'azote combiné total dépassent respectivement 20 mg et 300 mg/m 3 , la menace est très sérieuse (voir figure 27). L'invasion du lac de Morat par Oscillatoria rubescens (De Candolle, 1825) est probablement le premier exemple d'eutrophisation ; on l'attribue à la reconversion agricole de l'Europe centrale qui avait commencé au 17e siècle. Au cours du 19e siècle, mais surtout à partir du début du 20 e , on enregistre des cas de plus en plus nombreux de modifications dans la composition du plancton des lacs suisses. Le cas du lac de Zurich est bien documenté (1928) : le chargement est d'abord marqué par le pullulement de Tabellaria fenestrata (1928), puis se poursuit, deux ans plus tard, par la multiplication d'Oscillatoria rubescens. On a observé, dès 1920, non seulement dans les lacs profonds mais encore dans des étangs, l'appauvrissement de la microflore et de la microfaune planctonique, suivi de la prépondérance des diatomées, des chlorophycées et (ou) des cyanophytes. Les substances eutrophisantes peuvent avoir une origine naturelle ou diffuse (érosion des sols, précipitations et lessivage, apports éoliens, animaux aquatiques) ou, au contraire, provenir directement des activités humaines (sources ponctuelles comme les décharges de réseaux d'égouts et les effluents industriels). Il est assez difficile de faire, dans le premier cas, des estimations quantitatives et par conséquent de réaliser un assainissement intégral, alors que dans le second il est possible d'opérer un traitement plus radical. a. Fumure du sol et engrais Dans les régions d'élevage et de production laitière, l'apport de fumier est le mode de fertilisation le plus courant. Les taux d'azote,

282

Figure

Pays

industrialisés

27. Accroissement

de la concentration

en phosphate

dans les eaux

douces.

La pollution

283

de phosphore et de potassium y sont respectivement égaux à 0,5 %, 0,25 % (P 2 0 5 ) ou 0,1 % (P) et 0,5 % (K 2 0) ; il est moins riche en phosphore que les engrais chimiques dits complets. Les quantités de ces trois éléments expulsées par le bétail varient considérablement d'une espèce à une autre. Pour les vaches et les porcs, 150 kg d'azote/100 kg de poids vif-an ; les chevaux, les chèvres et les moutons, 120 à 130 kg environ, les volailles 85 kg. Ce sont les porcins qui produisent le plus de phosphore, avec près de 45 kg/tonne de poids vif-an, suivis par les poules (30 kg), les ovins et les caprins (20 kg), les bovidés (moins de 20 kg). Pour le potassium, les nombres sont assez semblables pour tous les animaux, de l'ordre de 100 kg/1 000 kg de poids vif, à l'exception de la volaille (30 kg seulement). On trouvera dans le tableau suivant les données relatives à ces apports, pour quelques Etats européens.

Apport

approximatif en azote et en phosphore, et humaine, dans quelques pays

En provenance du cheptel* (xlO3 t/an) N P Autriche Belgique Danemark France Grande-Bretagne Hollande Italie Norvège République fédérale d'Allemagne Suède Suisse

d'origine européens

animale

En provenance de la population**(xl0 3 t/an) N P

265 270 330 2 015 1 480 375 1 060 145

50 40 65 270 210 55 140 20

32 41 21 210 235 54 225 17

4 5 2,5 25,5 28 6,5 26,5 2

1 530 275 175

240 45 25

240 33 26

29 4 3

Source : Cf. rapport O.C.D.E., 1970. * Ces estimations ont été établies sur la base des statistiques pour 1962. Le poids pris en considération est de 600 kg pour les chevaux, 450 kg pour les bovidés, 125 kg pour les porcs, 75 kg pour les chèvres et les moutons. ** Les calculs ont été faits à partir des valeurs de base annuelles par tête pour les excréments humains : 4 400 g d'azote et 540 g de phosphore.

284

Pays

industrialisés

Le lien étroit entre l'élevage et l'eutrophisation est particulièrement net dans les régions des Etats-Unis où l'on tend vers la production industrielle de viande (feedlots du Dakota, du Kansas et du Nebraska par exemple, dans lesquels peuvent être entassées jusqu'à 20 000 têtes). Les masses d'excréments déposés dans ces zones sont considérables et leur évacuation pose de graves problèmes, car cette forme d'exploitation est de plus en plus répandue : en 1956, au Kansas, 20 000 bovidés étaient élevés dans les parcs d'engraissement ; on en dénombrait 186 000 en 1965. En 1966, l'enlèvement du fumier dans le South Dakota équivalait au rejet des eaux usées de 64 millions d'êtres humains, alors que la population totale de cet Etat ne dépassait pas 720 000 habitants. Les écoulements des silos de fourrage correspondent à 20 % du poids de ce dernier et ces sucs renferment 3 g/1 d'azote total (un tiers sous forme de composés ammoniacaux et deux tiers sous forme de protéines et d'acides aminés), 75 mg/1 de phosphore. Il est, par exemple, courant qu'en Suède, une seule exploitation emmagasine en silos 200 t de fourrage, dont il s'écoule 40 t, soit 120 kg d'azote et 3 kg de phosphore. Les engrais artificiels ont été utilisés dès le milieu du 19e siècle, avec les salpêtres du Chili (qui remplacèrent le guano), les superphosphates produits en Angleterre à partir de 1842, les sels de potasse du Haut-Rhin à compter de 1860. La consommation mondiale était, en 1971, pour l'azote, le phosphore et le potassiùm, de 31,5, 19,8 et 16,8 millions de tonnes. Les Etats-Unis prélèvent le quart de ces tonnages, soit 65,9 kg/ha et 53,0 kg/habitant : les rendements ont augmenté de 77 % en vingt ans et la production agricole de 11 %, ce qui a nécessité de multiplier par 7,5 les quantités de fertilisants azotés 2 6 . Au Danemark, en Irlande et en Finlande, on emploie nettement plus d'engrais qu'outre-Atlantique, alors que dans les pays méditerranéens, l'Angleterre, la Suisse, le Canada et le Japon (22,2 kg/hab.), on dépasse rarement 25 kg/ha-capita-année (voir figure 29). 26. On estime qu'aux Etats-Unis 450 à 680 mille tonnes de produits nitrés et 91 à 250 mille tonnes de c o m p o s é s phosphorés se déversent annuellement dans les eaux de surface.

p.oduct»"'»

l>'ln,„f>
2,5 ou 25 kg/ha

Sols polytrophes

ou

5 kg/ha

Migration de phosphore total* (g/m 2 -an)

< 0,02

ou

0,2 kg/ha

des

Migration de phosphates* (g/m 2 -an)

< 0,01

0,02 à 0,05 . . „„ n m „ - n * i n_ 0,01 a 0,025 ou 0,2 a 0,5 kg/ha > 0,05 ou 0,5 kg/ha > 0,025

* La distinction faite entre phosphore total et phosphates est indispensable, car les migrations se font dans certaines régions sous la forme d'apatites plus ou moins inattaquables et elles sont alors moins significatives pour la charge des eaux que les phosphates solubles. C'est le cas de la z o n e du Rhin, où la perte est évaluée à 0,145 g/m 2 -an (1,45 kg/ha), sans pour cela contribuer de manière significative à l'eutrophisation du lac de Constance.

La pollution c. Les eaux usées

289

domestiques

Selon Van Vuran (1948), le poids annuel global des excréments par tête est de 485 kg (1,33 kg/jour), dont 48 sous forme solide (0,13 kg/jour) et 437 kg (1,2 kg/jour) à l'état liquide. Dans le poids total de matière sèche (34,4 kg ou 0,094 kg/jour), cela représente 5,2 kg (14 g/jour) d'azote et 0,52 kg de phosphore (1,4 g/jour). Les apports en azote, calculés à partir des eaux résiduaires, sont, comparativement aux valeurs enregistrées pour le phosphore, en meilleure concordance avec les données physiologiques et même, en moyenne, légèrement inférieures. Cette observation démontre qu'elles ne reçoivent pas cet élément d'une autre source que les excréments. Ce n'est pas le cas pour les phosphates, dont les excédents proviennent des détergents et de la phosphorisation de l'eau potable (adoucissement destiné à éviter la corrosion des canalisations, à raison généralement de 5 mg de P 2 0 5 /1). La purification des eaux usées domestiques permet non seulement d'éliminer ces composés 2 7 des effluents des stations, mais encore d'utiliser la matière organique résiduelle comme fertilisant. Une série de traitements mécaniques écarte les matières grossières (papier, fibres textiles, etc.), puis entraîne la sédimentation des grosses particules minérales et organiques dans les bassins de dessablement et de décantation ; après un séjour de une à deux heures dans le décanteur primaire, la teneur en substances fines en suspension et en colloïdes et de l'ordre de 70 à 75 % (un tiers au plus de la charge polluante a été retiré). L'épuration biologique qui intervient ensuite commence par la décantation secondaire : les gadoues sont introduites dans un digesteur où elle subissent une fermentation, qui produit du méthane 2 8 (450 1/kg de boues fraîches à 10° C ou 620 1/kg à 20° C ou encore 760 1/kg à 30° C, pour une durée de 90 jours). Les boues digérées renferment beaucoup de substances nutritives ; on les additionne souvent aux ordures ménagères en vue

27. Chaque habitant est responsable du rejet d'environ 90 g de matières organiques s è c h e s par jour. Il faut environ 5 000 1 d'eau bien o x y g é n é e pour les décomposer. En France, une station d'épuration d'eaux résiduaires représente actuellement un investissement initial de 50 à 250 F (10 à 50 dollars) par habitant et entre 8 et 15 F (1,6 et 3 dollars) c o m m e coût annuel de fonctionnement. 28. Ce gaz, dont le pouvoir calorifique est égal à 5 500 kc/m 3 , est mélangé au gaz de ville (4 000 kc/m 3 ), dont il améliore la qualité.

290

Pays

industrialisés

d'enrichir le compost 2 9 résultant de la décomposition de ces dernières. L'élévation de la température au-dessus de 60° C, lors de la digestion, a pour effet de tuer les microbes pathogènes et les œufs des parasites. A l'issue de ces diverses opérations et après minéralisation des composés organiques, on constate un enrichissement des effluents liquides en azote minéral et en phosphates dont il convient de se débarrasser avant le rejet, si leur concentration est jugée excessive 3 0 . Avec 200 à 250 mg de sulfate d'aluminium par 1 et à un pH de 7,5, on peut floculer 95 % du phosphore total et 96 à 99 % des phosphates (il reste alors 0,6 mg de P/l), 25 % des nitrites et des nitrates et 60 % de l'azote organique ; on obtient un résultat analogue avec des ions calcium, mais ce procédé exige un pH de 10,5-11 et beaucoup de chaux (500 à 600 mg de CaO/1), si l'eau est très dure. La précipitation au moyen de chlorure ferrique ou de sulfate ferreux permet de ramener la teneur en phosphore à moins de 0,5 mg/1, surtout si l'agent précipitant n'est pas introduit dans le bassin d'aération, mais dans un bac séparé (Wuhrmann, 1964), à raison de 20 mg/1 de Fe ou plus. La solution vraisemblablement la plus favorable est obtenue par une combinaison de 10 mg/1 de Fe et de 100 à 120 mg/1 de Ca (OH) 2 , à un pH de 8,8 environ.

d. Les

détergents

Les savons qui sont des sels alcalins d'acides faibles ne peuvent être utilisés ni en milieu acide, ni en solution dans les eaux dures, en raison de l'insolubilité de leurs dérivés alcalino-terreux. Des produits de substitution furent préparés par les chimistes et les premiers détergents synthétiques apparurent sur le marché durant la première guerre mondiale : les alcoylnaphtalènes sulfonés, puis les 29. Au Japon, les procédés suivants sont retenus pour l'utilisation finale des boues : décharge contrôlée (62 %), fertilisation (19 %), décharge en mer (6 %), incinération et divers (13 %). La digestion anaérobie des gadoues est e m p l o y é e dans 68 % des cas, la digestion aérobie dans 13 %. 30. La teneur en phosphore total varie généralement entre 6 et 10 mg/1 dans les eaux résiduaires épurées mécaniquement ; après épuration biologique, il reste encore 3 à 7 mg/1, dont l'orthophosphate représente 85 %. On tend alors à le réduire à 0,5 mg/1. Quand à l'azote, on tâche de faire passer sa concentration de 20-30 mg/1 à 3-5 mg/1 (degré d'efficacité, 50 à 80 %).

La pollution

291

alcools gras sulfatés, les amides grasses sulfonées et enfin les alkylarylsulfonates prirent récemment une place prépondérante, car les matières premières sont fournies par l'industrie pétrolière. La classification des détergents repose sur leurs propriétés de dissociation électrolytique : — les anioniques, comprenant une ou plusieurs chaînes linéaires hydrocarbonées, avec un ou deux noyaux aromatiques, et un groupement polaire de type S 0 3 ou O — S 0 3 , qui peut être remplacé par des fonctions phosphoriques, sulfoniques, thiosulfuriques, etc. — les cationiques, représentés par des sels d'ammonium quaternaire ; — les surfactifs non ioniques, résultant de la polymérisation de molécules d'oxyde d'éthylène (H 2 C — O — CH 2 ) ; les chaînes polyoxyéthylénées peuvent ensuite se fixer sur des acides gras, des alcools, des alcoylphénols, des aminés, des amides grasses, etc. Les tableaux suivants résument, pour l'année 1961, la production en tonnes de détergents dans quelques pays et la répartition des divers types au niveau de la consommation.

Savons Détergents

R.F.A.

France

Grande-Bretagne

103 019 378 000

190 000 330 000

439 000 322 000

Etats-Unis 457 000 1 585 000

(en

Types

Anioniques Cationiques N o n ioniques

%)

R.F.A.

Belgique

France

GrandeBretagne

Pays-Bas

Suisse

Etats-Unis

80 5 15

85 1 14

93 0 7

92,3 0,5 7,2

84 1 15

87 0 13

67,2 3 29,8

On note le 'très fort pourcentage des anioniques, parmi lesquels les alkylarylsulfonates représentent les quatre cinquièmes des produits commercialisés. La plupart de ces derniers ont deux constituants majeurs : l'agent tensio-actif et des adjuvants qui sont généralement un mélange de sels sodiques (carbonates, perborates, phosphates, sulfates, silicates), ayant un effet synergique sur la détergence.

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Pays

industrialisés

Bien que l'origine industrielle (teinture et apprêt des textiles, des cuirs) et agricole (entraînement des mouillants entrant dans la composition des fongicides et des insecticides) soit bien établie, c ' e s t surtout l ' a c c r o i s s e m e n t d e la c o n s o m m a t i o n familiale et ménagère (300 % en E u r o p e , par exemple) qui est largement responsable, a v e c les laveries et les blanchisseries, de la pollution et de l'eutrophisation des eaux superficielles. Les p o u d r e s à laver renferment en effet 30 à 50 % de p y r o p h o s p h a t e s tétrasodiques (Na 4 P 2 0 7 ) ou de tripolyphosphates pentasodiques (Na 5 P 3 O 1 0 ) ; le simple o r t h o p h o s p h a t e (Na 3 P 0 4 ) n ' e s t pratiquement pas employé. De ce fait, ils constituent une part importante de la proportion de p h o s p h o r e dans les eaux résiduaires d o m e s t i q u e s et dans la charge des rivières et des lacs. Dans le Rhin supérieur, par e x e m p l e , sont c h a q u e j o u r d é v e r s é e s 13,1 tonnes de P 2 0 5 , dont 7,8 t de p o l y p h o s p h a t e s et 5,3 t d ' o r t h o p h o s p h a t e s . H a r k n e s s et Jenkins (1958) ont estimé que dans une station d ' é p u r a t i o n , 20,8 % du p h o s p h o r e total provenaient des mélanges surfactifs du c o m m e r c e . Devant la détérioration croissante, en particulier des G r a n d s L a c s 3 1 , l'usage des p h o s p h a t e s fut interdit en 1970 aux Etats-Unis. Un nouveau produit fut alors commercialisé pour les machines à laver, l'acide nitrilotriacétique ( N T A ) ; on s ' a p e r ç u t ensuite, après que des centaines de millions de dollars aient été d é p e n s é s pour la production et la diffusion de ce détergent, qu'il était tératogène c h e z le rat. L ' i n d u s t r i e se tourna vers des c o m p o s é s alcalins et caustiques, qui sont toutefois très dangereux s'ils sont inhalés et peuvent p r o v o q u e r des d e r m a t o s e s . Dans la confusion qui s'ensuivit, on revint aux détergents p h o s p h a t é s , alors que le savon, les traditionnels cristaux d e s o u d e , l ' a m m o n i a q u e ou le b o r a x , pourraient rendre les m ê m e s services. Certains a u t r e s inconvénients d e m e u r e n t . L o r s q u e la formation de m o u s s e s stables (à partir d ' u n e concentration de l'agent tensio-actif se situant a u t o u r de 0,3 à 0,4 mg/1) est suivie de leur dégradation biologique généralement rapide, il s'ensuit une c o n s o m m a t i o n accrue d ' o x y g è n e dissous. Par ailleurs, m ê m e lorsque le milieu est 31. L e l a c E r i é , à lui s e u l , r e ç o i t c h a q u e j o u r 7 m i l l i o n s d e m 3 d ' e a u x d ' é g o u t et 43,5 millions de m3 d ' e f f l u e n t s industriels de 5 Etats (Michigan, Indiana, Ohio. P e n n s y l v a n i e et N e w Y o r k ) .

La pollution

293

fortement aéré, on a enregistré des retards à l'auto-épuration qui s'expliquent par la protection exercée par les alkylarylsulfonates contre la décomposition de diverses substances organiques ; autour de celles-ci se constitue une pellicule de micelles à structure feuilletée, qui les isole temporairement d'autres molécules réactives ; on comprend qu'un tel phénomène permette la persistance surprenante de germes anaérobies dans des eaux fluviales oxygénées à saturation ou encore l'inhibition totale des bactéries cellulolytiques qui, en présence de détergents (30 mg/1) paraissent paralysées, mais non tuées. La présence d'un film protecteur superficiel entrave le renouvellement de l'oxygène à l'interface air-liquide. On note aussi le maintien en suspension de matières finement divisées, ce qui augmente la charge des effluents et complique le traitement. Aux Etats-Unis, on a évalué à 13,1 % la proportion des dermatoses dues aux détergents. Ces derniers, en émulsionnant les graisses, dessèchent la peau ; ils perturbent la régénération kératinique en réagissant avec les enzymes et les protéines ; la dénaturation de celles-ci se traduit par des manifestations cutanées allant de l'érythème discret à la nécrose folliculaire. La toxicité à l'égard des poissons n'est pas manifeste au-dessous d'une concentration de l'ordre de 3 mg/1. Elle est d'autant plus aiguë que la teneur en oxygène est basse. A titre indicatif, Leclerc et Devlaminck (1952) considèrent qu'une dose de 6 à 7 mg/'l de lauryl sulfate ou de dodecyl benzène sulfonate est mortelle. Wurtz-Arlet (1960) a constaté que des alevins de truite arc-en-ciel, âgés de soixante-cinq jours, étaient tués par 20 ppm, en une heure, tandis que 15 ppm suffisaient à provoquer, dans le même temps, la mort d'une truitelle de 15 cm. L'animal présente des symptômes d'asphyxie, à la suite de l'abaissement de la tension superficielle au niveau des branchies, ce qui perturbe profondément les échanges gazeux. On a enregistré dans certains cas (gardon, vairon) une accoutumance à des quantités élevées de détergents ; le carassin peut tolérer jusqu'à 30 ppm d'alkylsulfonate, à condition d'augmenter graduellement la concentration, 3 ppm par semaine (placé d'emblée dans une solution à 5 ppm, il meurt en cinq heures). Divers moyens ont été envisagés pour remédier aux nuisances causées. C'est ainsi que l'on connaît depuis longtemps l'effet de destruction des mousses par la pluie ou un arrosage énergique ;

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Pays

industrialisés

certaines s u b s t a n c e s biodégradables ont une action antimousse, c o m m e les éthanolamides d ' a c i d e s gras, les alginates, la carboxyméthyl-cellulose, etc. On peut les employer dans la fabrication de produits non m o u s s a n t s . On a m o n t r é , d ' a u t r e part, que plusieurs alkylarènesulfonates, qui sont des dérivés de la pétrochimie, étaient biodégradables par des cultures pures ou mixtes de bactéries du sol, des rivières et des stations de boues activées (Escherichia coli, Proteus vulgaris, Serratia marcescens, Pseudomonas fluorescens, etc.), par des champignons c o m m u n s dans les installations de traitement des eaux résiduaires. Il s'agit là d ' u n e décomposition complète, qui nécessite d e l ' o x y g è n e et un c o m p o s é organique c o m m e source d'énergie. La résistance à la biodégradation est directement liée à la distance séparant le c a r b o n e terminal du point d ' a t t a c h e du noyau benzénique sur la chaîne alkyl ; elle est d ' a u t a n t plus grande que cette dernière diminue. Les molécules ramifiées sont aussi les plus difficiles à dégrader. L ' i n d u s t r i e s'oriente alors vers la fabrication d'alkylsulfates, à partir d'alcools aliphatiques provenant du pétrole, car ils sont rapidement éliminés dans les égouts et les eaux c o u r a n t e s , alors que par ailleurs leurs propriétés détersives sont excellents.

e. Les effluents

industriels

Les sucreries, les distilleries, les entreprises de fabrication de levure et d ' a m i d o n , les complexes textiles, les établissements d'exploitation des d é c h e t s d ' a b a t t o i r s , peuvent constituer des foyers de pollution e x t r ê m e n t graves et arrivent, dans certains cas, à charger des lacs entiers. Mais les usines de pâte à p a p i e r 3 2 sont probablement les plus polluantes, puisqu'on affirme souvent que c h a c u n e d'elles salit, en un j o u r , autant d ' e a u que plusieurs millions de p e r s o n n e s . Elles emploient de grandes quantités de m e r c u r e c o m m e fongicide ; on trouve également ce métal dans la s o u d e caustique qui sert au blanchiment de la pâte, où il finit par se c o n c e n t r e r ; les effluents en contiennent d o n c b e a u c o u p , de m ê m e

32. D e l ' a v i s d e s e x p e r t s d e d i x - n e u f p a y s réunis à R o m e , du 14 au 18 mai 1973. à l ' o c c a s i o n d e la 14 e s e s s i o n du C o m i t é c o n s u l t a t i f d e la F . A . O . d e la pâte à papier, la p r o d u c t i o n m o n d i a l e était, e n 1973, de 159 m i l l i o n s d e t o n n e s d e papier et d e c a r t o n ( + 4 , 3 %), d o n t 129 pour le papier ; e l l e atteindra 180 m é g a t o n n e s e n 1977.

La pollution

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que la fumée provenant de la combustion des cartons et papiers. Certaines améliorations à cet état de choses méritent cependant d'être signalées : l'usine de Vaggeryd, dans le sud de la Suède, qui produit 120 000 tonnes de pâte par an plus 12 000 tonnes de carton ondulé appelé « peripac », a été dotée en 1969 d'un bassin de sédimentation (40 m de diamètre et 3 m de profondeur), où se déroulent la floculation et la précipitation chimique ; 97 % des fibres et 90 % des colorants sont éliminés et au bout de cinq heures l'eau purifiée est rejetée dans la rivière, tandis que le sédiment est recyclé pour la fabrication du « peripac » ; le retour des perches et des brochets en aval démontra l'efficacité de cette technique antipolluante, qui valut en outre à la papeterie une récompense nationale en 1971. Il ne semble pas, au contraire, que l'on soit près de lutter efficacement contre le déversement des eaux salées dans le Rhin 3 3 , dont 41 % proviennent des mines de potasse d'Alsace, 17 % des houillères allemandes, 13 % des industries de la Sarre et de la Moselle et 29 % de diverses sources. Alors qu'en Allemagne les déchets salins sont entreposés, il n'a pas été possible de procéder de la même façon en Alsace, où on craint une pénétration des chlorures et une pollution des nappes souterraines. La situation créée est particulièrement fâcheuse pour les Hollandais qui ne peuvent arroser leurs cultures avec des eaux chargées en sel, alors que les sols des polders et du delta ont été gagnés sur la mer et en contiennent déjà. /.

Conclusions

En prenant comme exemple les pays européens, où la densité moyenne de la population atteint 150 habitants/km 2 , où on compte 30 % de champs labourés, 30 % de pâturages, 20 % de forêts et 20 % de superficies non cultivables, on calcule que les déchets humains représentent un apport de 0,66 g d'azote et de 0,08 g de phosphore au km 2 . Les écoulements des villes et des routes sont évalués à 10 % de la contribution des hommes, tandis que les détergents sont responsables d'une charge de phosphates équivalant 33. Les eaux du fleuve charrient, chaque jour, au niveau de Rotterdam, 35 000 à 40 000 tonnes de chlorure de sodium.

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Pays

industrialisés

à 50 ou même 100 % de cette valeur. L'épandage d'engrais est de l'ordre de 235 kg par hectare et les quantités d'azote et de phosphore produites par l'agriculture s'élèvent à 5,3 g et à 0,9 g par m 2 . De ce fait la moitié des composés azotés contenus dans les eaux d'écoulement provient de foyers agricoles, tandis que plus de 50 % des phosphates doivent être attribués aux décharges directes (évacuation des eaux usées domestiques et industrielles). Même dans l'hypothèse la plus favorable de l'élimination radicale des substances eutrophisantes, qui n'atteint jamais 100 %, il resterait d'autres sources incontrôlables et il ne serait pas réaliste de croire à la régression totale du processus d'eutrophisation. Malgré des résultats spectaculaires intéressant la régénération de certains lacs, les méthodes curatives sont délicates et coûteuses, ce qui impose l'extension et la stricte application de mesures préventives (cf. p. 375).

2. Métaux

lourds

Lorsqu'il fut établi que les 52 décès survenus entre 1953 et 1969, dans l'île de Kyushu au Japon, étaient dus à l'ingestion de poissons et de crustacés contaminés par du mercure, l'attention fut attirée sur les dangers de l'accumulation dans les tissus des composés mercuriels. Les symptômes neurotoxiques causés par ces derniers étaient, il est vrai, déjà connus au 19e siècle chez les ouvriers des fabriques de chapeaux de feutre (hydrargyrisme). Mais c'est depuis deux ou trois ans que les réactions se sont faites plus nombreuses contre la pollution de l'environnement par les métaux lourds et certains de leurs dérivés. L'extraction annuelle de cinabre atteint dans le monde 9 000 tonnes (1970) et la moitié se retrouve dans les déchets industriels et agricoles 3 4 . L'érosion naturelle et le lessivage entraînent, respectivement, 2 500 à 44 000 tonnes et 2 500 à 15 000 tonnes par an. La concentration de cet élément dans les eaux douces est inférieure à

34. D'après les statistiques de la F . A . O . , 52 946 t de biocides contenant du mercure ont été utilisées de 1948 à 1967. En 1968, la consommation mondiale était de 2 000 tonnes. Dans l'industrie chimique, les usines peuvent rejeter dans leurs effluents jusqu'à 25 kg de mercure par jour.

La pollution

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0,1 fi g/1 et varie entre 0,03 et 0,15 jng/1 dans les mers (les océans dont le volume total est égal à 1,4 x 1021 1, en renferment donc 210 millions de tonnes). Même si l'agriculture et l'exploitation minière intensive ont tendance à accroître la teneur en hydrargyre des milieux naturels, cette contribution de l'homme reste modeste par rapport aux phénomènes généraux d'ablation des sols. Toutefois, la transformation de 90 % du métal en méthyl-mercure 35 , réalisée par les micro-organismes, et l'accumulation de ce dernier chez les animaux aquatiques, peuvent provoquer de graves dommages, comme au Japon, ainsi que dans les lacs américains et canadiens, où la pollution est grande. On constate en effet chez les personnes malades, des atteintes musculaires, des lésions irréversibles des reins et du système nerveux central, qui sont souvent fatales 3 6 . Le

35. A. Jernelôv, de l'université de Stockholm, et J. M. Wood, de l'université de l'Illinois, ont découvert que les bactéries anaérobies des vases absorbaient le mercure et le transformaient en diméthyl-mercure ; ce dernier est exsorbé et, comme il est volatile, diffuse dans l'eau. Wood assimile cette transformation par les microbes anaérobies à une détoxication. Le diméthyl-mercure traverse facilement les membranes cellulaires, notamment au niveau des branchies des poissons, qui en ingèrent de grandes quantités et qui le convertissent en monométhyl-mercure. Ce composé alcoylmercuriel est en effet celui que l'on trouve habituellement dans le corps des animaux aquatiques et en particulier chez les espèces carnassières. 36. On en a eu la preuve en 1961 en Irak, en 1963 au Pakistan, en 1966 au Guatemala et, au début de 1972, de nouveau en Irak, quand les semences de blé et d'avoine, traitées avec un produit antiparasitaire, furent utilisées à des fins alimentaires ; plusieurs milliers de personnes furent intoxiquées et on a enregistré plus de deux cents décès. C. Ramel, de l'Institut de génétique de l'université de Stockholm, a montré (cf. rapport O . C . D . E . , 1971) que des doses extrêmement faibles (0,5 ppm) de composés alcoyl- et arylmercuriels (méthyl-mercure et phényl-mercure) présentaient des effets comparables à ceux de la colchicine sur la division cellulaire, à savoir l'inactivation du fuseau achromatique dans les cellules de racines d'oignon (C-mitose) ; cette action peut conduire au doublement intégral des chromosomes. D'autres expériences faites avec des drosophiles (mouche du fruit), dont les larves et les adultes recevaient respectivement 0,25 et 5,0 ppm de ces mêmes substances, mirent en évidence une distribution erronée des chromosomes au stade de la méiose (absence de disjonction) ; ce sont les femelles traitées qui présentent les anomalies les plus graves. On a aussi constaté une nette corrélation entre la concentration de mercure dans le sang et la rupture des chromosomes des lymphocytes chez les personnes qui avaient consommé du poisson d'eau douce fortement contaminé par cet élément (Skerfving, Hansson et Lindsten, in C. Ramel, rapport O . C . D . E . , 1971). Les effets intra-utérins de ce dernier doivent être également pris en considération puisqu'il a été prouvé que le méthyl-mercure traversait facilement la barrière placentaire et pouvait s'accumuler dans certains tissus embryonnaires.

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Pays

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seuil d'apparition des effets cliniques serait, d'après certains chercheurs, de l'ordre de 20 IL g/g dans le tissu cérébral. La mine d'Ashio, à 100 km de Tokyo, à été depuis 1610 le principal lieu de production de minerai de cuivre au Japon ; elle devenait rapidement après la restauration du Meiji, en 1871, un centre important de raffinage, dont les effets se firent d'abord sentir sur les poissons en 1880, puis dès 1888, sur les 200 000 hectares de cultures irriguées et enfin sur la santé des populations riveraines. En 1892, un premier rapport sur la pollution du sol était publié : dans les zones agricoles situées de 40 à 80 km de la mine, les plants de riz ne dépassaient jamais 10 cm de haut et la récolte était quelquefois réduite au dixième de ce qu'elle était auparavant ; on trouvait jusqu'à 200 ppm de cuivre dans la terre, qui était irriguée par l'eau de la rivière Watarase où s'écoulait le drainage des installations minières. Les protestations répétées des paysans, le recours direct à l'empereur, en 1901, par un député de la circonscription eurent pour résultat la création d'un comité d'enquête sur la pollution par l'industrie du cuivre ; la toute puissance de celle-ci eut raison des fermiers qui durent quitter leurs terres en échange de maigres indemnités. La priorité donnée au développement économique avait empêché l'élimination ou l'atténuation de ce cas de kôgaï dont l'origine était pourtant évidente. Un état d'esprit analogue devait régner, à la suite de la seconde guerre mondiale, puisqu'il fallait reconstruire le pays. Ce n'est qu'à partir de 1955 — date à laquelle le revenu par habitant retrouve son niveau de 1934-1936 — que l'opinion publique commence à se préoccuper sérieusement du rythme de croissance inquiétant de la pollution. Après la construction de dispositifs de précipitation du cuivre, on assista à une lente amélioration des cultures, mais, après 1945, le phénomène réapparut et 2 000 ha de rizières devinrent de nouveau improductifs, à cause des inondations entraînant des poussières métalliques stockées dans l'usine. L'édification de digues permit de réduire ces méfaits, mais il reste 200 ha impropres à toute plantation. Les intoxications dues au cadmium auraient existé au Japon avant la dernière guerre ; elles étaient désignées par le nom â'itaï-itaï (ou maladie des douleurs, surtout aux articulations, dont l'évolution dure plus de douze ans) et on les attribuait à des carences, car, dans certains cas, de fortes doses de vitamine D pouvaient procurer une amélioration. Sur 260 cas traités depuis 1946, on a enregistré 50 %

La pollution

299

de décès. Les premières hypothèses sur les causes de cette affection furent émises en 1960 et le gouvernement alloua, en 1963, des crédits pour une investigation approfondie, qui établit la responsabilité de l'usine de raffinage de zinc 3 7 de Kamioka, sur le cours supérieur de la rivière Jintsu. Les effluents de celle-ci contenaient beaucoup de cadmium et polluaient les eaux, qui inondaient régulièrement les champs, sur une dizaine de kilomètres, en raison d'une élévation du cours de la rivière par un cône d'éboulis alluvial. Les crues dues aux typhons de 1945 et de 1956 avaient entraîné vers l'aval des volumes considérables (400 000 et 15 000 m 3 ) de boues fortement chargées en cadmium et stockées dans les installations minières. Le cation peut être accumulé par les crustacés et les coquillages à des concentrations 4 500 fois supérieures à celles existant dans l'eau ; il est également absorbé par le riz 3 8 et l'homme se contamine à ces deux niveaux de la chaîne trophique (la quantité totale ingérée par les victimes aurait été supérieure à 0,6 mg par jour). On lui attribue, outre les douleurs lombaires et pubiennes, les fractures multiples engendrées par l'ostéomalacie, des déformations du squelette, avec diminution marquée de la taille, ainsi que de graves atteintes rénales. L'arsenic d'origine industrielle est sous forme trivalente, qui est la plus toxique. Il peut apparaître sous forme pentavalente, lorsqu'il est exposé à l'oxygène. La limite admissible dans l'eau de boisson et recommandée par l'O.M.S. est de 0,05 mg/1 (1972). Il peut être cancérogène (peau, poumons, foie et vessie). La concentration de plomb dans les eaux naturelles non traitées est comprise entre 0,01 et 0,03 mg/1 ; une enquête faite en 1970 aux Etats-Unis a montré que 2 % seulement des échantillons prélevés dans les fleuves et les lacs renfermaient plus de 0,05 mg/1 ; dans l'eau de boisson, elle doit être inférieure à 0,1 mg/1. La quantité ingérée quotidiennement est toutefois faible par rapport à la dose 37. Tous les minerais de zinc exploités au Japon, qu'il s'agisse de zinc presque pur (sphalérite) ou de mélanges c o m p l e x e s de sulfures de fer, de cuivre, de plomb et de zinc (« kuroks ») renferment des proportions notables de cadmium (quelques % du poids du minerai). 38. Des concentrations de cadmium de l'ordre de 0,07 % mg/kg dans la farine de froment paraissent représentatives des régions non polluées (Schroeder et Balassa, 1961). Par contre, au Japon, du riz qui contenait sur un sol normal 0,16 mg/kg de cadmium, en renfermait 0,78 mg/kg après adjonction de très fortes quantités d'oxyde de cadmium (0,01 %).

300

Pays

industrialisés

totale moyenne de toutes origines (y compris l'atmosphère des villes), qui atteint 0,33 à 0,44 mg. Dans les denrées alimentaires (céréales, légumes verts, poisson, viande), la teneur est de l'ordre de 0,2 mg/kg, d'après plusieurs milliers d'analyses faites en Grande-Bretagne ; on a constaté dans le lait une légère augmentation durant les trente dernières années. Les sources artificielles de plomb sont, outre la combustion des carburants, la fonderie et le raffinage, la fabrication du laiton, des batteries d'accumulateurs, des peintures au plomb-alcoyle et au plomb, l'épandage d'arséniate de plomb en agriculture, l'incinération de matières plastiques renfermant ce métal. D'autres métaux lourds sont cancérogènes : béryllium (os), cobalt (tissu conjonctif, poumons), nickel, sélénium (foie, thyroïde).

3. Normes

recommandées

pour la qualité de l'eau

potable

Pour ce qui est des substances chimiques toxiques ou présentant un risque pour la santé, les normes internationales de l'O.M.S. pour l'eau de boisson proposent les concentrations-limites provisoires indiquées dans le tableau suivant :

Concentration maximale (mg/1) Substances toxiques* Arsenic (exprimé en As) C a d m i u m (exprimé en Cd) C y a n u r e s (exprimé en C N ) M e r c u r e total (exprimé en Hg) Plomb (exprimé en Pb) Sélénium (exprimé en Se) Substances chimiques présentant un risque pour la santé Fluorures Nitrates (exprimés en NO.,) H y d r o c a r b u r e s a r o m a t i q u e s polycycliques**

0,05 0,01 0,05 0,001 0,1 0,01

0,6-0.9 45 0,0002

* Sur la base d ' u n apport j o u r n a l i e r de 2,5 litres d ' e a u pour un h o m m e pesant 70 kg. ** Il s'agit de 6 c o m p o s é s représentatifs de l'ensemble du groupe : b e n z o p y r è n e , benzopérylène, benzoacéphénantrylène, benzofluoranthène, fluoranthène et indénopyrène.

La pollution 4. La pollution

301

thermique

L'édification des centrales électriques se fait généralement près des lacs, des rivières et au bord de la mer, afin de bénéficier des capacités de refroidissement. Les océans ont paru les plus propices à cette opération, car les conséquences y ont été jugées moins graves que dans le cas d'étendues d'eau plus restreintes. Il est toutefois bien établi que l'élévation de température que l'on enregistre dans celles-ci est intolérable pour la plupart des espèces animales et végétales. Elle a pour effet de réduire la teneur en oxygène dissous et par suite le pouvoir d'auto-épuration ; les phénomènes de décomposition par les bactéries sont accélérés, ce qui diminue encore la concentration d'oxygène ; les animaux aquatiques en souffrent, puisque des températures supérieures accroissent l'intensité métabolique et partant le besoin en oxygène. Les statistiques des Nations unies permettent de prévoir que la déperdition thermique dans le monde doublera entre 1970 et 1980 et sextuplera entre 1970 et l'an 2000. Pour une même quantité d'électricité produite, les centrales nucléaires libèrent dans l'atmosphère environ 30 % de chaleur de plus que les centrales classiques. Cette situation ne pourrait changer qu'avec la mise au point d'un nouveau type de réacteur, dit à haute température, dont il n'existe, pour l'instant, que des prototypes. Même si la production totale d'énergie prévue pour l'an 2020 (110 millions de MW) est mille fois plus faible que la chaleur irradiée annuellement par la terre dans l'espace (120 milliards de MW), il serait imprudent de croire que cet apport est sans effet sur la biosphère. A titre d'exemple, on peut citer le cas du Rhin, sur les rives duquel on doit construire, entre 1975 et 1980, 21 nouvelles unités électrogènes, dont quinze réacteurs nucléaires 3 9 . La température de 39. En France, cinq centrales du type « graphite-gaz » ont été édifiées sur la Loire (Chinon-1, 2, 3, Saint-Laurent-des-Eaux-1, 2) ; les deux premières centrales à eau pressurisée sont en cours de construction sur le Rhin (Fessenheim-1, 2) ; sur le Rhône, au site de Bugey, se trouve une centrale « graphite-gaz », d'un modèle amélioré (Bugey-1), et on y installera deux autres à eau pressurisée (Bugey-2 et 3) ; également sur le Rhône à Marcoule, fonctionne la première centrale surgénératrice française (« Phénix »). Pour ses prochains sites, l'Electricité de France ( E . D . F . ) devra utiliser les possibilités offertes par la Garonne et, en raison de l'insuffisance du débit des fleuves, choisir des emplacements à proximité immédiate de la côte. Au Japon, où les sept dixièmes de l'énergie nécessaire sont produits par voie chaude, le choix des sites est encore plus ardu en raison de l'exiguïté et du relief ; on

302

Pays

industrialisés

l'eau qui ne devrait jamais dépasser 27° C, franchira ce seuil de tolérance extrême, dès l'été 1975, en Rhénanie-Palatinat et, à partir de 1985, sur toute la longueur du fleuve, de Strasbourg aux Pays-Bas, avec des maximums de l'ordre de 36° C à certaines périodes. La gravité d ' u n e telle situation a amené les pays membres de la Communauté de travail des Etats pour la protection du Rhin à proposer un « plan de tolérance thermique », qui exige, pour toute construction ultérieure d'usines électriques, la mise en place de tours de refroidissement. Dans celles-ci, la chaleur dissipée sert à évaporer un volume relativement faible d'eau plutôt que d'élever de quelques degrés la température d ' u n e masse énorme ; la vapeur dégagée dans l'atmosphère peut provoquer la formation de brouillards dans les vallées et causer alors des désagréments aux populations. L'énergie calorifique peut être aussi émise directement dans l'air, au niveau d'un échangeur à cycle fermé, par un mécanisme comparable à celui du radiateur d ' u n e automobile. Le Comité technique américain sur les normes de qualité de l'eau a fait les recommandations suivantes qui seront appliquées par l'Agence fédérale de contrôle de la pollution de l'eau : dans les lacs naturels ou artificiels, la température de la couche superficielle ne devra pas varier de plus de 1,6° C ; pour les estuaires, l'augmentation maximale sera de 2,2° C en hiver et 0,8° C en été, par rapport à la moyenne mensuelle des températures maximales journalières ; pour les cours d'eau froids, la limite supérieure est fixée à 20° C, la variation autorisée étant de 0 à 2,7° C ; pour les cours d'eau chauds, ces normes sont respectivement égales à 27-33° C et à 2-2,7° C.

E.

L A POLLUTION DES MERS

« La mer, poubelle universelle » 4 0 , « La mer, dépotoir du monde » 4 1 : voilà des affirmations devenues courantes et qui traduisent

a entrepris d'édifier des centrales dans le N o r d , à H o k k a i d o , et un cable sous-marin à haute tension pour les relier à H o n s h u ; les i n v e s t i s s e m e n t s en é q u i p e m e n t s n e u f s qui avaient presque doublé de 1968 à 1970 (1,56 à 2,98 milliards de dollars), devront alors atteindre 33 milliards de dollars pour les dix prochaines a n n é e s . 40. Y. R e b e y r o l , in Le Monde, 13 avril 1972, p. 25. 41. T. L o f t a s , in Cérès, 5 (1), 1972, p. 35-39. A u x E t a t s - U n i s , l'utilisation de l ' o c é a n c o m m e décharge publique a quintuplé en 20 ans et o n s'attend à la voir

La pollution

303

combien les océans sont menacés. Ces derniers reçoivent en effet, non seulement les effluents des industries et des collectivités, le plus souvent déversés sans traitement préalable, mais encore une grande partie des substances polluantes produites sur les continents, transportées par les cours d'eau et la circulation atmosphérique. Les navires qui les sillonnent et l'exploitation des fonds marins sont aussi à l'origine de phénomènes de pollution, qui sont surtout spectaculaires aux latitudes moyennes de l'hémisphère boréal, où l'utilisation des ressources naturelles et la production d'énergie sont particulièrement intenses. Aux Etats-Unis, par exemple, on a calculé qu'en moyenne chaque habitant disposait annuellement de 5 tonnes de minerais, d'aliments et de produits forestiers. Cela fait pour le monde 3 milliards de tonnes ou 1 km 3 de déchets par an, dont 1 % est attribué aux transports maritimes. Quand on compare cet apport aux 10 gigatonnes de solides dissous ou en suspension, charriés chaque année par les fleuves, il n'est pas exagéré d'écrire que l'homme est devenu une « force géologique ».

