De la Fidélité ISBN 10: 2700730526 / ISBN 13: 9782700730524

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De la Fidélité
 ISBN 10: 2700730526 / ISBN 13: 9782700730524

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DlRIGÉE

SPRIT R.

LE SENNE

DE OEUVRES DE PIlILOSOPHES CONTE1,IPORATNS l'Etre. Consentement de l'Esprit. HENRI GOUIIlER' Le 'I'héiltre et l'Existence. JEAN GUITTON; Essai sur l'amour humain. L'Existence temporelle. LACIIIEZE-REY; Le IIiIoi, le Monde et Dieu. LAVELLE: La Présence totale. - De l'Etre. - De l'Acte. Du Temps et de l'Éternité. - De rAma humaine. LAVIGNE : L'lnquiétude humaine. LE SENNE: Obstacla et Valeur. I\ÜCGREGOR: Les frontiéres de la Morale et de la Religion. lVIARCEL: Etre el Avoir. - Homo Viator. - Le Mystére de l"Etre (2 voL). MINKOWSKI: Vars une Cosmologia. lVIOROT-SlR: La Pensé e N égative. - Philosophie el Mystique. NÉDONCELLE: Vers une Philosophie de l"amour. - La Ré·· ciprocité des Consciences. - De la fidéiité. NOGuÉ: La Signification du Sensible. PALIARD: Théoreme de,la Connaissance. PRADlNES : Esprit de la Religion. RICOEUR: Philosophie de la Volonté. RUYER : Le Monde des Valeurs. SClIUWER : La signification métaphysique du suicide. WALDER : L'Existence profonde.

ABIÉ

a

TRADUCl'IONS Esprit et BERIlIAEFF: Cinq Méditations sur l'Existence. Réalité. - De l'Esclavage et de la Liberté de ]'Homme.Essai da Métaphysique Eschatologique. - Le Sena de l'Histoire. : Alciphron ou le Pensa-Menn. BRENTAl'iO : Psychologie du point de vue empirique. ECKIIART : Traites st Sermons. FICHTE: La Destmation de ¡'Ramma. - Initiation la vis bisnheureuse. HARTMANN : Les Principes d'une métaphysique de la connaissance, 2 vol. in-S. F. HEGEL: Phénoménologie de l'Esprit, 2 vol. in-8. Esthétique, 4 vol in-S. ,onnO,",'UHW : Crainte et TrembJement. ROYCE : Philosophie du Loyalisme. SCHELER: Le Sens de la Souffrance. - La situation de l'homme dans le monde. - Mort et Survie. - La Pudeur. SCIACCA : Le probleme de Dieu et de la Religion dans la philosophle eontemporaine. WHITEHEAD: Le Devenir de la Religion.

a

HISTOlRE DE LA PIIlLOSOPlIIE

J. BECK : La Méthode synthétique d'Hameliu-. B~RGER : Le Cogito de Husserl. DUMÉRY : La Phílosophie de l'acHon. GIÍRARD: La Métaphysíque de Paul Decoster. GUITTON : Pascal el Leibniz GUEROULT: Descartes salon l'ordre des raisona (2 y( : Gsnese et structure de la Phénuuénologie

AUTEUR

DU

La Réciprocité des consciences. Essai sur la nature de la personne (Aubier). La Personne humaine et la nature (presses Universitaires de France). Vas une Philosophie de l'amour (Aubier). lntroduction

a l' esthétique

France).

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COLLECTION DIRIGÉE PAR L. LAVELLE El'

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AUBIER ÉDITIONS MONTAIGNE, 13, QUA! CONT!, PARUl

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SENNE

Copyright 1953 by Éditions Montaigne Droits de reproduction interdits pour tous pays.