1. Les pollutions

d'origine

continentale

Les zones littorales, dont la productivité est importante 4 2 , sont très sensibles aux déchets industriels et domestiques qui s'y concentrent croître e n c o r e d a n s la p r o p o r t i o n d e 4 à 4,5 % par an. La pollution en l'an 2000 p o u r r a d e v e n i r sept fois plus f o r t e si d e s m e s u r e s r i g o u r e u s e s ne sont pas prises ! « C e qui p o u r r a i t bien a r r i v e r à la M é d i t e r r a n é e d e l'an 2000, le c o m m a n d a n t C o u s t e a u le r a c o n t e d é j à ; et il n ' e s t pas le seul à voir c o u l e u r d e m a z o u t l ' a v e n i r d e l ' e x - G r a n d e Bleue ! L a mare nostrum pourrait bien d e v e n i r une noire mare morte. Déjà a u j o u r d ' h u i , elle a perdu 40 % d e sa vitalité. » ( F a n n y D e s c h a m p s ) . 42. La p r o d u c t i v i t é est s u r t o u t é l e v é e d a n s les régions où se p r o d u i s e n t d e s r e m o n t é e s (upwellings) d ' e a u x p r o f o n d e s riches en n u t r i m e n t s (la c o n c e n t r a t i o n en a z o t e et en p h o s p h o r e est m a x i m a l e à d e s p r o f o n d e u r s c o m p r i s e s e n t r e 700 et 1 000 m è t r e s ) . C ' e s t le cas d a n s l ' A t l a n t i q u e N o r d , le long du littoral m a r o c a i n et au large du Portugal ; d a n s l ' o c é a n P a c i f i q u e , près des c ô t e s p é r u v i e n n e s ; au voisinage du J a p o n ; d a n s le Gulf S t r e a m et d a n s l ' o c é a n A n t a r c t i q u e . D a n s ces z o n e s , la fixation annuelle d e c a r b o n e est d e l ' o r d r e d e 300 g/m 2 , é q u i v a l a n t à 650 g e n v i r o n de matière organique sèche. L e c o u r a n t froid de H u m b o l d t qui t r a v e r s e le Pacifique près d e s c ô t e s chiliennes et p é r u v i e n n e s et le d é p l a c e m e n t vers la s u r f a c e des m a s s e s d ' e a u p r o f o n d e s s o u s l ' e f f e t des v e n t s d e S u d - E s t , f a v o r i s e n t le pullulement d ' o r g a n i s m e s p l a n c t o n i q u e s et la prolifération d e s a n c h o i s {Engraitlis ringens). 10,5 millions d e t o n n e s ont été p ê c h é e s en 1968 d a n s une zone d e 1 300 k m d e long et d e 50 d e large, r e p r é s e n t a n t 18 % d e la prise m o n d i a l e . L e r e n d e m e n t est de l ' o r d r e de 1,70 t/ha et si o n e s t i m e q u ' u n e

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et rendent les eaux insalubres. On compte, en France, 200 à 300 usines rejetant dans les régions côtières leurs effluents. Dans les mers fermées ou semi-fermées, le problème est exceptionnellement grave. En Méditerranée, par exemple, la plupart des grandes villes d'Italie et pratiquement toutes les petites, déversent leurs eaux d'égout non épurées directement à la côte ou dans les fleuves (sur 8 049 villes, 52 seulement possédaient, en 1970, des installations complètes de traitement) ; aux termes des nouvelles normes d'hygiène édictées par le ministère de la Santé, en 1971, 6 000 plages étaient dangereusement polluées. La zone néritique de 101 km2, proche de l'embouchure du Rhône et celle avoisinante du golfe de Fos, reçoivent les eaux correspondant à un bassin versant de 95 km 2 , très peuplé et industrialisé, ainsi que celles qui drainent les terres de culture, le plus souvent enrichies par des engrais synthétiques. Les concentrations en nitrates sont huit à dix fois supérieures à celles de la Méditerranée. Pour l'année 1968, Blanc et Leveau 4 3 ont estimé que 5,37.10 4 t de nitrates et 4,8.10 5 1 de phosphates ont été apportées par le Rhône, ce qui a pour effet de constituer une aire particulièrement riche en sels nutritifs. Le déséquilibre du rapport N/P (normalement égal à 16/1 ou à 14,2/1 pour le lit marin du fleuve et pour les stations situées hors de ce lit) conduit au pullulement de certains micro-organismes, comme un dinoflagellé (Exuviella sp.), une quantité équivalente est prélevée par les prédateurs (35 millions d'animaux aquatiques, notamment les oiseaux qui nichent dans les îles Chincha et qui produisent le guano), on aurait une productivité voisine de celle des étangs fertilisés d'Asie (à Taïwan, 2,0 t/ha en m o y e n n e et en Indonésie, où des eaux usées sont déversées dans c e s étangs au lieu d'engrais chimiques, on peut atteindre 5 t/ha et par an). Dans les eaux côtières non concernées par ces courants, la prise ne dépasse pas habituellement 0,065 t/ha, tandis que l'élevage donne 0,006 à 0,31 t/ha. L ' o c é a n Antarctique a pu aussi, grâce à cette fertilité naturelle, permettre la multiplication des baleines planctoniques (Balaenoplera musculus et B. physalus) : 400 000 environ en 1920, quelques centaines, en 1960, à la suite des destructions massives. Autour de nombreux atolls des océans Indien et Pacifique, des phénomènes d'upwelling se produisent et expliquent la prodigieuse richesse de la faune sous-marine. On a m ê m e envisagé de pomper les eaux profondes, froides et riches autour des îles pour les introduire dans les lagons de l'intérieur où l'aquiculture donnerait des rendements excellents. 43. F. Blanc et M. L e v e a u , Etude de la zone d'eutrophisation correspondant à l'épandage en mer des eaux du Rhône, compte tenu de la participation française au Programme biologique international, juin 1972, I . N . E . D . (27, rue du Commandeur, 75014 Paris), p. 107-109.

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diatomée (Skeletonema costatum : 76 millions de cellules/1) ou de représentants du zooplancton (Paracalanus parvus : 2 000 individus/m 3 , soit dix fois plus que les maximums trouvés en Méditerranée). Au Japon, où les fleuves sont courts (les trois principaux dans l'île de Honshu dépassent à peine 300 km et seul l'Ishikari dans le Hokkaido atteint 400 km) et dans l'ensemble très rapides, l'auto-épuration est restreinte et les polluants arrivent dans les estuaires en l'espace de quelques heures. La fameuse Mer intérieure, qui est un étroit couloir presque fermé entre Honshu et Sikoku, au cœur de l'archipel, est si polluée que dans les deux tiers de ses eaux côtières les poissons ne peuvent plus vivre. Certains élevages d'huîtres perlières ont été ruinés, la culture des algues dans la baie de Tokyo est en crise, car la production a baissé de plus de 60 %. La pêche japonaise et les populations qui en vivent sont les grandes victimes d'une telle situation. L'eutrophisation est manifeste dans les estuaires, les baies 4 4 ainsi que dans les lagons tropicaux et subtropicaux. L'un d'eux, aux îles Hawaï, est devenu un « désert » à l'endroit même de l'arrivée du collecteur, cependant qu'un peu plus loin la prolifération excessive des algues a tué toute autre forme de vie marine : sous ce tapis, épais parfois de 30 cm, le récif corallien se désagrège, à la suite de la mort des organismes constructeurs ; dans d'autres cas, ce résultat est dû à la multiplication d'une étoile de mer, Acanthaster planci. L'astérie couronnée d'épines fait en effet peser une très lourde menace sur plusieurs milliers d'îles de corail de l'océan Pacifique et a déjà infligé de graves dommages en Malaisie et à la Grande Barrière de l'Australie. Celle-ci s'étend sur 2 000 km environ, le long de la côte orientale de l'Australie, et plus de 300 km de ce banc de corail, le plus grand du monde, ont été détruits depuis 1963 par les astéries qui ravagent chaque année 60 km environ. Elles 44. L e s eaux de l'estuaire de l'Hudson, qui reçoivent actuellement les effluents de 12 millions de personnes, ne pourraient conserver un pouvoir régénérateur satisfaisant que pour ceux de 1,2 million d'usagers. Face à N e w York, une zone de 50 km 2 mérite le nom de « Mer morte » ! En juillet 1972, la Société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest, a dénoncé la pollution bactérienne du bassin d'Arcachon, où aboutissent les eaux usées de 50 000 riverains (10 000 streptocoques fécaux et 20 000 colibacilles par litre ont été dénombrés par le laboratoire municipal de Bordeaux sur les lieux de baignade). Aucune station d'épuration ne fonctionnait à l'époque dans la région !

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s'attaquent à présent aux récifs entourant l'île Hayman et l'archipel Whitsunday, qui sont des régions touristiques attirant 400 000 visiteurs par an. Le phénomène s'est étendu aux îles de Guam, Marianes, Caroline, Midway, Fidji, Salomon et Touamotu. L'infestation est telle qu'on peut trouver une étoile de mer au m2 et les corps épineux de ces échinodermes peuvent mesurer jusqu'à 40 cm de diamètre. Elles dévorent en quelques mois le corail dont les squelettes deviennent friables et se dissolvent sous l'effet de la houle. Les ressources de pêche de deux millions et demi d'insulaires sont de ce fait sérieusement compromises, car les riches pêcheries des lagons sont protégées par les récifs coralliens ; après la destruction de ces derniers, le poisson se dirige vers des eaux plus profondes et moins calmes et devient alors inaccessible aux pêcheurs équipés de frêles embarcations ; la pêche est non seulement la source principale de protéines mais elle contribue au quart du produit national brut. Pour sauver les aires récréatives, le gouvernement du Queensland avait recruté une dizaine de plongeurs pour injecter aux astéries une dose mortelle de formol ; il fut alors possible de contrôler sur des superficies réduites leur multiplication, puisqu'un plongeur expérimenté pouvait tuer plus de 200 exemplaires en une heure. Mais le pouvoir de reproduction de cette espèce est prodigieux : une seule astérie peut donner plus d'un million de larves. Il reste donc à trouver un moyen de lutte approprié, si on ne veut pas voir disparaître en quelques décennies la Grande Barrière, ce qui aurait un effet désastreux sur les côtes australiennes dont l'érosion serait considérablement accélérée. Parmi les hypothèses avancées pour expliquer cette évolution, on a mis en cause la décharge excessive de déchets de toutes sortes et d'insecticides organochlorés qui auraient sensiblement réduit les populations des prédateurs naturels des larves et de l'astérie adulte ; ce serait notamment le cas d'un mollusque géant, le triton, Charonia tritonis, dont la capacité reproductrice pourrait être inhibée par le D.D.T. et dont les coquilles sont par ailleurs très recherchées par les touristes. Même si cette explication ne s'avère pas la plus fondée, il est clair que les régions jusqu'ici les plus atteintes ont été celles où les activités humaines sont les plus importantes : après l'île de Guam où les ravages sont grands, c'est au tour des îles Hawaï et, en 1970, des millions d'astéries ont été signalées en mer Rouge dans les environs

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très pollués de Port Soudan. Le corail des Antilles paraît seul pour l'instant en sécurité. Les Etats-Unis ont alloué aux recherches menées dans ce domaine 250 000 dollars. D'une manière générale, la faune et la flore des eaux tropicales résistent mal à ce type de pollution, qui risque d'entraîner une sérieuse diminution de la productivité, au moment où la pêche mondiale se déplace de préférence vers les tropiques, plutôt que vers le Nord ou le Sud. On note par ailleurs une tendance à l'accumulation des sulfates dans les océans : 27 millions de tonnes par an provenant de la décomposition de gypse, auxquelles s'ajoutent 50 autres fournies indirectement par la combustion du charbon et du pétrole ainsi que par les engrais à la base de soufre. En outre, 3,5 millions de tonnes de phosphore se sédimentent dans les mers. La contamination par les composés chimiques les plus divers 4 5 , est très meurtrière, surtout sur les lieux de décharge. Les organismes unicellulaires et pluricellulaires du plancton sont paralysés et tués par plusieurs polluants, entre autres les insecticides et les herbicides (des composés hydrophobes, comme le D.D.T. et les biphényles polychlorés P.C.B., sont facilement absorbés par les pellicules huileuses et les particules, puis se retrouvent dans les tissus adipeux des animaux marins). En 1970, un groupe mixte de chercheurs suédois et norvégiens constata que le rejet de résidus à base d'hydrocarbures aliphatiques chlorés avait provoqué la mort massive d'un micro-crustacé, Calamus fïnmarchicus, qui est un maillon important de la chaîne alimentaire marine et dont les innombrables cadavres avaient coloré l'eau en rose. Entre 1956 et 1970, on a fait sur les côtes de Californie les observations suivantes 4 6 : des milliers de cardeaux malades, inertes et de couleur terne, furent péchés ; on remarqua des cas d'exophtalmie chez l'ombrine à nageoires tâchetées, des ulcérations cutanées chez l'acoupa blanc, des lésions cancéreuses péribuccales chez la sole du Pacifique, des papillomes chez l'ombrine blanche, le cynoglosse à 45. De nombreux produits organiques volatiles, synthétisés à raison de plusieurs millions de tonnes par an, parviennent aussi à la mer par voie atmosphérique : aldéhydes formique et éthylique, acétone, méthanol, éthanol, o x y d e d'éthylène, chlorure de vinyle, 1, 2-dichloroéthane, c y c l o h e x a n e , e s s e n c e . 46. Cf. B. W. Halstead et L. Halstead Baldwin, « Le danger qui vient de la mer », Santé du monde, O.M.S., mai 1972, p. 16-21.

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queue noire, la limande des sables ; sur 5 250 soles à tête plate, 336, soit 6,4 %, présentaient des tumeurs, la proportion était de 12 % pour les soles anglaises. Des faits semblables ont été constatés dans l'Etat de Washington, dans la région du port de N e w York et en mer d'Irlande. Dès 1946, les pêcheurs danois se plaignaient des pertes résultant des maladies de poissons. Au Canada, un quart des élevages d'huîtres a dû être abandonné à la suite de la pollution ; aux Etats-Unis plus du cinquième (la baie de Raritan, dans le N e w Jersey, est aujourd'hui dépourvue de ce mollusque, qui y était autrefois très répandu). Les prises de crevettes dans la baie de Galveston 4 7 (Texas) ont diminué de plus 47. La baie de G a l v e s t o n o f f r e un e x e m p l e tout à fait c a r a c t é r i s t i q u e d e l ' a m p l e u r prise par les p h é n o m è n e s d e pollution d a n s ce type de milieu. D ' u n e s u p e r f i c i e d e I 380 k m 2 , elle f o r m e le plus grand e s t u a i r e d e la c ô t e t e x a n e . C e t t e v a s t e zone d ' e a u s a u m â t r e est un lieu de prédilection p o u r la p è c h e , car plusieurs e s p è c e s d e p o i s s o n s et d e c r u s t a c é s s ' y multiplient a p r è s avoir p a s s é une partie de leur cycle d a n s le golfe du M e x i q u e ; les b a n c s d ' h u î t r e s y sont aussi t r è s p r o d u c t i f s . A l ' e n t r é e de la baie, les d e u x villes d e G a l v e s t o n et d e T e x a s City ont 115 000 h a b i t a n t s e n v i r o n et les activités c o m m e r c i a l e s et industrielles y sont i m p o r t a n t e s , en particulier les raffineries d e p é t r o l e et les usines d e produits c h i m i q u e s de T e x a s City. Mais le d é v e l o p p e m e n t le plus m a r q u a n t a i n t é r e s s é H o u s t o n , situé près du f o n d de la baie. E n 1944, fut c r e u s é le chenal maritime de H o u s t o n qui p e r m e t a u x n a v i r e s de t r a v e r s e r l ' e s t u a i r e et de r e m o n t e r par un canal n a t u r e l , le « b a y o u » B u f f a l o , j u s q u ' a u bassin de H o u s t o n , soit à une d i s t a n c e de 80 km du golfe du M e x i q u e . L ' i m p o r t a n c e d e ce port d e v i n t c o n s i d é r a b l e , puisqu'il n ' e s t d é p a s s é q u e par N e w Y o r k et la N o u v e l l e - O r l é a n s p o u r ce qui est du t o n n a g e total. L a c o n c e n t r a t i o n des industries est c o n s i d é r a b l e et la population a triplé en 30 a n s (2 millions d ' h a b i t a n t s ) . L ' e n v i r o n n e m e n t de la baie a été p r o f o n d é m e n t p e r t u r b é : dragage d e s coquillages et utilisation d e s coquilles p o u r la f a b r i c a t i o n d e ciment et la c o n s t r u c t i o n de r o u t e s ; r é d u c t i o n de l ' a p p o r t d ' e a u d o u c e d a n s l ' e s t u a i r e à la suite d e l'édification de b a r r a g e s et d e p r o j e t s g r a n d i o s e s (plusieurs milliers d e dollars) d ' a m é n a g e m e n t d e la navigation fluviale et d e s r e s s o u r c e s en eau ( c r e u s e m e n t d ' u n canal de 640 k m p a r t a n t du golfe du M e x i q u e p o u r relier e n t r e elles t o u t e s les principales rivières qui s ' y j e t a i e n t ) . L e b a r r a g e d e Wallisville sur la Trinity river fera d i s p a r a î t r e 8 000 ha de marais et d ' é t a n g s où la p r o d u c t i v i t é animale est très élevée (de l ' o r d r e d e 20 t/ha-an, é v a l u é e à 600 dollars/ha-an). L a diminution c o n s é c u t i v e d e s r e s s o u r c e s d e la p ê c h e s ' e x p l i q u e aussi par l ' a c c r o i s s e m e n t inquiétant d e la pollution. Sur 40 k m , le canal de H o u s t o n , e n t r e la baie et le b a y o u B u f f a l o , est la voie d ' e a u la plus souillée d e s E t a t s - U n i s . L a ville de G a l v e s t o n d é v e r s e en o u t r e c h a q u e j o u r 6 000 m 3 d ' e f f l u e n t s non traités. L a p r e m i è r e unité d e 750 000 k W d ' u n e c e n t r a l e é l e c t r i q u e d ' u n e p u i s s a n c e d e 1,5 million de k W a été t e r m i n é e et son influence sur l ' e n v i r o n n e m e n t sera é g a l e m e n t d é t e r m i n a n t e . U n p r o g r a m m e d e p r o t e c t i o n s ' e s t a p p u y é sur une é t u d e e n t r e p r i s e d e p u i s 1967 par le Conseil p o u r la qualité d e l ' e a u et qui a c o û t é 3,5 millions d e dollars. H o u s t o n a d é p e n s é 75 millions de dollars p o u r a m é l i o r e r son r é s e a u d ' é g o u t s et elle d e v r a e n g a g e r au moins 100 a u t r e s millions p o u r p a r v e n i r à un niveau satisfaisant. Un O f f i c e d ' é l i m i n a t i o n des d é c h e t s d e la c ô t e du G o l f e a été c r é é en 1969 et s ' a t t a c h e à

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de 50 % entre 1962 et 1966 et, en 1967, les d é b a r q u e m e n t s de ces crustacés provenant d ' A p a l a c h i c o l a (Floride) ont été inférieurs de 83 % à ceux de 1964. Certaines toxines naturelles, c o m m e la ciguatoxine dont les effets sont c o n n u s depuis le 18e siècle (ichtyosarcotoxisme), peuvent être subitement produites et entraîner des e m p o i s o n n e m e n t s généralisés, lorsque les e s p è c e s toxigènes se trouvent en présence d e polluants industriels et de métaux divers. Ce fut le cas lors du renflouage du cargo M S S o u t h b a n k , é c h o u é le 26 d é c e m b r e 1964 sur les récifs de l'île de Washington, dans les îles de la Ligne (Pacifique) ; en août 1965, lorsque la plus grande partie de la cargaison fut submergée, au cours des opérations de sauvetage, le poisson devint très toxique et entraîna c h e z les travailleurs des manifestations violentes (paresthésie des lèvres, de la langue et des m e m b r e s , avec faiblesse musculaire profonde), alors que j u s q u ' à cette date ils le consommaient régulièrement sans ressentir !e moindre mal. On a souligné plus haut les dangers de l ' a c c r o i s s e m e n t inquiétant de la concentration d e plusieurs éléments dans les milieux naturels et de leur accumulation dans les tissus des animaux marins. Celle du plomb, qui provient des gaz d ' é c h a p p e m e n t des voitures, est passée de 0,01 à 0,07 ¿ig/kg dans les eaux superficielles de l'hémisphère boréal (10 000 t o n n e s par an sont introduites dans les océans). L e c a d m i u m peut être c o n c e n t r é plus de 4 500 fois et on a trouvé dans le foie de mollusques j u s q u ' à 420 mg/kg c o n t r e 0,05 mg/kg pour des milieux non pollués (Schroeder et Balassa, 1961). L ' a r s e n i c qui a été mis en évidence dans les crevettes dès 1935 (42 mg/kg) est accumulé par ces c r u s t a c é s et par des palourdes pour atteindre 50 à 100 mg/kg (Angino et al., 1970). Si celle du m e r c u r e est encore infime (0,15 /Lig/1), si des teneurs de l'ordre d e 1 ppm relevées chez les prédateurs c o m m e le thon 48 et l ' e s p a d o n n ' o n t eu pour c o n s é q u e n c e établir u n e

o r g a n i s a t i o n r é g i o n a l e c o m p a r a b l e a u x a s s o c i a t i o n s d e la Ruhr, les e n v u e du r a m a s s a g e , du t r a i t e m e n t d e s d é c h e t s et m ê m e d e l'aération du canal d e H o u s t o n .

Genossenschaften,

4 8 . La d é c o u v e r t e d e m e r c u r e d a n s du t h o n e n b o î t e fut faite par h a s a r d , e n d é c e m b r e 1970, par B. M e D u f f i e , p r o f e s s e u r à l ' u n i v e r s i t é d ' E t a t d e N e w Y o r k ; la c o n c e n t r a t i o n y était s u p é r i e u r e à 0 , 5 p p m , c ' e s t - à - d i r e plus qu'il n ' e s t a d m i s par la F e d e r a l F o o d and D r u g A d m i n i s t r a t i o n . U n million d e b o î t e s de c o n s e r v e furent alors é l i m i n é e s (900 m i l l i o n s s o n t p r o d u i t e s c h a q u e a n n é e a u x E t a t s - U n i s ) . O n a a l o r s e s t i m é q u e 23 % du t h o n v e n d u o u t r e - A t l a n t i q u e d e v a i t être c o n t a m i n é par du m e r c u r e . L a t e n e u r d e c e dernier d a n s les t h o n s p é c h é s par les c h a l u t i e r s b r i t a n n i q u e s était d'ailleurs c o m p r i s e entre 0 , 3 7 et 1,12 p p m .

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industrialisés

que d'interdire provisoirement en Amérique du Nord la commercialisation des conserves de ces poissons, la tragédie de Minamata 4 9 montre néanmoins que de graves accidents peuvent accompagner cette hausse lente mais significative. Un mal étrange frappa, en 1953, les pêcheurs d'un quartier de Minamata, ville de 50 000 habitants de la côte occidentale de l'île de Kyushu ; ceux qui étaient atteints éprouvaient des vertiges, des troubles de la vue et perdaient le contrôle de leurs membres ; quatre personnes sur dix en mouraient. Les chiens, les chats, les corbeaux étaient aussi tués dans d'inexplicables convulsions. Les soupçons se portèrent, en novembre 1956, sur la Société de l'azote du Japon Nouveau (Chisso Corporation), la seule usine de l'agglomération, qui produisait de l'acétaldéhyde par hydratation de l'acétylène avec du sulfate de mercure. En dépit des dénégations de l'entreprise 5 0 , de son refus persistant à autoriser les prélèvements d'effluents, sa responsabilité fut définitivement établie en 1964, à la suite des autopsies qui révélèrent une proportion importante d'hydrargyre (1/10 000) 5 I , de même que dans les poissons et les crustacés E n mai 1971, les a n a l y s e s faites sur l ' e s p a d o n p a r la F o o d and Drug A d m i n i s t r a t i o n m o n t r è r e n t q u e s u r 853 é c h a n t i l l o n s t e s t é s 42 s e u l e m e n t p o u v a i e n t ê t r e c o n s i d é r é s c o m m e sains ; les a u t r e s r e n f e r m a i e n t en effet plus de 0,5 p p m d e m e r c u r e et c e r t a i n s 1,5 p p m . 2 500 t o n n e s d ' e s p a d o n f u r e n t alors d é c l a r é e s i m p r o p r e s à la c o n s o m m a t i o n . L e s c o n t r ô l e s e f f e c t u é s , en 1971, p a r le L a b o r a t o i r e central d e r e c h e r c h e s vétérinaires d e F r a n c e et publiés d a n s la Revue internationale d'océanographie médicale, ont m o n t r é q u ' à la d i f f é r e n c e d e s a u t r e s p o i s s o n s , les t h o n s d e la M é d i t e r r a n é e r e n f e r m a i e n t en m o y e n n e 1 p p m d e m e r c u r e alors q u e les t h o n s rouges d e l ' A t l a n t i q u e en c o n t e n a i e n t s e u l e m e n t 0,4 p p m . Des a n a l y s e s faites sur d ' a u t r e s e s p è c e s ont révélé q u e les t e n e u r s étaient d e u x à trois fois plus g r a n d e s en M é d i t e r r a n é e q u e d a n s l ' A t l a n t i q u e : 0,54 et 0,23 p o u r le b a r , 0,51 et 0,24 p o u r le c o n g r e , 0,20 et 0,12 p o u r le m e r l a n , 0,42 et 0,15 p p m p o u r la sole. L a limite f r a n ç a i s e de t o l é r a n c e est a c t u e l l e m e n t fixée à 0,7 p p m (0.5 p p m p o u r le C a n a d a , 0,7 ppm pour l'Italie, 1 p p m p o u r la S u è d e et le J a p o n ) . 49. Cf. S. T s u r u , « Pollution d a n s trois villes du J a p o n », Le Courrier de ¡'Unesco, juillet 1971, p. 6-13. 50. L a S o c i é t é d e l ' a z o t e a c c o r d a , en 1959, d e s d o m m a g e s et intérêts aux victimes, a p r è s q u ' u n m é d e c i n a t t a c h é à son s e r v i c e eût d é c o u v e r t q u e les e a u x u s é e s d e l'usine p o u v a i e n t c a u s e r c h e z les c h a t s les s y m p t ô m e s n e u r o t o x i q u e s caractéristiq u e s d e la maladie ; le résultat de ces e x p é r i e n c e s fut t o u t e f o i s gardé s e c r e t et ne fut pas c o m m u n i q u é a u x e n q u ê t e u r s officiels. S o i x a n t e - q u i n z e victimes, d o n t les familles de 27 m o r t s , ont t o u c h é des i n d e m n i t é s ; les a u t r e s , j u g e a n t celles-ci t r o p faibles, ont i n t e n t é , en j u i n 1971, un p r o c è s à la direction d e la C h i s s o C o r p o r a t i o n . 51. L e c o r p s d ' u n J a p o n a i s r e n f e r m e r a i t dix fois plus d e m e r c u r e que celui d ' u n E u r o p é e n ou d ' u n A m é r i c a i n .

La pollution

311

(jusqu'à 10 mg/kg) vivant au sein des eaux contaminées par l'établissement industriel (dans la baie de Minamata : entre 1 et 10 ¿¿g/1 ; dans les boues : 30 à 40 mg/kg). Les lésions irréversibles causées au système nerveux central étaient dues au méthyl-mercure, plus nocif encore que le métal, synthétisé par les micro-organismes et accumulé par les animaux marins. Malgré l'imposition de contrôles, la maladie éclata de nouveau en 1964, dans le bassin du fleuve Agano. Au total et jusqu'à la fin de 1969, elle frappa 199 personnes, dont cinquante-deux moururent ; plus de dix de ces victimes ont été infectées, semble-t-il, dès avant leur naissance. On connaît en effet aujourd'hui vingt-cinq cas congénitaux (lésions cérébrales : paralysie et arriération), dus à la consommation de poisson contaminé par la mère pendant la grossesse (atteinte transplacentaire). Trois mille individus enfin, parmi les habitants de la baie, présenteraient des symptômes plus ou moins aigus. Un nouveau foyer d'empoisonnement a été découvert en juin 1973 du côté de Nagasaki, dans la mer d'Ariake ; un autre dans la mer intérieure à Tokuyama et un troisième aux environs de Toyama, sur la mer du Japon. Le ministère de la Santé a alors publié un rapport alarmant donnant la liste des espèces de poissons les plus contaminés, recommandant les doses à ne pas dépasser dans la nourriture ingérée (0,4 ppm) et par semaine (0,17 mg de mercure organique). La colère des consommateurs et des pêcheurs fut portée à son comble, car ce document surprenant signifiait purement et simplement l'élimination radicale de la ration quotidienne de tous les aliments d'origine marine. Une nouvelle version a alors été publiée, beaucoup plus libérale et annulant sur beaucoup de points la précédente. Elle traduit manifestement le désarroi des autorités gouvernementales quant à l'attitude à tenir en matière de prévention et de lutte contre cette forme dangereuse de pollution. La gravité des intoxications est un fait établi non seulement au Japon, mais aussi dans la Baltique et les Grands Lacs d'Amérique du Nord (la pêche de certaines espèces a été interdite dans le lac Erié, dans la partie du lac Saint-Clair qui se trouve au Canada, au printemps de 1970). La Suède a interdit l'usage des dérivés phénylmercuriels. D'après Harris et al. (1970), de très faibles concentrations de mercure (de l'ordre de 0,1 /ug/1, taux que l'on trouve fréquemment

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Pays

industrialisés

dans les eaux côtières) pourraient inhiber l'activité photosynthétique du phytoplancton.

2. La pollution

par les

hydrocarbures

Sur les 2,2 à 2,4 milliards de tonnes de pétrole, extraites chaque année, 10 mégatonnes de produits et de résidus pétroliers sont déversées dans les océans par les usines et les raffineries (1,6 mégatonne), par les forages en mer (100 000 tonnes), par les pétroliers (500 000 t) et les autres bateaux (500 000 t), par accident (200 000 t) ; la majeure partie provient toutefois des retombées d'hydrocarbures émis par les véhicules à moteur sur les continents (entre 2 et 7 mégatonnes). Le tableau suivant donne une idée de l'estimation de ces pertes pour 1975 et 1980.

Estimation

des pertes directes

d'hydrocarbures

dans le milieu

marin

(en millions de 1975

tonnes)

1980

Minimum

Maximum

Minimum

Maximum

Pétroliers Autres navires Forages sous-marins Raffinage Déchets pétroliers Pertes accidentelles

0,056 0,705 0,160 0,200 0,825 0,300

0,805 0,705 0,320 0,450 0,825 0,300

0,075 0,940 0,230 0,440 1,200 0,440

1,062 0,940 0,460 0,650 1,200 0,440

Total Production totale de pétrole brut

2,246

3,405

3,325

4,752

2 700

Sources : Study of Critical Environmental Problems. Man's Impact Environment, M.I.T. Press, Cambridge, Mass., 1970, 319 p.

4 000 on the

Global

Des accidents spectaculaires comme le naufrage du Torrey-Canyon, en mars 1967, ou la collision de deux pétroliers de la Standard Oil, en 1971, dans la baie de San Francisco, ont attiré l'attention de l'opinion publique sur les risques inhérents au transport maritime.

La pollution

313

Les cuves du Torrey-Canyon avaient une contenance de 118 000 tonnes et on estime que 100 000 tonnes se sont répandues sur les côtes anglaises et françaises, en y causant des dommages évalués globalement à 14 millions de dollars (destruction de 10 000 t d'algues et de 35 000 t d'animaux) 52 . On construit actuellement des ballasts de 24 000 tonnes sur des « super-tankers » de 300 000 et 500 000 tonnes 5 3 , alors que la capacité totale d'un pétrolier T-2 de la seconde guerre mondiale ne dépassait par 16 000 tonnes 5 4 . Il n'est pas du tout exclu que l'on songe à des bateaux d'un million de 52. Ce pétrolier s'échoua le 18 mars 1967 sur les récifs de Seven Rocks, au large des îles Scilly. 40 000 à 50 000 tonnes de pétrole s'échappaient alors du navire et les nappes se dirigèrent vers les côtes de Cornouailles et vers la Bretagne. Le 26 mars, le tanker se brisait en deux, rendant tout déséchouage impossible et 50 000 t furent libérées et se dirigèrent vers le Finistère à cause d ' u n fort vent du Nord. A la suite des bombardements effectués par l'aviation britannique, l'épave coula et il semble que les 20 000 tonnes restantes aient été détruites. Le 10 avril, les nappes envahissaient le littoral des Côtes-du-Nord et, le 13 avril, une seconde nappe était signalée au large du Finistère ; elle dérivait vers le sud jusqu'au 2 mai, puis remontait vers les baies de Douarnenez et d'Audierne, où des pollutions heureusement limitées furent signalées le 19 mai. Les opérations de lutte coûtèrent du côté français 7 millions de dollars. 53. Le tonnage moyen est passé de 13 000 t en 1914 à 71 000 t en 1966. Le nombre des navires qui était de 60 en 1914, s'élevait à 1 570 en 1939 et à 3 218 en 1968. 3 300 pétroliers sont actuellement en service (361 de plus de 100 000 t), soit 10 000 équivalents de T-2. Si la taille n'avait pas augmenté, il y en aurait 10 000 en service. Deux pétroliers de 540 000 tonnes (puissance : 65 000 CV) ont été commandés aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, par la Société Shell française. Au 1 er janvier 1972, cent bateaux de 300 000 t et plus étaient en construction, dont trois de 447 000 tonnes aux chantiers nippons (le premier devait être livré à la GrandeBretagne au début de 1973). Le plus gros navire en service en 1972 était japonais et jaugeait 370 000 t (Nisseki-Meru). 54. Ce fut l'Angleterre, avec le Gluckauf de 2 307 t qui inaugura cette ère nouvelle. C'est en effet Sir Marcus Samuel qui transporta du pétrole à la place de coquillages dans ses navires et fonda la Société Shell. Il améliora les performances du Gluckauf lorsqu'il commanda, en 1892, aux chantiers de West Hautlepool le vapeur Murex d ' u n tonnage de 500 tdw, premier vrai pétrolier de la Shell. Les Etats-Unis et la Hollande qui, avec le Royaume-Uni, exploitaient les principales ressources pétrolières mondiales, accélérèrent le mouvement et, en 1914, il existait 60 unités spécialisées dans le transport des hydrocarbures. C'est au début de 1941 que la Commission maritime des Etats-Unis (constituée par la loi sur la marine marchande de 1936, The Merchant Shipping Act) commanda 72 pétroliers parmi les 300 navires qui s'ajoutaient à un programme décennal de constructions de 500 bateaux. Le modèle adopté fut celui des tankers T-2 de la Standard Oil Compagny de New Jersey : capacité de 16 000 t environ, propulsion turbo-électrique (6 000 à 10 000 CV), vitesse de 14 à 16 nœuds. A la fin de 1941, après la déclaration de guerre à l'Allemagne et au Japon, les chantiers navals furent sérieusement mis à contribution ; en quatre ans, plus de 7 000 navires y furent construits, dont 525 T-2.

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Pays

industrialisés

tonnes, pour réduire au maximum le coût du fret et satisfaire les raffineries géantes en cours d'édification on en projet. Le volume de pétrole transporté par mer a donc continué de croître : 225 millions de tonnes en 1950, 1 350 en 1970 (un peu plus de la moitié du fret maritime mondial) et probablement 2 400 en 1980. Les risques d'accidents (échouements et abordages) augmentent et leurs conséquences seront plus catastrophiques. Mais la décharge délibérée des eaux de lavage des citernes est plus néfaste, car elle est pratiquée régulièrement et contribue au gaspillage d'une ressource non renouvelable. Chaque jour, par exemple, près de trois cents navires franchissent le Pas-de-Calais et, malgré les interdictions, nombre d'entre eux vidangent leurs soutes. Après les avoir vidées de leur naphte, les pétroliers remplissent d'eau un tiers environ de leurs cuves, pour des raisons de stabilité. Si au moment de recharger, ils la déversent sans la traiter, c'est en moyenne une centaine de tonnes du précédent chargement, déposées sur les tôles, qui va à la mer. Les cuves sont aussi rincées à l'eau chaude à la pression de 40 kg/cm 2 , leur fond est gratté une à deux fois par an, puis les eaux grasses et les dépôts solides sont rejetés. Ces opérations demandent trente heures et pour ne pas payer les frais d'accostage et de séjour dans un port, elles sont faites en haute mer. Ces pratiques sont universellement dénoncées, mais il est très difficile de les supprimer. Les négociations laborieuses, commencées en 1926, aboutirent seulement, en 1954, à la ratification de la Convention de Londres pour la prévention de la pollution des océans ; ce document fut amendé en 1962, mais les avis étaient loin d'être unanimes. D'ailleurs, deux nouveaux accords, établis à Bruxelles en 1969, ne furent pas signés par la Grèce, le Japon, les Pays-Bas et la Russie, ni par les trois pays à pavillon de Deux accidents spectaculaires (le Shenectady se brisa sur les quais, en janvier 1943, avant son lancement ; l'Ess» Manhattan, en mars 1943, au large de N e w York) attirèrent l'attention des constructeurs sur les défauts de fabrication de la coque, dont les parties étaient soudées et non rivetées. Les enquêtes approfondies menées après la guerre démontrèrent en effet la moindre résistance des plaques d'acier ainsi assemblées, surtout dans les eaux très froides de l'Arctique. On apporta alors les modifications nécessaires de renforcement et on abandonna définitivement le système de soudure. En 1948, 450 T-2 avaient été vendus, dont 244 à des acheteurs américains, 71 à Panama et 51 à la Grande-Bretagne. Le dernier T-2, VEsso Glasgow, mis en service en 1947, agrandi en 1957, fut livré aux démolisseurs en 1971.

La pollution

315

complaisance, le Honduras, le Libéria et Panama. L'espoir demeure de conclure en 1975 un protocole universel interdisant les rejets d'hydrocarbures, ainsi que la proposition en a été faite à Stockholm, en juin 1972. Certaines nations, comme les Etats-Unis, demeurent partisans d'une évacuation réglementée, alors que d'autres (Canada, pays scandinaves) souhaitent l'interdire absolument. On est pour l'instant tributaire de l'esprit civique des commandants de navires qui ont pourtant à leur disposition un procédé efficace, dit de « chargement sur le dessus » (load-on-top), pour séparer les eaux de rinçage des résidus pétroliers. Cette technique permet en effet de recueillir dans une citerne de décharge le mélange d'eau et de pétrole provenant du lavage et de l'équilibrage des autres réservoirs ; les deux liquides n'étant pas miscibles, le pétrole vient en surface tandis que l'eau sous-jacente non polluée est pompée et rejetée. Ce système n'est applicable que sur les gros transporteurs et on a calculé qu'un million et demi de tonnes étaient ainsi économisées chaque année. Pour les navires qui ne peuvent stocker les eaux de déballastage, il existe des stations dans les ports pétroliers (au Havre, à Brest, à Marseille-Mourepiane, par exemple ; à Falmouth en Angleterre, etc.). Les forages en mer peuvent s'accompagner d'écoulements de fond, qui durent parfois des mois, avant que le puits endommagé ne soit colmaté. La prospection pétrolière offshore s'étend et les risques d'accidents augmentent d'autant 5 5 . La mer du Nord est un exemple de développement : jusqu'en décembre 1964, pas un puits 55. En 1968, 17 % du pétrole produit dans le monde, soit 340 millions de tonnes, provenaient des océans ; en 1978, ce pourcentage sera égal à 33 %, soit 1 300 millions de t, c'est-à-dire qu'en dix ans les tonnages ont quadruplé. Ils n'ont cependant représenté que 20 % des réserves (40 % en 1970). On estime en effet que les terrains sédimentaires marins susceptibles de renfermer des gisements d'hydrocarbures et de faire l'objet de prospection compte tenu des servitudes techniques de la recherche au large des côtes, couvriraient une superficie d'environ 27 500 000 km 2 , soit 7,6 % de la surface des océans. Les puits offshore sont actuellement an nombre d'une vingtaine de mille, forés, pour la plupart, depuis 1945. 3 000 à 5 000 seront creusés annuellement vers 1980 et déjà des unités de séparation du gaz et du pétrole sont installées sous l'eau. On se limite à l'exploitation par ce procédé de gisements dans des mers profondes de 80 à 100 m. Parmi la dizaine d'accidents graves survenus depuis 1955, le plus connu eut lieu en 1969, dans le canal de Santa Barbara, en Californie ; à la suite de l'éruption d'un puits en cours de forage, 4 000 tonnes de pétrole se seraient répandues dans le Pacifique pendant plusieurs semaines. A la suite de cela, le Département de

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industrialisés

dans cette mer épicontinentale de l'Europe du Nord-Ouest ; actuellement (figure 30) plusieurs gisements de gaz naturel y sont déjà exploités, de même que les champs pétrolifères d'Ekofisk (zone norvégienne) et de Forties (région britannique), dont les réserves 5 6 sont évaluées respectivement à 150 et 280 millions de tonnes ; on a annoncé, en août 1972, la découverte, à Brent, au large des îles Shetland, d'un troisième (150 millions de tonnes), qui pourrait produire à partir de 1976 et dans des conditions assez difficiles 5 7 , 15 l'intérieur proposa au Congrès, en mai 1971, de mettre fin à trente-cinq concessions fédérales de pétrole et de gaz situées dans ce canal ainsi que la création dans ce dernier d'une « Réserve nationale d'énergie ». En février 1970, des écoulements de naphte se produisirent à 16 km des côtes de Louisiane dans le Golfe du Mexique ; le débit a été estimé à plus de 4 000 1 par jour, ce qui a donné naissance à une ceinture épaisse de pétrole, large de 1 500 m et longue de 26 km. La Chevron Oil Compagny fut rendue responsable, car les vannes de sécurité n'avaient pas été placées (c'était alors le cas de 120 puits offshore sur 292 appartenant à cette société). 56. Le total des réserves d'hydrocarbures récupérables en 1973 a été estimé à 4 000 milliards de m 3 de gaz naturel et à 1,250 milliard de tonnes de pétrole. A titre comparatif, les réserves du Proche-Orient sont estimées à 50 milliards de tonnes. En mai ou juin 1973. une île artificielle de près d'un hectare était posée sur le champ d'Ekofisk. Sa construction, commencée le 30 août 1971 dans le fjord norvégien de Stavanger, a été confiée à la société française G.G. Doris par le groupe pétrolier américain Philips, agissant pour le compte du consortium international concessionnaire de ce gisement de la mer du Nord. A la différence de deux autres réservoirs installés offshore, en août 1969, dans le Golfe Persique, au large de Dubaï, la capacité de stockage sera dans ce cas de 160 000 m3 pour une seule structure. Le poids de l'ensemble vide est de 215 000 tonnes, ce qui lui assurera une excellente stabilité ; le tirant d'eau est de 53 m et il suffira de faire descendre l'île de 7 m seulement, car la profondeur à l'endroit de son arrimage est égale à 70 m ; un mur brise-lame, épais de 1,80 m en moyenne, entoure le réservoir proprement dit et amortira les houles et les vagues les plus fortes. L'intérêt d'une telle structure géante sera d'emmagasiner un volume de naphte équivalent à trois jours de production, ce qui réduira les denrées de chargement des pétroliers, qui, habituellement, passent 20 % de leur temps à attendre leur amarrage suivant l'état de la mer. Le prix total de l'île est estimé à 23 millions de dollars. 57. La production et le transport en mer du Nord de 20 millions de tonnes de pétrole par an donnent un prix de revient de 2 500 dollars du baril/jour (1 baril = 158,9 1), alors qu'il est de 900 dollars seulement au Proche-Orient. Le champ pétrolifère de Forties a nécessité un plan de financement de 900 millions de dollars. Les difficultés d'exploitation sont liées à la forte houle : la « vague séculaire » serait de 24 m à Ekofisk, 28 m à Forties et de 30 m à Brent. D'autre part, les travaux se faisant par 150 m de fond et à 250 km des côtes, des prouesses techniques sont nécessaires, comme la construction de plates-formes géantes pour les forages : Sea Quest (60° de latitude Nord) près de Frigg, deux autres pour le champ de Forties (Graythorp près de Newcastle, Nigg-Bay près d'Inverness).

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millions de tonnes par an. Les besoins en pétrole du Royaume-Uni seront alors probablement couverts à 40 %. La pollution par les hydrocarbures est donc aujourd'hui partout évidente. L'explorateur Thor Heyerdahl a pu le confirmer au cours de sa seconde traversée de l'Atlantique en radeau, en 1970 ; il a en effet observé des pellicules huileuses pendant presque toute la durée

BRENT

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30.

Les champs

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de la mer du

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Nord.

1. Champs pétrolifères. 2. Découverte de gaz. Plus on monte vers le Nord, plus le bassin sédimentaire s'épaissit et devient de ce fait plus prometteur. Dans cette région septentrionale, on a découvert les gisements de Frigg (59° 53' N), de Brent (61" 06' N ) et de Cormorant (61° 08' N).

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du voyage (43 jours sur 57) et les eaux étaient souvent trop sales pour pouvoir s'y baigner ! La circulation océanique entraîne les déchets vers les côtes ou au contraire au large de celles-ci 58 . Le phénomène se déplace et envahit des régions qui pouvaient paraître à l'abri, comme les plages de pays non industrialisés ou la mer des Sargasses pourtant éloignée des routes maritimes. « La mer n'est donc pas aussi grande » que le pensent les partisans de la solution de facilité qui consiste à l'utiliser comme décharge publique, en imaginant qu'elle est assez vaste pour contenir, diluer et dégrader tous les résidus 59 . Le volume des océans reste en effet 58. Ce transfert n'intéresse pas que les hydrocarbures : les déchets italiens, par exemple, s'accumulent sur la Côte d ' A z u r , portés par le « courant ligure » ; en octobre 1970, après que Gênes fût ravagée par de terribles inondations qui firent plusieurs dizaines de morts, certains cadavres furent retrouvés dans la baie de Saint-Tropez. En outre, depuis que la société Montedison arracha au gouvernement italien l'autorisation (1 er mai 1972) de déverser pour plusieurs mois ses « boues rouges » dans la mer Tyrrhénienne, sur un haut fond situé à 22 milles nautiques au nord du Cap Corse, ce sont les plages de « l'île de Beauté » qui sont atteintes. Les réactions violentes des populations locales, en février 1973, traduisent un émoi légitime devant une dangereuse pollution qui s'étend rapidement. L'usine de la firme Montedison, premier groupe chimique italien, installée sur la commune de Scarlino, en Toscane, en 1969, fabrique du bioxyde de titane, utilisé dans la fabrication des colorants, des vernis et peintures ; n'ayant pu s'équiper, pour des raisons budgétaires, d'une station d'épuration, elle opta, à l'instar de ses concurrents français et britanniques, pour la solution la moins coûteuse, le rejet en mer des effluents par deux bateaux-citernes spéciaux de 1 548 tonneaux. Ces « boues rouges » correspondent pour chaque tonne de bioxyde de titane à 4,5 tonnes d'acide sulfurique, 1,5 t d ' o x y d e et de sulfate de fer, 6,5 kg d'oxyde de manganèse, 3,3 kg d'anhydride de vanadium et 4,3 kg de trioxyde de chrome. Déversées dans la mer Tyrrhénienne à raison de 1 500, puis 2 000 et enfin 3 800 tonnes par nuit, elles empoisonnent les eaux à la suite de leur dispersion rapide, assurée par une combinaison de courants ; les biologistes toscans ont constaté une destruction du plancton j u s q u ' à 100 m de profondeur, l'accumulation considérable du titane, du chrome et du fer dans les animaux marins a été soulignée par le ministère italien de la Santé, le directeur du Centre français d'études et de recherche en biologie et océanographie médicales (C.E.R.B.O.M.) les a déclarées dangereuses pour la vie, des cétacés en auraient été les victimes les plus spectaculaires. Même si les populations n'ont obtenu, à la suite de leurs énergiques manifestations, que le déplacement de la zone de déchargement d'une vingtaine de milles vers le nord-est, en attendant que les navires soient équipés d'un dispositif de refoulement des déchets en profondeur, cette bataille illustre bien la ferme détermination des gens à défendre leur environnement contre les calculs économiques et de ne plus se contenter des seules considérations scientifiques. 59. La dégradation par les bactéries intéresse surtout les paraffines, qui sont les éléments les moins toxiques du pétrole brut ; les hydrocarbures aromatiques, notamment les composés polycycliques cancérogènes, ne sont pas rapidement attaqués.

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immuable, contrairement aux rivières et aux fleuves dont l'eau se renouvelle sans cesse. D'autre part, les masses d'eau océaniques se mélangent mal, elles restent longtemps bien individualisées et les polluants ne diffusent que très lentement (voir figure 31). Les dommages directement causés concernent la perturbation des échanges entre l'océan et l'atmosphère, l'inhibition des mécanismes physiologiques des organismes planctoniques et de ceux qui vivent dans les franges littorales et la zone intercortidale, l'infection de la chair des poissons et des crustacés. Les composants du pétrole exercent parfois sur quelques-uns une attraction singulière et on assiste alors à de véritables hécatombes : c'est ainsi qu'à la suite d'un accident survenu à un pétrolier, un très grand nombre de homards morts vinrent s'échouer sur les plages, à West Falmouth, dans le Massachusetts, après avoir été attirés par le kérosène ! Certains hydrocarbures sont cancérogènes et un contact prolongé avec le mazout ou les boules de goudron qui en proviennent pourrait entraîner un développement cellulaire de type tumoral. L'avifaune est sévèrement éprouvée : l'hypothermie et l'ingestion du pétrole sont toutes deux responsables (le pétrole est émulsionné par la bile, le foie se congestionne et prend une couleur anormale ; les glandes surrénales s'hypertrophient, ce qui traduit une réaction de défense à l'intoxication digestive ; la microflore intestinale est détruite). Chaque année, des dizaines de milliers de canards meurent dans les mers Baltique et du Nord ; au cours de l'hiver de 1952, 30 000 d'entre eux appartenant à l'espèce Clangula hiemalis trouvèrent la mort dans l'île de Gotland, dans la Baltique, et six ans plus tard, une catastrophe identique frappa la même région et tua en quelques jours 30 000 autres oiseaux. En 1955, un navire allemand s'échoua dans l'estuaire de l'Elbe et les 6 000 tonnes de pétrole alors déversées furent la cause directe de la mort de près de 100 000 oiseaux marins. Le naufrage du Torrey-Canyon aura entraîné une perte sur le plan biologique estimée à 12,5 % (200 000 dollars) : 4 500 macareux moines, 1 500 petits pingouins et 500 guillemots Troil moururent ; les fous de Bassan, les grands cormorans et les cormorans huppés furent aussi sévèrement atteints en cette époque de nidification. On a aussi attribué aux décharges de naphte la mort de 3 000 à 10 000 phoques, en 1969, dans le golfe du Saint-Laurent. Les dégâts indirects ont trait à la concentration dans les pellicules de naphte d'insecticides, comme le D.D.T., et de biphényles

320

Pays

industrialisés

polychlorés (agents plastifiants et antithermiques), qui sont liposolubles. L'infection du plancton par ces composés organochlorés s'en trouve facilitée. La contamination est également rendue plus aisée, à la suite de l'utilisation de détergents en solution qui pénètrent et dispersent les pétroles les plus épais, à tel point que plusieurs écologistes préconisent de laisser faire la nature pour remédier peu à

Figure

31.

Dispersion

des pellicules

huileuses

(Adapté de D. Dyrssen, in Ambio.

à la surface

des

1(1), 1972, p. 24).

océans.

La pollution

321

peu aux effets de certaines « m a r é e s noires », plutôt que d ' e m p l o y e r les dissolvants. L e s t e c h n i q u e s de lutte sont a s s e z efficaces lorsqu'il s'agit de p o m p e r de faibles quantités de pétrole r é p a n d u e s sur des eaux calmes, dans une baie ou un port (deux inventeurs suédois ont mis au point une courroie t r a n s p o r t e u s e , dont une extrémité se trouve dans la mer et porte une roue e n t o u r é e d ' u n papier auquel adhère le m a z o u t ) ; à la suite du naufrage du Torrey-Canyon, un navire, le Petrobourg fut employé par la F r a n c e au pompage des nappes en m e r , mais elles étaient trop minces et trop dispersées pour que l'opération fût efficace. Des barrages flottants peuvent s ' o p p o s e r à la dérive des n a p p e s et constituer une protection efficace des plages, des estuaires, des parcs à coquillage ; au large des côtes, ils ne résistent généralement pas aux violents c o u r a n t s de m a r é e (130 km avaient été c o n f e c t i o n n é s pour essayer d e protéger les rivages : 30 km français au m o m e n t de la c a t a s t r o p h e du Torrey-Canyon étaient de fabrication industrielle et 100 km étaient faits de paille, de vieux filets, de grillages et de madriers). On utilise des produits agglomérants plus légers que l'eau, mais les résultats sont assez d é c e v a n t s , car le r a m a s s a g e des croûtes f o r m é e s en surface s ' a v è r e difficile, surtout par gros temps (du 10 au 25 avril 1967, 10 bâtiments de la marine nationale française et 300 b a t e a u x de pêche ont déversé sans interruption 20 000 t o n n e s de sciure de bois, 2 000 m 3 de m o u s s e de polyuréthane et 100 m 3 de c o m p o s é s spéciaux d'origine industrielle, pour r é c u p é r e r une partie du pétrole qui s'était é c h a p p é des cuves du Torrey-Canyon). La précipitation de l'huile par des p o u d r e s h y d r o p h o b e s est souvent efficace (3 200 tonnes d ' u n e poudre à base de c a r b o n a t e de chaux f u r e n t r é p a n d u e s par seize chalutiers, du 18 avril au 23 mai 1967, sur la nappe issue du Torrey-Canyon et qui dérivait au large dans l'Atlantique). La fragmentation par les détergents présente l'inconvénient de nuire e n c o r e plus aux organismes planctoniques et pélagiques (quarante chalutiers anglais avaient été affectés, au lendemain de l ' é c h o u e ment du Torrey-Canyon, le 19 mars, et j u s q u ' a u 5 avril 1967, au traitement par les détergents : 3 000 t o n n e s f u r e n t d é v e r s é e s et 15 000 tonnes de pétrole p r o b a b l e m e n t émulsionnées). L a firme suédoise Snôland vient de commercialiser un produit d é n o m m é Snow-clean 205, réputé plus efficace et présentant moins d'inconvénients que les dégraissants habituels.

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Pays

industrialisés

Le nettoyage des plages coûte fort cher : il est à terre, à égales quantités de polluants, cinq à dix fois plus élevé que l'élimination au large. On emploie surtout des moyens mécaniques pour ces opérations terrestres, en raison des effets nocifs des détergents et des solvants sur la faune, sauf pour la finition du décapage des roches et des sites et par des produits ayant reçu l'approbation des biologistes. A la suite de la catastrophe du Torrey-Canyon, certaines plages bretonnes étaient recouvertes dès le 10 avril 1967, d'une émulsion rougeâtre, contenant 30 % de pétrole, 70 % d'eau et des traces de détergent (0,1 %) ; 6 000 tonnes de résidus furent envoyés aux stations de dégazage et, dans les Côtes-du-Nord, une usine d'incinération mobile a consumé 250 à 300 t de produits mazouteux par jour. En mai 1971, 100 000 dollars ont été dépensés pour le nettoyage des plages du Cotentin, entièrement recouvertes de « goudron ». En conclusion, pour ne pas ruiner un milieu fragile qui représente la dernière grande ressource naturelle du globe, il convient d'y poursuivre les recherches écologiques et l'étude des perturbations causées par les activités humaines, afin de prendre rapidement les mesures correctives qui s'imposent. Il faut surtout adopter une attitude différente à l'égard des mers en les considérant, à l'intérieur et à l'extérieur des limites des eaux territoriales, comme faisant partie d'un patrimoine commun. De res nullius, elles doivent devenir res communis 60 : c'est là une révision dictée par le bon sens ainsi que par le souci de protéger et d'exploiter raisonnablement une précieuse richesse (elle fournit un cinquième des protéines animales consommées).

F.

L A POLLUTION DES SOLS

1. L'usage

abusif des biocides et la polémique

à propos du

D.D.T.

On a vu que les agro-écosystèmes correspondaient à une simplification écologique et que l'homme devait constamment intervenir pour assurer leur défense contre les mauvaises herbes, les prédateurs et 60. J. D o r s t , Le Monde,

13 avril 1972, p. 25.

La pollution

323

les parasistes. On ne peut en effet, dans leur cas, compter uniquement sur les p h é n o m è n e s de régulation biologique, car ceux-ci n'opèrent plus que d'une façon imparfaite, à la suite des modifications profondes apportées aux équilibres climaciques initiaux. La synthèse des herbicides, des fongicides, des bactéricid e s , des nématicides, des molluscides, des insecticides, des acaricides et, d'une manière plus générale, des biocides ou pesticides, a donc accompagné les progrès spectaculaires de l'agriculture 6 1 , car, c o m m e l'écrit N . E. Borlaug 6 2 , « sans défense contre Mère Nature, nous obtiendrions par unité de surface cultivée le tiers ou la moitié de c e que nous pouvons récolter en employant une série équilibrée de techniques modernes ». Il faut alors recourir à c e s m o y e n s de lutte chimique, en plus des procédés biologiques, pour faire é c h e c aux « pestes » qui ne sont pas des calamités accidentelles, mais qui s'expliquent par les transformations anthropiques de la biosphère. C'est ainsi qu'il faut combattre un nombre considérable de virus, de bactéries, de champignons et plus de 200 e s p è c e s d'insectes dont les incidences sont importantes sur la production culturale, forestière et animale. L e s pesticides sont des substances toxiques, c'est-à-dire, d'après Fabre, Truhaut et V i e l 6 3 , des « substances qui, après pénétration 61. Selon la r e v u e a l l e m a n d e Chemischc Industrie, le c h i f f r e d ' a f f a i r e mondial d e s pesticides a é t é , en 1971, d e 3.52 milliards d e dollars au prix d e f a b r i c a t i o n et de 6,3 milliards d e dollars au prix d e v e n t e . D e p u i s 1960, ce c h i f f r e d o u b l e t o u s les cinq a n s : 960 millions d e dollars en 1960, 1,8 milliard en 1965, 3,2 milliards en 1970 (au prix de fabrication). Il s e r a p r o b a b l e m e n t de 5 et de 7,6 milliards de dollars en 1975 et en 1980, à la suite d ' u n r a l e n t i s s e m e n t dû au lent d é v e l o p p e m e n t d e s m a r c h é s du tiers m o n d e . L e p r e m i e r p r o d u c t e u r d a n s le m o n d e est la f i r m e suisse Ciba Geigy (460 millions d e dollars de c h i f f r e d ' a f f a i r e s en 1971), suivie de Imperial C h e m i c a l I n d u s t r i e s en G r a n d e - B r e t a g n e et d e D u p o n t C h e m i c a l s aux E t a t s - U n i s ; puis v i e n n e n t d e s sociétés a l l e m a n d e s , B . A . S . F . (96 millions de dollars), H o e c h s t , B a y e r , a m é r i c a i n e s ( M o n s a n t o , D o w C h e m i c a l s , A m e r i c a n C y a n a m i d e , U n i o n C a r b i d e ) ; en F r a n c e , Péchiney-Progil. filiale d e R h ô n e - P o u l e n c , détient la p r e m i è r e place a v e c 25 % du m a r c h é (68 millions de dollars en 1971), tandis q u e P r o c i d a et Ciba Geigy r e p r é s e n t e n t r e s p e c t i v e m e n t 15 et 10 % e n v i r o n . L e s n a t i o n s industrialisées c o n s o m m e n t plus d e 70 % d e s p r o d u i t s p h y t o s a n i t a i r e s : les E t a t s - U n i s a v e c 35 % du total, l ' E u r o p e 20 % , les p a y s socialistes 10 % et le J a p o n 7,5 % . L e s h e r b i c i d e s , d o n t l'emploi s ' e s t t r è s r a p i d e m e n t g é n é r a l i s é aux E t a t s - U n i s d e p u i s 1962, r e p r é s e n t e r o n t 40 % du m a r c h é m o n d i a l , en 1980, les insecticides et les fongicides 35 et 15 % s e u l e m e n t (la r é p a r t i t i o n est a c t u e l l e m e n t d e 75, 29 et 3 % o u t r e - A t l a n t i q u e ) . 62. Cf. N . E . Borlaug, « L e s m a l a d e s d e l'écologie », Cérès, 5 (1), 1972, p. 21-25. 63. In J. L h o s t e , « L e s résidus d e pesticides d a n s les d e n r é e s a l i m e n t a i r e s et la législation anti-résidus », C. R. des séances mensuelles de la Soc. sci. nat. phys. Maroc, 37, 1971, p. 55-67.

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Pays

industrialisés

dans l'organisme à une dose relativement é l e v é e , en une ou plusieurs fois très rapprochées, ou par petites doses longtemps répétées, provoquent de façon passagère ou durable, des troubles d'une ou plusieurs fonctions, troubles pouvant aller jusqu'à l'annihilation complète et amener la mort ». Depuis une trentaine d'années, on dispose d'une grande variété de c o m p o s é s synthétiques, très efficaces et de coût relativement réduit, qui ont souvent pris la place des produits d'origine végétale, c o m m e la nicotine, le pyrèthre 6 4 et la roténone. Les insecticides comprennent, pour l'essentiel, d'une part, les carbamates et les c o m p o s é s organophosphorés (comme le parathion) qui sont dégradés par hydrolyse ou oxydation, d'autre part, les cyclopentadiènes chlorés 6 5 (aldrine, dieldrine, endrine, heptachlore, toxaphène) et le dichlorodiphényltrichloroéthane ou D . D . T . , moins dangereux à manipuler, mais très résistant à la décomposition et par conséquent à durée de vie beaucoup plus longue (ils persistent donc dans l'environnement sous leur forme initiale ou légèrement modifiée). L e D . D . T . , qui a été mis au point et commercialisé en 1942 66 , est le plus communément employé, en raison de son faible prix de revient et de sa grande efficacité ; sa production annuelle aux Etats-Unis s'élève à 73 000 tonnes (85 000 t dans le monde, en

64. La demande mondiale d'insecticides à base de pyrèthre augmente rapidement et plusieurs pays africains ont étendu (Kenya, Tanzanie) ou introduit (Rwanda) la culture de cette composée (Chrysanthemum cineranaefolium). Les pyréthrines sont principalement concentrées dans les embryons des graines et la technique d'extraction rappelle celle de la préparation de l'essence de café (percolation et évaporation), mais on utilise, au lieu de l'eau, un solvant dérivé du pétrole. Dans la région du Ruhengeri, au Rwanda, une usine, pour laquelle le Programme des Nations unies pour le développement a alloué une somme de 2 millions de dollars, pourra traiter 3 000 tonnes de fleurs séchées par an. 65. Sur un total de 220 insecticides commercialisés ou utilisés à titre expérimental, 77 contiennent du chlore ou du fluor. Beaucoup d'hydrocarbures chlorés sont métabolisés par des micro-organismes, des végétaux supérieurs, des insectes et des mammifères (Korte et coll., 1962, 1963, 1967 ; cf. rapport O.C.D.E.). Ils pénètrent en particulier dans les plantes, après application sur les feuilles et le sol : par exemple, après pulvérisation d'endrine sur des choux blancs, 95 % des quantités ainsi apportées se dégageaient dans l'atmosphère dans les quatre semaines suivant le traitement par évaporation ou par transpiration (Korte et coll., 1969). Certains produits de décomposition sont plus persistants que l'insecticide cyclodiénique (cas du B-dihydroheptachlore). 66. Sa découverte valut, en 1948, le Prix Nobel de chimie au savant suisse Paul Hermann Millier.

La pollution

325

1966-1967 ; 25 000 t en 1971) et on a calculé que 1 300 000 tonnes 6 7 avaient été répandues sur terre. Il faut en outre signaler l'apparition récente des biphényles polychlorés (P.C.B.), largement utilisés comme fluides échangeurs de chaleur, dans la fabrication des matières adhésives, des peintures, des mastics, des encres d'imprimerie, des lubrifiants ; ils servent même à la protection des agrumes ; 48 400 tonnes de P.C.B. ont été produites, en 1971, par les pays européens, les Etats-Unis, le Canada et le Japon. Ils appartiennent à la même famille chimique que le D.D.T. et ont des propriétés analogues (grande stabilité, diffusion rapide par le vent et l'eau, accumulation dans les tissus adipeux des animaux marins notamment). Les spécialistes distinguent schématiquement cinq ou six stades, d'une durée moyenne d'un an chacun, dans l'élaboration et les essais d'une substance nouvelle. On commence par synthétiser plusieurs milliers de produits pour n'en retenir qu'une quinzaine, qui font l'objet d'une expérimentation au laboratoire et en plein air (la B.A.S.F. possède à Limburgerhof une ferme pilote de 400 ha), avant une série d'études toxicologiques et biochimiques indispensables à leur homologation. Les règles de celles-ci sont devenues plus sévères : alors qu'en 1956, un composé intéressant était commercialisé après des recherches portant sur 1 800 molécules, en 1964 il fallait en examiner 3 600 et, aujourd'hui, 6 000 à 8 000 ; en 1967, cinq ans étaient nécessaires pour introduire sur le marché un pesticide nouveau et il en coûtait 3,6 millions de dollars environ, alors que de nos jours il faut compter six ans et demi et 6 millions de dollars. Tous les fabricants consacrent, chaque année, 10 % de leur chiffre d'affaires aux opérations d'innovation et de contrôle. Ce dernier doit porter sur au moins deux espèces de mammifères, pendant vingt-quatre à trente-six mois, afin d'examiner les effets sur les divers organes ainsi que l'action d'intoxication à long terme. La toxicité est en général supérieure à 25 mg/kg pour le rat, per os, et certains pays (Brésil, Grèce, etc.) n'admettent pas, pour leurs applications phytosanitaires, des produits dont la dose léthale est inférieure à 50, voire même 100 mg/kg.

67. Cf. J. Dorst, « L'âge d'or de la chimie agricole est révolu », Cérès, 5 (1), 1972, p, 31-34. La production mondiale des pesticides à base d'hydrocarbures chlorés s'est accrue de 8 % par an en moyenne et on l'estime actuellement à 200 000 tonnes.

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Pays

industrialisés Toxicité comparée

Insecticides

Je quelques

DLso orales aiguës* (mg/kg)

insecticides DL o t dermiques aiguës : ( mg/kg i

Composés organophosphoris Phorate Demeton Parathion Ethion D.D.T.

1,1-2.3 2.5-6,2 3.6-13,0 27-65 113-118

2.5-6.0 8-14 7-21 62-245 2 510

Source : F . A . O . * Dose orale provoquant un effet léthal chez 50 % de la population d'essai, exprimée en mg de produit par kg de poids de l'animal. ** Contact avec la peau entraînant la mort de 50 % de la population d'essai.

La pollution p a r les b i o c i d e s et en particulier p a r le D . D . T . a fait l'objet d ' â p r e s c o n t r o v e r s e s , les u n s soulignant les g r a v e s d a n g e r s de ces p o i s o n s p o u r la s a n t é d e l ' h o m m e et p o u r la b i o s p h è r e , les a u t r e s f a i s a n t r e m a r q u e r que les risques sont e x a g é r é s et s a n s c o m m u n e m e s u r e par r a p p o r t a u x c a t a s t r o p h e s q u ' e n t r a î n e r a i t leur s u p r e s s i o n ( é p i d é m i e s , b a i s s e d e s r e n d e m e n t s ) . O n ne peut c e p e n d a n t nier q u e les r é s i d u s d ' i n s e c t i c i d e s o n t été p a r t o u t d é c e l é s . D a n s 1,'atmosphère, en milieu u r b a i n , les c o n c e n t r a t i o n s en m a l a t h i o n et en D . D . T . p e u v e n t v a r i e r r e s p e c t i v e m e n t , d ' a p r è s T a b o r (1966), e n t r e 1 et 80 n g / m 3 et e n t r e 0,1 et 400 ng/'m 3 , la q u a n t i t é d e D . D . T . inhalée a t t e i g n a n t , selon ce m ê m e a u t e u r , 2,6 à 32 ng/24 h e u r e s d a n s d e u x c o m m u n e s où l ' o n c o m b a t s y s t é m a t i q u e m e n t les i n s e c t e s nuisibles. D e s o b s e r v a t i o n s a n a l o g u e s ont été faites par A b b o t t (1966) en G r a n d e - B r e t a g n e (10 ng/in 3 ), par Weibel et coll. (1966) d a n s le S u d - O u e s t d e s E t a t s - U n i s et par B i s e b r o u g h et coll. (1968) a u - d e s s u s d e l ' A t l a n t i q u e . Ils sont e n t r a î n é s par les p r é c i p i t a t i o n s et se r e t r o u v e n t p a r f o i s d a n s les n a p p e s s o u t e r r a i n e s ; c ' e s t ainsi q u e , par e x e m p l e , Z a k h i d o v et A t a b a e v (1965) ont r e l e v é d a n s les e a u x p r o f o n d e s , au voisinage des t e r r e s à c o t o n , d e s t e n e u r s en D . D . T . d e 0,004 à 5,4 ng/1, en H C H d e 0,025 à 2,4 ng/1, en aldrine de 0,01 à 1,20 ng/1. D a n s les p r i n c i p a u x b a s s i n s f l u v i a u x d e s E t a t s - U n i s , on avait e n r e g i s t r é ( E d w a r d s , 1970) les r é s u l t a t s s u i v a n t s : D . D . T . et p r o d u i t s voisins, 8,2 à 10,3 ng/1 ; aldrine, 0,2 à 5 ; dieldrine, 2,3 à iO ; e n d r i n e , 1,4 à 5,4 ; h e p t a c h l o r e et ses d é r i v é s

La pollution

327

époxydiques, 0,1 à 6,3 et lindane, 2,8 à 28 ng/1. Des observations analogues effectuées au Royaume-Uni avaient donné des valeurs de 1,6 à 64,6 ng/1 pour le D.D.T. et les composés associés, de 18,7 à 38,6 pour le H C H gamma et de 3,3 à 114 ng/1 pour la dieldrine (Lowden et al., 1969). On a estimé par ailleurs, d'après la teneur des pluies, qu'environ 24 000 tonnes de D.D.T. (sur 65 000 t d'insecticides organochlorés, soit 25 à 40 % de la production mondiale) pouvaient être transportées chaque année vers les océans, sous forme de vapeurs condensées sur des particules colloïdales en suspension dans l'air ou de gouttelettes d'aérosol (O.N.U., 1971). La contamination des aliments a été abondamment signalée. Les fruits oléagineux surtout les concentrent, parce qu'ils sont liposolubles : des olives, prélevées sur des arbres traités au diméthoate, renferment après un, deux et trois mois respectivement 0,50, 0,40 et 0,50 ppm, et l'huile en contient davantage. Dans les graisses des herbivores, nourris avec du fourrage recevant 2,5 ppm de chlordane, la concentration de cet insecticide peut atteindre 75 ppm. Au Japon, des biphényles polychlorés ont été trouvés dans les poissons, les viandes et les légumes. On a aussi montré, aux Etats-Unis, que le lait de vache titrait entre 1,25 et 3 ppm de D.D.T. : en 1961, sur 461 échantillons prélevés par la Food and Drug Administration, 33 liaient contaminés ; en 1964, 315 sur 4 352 provenant de quarantei'Mit Etats (301 avaient été recueillis dans six localités). Le beurre pourra contenir jusqu'à 65 ppm de D.D.T. En 1969, 30 % des •romages d'origine italienne n'ont pas été acceptés sur les marchés américains pour les mêmes raisons. Le lindane, isomère pur à 99 % d : ¡'HCH, est largement utilisé pour la protection des récoltes de c .réaies, de légumineuses et de noix ainsi que pour la désinfection des silos ; dans certains pays, on en ajoute 3 mg/kg et dans quelques régions tropicales, 11 mg/kg au maïs, millet, sorgho et paddy ; on en a aussi trouvé dans la viande d'animaux auxquels on l'avait directement appliqué ; il est dans une certaine mesure détruit par la cuisson. L'accumulation progressive le long des chaînes alimentaires est également un fait connu, dont les conséquences sont inquiétantes pour les animaux, qui se trouvent à l'extrémité de celles-ci ou qui. comme l'homme, se nourrissent à plusieurs niveaux. L'exemple classique suivant mérite d'être cité : les vases du lac Michigan renferment des quantités infimes de D.D.T. (0,008 ppm) ; elles

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Pays

industrialisés

s'accroissent chez les crustacés (0,4 ppm) qui ingèrent les débris végétaux en décomposition et finissent par atteindre 5 ppm chez les poissons ichtyophages ; dans les mouettes enfin, elles varient entre 1 500 et 3 000 ppm, c'est-à-dire ¡50 000 fois plus qu'au départ (voir figure 32). Une concentration de 5 ppm de D.D.T. dans les œufs de la truite d'eau douce arrivés à maturité empêche totalement la reproduction. Le pesticide s'accumule dans le sac vitellin et, au moment de la résorption de ce dernier, après l'éclosion, l'alevin est tué ; le taux de mortalité est très élevé, 100 % dans certains lacs nord-américains, où la multiplication des truites a complètement cessé ; les adultes empoisonnés présentent des troubles du système nerveux (changements dans les températures léthales inférieures et supérieures), de l'appareil respiratoire ainsi que des déviations métaboliques. Au Texas, les populations de truites saumonées de la Laguna Madré ont été ramenées de 75 poissons à l'hectare, en 1964, à 0,5/ha en 1969 ; les jeunes étaient devenus très rares, alors que dans les estuaires moins contaminés, distants de quelque 150 km, on rencontrait les différentes classes d'âge (Butler, 1969). Chez le poisson-chat, des doses d'endrine supérieures à 0,3 yu.g/ml provoquent d'ordinaire la mort. En juin 1969, quarante millions de poissons sont morts dans le Rhin, à la suite de la décharge de 100 kg d'un pesticide hexachloré, l'endosulfan ou thiodan 6 8 . Les mollusques et les crustacés sont aussi très sensibles, comme le montrent les hécatombes de crevettes, en 1953, et de myes, en 1962, dans la mer d'Ariake, au Japon. La croissance des huîtres est entravée par 0,1 partie de D.D.T. par billion (0,1 ppb) ; les espèces commerciales de crabes et de crevettes sont tuées par l'exposition à moins de 0,2 ppb et la mortalité est de 100 % en moins de 20 jours (Butler, 1964). Quant à l'avifaune aquatique et aux rapaces, on enregistre souvent une sérieuse diminution des populations 69 , à la suite des 68. Cet empoisonnement de la faune sur 600 km a en outre menacé, pendant une semaine, l'alimentation en eau potable des Pays-Bas. 69. On a signalé aux Etats-Unis des pertes atteignant 80 % des populations totales ; sur 26 cadavres d'aigle à tète blanche d'Amérique. 25 renfermaient des résidus de D . D . T . , parfois à des d o s e s nettement mortelles. En E c o s s e , le nombre de couples reproducteurs d'aigle royal est passé de 72 % des effectifs au cours de la période 1937-1960 à 29 % en 1961-1963. Une colonie de sternes du littoral hollandais pollué par la dieldrine ne comptait plus en 1965 que 150 nids au lieu de 50 000 en 1952. Cf. J. Dorst. in Cérès, 5 (I), 1972, p. 31-34. Les oiseaux morts après

La pollution

329

désordres des m é c a n i s m e s physiologiques de la reproduction (inhibition de la synthèse des coquilles ; lors de la c o u v a i s o n , mort des embryons). L e tableau suivant résume les analyses e f f e c t u é e s sur plusieurs animaux, dans la Baltique et l'archipel de Stockholm, par Jensen (cf. rapport O . C . D . E . ) . Concentrations

moyennes

de D.D.T.

et de P.C.B.

(exprimées en

ppm d a n s la graisse D.D.T. S a u m o n de la Baltique (muscle) P h o q u e s d e l'archipel de Stockholm (queue) Guillemot de la Baltique (œuf) Aigle à q u e u e b l a n c h e de l'archipel de S t o c k h o l m œufs muscle cerveau

31

chez diverses

espèces

ppm)

P.C.B.

p p m d a n s le poids brut D.D.T.

P.C.B.

3,4

2,9

170 570

30 250

36 40

1 000 25 000 1 900

540 14 000 910

330 100

-

0,3 6,1 16



190 47

e m p o i s o n n e m e n t par la dieldrine c o n t i e n n e n t 15 à 40 p p m d a n s le foie et 5 à 10 p p m d a n s le c e r v e a u . D ' a p r è s plusieurs c h e r c h e u r s d ' o u t r e - A t l a n t i q u e , on e s t i m e q u ' u n a m i n c i s s e m e n t d e s coquilles de l ' o r d r e d e 18 % ou plus est suivi du déclin ou d e l'extinction d e la p o p u l a t i o n . On c o n n a î t à l ' h e u r e actuelle d o u z e e s p è c e s d ' o i s e a u x s a u v a g e s a m é r i c a i n s qui sont d a n s c e c a s e t , p o u r sept d ' e n t r e elles, la corrélation a v e c une a c c u m u l a t i o n de r é s i d u s d e D . D . T . (ou d e c o m p o s é s du m ê m e g r o u p e ) a été établie. II s'agit de volatiles c a r n i v o r e s ou p i s c i v o r e s , a p p a r t e n a n t a u x o r d r e s d e s c h a r a d r i i f o r m e s , c i c o n i i f o r m e s , p e l e e a n i f o r m e s et f a l c o n i f o r m e s . En 1969, d a n s l'île d ' A n a c a p a , en Californie, des c e n t a i n e s d e pélicans b r u n s n ' o n t pu c o u v e r leurs œ u f s , qui s ' é c r a s a i e n t s o u s le poids des a d u l t e s ; on y a t r o u v é d e s q u a n t i t é s i m p o r t a n t e s de p e s t i c i d e s . Des e x p é r i e n c e s , réalisées au P a t u x e n t r e s e a r c h c e n t e r d a n s le M a r y l a n d , par P o r t e r et W i e m e y e r (1969), ont m o n t r é q u ' a p r è s a b s o r p t i o n de faibles v o l u m e s d e D . D . T . et d e dieldrine, les c r é c e r e l l e s p o n d a i e n t d e s œ u f s , d o n t l ' é c l o s i o n était t r è s aléatoire ; c e t t e o b s e r v a t i o n e x p é r i m e n t a l e rappelait celles faites sur le terrain à p r o p o s d e s f a u c o n s pèlerins. D e s faits a n a l o g u e s ont été e n r e g i s t r é s par S p a n n et K r e i t z e r (1969) a v e c d e s c a n a r d s s a u v a g e s qui a v a i e n t ingéré d e s d o s e s minimes d e D . D . T . , alors qu'il s'agit d ' h e r b i v o r e s . L e s gallinacés et les pigeons s e m b l e n t p a r ailleurs très r é f r a c t a i r e s à c e p h é n o m è n e ; les c h e r c h e u r s d e Beltsville ( M a r y l a n d ) ne sont p a r v e n u s à o b t e n i r un a m i n c i s s e m e n t significatif d e s coquilles d ' œ u f s de caille q u ' e n r é d u i s a n t le c a l c i u m d a n s l ' a l i m e n t a t i o n et en r e c o u r a n t à d e s taux é l e v é s de D . D . T .

330

Pays

industrialisés Star naa

3,15-6,40

Orfraie (oaufJ

13,8

H^ron vart

3,51-3,57

22,8

Cormoran

Parcha

26,4

0,17

Figure

32.

L'accumulation

du D.D.T.

le long des chaînes

alimentaires.

Les nombres indiquent les quantités de D . D . T . , exprimées en ppm et décelées dans chaque espèce d'organisme. (D'après Woodwell, in Scientific

American,

216(3), 1967, p. 26-27).

Le taux des composés organochlorés et des biphényles polychlorés a été décuplé lors du transfert à des prédateurs comme le saumon, le phoque et le guillemot ; il est aussi très important dans les œufs de cet oiseau qui, pourtant, ne pénètre jamais dans les zones où sont rejetés ces produits chimiques. Mais c'est dans le corps adipeux des aigles à queue blanche et du héron cendré que les valeurs sont les plus élevées (2,5 % de la graisse extractible), alors que chez les rapaces du Nord de la Suède elles étaient cent fois plus faibles. C'est dans la Baltique que l'évolution est la plus préoccupante : milieu de faible productivité, le D.D.T. y est lentement métabolisé ; le mélange des eaux est peu intense, de sorte que l'insecticide reste confiné dans la couche superficielle, dont le degré de salinité est bas ; les échanges entre la mer du Nord et la Baltique sont enfin assez limités. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les analyses effectuées sur des moules, des morues et des plies, révèlent des teneurs en D.D.T. et en P.C.B. deux à huit fois plus grandes dans les échantillons prélevés sur la côte balte que dans

La pollution

331

ceux du littoral occidental de la Suède. Ce pays utilise chaque année 600 à 700 tonnes de P.C.B. et 50 tonnes de D.D.T. La raréfaction des espèces qui s'ensuit et qui est évidemment explicable par d'autres raisons dans certaines situations (destruction de l'habitat, variations climatiques) ne peut être mise en tout cas sur le compte de la sélection naturelle, comme le sous-entend N . E. Borlaug 7 0 , car des phénomènes d'ordre géologique, à l'échelle de millions d'années, n'ont rien de commun avec les dégâts commis par l'homme durant une très brève période de l'évolution. On ne doit pas en effet qualifier d'inadaptation biologique l'incapacité pour un être vivant de résister aux doses subléthales de plusieurs insecticides ! Il paraît en outre difficile de ne pas s'inquiéter de l'apparition de ces derniers dans les corps adipeux de l'homme et dans le lait des femmes allaitantes : 5 à 12 ppm de D.D.T. chez l'Américain, 1 à 3 ppm chez l'Européen 71 ; 0,064 ppm dans le lait de femmes suédoises en 1969 (des observations semblables ont été faites, à la même date, en Belgique et aux Etats-Unis) ; au Japon, des mesures effectuées en décembre 1970 sur trente femmes de Tokyo quinze jours après leur accouchement, avaient donné dans le lait des concentrations moyennes de 0,152 ppm de H C H , 0,085 ppm de D.D.T. et 0,005 ppm de dieldrine (un enfant de quinze jours absorbant 600 ml de ce lait et pesant 3,2 kg, recevait une dose d'insecticides par kg de poids 5,7 fois supérieure à la valeur maximale fixée par l'O.M.S. pour un adulte dans le cas de l ' H C H , 1,7 fois pour le D.D.T. et 9,5 fois pour la dieldrine). , On n'a pas signalé jusqu'ici d'incident, même bénin, et malgré les résultats de contaminations expérimentales 7 2 , les affirmations de l'Environmental Defense Fund et de la National Audubon Society, le directeur des Services de santé publique des Etats-Unis, cité par N. E. Borlaug, déclarait en 1971 : « Dans l'état actuel des informations, rien ne nous permet d'incriminer le D.D.T. comme 70. Cf. N. E. Borlaug, in Cérès, 5 (1), 1972, p. 21-25. Le service de la faune terrestre et marine des Etats-Unis a recensé 129 espèces rares ou menacées de disparition : 33 mammifères, 49 oiseaux, 9 reptiles et amphibiens, 38 poissons. 71. 648 ppm chez les ouvriers travaillant à la fabrication du D.D.T. 72. Une dose de 46 mg de D.D.T./kg de poids quadruple le nombre de tumeurs du foie, des poumons et des organes lymphoïdes. Chez l'homme et chez le chien, des taux d'endrine supérieurs à 0,25 /xg/ml dans le sang peuvent avoir des effets nocifs.

332

Pays

industrialisés

tumorigène ou cancérogène chez l'homme et, en conséquence, on ne saurait conclure qu'il présente un risque immédiat pour la santé ». Si « le pire n'est pas toujours certain », on peut tout de même craindre des incidences fâcheuses vis-à-vis des générations futures, du fait de processus cumulatifs. Nos connaissances sont encore très insuffisantes à cet égard, comme nous sommes encore assez ignorants de l'impact sur les divers milieux de la biosphère. Il faut bien reconnaître que les taux mesurés chez les manchots et les phoques de l'Antarctique ou ceux relevés couramment dans les aliments et chez les êtres humains sont très faibles et que l'émoi provoqué est moins en rapport avec les valeurs enregistrées qu'avec la fantastique précision des moyens de détection 73. La fixation des doses maximales autorisées ou des seuils de tolérance pourra certainement tirer profit de ces techniques très raffinées, mais elle devra avant tout se fonder sur les résultats des recherches physiologiques et toxicologiques. En l'absence de données précises et générales, chaque pays a fixé des taux acceptables et a adopté des mesures conservatoires : c'est ainsi que le D.D.T. est pratiquement interdit dans de nombreux Etats, après la décision prise dans ce sens par la Suède le 27 mars 1969 ; en France, les étables et le bétail ne doivent plus être traités aux organochlorés ; depuis le 1 er janvier 1971, dix pesticides sont bannis dans l'Etat de N e w York (D.D.T., bardane, H C H , endrine, composés mercuriels, sélénites et sélénates, fluoroacétate de sodium, strobane, toxaphène, etc.) ; auparavant, en janvier 1969, l'Arizona avait suspendu l'usage du D.D.T. pendant un an, après que ses industries du lait et du miel eussent été menacées ; le Michigan qui craignait pour la raréfaction du saumon Coho prit également des décisions draconiennes, tandis que la Californie envisage sérieusement une interdiction graduelle (au début de juillet 1969, le Département de l'agriculture des Etat-Unis ordonna même une suspension de trente jours) ; en Italie, l'emploi est limité à certaines périodes et à quelques espèces ; si l'endrine est admis pour la lutte contre les parasites du cotonnier en Afrique, il ne l'est pas pour les fruits et les légumes ; au Sénégal, l'utilisation des

73. Le seuil de détection de nombreux constituants par la chromatographie sur papier est de l'ordre du millionième. A partir de 1956, la chromatographie en phase g a z e u s e a permis de déceler des traces de quelques milliardièmes ou trilliardièmes.

La pollution

333

composés organophosphorés (malathion) est prohibée, bien que ceux-ci ne soient pas les plus toxiques, ni les plus rémanents, et récemment ce pays a refusé la construction sur son territoire d'une usine de D.D.T. Une commission F.A.O./O.M.S. du Codex alimentarius, groupant plus de quatre vingt-quatre membres, a été créée pour mettre en œuvre un programme commun à ces deux organisations internationales sur les normes alimentaires. Dans le cas des biphényles polychlorés (P.C.B.), après qu'en 1971 la firme américaine Monsanto, seul fabricant en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, ait limité volontairement la production de ces composés dangereux 74 , le conseil de l'Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E.) a repris la distinction établie par cette entreprise entre usage contrôlable et incontrôlable des P.C.B. Ces derniers ne seront pas interdits, lorsqu'ils sont employés dans des systèmes clos et qu'ils peuvent être récupérés (transformateurs, condensateurs, pompes à vide). Par contre, lorsqu'il est impossible de les empêcher de se répandre dans la biosphère (fluides caloporteurs, lubrifiants, plastifiants, encres d'imprimerie, huiles de coupe, pesticides, etc.) l'O.C.D.E. a décidé d'en prohiber l'emploi. Cette interdiction s'accompagnera d'un contrôle sur la fabrication, l'importation, l'exportation et sur leur récupération. L'Académie française de médecine, pour sa part, a demandé qu'ils ne soient plus utilisés dans les industries alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques et que leur introduction soit rigoureusement réglementée là où on les considère irremplaçables. Il semble d'ailleurs que leur substitution ne devrait pas poser de problèmes économiques difficiles, sauf peut-être pour les peintures qui sont produites par de nombreuses petites sociétés. Mais la croisade qui se poursuit contre le D.D.T. et les produits de la même famille chimique ne peut avoir partout la même signification, car quel substitut proposer aux paysans et aux responsables de la santé publique des nations du tiers monde, pour 74. En 1968, au Japon, l'intoxication d'un millier de personnes a été provoquée par l'ingestion d'huile de son de riz, contaminée par un mélange commercial de diphényles polychlorés. Cette maladie dite de « l'huile de Yuscho » se traduisait par un acné sévère, une suppuration oculaire et une coloration sombre de la peau. Les malades avaient c o n s o m m é , en m o y e n n e , 2 g de mélange, mais certains symptômes apparaissaient à partir de 0,5 g. Ces derniers pouvaient persister trois ans plus tard. Les c o m p o s é s toxiques étaient en outre capables de traverser la barrière placentaire.