AVANT-PROPOS complete de la Ces pages ne sont ni une fidélité ni un recueil de recettes pour résoudre les ca:;; de conscience embarrassants. n suffirait a l'auteur y trouvat un premier essai de description logique el un effor! de lucidité morale. Le chapitre initial est destiné a fixer quelques notions de base. Pour ne pas en aHonger la rédaction, je n al pas eraint de luí laisser un aspeet peut-etre un peu austere et des subdivisions apparentes. Les suivan!s montreront que mon dessein n'était pas d'en rester a une définition purement a priori de la fidélité. Puisqu'un avant-propos doit prévenir les contresens, je dirai enfin qu'en cherchant a quelles conditions une fidélité intégrale est possible j'ai suspendu cette fidélité a un ordre transcendant, mais n'ai pas voulu démontrer l'existence de cet ordre. Ayant suivi aiHeurs, a mes risgues et périls, un chemin vers l'absolu 1, je n'ai pas cru nécessaire de recommencer id la meme tentative.

l.

La récipl'ocité des consciences, pp. 87-125.

CHAPITRE PREMIER

LES ÉLÉMENTS FORMELS DE LA 1. EMPLOIS DIFFÉRENTS DU MOT FIDÉLITÉ.

Nous parlons de la fidélité en des cas tres différents. Nous disons par exemple qu'Emmanuel Kant était fidele a sa promenade quotidienne, que Rodrigue était fidele a I'honneur, et aussi qu'il était fidele a Chim?me; que le chien esl un animal fideIe a son maltre; que la France restera fidele a ses engagements; et que M. le Curé est content des fideles de sa paroisse. n est évident que nous avons dans ceHe énumération parcouru des formes diverses el meme disparates de fidélité : tanto! il s'agit de choses, tantOt il s'agit d'idées, tantot enfin il s'agit de personnes qui sont l'objet de la fidélité. Et du coté du sujet, la diversité existe ausai puisque l'etre fideIe peut etre un homme ou un animal. L'acte enfin de la fidélité est surement autre quand il s'agit d'une routine ou d'une exaltation hérolque ou d'un effort volontaire. Laissan! de coté le cas du chien, bornons-nous a la fidélité que peut connaltre et manifester l'homme. Nous aurons peut-etre plus tard a interroger les comportements de la nature pour y saisir les ébauches de la fidélité humaine et éclairer indirectement notre propre psychologie. Mais essayons d'abord et pour le moment de savoir quelle es! la structure commune aux formes de fidélité 7

8

RÉFLEXIONS SUR LA FWÉUTÉ

se rencontrent dans que soH leur que BoH en enes toutes des éléments sont-ils P 2. -

humaine,

FmÉLITÉ ET FOI EN UNE VALEUR.

n semble tou! d'abord que la fidélité, comme son étymologie, comporte une foi. Et je prends le nlOt au sen s de croyance. Cette croyance peut etre raisonnée ou non, selon les cas; mais on n'est pas fidele si on n'est pas convaincu et si, tristement ou gaiement, on n'adhere pas a sa conviction comme a quelque chose de ferme. Maintenant, que croit-onP On croit y a une valeur, c'est-a-dire une excellence a préférer OU, si l'on veut, une préférence qu'il van! la peine d'avoir. Si nous nons en tenons (comme il le faut dan s ce chapitre) a une définition générale, nous ne pouvons préjuger la nature de eette valeur; nous devons Nre prets a admettre qu'elle peut etre tout a faH hétérog?me a d'autres valeurs selon les caso En particulier, HOUS devons nous interdire de penser que les valeurs concretes de la fidélité soient toujours des valeurs nobles. I,e bandit a ses baremes d'appréciation et peut entreprendre de s 'y tenir aussi bien que le saint tíent a sa sainteté. II y a une fidélité au mal, a la laideur, a l'infidélité meme. Et toutes ces especes de croyancespratiques se présentent d'abord comme aussi concevables les unes que les autres, bien que la réflexion ou l'expérience sincere doive ensuite montrer la disparité de leurs services et de leuT destino Nous voici donc pour commencer devant la muHitudé des aUachements qui sollicitent la multitude des hommes. D'emblée, nous pouvons toutefois y apercevoir un ordre, cal' le mécanisme de la valeur se dédouble en quelqlle