334

Pays

industrialisés

lesquels ces biocides sont irremplaçables, de l'avis même des spécialistes de l'O.M.S., pour combattre et contrôler les nombreux parasites des plantes et les vecteurs des endémies ? Non seulement leur efficacité est incontestable, mais leur prix est sept fois inférieur au produit de remplacement le moins cher ! A la suite du programme lancé en 1955 par l'O.M.S., avec l'aide de l'Organisation de la santé panaméricaine et du Fonds des Nations unies pour l'enfance, 19 pays sur 124 où sévissait la malaria ont été débarrassés de la maladie ; 48 autres poursuivent la lutte contre celle-ci et 37 grâce à des actions à long terme. Au 2 février 1971, les autorités de l'O.M.S. notaient que plus d'un milliard d'hommes avaient été ainsi épargnés au cours des vingt-cinq dernières années, grâce surtout au D.D.T. Les avantages économiques ont été aussi considérables : accroissement de la production de riz et de blé, du rendement de la main-d'œuvre, mise en valeur des grandes surfaces impaludées après assèchement. En Inde, le D.D.T. contribua sérieusement à ramener le nombre des paludéens (morbidité) de 150-75 millions (800 000 décès par an) en 1947 à 470 000 environ en 1970 à la suite d'un programme d'éradication lancé en 1953 et intéressant progressivement de 75 à 200 millions d'individus sur une population de l'ordre de 500 millions d'habitants. Dans ce pays où les insectes dévorent chaque année 15 à 30 % des récoltes, l'usage des insecticides entraînera, au terme d'une campagne en cours, la récolte supplémentaire, chaque année, de 1 400 000 tonnes de riz, 250 000 t de sucre, 200 000 t de pommes de terre, 100 000 t d'arachides, 65 000 t de sorgho et 46 000 t de maïs. L'exemple de Ceylan montre de façon dramatique les conséquences d'un arrêt des opérations avant l'éradication complète. En 1946, on comptait dans l'île 2,8 millions de paludéens ; en 1962, ils n'étaient plus que 31 et, en 1963, 17 ! A cette date, la pulvérisation de D.D.T. fut suspendue pour des raisons budgétaires. Le nombre de cas était alors de 3 000 en 1967, plus de 16 000 en 1968 et vers la fin de 1969 il dépassait 2 millions. Au Mexique, les résultats des tentatives de culture du coton sans recourir aux insecticides ont été désastreux, bien que ce pays soit la patrie d'origine de l'anthonome 7 5 du cotonnier et que tous les 75. Charançon (coléoptère, bourgeons et les boutons.

curculionidé)

dont

les

larves

vivent

dans

les

La pollution

335

prédateurs de cet insecte s'y rencontrent ; au Pakistan, les essais ont été aussi catastrophiques, alors que cette fois le ver rose de la capsule 7 6 aurait dû être normalement détruit par ses parasites naturels (N. E. Borlaug). Les pays en voie de développement ne pourront donc pas se passer avant longtemps des pesticides, indispensables à la protection des cultures, des récoltes et de leur santé. Il est navrant que les conditions économiques les obligent à importer des biocides que les Etats industrialisés exportateurs considèrent comme dangereux et ont interdits, au lieu d'acquérir ou de fabriquer des produits moins nocifs et peut-être aussi efficaces. C'est en effet vers cette dernière alternative que s'orientent les nations riches, où pourtant l'emploi des insecticides et des herbicides est en partie responsable de leur grande prospérité agricole. Aux Etats-Unis, par exemple, K. C. Barrons a calculé que pour atteindre la production des 112 millions d'hectares cultivés en 1968-1970, il aurait fallu mettre en valeur une superficie double, si on était resté aux techniques de 1938-1940. Au cours de la dernière décennie, 20 millions d'hectares ont été retirés, sans affecter pour autant la satisfaction des besoins intérieurs et les exportations 7 7 ; si on avait dû compter sur les méthodes de 1938-1940, il aurait été indispensable, non seulement de remettre en culture ces 20 millions d'hectares, mais encore de défricher 97 millions d'autres, c'est-à-dire amputer les formations naturelles d'immenses lambeaux et donc de réduire davantage la stabilité et la complexité des écosystèmes. Du point de vue économique, on estime que chaque dollar investi en biocides a rapporté au fermier américain entre 4 et 5 dollars en récolte, alors que le coût du traitement des cultures représente environ 5 % de leur prix de revient (2 % ailleurs). Certaines, comme celles du

76. C h e n i l l e . 77. E n F r a n c e , d e 1862 à 1970, la p o p u l a t i o n p a s s a i t d e 35 à 50 m i l l i o n s d ' h a b i t a n t s , tandis q u e la s u p e r f i c i e d e s s o l s arables diminuait d e 26 à 20 millions d ' h e c t a r e s (260 0 0 0 ha d e v e r g e r s ) , c e l l e s d e s terres à blé d e 6 , 9 à 3 , 6 millions d ' h a . L e s r e n d e m e n t s triplaient durant c e t t e p é r i o d e : d e 10,8 à 3 5 , 0 q"/ha, la p r o d u c t i o n t o t a l e d e f r o m e n t s ' é l e v a n t à 126 m i l l i o n s d e q u i n t a u x e n 1970. Par c o n t r e , les s u r f a c e s c o n s a c r é e s a u x prairies ont d o u b l é (14 m i l l i o n s d ' h a au lieu d e 6 , 8 ) et c e l l e s v o u é e s a u x f o r ê t s s e s o n t a c c r u e s d e 47 % (13,5 au lieu d e 9 , 3 m i l l i o n s d ' h a ) . Il faut s o u l i g n e r q u ' o u t r e les t r a i t e m e n t s p h y t o s a n i t a i r e s et les autres p r o c é d é s d ' a m é l i o r a tion c u l t u r a l e , la fertilisation g l o b a l e a atteint, e n 1970, 140,0 k g / h a d e terre c u l t i v a b l e , c o n t r e 8 , 7 k g / h a en 1900.

336

Pays

industrialisés

coton, sont devenues toutefois à la limite de la rentabilité, car elles ont été peu à peu soumises à un nombre considérable d'opérations de lutte chimique :. si on ne trouve pas d'autres moyens pour combattre le nombre sans cesse croissant des ravageurs, il faudra abandonner 40 % des surfaces plantées en coton au Mexique. Le tableau suivant résume la relation entre l'emploi des pesticides et les rendements agricoles. Emploi des pesticides

Région ou pays

Rendements moyens (quintaux/ha)

10 790 1 870 1 490 220 198 149 127

54,80 34,30 26,00 19,70 15,70 8,20 12,10

de la production

2. La lutte biologique

agricoles

E m p l o i d e s pesticides (grammes/ha)

Japon Europe Etats-Unis A m é r i q u e du Sud Océanie Inde Afrique Souri e : Annuaire

et rendements

(1963) de la F . A . O .

et la lutte

intégrée

Il s'agit donc, non pas de préconiser sans discernement la suppression totale des biocides, mais de les employer judicieusement en prenant garde de ne pas dépasser certaines doses ; de mettre au point, grâce aux ressources de la chimie organique, de nouvelles substances biodégradables 78 qui ne s'accumuleraient pas dans les tissus végétaux et animaux ; de considérer enfin la lutte chimique comme complément aux autres formes de prévention et de prophylaxie, qu'il convient d'étendre ou de découvrir. La synthèse d'autres composés s'impose en effet à cause de la persistance excessive des organochlorés, de la résistance qui se développe progressivement chez les parasites et qui oblige à accroître les concentrations et la fréquence des traitements (ce phénomène s'observe déjà, d'après l'O.M.S., chez deux cents espèces d'insectes vecteurs de germes pathogènes). 78. Par d e s e n z y m e s c o m m e des o x y d a s e s et d e s c a r b o x y e s t é r a s e s .

La pollution

337

On est parvenu dans bien des c a s à réduire les quantités e m p l o y é e s et partant le coût des opérations, sans pour autant diminuer leur efficacité, en choisissant des périodes d'application c o r r e s p o n d a n t aux phases critiques de la vie des d é p r é d a t e u r s . Les essais réalisés en E u r o p e occidentale et en Amérique du Nord ont d o n n é de bons résultats, n o t a m m e n t dans les c h a m p s d e coton et les vergers. En Italie, le D . D . T . n ' e s t pulvérisé q u ' a p r è s la floraison (agrumes, olivier, pommier, poirier et vigne) ou sur les j e u n e s plants d ' a r b r e s en pépinière ; les cyclodiènes chlorés servent à la désinfection des terrains de culture une fois tous les quatre ans (aldrine, dieldrine, chlordane et heptachlore). La lutte biologique consiste à faire l'inventaire de tous les ennemis naturels du parasite 79 , à les multiplier au laboratoire ou dans des élevages, puis à les disséminer d a n s l ' e n v i r o n n e m e n t . Il s'agit généralement d ' o r g a n i s m e s e n t o m o p h a g e s c o m m e des rongeurs, des oiseaux, des insectes qui d é p o s e n t leurs œ u f s sur le corps (certaines petites guêpes et m o u c h e s ) ou d a n s celui des larves du ravageur (à l'instar des n é m a t o d e s qui détruisent le ver du hanneton) ; d ' a g e n t s e n t o m o p a t h o g è n e s (virus, bactéries, champignons 80 , protozoaires). L ' a v a n t a g e de ces m é t h o d e s est évident : leur sélectivité, car elles visent à éliminer une espèce particulière, sans décimer la f a u n e utile, ni c a u s e r de déséquilibre dans le milieu, c o m m e c ' e s t souvent le cas avec les pesticides 8 1 . Elles nécessitent un certain n o m b r e de précautions qui exigent de patientes r e c h e r c h e s : observation en quarantaine des e n t o m o p h a g e s pour s ' a s s u r e r qu'ils ne sont pas porteurs de parasites dangereux ; étude de leur cycle de d é v e l o p p e m e n t dans les nouvelles conditions mésologiques, surtout en fonction du climat ; r e c e n s e m e n t d ' é v e n tuels antagonistes. Des résultats spectaculaires ont été o b t e n u s , depuis q u ' e n 1888 l'introduction en Californie de coccinelles 82 australiennes (Novius 79. Sympatrides ou non. 80. Parmi les champignons entomopathogènes, l'action de certains ouvre une voie très prometteuse : Banveria tenella qui existe à l'état endémique dans les populations de « vers blancs » des hannetons, sévit suffisamment certaines années pour qu'il soit inutile de traiter ; la chenille processionnaire du pin est très sensible à Paecilomyces farinosas pendant sa période de nymphose souterraine. 81. On constate généralement, lorsque l'ensemble des populations d'arthropodes a été sérieusement réduit, que les effectifs des insectes phytophages indésirables se reconstituent plus vite que ceux de leurs prédateurs naturels. 82. Coléoptères, coccinellidés.

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cardinalis) avait permis de supprimer une cochenille des agrumes (Icerya purchasi), également originaire d'Australie. C'est aussi une coccinelle d'Iran (Chilochorus bipustalatus) qui a fait merveille en Mauritanie contre la cochenille 8 3 du palmier-dattier: cinq mille exemplaires y furent exportés, après avoir été élevés dans l'insectarium de l'Institut national de la recherche agronomique, a Antibes. Son implantation n'a pas encore été réussie au Maghreb. Une troisième (Prospaltella perniciosi) importée de Chine ou du Caucase, est un agent de lutte efficace contre le pou de San-.iosé (Quadraspidiotus perniciosus) qui cause de graves dégâts aux arbre;fruitiers ; dans la vallée du Rhône, où les essais ont lieu, le:conditions climatiques ne lui sont pas très favorables et il faut renouveler périodiquement les effectifs (sa multiplication s'effectue sur des pastèques qui, au moment de la libération, sont suspendues aux branches). Les palmes des cocotiers sont souvent minées à la base par des coléoptères foreurs, les Oryctes rhinocéros, dont la ponte et la croissance des larves s'effectuent dans les troncs morts et en cours de décomposition ; les applications des insecticides au sommet des arbres sont difficiles, coûteuses et n'ont qu'une efficacité limitée dans le temps ; des hyménoptères (Scolia) et des coléoptères (Scarites, Alaus) parasitent et dévorent les larves, tandis que les adultes sont tués par un carabidé (Neochryopus) et un hémiptère (Platymerus) ; en outre, un champignon, agent de la muscardine verte (Metarrhizium anisopliae), s'attaque à tous les stades de l'insecte. Dans les olivettes, les feuilles, les fleurs et les fruits sont menacés par une teigne, papillon grisâtre minuscule ; mais un hyménoptère, Chelonus olaellus, pond dans les œufs et parasite les larves. Les rameaux des oliviers sont colonisés par de petites cigales sauteuses, de 2 à 3 mm, qui sont la proie d'un syrphe, Xanthandrus comtus (diptère). La mouche de l'olivier a plusieurs prédateurs, notamment Opius concolor (hyménoptère) qui est produit pour lutter massivement contre le ver de l'olive. La destruction des aphides (pucerons) met en jeu plusieurs agents 8 4 : les syrphides aphidiphages sont les plus efficaces en vergers de pommiers et de pêchers, puisque l'un d'entre eux (Epistrophe 83. Cochenille (Planococcus citri) 84. Cf. c o m p t e international, juin

d i a s p i n e , h o m o p t è r e s . L a cochenille f a r i n e u s e d e l ' o r a n g e r est aussi a t t a q u é e par une coccinelle, Cryplolaemus montrouzieri. r e n d u d ' a c t i v i t é du C o m i t é f r a n ç a i s du P r o g r a m m e biologique 1972, l . N . E . D . (27. rue du C o m m a n d e u r , 75014 Paris), p. 118-127.

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balteata) peut pondre plus de 1 000 œufs au laboratoire et consomme 400 à 500 pucerons (Myzus persicae) durant les huit jours de sa vie larvaire ; les coccinelles sont capables de détruire une forte proportion de parasites, à la faveur d'un début de printemps chaud et sec (neuf espèces inféodées à la strate des arbres ont été repérés dans la région de Valence) ; des champignons pathogènes, les entomophtorales, peuvent provoquer des épizooties spectaculaires (quinze espèces ont été inventoriées en France, dont la plus répandue est Entomophtora aphidis ; la fréquence des cas d'entomophtorose est maximale en juin et en septembre-octobre, minimale en août ; l'expansion de la maladie est fonction des conditions climatiques et de la densité des aphides). Au Maroc, plusieurs expériences méritent d'être signalées. Les punaises des blés ont provoqué à plusieurs reprises (1933-1934, 1941-1942 et 1953-1955) de graves dégâts dans les récoltes céréalières : 400 000 quintaux de grains détériorés, entreposés en 1953. Ces hémiptères appartiennent à deux familles : les Pentatomidae avec plusieurs espèces nuisibles du genre Aelia et les Scutelleridae, un seul représentant, Eurygaster austriaca. Au printemps, elles quittent les lieux d'hivernation, situés dans les régions montagneuses de l'Atlas et migrent vers les plaines, où s'effectuent la ponte et le développement larvaire. Les Aelia peuvent avoir, suivant les années, une à quatre générations (plurivoltines), tandis qu'Eurygaster est monovoltine. La dernière vague d'adultes se déplace, durant l'été, aussitôt après la moisson,vers les prairies à graminées, recherchant une nourriture abondante et plus de fraîcheur ; ils se retrouvent à plus de 1 200 m d'altitude au début de l'automne et entrent progressivement en diapause. Les Eurygaster de l'unique génération se réfugient sous les feuilles mortes ou sous des plantes vivaces, pour se protéger de la chaleur excessive ; l'estivation annonce chez eux l'hivernation. Celle-ci dure de deux à sept mois et le réveil, suivi de l'envol des punaises, n'intervient que si la différence de température entre la périphérie et le milieu des touffes refuges dépasse 20° C. Les grains de blé tendre sont surtout attaqués et vidés de leur contenu laiteux, ce qui entraîne une perte sérieuse de poids spécifique (50 à 55 kg au lieu de 80 kg à l'hectolitre), du pouvoir germinatif et une diminution de la valeur boulangère (la farine est rendue impanifiable à partir d'un taux de 0,5 % de blé punaisé) ; les piqûres des insectes provoquent

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aussi la nécrose des feuilles et bloquent le passage de la sève à l'extrémité des tiges. Les adultes et les larves ont de nombreux prédateurs (oiseaux, diptères, mantes), tandis que les œufs sont attaqués par les grillons et parasités par des microhyménoptères. Ceux-ci sont étudiés depuis une dizaine d'années et reproduits au laboratoire sur un hôte de substitution, dont l'élevage permanent et en masse est facile : Graphosoma semi punctata. Parmi la vingtaine d'espèces oophages, quatre appartenant au genre Asolcus paraissent utilisables dans un programme de lutte biologique au Maroc, car même si l'épandage de méthyl parathion (25 à 30 kg/ha) a donné des résultats satisfaisants, l'efficacité du traitement chimique reste limitée par la grande mobilité des punaises et son prix de revient élevé. Le pou de Californie (Aonidiella aurantii) qui attaque les agrumes et qui pourrait être efficacement combattu par un autre hyménoptère du genre Aphytis. La chenille du papillon Lymantria dispar (gypsy moth) qui est aussi l'hôte d'un troisième hyménoptère, Ooencyrtus kuwane, provoque des dégâts importants en dévorant, la nuit, les feuilles de chênes, de hêtres, de peupliers et de plusieurs arbres fruitiers (rosacées) ; la défoliation entraîne chez le chêneliège une diminution de la qualité du liège, à la suite de croissances annuelles hétérogènes ; lorsque les invasions sont considérables, les chenilles s'attaquent aussi aux cultures des lisières. Lymantria dispar est originaire de l'Europe tempérée, de l'Afrique du Nord et de l'Asie du sud ; il a été introduit en Amérique du Nord, en 1869. On le considère comme le ravageur forestier qui a coûté le plus cher en moyens de lutte (600 000 ha défeuillés à plus de 75 %, en 1953, dans la Nouvelle-Angleterre ; 15 000 ha dévastés, en 1967, dans la région de Québec). Une autre forme de la lutte biologique consiste de plus en plus à utiliser des substances naturelles attractives, comme des phéromones, des hormones sexuelles : on a donc affaire à un chimiotactisme provoqué qui opère à la manière d'un piège. L'introduction de mâles stériles a pour conséquence, par un effet de concurrence, la réduction des populations et la disparition de l'espèce nuisible après quelques générations (« autocide »). C'est le cas de la lucilie bouchère (Cochliomya hominivorax ; screw-worm) dont 125 millions de mâles irradiés sont libérés chaque semaine dans l'Ouest des Etats-Unis et au Mexique, dans le cadre d'un programme commun visant à éliminer ce redoutable parasite du

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bétail (les pertes pour les éleveurs américains sont effet évaluées à 100 millions de dollars par an). Des essais sont actuellement en cours, au Maroc, dans la région de Marrakech, avec des mâles de cératite, rendus stériles par les rayonnements d'une « bombe » au cobalt. On pratique à Madagascar la stérilisation par des rayons X d'un acarien foreur du riz, Tetranychus neocaledonicus. Ce dernier pourrait être également combattu par un prédateur naturel, Stethorus madecassus, qui est un coccinellidé, car on a constaté qu'en serre semi-climatisée sa population était multipliée par 51,57, alors que celle du parasite était accrue 37,45 fois dans les mêmes conditions. Le contrôle par les micro-organismes pathogènes est également très commode : même s'il exige une plus grande vigilance, il est sans danger pour l'homme et les animaux domestiques ; les germes sont lyophylisés avant d'être répandus ou inoculés aux insectes femelles, de sorte que les larves infectées transmettront la maladie. Une vingtaine de virus différents ont été déjà utilisés à cette fin, en particulier les virus à polyèdres nucléaires, de même que des préparations de Bacillus popilliae et de Bacillus thuringiensis 85. Cette dernière espèce paralyse le tube digestif et provoque la mort par inanition, surtout chez les chenilles, comme la processionnaire du pin qui entraîne, à la suite des défoliations successives, une perte de croissance de 30 à 40 % ; on l'emploie aussi pour protéger le coton et le riz. Sa dissémination est compatible avec le saupoudrage du D . D . T . , ce qui a conduit à la notion de « lutte intégrée ». On a par ailleurs constaté que des bactéries toxigènes pouvaient attaquer le moustique de la fièvre jaune et la mouche commune. Les chercheurs de la Recherche agronomique de France ont récemment découvert qu'il était possible d'inhiber le champignon responsable du piétin échaudage 8 6 , Ophiobolus graminis, par des microbes protéolytiques du sol, dont on pourrait stimuler la prolifération par l'incorporation à la terre de gélatine, de tourteaux, de farines de poisson ou de soja. Ces méthodes ont même été appliquées pour limiter la reproduction anarchique de mammifères : le virus de la 85. La préparation de B. thuringiensis est commercialisée sous l'appellation de bactospéine. 86. C'est une maladie bien connue des céréales, contre laquelle on lutte habituellement en alternant les cultures de blé et d'orge ou en introduisant une autre variété c o m m e l'avoine.

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myxomatose a servi dans le cas du lapin en Australie et d'un campagnol (Arvicola sp.) en U.R.S.S. En conclusion, les avantages de la lutte biologique deviendront probablement plus nets, lorsqu'on aura consenti un effort plus important en sa faveur (en 1962, le budget était, en France par exemple, mille fois inférieur à celui consacré aux insecticides et, depuis 1968, il aurait encore diminué de 30 %). Même si elle n'a pas abouti à des solutions miraculeuses, ses effets, dans les expériences réussies, sont durables et sans conséquences néfastes, bien qu'ils se fassent sentir moins rapidement qu'avec les pesticides ; le profit économique est alors très net. Les opérations sont parfois plus chères que les traitements chimiques (la destruction de la chenille processionnaire du pin revient à 14 dollars environ par hectare, alors qu'elle coûte le double avec la bactospéine), mais cet inconvénient disparaîtra progressivement avec le perfectionnement des techniques.

3. Les métaux

lourds et la diminution

de la productivité

végétale

On a déjà souligné les inconvénients pour l'homme et la biosphère de l'accumulation des métaux lourds dans l'atmosphère, les eaux douces et marines ainsi que le long des chaînes alimentaires. Ils se déposent également dans les sols, après avoir été entraînés par les précipitations ou lorsqu'ils y sont rejetés avec les résidus industriels et les biocides (arsenic, mercure et sélénium notamment ; dans le cas du plomb, sa concentration dans les sols vierges varie entre 8 et 20 mg/kg, alors que dans les régions métropolitaines d'Europe, d'Amérique et d'Asie, elle est comprise entre 200 et 2 000 ppm, ce qui est bien au-dessus de la norme ; elle atteint couramment 400 ppm — 400 mg/kg — dans la végétation de part et d'autre des autoroutes). On ne possède pas encore de données précises sur leurs effets et des recherches approfondies sont certainement nécessaires pour établir une diminution de la productivité végétale, comme le laissent cependant supposer les travaux récemment effectués en Suède 87. 87. Cf. C. Tyler. « Heavy metals pollute nature, may reduce productivity », Ambio, 1 (2), 1972, p. 52-59.

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G. Tyler constate que les lichens et surtout les mousses accumulent le cadmium et le plomb, dans les régions méridionales de la Norvège et la Suède, où l'air est pollué. Cette concentration dans les tissus se déroule en présence de teneurs relativement élevées en ions alcalino-terreux et se fait à partir de solutions très diluées. Dans les forêts de conifères de ces mêmes contrées, la litière contient 24 mg de cadmium par kg de matière sèche, tandis que l'humus sous-jacent en renferme 44 ; les jeunes aiguilles d'épicéa 0,4 à 0,6 mg/kg et les acicules plus âgés (cinq à sept ans) jusqu'à 1 mg/kg ; les mousses sont presque aussi riches que l'horizon humique (30 mg/kg) et certaines plantes du sous-bois, comme l'airelle, ont des taux moyens (4 à 12 mg/kg). Il est probable, d'après Tyler, qu'on enregistrera, dans les litières, une augmentation progressive de la concentration en métaux lourds, même si celle-ci ne varie pas dans l'atmosphère, car ces derniers sont peu ou pas lessivés et que la sédimentation des débris végétaux est plus rapide que l'humification. Ces recherches préliminaires ont en outre mis en évidence un ralentissement de la minéralisation et par suite une inhibition de la nutrition des arbres ; celle-ci induira à son tour une réduction de la productivité, c'est-à-dire de la biomasse, ce qui entraînera une accumulation relative plus importante des éléments métalliques dans les horizons édaphiques superficiels. De là, s'ils ne sont pas retenus par les colloïdes minéraux, ils pourraient gagner la nappe phréatique ; leur libération massive pourrait également intervenir à la suite d'incendies de forêt ou de coupes étendues, qui ont pour effet d'éliminer la matière organique absorbant les ions.

4. Les déchets

solides

L'amélioration du niveau de vie s'accompagne de la production considérable de déchets de toutes sortes. Dans la région parisienne : de 258 kg par an et par habitant, en 1953, à 336 kg en 1965 et 365 kg en 1968. En province : de 277 à 308 kg. Dans la capitale, on a pu noter une croissance de 20 % au cours des dix dernières années. Dans les villes de plus de 100 000 habitants, le volume d'ordures recueillies est de 5,2 1/joiir-habitant

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en hiver et 7,9 en été ; pour celles de 50 000 à 100 000, 3,5 et 4,4 1 respectivement et pour celles de moins de 50 000 habitants 2,8 à 3.4 1. Aux E t a t s - U n i s : 1,3 milliard de tonnes de fumier et de détritus agricoles, 1 milliard de tonnes de résidus d'exploitations minières, 350 millions de t o n n e s d ' o r d u r e s et d ' e a u x m é n a g è r e s , de d é c h e t s et effluents industriels, 15 millions de tonnes de c a r c a s s e s d ' a u t o m o b i les (7 millions de voitures au rebut c h a q u e année et 100 millions de pneumatiques). En 1968, on a calculé q u ' e n m o y e n n e c h a q u e Américain s'était d é b a r r a s s é de 300 boîtes de c o n s e r v e (48 milliards au total), 150 bouteilles (28 milliards) et de 140 kg de papier (20 millions de tonnes au total). 4 % de l'acier total existant outre-Atlantique se retrouvent, c h a q u e a n n é e , dans l ' e n v i r o n n e m e n t et on ne récupère que 40 % de cette quantité. En 1965, l'agglomération new yorkaise avait produit 17 millions de t o n n e s de d é c h e t s solides et on prévoit plus de 50 millions en l'an 2000 ; en 1960, 2 500 voitures « orphelines » ont dû être enlevées des rues par les services municipaux, 25 000 en 1964 et plus de 50 000 en 1969 ; la proportion par habitant et par an est passée d e 553 kg à près d ' u n e tonne et on prévoit un d o u b l e m e n t dans dix ans à l'instar de la consommation d'énergie ! A T o k y o , la masse d ' o r d u r e s m é n a g è r e s avait atteint quelque 10 000 t o n n e s par j o u r en 1969 ; l'augmentation rapide suit le r y t h m e de croissance du produit municipal brut (calculé c o m m e le produit national brut). Dans la préfecture d ' O s a k a , le volume total des déchets industriels s'élevait en 1969 à 2,53 millions de t o n n e s par mois contre seulement 0,17 million pour les o r d u r e s ménagères. Les premiers r e p r é s e n t e n t pour l ' e n s e m b l e du J a p o n un million de t par j o u r , soit près de 14 % du tonnage total transporté par route, ce qui est colossal. Ils proviennent surtout des activités de construction et de travaux publics (61 %), des industries de transformation (19 %). L ' é v o l u t i o n de la composition de ces résidus est caractérisée par une diminution notoire des c e n d r e s (développement de l'emploi du fuel, du gaz, de l'électricité pour le c h a u f f a g e et la cuisine), des s u b s t a n c e s biodégradables et par l'augmentation sensible des emballages : particules minérales (24,5 à 27,5 %), métaux (4 à 4.5 %), verres (4 à 4,5 %), chiffons (5 à 6 %), cartons et papiers (28,5 à 34 %), p l a s t i q u e s 8 8 (1,5 à 2 %), matières putrescibles (22 à 32 %). L a baisse de la teneur en eau est aussi caractéristique : à

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Paris, en 1960, elle était de 33 % en hiver et 44 % en été, en 1967, de 25 à 30 % en hiver et de 40 % environ en été ; dans les zones rurales, ces pourcentages se situent entre 25 et 32 % en saison froide et 38 et 45 % en saison chaude. Le mètre cube d'ordures qui pesait 500 kg au début du siècle dans la région parisienne, ne pèse plus que 150 à 250 kg aujourd'hui. On constate également une hausse du taux de carbone et une réduction de celui de l'azote. Dans les pays en voie de développement, au contraire, ce sont les produits d'origine animale et végétale qui représentent la proportion la plus importante et leur transformation en compost a l'avantage de fournir un engrais, riche en oligo-éléments, qui est en même temps un excellent amendement (50 à 100 t/ha, suivant les cultures) ; le compostage améliore par ailleurs l'état sanitaire de l'environnement, puisqu'au cours de la minéralisation des composés organiques, l'élévation de la température jusque vers 65 à 70° C détruit tous les germes pathogènes et les parasites 8 9 . L'épuration des eaux usées, en produisant des boues « digérées », permet d'enrichir le compost en azote. La capacité des usines est variable : elle est en moyenne de 25 à 150 t/jour et dépasse rarement 200 t/jour (Bangkok 800 t, Moscou 600 t, Alger et Versailles 250 t/jour). Leur rayon d'action oscille généralement de 7 km en zone à très forte densité de population à 20 km en zone rurale ; le rayon optimal de ramassage est de l'ordre de 10 km. L'analyse des coûts d'exploitation montre qu'il ne faut pas descendre en dessous d'un volume de 30 t/jour et certains constructeurs estiment que le seuil de rentabilité correspond à 40 t/jour à 6 dollars la tonne de compost. A Pékin, les 2 700 tonnes de détritus ramassés quotidiennement sont converties dans les communes populaires voisines et contribuent ainsi au dixième de la production nationale de fertilisants (2 millions de tonnes par an). On procède généralement à un triage manuel ou magnétique préalable pour récupérer les métaux ferreux surtout. En France, le ramassage de la ferraille (2,5 à 3 % du poids des ordures ménagères

88. 700 000 tonnes d'emballages en chlorure de polyvinyle seront produits en 1975, en France, où les matières plastiques représenteront 12 % du poids des ordures ménagères (1980). 89. Cf. L. Kehren, « Le traitement et la transformation des résidus solides par voie biologique », C. R. des séances mensuelles de lu Soc. sci. nal. phys. Maroc, 38, 1972, p. 10-26.

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+ 1 million de carcasses de voitures) représente un marché de 5 millions de tonnes par an, dont 3 millions sont exportées (ce pays est le premier exportateur mondial après les Etats-Unis, 6 millions de t). L'incinération n'est possible que si la teneur en eau des déchets est inférieure à 50 •%, la teneur en cendres inférieure à 60 % et celle en matières combustibles supérieure à 25 %. Bien qu'elle soit la solution la plus commode dans les pays industrialisés, elle n'est pas encore généralisée partout, surtout en milieu rural : en France, par exemple, on brûle seulement 25 à 30 % des résidus. Dans la région parisienne qui produit, en 1973, 9 000 tonnes par jour d'ordures ménagères, 4 500 t sont traitées dans quatre grandes usines : celle de Romainville qui écoule 60 000 t par an de compost agricole ; celle de Saint-Ouen, construite en 1954, qui traite 380 000 t par an et fournit au chauffage urbain 6 0 1 par heure de vapeur ; celle d'Issy-les-Moulineaux, édifiée en 1965, a une capacité de 500 000 t par an et produit 160 t de vapeur par heure ; celle d'Ivry, la plus moderne du monde, terminée en 1966, incinère 600 000 t par an et distribue 260 t de vapeur par heure (elle possède deux fours d'une contenance de 50 tonnes/heure). Ces trois usines revendent ainsi chaque année environ 160 millions de kWh, 1,5 million de tonnes de vapeur d'eau (à 230° C et sous une pression de 20 bars) pour un réseau de chauffage urbain de 180 km, 300 000 t de mâchefer pour les travaux publics et 10 000 t de ferrailles. Un nouveau schéma d'organisation, établi en 1970, prévoit la réalisation d'une quinzaine d'installations nouvelles susceptibles de traiter, à la fin de 1975, près de 7 000 t par jour pour l'ensemble du district parisien. Les matières plastiques, qui se consument mal et qui dégagent de l'acide chlorhydrique, exigent un traitement spécial. Au Japon, on a retenu le schéma suivant : on construit une station centrale de traitement, où les techniques les plus avancées seront mises en œuvre ; pour en réduire les dimensions et le coût du transport, une douzaine de dépôts sont établis en différents points de la préfecture, choisis en fonction des possibilités de communication et de la masse de déchets nroduits ; ils servent au tri de ces derniers, à des opérations préliminaires (incinération, compression), l'usine centrale intervenant par la suite (digestion des résidus biodégradables, combustion des matières plastiques, récupération de chaleur, etc.). Le recyclage est ainsi aussi complet que possible ;

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le remblaiement ou le larguage en mer intéressent toutefois une part importante des sous-produits. Ce type de réalisation a commencé en 1971 et il aura certainement un caractère exemplaire. La collecte et l'incinération des ordures reviennent en France à 6 dollars par an et par habitant. Aux Etats-Unis, les dépenses engagées annuellement pour le ramassage des déchets s'élèvent à 2,5 milliards de dollars, ce qui n'est pas très éloigné du coût du programme Apollo ; on a d'ailleurs estimé que leur évacuation conforme aux règles de l'hygiène exigerait 15 milliards de dollars en cinq ans. Des organismes comme le Bureau of mines des Etats-Unis ou le Bureau de recherches géologiques et minières 9 0 de France (aidé par la Délégation générale à la recherche scientifique et technique), tâchent de trouver des solutions élégantes et rentables à l'utilisation des mâchefers imbrûlés, qui représentent 30 % des déchets avant leur incinération (1 000 tonnes par jour pour une usine comme celle d'Ivry) et qui contiennent 15 % de métaux magnétiques, 1,5 % de métaux non magnétiques (dont la moitié aluminium) et 10 % de verre. A Orléans, une machine mise au point par le B.R.G.M., peut traiter 800 kg de scories à l'heure : les opérations de déchiquetage, de criblage, sont suivies de réactions chimiques, pour aboutir finalement à la production de lingots de divers éléments. En 1971, les services municipaux de la ville de Fuchou, qui fait face à Formose, ont récupéré 370 tonnes d'aluminium, de cuivre, d'étain, de plomb et de zinc, 138 tonnes de soude caustique, du nitrate d'argent et du sulfate de cuivre ; à Changchun, plusieurs corps rares ont été retirés des poussières industrielles, dont le germanium. Ce « minerai fait par l'homme » (man made ore) constitue donc une ressource intéressante, en même temps qu'un moyen de réduire la pollution par les métaux lourds. La fusion et la transformation du verre cassé en laine de verre (isolant thermique et phonique) et en microbilles (fabrication des réflecteurs de signalisation routière, polissage des surfaces, stabilisation des sols), la confection de matériaux de construction légers et isolants (briques et tuiles faites à partir d'un mélange de verre et de céramique), de revêtements routiers (glassphalt, antidérapant et très 90. Lne convention de coopération existe, depuis septembre 1971, entre ces deux institutions.

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résistant), sont des procédés avantageux, car ils évitent de consommer du verre neuf réservé à d'autres usages. Il reste à vaincre certains préjugés défavorables à ces techniques de récupération des rebuts. Ces derniers continuent, dans bien des cas, à être rejetés dans des « décharges sauvages ». Si 80 % de la population française, par exemple, bénéficie d'une collecte régulière des ordures ménagères, cette moyenne recouvre une situation différente suivant les départements ; seules les ordures de 9 millions d'habitants (23 % du volume total) et de 3 autres millions (7 %) sont acheminées respectivement vers des usines d'incinération et les installations de compostage (l'objectif du ministère de l'environnement est la mise en place d'ici à 1976 de réseaux de collecte et d'élimination pour la totalité du territoire). On peut aussi les transporter vers des décharges contrôlées (une couche de 1,5 à 2 m d'ordures compactées, recouverte d'une égale épaisseur de terre) ou s'en servir pour combler des tranchées ; ces nouveaux terrains sont plantés pour faire des parcs, comme aux Pays-Bas ou en République fédérale d'Allemagne, ils peuvent aussi recevoir des constructions légères (on assure que le dixième de New York est bâti sur ces landfill), ils arrivent même à modifier les paysages, comme cette colline de 40 m, le « mont Trashmore » 9 1 , près de Chicago.

G.

L E S « EXPLOSIONS NUCLÉAIRES » ET LA POLLUTION RADIOACTIVE

Au 1 er janvier 1972, les Etats-Unis avaient procédé à 188 explosions dans l'air et à 351 essais souterrains, l'Union soviétique, 142 et 112 ; la France, 30 et 13 ; la Grande-Bretagne, 21 et 4 ; la Chine, 11 et 1. Au total, cela fait 873 explosions dans le monde depuis trente ans, sans compter celles d'Hiroshima et de Nagasaki. La pollution résultante est due, pour une part, à la fission 9 2 de l'uranium 235 et du plutonium 239, d'autre part, aux produits d'activation résultant de l'irradiation des différentes parties de la 91. Trash signifie ordures. 92. Elle est responsable de l'énergie d i s s i p é e , alors que dans les b o m b e s H c ' e s t la fusion d e s n o y a u x d ' h y d r o g è n e qui en est la c a u s e directe. C e s dernières ne produisent pas de radioéléments, à l ' e x c e p t i o n de c e u x provenant d e s b o m b e s A servant de détonateur.

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bombe par les neutrons engendrés au moment de l'explosion. Les éléments à courte période se désintègrent en général au bout de vingt-quatre heures (leur radioactivité est divisée par 10 toutes les sept heures), en particulier s'il s'agit d'un tir en altitude qui a pour effet de les entraîner à des kilomètres, de sorte qu'en retombant sur terre leur nocivité aura presque totalement disparu. La puissance de la bombe intervient dans la dispersion des radioéléments : si elle est faible, ils resteront dans la troposphère et retomberont assez vite avec les précipitations, leurs effets immédiats seront donc en partie fonction des conditions météorologiques ; si elle est grande, ils seront propulsés dans la stratosphère et mettront des années à rejoindre la terre, en perdant dans l'intervalle une proportion importante de leur radioactivité. Lorsque l'explosion se fait à la surface du sol, des particules de grosse taille sont soulevées par le souffle, puis tombent rapidement en ramenant avec elles des radio-isotopes qui provoqueront une pollution locale très dangereuse, dans un rayon de 500 à 1 000 km. Dans le cas des essais souterrains, celle-ci reste confinée à la zone concernée ; ils sont donc, de ce point de vue, moins dangereux que les tirs aériens (ils pourraient par contre déclencher des mouvements du sol, mais pas de véritables séismes, comme l'a montré l'explosion américaine Cannikin en Alaska, qui est pourtant une région très instable). L'augmentation de la radioactivité est considérée comme minime : 2 millirads par an, au moment des essais américains et soviétiques les plus puissants, ce qui équivaut au 2/100 de l'irradiation naturelle à Paris ou au 2/100 de celle provenant de sources artificielles (rayons X et radiothérapie) 9 3 . Mais cette dose 93. L'irradiation naturelle est externe ou interne : la première résulte des rayonnements cosmiques et de ceux émanant des radioéléments naturels présents dans l'environnement ; la s e c o n d e correspond à ceux des radio-isotopes naturels déposés dans l'organisme par les aliments, les boissons et l'air inspiré. Les sources de radioactivité artificielle sont d e v e n u e s , au 20 e siècle, plus nombreuses : appareils de radiologie, radioéléments utilisés à des fins médicales et autres, combustibles des centrales nucléaires, explosions nucléaires. Les rayonnements ionisants se divisent en deux groupes : les rayonnements électromagnétiques (rayons X et - ), de la m ê m e famille que les ondes lumineuses visibles et hertziennes ; les rayonnements corpusculaires, dont certains (particules a , (3 — électrons —, protons) portent une charge électrique, tandis que d'autres n'en ont pas (neutrons). Lorsque les premiers sont absorbés, des électrons à haute énergie sont libérés dans la matière irradiée et ils représentent alors le véritable agent ionisant. Les particules B ont le même effet direct, puisque ce sont des électrons. Les neutrons peuvent entrer en collision avec des noyaux d'hydrogène (protons) et les mettre en mouvement ; ils peuvent aussi

350

Pays

industrialisés

s'ajoute à celle des installations de transformation de l'énergie nucléaire. Ce supplément a certainement des répercussions sur l'organisme humain, qui pourront se manifester après plusieurs années : c'est le cas des altérations génétiques, de l'élévation des fréquences des leucémies et des cancers, de la mortalité infantile. Cette dernière s'est accrue de 20 à 30 % au Mexique, d'après E. Sternglass (physicien de l'université de Pittsburgh), après l'explosion d'Alamogordo du 16 juillet 1945, en raison de l'augmentation du taux de strontium 90, dont la période est égale à 28 ans. On ne peut nier ce fait, même si on juge excessives les estimations de ce professeur : sa teneur dans le pain et le lait 9 4 a décuplé, en France, entre 1960 et 1963 ; on a en outre constaté qu'elle était quarante fois plus élevée dans les os des enfants p é n é t r e r à l ' i n t é r i e u r d ' a u t r e s a t o m e s qui, d e v e n u s plus instables, se d é s i n t è g r e n t en é m e t t a n t d e s r a y o n n e m e n t s ionisants. D a n s un c a s c o m m e d a n s l ' a u t r e , ce sont en définitive d e s particules qui p r o d u i s e n t l'ionisation. L e s particules 13 ont d a n s les tissus un p o u v o i r de p é n é t r a t i o n de l ' o r d r e d e plusieurs m m , bien s u p é r i e u r à celui d e s particules a (0,001 à 0,007 c m et moins d a n s les os) ; elles irradient un plus grand n o m b r e de cellules, mais le n o m b r e d ' i o n s produits d a n s c h a c u n e d ' e l l e s est bien m o i n d r e . L e s r a y o n s X et - , selon l ' é n e r g i e du r a y o n n e m e n t , p e u v e n t p é n é t r e r sur plusieurs dizaines de c e n t i m è t r e s et m ê m e de m è t r e s , mais la d e n s i t é des ions e x p u l s é s le long de leur t r a j e c t o i r e est plus faible que d a n s le cas d e s particules a . La d o s e à e f f e t s g é n é t i q u e s r e ç u e par l ' e n s e m b l e de la population et p r o v e n a n t d e s d i v e r s e s s o u r c e s artificielles se répartit ainsi : — 25 millirads par an par e x p o s i t i o n médicale des m a l a d e s ( m o y e n n e qui vaut s u r t o u t p o u r les pays très industrialisés) ; — 1 à 2 millirads par an du fait des biens d e c o n s o m m a t i o n radioactifs et des appareils é l e c t r o n i q u e s qui é m e t t e n t d e s r a y o n n e m e n t s ionisants ; — moins d e 1 millirad par an du fait de l ' e x p o s i t i o n d e s p e r s o n n e s professionellement en c o n t a c t a v e c d e s r a d i a t i o n s ou m a n i p u l a n t d e s s u b s t a n c e s r a d i o a c t i v e s ; — 2 à 7 millirads par an à c a u s e d e s r e t o m b é e s d e s e s s a i s nucléaires. Cela d o n n e , au total, 35 millirads par an e n v i r o n , soit à peu près le tiers du r a y o n n e m e n t ambiant naturel. 94. L e s t r o n t i u m 90 est r a p i d e m e n t a b s o r b é p a r les plantes à la place du c a l c i u m , surtout d a n s un mileu c o n t e n a n t des t r a c e s de cet é l é m e n t ; il est alors c o n c e n t r é d a n s les v é g é t a u x , puis c h e z les h e r b i v o r e s (lait) et enfin d a n s les os et les d e n t s . L e s c h a m p i g n o n s et les lichens a c c u m u l e n t aussi le c é s i u m qui se r e t r o u v e ensuite à une f o r t e c o n c e n t r a t i o n d a n s le c o r p s d e s a n i m a u x h e r b i v o r e s . En 1962-1963, elle était d a n s l ' o r g a n i s m e d e s L a p o n s , dix fois plus forte q u e c h e z d ' a u t r e s g r o u p e s e t h n i q u e s d e s pays n o r d i q u e s ; l ' a l i m e n t a t i o n d e ces p o p u l a t i o n s est en effet à b a s e de viande de r e n n e qui b r o u t e les lichens de la t o u n d r a . L ' O . M . S . , en 1972, a r e c o m m a n d é , p o u r l'eau de b o i s s o n , les n i v e a u x de radioactivité s u i v a n t s : 3 pCi/1 p o u r la radioactivité a globale et 30 pCi/1 p o u r la radioactivité 6 globale (surtout i m p u t a b l e au s t r o n t i u m 90). C e s d o s e s c o r r e s p o n d e n t a u x m o y e n n e s de t o u t e s les m e s u r e s e f f e c t u é e s p e n d a n t une période de trois mois (pCi : picocurie = 10"12 curie).

La pollution

351

britanniques qui effectuaient leur croissance à cette é p o q u e , que dans ceux des adultes. Le césium 1371 (durée de demi-vie = 30 ans), est tout aussi d a n g e r e u x . Quand à l'iode 131 (période = 8 jours), qui a pour la thyroïde une affinité élective, il semble q u ' o n doive lui attribuer d e curieuses anomalies de cette glande, c o n s t a t é e s chez les j e u n e s , à Rongelap Island, près de l'atoll de Bikini. Selon les radionucléides, l'organe critique sera le tractus gastro-intestinal, le p a n c r é a s , le p o u m o n , le rein, la rate, le tissu adipeux, musculaire ou osseux. En conclusion, p e r s o n n e ne peut p r é t e n d r e que ces explosions nucléaires sont a b s o l u m e n t sans danger ; les arguties portent sur les concentrations minimales et les délais. C e s derniers sont nécessairement longs, surtout lorsqu'ils c o n c e r n e n t les c o n s é q u e n c e s de la modification du matériel héréditaire ; l ' a b s e n c e de manifestations immédiates ne p e r m e t pas de conclure à l'innocuité de l'augmentation de la radioactivité générale en deçà du « seuil de sécurité » 95 . Si ce dernier a d'ailleurs un sens pour le physicien, il est ambigu pour le biologiste, car on sait que les faibles doses exercent des effets délétères sur les cellules, cumulatifs et souvent irréversibles. Il faut d o n c que « c e s s e la polémique absurde sur la nature qualitative et quantitative des méfaits, fussent-ils minimes, ainsi c o m m i s envers l ' h u m a n i t é » 96 . On ne peut non plus s ' e m p ê c h e r d ' é v o q u e r le coût exorbitant de ces essais, qui contribue à rendre plus colossal le budget consacré aux a r m e m e n t s . En 1972, d ' a p r è s une e n q u ê t e qui vient d ' ê t r e publiée par le S . I . P . R . I . (Swedish international peace research Institute), 200 milliards de dollars ont été d é p e n s é s à cette fin, alors que le fonds 95. La Commission internationale de protection radiologique a recommandé en 1966 que la limite de dose à effets génétiques pour l'ensemble de la population ne dépasse pas 5 rem (ou 5 rads) en provenance de toutes sources d'irridation, en plus des doses résultant des rayonnements naturels et des usages médicaux. Cette limite de 5 rem est fondée sur un âge moyen de procréation de trente ans ; elle équivaut à environ 0,15 rem par an. La limite de dose à effets somatiques pour l'ensemble de la population a été fixée ainsi : 0,5 rem par an pour l'organisme entier, les gonades et la moelle osseuse, 3 rem/an pour la peau, les os et la thyroïde (la limite de dose d'exposition de la thyroïde est 1,5 rem/an pour les enfants de moins de 16 ans), 1,5 rem/an pour les autres organes pris isolément, 7,5 rem/an pour les mains et avant-bras, les pieds et les chevilles. 96. D r Escoffier-Lambiotte, in Le Monde, juin 1972.

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Pays

industrialises

international pour l'environnement sera de 20 millions par an. Cela représente 10 tonnes d'explosif par habitant et 50 dollars/hab., alors que 50 % de la population du globe ont un revenu par tête inférieur à 200 dollars ; ce qui a fait écrire au D r F. Barnaby, directeur du S.I.P.R.I., « qu'à 5 dollars la tonne, le pouvoir de destruction est le produit le moins cher du monde ! » La décennie 1960-1970 a été en effet marquée par la prolifération et le perfectionnement technique des armements ainsi que par l'augmentation considérable de leur coût : des avions supersoniques ont été acquis par de nombreux pays en voie de développement, alors qu'un chasseur d'interception revient à plus de 10 millions de dollars contre 150 000 dollars pour un appareil analogue de la seconde guerre mondiale (leur nombre est passé dans le monde de 6 000 à 12 000) ; 2 150 missiles balistiques, plus 55 sous-marins nucléaires équipés de 800 engins de lancement existent actuellement ; le nombre des navires de guerre était de 4 900 en 1968 contre 4 550 en 1960, mais leur valeur a fait un bond de 34 à 60 milliards de dollars ; l'amélioration des systèmes de guidage et de contrôle, des techniques de surveillance et de communication, à la faveur des opérations d'exploration de l'espace, a également contribué à conférer à cet arsenal un pouvoir destructeur sans précédent. Le budget total a été de 1 870 milliards de dollars (aux prix de 1970), dont 600 pour l'achat de matériel, et 200 (10 %) pour les activités de recherche et de développement dans les six pays auxquels sont imputables les quatre cinquièmes des dépenses militaires (EtatsUnis, Royaume-Uni, U.R.S.S., République fédérale d'Allemagne, France, Chine), alors que 4 milliards de dollars sont affectés à la recherche médicale dans le monde entier. Au cours de ce siècle, le volume des ressources allouées à des fins militaires a été multiplié par 20 ; entre 1949 et 1952, les crédits ont doublé en chiffres réels, se sont ensuite maintenus pendant neuf ans, puis ont fortement progressé de 1965 à 1967 (50 milliards de dollars par an), pour atteindre presque 200 milliards de dollars en 1972 (soit 6 à 6,5 % du produit national brut mondial) et probablement 307 milliards en 1980. Ces dépenses représentent le produit national brut réuni de l'Italie et du Royaume-Uni ou encore de l'ensemble des pays d'Afrique, d'Asie du Sud et de l'Extrême-Orient, qui totalisent 1 milliard 300 millions d'habitants ; deux fois et demie les sommes consacrées par tous les gouvernements à la santé ou une fois et

La pollution Importations d'armements

353

lourds (en millions de dollars)

Pays importateurs

1958

1968

10

30 30 70

Proche et Moyen-Orient

240

640

G r è c e et Turquie

380

50

340

200

350

70

N o r d - V i e t n a m et Sud-Vietnam

30

470

Amérique centrale

10

Amérique du Sud

140

100

1 500

1 660

Afrique (Maroc, Afrique Afrique

du Nord Algérie, Tunisie, Libye) au sud du Sahara du Sud

Sous-continent indien (Afghanistan, Pakistan, Inde, Ceylan) Extrême-Orient (sauf la Chine continentale et le J a p o n )

Total Source : Annuaire mondial S.I.P.R.I., Stockholm.

des

armements

et

du

désarmement,



1968-1969,

demie celles réservées à l'éducation. Elles correspondent en outre à trente fois l'aide économique officielle accordée aux nations en voie de développement ; celles-ci reçoivent en effet près de 7 milliards de dollars par an, grâce aux diverses formes d'assistance bilatérale et multilatérale, soit 0,33 % du produit national brut des Etats donateurs (les contributions au Programme des Nations unies pour le développement ont totalisé, en 1971, 240 millions de dollars, et on prévoit un montant d'un milliard de dollars en 1976 ; les organisations internationales répartissent 10 % environ de l'aide financière accordée). Mais il est assez paradoxal et navrant de constater que

354

Pays

industrialisés

l ' a c c r o i s s e m e n t annuel des d é p e n s e s militaires dans les pays non industrialisés a été de 7 % contre 3 à 4 % dans le reste du m o n d e ; 9 d ' e n t r e eux affectent plus de 10 % de leur production aux achats d ' a r m e s , 32 possèdent des avions s u p e r s o n i q u e s , 19 des missiles sol-air à longue portée, ce qui n'était nullement le cas en 1955-1957 ; leur part dans les effectifs des f o r c e s a r m é e s (23 à 24 millions d ' h o m m e s et de f e m m e s , en 1970) est d e 37 % et le n o m b r e de leurs soldats s'est a c c r u , entre 1960 et 1970, d e 4 % par an, au lieu de 2 % ailleurs. D ' a p r è s une e n q u ê t e faite entre 1951 et 1965 sur quarante-quatre pays, il ressort que les achats de matériel de guerre ont a b s o r b é des r e s s o u r c e s équivalant à 4 % de leur formation brute de capital. Le tableau suivant contient les renseignements relatifs au coût des importations d ' a r m e s en 1958 et 1968. Or il suffirait de réaffecter 5 % des d é p e n s e s actuelles d ' a r m e m e n t pour se r a p p r o c h e r très sensiblement des objectifs de croissance des nations p a u v r e s ; si on les réduit de 10 % seulement, il sera possible d ' a u g m e n t e r d ' u n tiers le volume des investissements en capital fixe réalisés dans le tiers m o n d e , qui a atteint, en 1969, 65 milliards de dollars.

H.

L A L U T T E C O N T R E LA P O L L U T I O N

Alors que les terroirs les mieux exploités sont ceux où l'environnement est protégé, la pollution, signe et résultat du d é v e l o p p e m e n t industriel, constitue au contraire une grave atteinte à celui-ci ; elle traduit en effet une dégradation et non une progression vers un a m é n a g e m e n t satisfaisant. D ' a p r è s B. C o m m o n e r , elle croît plus vite encore que les populations ou la production ; des techniques polluantes tendent à remplacer des m é t h o d e s moins a v a n c é e s , mais plus p r o p r e s ; la fabrication des matières plastiques, des fibres synthétiques, des engrais, des biocides et des c a r b u r a n t s , présente un indice d e croissance parmi les plus élevés dans l'industrie ; la substitution de certains matériaux par d ' a u t r e s n ' e s t pas toujours avantageuse (l'aluminium qui remplace souvent l'acier, nécessite, pour son affinage quinze fois plus d'énergie). La lutte contre la pollution se heurte à des difficultés liées aux incidences é c o n o m i q u e s : les contrôles et les m e s u r e s de protection entraînent en effet une augmentation des charges et rendent les

La pollution

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entreprises moins compétitives ; on assistera peut-être à l'essaimage de certaines b r a n c h e s d'activité é c o n o m i q u e vers des pays moins stricts ou encore à la naissance d ' u n néo-protectionnisme à l'égard des exportations des nations n'appliquant pas une réglementation sévère. Le bien-fondé de cette dernière n ' e s t pas toujours admis : en 1970, l'usine métallurgique d ' A l l o y , dans l'ouest de la Virginie, fut considérée c o m m e celle qui produisait le plus de f u m é e au monde, puisque ses c h e m i n é e s déversaient annuellement 70 000 tonnes de poussières, plus que n ' e n é m e t l'agglomération new yorkaise ; lorsque l'Union Carbide Corporation m e n a ç a de la f e r m e r , plusieurs citoyens d'Alloy prirent sa d é f e n s e , car elle était la source principale de r e v e n u s municipaux. D ' a u t r e part, certaines décisions peuvent avoir des répercussions f â c h e u s e s : en 1971, le Congrès américain diminua les t a x e s fédérales sur les automobiles afin de favoriser l'emploi ; mais les effets négatifs d ' u n e telle prise de position ne furent guère considérés, c o m m e l ' a c c r o i s s e m e n t de la pollution, les accidents de la circulation, l'obligation de construire de nouvelles a u t o r o u t e s : un stimulus é c o n o m i q u e tout aussi important aurait pu être o b t e n u , en se tournant vers d ' a u t r e s secteurs, par exemple la rénovation des villes ou l'amélioration des voies de communication entre celles-ci. Au Japon où le g o u v e r n e m e n t central se refuse e n c o r e à a d m e t t r e qu'il faille d a n s certains cas choisir entre croissance é c o n o m i q u e à tout prix et sauvegarde de l'environnement, les milieux industriels, en dépit de certains e f f o r t s , n ' o n t pas modifié leur position sur b e a u c o u p de points ; lorsqu'ils ont fini par adopter des mesures d ' é p u r a t i o n , l'augmentation des prix s'est inévitablement produite. Dès 1970, le plus grand p r o d u c t e u r d ' o x y d e de titane, Ishihara Sangyo. augmenta de 20 % ses produits, ce qui eut des répercussions importantes sur la vente des peintures. On a également enregistré un p h é n o m è n e identique pour les prix de l ' o x y d e de zinc, de l'acide sulfurique, etc. On constate c e p e n d a n t que les conflits qui surgissent entre les impératifs industriels et les exigences de la préservation de la nature et qui sont souvent portés d e v a n t les tribunaux, sont tranchés en faveur des d é f e n s e u r s de l ' e n v i r o n n e m e n t . C ' e s t ainsi q u ' a p r è s la plainte des habitants de Duisbourg, dans la Ruhr, le Bureau de surveillance des établissements industriels avait d e m a n d é la f e r m e t u r e du plus grand haut fourneau d ' E u r o p e , mis à feu le 6 février 1973 et qui avait coûté au groupe T h y s s e n 108 millions de

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Pays

industrialisés

dollars. Le tribunal administratif de Duisbourg a invité, le 23 mars 1973, cette firme à a p p o r t e r des améliorations techniques en vue de réduire le bruit de 65 décibels à 50 p e n d a n t la j o u r n é e et à 30 durant la nuit, au mois de juin 1973 ; la production devra passer d e 10 000 tonnes par j o u r (70 % d e la capacité installée) à 7 000 t ; mais les techniciens ne sont pas tout à fait sûrs que ces m e s u r e s seront suffisantes et il est probable que cette affaire aura e n c o r e des prolongements, car, à la suite de l'augmentation de la d e m a n d e et du prix de l'acier, le maître de forges allemand ne se résoudra pas à diminuer durablement sa production. En 1971, à Gelsenkirchen, également dans la R u h r , l'installation d ' u n e usine de fabrication de verre, représentant un investissement de 46 millions de dollars, fut interdite ; la société qui dut l'édifier ailleurs perdit 4,2 millions de dollars. En F r a n c e , c o n t r a i r e m e n t à ce qui se passe en Allemagne, les nouvelles aciéries se construisent au bord de la mer, d a n s des zones éloignées des villes et une telle politique évitera certainement des litiges : c ' e s t ainsi q u ' U s i n o r a mis à feu près de D u n k e r q u e , en avril 1973, un haut fourneau d ' u n e capacité équivalente à celle de T h y s s e n (4 millions de t o n n e s par an). Mais à E v r y , ville nouvelle de la banlieue sud de Paris (Essonne), une enquête a dû être faite en mai 1973, à la suite de l'opposition d ' u n e association antipollution au système de chauffage des 40 000 logements (140 000 habitants) ; d ' a p r è s les a d h é r e n t s de ce g r o u p e m e n t et les signataires de la protestation, le site de la centrale a été mal choisi et la combustion du fuel produira 2 t o n n e s de poussières par j o u r plus 12 t d ' a n h y d r i d e sulfureux par vingt-quatre h e u r e s ; bien que les é q u i p e m e n t s c o û t e u x aient déjà été réalisés, ils réclament un chauffage à l'électricité ou au gaz, jugé moins polluants. D a n s un autre d o m a i n e , plus de cent industriels milanais, a c c u s é s d ' a v o i r pollué les eaux de trois rivières, le L a m b r o , le S e v e s o et le Redefossi, ont été traduits en j u s t i c e , tandis q u ' à Varèse trente-neuf notabilités de la ville sont poursuivies pour avoir pollué le lac. Des a m e n d e s ont été imposées à des entreprises industrielles, dont les eaux résiduaires avaient en partie anéanti l'élevage de deux sociétés d e pisciculture du Finistère ; elles devront en outre couvrir les d o m m a g e s causés. Au J a p o n , des c o n d a m n a t i o n s sévères ont été également p r o n o n c é e s , en mars 1973, à l ' e n c o n t r e de plusieurs industriels. La puissance des m o u v e m e n t s « environnementalistes » est grande dans ce pays puisque, faute de leur a c c o r d , dix projets de

La pollution

357

centrales furent abandonnés, de 1968 à 1970, entraînant une diminution de production électrique de 26,3 milliards de kWh. Les associations de citoyens étaient au nombre de trois cents en juillet 1970 et leur action se déroule à trois niveaux : la recherche de l'information, la pression sur les pouvoirs publics et l'action directe sur les pollueurs. Si dans plusieurs cas les gouvernements locaux se sont opposés à l'installation d'usines nouvelles dans leurs circonscriptions, 30 préfectures et 100 municipalités avaient conclu, en février 1971, des accords de bonne entente avec 574 sociétés.

1. Les moyens

d'action

: organismes,

budgets,

investissements

Aux Etats-Unis, l'Agence pour la protection de la nature et de l'environnement fut créée en 1970 et prit en charge les attributions jusque-là dévolues à l'Administration fédérale de contrôle de la qualité de l'eau, de la pollution de l'air. Le budget annuel initial de cette institution était de 1 400 millions de dollars. Une commission spéciale fut chargée de l'étude des problèmes communs avec le Canada. Dans ce dernier pays, la population participe activement aux programmes du ministère spécialisé, depuis la mise en place de celui-ci en 1971 ; il occupe 9 000 fonctionnaires et reçoit 20 000 lettres par mois. Un concours organisé par une chaîne de télévision sur le thème de la pollution a suscité 160 000 réponses. Les Etats-Unis et l'U.R.S.S. ont signé à Moscou, le 20 septembre 1972, un accord de coopération pour l'étude d'une trentaine de projets relatifs à la protection de l'environnement. L'un des premiers prévoit l'installation de matériel sismique soviétique en Californie et d'instruments américains dans les montagnes de l'Asie centrale, en vue de la prévision des tremblements de terre. D'autre part, l'U.R.S.S. s'est engagée à collaborer aux recherches sur la pollution des couches supérieures de l'atmosphère par les avions supersoniques. Au Royaume-Uni, une Commission royale permanente de la pollution de l'environnement fut instituée le 11 décembre 1969 ; mise en place en février 1970, elle déposa son premier rapport en mai 1970. Le ministère britannique de l'environnement a regroupé, le 12 novembre 1970, trois importants départements : ceux des transports, des bâtiments et des travaux publics (Public Building and

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Works), du logement et de l ' a m é n a g e m e n t du territoire (Housing and Local G o v e r n m e n t ) , de l ' a m é n a g e m e n t urbain et rural. Il emploie 78 000 p e r s o n n e s et gère des fonds de l'ordre de 9 milliards de dollars. L ' A s s o c i a t i o n britannique pour la responsabilité dans le domaine scientifique, f o n d é e en avril 1969, a pour but d'identifier et de prévoir ceux des d é v e l o p p e m e n t s scientifiques risquant de bouleverser l ' e n v i r o n n e m e n t et la vie humaine, d ' e f f e c t u e r des r e c h e r c h e s sur la nature de ces effets et de c o m m u n i q u e r les conclusions aux h o m m e s de science, au g o u v e r n e m e n t et au public, de promouvoir éventuellement des c h a n g e m e n t s dans la politique officielle relative à la science et à la technologie. Cette association paraît être appelée à j o u e r un rôle important dans la création d ' u n e attitude nouvelle vis-à-vis de l ' e n v i r o n n e m e n t et de son a m é n a g e m e n t . En F r a n c e , c'est le 10 juin 1970 que le président de la République définissait la politique française de l ' e n v i r o n n e m e n t devant le Conseil des ministres, qui adoptait le m ê m e j o u r le premier p r o g r a m m e de m e s u r e s préparé par q u a t o r z e ministères sous l'impulsion de celui du Plan et de l ' a m é n a g e m e n t du territoire : lutte contre les pollutions, protection d e la nature, amélioration des paysages urbains et ruraux. Le 30 juillet 1970, était institué un Haut Comité de l ' e n v i r o n n e m e n t chargé de suivre l'application des dispositions prises et de faciliter la concertation interministérielle. Le 2 février 1971, était définie la mission du premier ministère de la protection de la nature, de l ' e n v i r o n n e m e n t 9 7 et du cadre de vie ; prévention, réduction et suppression des nuisances et pollutions de toutes sortes, qu'elles résultent des particuliers ou qu'elles proviennent des é q u i p e m e n t s collectifs, des grands a m é n a g e m e n t s ou d'activités agricoles, c o m m e r c i a l e s ou industrielles ; être porteur d ' u n e idée et d ' e n convaincre tous ceux qui participent à la croissance, à savoir la nécessité d ' u n arbitrage entre niveau de vie et m o d e de vie, en vue de ne pas céder aux exigences d ' u n d é v e l o p p e m e n t de nature strictement é c o n o m i q u e . Un comité interministériel d'action pour la nature et l'environnement ( C . I . A . N . E . ) assiste le ministre délégué dans l ' e x a m e n des p r o g r a m m e s d'emploi des crédits. Il dispose de trois cents 97. R. P o u j a d e , n o m m é le 6 j a n v i e r 1971 à la t ê t e d e c e m i n i s t è r e , r a t t a c h é au p r e m i e r m i n i s t r e , a v a i t i n a u g u r é la n o u v e l l e i n s t i t u t i o n p a r la f o r m u l e : « L e s p o l l u e u r s s e r o n t les p a y e u r s ».

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collaborateurs à Paris et d'une centaine en province qui dépendent des vingt délégués régionaux en poste auprès des préfets ; il exerce en outre sa tutelle sur douze établissements publics nationaux et, en liaison avec le ministre de l'Intérieur, sur une vingtaine d'organismes d'étude et de gestion intéressant les parcs naturels. Le budget s'élevait, en 1972, à 39,6 millions de dollars, soit le double des sommes engagées en 1971 ; en 1973, elles atteignent 46,6 millions de dollars. Si l'on tient compte des crédits affectés à d'autres services, l'enveloppe globale est alors, en 1973, de 354 millions de dollars, non compris 20 millions de dollars pour la recherche. En outre le Fonds d'intervention et d'action pour la nature, créé par le même décret du 3 février 1971, avait pour but de développer les actions nouvelles, de soutenir les opérations expérimentales ou exemplaires ayant un effet d'entraînement, de compléter le financement de projets coûteux ou complexes. La première tranche du Fonds était de 10 millions de dollars, la seconde de 17,4 millions de dollars (1972) ; elles furent respectivement consacrées à l'inventaire national de la pollution des eaux, à l'établissement de réseaux de mesure et à l'équipement des laboratoires ; aux espaces verts, aux déchets, à la lutte contre le bruit et contre la pollution des mers (dix opérations coordonnées et trois études concernent le littoral du Calvados, l'Ille-et-Vilaine, les estuaires du Sud-Finistère, le golfe du Morbihan, la côte de la Loire-Atlantique, la Côte d'Azur à Hyères et au Lavandou). En 1973, l'environnement urbain a recueilli 3,2 millions de dollars ; les activités récréatives (chantiers de jeunes), la sauvegarde de l'habitat rural, menacé d'une disparition rapide sous l'effet de l'exode vers les villes et du développement de certaines banlieues, aura également reçu une priorité dans la répartition budgétaire. En Italie, on prévoit la mise en place d'un organisme interministériel et. dans le plan quinquennal 1971-1975, des investissements publics de l'ordre de 19 milliards de dollars sont destinés à la lutte contre l'érosion et la pollution (il faudrait, selon une estimation récente, consacrer 12 à 15 milliards de dollars à l'assainissement seulement). L'Italie a en outre pris des initiatives pour promouvoir entre les pays du bassin méditerranéen une politique commune : le projet-pilote élaboré avec la France et la principauté de Monaco pour l'épuration des eaux de la Côte d'Azur et de la Côte des Fleurs (Ligurie) ; le projet de convention mis au point à Paris entre les

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nations d e la Méditerranée occidentale, portant sur les m o y e n s aptes à contrôler les pertes accidentelles d ' h y d r o c a r b u r e s en mer. A la suite d ' u n e réunion tenue à Paris en mai 1972, sept grands c o n s t r u c t e u r s e u r o p é e n s d ' a u t o m o b i l e s (British L e y l a n d , Citroën, Daimler-Benz, Fiat, Peugeot, Renault et Volkswagen) ont créé, sous la présidence du directeur de Fiat, un comité chargé de c o m p a r e r et de réunir les é t u d e s et les r e c h e r c h e s entreprises dans les pays m e m b r e s du M a r c h é c o m m u n , dans les domaines de la sécurité automobile et de la pollution. La Commission internationale pour la protection du Rhin, créée en 1963 à Berne et groupant les r e p r é s e n t a n t s de l'Allemagne fédérale, de la F r a n c e , du L u x e m b o u r g , des Pays-Bas et de la Suisse, devait étudier, lors de ses réunions des 25 et 26 o c t o b r e 1972, à L a H a y e , les m e s u r e s propres à réduire sérieusement la pollution du fleuve par le chlorure de sodium, dont les principales sources sont les mines de potasse d ' A l s a c e (20 000 t/jour) et celles de la Ruhr (15 000 t/jour). Les différents E t a t s intéressés n ' o n t pu j u s q u ' i c i se mettre d ' a c c o r d sur le partage des frais qu'entraîneraient les diverses opérations de diminution de la teneur en sel (pour celui issu de la potasse, on a pensé à le charger sur des chalands et le d é v e r s e r en mer du N o r d ; à le dissoudre et l ' é v a c u e r par une conduite j u s q u e dans la baie de la S o m m e ou encore à le stocker sur place, en fonction inverse du débit saisonnier du Rhin). Au J a p o n , le « ministre de l'antipollution », auparavant directeur d e l ' A g e n c e d e l ' e n v i r o n n e m e n t , s'est fixé pour tâche l'amélioration de l'arsenal législatif et des moyens techniques en vue de réduire le lourd tribut que ce pays a déjà payé pour se hisser au rang de troisième et bientôt d e s e c o n d e puissance é c o n o m i q u e du m o n d e . La situation y est en effet dans bien des domaines gravement c o m p r o m i s e , à tel point q u ' u n é c o n o m i s t e américain a pu écrire q u ' o n avait affaire à un « super-marché de la pollution ». Des dispositions réglementaires existaient certes, c o m m e la loi fondamentale d e 1967 et ses t e x t e s d'application parus entre 1968 et 1970, relatifs aux n o r m e s pour l ' e a u , l'air, aux critères d ' é m i s s i o n , mais elles étaient assorties de tant d ' e x c e p t i o n s et de dérogations que leur efficacité était sérieusement limitée. En 1970, on assista à un réveil d e l'opinion publique, c o m m e le montraient des sondages : à T o k y o , 72 % des r é p o n s e s recueillies laissaient entendre que les Japonais se considéraient c o m m e des victimes de la pollution, 52 % à O s a k a ;

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49 % des citadins interrogés s'estimaient condamnés à souffrir d'une maladie due à la pollution et 65 % des Tokyoïtes pensaient que le port des masques à gaz devait s'imposer à brève échéance dans leur ville. Une session exceptionnelle de la Diète, à l'automne de 1970, permit de voter quatorze amendements à la loi, mais de portée assez limitée. En décembre 1970, un autre amendement supprime une phrase clé : « la protection de l'environnement ne doit être considérée qu'en harmonie avec un souci de croissance économique », pour la remplacer, en janvier 1971, par : « il est important de développer l'industrie, mais nous devons considérer la protection de la santé des citoyens contre les méfaits de la pollution comme la plus importante de nos tâches ». Il s'agissait là d'un premier changement radical dans l'état d'esprit qui régnait jusqu'alors et qui préconisait que rien ne devait faire obstacle au développement économique. En 1971, l'action de l'Etat nippon a surtout consisté à participer au financement des programmes des gouvernements locaux, en particulier dans les secteurs de l'assainissement urbain et de la lutte contre les affaissements de terrain. Les dépenses engagées étaient de l'ordre de 35 milliards de dollars. Il faut aussi tenir compte des autorisations d'emprunts (80 milliards de dollars), dont près de 47 milliards de dollars furent consacrés à couvrir le lancement d'obligations par les municipalités (surtout pour l'épuration). Des prêts ont été consentis par des organismes para-publics, comme la Pollution Prévention Corporation, aux petites entreprises pour les aider à s'équiper et à mieux lutter contre la pollution ; 20 milliards de dollars ont servi à cet effet en 1971. Il convient également de citer, au chapitre des finances nationales, des mesures fiscales (amortissements exceptionnels pour les équipements de prévention, déduction des revenus imposables des sommes consacrées à des réalisations collectives d'épuration) et certains abaissements des tarifs douaniers pour des produits peu polluants comme les pétroles à faible teneur en soufre. Quant aux gouvernements locaux, ils avaient engagé, en 1971, près de 34 milliards de dollars. Pour la capitale, le programme décennal de lutte entrepris en 1971 a été évalué à 700 milliards de dollars, qui proviendront en grande partie du gouvernement central et des émissions d'obligations soumises à l'approbation du ministère de l'Intérieur.

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L'industrie j a p o n a i s e avait pour sa part alloué, en 1970, 5,8 % de ses investissements (4 % aux E t a t s - U n i s , 7,7 % en Suède) aux mesures indispensables, soit 64 milliards de dollars au moins. Ce sont les raffineries de pétrole qui se placent en tête, avec 15 % de leurs investissements ; puis les centrales t h e r m i q u e s (en 1970, les soixante dix-neuf usines existantes avaient d é p e n s é 710 millions de dollars pour les dispositifs de prévention, soit 12,7 % de leurs investissements en biens d ' é q u i p e m e n t ) ; les mines et l'industrie des métaux non ferreux (8,5 %), la pâte à papier (8 %), la pétrochimie (7 %), la construction automobile (6 %), les cimenteries (5 %). D ' a p r è s les e x p e r t s g o u v e r n e m e n t a u x , la participation des entreprises privées devrait être de 30 à 50 % d a n s les projets d'amélioration des eaux de rivière et de lutte contre l'eutrophisation ; de 30 à 70 % d a n s les travaux nécessités par les a f f a i s s e m e n t s de terrains consécutifs aux pompages excessifs ; de 65 % dans le traitement des eaux résiduaires ou de d é c h e t s solides industriels ; de 75 % dans les opérations de dragage des ports et de restauration des sols pollués par des métaux toxiques. La vente totale d ' é q u i p e m e n t s de lutte contre la pollution s ' e s t élevée en 1969 à 53 milliards de dollars et cette branche d'activité, dont le chiffre d ' a f f a i r e s croît de 50 % par an depuis 1965, fait figure de secteur pilote dans l ' é c o n o m i e japonaise. Le taux de croissance, entre 1970 et 1975, des d é p e n s e s totales sera de 34 % environ, ce qui d o n n e r a , en 1975, 570 milliards de dollars, c'est-à-dire qu'elles équivaudront à 3,1 % de l'investissement total privé (7,8 % aux E t a t s - U n i s ) et à 1,2 % du produit national brut (1,1 % aux Etats-Unis). L ' e f f o r t financier devient partout considérable : 1,2 dollar par habitant en République fédérale d ' A l l e m a g n e (0,2 % des d é p e n s e s de l'Etat), 8 dollars en F r a n c e (1 %), 13,5 dollars en Suède (1,16 %) et 36 dollars aux E t a t s - U n i s (2,9 % du budget fédéral). En Suisse, où fonctionnaient, en 1971, trois cent soixante-six stations d ' é p u r a t i o n (la première fut construite en 1916 à Saint-Gall), c o r r e s p o n d a n t à 46 % de la population, les capitaux investis d a n s ce secteur atteignaient 750 à 1 250 millions de dollars. Ils seront probablement à la fin de cette décennie de l ' o r d r e de 2,5 milliards, soit 375 dollars/habitant. Les entreprises doivent supporter les frais de leurs installations d ' é p u r a t i o n , mais elles peuvent déduire des impôts les capitaux e m p l o y é s à la protection des eaux, à raison de

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50 % la première a n n é e et 50 % du reliquat, la s e c o n d e , soit 75 % au bout de vingt-quatre mois. En F r a n c e , si la population c o n c e r n é e par l'épuration domestique collective est de 40 millions d ' h a b i t a n t s en 1970 et de 56 millions en 1985, la d é p e n s e par habitant s'établit pour c h a q u e période respectivement à 12-15 F (3 dollars) et à 13-17 F (3-4 dollars) par an et par habitant. Si l'on souhaite r a m e n e r la pollution déversée par l'industrie de 50 millions d'équivalents-habitants à 20 millions en 1985, il f a u d r a é p u r e r avec une efficacité de 80 % les effluents c o r r e s p o n d a n t à 37,5 millions d'équivalents-habitants, ce qui entraînera des investissements de 40 millions de dollars par an durant quinze ans. L e s d é p e n s e s totales seraient alors de 92 millions de dollars en 1985. L e s crédits engagés en 1970, par le g o u v e r n e m e n t et les entreprises privées ont été, outre-Atlantique, de 3,3 milliards de dollars (94 millions d e dollars avaient été d é p e n s é s , en 1969, pour l'achat d ' é q u i p e m e n t s de contrôle de la pollution de l'air) ; pour la prochaine d é c e n n i e , leur montant total sera de 287 milliards de dollars, c'est-à-dire qu'ils passeront de 10 milliards en 1970 à 33 en 1980. Ces s o m m e s ne paraissent pas excessives lorsqu'on les c o m p a r e au coût annuel des d o m m a g e s c a u s é s . Ces derniers ont été évalués à 13 milliards de dollars dans le cas de la pollution a t m o s p h é r i q u e , soit 52 dollars par an et par habitant ; le budget de lutte contre celle-ci à été estimé à 64 milliards de dollars en cinq ans, tandis q u ' o n pense q u ' u n e réduction d e 50 % entraînerait, outre un bien-être général difficile à apprécier, une économie annuelle de 2 milliards de dollars en raison de la diminution de l'incidence des maladies des voies r e s p i r a t o i r e s 9 8 . Selon l'Institut national de l'hygiène du milieu, les affections attribuées aux facteurs de l ' e n v i r o n n e m e n t p r o v o q u e n t des d é p e n s e s qui s'élèveraient à 35 milliards de dollars par an. L ' é p u r a t i o n des baies, des lacs et des cours d ' e a u nécessiterait 26 à 30 milliards de dollars en cinq ans ; dans l'immédiat, 10 milliards doivent être investis en cinq ans dans les usines de traitement, la construction des réseaux d ' é g o u t , afin que la qualité de l'eau soit c o n f o r m e aux n o r m e s internationales.

98. Science,

28 août 1970.

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2. Les mesures a. En

industrialisés prises et quelques

résultats

spectaculaires

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C'est un décret impérial du 15 octobre 1810 qui classa les établissements industriels 9 9 en trois catégories : ceux qui devaient se situer loin des habitations, ceux qui pouvaient en être proches sous certaines conditions et ceux qui étaient inoffensifs pour leur voisinage. La première révision de ce texte date du 19 décembre 1917, il fut ensuite modifié en 1958, 1961 (loi du 2 août 1961, imposant des normes maximales de pollution atmosphérique à toutes les branches industrielles) et 1963. Le décret du 17 septembre 1963 a trait à des mesures applicables à l'ensemble du territoire français et d'autres concernent des « zones de protection spéciale » ; il intéresse aussi les procédés de combustion et les émanations de gaz. Une nomenclature très détaillée fut adoptée en 1969. A Paris, alors que la consommation de calories augmentait de 50 % entre 1962 et 1969, l'organisation d'un réseau de mesures par le laboratoire d'hygiène de la ville, la création en 1964 de deux zones de protection spéciale et surtout le contrôle de 12 500 chaufferies (sur les 15 000 existantes) en six ans par une dizaine de personnes de la direction de l'habitation, ont fait diminuer en moyenne de 35 % la concentration en anhydride sulfureux, de 40 % celle des fumées, par amélioration des réglages et un meilleur choix des combustibles. En outre, l'économie de ces derniers est de l'ordre de 10 à 15 %. D'autres zones de protection spéciale pourraient concerner des agglomérations comme Lyon ou Marseille ; le réglage systématique des chaudières de chauffage central a été partiellement étendu à Lyon et à d'autres villes ; le prix de revient de ce contrôle a été évalué à 20 000 dollars pour 1 000 chaudières par an. Des stations d'alerte à la pollution atmosphérique seront mises en place d'ici à 1975 dans les principales concentrations urbaines et industrielles (Paris, Rouen, Lacq, Fos, etc.). Il faut également signaler la loi du 16 décembre 1964 contre la pollution de l'eau. Elle a créé des agences financières de bassin, qui fonctionnent effectivement depuis 1969. Elles imposent des rede99. On compte actuellement plus de 200 000 établissements classés appartenant à plus de 420 branches industrielles réglementées par des décrets dont les modalités d'application sont adaptées aux nécessités du progrès et aux exigences de la protection de l'environnement.

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vances aux riverains — collectivités urbaines et installations industrielles — qui polluent les cours d'eau et, avec l'argent ainsi collecté (auquel s'ajoutent les subventions gouvernementales), elles aident les municipalités et les entreprises à construire des stations d'épuration. La France a été découpée en six bassins, dont l'étendue territoriale est fonction de l'importance des fleuves : Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Rhône-Méditerranée et AdourGaronne couvrent des territoires très vastes, alors qu'ArtoisPicardie et Rhin-Meuse sont de dimensions modestes. La gestion de ces agences est assurée par des conseils comprenant les représentants des pouvoirs publics, des élus et ceux de l'industrie qui défendent des intérêts privés. Au 31 octobre 1971, 1 800 stations d'épuration avaient reçu une aide des agences. Celles-ci recevront, en 1975, des redevances de pollution qui s'élèveront à moins de 1,6 dollar par habitant et par an, pour un revenu annuel voisin de 2 600 dollars par tête. Un contrat signé le 29 août 1973, dit contrat de branche, entre le ministère de l'environnement et le Syndicat national des fabricants de sucre, prévoit la suppression aux trois-quarts de la pollution « sucrière » d'ici à 1976 (les 71 sucreries de France, presque toutes situées dans le Nord du pays, sont responsables de 16 % environ de la pollution des eaux par les industries). Un investissement de 100 millions de francs sera nécessaire ; 10 % seront couverts par une subvention exceptionnelle de l'Etat, en plus d'une aide des agences de bassin. Un autre contrat sera signé avec les distilleries, responsables de 15 % de la pollution des eaux d'origine industrielle. En 1972, une convention avait été signée avec les producteurs de pâte à papier. Le gouvernement français, qui a terminé l'inventaire national de la pollution, a fixé, le 30 janvier 1973, un certain nombre d'objectifs : diminution en 1977, d'un quart des résidus et des déchets déversés dans les eaux ; construction par les collectivités et les entreprises industrielles de 10 000 stations d'épuration en cinq ans ; élimination progressive des produits toxiques (réduction de 50 %, en 1974, des quantités de mercure rejetées, et de 90 % en 1977). Une série de dix-neuf propositions, exposées dans un rapport adopté le 14 novembre 1972, tend à défendre les eaux littorales françaises et à leur rendre, dans un délai de dix à quinze ans, leur

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propreté (ce sera déjà le cas, en 1976, pour 2 500 km de rivages et de plages). Cet a m é n a g e m e n t intéresse 17 millions de touristes et d ' e s t i v a n t s ; 75 000 p ê c h e u r s et conchyliculteurs (l'ostréiculture et la mytiliculture c o u v r e n t une superficie de 24 000 hectares). Il s'agit de lutter, dans ces zones, contre une pollution évaluée à 800 t/jour de matières en suspension d é v e r s é e s dans le milieu marin, à une quantité à peu près équivalente provenant des industries, en plus de l'apport des rivières (500 t/jour pour la Seine et 670 t/jour pour le Rhône). L e s rejets d ' h y d r o c a r b u r e s r e p r é s e n t e n t par ailleurs un à deux millions d e t o n n e s par an. Les dispositions envisagées c o m p r e n n e n t la mise en place d ' u n réseau de vingt-cinq laboratoires chargés d e suivre l'évolution de la qualité des eaux, l'interdiction progressive du d é v e r s e m e n t en mer de tous les effluents non traités, le r e n f o r c e m e n t des exigences de sécurité d a n s le cas de l'exploitation du plateau continental, l'organisation de périmètres de protection a u t o u r des parcs à huîtres et à moules, la prescription enfin de dispositifs sanitaires à bord des bateaux dans les ports de plaisance (258 000 navires environ). b. En Grande-Bretagne Des « zones sans f u m é e » ont été créées dans la moitié des régions industrielles ; tout chauffage au c h a r b o n et toute combustion en plein air y sont bannis. En dix ans, le taux de f u m é e dans l'air a diminué de 50 % dans l ' e n s e m b l e du pays et de 75 % à L o n d r e s . Il est vrai que les p r é o c c u p a t i o n s des Britanniques dans ce d o m a i n e ne sont pas nouvelles puisque les m e s u r e s initiales de conservation r e m o n t e n t au 14e siècle : la première o r d o n n a n c e contre la f u m é e date de 1306 en Angleterre et à cette é p o q u e un h o m m e fut pendu en application des lois sur la « propreté de l'air » pour avoir causé une émission de f u m é e en brûlant du c h a r b o n de terre dans la ville de Londres... En 1863, la première loi sur les produits caustiques (Alkali Act) fut promulguée à la suite des vigoureuses protestations contre les d o m m a g e s causés par l'industrie chimique : à cette é p o q u e , en effet, 750 kg d ' a c i d e chlorhydrique étaient libérés dans l ' a t m o s p h è r e pour c h a q u e tonne de c a r b o n a t e de s o u d e synthétisée. De n o m b r e u x a m e n d e m e n t s furent a p p o r t é s et la législation c o u v r e à présent un grand n o m b r e de produits toxiques émis dans l'air. La seconde loi d e 1906 chargeait un c o r p s d ' i n s p e c t e u r s , institué en 1863, de

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contrôler 2 970 processus de fabrication différents dans près de 2 000 usines. Le Clean Air Act de 1956, qui faisait suite à la catastrophe de 1952, établit le Clean Air Council ; ce dernier examine régulièrement trois fois par an, à titre consultatif, les progrès réalisés dans la lutte contre la pollution de l'air. En vertu de cette loi, les autorités régionales et municipales peuvent déclarer la totalité ou partie de leur territoire « zone sans fumée » ; plus de 2 000 décrets ont été pris et 5 millions d'habitations et de locaux commerciaux et industriels affectés par l'interdiction. La loi de 1968 a rendu cette réglementation encore plus efficace et a permis de la faire respecter dans les zones intéressées. Le prix de toute transformation nécessaire des appareils de chauffage est supporté dans une proportion de 30 % par les particuliers, 30 % par les municipalités et de 40 % par l'administration centrale. On espère ainsi réduire sérieusement les coûts annuels directs et indirects de la pollution atmosphérique : 60 millions de dollars (corrosion, blanchissage), 48 millions de dollars (dégâts infligés à l'agriculture, aux industries et aux transports) et 8 à 20 millions de dollars par suite du gaspillage de combustible ; cela représente 26 dollars par an et par habitant dans les zones noires et 13 dollars dans les autres régions. En 1848 parurent les premiers textes relatifs à la pollution de l'eau. Les autorités fluviales, au nombre de vingt-sept en Angleterre et dans le Pays de Galles, ont été établies en 1965 ; elles ont repris les fonctions, en particulier celles relatives à la prévention de la pollution, des trente-deux anciens « conseils de rivières » créés par la loi de 1948. Le Water Resources Board, institué en vertu de la loi de 1963 sur les ressources en eau, coordonne l'action des autorités fluviales. La qualité de l'eau est actuellement vérifiée par un réseau de stations de contrôle automatique, dont la première fonctionne, depuis 1968, sur la rivière Lee qui traverse le Hertfordshire et l'Est de Londres pour se jeter dans la Tamise ; dans dix ans, il y en aura plus de deux cents. Le programme d'épuration de la Tamise passe pour le plus moderne du monde et s'élève à 100 millions de dollars. Vers 1830, on prenait encore du saumon dans ce fleuve, mais à la fin de la seconde guerre mondiale la pollution était à son maximum, provenant en grande partie des cinq grandes stations d'épuration des eaux usées de Londres (10 % seulement étaient dus à l'industrie et 1,5 % environ au débordement des égouts à la suite de pluies