ÉLÉlII:ENTS F'ORlII:ELS DE LA FmÉUTÉ

9

sorte au sein de toute fidélité et luí une élémen. faire structure, il y a la valeur que la conscience saisit comme un ou dans un que cet se rapporte directement ou non a l'etre du (ainsi je peux etre fidele a a la géométrie, a un mauvais exemple, a une mode budesque, a un style de vie aristocratique, etc ... ). Dans tous les cas, j'estimerai que les valeurs dont je fais choix sont dignes d' etre adoptées : je crée ces valeurs ou au contraire je les regois, mais elles me paraissent, par définition, avolr du prix, Ensuite, il y a la fidélité a la fidélité meme, considérée non comme une simple maxime de vie mais comme une retalion de la conscience avec elle-meme dans le temps. Saint Augustin raconte que son ami Alypius ne vonlait pas aller au cirque. Mais il se laissa entrainer un jour; et d'un seul coup, il devint un adepte passionné de ces sortes de spectacles. Au fond, c'est a sa propre nature qu'i! résistait el c'est elle qu'il a suivie : il s'est épris de son acte meme des le premier acte, bien plus que du combat des gladiateurs. Dans cet exemple, il ne s'agit plus, comme tout a l'heure, d'un tableau de valeurs a contempler, mais d'une valeur vécue et tout a falt inhérente a la fidélité meme puisqu'elle en est le cceu!' el la vie. Cet aspect intérieur de la fidélité ne dépend, a la limite, que de lui-meme et a cet égard ne peut varíer. Sous la diversité des valeurs objectí. vement choisies, on trouve toujours la disposition commune qui est d'etre fideIe. C'est la part subjective de la valeur, ceHe quí exprime l'apport de nos tendances et leur autonomie. Pourtant, la fidélité a la fidélité, meme si elle était pure, ne nous affranchírait jamais du regne des valeurs objectives et de ses lois. Cal' la fidélité ne peut se déve-

10

RÉFLEXIONS SUR LA FmÉUTÉ

M'''''cmTI_ hon du meilleur mais l'oeuvre de ce moi, tecture qui s'édifiait grace a lui. Ce que nous appelé le « style de vie» comporte en effet ces éléments : une obéissance et une construction, un et une réponse, un don et un travail. c) Visée éternelle de la promesse. La promesse implique la foi en une stabilité de soí dans la choisie. Cette foi est elle-meme multiple. Elle la permanence de la valeur du moi qui a été J'ai été honnete, généreux, etc ... et cette valeur aujourd'hui comme hiel' attribut constant de mon idéal, elle est inéliminable; meme si j'essaie de arracher, je n'y parviendrai pas et c'est pourquoi toute chute je me condamne moi-meme, c'est moi suis mon juge e1; mon bouneau. En outl'e, la foi de la promesse suppose que je toujours rejoindre la valear. Dans la mesure ou je ne pourrais plus, je m'estimerais perdu, mais, en meme, je ne pourrais plus me sentir coupable a de maintenant sur ce point, je ne pourrais plus promettre, je serais exilé de la vie morale. Ni la

VERS LA FmÉLITÉ PERSONNELLE

l'homme

55

ni la se croirait ne sont pou!' autant. n est meme que nous ne puissions pas échapper totalement sur terre au spectre mcnayant de la perdition, mais il ne peul non plus nous paralyser totalement. Eire c'est avolr une chance de salut et dans ceUe chance il y a la foi que nous pouvons toujours nous élever OH etre élevés vers la valeur. Appuyée sur ceUe double foi, la fidélité de la promesse consistera dans une décision est de maintenir la décision présente en faveur de la valeur du moí. L'immanence de la décision a la décision équivaut id a une exigence de perpétuité. Dans le choix meme, il y a done encore une volonté qui dépasse totalement l'instantané. Si la liberté s'expliquait dans l'instant et n'avait besoin que de lui, elle serait capriee et infidélité. Ce qui en faH une liberté véritable, e'est donc qu'elle veut une permanenee. AHons plus loín : la loi que veut le choix et poursuit obseurément, c'est la suppression du choix ou du moins d'une certaine forme de ehoix. Je m'engage envers mon idéal, je lui dorme ma liberté, veut dire : je cherehe par mon libre ehoix a faire montre d'une liberté qui ne comportera plus de dMaillance; je veux une liberté bonne qui grandit du coté de sa transcendance et ne peut plus la quitter. Je ne me choi8is pas pour avoir a choisir encore de la meme maniere entre l'exil et la patrie, mais pour n'avoir plus a le faire, paree que ma seule tache sera d'inventer le mieux dans le bien. n ya ainsi une liaison entre la fidélité et la liberté; l'une ne peut se passer de l' autre et c' est ee qui donne a la liberté sa forme finale qui est a l'abri des variations de l'instant.