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violentes) ; l'eau chaude des centrales électriques était également responsable. L'assainissement de la Tamise est mené conjointement depuis 1953 par deux administrations : le Conseil général du Grand Londres et le Conseil d'administration du port de Londres. Le premier contrôle les déversements des usines de traitement des eaux et ceux des petits affluents ; le second est responsable de la partie du cours allant de Teddington (limite ouest de Londres) à la mer (148 km). Plusieurs stations doivent être construites, mais en 1973 celle de Beckton a pu traiter complètement 20 % du volume total des effluents avant de les rejeter dans le fleuve. L'amélioration fut sensible dès 1969, puisqu'un concours de pêche organisé au centre de Londres en septembre 1969 a permis de constater dans la basse Tamise la présence d'espèces de poissons d'eau douce assez sensibles à la pollution et qui ne s'y trouvaient plus depuis plusieurs dizaines d'années. On assiste actuellement au repeuplement progressif de cet habitat qu'il n'a pas été nécessaire de réempoissonner ; dans la zone d'eau salée de l'estuaire, des anguilles, des crustacés et des tarets ont également fait leur réapparition. S'il est exclu que le saumon revienne un jour dans la Tamise, les résultats obtenus témoignent déjà d'un effort considérable et exemplaire. c. En Pologne Un projet de loi sur la pollution atmosphérique fut proposé en 1959 et devint effectif en 1966. La pollution de la Vistule est devenue alarmante, en raison des déversements considérables des complexes industriels installés sur son cours, des monts Beskides à la Baltique. Un réseau de stations de prélèvement et d'analyse automatiques a été installé ; toutes les données sont transmises à un ordinateur central qui les enregistre et signale les changements importants. A cet égard la Pologne, qui fut l'une des premières nations au monde à créer en 1952 une faculté se consacrant à l'économie de l'eau (au sein de l'Ecole polytechnique de Varsovie), apparaît comme une « région-pilote ». En effet, chaque secteur fluvial est minutieusement étudié et les dispositions prises concernent non seulement l'épuration mais encore la récupération de plusieurs métaux non ferreux (c'est le cas des 3 200 tonnes de zinc perdues chaque année par quatre usines de fibres artificielles ; du chrome, du cuivre et du nickel). D'après les

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prévisions des spécialistes, il n ' y aura plus en 1985 que 70 km de « rivières-égouts » et un tiers de toutes les rivières polonaises appartiendront à la catégorie des « eaux à truites ». d. En Allemagne La loi allemande sur les détergents, entrée en application le 1 er o c t o b r e 1964, en imposant une biodégradabilité minimale de 80 %, a sérieusement contribué à diminuer la pollution des eaux fluviales et, bien que la Ruhr soit l'une des régions les plus industrialisées du m o n d e , ses habitants peuvent se baigner en été dans cet affluent du Rhin. C h a q u e compagnie é p u r e ses propres effluents ou en confie le soin à un organisme régional ; la plupart ont choisi cette s e c o n d e f o r m u l e ou ont opté pour des techniques plus propres, plutôt que d ' a s s u r e r elles-mêmes le traitement indispensable. U n e loi d ' a v a n t guerre avait en effet autorisé la constitution d ' a s s o c i a t i o n s qui, sous la direction de l'administration, s ' o c c u p a i e n t de tout le problème de l'eau ; tout utilisateur y adhérait et cotisait en fonction de l'importance de ses d é c h e t s ou de ses prélèvements ; elles géraient l'adduction et les stations d e traitement. L ' a m b i t i e u x p r o g r a m m e d ' é p u r a t i o n du Rhin qui parviendra peut-être, en dix ans, à réduire de 80 % l ' é n o r m e pollution de ce grand fleuve, sera réalisé grâce au c o n c o u r s d e l'industrie (60 %), des g o u v e r n e m e n t s provinciaux (Länder) et des c o m m u n e s riveraines (p. 276). e. En Amérique du Nord Au C a n a d a , les r e s p o n s a b l e s croient pouvoir rétablir, dans un délai de cinq ans, la qualité des eaux d u r e m e n t é p r o u v é e par les industries, en particulier celle de la pâte à papier. On a dû en effet arrêter la pêche au s a u m o n dans deux des rivières les plus p o i s s o n n e u s e s de l'est du pays. U n e vaste barrière antipollution a été c r é é e le long des frontières arctiques pour protéger les é c o s y s t è m e s du G r a n d N o r d des méfaits des h y d r o c a r b u r e s . L a loi nationale d e 1969 sur la politique de l ' e n v i r o n n e m e n t a créé au Bureau exécutif du président des E t a t s - U n i s un Conseil pour la qualité de l ' e n v i r o n n e m e n t , chargé de p r é p a r e r et d ' é t u d i e r toutes les m e s u r e s susceptibles de soutenir une politique dans ce domaine. La loi sur l'assainissement des eaux p r o p o s é e pour rénover celle de 1948 devait être dotée de 4 milliards de dollars d é p e n s é s à raison

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de 1 milliard par an entre 1971 et 1973 ; la réévaluation des besoins interviendra en 1975 pour les a n n é e s suivantes. L e s E t a t s et les municipalités fourniront 6 milliards de dollars pour compléter l'action du g o u v e r n e m e n t fédéral. La loi du 20 o c t o b r e 1965 sur l'élimination des déchets solides a permis d ' e n t r e p r e n d r e un vaste p r o g r a m m e dans les domaines de la recherche, de l ' e n q u ê t e , du f i n a n c e m e n t et de l'application des plans d'élimination et de résorption. Est chargé de cette action le Service de l'hygiène de l ' e n v i r o n n e m e n t , rattaché au D é p a r t e m e n t de la Santé, de l'Instruction publique et des Affaires sociales. Des organismes de f i n a n c e m e n t auprès des municipalités pourront placer des e m p r u n t s pour la construction d ' u s i n e s de traitement des résidus. La loi de 1967 sur l'assainissement d e l'air (Air Quality Act) complète celle de 1963 (Clean Air Act) et en a étendu les dispositions relatives à la création aux alentours des principales zones industrielles et métropolitaines, de régions de contrôle de la qualité de l'air. Le D é p a r t e m e n t de la Santé a créé la National Air Pollution Control Administration. Le National Air Surveillance N e t w o r k ( N . A . S . N . ) dispose de 230 stations dont 200 dans les villes, en plus des installations d é p e n d a n t des Etats. Les subventions fédérales aux institutions des E t a t s chargées de la lutte contre la pollution devront être triplées en cinq ans : de 10 millions de dollars à 30 millions en 1975-1976. Depuis la promulgation d e ces lois, un n o u v e a u type d e calcul é c o n o m i q u e a t e n d a n c e à s ' i n s t a u r e r en f a v e u r de la sauvegarde du milieu et en prenant d a v a n t a g e en considération les incidences écologiques et autres. C ' e s t ainsi que le projet d'édification d ' u n oléoduc entre le gisement de pétrole de l'Alaska et.un port situé au sud de cet Etat 10°, a été suspendu en attendant de tirer au clair 100. Le gouvernement américain avait en effet proclamé, en mai 1972, son intention de construire un oléoduc entre les énormes gisements de Prudhoe Bay. au nord-est de l'Alaska (1 500 millions de tonnes de pétrole et 7 000 milliards de m 3 de gaz naturel) et le port de Valdez, près d'Anchorage. sur la côte sud. Cela paraissait le seul m o y e n d'évacuation après les essais du pétrolier brise-glace Manhattan. Les difficultés d'une telle opération sont fantastiques : le tracé de 1 300 km est ardu, il escalade trois chaînes de montagnes, franchit soixante-dix cours d'eau et traverse des zones soumises aux séismes ; transport de 750 000 tonnes de tuyaux par des péniches remontant, à la belle saison, le Mackenzie : creusement des tranchées dans le pergélisol (permafrost) ; réfrigération périodique du gaz, tous les 150 km, pour ne pas faire fondre le sous-sol et éviter une débâcle gigantesque. En 1968, le coût de

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plusieurs questions touchant à l'environnement. Malgré les pressions exercées par les puissantes firmes de construction d'automobiles, l'Agence fédérale continue d'exiger l'application, de 1973 à 1975, des dispositions draconiennes du Clean Air Act, relatives à la pose obligatoire sur les véhicules de systèmes de purification des gaz d'échappement. Elle a par contre reculé au 1er janvier 1979 l'application des recommandations concernant l'aviation : tous les avions à réaction construits après cette date devront réduire de 80 % les émissions d'hydrocarbures, de 60 % celles de gaz carbonique et de 20 % celles d'oxydes d'azote ; pour les moteurs à hélice produits après le 31 décembre 1979, la réduction devra être de 30 % pour les hydrocarbures et de 50 % pour le gaz carbonique ; en outre tous les appareils commerciaux, actuellement en service, devront être modifiés pour répondre aux nouvelles normes d'ici à 1979. Le rapport du Conseil fédéral sur l'environnement, diffusé en août 1972 par la Maison Blanche, signale que la qualité de l'air s'est l ' o p é r a t i o n avait été e s t i m é à 1 milliard d e dollars ; il atteint a c t u e l l e m e n t 3 milliards de dollars, à la suite d e s m o d i f i c a t i o n s a p p o r t é e s p o u r tenir c o m p t e des o b j e c t i o n s faites par les d é f e n s e u r s d e l ' e n v i r o n n e m e n t a r c t i q u e (la c o n s t r u c t i o n d e l ' o l é o d u c a f f e c t e r a en fait 50 km 2 , a l o r s que l ' A l a s k a a une s u p e r f i c i e de 1 518 000 km 2 ). Si les t r a v a u x c o m m e n ç a i e n t en 1974, 62 millions de t o n n e s d e pétrole par an pourraient être t r a n s p o r t é e s à partir de 1977 et 100 millions de t en 1981. L e s r é t i c e n c e s d e s f i n a n c i e r s d e m e u r e n t s é r i e u s e s et elles sont c o m p r é h e n s i b l e s l o r s q u ' o n sait q u ' u n e c a m p a g n e d ' e x p l o r a t i o n s i s m i q u e ou un forage d a n s l ' A r c t i q u e c o û t e n t , par j o u r , 17 000 dollars e n v i r o n , d o n t les d e u x tiers sont c o n s a c r é s a u x frais d e t r a n s p o r t (en F r a n c e , c e s frais ne d é p a s s e n t p a s p o u r les d e u x o p é r a t i o n s 13 500 dollars par j o u r ) . La p r o s p e c t i o n et l'exploitation d e s g i s e m e n t s d ' h y d r o c a r b u r e s d a n s les t e r r e s a r c t i q u e s de l ' A l a s k a , du Y u k o n , d e s T e r r i t o i r e s du N o r d - O u e s t c a n a d i e n s , du G r o e n l a n d d a n o i s et du S p i t z b e r g n o r v é g i e n (7,7 millions d e km 2 au total et 450 000 habitants) r e s t e r o n t t r è s difficiles : la b a n q u i s e s ' o p p o s e à l'installation pour plusieurs a n n é e s des p l a t e s - f o r m e s de p r o d u c t i o n , elle est en o u t r e un sérieux o b s t a c l e à la navigation p e n d a n t la plus g r a n d e partie d e l ' a n n é e ; les îles de glace d ' e a u d o u c e et les i c e b e r g s , en raclant les f o n d s m a r i n s , p e u v e n t p r o v o q u e r d e s é p a n c h e m e n t s i m p o r t a n t s de n a p h t e a u x c o n s é q u e n c e s c a t a s t r o p h i q u e s . L e pétrole de l ' A l a s k a d e v r a i t être a c h e m i n é v e r s Seattle, d a n s l ' E t a t de W a s h i n g t o n à t r a v e r s le détroit J u a n de F u c a , qui c o m m a n d e aussi l ' a c c è s aux villes de Victoria et de V a n c o u v e r . O t t a w a , d a n s le souci d e s a u v e g a r d e r c e t t e région très p o i s s o n n e u s e du littoral de la C o l o m b i e b r i t a n n i q u e , a suggéré, au c o n t r a i r e , d ' i n s t a l l e r un o l é o d u c et un g a z o d u c le long d e la vallée du M a c k e n z i e , qui a b o u t i r a i e n t a u x E t a t s - U n i s via l ' A l b e r t a et le S a s k a t c h e w a n et le pipe-line t r a n s c a n a d i e n , qui écoulerait é g a l e m e n t les h y d r o c a r b u r e s de l ' A r c t i q u e c a n a d i e n . L e s s e r v i c e s du p r e m i e r ministre du C a n a d a é t u d i e n t une solution d e r e c h a n g e , à savoir le c h a r g e m e n t de c o n t e n e u r s d ' u n e capacité totale de 1 000 t o n n e s sous les ailes d ' a v i o n s g é a n t s à huit m o t e u r s , qui feraient la n a v e t t e entre la baie de P r u d h o e et les z o n e s m é r i d i o n a l e s .

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améliorée dans les villes, en 1970 par rapport à 1969, ce qui ne serait pas e n c o r e le cas pour les rivières et les lacs (il faudra, par exemple, dix ans de travaux intensifs pour rendre au lac Erié sa propreté naturelle). A L o s Angeles, malgré la persistance du smog, la pollution a t m o s p h é r i q u e n ' e s t plus que d e 10 % d'origine ménagère et industrielle, alors que d a n s l ' e n s e m b l e du pays cette proportion atteint 40 % en m o y e n n e . Le succès des opérations est en outre particulièrement démonstratif à Pittsburgh. Cette grande cité de Pennsylvanie était c o n n u e , avant 1940, c o m m e la « ville d e la f u m é e » : 500 000 f o y e r s (1 600 000 personnes) brûlaient, pour la plupart, de la houille grasse ; un vaste e n s e m b l e de 1 600 installations industrielles c o m p r e n a n t des aciéries, des cokeries et des cimenteries, des mines de c h a r b o n , largement responsables de la situation, à laquelle contribuaient également les lignes de chemin de fer et d e b a t e a u x à vapeur du c o m t é d ' A l l e g h e n y . La lutte pour l'air pur c o m m e n ç a sérieusement vers la fin d e 1939 et l'action se développa à la suite de l ' o r d o n n a n c e du 1 er o c t o b r e 1946. D e u x ans après l ' e n t r é e en vigueur de celle-ci, la visibilité, dans le quartier des affaires, s'était améliorée de 67 % , alors q u ' e n 1940 elle était de moins d ' u n kilomètre pendant mille heures par an ; en 1970, elle était supérieure à 15 km presque tous les j o u r s ; le n o m b r e de j o u r n é e s ensoleillées avait par ailleurs augmenté de 39 % . Au total, depuis la s e c o n d e guerre mondiale, la f u m é e et la suie furent réduites dans la proportion de 88,8 % (96,6 % pour les f u m é e s épaisses) et on a estimé à 41 millions de dollars les é c o n o m i e s annuelles réalisées par les particuliers en matière de nettoyage et de blanchisserie. L e s investissements t o t a u x nécessités par le changement des c a r b u r a n t s , la pose d'appareils d ' é p u r a t i o n et les modifications des p r o c é d é s de fabrication, ont d é p a s s é , depuis 1946, 380 millions de dollars, dont 25 % f u r e n t d é b o u r s é s par les habitants et 75 % par l'industrie. / . Au Japon Parmi les m e s u r e s d e surveillance de la pollution a t m o s p h é r i q u e , il faut signaler le système d ' a l a r m e d e la préfecture d ' O s a k a . T e r m i n é en 1969, il c o m p r e n d un réseau de 20 stations fixes où sont enregistrées a u t o m a t i q u e m e n t les d o n n é e s météorologiques et les teneurs en anhydride sulfureux et en particules. E n outre, quatre

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véhicules itinérants spécialisés dans la pollution automobile transmettent au service central les renseignements relatifs aux hydrocarbures, aux oxydants et aux oxydes de carbone et d'azote. Lorsque la concentration en bioxyde de soufre est supérieure à 0,2 ppm durant trois heures ou qu'elle est égale à 0,3 ppm pendant deux heures ou à 0,5 ppm pendant une heure, ou encore quand la concentration moyenne sur quarante-huit heures dépasse 0,15 ppm, un message d'alerte est transmis par téléphone à 195 grandes entreprises d'Osaka, qui consomment plus de 70 % des fuels lourds. Elles doivent alors réduire leurs opérations, utiliser des carburants à basse teneur en soufre, de manière à faire baisser de 30 à 50 % les émissions de S 0 2 . Des voitures de patrouille s'assurent que les recommandations sont effectivement appliquées. Un système analogue fonctionne à Tokyo et dans d'autres régions industrielles (Chiba, Hyogo, etc.). Dans la capitale, il existe aussi un dispositif d'alerte au smog photochimique, qui est déclenché lorsque la teneur en oxydants dépasse 0,15 ppm ; en pareil cas, tous les centres médicaux sont prêts à soigner les troubles oculaires et lorsque la situation est jugée critique, les habitants sont priés de ne pas utiliser leurs automobiles et même de rester chez eux. Dans les zones très polluées à développement industriel déjà ancien, on espère en dix ans ramener le taux d'oxydes de soufre à 0,2 ppm pendant 99 % des 8 760 heures de l'année, ou encore atteindre 0,3 ppm après cinq ans. Une réglementation d'urgence précise que les alertes ne doivent pas durer plus de trois jours consécutifs et que les mesures correspondantes ne s'appliqueront pas pendant plus de onze jours par an. On a déjà vu que le Japon s'orientait résolument vers la désulfuration des pétroles, dans l'archipel ou dans les pays producteurs ; que les techniques mises en jeu étaient l'objet de recherches actives et d'améliorations sensibles. Sur le plan sanitaire et social, le ministère de la Santé déclare certaines circonscriptions effectivement sinistrées, ce qui permet aux habitants de bénéficier gratuitement des soins pour les maladies respiratoires attribuées à la pollution atmosphérique (à Kawasaki, c'est le cas pour 28 % de la population). Les coûts des services sont répartis à égalité entre les pouvoirs publics et les entreprises responsables. Des dédommagements ont été en outre distribués à partir de 1971 dans les municipalités : à Kawasaki, pour 448

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citoyens, « victimes de la pollution », une s o m m e de 34 000 dollars devra être versée à leur famille en cas de d é c è s directement lié à la pollution (17 000 dollars dans les a u t r e s cas) ; à Yokkaïchi, les m ê m e s dispositions existent, mais l'indemnisation est seulement de 3 400 dollars. Le m a n q u e d e place a obligé les responsables de l'assainissement à trouver des solutions originales c o m m e les d é c a n t e u r s s u p e r p o s é s d a n s certaines stations d ' é p u r a t i o n de T o k y o et la construction d ' u s i n e s de traitement entièrement c o u v e r t e s . Dans celles-ci, un système d ' a é r a t i o n très efficace expulse les gaz n a u s é a b o n d s à une altitude suffisante, sans a u c u n e gêne pour les citadins du voisinage ; le coût d e f o n c t i o n n e m e n t est sensiblement plus élevé à cause du renouvellement de l'air. La première unité a été réalisée à T o k y o (Ochiai), deux autres à N a g o y a et dans la banlieue d ' O s a k a (Nishinomiya). L'élimination des effluents industriels r e p r é s e n t e un problème considérable : leur volume est prodigieux et leur charge est telle qu'il est souvent indispensable de procéder à des traitements tertiaires. Dans la ville d e Fuji, près de Y o k o h a m a , les d é c h e t s des cent soixante-dix usines de pâte à papier qui assurent 40 % de la production nationale entraînèrent des inconvénients graves pour la riziculture ; par la suite, ils t r a n s f o r m è r e n t le port de T a g o n o u r a , aménagé près de la cité pour recevoir les bois d ' A u s t r a l i e , en un bassin de sédimentation (1 000 t o n n e s de b o u e s par j o u r dans 2 millions de m:i d ' e f f l u e n t s , avec pour c o n s é q u e n c e une diminution de p r o f o n d e u r de l'ordre de 50 cm par an) ; en 1970, seuls les navires j a u g e a n t entre 2 000 et 5 000 t pouvaient accoster, alors q u ' e n 1966 les bateaux de 10 000 t parvenaient à décharger leur cargaison sans difficulté. En février 1971, les opérations de dragage, de séchage et de transport des boues vers des décharges devaient coûter 270 millions de dollars, mais 233 étaient supportés par les industriels. Ceux-ci s'engageaient également à construire des d é c a n t e u r s pour abaisser les concentrations des matières en suspension de 500 à 70 mg/1. Le trait le plus r e m a r q u a b l e de ce projet est la participation des entreprises privées à l ' œ u v r e d'assainissement et de sauvegarde de l ' e n v i r o n n e m e n t , cè qui témoigne d ' u n c h a n g e m e n t d ' a t t i t u d e significatif. La lutte contre l'eutrophisation du lac Biwa, au nord de K y o t o , constitue un exemple en matière de planification et de r e c h e r c h e

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opérationnelle en vue de trouver les r e m è d e s appropriés à ce cas particulier et pouvant s ' a p p l i q u e r à d ' a u t r e s régions du J a p o n . Un contrôle rigoureux est imposé à la commercialisation du riz contaminé par le c a d m i u m . Celui qui r e n f e r m e plus de 1 ppm n ' e s t pas acheté aux p a y s a n s ou seulement dans un souci d ' a p a i s e m e n t social ; pour d e s d o s e s inférieures, l'achat de la céréale n'est pas suivi de son introduction dans les réseaux de distribution. Ce sont là é v i d e m m e n t des m e s u r e s d ' u r g e n c e , en attendant de soulager l'agriculture j a p o n a i s e du lourd fardeau de la pollution (la superficie cultivable r e p r é s e n t e 15,6 % de la totalité du territoire et la surface cultivée est de 0,06 ha/habitant contre 0,23 en Asie, 0,57 en E u r o p e et 0,42 ha dans le m o n d e ; les cultures inondées avec des eaux c o n t e n a n t des m é t a u x toxiques c o m m e le c a d m i u m , les crues f r é q u e n t e s des rivières sont des éléments déterminants). g. La lutte contre l'eutrophisation Les m é t h o d e s de lutte contre l'eutrophisation ont connu d'incontestables progrès et on est p a r v e n u , dans bien des pays, non seulement à des solutions satisfaisantes faisant é c h e c à l'évolution inquiétante du p r o c e s s u s , mais encore à la régénération complète de certains lacs. Outre les traitements relatifs à l'élimination des c o m p o s é s azotés et p h o s p h a t é s {cf. p. 290), les mesures générales d ' a s s a i n i s s e m e n t consistent dans la diversion des effluents, après épuration, vers les émissaires des pièces d ' e a u ou les rivières (cas des lacs bavarois ; Chicago les envoie vers l'Illinois qui est un affluent du Mississipi et non d a n s le lac Michigan) ; d a n s l'édification d ' u n e canalisation périphérique pour intercepter toutes les eaux usées des agglomérations, qui sont ensuite dirigées vers les stations (Bavière, Tyrol autrichien, Annecy). Des techniques particulières sont également mises en jeu : siphonage des eaux p r o f o n d e s (hypolimniques) qui sont de qualité médiocre (Wilersee, d a n s le canton d e Zoug, en Suisse) ; « lavage » ou flushing grâce au débit puissant d ' u n e rivière p r o p r e , dérivée m o m e n t a n é m e n t (Mosses lake, aux Etats-Unis) ; injection d'air c o m p r i m é d a n s l'hypolimnion (lac Pfàffikon, près de Zurich) ; dragage, isolement du fond par un film de substances chimiques ou par d ' a u t r e s matériaux ; récolte des algues, faucardage des plantes aquatiques (il existe actuellement des engins très efficaces : 20 t/heure) ; sélection d ' a n i m a u x c o n s o m m a t e u r s du

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phytoplancton et des herbes (insectes, daphnies, mollusques, poissons herbivores), infestation des cyanophytes par des virus spécifiques. Les dispositions légales intéressent la biodégradabilité des détergents, le remplacement des adjuvants phosphatés, l'interdiction de la phosphorisation (c'est le cas en Suisse, où elle est uniquement limitée aux installations de distribution d'eau chaude), la réglementation des périodes d'épandage des engrais (les recherches faites en Grande-Bretagne, à Rothamsted, ont montré que les cultures profitaient réellement de l'apport de fertilisants pendant quelques semaines seulement, en mai), l'utilisation de fumures minérales à solubilité instantanée moins grande et à meilleure fixation dans les sols (les pertes par lessivage durant la saison humide seront réduites), la plantation de ceintures boisées autour des réservoirs qui servent de « filtres » contre la pollution extérieure. Le 5 octobre 1972, la ville d'Annecy a reçu le Prix européen pour la protection de la nature et l'aménagement du territoire, décerné par un jury international pour la première fois, afin de récompenser les travaux exemplaires entrepris depuis plus de dix ans par cette agglomération et les communes voisines pour sauver le lac (64 m de profondeur). Les signes inquiétants de la pollution de celui-ci apparurent en 1950 : raréfaction des corégones, populations bactériennes importantes, prolifération des algues, nappes d'hydrocarbures. L'urgence des mesures à prendre était d'autant plus grande qu'il s'agissait de protéger l'alimentation des cinq principales communes riveraines, dont Annecy, qui puise à elle seule 40 000 m 3 par jour. Après la création, en 1957, du Syndicat d'assainissement intercommunal, on construisit, en 1962, la station d'épuration des eaux résiduaires, en aval de la cité, qui traite quotidiennement 23 000 m 3 et rejette dans le Fier les effluents beaucoup moins chargés ; une usine de transformation biologique des ordures ménagères, d'une capacité de 180 t/jour ; un collecteur d'égouts circulaire, pour desservir toutes les communes, soit une population de 135 000 personnes, qui intéresse donc un plan d'eau de 27 km 2 représentant un périmètre de 32 km ; des installations de service (4 000 m 2 ) pour les canots à moteur qui jusqu'alors déchargeaient leurs huiles de vidange dans le lac. La transparence de ce dernier s'améliora sensiblement de 5,86 m en 1967 à 7,20 m en 1972. Le plan de sauvetage aura nécessité 60 millions de francs (12 millions de

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dollars), dont 40 % à la charge de l'Etat, 30 % pour Annecy et 30 % pour les autres municipalités. On estime à un peu plus de 25 F (5 dollars) par habitant et par an le coût d'une telle opération d'intérêt public, qui a eu en outre pour conséquences le doublement du nombre des touristes en 1972 (120 000 à 140 000) et la reprise des activités de pêche à la suite de la réapparition des poissons nobles. Une opération analogue, lancée à l'automne de 1973, doit rendre au bout de trente mois ses qualités hydrobiologiques au lac du Bourget, le plus grand de France (44 km 2 , 140 m de profondeur). Ce dernier montrait, depuis plusieurs années, des signes inquiétants de dégradation : diminution importante de la limpidité des eaux, disparition de plusieurs espèces de poissons, etc. Les communes riveraines ainsi que l'agglomération de Chambéry ont décidé, avec l'aide des ministères concernés, d'entreprendre le nettoyage du lac ; elles ont adopté pour cela la solution préconisée par le centre d'hydrobiologie de Thonon, à savoir la construction d'une nouvelle station d'épuration, afin de réduire la pollution par les entreprises industrielles et les foyers domestiques. Les eaux profondes peu oxygénées seront aspirées et remplacées par des eaux de ruissellement fortement aérées, de manière à favoriser à nouveau le développement de la flore et de la faune. Le coût total est estimé à 45 millions de francs (9 millions de dollars), dont 80 % à la charge de l'Etat et 20 % supportés par les collectivités locales. En 1978, tous les rejets dans le lac Léman du côté français seront épurés, d'après un plan en cours d'exécution. A 45 km au nord-ouest de Stockholm, le lac Màlaren (cf. p. 276) a fait l'objet de travaux très importants pour rendre à la baie de Steninge son attrait de lieu récréatif privilégié. Après la mise en service, en 1970, d'un système complexe de conduites et de tunnels qui dérivèrent toutes les eaux usées vers la station de Kàppala, la première phase de la restauration commença en 1972 avec l'édification sur la terre ferme de digues délimitant quatre bassins de décantation de 27 000 m 2 chacun. Le dragage du fond où s'étaient accumulés, en vingt ans, plus de 60 000 m 3 de boue, a permis de retirer la majeure partie de celle-ci à la fin du mois de septembre 1972. Après trois jours de séjour dans les bassins, les eaux sont rejetées dans le lac après floculation et élimination des principales substances eutrophisantes. En 1973 ou 1974, les digues seront détruites et les boues séchées seront peut être mises en culture, si

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les analyses e n t r e p r i s e s en mai 1972 à l'Institut agronomique d ' U p p s a l a ne révèlent pas la p r é s e n c e d ' é l é m e n t s toxiques. Ce p r o g r a m m e c o û t e r a 200 000 dollars, répartis à parts égales entre l'administration suédoise de la protection de l ' e n v i r o n n e m e n t et la c o m m u n e riveraine de Sigtuna. h. La lutte contre la pollution des mers La C o n v e n t i o n de L o n d r e s de 1954 prévoyait que le déballastage et le lavage des soutes ne pouvaient se faire q u ' à plus de 150 milles des côtes. L e s a m e n d e m e n t s de 1962, entrés en vigueur en 1967, interdisent formellement les rejets par les pétroliers de plus de 20 000 t o n n e a u x de j a u g e brute. C e u x qui f u r e n t proposés en 1969 ont étendu cette prohibition aux petits navires j a u g e a n t e n t r e 150 et 500 t o n n e a u x et ils ont porté à 100 milles la largeur des zones interdites. La F r a n c e qui les a ratifiés le 4 février 1972, a adopté le 8 n o v e m b r e 1972 un projet de loi aggravant sensiblement les peines f r a p p a n t les c o n t r e v e n a n t s , mais seulement dans la b a n d e des 12 milles nautiques (21,6 km). Seule la Grande-Bretagne a décidé unilatéralement d ' a r r a i s o n n e r , en d e h o r s de ses eaux territoriales, des b a t e a u x dont les rejets menacent ses côtes. Un accord de coopération pour la prévention de la pollution en mer du N o r d a été signé le 9 juin 1968 par la Belgique, le D a n e m a r k , la F r a n c e , la N o r v è g e , les Pays-Bas, la République fédérale d ' A l l e m a g n e , le R o y a u m e - U n i et la Suède. La première convention internationale définissant les conditions de d é v e r s e m e n t dans les o c é a n s des d é c h e t s industriels, a été adoptée le 13 n o v e m b r e 1972 à L o n d r e s . Les délégués de soixante dix-neuf pays et les o b s e r v a t e u r s de douze autres ont participé à cette c o n f é r e n c e , la cinquième d ' u n e série de réunions c o n s a c r é e s à la pollution des mers, depuis juin 1971. Les E t a t s - U n i s , la F r a n c e , le J a p o n , le R o y a u m e - U n i et l ' U . R . S . S . l'ont signée immédiatement et pourraient l'appliquer, avec une quinzaine d ' E t a t s , dès le milieu de 1973. Le contrôle de l'application du traité, n o t a m m e n t l'imposition de pénalités aux c o n t r e v e n a n t s , sera envisagé après son entrée en vigueur ; un organisme international pourrait être chargé de cette police. L ' a c c o r d précise la nature des produits dont le rejet sera partout interdit : c a d m i u m , m e r c u r e et leurs dérivés, D . D . T . et autres insecticides, certaines matières plastiques, pétrole brut, gas-oil et e s s e n c e , d é c h e t s à forte radioactivité, éléments de

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fabrication des a r m e s biologiques et chimiques. Il é n u m è r e également ceux qui d e v r o n t être soumis à une autorisation préalable : pesticides, c o m p o s é s c o n t e n a n t de l'arsenic, du c h r o m e , du cuivre, du nickel du plomb et du zinc, c y a n u r e s et fluorures, etc. L e s sept pays riverains d e la Baltique ( D a n e m a r k , Finlande, Pologne, République d é m o c r a t i q u e allemande, République fédérale d ' A l l e m a g n e , S u è d e et U . R . S . S . ) se sont engagés à préparer et à signer avant le 1 er avril 1974 une convention destinée à prévenir la pollution de leur mer c o m m u n e . Cette décision de principe a été prise en juin 1973 et fait suite aux sérieuses m e n a c e s qui pèsent sur une mer e x c e s s i v e m e n t polluée, au m o m e n t où des forages e x p é r i m e n t a u x sont entrepris à l'entrée du détroit du S u n d , à l'extrémité méridionale de la S u è d e 1 0 1 . En conclusion, la détérioration actuelle du milieu paraît due en grande partie à l'utilisation continue de m é t h o d e s d'exploitation et d ' é v a c u a t i o n des d é c h e t s , autrefois efficaces mais a u j o u r d ' h u i périmées dans une société à croissance prodigieuse et aux besoins considérables. M ê m e la pénurie probable de certaines r e s s o u r c e s peut être en fait un m a n q u e dans le c o n t e x t e des anciens s c h é m a s d ' a m é n a g e m e n t : il est, par e x e m p l e , de plus en plus difficile de justifier l'usage d ' u n véhicule automobile individuel, fait d ' u n e tonne d'acier et brûlant plusieurs m 3 d ' e s s e n c e par an, alors qu'il y a d ' e x c e l l e n t e s raisons de p r e n d r e des transports en c o m m u n , où la part d e l'individu par rapport aux r e s s o u r c e s est infime. Il est alors nécessaire d ' o p t e r pour un a m é n a g e m e n t intégré qui doit c o m p r e n d r e l'inventaire complet de tous les biens (quantité, qualité, disponibilité) ainsi q u ' u n e planification de l'exploitation par rapport aux besoins et aux c o n s é q u e n c e s sur l ' e n v i r o n n e m e n t .

101. C e t t e c o n v e n t i o n a é t é s i g n é e le 22 m a r s 1974. L a p l u p a r t d e s e s 29 a r t i c l e s c o n c e r n e n t la p o l l u t i o n r é s u l t a n t d e la n a v i g a t i o n m a r i t i m e , c a r la p o l l u t i o n d ' o r i g i n e terrestre paraît plus difficile à contrôler. Les m e s u r e s prises sont plus strictes que d a n s le c a s d e s a u t r e s c o n v e n t i o n s s u r les o c é a n s , c a r il s ' a g i t d ' u n e m e r d e f a i b l e p r o f o n d e u r (55 m e n m o y e n n e ) , f a i b l e m e n t s a l é e (un c i n q u i è m e d e la s a l i n i t é d e l ' o c é a n ) , t r è s f r o i d e , o ù l ' a c t i v i t é b i o l o g i q u e e s t f a i b l e et o ù l ' e a u n e se r e n o u v e l l e q u e t o u s les vingt a n s . C e b a s s i n e s t p a r c o n t r e e n t o u r é d e c e n t r e s i n d u s t r i e l s et a g r i c o l e s i m p o r t a n t s , a v e c u n e p o p u l a t i o n t o t a l e d e p l u s d e 150 m i l l i o n s d ' h a b i t a n t s . L e s m e s u r e s interdisent t o u t e d é c h a r g e de p r o d u i t s solides d a n s l'eau ainsi q u e du D . D . T . . d e s P . C . B . et d e p l u s i e u r s a u t r e s c o m p o s é s t o x i q u e s .

CHAPITRE

VIII

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« Il ne s'agit pas de créer un monde idyllique peuplé de pauvres, mais au contraire un monde décent pour des h o m m e s dignes ». Robert S . Me N A M A R A , président de la Banque mondiale, Stockholm, 8 juin 1972.

L'examen des atteintes à l'environnement attire l'attention sur les trois spectres de la surpopulation, de l'épuisement des ressources naturelles et de la pollution ; les deux dernières menaces sont le résultat d'une croissance économique exponentielle qui, parce qu'elle n'est pas convenablement orientée et contrôlée, parce que ses avantages ne sont pas équitablement répartis, ne semble pas pouvoir apporter les solutions attendues. Le modèle du M.I.T., établi par ordinateur à partir des interactions de ces paramètres, préconise la stabilisation. C'est également en faveur d'une «société stable » que conclut l'ouvrage Changer ou disparaître ; pour cela, quatre conditions principales sont requises : perturbation minimale des processus écologiques, conservation maximale des sources d'énergie et des matières premières, maintien de la population à son taux de remplacement, mise en place d'un système social admettant ces conditions comme nécessaires et bonnes et non comme des contraintes 1 . Car « il y a autre chose à attendre de la vie que de faire des pieds et des mains 1. Ces contraintes paraissent en effet indispensables pour freiner une « évolution sauvage » des sociétés des pays industrialiés, en les faisant admettre c o m m e une libération pour le bien c o m m u n à l'encontre des appétits territoriaux et égoïstes, source de bien des maux.

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pour réussir... Les membres de notre espèce ne sont peut-être pas destinés à se piétiner, s'écraser et se prendre à la gorge comme les y oblige actuellement leur société... » 2 . Déjà en 1952, Sir Macfarlane Burnet, immunologiste australien, Prix Nobel de médecine en 1960, avait brossé un tableau assez sombre de l'avenir de l'homme qui, malgré son « habileté manuelle et visuelle, son intelligence, sa faculté de langage, s'est laissé enfermer dans une série de pièges écologiques ». C'est ainsi que la victoire sur les maladies infectieuses a entraîné l'explosion démographique ; la régulation des naissances pourra faire reculer celle-ci, en faisant naître un autre danger, celui de la détérioration génétique. En 1970 3 , cet éminent biologiste avait tenté de cerner les difficultés de l'époque et signalé les cinq phénomènes principaux responsables d'un chaos général éventuel : la surpopulation, l'épuisement des ressources non renouvelables de la planète, la pollution et la dégradation de l'environnement, la puissance des armes de guerre et la menace de chômage technologique. L'expansion continue et quasi automatique des techniques dérivées du progrès scientifique était directement mise en cause. F.M. Burnet concluait de façon très nette à la nécessité absolue d'une « homéostasie mondiale », c'est-à-dire de tendre vers la réalisation d'un « écosystème humain dynamiquement équilibré et capable de survivre indéfiniment », même si elle peut paraître utopique ! Condamnant les applications militaires et industrielles de l'énergie nucléaire, comme de « sinistres monstruosités », il estime que seule la lumière solaire doit être exploitée, car non polluante et illimitée ; la surveillance étroite des cycles géochimiques, le recyclage des déchets, la compensation de tout déficit sont seuls capables d'éviter des effets catastrophiques ; les objectifs de la médecine ne peuvent être, selon lui, que d'abaisser les taux de natalité au niveau de ceux de mortalité et d'assurer à tous ceux qui n'en bénéficient pas encore des soins de bonne qualité ; il estime indispensable de modifier nos vues, à la lumière des progrès spectaculaires des sciences biomédicales, sur l'euthanasie, l'éradication des maladies génétiques ou l'avortement. La fin de l'ère des grandes découvertes scientifi-

2. J o h n S t u a r t Mill. Principles of Political Economy, 1857. 3. C f . S i r M a c f a r l a n e B u r n e t . Dominant Mammal, M e l b o u r n e , H e i n e m a n n , 1970 ; é g a l e m e n t in Impact ( U n e s c o , P a r i s ) , 22 (4), 1972, p. 331-342.

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ques lui paraissant imminente, F. M. Burnet estime que la r e c h e r c h e scientifique devrait s'orienter vers le contrôle de l'état du milieu physique, biologique et humain, afin de déceler et de réparer tous les d o m m a g e s , en a c c o r d a n t une attention particulière aux zones vulnérables ou m e n a c é e s ; cette surveillance écologique p e r m a n e n t e d e la biosphère exigera e n c o r e n o m b r e d ' i n n o v a t i o n s et de travaux de qualité, qui constitueront à la fois une honnête justification de la science et une condition indispensable à l ' h o m é o s t a s i e planétaire. S. Mansholt qui semble « choisir la révolte de l'Etre contre l'Avoir » 4 et qui ne veut plus être « l'esclave de la croissance », a souligné le p a r a d o x e de celle-ci : « C h a q u e Occidental utilise environ 25 fois plus d ' é n e r g i e et de matières premières que les habitants des pays p a u v r e s . . . Pour être logique avec lui-même, si un pays r e f u s e de diminuer ou de stabiliser sa population parce que c'est aux autres, plus n o m b r e u x , de le faire, il doit, au moins en contrepartie, accepter d ' a b a i s s e r sa propre c o n s o m m a t i o n au niveau des autres. Or les pays riches, au contraire, veulent en plus une croissance continue ». Le président de la Commission des c o m m u nautés e u r o p é e n n e s est certes conscient des obstacles aux changements qu'il préconise, car, au niveau de la production, les d é c o u v e r t e s scientifiques et techniques sont un puissant stimulant pour la fabrication d ' o b j e t s dont l'intérêt pour le plus grand n o m b r e n'est pas toujours évident ; par ailleurs « l'effet de démonstration » pousse les individus ou les nations à copier ceux du haut de l'échelle sociale, incitant à une plus grande c o n s o m m a t i o n au détriment des é q u i p e m e n t s collectifs d a n s les d o m a i n e s de la santé, de l'éducation, de la culture et des loisirs. Dans un ouvrage qui vient de paraître en S u è d e , Avant-après (Before-after), Gôsta E h r e n s v a r d , p r o f e s s e u r de biochimie à l'université de L u n d , se déclare a s s e z pessimiste pour les deux cents prochaines a n n é e s et propose de ce fait un strict rationnement des combustibles fossiles pour abaisser la production énergétique à son niveau de 1970 ; l'arrêt de la confection des « objets de luxe » et de ceux qui ne sont pas nécessaires, y compris tous les matériels de guerre ; la réduction de la c o n s o m m a t i o n des produits alimentaires et une sérieuse amélioration de l'agriculture et de la sylviculture ; le recyclage obligatoire des matériaux ; une priorité aux investigations 4. T h é o d o r e M o n o d , in Le Nouvel

Observateur,

juin-juillet 1972, p. 22-23.

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en génétique et en écologie appliquée. Ehrensvard estime que l'actuelle décennie devrait être celle de la réflexion, la prochaine celle de la planification et la suivante sera alors consacrée à l'action. Pour lui, un problème crucial concerne les besoins en énergie et il affirme que la fusion devra faire l'objet de recherches approfondies et d'investissements très importants. Il préconise aussi de revenir à la navigation à voile pour les bateaux jaugeant jusqu'à 20 000 tonnes : les voiles seraient sous le contrôle d'un ordinateur de bord, afin de tirer le meilleur parti des vents 4 bis . Tor Ragnar Gerholm, professeur de physique nucléaire à l'université de Stockholm, rejoint en partie son compatriote dans un livre paru en même temps et intitulé Spéculations sur des problèmes qui doivent être résolus avant l'an 2 000 (Futurum Exaktum — Continued technical development ? Spéculations on problems that must be solved before the year 2 000). Il estime également que l'énergie nucléaire représente certainement une solution d'avenir, que l'action à entreprendre ne doit pas être différée trop longtemps, que les problèmes démographiques et sociaux sont plus importants que l'épuisement des réserves de houille et de pétrole, que les scientifiques n'ont pas de droits particuliers dans les décisions à prendre, qui sont l'affaire de tous.

C R I T I Q U E DE R .

BARRE

La critique des conclusions de l'étude du M.I.T. a porté sur ses insuffisances (elle n'intéresse que les pays industrialisés, elle néglige les aspects sociaux), sur des inexactitudes de nature méthodologique (par exemple, l'évolution de toutes les ressources naturelles est représentée par une seule courbe) et surtout sur le diagnostic final jugé excessif et partiellement faux. C'est ainsi que R. Barre, vice-président de la Commission des communautés européennes, estime que « si à l'avenir 5 ou 10 % de l'accroissement annuel du produit national brut sont consacrés à la 4 bis. O n a e s t i m é l ' é n e r g i e p o t e n t i e l l e d e s v e n t s à 3 x l O 8 M W . E n 1940, u n e installation p r o d u i s a n t p l u s i e u r s m é g a w a t t s d ' é l e c t r i c i t é fut c o n s t r u i t e d a n s le V e r m o n t et f o n c t i o n n a d u r a n t q u a t r e a n s , g r â c e à l ' é n e r g i e é o l i e n n e (le g é n é r a t e u r d e 1,25 M W avait é t é b r a n c h é d i r e c t e m e n t s u r le s y s t è m e d e f o u r n i t u r e d ' é l e c t r i c i t é à la ville).

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réduction du degré de pollution, il n'est pas inconcevable que l'on parvienne non seulement à arrêter le processus de la dégradation du milieu, mais sans doute aussi à obtenir, en cette matière, des améliorations significatives ». Les secteurs qui réclament une action urgente sont le problème de l'eau, la pollution du Rhin, des côtes et celle due aux automobilistes. Pour ce qui est des ressources d'énergie, la solution réside dans « la mise au point de réacteurs rapides qui, avec les matières fissibles actuellement connues, permettraient de satisfaire les m ê m e s besoins (ceux de 10 milliards d ' h o m m e s ayant un niveau de consommation double de celui qui est actuellement atteint aux Etats-Unis) pendant un million d ' a n n é e s ». Quant à la mise en place d ' u n « plan central européen », cher à S. Mansholt, pour imposer à brève échéance à l'économie un système dirigiste, un renforcement rigoureux des contrôles pour éviter la dilapidation des matières premières, R. Barre est de l'avis contraire : « Lorsque deux cinquièmes du produit national brut transitent par les autorités publiques et échappent au strict contrôle du marché, le problème de la qualité de la vie n'est pas de renforcer les contrôles publics, il est plutôt d'améliorer le fonctionnement des institutions politiques, de rechercher des niveaux de décision plus efficaces, parce qu'ils sont mieux compris et acceptés... Le gaspillage des produits de base pourrait être réduit par une augmentation progressive et modérée des prix, ce qui profiterait aux pays en voie de développement exportateurs ». S'il faut donc pour R. Barre s'opposer à toute diminution de la croissance économique, parce que socialement et politiquement inacceptable en raison de la relative « pauvreté » des nations, des nouvelles aspirations suscitées par la société de consommation, s'il ne faut pas abandonner les priorités anciennes comme le plein emploi et l'accroissement des revenus, il reconnaît toutefois que « les problèmes de nos sociétés peuvent difficilement être posés et résolus en termes de taux de croissance. C'est bien plutôt le type de croissance, défini par la structure de la demande et les conditions de la production, qui doit être adapté à la satisfaction des objectifs divers et souvent concurrents que poursuivent nos sociétés ». Une meilleure orientation doit être préconisée pour encourager un développement ordonné de la C o m m u n a u t é et réaliser un monde meilleur. La seule inquiétude de R. Barre, puisque « les rapports entre l ' h o m m e et son milieu peuvent être maîtrisés », concerne les

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relations sociales, au niveau desquelles « les risques d'explosion par maladresse politique ou par mauvaise gestion sont les plus aigus ». Il semble d'ailleurs que la poursuite de la croissance puisse assurer, dans les pays d ' é c o n o m i e libérale, une relative stabilité sociale ; dès qu'elle se ralentit on enregistre une exacerbation des conflits. La violente opposition aux propositions de l'équipe du M . I . T . réside, selon D. G a b o r , Prix Nobel de physique, d a n s la nécessité imposée à ces nations de sauvegarder leur équilibre social, grâce à une expansion soutenue.

CRITIQUE DE S .

ZUCKERMAN

C ' e s t en d é f e n s e u r de la science et de la technologie que Lord S. Z u c k e r m a n (spécialiste des a n t h r o p o ï d e s , p r o f e s s e u r d ' a n a t o m i e humaine à O x f o r d , secrétaire honoraire d e la Société zoologique de L o n d r e s ; président, de 1965 à 1970, du Comité consultatif du R o y a u m e - U n i pour la science et la technologie) critique vigoureusement l ' é t u d e du M . I . T . Il estime que son diagnostic est a b s u r d e , q u ' a u c u n e des h y p o t h è s e s r e t e n u e s n ' a de rapport avec les faits et les indications empiriques que l'on p o s s è d e sur ces sujets. Il r e p r o c h e surtout aux auteurs de ne pas avoir tenu c o m p t e d ' u n autre type de croissance exponentielle, celle de la c o n n a i s s a n c e . C ' e s t en effet au prodigieux d é v e l o p p e m e n t de la science et des techniques, à cette quête c o n s t a n t e de l ' h o m m e vers l'acquisition de nouvelles d o n n é e s , que l'on doit l'expansion sans p r é c é d e n t de l'instruction durant les vingt-cinq dernières a n n é e s : les besoins d ' u n e maind ' œ u v r e qualifiée et de techniciens pour la r e c o n s t r u c t i o n , à la suite de la seconde guerre mondiale, ont entraîné la multiplication des écoles et des universités ; partout il devenait évident que la connaissance scientifique était une condition nécessaire au progrès é c o n o m i q u e et social ; l'éducation de m a s s e devait aussi profiter des applications d e la science, sous la f o r m e de la radio et de la télévision. Les bienfaits de la médecine r e p r é s e n t e n t une autre contribution m a j e u r e : l'augmentation de l ' e s p é r a n c e de vie a t o u c h é tous les g r o u p e s d ' â g e et d a n s des nations c o m m e la S u è d e , le R o y a u m e - U n i ou les E t a t s - U n i s , la plupart des gens espèrent d é p a s s e r la limite biologique des soixante-dix ans ! D a n s les autres pays, ces améliorations sont également sensibles, p u i s q u ' o n y a

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enregistré une extension considérable du système éducatif, un accroissement de l'espérance de vie qui intéresse surtout les jeunes et ceux qui parviennent de plus en plus nombreux à l'âge de procréer (tableau 16). Certes la pauvreté et la faim affligent des centaines de millions d'êtres humains, mais la situation, estime Lord Zuckerman, serait pire si la science n'avait pas joué son rôle. Il est vrai, d'autre part, que les aspirations des hommes croissent souvent plus vite que les moyens de les satisfaire, ce qui entraîne alors le pessimisme allant jusqu'à dénigrer les mérites de l'industrialisation, de la « révolution verte » et à déclarer que l'humanité se trouve dans une mauvaise passe (predicament of man). Il faut donc tenir au développement scientifique et technique, parce que notre curiosité intellectuelle nous pousse à découvrir, à mieux connaître notre monde et nous-mêmes, parce qu'il faut améliorer la gestion de nos sociétés, parce que nous en avons besoin pour le contrôle et la modification de notre environnement. Dans le cas de la pollution, par exemple, il est clair qu'il ne faut pas la considérer comme une menace qui continuera de croître indéfiniment, car les rivières peuvent être rendues à leur pureté initiale, le ciel redevenir lumineux, l'air plus sain, les paysages plus amènes. Lorsque la première révolution industrielle battait son plein, la Tamise était si polluée que le Parlement ne pouvait siéger lors des grandes chaleurs à cause des odeurs qui s'en dégageaient ; on n'y trouvait plus de poissons, depuis l'estuaire jusqu'au-delà de Londres. Aujourd'hui, elle en renferme plus de cinquante espèces et, en 1971, des truites saumonées ont été pêchées, à la hauteur de Teddington, ce qui ne s'était pas vu depuis un siècle ! Les 4 000 décès, enregistrés en 1952 à Londres, représentent les causes immédiates de la loi de 1956 (Clean Air Act), mais en fait cette promulgation était la conséquence logique des connaissances techniques de l'époque et de la situation sociale qui pouvait supporter le coût de cet aménagement. Dans les années 20 et 30, l'interdiction de la combustion de charbon (auquel l'Angleterre doit une grande part de sa prospérité actuelle) aurait été économiquement impossible ; même l'ouvrier titulaire d'un emploi permanent n'aurait pu se permettre d'utiliser un autre combustible. Le changement n'a été possible qu'à la suite des améliorations techniques, de la baisse du prix du pétrole et surtout de l'accroissement des revenus. C'est donc parce qu'aujourd'hui les

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ressources et les moyens sont disponibles que l'air de Londres et des autres villes du Royaume-Uni est plus pur et que les épais brouillards de la capitale britannique font désormais partie de la légende... Les risques d'empoisonnement par le plomb sont aujourd'hui probablement aussi faibles qu'à n'importe quel moment de l'histoire de l'extraction de ce métal ; mais de nos jours on peut en déceler, comme pour le mercure, des concentrations infimes et donc prendre les mesures de protection adéquates, sans pour cela commettre des bévues dues à l'ignorance, car les hommes de science ont non seulement le devoir de mettre en garde leurs concitoyens et les gouvernements contre les dangers éventuels, mais aussi de corriger les contre-vérités. Au mois de juin 1971, les représentants des pays riverains de la mer du Nord examinèrent le problème du rejet en mer des déchets ; en mars 1972, une convention était signée et les gouvernements s'engagèrent à édicter et à faire respecter la réglementation sur cet aspect essentiel ; pourtant il s'agissait moins de réparer des dommages (les prises de poisson n'avaient subi aucune diminution) que de prévenir. Science et technique sont utilisées non seulement pour les tâches immédiates, mais aussi pour la prévision et l'amélioration prospective. Lord Zuckerman reconnaît qu'il existe des formes de pollution irréversibles ou très difficiles à éliminer et qu'il faut donc empêcher : les déchets radioactifs, la transformation des paysages naturels. Il n'est pas non plus partisan de « forcer » le développement scientifique et technique à tout prix et si, par exemple, l'on parvient à la conclusion irréfutable que les avions supersoniques doivent endommager l'ozonosphère, il faudra alors en interdire la circulation, car « nous sommes des êtres doués de raison et non des fourmis ou des lemmings ! ». La pollution est finalement beaucoup plus un problème social et politique, car ses aspects pratiques sont relativement faciles à maîtriser ; la question importante est en effet de savoir combien nous devons payer pour la réduire, au risque de ne pas faire d'autres choses aussi essentielles ? Il nous faut choisir le type d'aménité de l'environnement qui soit dans nos moyens, en tenant compte des autres demandes nécessaires pour réduire la pauvreté, la maladie et l'absence d'éducation dont nous sommes entourés. L'établissement des priorités exige alors la fixation de normes de pollution, de dommages causés, en tenant compte des réalités de la santé et du bien-être de l'homme et non de la

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Pays

industrialisés

Tableau 16. Données

récentes

sur l'espérance

de vie

E s p é r a n c e d e vie à la n a i s s a n c e Année

Hommes

Femmes

Suède Islande Norvège Pays-Bas

1968 1968 1968 1968

71 71 71 71

ans ans ans ans

8 mois 6 mois 3 mois

76 76 76 76

Danemark Etats-Unis Suisse

1968 1970 1968

70 a n s 70 a n s 70 a n s

8 mois 8 mois 1 mois

75 a n s 70 ans 75 ans

7 mois 8 mois 8 mois

Japon Canada

1968 1968

69 a n s 69 a n s

3 mois 1 mois

74 a n s 75 ans

5 mois 7 mois

Royaume-Uni Irlande Italie France* Nouvelle-Zélande

1968 1968 1967 1968 1968

68 68 68 68 68

ans ans ans ans ans

7 5 4 2 1

mois mois mois mois mois

74 73 74 75 74

ans ans ans ans ans

9 mois 4 mois

Allemagne Belgique Australie Tchécoslovaquie Espagne Pologne

1967 1968 1968 1967 1960 1968

67 67 67 67 67 67

ans ans ans ans ans ans

7 6 5 4 3 1

mois mois mois mois mois mois

73 73 74 73 71 74

ans ans ans ans ans ans

Autriche

1968

66 a n s

6 mois

73 a n s

5 mois

9 5 5 3

73 71 69 71 74

ans ans ans ans ans

6 mois 5 mois 8 mois

ans ans ans ans ans

2 7 7 7 7

Finlande Uruguay Roumanie Portugal U.R.S.S.

1968 1963-1964 1968 1970 1968-1969

65 65 65 65 65

ans ans ans ans ans

Argentine Venezuela Mexique Brésil Mongolie

1965-1970 1968 1965-1970 1965-1970 1965-1970

64 63 61 60 57

ans ans ans ans ans

7 mois 7 mois

70 67 63 60 57

mois mois mois mois

5 mois

ans ans ans ans

5 7 9 6

mois mois mois mois

7 mois 2 mois 9 9 2 8 9

mois mois mois mois mois

mois mois mois mois mois

Turquie

1966

53 a n s

7 mois

53 a n s

7 mois

Egypte

1961

51 a n s

6 mois

53 ans

8 mois

La réflexion sur le Tableau 16. Données

récentes

sur l'espérance

développement

389

de vie (suite)

E s p é r a n c e d e vie à la n a i s s a n c e Année

Hommes

Maroc** Inde

1965-1970 1966

50 a n s 50 a n s

Sénégal***

1965-1970

41 a n s

5 mois

Femmes

50 a n s 50 a n s

5 mois

41 a n s

Source : Annuaire démographique 1971 des N a t i o n s unies ; Organisation mondiale de la S a n t é , Rapport de statistiques sanitaires mondiales, 25 (5), 1972. * L ' é c a r t e n t r e les e s p é r a n c e s d e vie à la n a i s s a n c e d e s d e u x s e x e s est l'un d e s plus é l e v é s au m o n d e . L ' a u g m e n t a t i o n d e s d é c è s par a c c i d e n t s de la route paraît e x p l i q u e r en partie c e t t e é v o l u t i o n : on enregistre en e f f e t , d e p u i s 1960, une élévation de 2 % par an de la mortalité c h e z les j e u n e s h o m m e s d e 10 à 24 a n s ; e n t r e 20 et 24 a n s . la mortalité m a s c u l i n e est d e u x fois et d e m i e s u p é r i e u r e à la mortalité féminine (près d e la moitié d e s d é c è s d ' a d o l e s c e n t s sont d u s à d e s a c c i d e n t s d e la route). ** 45 à 46 a n s en milieu rural et 53 à 54 a n s d a n s les villes (48 à 50 a n s p o u r l ' e n s e m b l e du pays). *** La d i f f é r e n c e de vie entre les d e u x s e x e s n ' e x i s t e pas ici et d a n s les pays non industrialisés d ' u n e m a n i è r e g é n é r a l e , à c a u s e d e s difficiles c o n d i t i o n s de m a t e r n i t é qui s ' y r e n c o n t r e n t .

sensibilité c r o i s s a n t e d e s i n s t r u m e n t s d e d é t e c t i o n . Mais fait-on p r e u v e du s e n s réel d e s u r g e n c e s , l o r s q u ' o n c o n s t a t e q u e les E t a t s - U n i s d é p e n s e n t 20 milliards de dollars par an p o u r a p p l i q u e r les d i v e r s e s m e s u r e s d e p r o t e c t i o n du milieu, alors q u e c e t t e s o m m e r e p r é s e n t e cinq fois le m o n t a n t d e l ' a i d e d e s p a y s riches aux p a y s pauvres ? L o r d Z u c k e r m a n e s t i m e qu'il n ' e s t pas b e s o i n d ' o r d i n a t e u r s p o u r d é c o u v r i r q u ' u n e p h a s e d e c r o i s s a n c e s t a t i o n n a i r e d e l ' é c o n o m i e fait suite à u n e p é r i o d e d e d é v e l o p p e m e n t en raison d e l ' a m e n u i s e m e n t d e s r e s s o u r c e s , d e la p r e s s i o n d é m o g r a p h i q u e et de la d i m i n u t i o n d e s r e v e n u s ; c e t t e notion est en e f f e t aussi vieille q u e la révolution industrielle. Il p e n s e q u ' e n se r é f é r a n t à u n e p é r i o d e q u e l c o n q u e d u r a n t les d e u x c e n t c i n q u a n t e a n n é e s d e l ' h i s t o i r e d e l'industrialisation, on aurait pu p r é d i r e un d é s a s t r e mondial si on avait établi u n e relation e x p o n e n t i e l l e e n t r e la vitesse d e c r o i s s a n c e d e l ' é p o q u e et les r é s e r v e s i n v e n t o r i é e s en m a t i è r e s p r e m i è r e s , d a n s le c a d r e d e s c o n n a i s s a n c e s t e c h n i q u e s d ' a l o r s . Si le d é s a s t r e ne s ' e s t pas p r o d u i t ,

390

Pays

industrialisés

c'est parce que la science n'était pas limitée et il n'y a aucune raison de croire que l'ingéniosité de l'homme ne trouvera pas à temps les solutions à ses difficultés matérielles (elle passe en effet pour exercer un rôle aussi important que l'ensemble des trois facteurs classiques du développement : la terre, le travail et le capital). Ces dernières peuvent être sérieuses, comme certains types de pollution ou encore l'approvisionnement en énergie. Dans ce cas, on a souvent affirmé que l'énergie atomique était la solution d'avenir et quasi illimitée, mais des voix autorisées en ont souligné les dangers ; on ne saurait nier ceux-ci, mais il s'agit de les prendre en considération de façon relative, de calculer ces risques en les comparant à d'autres. Pour conclure, Lord Zuckerman, sans pour autant affirmer que la tendance actuelle mènera infailliblement à un monde meilleur, est convaincu que les atteintes au milieu seront bien plus faciles à maîtriser et à guérir que les problèmes politiques et sociaux, dans un monde qui n'a pas encore réussi à éliminer les guerres, qui pourra être dévasté par les armes nucléaires et qui demeure le théâtre des tensions entre riches et pauvres. A cet égard, il rejoint tout à fait l'opinion de R. Barre. Mais il est pour lui essentiel que les hommes de science et les techniciens poursuivent, dans « un esprit de rigueur et d'optimisme et non dans une mélancolie dictée par les ordinateurs », leurs travaux sur l'environnement. Car, partout, quels que soient les régimes politiques et les idéologies, on trouve le même désir de mieux-être, d'accélération de la croissance économique, associé parfois à un sentiment pesant de frustration. Mais il restera à la civilisation industrielle le soin de régler tous les problèmes ayant trait aux conséquences sociales des modifications apportées par les sciences et les techniques. C'est aussi dans le camp des optimistes et des défenseurs du développement scientifique et technique que l'on doit ranger Sir Peter Medawar, Prix Nobel de médecine 1960 et directeur du Conseil des recherches médicales du Royaume-Uni. Dans le dernier chapitre de son ouvrage, L'espoir du progrès (The Hope of Progress, 1972), dont il emprunte le titre à Francis Bacon, La Nouvelle Atlantide, il esquisse un brillant parallèle entre les apôtres de l'Apocalypse du début du 17e siècle et ceux de nos jours. Il écrit notamment : « Nous nous tordons les mains sur les échecs de la technologie et considérons ses bienfaits comme allant de soi. La

La réflexion

sur le développement

391

détérioration de l ' e n v i r o n n e m e n t produite par la technologie est un problème technologique qui a t r o u v é , t r o u v e et trouvera ses solutions grâce à la technologie. M ê m e l'évolution de la population peut être maîtrisée malgré le bigotisme de certains qui e n t r a v e la progression des investigations ».

CONCLUSION

Si d o n c des savants et des é c o n o m i s t e s se sont élevés contre la sévérité du diagnostic d e l ' é t u d e du M . I . T . , contre le c o n c e p t d e la « nulle croissance » (zéro growth) qu'il implique, contre les contrôles et le dirigisme qu'il sous-entend, pour proclamer leur foi dans la solution des problèmes par la science et la technique, ils reconnaissent le caractère sérieux des incidences sociales et politiques à l'échelle mondiale, ils souhaitent une meilleure orientation, ils a v o u e n t que le d é v e l o p p e m e n t n ' e s t pas une fin en soi mais un m o y e n de parvenir à la santé et au b o n h e u r d e l ' h o m m e dans le respect de son e n v i r o n n e m e n t , ils admettent en fin d e c o m p t e la nécessité de concilier écologie et é c o n o m i e . Cette c o m p l é m e n t a r i t é ne signifie d'ailleurs pas la s t a g n a t i o n 5 , mais au contraire la source d ' i n n o v a t i o n s intéressantes et l ' e x e m p l e suivant, e m p r u n t é à l'allocution de B. C o m m o n e r à un colloque du Conseil de l ' E u r o p e , en 1971, le p r o u v e : « . . . S u p p o s o n s que les eaux usées, au lieu d ' ê t r e d é v e r s é e s directement ou après traitement dans les rivières, soient a m e n é e s des villes aux zones de culture où, après stérilisation, elles sont incorporées au sol. Un tel procédé aurait l'avantage de faire participer la population urbaine aux cycles géochimiques, en restaurant l'intégrité de ces derniers et en réduisant les besoins en engrais minéraux a z o t é s . . . Il faut souligner que l ' a b s e n c e d ' a t t e i n t e à l ' e n v i r o n n e m e n t ne résulte pas dans ce cas d ' u n retour à des conditions primitives, mais au contraire d ' u n e

5. En 1857, J. Stuart Mill écrivait : « Il s e m b l e superflu d'insister sur le fait que le maintien de la population et du capital à un niveau constant ne signifie e n a u c u n e f a ç o n la stagnation d e l'humanité. Il y aurait tout autant que par le passé d e p e r s p e c t i v e s o f f e r t e s au d é v e l o p p e m e n t d e la culture s o u s t o u t e s s e s f o r m e s , au progrès moral, intellectuel et social ; il y aurait toujours autant d e possibilités d'améliorer l'art d e vivre et b e a u c o u p plus de c h a n c e d ' y parvenir. »

392

Pays

industrialisés

innovation technique » 6 . Des d é c o u v e r t e s pratiques analogues rendraient de grands services dans les secteurs suivants : procédés de recyclage pour diminuer la c o n s o m m a t i o n des matières premières de base ; nouvelle conception des produits m a n u f a c t u r é s leur conférant une durée de vie plus longue ; domestication de l'énergie solaire ; lutte biologique contre les parasites ; méthodes contraceptives. Par ailleurs l ' h y p o t h è s e de B. C o m m o n e r est en Chine réalité ! Là on a une réaction naturelle contre le gaspillage, on estime nécessaire et avantageux pour l ' é c o n o m i e de t r a n s f o r m e r les déchets car la notion d'utilité remplace celle du profit. A la suite de l'industrialisation de Changhaï et de l'extension d e son réseau d ' é g o u t s , les rivières Houang-Pu et Su-Chou f u r e n t f o r t e m e n t polluées ; draguées par 90 000 h o m m e s , 40 000 t o n n e s de b o u e en ont été extraites en une centaine de j o u r s . La Revue de Pékin qui relate ces faits, signale qu'elle fut utilisée c o m m e fertilisant après avoir été analysée. Dans le Ha Kung Pao du 17 juin 1971, on note « q u ' à Changhaï 3 450 millions de t o n n e s de résidus de produits agricoles et de détritus ont été récoltés depuis le début de la révolution culturelle et t r a n s f o r m é s ; que 96 variétés de d é c h e t s ont été utilisées en 1970 contre 55 en 1965 » Le 29 juillet 1971, on pouvait lire dans le m ê m e journal : « U n e canalisation pour l'évacuation des eaux résiduaires, longue de dix kilomètres, a été construite à C h a n g c h u n . Elle récolte les effluents q u ' o n d é v e r s a i t , naguère, dans la rivière Yitung qui traverse la ville. Actuellement, 52 000 t o n n e s d ' e a u x usées, provenant des usines et des habitations, irriguent 330 h e c t a r e s de rizières et 1 200 h e c t a r e s d ' a u t r e s cultures. L e s c o m m u n e s

6. U n autre e x e m p l e d ' i n n o v a t i o n e s t c e l u i d e s r e c h e r c h e s sur l'utilisation d e s c a r a p a c e s d e c r u s t a c é s , d o n t les r è g l e m e n t s a m é r i c a i n s sur la p r o t e c t i o n d e s e a u x c ô t i è r e s ont r é c e m m e n t interdit le rejet e n mer. L ' u n i v e r s i t é d e l'Etat d e W a s h i n g t o n et la s o c i é t é F o o d , C h e m i c a l and R e s e a r c h L a b o r a t o r i e s d e S e a t t l e ont m i s au point n o m b r e d e p r o c é d é s d ' u t i l i s a t i o n d e la c h i t i n e , grâce à u n e aide f i n a n c i è r e du g o u v e r n e m e n t fédéral au s e i n du Sea Grant Program. U n e u s i n e pilote installée à S e a t t l e produit une t o n n e d e c e t t e s u b s t a n c e par m o i s , à partir d e s p a t t e s d e s c r a b e s g é a n t s p é c h é s au large d e l ' A l a s k a ; avant l ' e x t r a c t i o n d e la c h i t i n e , les derniers f r a g m e n t s d e chair s o n t t r a n s f o r m é s en c o n c e n t r é s d e p r o t é i n e s . L e p o l y o s i d e a m i n é quant à lui sert d a n s la f a b r i c a t i o n d e s v e r n i s , d e s p e i n t u r e s , d e s f i l m s , d e s a d h é s i f s , d a n s la finition d e s t e x t i l e s : il entre c o m m e ingrédient d a n s la c o m p o s i t i o n d e p r é p a r a t i o n s p h a r m a c e u t i q u e s ( c o n t r e l'acidité g a s t r i q u e , farines et a l i m e n t s pour bébés, coagulants, etc.).

La réflexion

sur le

développement

393

populaires économisent au total environ 3 500 tonnes d'engrais chimiques par an ». Mais si les « zégistes », partisans de la nulle croissance 7 , paraissent aujourd'hui battus par ceux qui refusent ce concept malthusien, ils ont cependant remporté une victoire partielle en obligeant à regarder plus loin que la simple progression du produit national brut. Le développement technique guérira sans doute une bonne partie de la pollution industrielle, mais il faudra trouver plus tard les remèdes à celle des nouvelles industries ; les dérèglements durables

7. L e s u t o p i s t e s étaient d e f a r o u c h e s p a r t i s a n s d e la stabilisation : limitation du n o m b r e d e s c i t o y e n s à 5 040 c h e z Platon (429-437 a v . J. C.), d a n s La République et Les Lois ; du n o m b r e d e s villes ( c i n q u a n t e - q u a t r e d e 6 000 familles c h a c u n e ) d a n s l ' e m p i r e d ' U t o p u s (De optimo republicae statu, deque nova insula Utopica, 1515-1516), c h e z T h o m a s M o r e (1478-1535) ; petites cités c l a i r s e m é e s abritant une population stable (pas plus d e c e n t m a i s o n s par village) c h e z Restif d e L a B r e t o n n e (1734-1806) ; « p a r a l l é l o g r a m m e s » d e R o b e r t O w e n (1771-1858), a v e c mille d e u x c e n t s h a b i t a n t s c h a c u n , où le travail, ses fruits et les b i e n s seraient en c o m m u n s o u s un g o u v e r n e m e n t r e p r é s e n t a t i f (socialism). E t i e n n e C a b e t (1788-1856), disciple de R o u s s e a u , de R o b e s p i e r r e et de B a b e u f , écrivit en 1840 le Voyage en Icarie : I c a r a , la capitale du p a y s , est un Paris s a l u b r e , circulaire, c o m p r e n a n t s o i x a n t e q u a r t i e r s identiques mais a u x c o u l e u r s d i f f é r e n t e s , d e s rues larges et rectilignes. L e s c o m m u n a u t é s u t o p i s t e s sont le plus s o u v e n t e x c l u e s d u r e s t e du m o n d e , afin de ne p a s t r o p croître s o u s l ' e f f e t d e l ' i m m i g r a t i o n et d ' é v i t e r la pollution (Platon avait h o r r e u r d e s m i c r o b e s et rêvait d ' u n m o n d e s a l u b r e et p u r , il voulait a r r a c h e r la cité a u x salissures d u t e m p s ; ce f u t aussi le cas d ' u n u t o p i s t e anglais du 19e siècle, William M o r r i s qui, d a n s ses Nouvelles de nulle part, estimait q u e l ' o n pouvait se d é b a r r a s s e r d e s d é c h e t s et abolir la f u m é e , la p u a n t e u r et le bruit). L e s y s t è m e politique est s a n s f a i b l e s s e , la m ê m e é d u c a t i o n est d o n n é e aux g a r ç o n s et aux filles, les r e p a s sont pris e n s e m b l e à l ' a p p e l d ' u n e t r o m p e t t e . L ' a g r i c u l t u r e est reine, pas d e p r o p r i é t é , pas d e m o n n a i e . Pour p r é s e r v e r l ' h a r m o n i e de l ' h o m m e d a n s son e n v i r o n n e m e n t , la famille est s o u m i s e à l ' E t a t , à l ' o r g a n i s a t i o n ; c e t t e s o u m i s s i o n peut aller j u s q u ' à l ' a n é a n t i s s e m e n t , c o m m e l ' i n f a n t i c i d e , afin d ' a c c o r d e r le n o m b r e d e b o u c h e s à n o u r r i r à la p r o d u c t i o n alimentaire (ce p h é n o m è n e se r e t r o u v e d ' a i l l e u r s c h e z les i n s e c t e s sociaux ; o n l'a o b s e r v é c h e z les rats et d ' a u t r e s r o n g e u r s qui, au-delà d ' u n certain seuil, r é d u i s e n t leurs e f f e c t i f s , en limitant les c o p u l a t i o n s et les n a i s s a n c e s ) . Mais l ' h o m m e n ' e s t pas assimilable à d e s l e m m i n g s et sa r é s i s t a n c e à l ' o r g a n i s a t i o n , à l ' E t a t , n ' é t a i t pas s o u s - e s t i m é e par les utopistes ; son c o m p o r t e m e n t parfois d é s a s t r e u x vis-à-vis de son milieu e n a p p o r t e la p r e u v e s u p p l é m e n t a i r e , puisqu'il a brisé p a r ses fantaisies et ses p a s s i o n s l ' a d m i r a b l e c o n s t r u c t i o n u t o p i q u e . Pour être c o n f o r m e à celle-ci, il n ' e s t pas q u e s t i o n d e se faire à l ' i n é l u c t a b l e d e s t r u c t i o n d e la n a t u r e m a i s , au c o n t r a i r e , de r e t r o u v e r , à f o r c e d ' a r t i f i c e s t o u j o u r s plus variés, le « m é c a n i s m e i m p e c c a b l e de la n a t u r e p r e m i è r e » : c e qui ne va pas s a n s un c o r t è g e de mutilations, d ' i n t e r d i t s , d e s a n c t i o n s et d e r é g l e m e n t a t i o n s . L'écologiste c o n t e m p o r a i n doit ê t r e p a r f a i t e m e n t averti d e c e t t e d u r e n é c e s s i t é .

394

Pays

industrialisés

des é c o s y s t è m e s , la réduction progressive de leur stabilité, seront très difficiles à corriger. « La croissance é c o n o m i q u e à une dimension aboutit à un a c c r o i s s e m e n t des désirs et non à celui du b o n h e u r », a proclamé M m e I. Gandhi à Stockholm et, d e fait, elle multiplie les besoins plus vite qu'elle n ' e n g e n d r e les m o y e n s d e les satisfaire 8 . Cette tendance gêne b e a u c o u p l'élaboration d ' u n e politique permettant d ' a b o r d de servir le plus grand n o m b r e ; en effet, ces nécessités s ' é t e n d e n t très vite à d ' a u t r e s biens et services, désirés par une minorité et dont la production retarde le mieux-être de la majorité. Il y avait en effet, en 1969-1970, plus de gens à souffrir d e la faim, de la maladie et du d é n u e m e n t , q u ' à la fin d e la d e u x i è m e guerre mondiale. Il paraît alors difficile de laisser c o n c e n t r e r les désirs du c o n s o m m a t e u r sur des améliorations de détail, d ' a c c e p t e r un r e m p l a c e m e n t continuel d'articles très vite d é m o d é s , ce qui réduit le temps d'utilisation et entraîne une élévation des prix ; tandis que la plupart des paysans du m o n d e ont besoin de t r a n s p o r t s peu c o û t e u x et de pièces d ' é q u i p e m e n t susceptibles de durer une génération. On c o m p r e n d tout à fait la position d ' I l l i c h 9 lorsqu'il écrit que « les a u t o b u s sont une alternative à la multitude des voitures particulières, l'eau potable est une alternative à une chirurgie hors de prix, des travailleurs médicaux aux médecins et aux infirmières, des entrepôts c o m m u n a u t a i r e s d e nourriture à l ' é q u i p e m e n t onéreux des cuisines » ou encore que « c h a q u e voiture mise en circulation au Brésil interdit à cinquante p e r s o n n e s un voyage confortable en a u t o b u s , c h a q u e réfrigérateur mis en vente a m e n u i s e les c h a n c e s de construire un entrepôt frigorifique c o m m u n , que pour c h a q u e dollar c o n s a c r é à fournir d e l'eau potable on sauverait cent vies ». « Les exigences de la j u s t i c e croissent plus vite que les résultats du progrès é c o n o m i q u e » 10 : les 25 millions d e p a u v r e s des E t a t s - U n i s et ceux des a u t r e s pays industrialisés le prouvent, ce qui a fait écrire à E . Goldsmith que « la croissance n ' a pas résolu le problème de la p a u v r e t é , elle l'a modernisé », la misère matérielle se doublant d ' u n cruel isolement psychologique. Epris de ce m ê m e

8. Cf. R a p p o r t d e l ' O . C . D . E . , Science, croissance et société, 1971. 9. Cf. Développement et Civilisations, 47-48, 1972, p. 156-164. 10. V. G i s c a r d d ' E s t a i n g , R e n c o n t r e s i n t e r n a t i o n a l e s du ministère f r a n ç a i s de l ' E c o n o m i e nationale et d e s f i n a n c e s , Paris. 20-22 juin 1972.

La réflexion

sur le développement

395

idéal, le d o c t e u r H e r m a n E . Daly a affirmé que « pour plusieurs raisons, la fonction la plus importante d ' u n m o n d e équilibré sera de distribuer et non de produire. On ne peut plus éluder le problème de la répartition des biens de ce m o n d e en invoquant la croissance. C ' e n est fini de l'argument selon lequel chacun doit s'estimer heureux tant que son revenu individuel augmente en valeur absolue, m ê m e s'il diminue en valeur relative... L ' é t a t d'équilibre prélèvera moins d e nos r é s e r v e s de r e s s o u r c e s matérielles, mais exigera b e a u c o u p plus de nos r e s s o u r c e s morales ». De m ê m e , l'évolution des nations nanties ne contribue pas à réduire la pauvreté des a u t r e s : le fossé s ' a c c r o î t , car plus les premières s'enrichissent, moins elles aident les secondes. D ' a u t r e part, malgré les efforts accomplis depuis 8 ans, en dépit des réunions de la C o n f é r e n c e des Nations unies pour le c o m m e r c e et le d é v e l o p p e m e n t tenues en 1964 à G e n è v e , en 1968 à N e w Delhi et en 1972 à Santiago, la part du c o m m e r c e du tiers m o n d e dans les échanges internationaux continue de diminuer, alors q u ' o n pensait substituer à l'assistance directe, des relations commerciales nouvelles (trade not aid). En outre, les t e r m e s se dégradent, car on n ' a pas encore réussi à abaisser toutes les barrières douanières dressées par les Etats industrialisés, ni à stabiliser les cours des matières premières dont d é p e n d e n t les é c o n o m i e s des pays p a u v r e s " (parfois m ê m e il s'agit d ' u n seul produit : arachide au Sénégal, coton au T c h a d , fer en Mauritanie, sucre à l'île Maurice, etc.). On est d o n c loin d ' u n milieu é c o n o m i q u e régi, non pas seulement par la sacro-sainte liberté des é c h a n g e s , mais par des principes tenant c o m p t e des disparités de situation, favorisant les exportations des pays en voie de d é v e l o p p e m e n t , à long terme et à des prix leur permettant d ' a s s u r e r l'amélioration du niveau de vie et la protection de leur e n v i r o n n e m e n t . Si l'on veut rester fidèle aux anciennes priorités mais tendre néanmoins vers un réel progrès social, il f a u d r a bien s'orienter vers les secteurs à la fois moins polluants et moins contraignants, c o n s a c r e r 5 % du produit national brut à la lutte contre toutes les f o r m e s de pollution ; la politique du profit maximal devra céder le

11. L e s E t a t s - U n i s et l ' A l l e m a g n e ont m a r q u é leur p r é f é r e n c e p o u r l ' a b a i s s e m e n t d e s droits de d o u a n e de la part d e s pays riches, tandis que la F r a n c e plaide pour l ' o r g a n i s a t i o n internationale des m a r c h é s d e s produits de base.

396

Pays

industrialisés

pas aux investissements collectifs ; l'accès du plus grand nombre aux loisirs, l'égalité des chances, la lutte contre les gaspillages, l'accroissement de l'aide internationale, sont aussi d'autres conditions de ce progrès social et de ce nouvel humanisme. « Peut-être, selon T. Mende, faudra-t-il redéfinir la notion d'efficacité elle-même non pas en termes d'une méthode supérieure de production... mais plutôt comme moyen d'augmenter les satisfactions humaines ».

Ecologie, éthique et politique. Le rôle des hommes de science

« L'humaniste, dans le collège de jésuites ou dans les collèges universitaires, ne faisait connaître à ses élèves qu'un homme simplifié, tronqué... Puisque l'homme fait partie de l'univers, il ne peut l'en abstraire sans le tronquer et le dénaturer. Il ne peut donc se connaître s'il n'a quelque idée de cette nature qui l'entoure et dont il dépend, et des rapports qu'il soutient avec elle... ». Emile DURKHEIM.

Il semble que le temps soit venu pour l'homme de procéder à un réexamen de son rôle dans la nature, de susciter une réflexion intérieure destinée à mieux appréhender la profonde interdépendance régnant dans les systèmes constituant son environnement. Non point que l'on se trouve devant un problème entièrement nouveau ou qu'il ait fallu attendre le dernier tiers du 20e siècle pour découvrir toutes les lois de l'écologie 1 , mais ce qui frappe dans la situation actuelle c'est sa dimension et la prodigieuse accélération des perturbations créées. Cette échelle et cette vitesse rendent prioritaire la révision des types d'action en vue de préserver les équilibres écologiques dont dépendent la vie et le mieux-être de l'humanité. On pourrait encore ignorer où sont les limites à l'exploitation et à la croissance, mais on sait qu'elles existent et 1. D è s le 18e siècle, on soupçonnait l'importance des équilibres naturels, c o m m e en témoigne cet extrait de Essay on Man par Alexander Pope (1732) : « Et si chaque s y s t è m e en son ordre se meut, Et tous sont essentiels au merveilleux ensemble, Mettez quelque désordre en l'un, non seulement Ce s y s t è m e , mais tout l'ensemble doit tomber ».

398

Ecologie,

éthique

et

politique

qu'elles concernent aussi bien la multiplication des populations que l'accroissement des besoins en eau, en sols, en ressources d'origine animale et végétale. A cet égard, des opinions différentes ont cours, mais il serait aussi peu réaliste d'ignorer les prédictions apocalyptiques que de les considérer comme vraies. Il est donc essentiel de parvenir à un certain accord politique 2 au niveau international et de tracer, à partir de conceptions variées et parfois divergentes, un programme concerté à l'échelon mondial. Il devient en effet de plus en plus évident que les incidences de la crise sont planétaires : le rapport de la Suède à la Conférence de Stockholm révèle, par exemple, que 50 % des retombées d'acide sulfurique affectant ce pays proviendraient des émanations de soufre d'autres contrées européennes ; la pollution du Rhin résulte du rejet des déchets de tous les Etats riverains, celle des mers et des côtes par les hydrocarbures est le fait de toutes les nations ; même si certains empoisonnements par des métaux lourds, comme le mercure, sont localisés, on peut, en suivant les chaînes trophiques, en repérer l'origine fort loin. On ne peut donc échapper à cette réalité : l'environnement dont dépend la vie des êtres humains consiste en un réseau complexe de relations, qui est de nature unitaire et dont l'échelle est globale ; l'opération de l'ensemble peut être affectée par tout déséquilibre de l'une des parties ; les interventions de l'homme ont atteint un niveau tel qu'il est devenu le principal responsable de ce fonctionnement. Il doit alors peser toutes les conséquences de ses décisions, afin d'éviter les dangers collectifs et tirer profit des bienfaits de la science et des techniques. Il doit distinguer entre les actions qui affectent les populations directement concernées et celles qui touchent d'autres peuples au-delà des frontières nationales. Non seulement de nouvelles connaissances sont nécessaires à cette fin, mais aussi des critères de choix qui tiennent compte de la disparité des situations : une communauté à faible revenu par tête d'habitant n'envisagera pas de la même manière qu'une société opulente, l'installation d'une industrie sur son territoire. La participation à ces choix de tous ceux qui seront concernés est 2. « La p r o t e c t i o n d e l ' e n v i r o n n e m e n t e s t le d é f i politique d e notre d é c e n n i e », a d é c l a r é H . D . G e n s c h e r . ministre d e l'Intérieur d e la R é p u b l i q u e f é d é r a l e d'Allemagne.

Le rôle des hommes de sciences

399

indispensable, afin que coûts et profits soient équitablement partagés. Car il existe un lien direct entre les attitudes et les c o m p o r t e m e n t s individuels et régionaux, d ' u n e part, et la prise de conscience plus large c o n c e r n a n t toute l ' h u m a n i t é , d ' a u t r e part : c'est le cas entre la volonté des usagers de réduire la circulation automobile et d ' a c c e p t e r le prix des techniques d'amélioration de la combustion ; entre la lutte contre la pollution des océans et le risque de c h a n g e m e n t s climatiques ; entre la santé publique, le bien-être social et moral et l'acceptation des charges résultant des systèmes d ' é p u r a t i o n , de recyclage des produits, des limitations à la croissance des villes, à la localisation des industries, à l'occupation des sols ou à l'accès aux loisirs. La coopération de la science et de la politique sont indispensables à la préservation et à l ' a m é n a g e m e n t de l'environnement de l ' h o m m e , pour l'immédiat et le futur. Elle doit être aussi à l'origine d ' u n e nouvelle éthique, dont la naissance ne sera certainement pas facile. Ainsi, les pays industrialisés devront a p p o r t e r de grands c h a n g e m e n t s à leurs pratiques actuelles et se faire à l'idée de partager les avantages et les responsabilités qui résultent de leur puissant monopole industriel et scientifique. Ces nations se rendent c o m p t e a u j o u r d ' h u i des difficultés liées aux p r o c e s s u s qui leur ont procuré la richesse. Celles qui n ' o n t pas profité des bienfaits de la croissance é c o n o m i q u e doivent poursuivre leur d é v e l o p p e m e n t , par les voies et avec les m o y e n s permettant de préserver la qualité de leur vie. Il leur sera en effet plus facile de c o n s e r v e r ce qu'elles n ' o n t pas encore perdu q u ' a u x autres de récupérer ce qu'elles ont déjà égaré. Cette éthique traduit évidemment le souci de l'indispensable c o m p r o m i s entre les impératifs c o m m a n d a n t un environnement naturel satisfaisant et les ambitions légitimes des h o m m e s et des E t a t s de progresser e n c o r e , dans une plus grande liberté. Un certain n o m b r e de pays, en plus des Etats-Unis, ont d'ailleurs entrepris de se doter des m o y e n s de créer ou de renforcer les études et les r e c h e r c h e s interdisciplinaires, afin d e d o n n e r à ce c o m p r o m i s tout son sens pour le b o n h e u r de l ' h o m m e : en Allemagne (universités de Berlin, H a n o v r e et Mannheim), en Argentine (Fondation Bariloce), en F r a n c e (Centre de recherche sur le bien-être, C . E . R . E . B . E . , à Paris), en Hollande (Institut d ' é t u d e s é c o n o m i q u e s d e Tinbergen, université de Delft), au Japon et en Suisse (Institut Batelle).