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RÉFLEXIONS SUR LA FIDÉLITÉ LE l\USTERE DE LA PROlVIESSE S'EXPRIME DANS l.,E VOEU

PERSONNEL.

le projet, la promesse et le voeu. Un

projet n'engage qu'une réussite objective; on ne se met pas soi-meme en lui, on renonce donc a lui sans honte. neutre pon:- nous, est indifféren t. au nel. La promesse, meme ceHe se fait ajoute au projet un tenne de réféfence meme. C'est notre consisiance est désormais en cause; le jugement qui eonviendra a noire acte ne se fera plus seulement d'apres sa réussite extérieure, c'e8t-;\dire d'apres la conformHé de l'événement et de la structure prévue. Ainsi le recordman échoue dans une épreuve sportive se sent honteux (bien qu 'il ne se sente pas coupable). Pourtant, si les circonstances changent, si meme les goUts évoluent, il n'y a pas de déshonneur a changer soi-meme et a modifier en consé-. quence le cortege de ses promesses. S'obstiner montrerait' meme un faux amour-propre, un faux point d'honneur. La sagesse est alors de renoncer a ce qu' on « s' étai t promis de faire». C'est ainsi qu'un orage ehangera l'emploi du temps d'un cultivateur, une jambe cassée la carriere d'un danseur, une évolution des sentiments le genre d'études auquel on entendait se livrer ... Mais si la promesse a un caractere moral, ou plus exactement si elle se situe radicalement au creur nous-meme, en dessous des zones d'équivaIence légitime, elle n'a plus seulement les caracteres communs a tout ce: qui nous exprime psychologiquement : iI s' ajoute un voeu. Non seulement alors elle contient une de projets objeclifs, non seulement elle met en le sujet, mais elle met aussi en cause quelque de plus que le sujeto Elle implique un don de soi a

n est

VERS LA FIDÉLlTÉ PERSONNELLE

3

t

nous faH entrer dans une domaine sacré. Dans le mol vceu, il y a la racine 'vovere, de se vovere : vouer, dévouer. La sagcsse n' est valable désormais : une sagesse nouvelle s'installe qui prétend adapter l'acte futur au vouloir idéal et non pas le vouloir idéal a l'acte futuro n ne suffit pas de dire avec les 8tolcien8 que ces deux sagesses son! sur des plans différents (ainsi que le une distinction abrupte entre « ce dépend de nous» el « ce ne dépend pas de nous »). Ce serait commode! Les sagesse8 se heurlent, elles obéissent a des principes différents et posent des problemes de conciliation épineux. n ne s'agit pas pour ¡'instant d'examiner le vceu de religion, qui s'adresse a un Toí transcendant et qui s'entoure d'autre par! d'une série de matérialisations sociales ou physiques. Nous nous contenterons d'examiner la structure mínima du vceu intime en tant que ce vceu est inséparable de l'engagement personnel. n n'a en effet ríen de public, bien que sans lui le vceu public n'ait plus de justification morale. n n'est peut-etre meme pas entíerement proféré dans la plupart des cas, mais seulement implicite dan~ le rassemblement d'énergie avee lequel nous nous orientons vers la valeur la plus haute de nous-meme. J'en reste donc pour !'instant au moi ídéal comme moyen de trouver ma singularité et d'universaliser eette singularité. J'en reste au mystere immanent de mon essenee sans chercher a discerner ce qui se eache derriere ()u au-dessus d'elle. Dans l'enceinte de la conscience wlitaire, le don intérieur du voeu n'est pas fatalement pUl', il est au contraire énigmatique; il oscille entre t1'01s formes ou il passe par trois étapes que la réflexion doit élncider et que VOl e! : a) Etape magique du vceu. Ce qui donne au saeré