400

Ecologie,

éthique

et

politique

L E RÔLE DES HOMMES DE SCIENCE

Leur attitude traditionnelle a été le plus souvent de ne point se mêler des modalités d'application de la science : c'est là une question éthique qui ne semble pas de leur ressort. Mais aujourd'hui ils sont de plus en plus nombreux à penser qu'ils doivent participer, comme spécialistes et comme citoyens, à la conservation et à l'amélioration de l'environnement ; ils estiment également de leur devoir de stigmatiser les torts écologiques commis au nom du progrès scientifique et technique. Le rôle de l'homme de science, comme éducateur, conseiller ou critique, est tout aussi nécessaire, dans ce large secteur, que sa contribution comme chercheur. En effet, l'indispensable action publique et sociale ne réussira qu'à condition d'avoir la compréhension et l'appui de l'opinion publique ; s'ils font défaut, c'est souvent en raison d'un manque d'information, car les problèmes sont complexes, se prêtent aux controverses et à des données contradictoires. Par exemple, la pollution par le plomb provenant de la combustion des carburants oblige à se poser les questions suivantes : quelle est la concentration de plomb supportable dans l'air ? Sur quelles bases établir un seuil de tolérance : au minimum décelable dans le sang ou les tissus ou à l'apparition des premiers symptômes d'empoisonnement ? Si le plomb n'est plus ajouté, fera-t-on usage d'autres composés pour maintenir le taux élevé d'octane (certains produits aromatiques pourraient être cancérogènes) ? Doit-on réduire ce dernier avec pour conséquences une diminution du rendement des moteurs et un accroissement de la consommation d'essence ? On sait, d'autre part, que les normes de sécurité acceptables doivent être nécessairement comparées à celles intéressant d'autres activités humaines analogues : par exemple, les déplacements en automobile et en avion ne sont pas absolument sûrs, mais on pense qu'ils le sont assez pour faire partie de notre vie quotidienne (ce qui n'empêche pas, par ailleurs, de chercher à accroître la sécurité au maximum). En vue d'établir un ordre des priorités et le faire admettre à l'échelon gouvernemental approprié, les citoyens ont besoin d'être aidés afin de pouvoir saisir l'ampleur relative des effets et d'évaluer les risques. Les hommes de science sont en mesure de leur faire apprécier le niveau des problèmes de l'environnement, pour

Le rôle des hommes

de

sciences

401

distinguer par exemple entre les graves conséquences et les corrections mineures. Comme les connaissances nouvelles doivent être ici le point de départ à une action sociale, les scientifiques peuvent jouer un rôle de premier plan dans la présentation claire et l'évaluation précise des cas, avant l'intervention des organes de décision. Si la contribution des biologistes et des écologistes paraît évidente à plus d'un titre, les physiciens ont été parmi les derniers à s'intéresser à ces aspects. Ils peuvent néanmoins participer de façon très active et très utile. Le physicien pourrait estimer que les difficultés résultent non pas du développement technique lui-même, mais plutôt du caractère incomplet de ce dernier, de solutions à des questions posées de manière trop étroite et formulées dans des limites erronées. Dans le domaine de la pollution, où il est souvent difficile d'établir la limite entre une nuisance assez légère et l'intoxication initiale, son apport sera important à la fois pour la mise au point d'instruments et l'exercice de la théorie. Les appareils les plus sensibles sont en effet indispensables à l'édiction de règlements : c'est ainsi qu'ont été réalisés un détecteur de mercure dans les tissus animaux, en appliquant l'effet Zeeman à la technique d'absorption atomique ; un appareil pour la détermination très rapide et très sensible de traces de métaux dans les solides (aliments et tissus), grâce à une application de la spectroscopie nucléaire (fluorescence par les rayons X non dispersive). Familier de la thermodynamique, il est en outre capable de faire comprendre les risques associés à l'exploitation abusive des ressources, de contribuer à l'établissement des priorités relatives à la conservation et au recyclage des plus rares d'entre elles. Dans le secteur des besoins énergétiques, ils sont d'un grand secours, car ils peuvent conseiller et résoudre les difficultés relatives à l'emploi de nouvelles sources, comme l'énergie atomique ou solaire. Le radioélément consommé dans les réacteurs de type classique se trouve en quantité limitée, de sorte que les centrales nucléaires actuelles doivent être plutôt considérées comme faisant partie d'une phase expérimentale. On peut par contre espérer beaucoup des réacteurs (surrégénérateurs) qui produisent plus de combustible qu'ils n'en consomment ; mais leur généralisation devra encore attendre plusieurs décennies. Par ailleurs, l'élimination des

402

Ecologie, éthique et politique

d é c h e t s radioactifs est loin d ' a v o i r reçu des solutions satisfaisantes. La fusion semble être la réponse idéale : l ' h y d r o g è n e nécessaire est en quantité illimitée, la pollution quasiment nulle. Si on savait extraire la chaleur e x t e r n e de la croûte terrestre, on pourrait satisfaire la d e m a n d e pour plusieurs siècles. Les r e c h e r c h e s sur l'utilisation du r a y o n n e m e n t solaire restent actives, mais les applications réduites ; il est toutefois probable qu'elles deviendront plus n o m b r e u s e s , si les sociétés consentaient des investissements du m ê m e ordre que ceux faits dans les techniques de transformation de l'énergie nucléaire.

Conclusion

On peut affirmer que plusieurs atteintes à l ' e n v i r o n n e m e n t sont la c o n s é q u e n c e du d é v e l o p p e m e n t industriel, tandis que d ' a u t r e s découlent, au contraire, de l ' a b s e n c e de d é v e l o p p e m e n t , ou caractérisent des sociétés se trouvant à divers stades de leur croissance. Puisque dans les deux cas, la motivation essentielle est le bien-être de l ' h o m m e , c'est-à-dire plus que sa simple survie, il y a convergence et non conflit entre le d é v e l o p p e m e n t et la qualité de l ' e n v i r o n n e m e n t . Mais alors les questions suivantes viennent aussitôt à l'esprit : d é v e l o p p e m e n t de quoi et pourquoi ? Quelles sont les autres modalités de la c o n s o m m a t i o n ? Combien de biens et de services ? Quels effets secondaires de l'activité économique d e v o n s - n o u s a c c e p t e r ou r e f u s e r ? Quels en sont les avantages à court et à long t e r m e s ? C o m m e n t peut-on établir une relation entre le profit et le coût social ? Q u ' e n est-il des valeurs non quantifiables c o m m e l'esthétique, l ' h a r m o n i e , la quiétude ? Doit-on sauvegarder les traditions et la diversité culturelle ou, au contraire, se résigner au brassage de la société technico-scientifique ? « N o u s verrons p r o b a b l e m e n t arriver une vaste remise en question de notre conception de l'exploitation des ressources et de l'utilisation de l'énergie... N o u s assisterons à la naissance d ' u n e nouvelle philosophie du d é v e l o p p e m e n t . . . qui aura une orientation p r o f o n d é m e n t humaine ». Cette opinion, qui me semble résumer fort bien la situation et qui reflète déjà la réalité dans certains pays, n'est pas celle d ' u n président d ' u n e association conservationniste, mais d ' u n d é f e n s e u r de la science et de la technique, d ' u n grand

404

Conclusion

savant, G. Seaborg, qui s'exprimait ainsi au m o m e n t où il quittait la présidence de la Commission de l'énergie atomique des E t a t s - U n i s . L ' a m é n a g e m e n t de l ' e n v i r o n n e m e n t ne peut plus seulement c o n c e r n e r l'action de l ' h o m m e sur son milieu, le modelage de ce dernier à la suite de p r o c e s s u s aussi variés que la chasse, la pêche, l'agriculture, l'élevage, l'exploitation minière, l'édification de barrages, l'irrigation, l'urbanisation et l'élimination des déchets de toutes sortes. Les c o n s é q u e n c e s de ces activités peuvent être directes ou non, toutes ne sont pas nécessairement voulues, plusieurs s ' a v è r e n t nuisibles. L ' a d m i n i s t r a t i o n de l'environnement doit alors intéresser le contrôle de cette action : on modifie ou on protège, en orientant ou en restreignant le c o m p o r t e m e n t des gens ; c ' e s t ce dernier qui est au centre de l'étude et non plus la nature ou les objets physiques. L ' a m é n a g e m e n t de l ' e n v i r o n n e m e n t est d o n c une entreprise nationale et internationale prioritaire, présentant de multiples aspects, techniques, é c o n o m i q u e s , légaux, politiques et philosophiques ; il c o m m a n d e la collaboration entre plusieurs disciplines ou c h a m p s d'application, c o m m e l'urbanisation, le génie civil, l'épidémiologie, l'écologie humaine et la mise en valeur des r e s s o u r c e s naturelles. Il est rendu nécessaire par les conflits sociaux qui obligent les g o u v e r n e m e n t s à répartir l'utilisation de l'environnement ou à s ' i n t e r p o s e r au cours de son exploitation, par l'urgence des m e s u r e s de protection ou de prévention. Ces deux facteurs qui c o n c o u r e n t à rendre indispensable l'intervention des pouvoirs publics sont souvent en conflit, car une solution écologique a d é q u a t e peut être politiquement irréalisable au niveau des organes de décision et i n v e r s e m e n t . L e s limites à la liberté sont finalement moins celles de la nature elle-même que celles résultant de la poursuite de desseins incompatibles ou c o n c u r r e n t s . Il apparaît en effet que plus les contraintes naturelles sont s u r m o n t é e s par la science, plus l ' h o m m e se voit imposer des freins à ses ambitions. En a c c o r d a n t l ' e n v i r o n n e m e n t à son dessein, il doit aussi s ' a d a p t e r aux c h a n g e m e n t s qu'il introduit ; car c ' e s t parce qu'il a profité j u s q u ' i c i des avantages de la biosphère et développé ses civilisations successives sans c o n s a c r e r assez de temps et d ' e f f o r t s au f o n c t i o n n e m e n t des s y s t è m e s en c a u s e , que ses populations b o u r g e o n n a n t e s et ses d e m a n d e s insatiables c o m m e n c e n t à provoquer des atteintes indélébiles ou très difficiles à éliminer. On n ' a

405

Conclusion

d o n c pas en fait le c h o i x d a n s la gestion de notre é c o n o m i e , puisque celle-ci d e v r a r e s p e c t e r l'intégrité d e s équilibres naturels, c ' e s t - à dire

non

seulement

conditions

les

optimales

protéger,

permettant

mais des

encore

relations

rechercher

les

dynamiques

et

c r é a t r i c e s entre l ' h o m m e et son milieu. 11 faut alors une adaptation é t e n d u e d e s structures

institution-

nelles e x i s t a n t e s , p u b l i q u e s et p r i v é e s ; d e s relations n o u v e l l e s et profondes

1

entre les s e c t e u r s g o u v e r n e m e n t a u x et non g o u v e r n e -

m e n t a u x , dans t o u s les d o m a i n e s p r o f e s s i o n n e l s et t e c h n i q u e s . L e s hommes

qui

prennent

des

décisions,

à

tous

les

niveaux

de

l ' a d m i n i s t r a t i o n , auront b e s o i n d ' e n s a v o i r d a v a n t a g e sur l ' i n v e n taire et la s u r v e i l l a n c e d e s é c o s y s t è m e s , l ' e n r e g i s t r e m e n t , l ' a n a l y s e , l ' a p p r é c i a t i o n et la signification d e s c h a n g e m e n t s qui s ' y p r o d u i s e n t , s'ils

veulent

comprendre

les

choix

qui

s'imposent

à eux.

Les

d i r e c t e u r s d ' e n t r e p r i s e s t e c h n i q u e s et d ' é t a b l i s s e m e n t s

industriels

devront

souhaitent

acquérir

le s e n s

des

priorités

sociales,

s'ils

c o n t r i b u e r à la solution d e s p r o b l è m e s d e s c o m m u n a u t é s h u m a i n e s . C a r , au-delà d e s q u e s t i o n s r e l a t i v e s à une plus g r a n d e é c o n o m i e de n o s r e s s o u r c e s , à la lutte c o n t r e le gaspillage et la pollution, à une plus j u s t e répartition d e s b i e n s , sérieuse

à

celle-ci :

comment

il reste à t r o u v e r trouver

des

une

raccourcis

réponse vers

la

c r o i s s a n c e et é v i t e r les erreurs du p a s s é ? Et pas s e u l e m e n t dans un c a d r e familier, mais surtout dans d e s c o n d i t i o n s é c o l o g i q u e s e n c o r e o b s c u r e s et en tenant c o m p t e d e s g r a n d e s disparités r é g i o n a l e s . Il c o n v i e n t pour c e l a de c r é e r d e s g r o u p e s de travail et de tisser d e s liens entre

des

partenaires

et d e s

secteurs

considérés

jusqu'ici

c o m m e très é t r a n g e r s les uns a u x a u t r e s . Il en est ainsi de la s c i e n c e et d e s h u m a n i t é s : les m o y e n s de f a ç o n n a g e de

l'environnement

a p p a r t i e n n e n t , p o u r une large part, à la p r e m i è r e , tandis q u e les n o r m e s de b e a u t é ,

d'ordre,

d'esthétique,

de bien-être et

même

c e r t a i n s a s p e c t s d e la santé sont du ressort d e s s e c o n d s . E t si la civilisation

industrielle

occidentale

n'a

pas

toujours

réglé

avec

b o n h e u r les p r o b l è m e s d e l ' e n v i r o n n e m e n t , c ' e s t p a r c e que trop

1. Il f a u d r a i t q u e l e s n o u v e a u x c i r c u i t s a d m i n i s t r a t i f s , au lieu d e b r i s e r la c r é a t i o n , d'épuiser

l'imagination

des

hommes,

facilitent

au

contraire

les

échanges

et

les

c o n t a c t s , non point entre des s y s t è m e s , mais entre des vies intérieures, en v u e de t r o u v e r l e s s o l u t i o n s l e s p l u s c o n f o r m e s à c e t a m é n a g e m e n t é q u i l i b r é et r é p o n d a n t a u x b e s o i n s et a u x e s p é r a n c e s d e

tous.

406

Conclusion

souvent les buts et les moyens étaient séparés, alors que l'entité humaine et celle de la société nécessitent une synthèse ou une intégration dans l'attitude à l'égard du monde et de la vie. C'est au contact des humanités et de la science que la politique de l'environnement doit être élaborée, c'est au niveau de cette convergence que l'éducation pourra contribuer à la solution de la crise.

E D U C A T I O N ET

ENVIRONNEMENT

L'éducation, au sens large, peut participer, en agissant sur les croyances, les valeurs et les attitudes, à l'amélioration de l'environnement. Celle-ci dépend en partie d'une meilleure connaissance des systèmes naturels et de leur fonctionnement mais aussi de la compréhension approfondie des tendances psycho-physiologiques de l'espèce humaine. L'organisation de programmes nouveaux, la rénovation des anciens, permettent au niveau universitaire, de mieux percevoir et d'évaluer correctement le sens des changements affectant le milieu. Il est en outre très important que les concepts fondamentaux soient donnés dans l'enseignement élémentaire et secondaire, d'où ils sont restés longtemps absents 2 . 2. Il c o n v i e n t de signaler les a c t i o n s e n t r e p r i s e s , au plan international, par l ' U n e s c o , dont la division d e l ' e n s e i g n e m e n t d e s s c i e n c e s a déjà réalisé un projet d ' a m é l i o r a t i o n d e s p r o g r a m m e s , d e s m é t h o d e s et d e s t e c h n i q u e s d ' e n s e i g n e m e n t de la biologie d a n s les pays en voie de d é v e l o p p e m e n t , particulièrement en A f r i q u e , entre 1968 et 1971. En 1973-1975, l ' a c c e n t sera mis sur l'écologie des p o p u l a t i o n s h u m a i n e s et l ' é d u c a t i o n en m a t i è r e d ' e n v i r o n n e m e n t , t o u j o u r s à l'intention d e s écoles s e c o n d a i r e s . L e s activités de vulgarisation scientifique seront également o r i e n t é e s v e r s c e s e c t e u r , c o n s i d é r é d é s o r m a i s c o m m e prioritaire et qui fait déjà l'objet d ' u n e c o n c e r t a t i o n entre plusieurs d é p a r t e m e n t s de c e t t e o r g a n i s a t i o n internationale ainsi q u e d ' u n e c o o p é r a t i o n étroite a v e c les a u t r e s institutions spécialisées d e s N a t i o n s unies ( F . A . O . , O . M . M . , O . M . S . , s e c r é t a r i a t de l ' O . N . U . p o u r l ' e n v i r o n n e m e n t , etc.). L e s e c t e u r d e s s c i e n c e s sociales, d e s s c i e n c e s h u m a i n e s et de la culture invitera, en 1974, les p l a n i f i c a t e u r s g o u v e r n e m e n t a u x à e x a m i n e r , grâce à un e x e r c i c e de simulation, les c o n s é q u e n c e s sur l ' e n v i r o n n e m e n t d ' u n e n s e m b l e de décisions é c o n o m i q u e s et sociales. O n é t u d i e r a en o u t r e les r é a c t i o n s d e g r o u p e s d ' é t u d i a n t s et d ' a d u l t e s de d i f f é r e n t s p a y s à ces p r o b l è m e s . D a n s le c a d r e d u v a s t e p r o g r a m m e de r e c h e r c h e s qui seront m e n é e s au titre du projet intitulé « L ' h o m m e et la b i o s p h è r e » ( M A B ) , des c o u r s d e f o r m a t i o n d e longue d u r é e , d e s s é m i n a i r e s interdisciplinaires d'initiation, d ' a m é n a g e m e n t , d e s sessions de travail, a u r o n t lieu d a n s les z o n e s c o n c e r n é e s par les investigations et c o n t r i b u e r o n t non s e u l e m e n t à la préparation d e s

Conclusion

407

Mais l'éducation n'est pas seulement scolarisation et instruction, elle signifie aussi un phénomène de masse, une vaste entreprise d'information du plus grand nombre, qui n'exige pas nécessairement la structure et les méthodes de l'école traditionnelle, qui s'adapte à chaque situation particulière et qui est seule capable de changer les attitudes, les croyances ou les valeurs. Même si celles-ci se rattachent à des traditions culturelles, sociales ou religieuses, elles pourront évoluer ou se transformer radicalement, sous l'influence de l'éducation, car tout ce que nous héritons n'est pas aujourd'hui nécessairement bon pour l'aménagement correct de notre environnement. C'est ainsi que des mythes, ou plus exactement des formes de croyance, gênent, dans certaines sociétés, l'effort de conservation. Il s'agit, en premier lieu, de l'affirmation des bienfaits sans réserves de la croissance, du caractère inévitable d'un « progrès » économique incontrôlé (growthmanship) ; cette attitude est profondément enracinée dans la culture américaine et chez beaucoup d'autres nations industrialisées et il ne sera pas facile d'obtenir la transformation de l'obsession d'une croissance quantitative en désir d'un progrès plus qualitatif, au sein d'un système homéostatique.

spécialistes, mais e n c o r e au p e r f e c t i o n n e m e n t d e s e n s e i g n a n t s et de t o u s les c a d r e s i n t é r e s s é s p a r la gestion c o r r e c t e du milieu h u m a i n . U n e r é u n i o n s ' e s t t e n u e à Paris, du 5 au 8 d é c e m b r e 1972, p o u r m e t t r e au point le c a l e n d r i e r d e ces activités f u t u r e s . L ' U n i o n internationale p o u r la c o n s e r v a t i o n d e la n a t u r e et d e s r e s s o u r c e s naturelles ( U . I . C . N . ) et, n o t a m m e n t , sa C o m m i s s i o n de l ' é d u c a t i o n , a o r g a n i s é plusieurs c o n g r è s sur l ' e n s e i g n e m e n t d e l'écologie, la c o n s e r v a t i o n et l ' a m é n a g e ment : à L u c e r n e , en juin 1966 ; à Riischlikon, près d e Z u r i c h , en d é c e m b r e 1971, p o u r les pays e u r o p é e n s . C e t t e union a p a t r o n n é un s é m i n a i r e international c o n s a c r é aux p r o g r a m m e s d e s lycées d a n s les s c i e n c e s de l ' e n v i r o n n e m e n t et à la f o r m a t i o n d e s maîtres, à L o n d o n (Ontario), du 5 au 7 s e p t e m b r e 1972. Elle a s s u r e l ' é l a b o r a t i o n et la publication, a v e c le c o n c o u r s de l ' U n e s c o , d ' u n e série de livres populaires s u r la c o n s e r v a t i o n , en vue d e leur distribution gratuite aux e n f a n t s d e s écoles de p a y s d ' A f r i q u e , d ' A s i e et d ' A m é r i q u e latine. Elle p r é p a r e enfin une r é u n i o n m o n d i a l e , en 1975. sur l ' é d u c a t i o n d a n s c e d o m a i n e , en m ê m e t e m p s q u ' u n r a s s e m b l e m e n t a n a l o g u e organisé par l ' U n e s c o et l ' U . I . S . B . p o u r l ' e n s e i g n e m e n t de la biologie. Plus de c i n q u a n t e r é u n i o n s sur d e s s u j e t s d ' i m p o r t a n c e p o u r l ' e n v i r o n n e m e n t ont été o r g a n i s é e s , en 1972, par les U n i o n s , les c o m m i s s i o n s et les c o m i t é s du Conseil international d e s u n i o n s scientifiques ( I . C . S . U . ) . L ' O r g a n i s a t i o n m é t é o r o l o g i q u e m o n d i a l e ( O . M . M . ) a publié d e s p r o g r a m m e s p o u r la f o r m a t i o n de t o u t e s les c a t é g o r i e s de p e r s o n n e l , n o t a m m e n t d a n s les d o m a i n e s de la climatologie, de l ' a g r o m é t é o r o l o g i e , d e l ' h y d r o m é t é o r o l o g i e et de l ' o c é a n o g r a p h i e ; des c o m p e n d i a en climatologie et en b i o m é t é o r o l o g i e agricole ont été d i f f u s é s d a n s les p a y s en voie de développement.

408

Conclusion

Tout aussi ancré est ce déterminisme technico-économique qui s'exprime dans l'interjection : « On ne peut pas arrêter le progrès ! », alors que bien des innovations coûteuses et non indispensables n'apportent guère de bénéfice social et risquent, au contraire, de nuire au confort, à la vie privée et peut-être même à la santé. Le relativisme culturel, quant à lui, encourage la diversité des cultures et la tolérance à l'égard de celles-ci, mais peut conduire à des conceptions excessives commes celle de certaines gens cultivées et instruites qui s'opposent vigoureusement aux efforts des conservationnistes, alors qu'elles marquent nettement en privé leur préférence pour un environnement d'une singulière qualité. La psychologie de « l'homme de la frontière », de celui qui défriche un territoire nouveau et inconnu, est encore vivace en Amérique du Nord et se retrouve dans les pays en voie de développement, au Brésil par exemple ; le résultat est souvent une exploitation égoïste qui, lorsqu'elle s'accompagne d'une technicité avancée, devient une force considérable, à bien des égards nuisible à l'environnement. L'éducation paraît seulement en mesure d'apporter les changements nécessaires et pourrait tirer profit des moyens très rapides de communication et de diffusion de l'information. C'est ainsi que la Au plan régional, les sessions de formation sur l'aménagement de l'environnement des campagnes et des villes de l'Institut de développement économique et de planification en Afrique (I.D.E.P., à Dakar) méritent d'être signalées comme de très heureuses tentatives de repérage des problèmes et de solutions concertées dans des régions présentant des affinités bioclimatiques et économico-sociales. Les colloques de l ' O . C . D . E . , du Conseil de l'Europe, concernent non seulement les aspects techniques de coopération et de lutte contre la pollution, mais encore l'éducation du public scolaire et des populations. Celui d'Aix-en-Provence, en novembre 1972, a porté sur la sensibilisation aux problèmes de l'environnement à travers l'enseignement ; soixante-dix spécialistes de l'enseignement primaire et secondaire de seize pays différents ont estimé qu'il ne fallait pas créer une matière nouvelle mais que c'était à travers les disciplines déjà enseignées que devait s'inscrire une certaine manière de considérer l'espace rural ou urbain ; que l'environnement n'était pas une profession, mais un ensemble de préoccupations devant accompagner l'élève lors de son futur métier. L'information, l'éducation et la formation ont été également au centre des débats de la Conférence européenne des ministres de l'environnement qui s'est déroulée à Vienne du 28 au 30 mars 1973 : susciter une certaine préoccupation sans annoncer de cataclysmes gigantesques, induire un nouveau comportement pour retrouver des équilibres, lutter contre l'indifférence et faire mesurer la valeur du patrimoine à conserver, telles ont été les conclusions marquantes. Un cours prévu pour les professeurs des écoles secondaires s'est déroulé, en juillet 1972, à Wilhelminaoord (Pays-Bas), sous l'égide de la section de l'Europe du nord-ouest de l ' U . I . C . N . Des programmes d'enseignement détaillés ont été élaborés pour plusieurs niveaux ainsi que pour les maîtres.

Conclusion

409

modification radicale de l'opinion publique à l'égard du contrôle de la croissance démographique n'a demandé que quelques années dans plusieurs pays.

Au plan national, d a n s les E t a t s industrialisés s u r t o u t , mais aussi d a n s les pays du tiers m o n d e ( q u o i q u e à un m o i n d r e degré), n o m b r e u s e s s o n t les initiatives d e r é n o v a t i o n p é d a g o g i q u e , d e vulgarisation et d e sensibilisation aux s u j e t s intéressant le d é v e l o p p e m e n t et l ' e n v i r o n n e m e n t . A u x E t a t s - U n i s , l ' A m e r i c a n Institute of Biological S c i e n c e s ( A . l . B . S . ) et la C o n s e r v a t i o n F o u n d a t i o n sont p a r t i c u l i è r e m e n t actifs ; ils ont publié, en 1972, par l ' i n t e r m é d i a i r e d e la C o m m i s s i o n d e l ' e n s e i g n e m e n t d e s s c i e n c e s biologiques, un inventaire d e t o u s les é t a b l i s s e m e n t s universitaires qui f o n t une place privilégiée à l ' e n v i r o n n e m e n t , aussi bien du point d e vue d e la c o n n a i s s a n c e du f o n c t i o n n e m e n t d e s é c o s y s t è m e s n a t u r e l s q u e d e s implications s o c i o - é c o n o m i q u e s de leur e x p l o i t a t i o n . T r e n t e universités et f a c u l t é s n o r d - a m é r i c a i n e s d é l i v r e n t , par e x e m p l e , d e s d i p l ô m e s en c o n s e r v a t i o n d e s sols et d e s e a u x (on c o m p t e , d a n s c e d o m a i n e , 15 000 spécialistes d a n s les s e c t e u r s public et privé). L ' e x e m p l e d e celle du W i s c o n s i n , sur le c a m p u s d e G r e e n B a y , au b o r d du L a c Michigan, est u n i q u e d a n s la m e s u r e où t o u s les e n s e i g n e m e n t s ont été o r g a n i s é s a u t o u r d ' u n t h è m e central : l ' h o m m e et son e n v i r o n n e m e n t . L e s q u a t r e collèges c o n s t i t u a n t l ' u n i v e r s i t é c o r r e s p o n d e n t à d e s t h è m e s et non à des disciplines traditionnelles ( s c i e n c e s d e l ' e n v i r o n n e m e n t , biologie h u m a i n e , s c i e n c e s sociales et c o m m u n i c a t i o n c r é a t r i c e ) . L a f o r m a t i o n en écologie d i s p e n s é e a u x é t u d i a n t s d e s trois c y c l e s est t r è s l a r g e m e n t interdisciplinaire. D u r a n t l ' é t é d e 1965, c e n t quatre-vingts s e s s i o n s d e f o r m a t i o n s f u r e n t o r g a n i s é e s a u x E t a t s - U n i s , s o u s l'égide d e s institutions u n i v e r s i t a i r e s , à l'intention de q u e l q u e s c e n t a i n e s d e p r o f e s s e u r s de l ' e n s e i g n e m e n t s e c o n d a i r e , l ' a m b i t i o n finale é t a n t d e sensibiliser les 750 000 d ' e n t r e eux qui ont la c h a r g e d e plus d e 50 millions d ' é l è v e s . En U . R . S . S . , l ' U n i v e r s i t é d e T o m s k a é t é la p r e m i è r e à i n t r o d u i r e , en 1949, un c o u r s sur la p r o t e c t i o n d e la n a t u r e , au sein d e la faculté d e s S c i e n c e s biologiques et p é d o l o g i q u e s , s ' a d r e s s a n t à t o u s les é t u d i a n t s n a t u r a l i s t e s de 5 e a n n é e ; il a été é t e n d u , d e p u i s 1965-1966, à c e u x d e 4 e a n n é e . C e t t e e x p é r i e n c e doit être d é v e l o p p é e à la suite d e la loi s u r la p r o t e c t i o n d e la n a t u r e a d o p t é e d a n s la R é p u b l i q u e f é d é r a t i v e de R u s s i e . E n T c h é c o s l o v a q u i e , une o p é r a t i o n a n a l o g u e a été m e n é e à partir d e la f a c u l t é d e Pédagogie de l ' U n i v e r s i t é P u r k y n e de B r n o , et c ' e s t à P r a g u e q u ' e n 1973 l ' U . I . C . N . p a t r o n n e r a à l ' a t t e n t i o n d e s ingénieurs un s é m i n a i r e international sur la c o n s e r v a t i o n du milieu. En Pologne, trois instituts universitaires et d e u x écoles p o l y t e c h n i q u e s ont d e s e n s e i g n e m e n t s o r i e n t é s vers la c o n s e r v a t i o n de la n a t u r e et les p r o b l è m e s du p a y s a g e . C e rôle est rempli, en R é p u b l i q u e d é m o c r a t i q u e a l l e m a n d e , par un institut d e Halle, qui a q u a t r e a n n e x e s et qui fait partie d e l ' A c a d é m i e d ' a g r i c u l t u r e de Berlin. En G r a n d e - B r e t a g n e , il n ' y avait g u è r e , a v a n t 1949, d ' o r g a n i s m e s c o m p r e n a n t s u r t o u t d e s écologistes. A partir d e c e t t e d a t e , c e n t q u a t o r z e r é s e r v e s n a t u r e l l e s et d e u x mille sites choisis p o u r leur intérêt scientifique particulier, f u r e n t délimités, a v e c p o u r c o n s é q u e n c e s la c r é a t i o n , à l ' U n i v e r s i t é d ' E d i m b o u r g , d ' u n d é p a r t e m e n t d e f o r e s t e r i e et d e s r e s s o u r c e s n a t u r e l l e s , d ' e n s e i g n e m e n t s spécialisés aux u n i v e r s i t é s d e L o n d r e s , D u r h a m , A b e r d e e n et B a n g o r . Il f a u t signaler, a u x P a y s - B a s , l ' e n s e i g n e m e n t pluridisciplinaire organisé à l ' u n i v e r s i t é d ' A m s t e r d a m , à partir d e 1971-1972, et qui englobe t o u s les a s p e c t s i n t é r e s s a n t l ' a m é n a g e m e n t d e l ' e n v i r o n n e m e n t . Ce d e r n i e r fait é g a l e m e n t l ' o b j e t d ' u n c o u r s d ' u n e a n n é e , en F r a n c e , d a n s les u n i v e r s i t é s d e Paris, T o u l o u s e et Montpellier.

410

Conclusion

L'éducation, dans sa double fonction de préparer à la vie et d'action sur cette dernière, pourra rendre l'homme maître de son ingéniosité, pour trouver les meilleures voies de liaison entre les moyens et les buts et pour évaluer objectivement le rôle des instruments que la science lui confère ; en vue finalement de façonner un monde où s'instaureront de nouvelles relations entre les populations humaines et leur environnement, conformes à une éthique, d'où seront à la fois exemptes l'idolâtrie mystique de la nature et l'arrogance du technocrate. Département de Biologie végétale. Faculté des sciences, Université Mohamed V, Rabat, juin 1973.

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Liste des tableaux

1 . Répartition d a n s le m o n d e d e la p r o d u c t i o n d e q u e l q u e s essentielles. (1971)

denrées 39

2 . M o d i f i c a t i o n s i n t e r v e n u e s d a n s la c u l t u r e d e s c é r é a l e s e n t r e 1948 et 1971 3 . Principaux c o n t a m i n a n t s m i c r o b i o l o g i q u e s d e s d e n r é e s alimentaires. 4 . Principales rongeurs

maladies

humaines

transmises

par les i n s e c t e s et

les 67-69

5 . D o n n é e s s t a t i s t i q u e s sur la population m o n d i a l e .(1970-1972) 6 . Répartition d e s pays en f o n c t i o n d ' a c c r o i s s e m e n t naturel (1970) 7 . T a u x brut (1970-2000)

40 62-66

de

reproduction

et

des taux

bruts

de

74-82

natalité

et 90

espérance

de

vie

par

régions 93

8 . E s t i m a t i o n d e la population u r b a i n e et son taux a n n u e l d ' a c c r o i s s e m e n t (%), par régions (1970-2000)

94

9 . P o u r c e n t a g e relatif à la répartition par âge d e la population totale de d i v e r s e s régions (1970, 1985 et 2000)

97

10 . E v a l u a t i o n de la population totale et t a u x a n n u e l s d ' a c c r o i s s e m e n t par régions (1970, 1985 et 2000) 11 . M e s u r e s d e f é c o n d i t é et de mortalité en A f r i q u e (1969-1970)

98 104-105

12. T a b l e a u - d i a g r a m m e sur la f é c o n d i t é totale m o y e n n e par f e m m e d a n s quelques pays

106

13. Sélection de c a r a c t é r i s t i q u e s d é m o g r a p h i q u e s , é c o n o m i q u e s et sociales d e 22 p a y s du tiers m o n d e , en relation a v e c le d é v e l o p p e m e n t d e s p r o g r a m m e s d e planification familiale

112-115

14. V a l e u r s m o y e n n e s d e c e r t a i n s c r i t è r e s s o c i a u x , é c o n o m i q u e s et sanitaires, p o u r trois g r o u p e s d e pays c l a s s é s par p o u r c e n t a g e estimatif d e s f e m m e s m a r i é e s d ' â g e r e p r o d u c t i f ( F . M . A . R . ) p r a t i q u a n t la c o n t r a c e p t i o n en 1970

126-127

15. C a r a c t é r i s t i q u e s d é m o g r a p h i q u e s et é c o n o m i q u e s d e s p a y s e u r o p é e n s (1970, 1971 et 1972)

184-185

16. D o n n é e s r é c e n t e s s u r l ' e s p é r a n c e d e vie

388-389

Liste des figures

1. V a r i a t i o n s de la p h o t o s y n t h è s e potentielle n e t t e en f o n c t i o n du climat

34

2 . P r o d u c t i o n n e t t e de d i v e r s é c o s y s t è m e s n a t u r e l s et agricoles, en zone tropicale et t e m p é r é e

36

3 . E v o l u t i o n de la c o n s o m m a t i o n d ' a c i e r (en kg par tête et par an) . .

55

4 . C o u r b e t r a d u i s a n t la c r o i s s a n c e d é m o g r a p h i q u e m o n d i a l e

84

5 . A s s i s t a n c e d e s p a y s du C o m i t é d ' a i d e au d é v e l o p p e m e n t ( C A D . ) de l ' o r g a n i s a t i o n d e c o o p é r a t i o n et de d é v e l o p p e m e n t é c o n o m i q u e s ( O . C . D . E . ) , en 1971

155

6 . C o m p a r a i s o n de trois p y r a m i d e s de population : G r a n d e - B r e t a g n e , en 1891 et 1960, M a r o c en 1971 et E t a t s - U n i s d ' A m é r i q u e en 1970 . . .

163

7 . E v o l u t i o n du Etats-Unis

168

taux

de

croissance

annuel

de

la

population

des

8 . E v o l u t i o n p r o b a b l e d e la population d e s E t a t s - U n i s : p r o j e c t i o n s en fonction d e d e u x h y p o t h è s e s (3 ou 2 e n f a n t s en m o y e n n e par famille)

169

9 . Eau et p r o d u c t i o n végétale

197

10. Evolution de la p u i s s a n c e d e s d i v e r s engins utilisés par l ' h o m m e . .

204

11 . Energie et agriculture : r e m p l a c e m e n t du travail animal par les engins à m o t e u r , a u x E t a t s - U n i s , e n t r e 1920 et 1960 •...

205

12. E v o l u t i o n , a u x E t a t s - U n i s , d e la c o n t r i b u t i o n d e s divers c o m b u s t i b l e s à la p r o d u c t i o n de l ' é n e r g i e

207

13. E v o l u t i o n , aux E t a t s - U n i s , de la part relative d e s d i f f é r e n t s s e c t e u r s consommateurs d'énergie

208

14. L a c o n s o m m a t i o n d ' é n e r g i e d a n s respective des différentes sources

le

monde

et

la

contribution 210-211

15. L e s r e s s o u r c e s m o n d i a l e s d e houille et de lignite

214

16. Evolution de la p r o d u c t i o n de c h a r b o n d a n s le m o n d e

215

17. L e s r e s s o u r c e s m o n d i a l e s de pétrole

216

18. E v o l u t i o n d e la p r o d u c t i o n de pétrole d a n s le m o n d e

217

19. Evolution de la c o n s o m m a t i o n de l ' é n e r g i e

222

2 0 . Progression de la c o n s o m m a t i o n j o u r n a l i è r e d ' é n e r g i e par tête au c o u r s de six p h a s e s d e l ' é v o l u t i o n de l ' h u m a n i t é

224

Liste des figures 21 . C o n s o m m a t i o n é n e r g é t i q u e et produit a n n u e l brut par tête

225

2 2 . L e s r é s e r v e s m o n d i a l e s de lithium 23. Evolution probable l'atmosphère

de la c o n c e n t r a t i o n

419

232 de gaz carbonique

dans 255

2 4 . C y c l e du c a r b o n e d a n s la b i o s p h è r e

256

25 . L e c y c l e du s o u f r e

259

26 . R é a c t i o n s de f o r m a t i o n et de dissociation de l ' o z o t e , d ' a p r è s la t h é o r i e photochimique 27 . A c c r o i s s e m e n t de la c o n c e n t r a t i o n en p h o s p h a t e d a n s les e a u x d o u c e s

272 282

28 . C y c l e d e l ' a z o t e . Répartition q u a n t i t a t i v e et t r a n s f e r t s a n n u e l s d e l ' a z o t e d a n s la b i o s p h è r e

285

2 9 . E v o l u t i o n de la c o n s o m m a t i o n d ' e n g r a i s d a n s sept régions du m o n d e

286

3 0 . L e s c h a m p s p é t r o l i f è r e s d e la m e r du N o r d

317

31 . D i s p e r s i o n d e s pellicules huileuses à la s u r f a c e d e s o c é a n s

320

3 2 . L ' a c c u m u l a t i o n du D . D . T . le long d e s c h a î n e s a l i m e n t a i r e s

330

Table des matières

INTRODUCTION

1

L A C O N F É R E N C E DE S T O C K H O L M

8

P R E M I È R E PARTIE

DÉVELOPPEMENT

ET

ENVIRONNEMENT

DANS

LES

PAYS

NON

INDUSTRIALISÉS Chapitre

I.

L E S ATTEINTES A L'ENVIRONNEMENT

A . L'érosion B . Surexploitation et dégradation des écosystèmes

19

20 22

1. Déforestation et steppisation

22

2. L'exploitation des ressources de la mer. L'aquiculture

24

3 . La « révolution verte »

28

4 . Les limites de la productivité des écosystèmes

32

5 . La demande alimentaire mondiale

38

6 . Le déficit en protéines

46

7 . « L'écocide »

51

C . Surexploitation des ressources naturelles non renouvelables

54

D . Mauvaise préservation des récoltes et des aliments

56

E . Surconcentration des moyens de production

57

F . Habitat insalubre et problèmes de santé

57

G . Mauvais état nutritionnel

70

H . Insuffisances et inadaptation de l'environnement culturel et social .

71

i Table des matières Chapitre

421

I I . C R O I S S A N C E DÉMOGRAPHIQUE, URBANISATION ET ENVIRONNEMENT

83

A . Exposé sommaire d'un cas particulier : la population marocaine . . .

85

B . La transition démographique

88

C . Planification familiale et limitation des naissances : résultats et insuffisances

100

1. L'Afrique tropicale : région de forte fécondité et d'attitudes pro-natalistes

102

2 . L'Afrique du Nord : région de transition

108

— Les programmes de planification familiale au Maroc et en Tunisie

110

3 . L'Extrême-Orient

111

4 . Conclusion : politiques démographiques et développement

123

D . Urbanisation et développement communautaire

128

E . Croissance démographique et environnement

137

C h a p i t r e I I I . LES SOLUTIONS

141

C h a p i t r e I V . CONCLUSIONS

153 D E U X I È M E PARTIE

DÉVELOPPEMENT INDUSTRIALISÉS Chapitre

ET

ENVIRONNEMENT

DANS

LES

PAYS

V . CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE ET URBANISATION

160

A . La transition démographique dans les pays industrialisés

160

B . Limitation des naissances et méthodes contraceptives

165

C . Nouvelles tendances de la recherche sur la reproduction humaine et la contraception

174

D . Population, ressources, environnement

182

E . Urbanisation et environnement

183

— Les villes nouvelles américaines Chapitre

VI.

189

L E S RESSOURCES NATURELLES

195

A. L'eau

195

B . « La crise de l'énergie » 1. Les

formes

d'extraction

évolution 2 . Les sources d'énergie

203 et

d'utilisation

de

l'énergie ; leur 203 208

3 . La « crise de l'énergie »

219

4 . L'énergie nucléaire

226

422

Table des

matières

5 . L e s risques de l'utilisation d e l ' é n e r g i e a t o m i q u e

231

6 . L'hydrogène

236

C . La fragilité d e s é c o s y s t è m e s artificiels

238

C h a p i t r e V I I . L A POLLUTION

242

A . S y s t è m e s é c o n o m i q u e s et pollution

244

B . La pollution d a n s les p a y s non industrialisés

246

C . L a pollution de l'air

248

1 . Le gaz carbonique

254

2 . L ' a n h y d r i d e s u l f u r e u x , l ' a c i d e c h l o r h y d r i q u e et les f l u o r u r e s . . .

257

3 . L e p l o m b et a u t r e s m é t a u x t o x i q u e s

263

4 . L e s m e s u r e s de c o n t r ô l e d e la pollution par les a u t o m o b i l e s . . .

266

5 . N o r m e s de qualité d e l'air

269

6 . L ' a v i o n s u p e r s o n i q u e et l ' o z o n o s p h è r e

270

D . La pollution d e s e a u x

274

1 . L'eutrophisation

279

a . F u m u r e du sol et engrais b . L e s s i v a g e et précipitations

érosion

des

281 sols

cultivés.

Apports

par

les 288

c . Les eaux usées domestiques

289

d . Les détergents

290

e . L e s e f f l u e n t s industriels

294

f . Conclusions

295

2 . Métaux lourds

296

3 . N o r m e s r e c o m m a n d é e s p o u r la qualité d e l ' e a u p o t a b l e

300

4 . L a pollution t h e r m i q u e

301

E . La pollution d e s m e r s

302

1 . L e s pollutions d ' o r i g i n e c o n t i n e n t a l e

303

2 . L a pollution p a r les h y d r o c a r b u r e s

312

F . L a pollution d e s sols

322

1 . L ' u s a g e abusif d e s biocides et la p o l é m i q u e à p r o p o s du D . D . T .

322

2 . L a lutte biologique et la lutte intégrée

336

3 . L e s m é t a u x l o u r d s et la diminution d e la p r o d u c t i v i t é végétale .

342

4 . L e s d é c h e t s solides

343

G . L e s « e x p l o s i o n s n u c l é a i r e s » et la pollution r a d i o a c t i v e H . La lutte c o n t r e la pollution 1. L e s m o y e n s d ' a c t i o n : o r g a n i s m e s , b u d g e t s , i n v e s t i s s e m e n t s . . . .

348 354 357

423

Table des matières 2.

L e s m e s u r e s prises et q u e l q u e s résultats spectaculaires

364

a.

En F r a n c e

364

b.

En G r a n d e - B r e t a g n e

366

c.

En P o l o g n e

368

d . En A l l e m a g n e

369

e.

369

En A m é r i q u e du N o r d

f . A u Japon

372

g.

375

L a lutte c o n t r e l'eutrophisation

h . L a lutte c o n t r e la pollution d e s mers

Chapitre

VIII.

LA

378

R É F L E X I O N SUR L E D É V E L O P P E M E N T

380

C r i t i q u e de R . B a r r e

383

C r i t i q u e d e S. Z u c k e r m a n

385

Conclusion

391

E C O L O G I E , ÉTHIQUE ET POLITIQUE.

LE

R Ô L E D E S H O M M E S DE S C I E N C E

397

L e rôle des h o m m e s d e s c i e n c e

400

CONCLUSION

403

E d u c a t i o n et e n v i r o n n e m e n t .

BIBLIOGRAPHIE

DÉVELOPPEMENT

SOMMAIRE

EN

LANGUE

ET D ' E N V I R O N N E M E N T

406

FRANÇAISE

SUR

LES

PROBLÈMES

DE

411

L I S T E DES T A B L E A U X

417

L I S T E DES F I G U R E S

418

Achevé d'imprimer sur les presses de L'IMPRIMERIE CHIRAT 42540 Saint Just la Pendue en septembre 1974 Dépôt légal 1974 N° 1175