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RÉFLEXIONS SUR LA FmÉUTÉ

c'est d'anéantissemenL On SR se voue et on s' env011te dans l' offrande il y a en elle un instinct de la par ambivalence est aussi un instinct de domination. Car ceUe entrée de soi-meme dans le goutIre tout puissant est une volonté de s 'identifier a la toute de la faire passer soL Pacte OU le dévot et son idole tour a tour et 1'un par l'aut1'e de n y a une fayon de vouloi1' le moi idéal est magique. On la reconnalt a ee que le vc:eu se fixe dans un rite et donne lieu a un eulte fétichiste. Des 101'8, 1'expres8ion du vc:eu est importante que le vc:eu meme : ce n'est plus l'esprit d'obéissance O" de bonté ou de pauvreté, etc ... qu'on cherche, c'est un embleme ou un symbole de ces vertus qu'on érige en absolu et dans lesquels on se projette. En meme temps que le signe se substitue a l'objet, le fini se substitue a l'infini et le moi s'englouiit tout vivant dans eeHe limite; il y a, par surcrolt, raidissement de la viséc éternelle en instantanéité paralysée, comme si nous pouvions enclore notre essence idéalc dans un moment en la vidant de toute 1. Chez les Grecs le V02U est offrande (doT'ophoria), souvent offrande anticipée et action de graces (euché). Mais il pcut prendre une forme consécratoire, la kathosiosis. De meme, chez les Romains, la devoiio se distingue du votum en général; elle est « un pacte d'une nature particuliere, par lequel les divinités souterraines sont invitées a prendre elles-memes, e 'est-a-dire a détruire, ce que I 'auteur du vceu a le dé sir mais non le pouvoir ou le droit de leur donner» (art. Devotio du Dictionnaire des Antiquités de Daremberg et Saglio). C'est ainsi quc Décius s 'immole rituellement pour emporter la victoire. Il faudrait, pour comprendre le V02U magique, plonger plus profondément encore dans les couches sombres des relig-ions : sacrifices viv:mts : Iphigénie, Jephté. '. ct aussi {( pactes avec le diable», vceu de Faust.

VERS

FIDÉLITÉ PERSONNELLE

n 5a libre bien haul que 'es!' la terrible dévialion de la conscience : le voeu en sa el. s'ij faut reconnaltre une valeur a source est la répétition d'un geste, a la schématisation d'une conc'est a cause de certaines nécessités pédagogiques . mais ces nécessités memes doivent etre subordonnées a du voeu, c'esl-a-dire doivent contribuer . sinon le voeu ne a la fécondité d'une attitude serait pas justifié. n y a dans la conception magique du voeu un intense sentiment du sacré sous son espece inquiétante, cal' c'est un sacré qui annonce l'escIavage de soí a soi-meme et en définitive le suicide du moÍ pou!' la gloire du moL lI1ais ce sentiment du sacré est maladif et il y a une pathologie du sacré dans l'humanité tout autant anatomie et une physiologie normales du sacré, si l'on ainsi s' exprimer. n pourrai t sembler que la conception magique du voeu transforme le sujet et son idéal en choses inertes: c'est vrai dans UD certain sens; mais il serait plus juste de dire qu 'iI cherche a les confondre impatiemment : le moi empirique devient le moí idéal. Si le geste particulier est matérialisé, ce n'est pas tout; iI est ensuile divinisé et c'est plus grave. b) Etape instrumentale du voeu. J'appelle ainsi une autre conception du mystere de la promesse ou le rapport du moí et de la valeur est dangereusement assimilé a une relation de propriété matérieIle. Se vouer a la vie morale, c'est alors se mettre a la disposiLion de eeHe valeur, devenir pour elle un instrument de réalisation. Cela implique certes un don de soi tres honorable : nous sommes la chose de la valeur, nous renonyons a nous identifier a elle magiquement, nous reconnaissons sa transcendanee et ne cherchons pas a entrer frauduleusement dan s le sanctuaire de notre ame. Cette étape

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RÉFLEXIONS SUR LA FmÉLITÉ

est done nettement du de vue de la réflexion Nous apprenons par elle le renoncement n'est un suicide. Mais nm 3 confondons encore le renoncement avec un de ses Ersiitze nous le mettons au service d'un idéal que nous considérons comIne un de et meme comme 1'ne sode de et abuser de sa candeur dans impersonnel. CeUe peu nalve le moí idéal dans une zone laisse échapper ce y avait la magie et ate au renoncement la reconcilier avec nous-meme. C'est tion)) qui fait de la valeur un instrument tend a stériliser l'élan la vie l'éelle de nos instincts, a ne empire théorique sur eux. e) Etape de l'unification morale par le voeu. A troisieme étape, le don de soi a la valeur par la promesse respecte le mystere de notre etre mais luí de s'unifier sans se détruire. Le vceu est encore une dévotion la (se vovere), une offrande d'un vouloir a la plus sacrée de lui-meme el par suite un envahissement progressif de tout notre etre par la conviction que nous sommes appelés a la vie sacrée. Mais nous cessons de nous considérer comme des choses entre les mains de la puissance sacrée; nous cessons aussi de nous confondre avec elle par une immolation magique. Nous vivons et nous mourons au contraire en elle pour qu'elle nous rende cohérenís et qu'enfin elle nous change en nOU8meme. Cal' la vraie morale n'est pas autre chose qu'une religíon vue provisoirement du coté de la conférée

VERS

FIDÉLI'fÉ PERSONNELLE

a l'hornme.

C'est consiste alans le a la prornesse voeu ment « nurnineux» de la prornesse, l'ame le la réalité sous-tend l'action. Ce que le voeu ainsi nous c'est que notre liberté n'est pas alifférente de notre valeur le moi sait se rejoindre a une médiation inflníe. Le voeu est l'affirmation constante de ceUe foi a la il done la de la conscience fidelernent a mon eesenee, je ne suís je suis arrivé au bul en espéranee, meme si je ne saie pas eomment et par m'est donnée. Ce était division du moi pour la conscienee perdue devienl dualité fonctionnelle el moyen de progres pou!' la eonseienee Le voeu est l' aete réitéré de la foi

6.

LA FIDÉUTÉ MORALE OJ3LIGE ENCORE A LIER LA V ALEUR DU MOl A CELLE D'AU'fRES CONSCIENCES PERSONNELLES.

n serait bien illusoire de s 'imaginer que le moi peut se séparer d'autrui pour définir son idéal. D'autres conscienees sont en effet liées a la valeur de ma conseienee. Elles peuvent l'etre a titre encore accidentel, en eréant la situation extérieure sera pour moi une oeeasion de me valoriser. Par le eadre de la famille, et meme le défi que me lance un eelui de la perséeuteur provoquent pou!' moi un régime de vie matérielle entraine ma réplique. Si bien que me e'est en un eertain sen s vouJoir les eonseienees qui m'ont mis dans l'état OU je suis. Le eas du « prochain » au sens évangélique est a placer lui.meme dans

RÉFLEX.IONS SUR LA FmÉUTÉ

eeUe : le hon Samaritain 80n malade et il ne le verra ment mais 8ans le eonnaltre tardo Tous ces cas encore bien superficiel entre les consciences, el paríois transitoire. Mais autrui I\tre intimement le moyen oa l'objet cln mouvement par leguel je me valorise. Je ne peux a10rs me vouloir sans le vouloir et vice versa : iI y a réeiproeité des conscienees. Elles sont l'une pour l'aulre bien mieux qu'une cause oeeasionnelle de leur développement. Cal' nous nous assoeions un I\tre par une 801'te de suture spi1'ituelle. M, Le Senne a employé pour exprimer eeUe solidarité et eeHe influenee mutueUe l'image des « freres siamois ». Nous ne nous constituons plus seul; en étant fidele a nous-meme, nous le sommes aussi d'emblée a un autre etre que le notre ; il contribue a faire notre intimité et notre idéal propres. Encore formons-nous tous ensemble un réseau de consciences dont le líen associatif peut ctre plus ou moins immédiat. Supposons que Pi erre ait pour ami s Paul, Jean, Jacques, Albert. Paul aura parmi les siens Pierre, mais tous les amis de Paul ne sont pas les amis de f'ljerre; iI en est d'autre's qu'il ne connalt pas directement ; Armand, Daniel, Joseph ... tous les amis de nos amis n'étant pas nos amis.

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IJacques I

VERS LA FIDÉUTÉ PERSONNELLE

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Si maintenant nous cherchons sont les amis par nous pouvons retrouver leurs amis des amis de Piene. 1-------.

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On voit par la la complexité des dyades et la variété des triades, etc ... indirectes et imparfaites qui s'y constituer : bref 1(0) cheminement subtil - et d'ai1leurs mouvant - des influences réciproques, qui deviennent rapidement insaisissables dans un groupe étendu OD. les communications sont faciles. est plus aisé de les teconnaltre dans un groupe restreint, p. ex. dan s une classe d' élEwes internes Ol:! l' on peut a10rs assez bien saisir comment « se forme » chaque enfant dans le jeu pourtant compliqué des influence8 exercées par ses amiti.és. Je laisse pour l'instant de coté, bien entendu, les influences mas si ves subies par le groupe en tant que groupe et ne m'attache qu'aux relations interpersonnelles, plus fines et souvent plus profondes; elles sont électives, mais tres vi te le choix subit le choc en retour de sa propre fidélité, qui lui revient sous forme d'influences répercutées et multipliées, comme un son que modifierait par retour une cascade d'échos. TOllS réagissent sur la constitution de tOU3 par leurs divers enchainement dyadiques, dont nous n'avons schématísé plus haut que les distributions les plus évidentes et les plus grossieres.

n

64

RÉJFLEXIONS SUR LA JFIDÉLITÉ

Faisant abstraetion de l'enehevetrement le toi ieléal eomme sur le moi que pour ¿tre fidele a auirui? Elle veut elire a la nous fois : l° Je eompte sur tol pour me valoriser; 2° Je me mets a ton sen-ice. Et bien que nous nous aUaehions alors a l'idéal elu toi et du moi que nous entrevoyons non sans illusions el tiHonnements - e'est aux personnalités en ce ont de positif que nous nous attaehons, en tant que cette meme - s'agirait-il d'un ami coupable est inséparable de de transcendance. Maís la fidéliié au toi comporte done, par le fait meme, le souhait d'une fidélité du ioi a la valeur que j'entrevois en lui pour lui el que mon amitlé me fait découvrir avec lui. Ces aspects de la réciprocité des consciences nous mettent en possession de tout ce qui nous est nécessaire pour étudler dans le chapitre suivant l' organisation psychologique de la fidélité. Nous avons eompris le mol solitaire dont nous allons examiner les n'est isolé que pour les eommodités de l'étude. Le s ontologique de la fidélité est tel que de toutes nos acles psychologiques sont prévenus, entourés, sés par un ensemble de 10is qui nous rattaehent monde des eonscienees : nous infléchissons et in dans une eertaine mesure notre destin, mais au s d'une destinée n'est jamais entierement notre exclusive.

CHAPITRE IV

DE LA l. LES CAUSES QUI RENDENT INDISPENSABLE CETTE ORGANISATION.

L'homme engagé est tourné ven l'avenir, mais la promesse qu'il s'est faite ou qu'il a faite aux autres reste indéterminée et a long terme. n doit la monnayer en résolutions déterminées et a court terme qui seront le moyen de rendre sa décision effective. Voila pourquoi il faut organiser la fidélité. De fa90n plus précise, disons que deux causes obligent a le faire : a) d' abord, la situation biologique de l' homme, la perle d'univel'salité qui I'ésulte pour le moi de l' exigence vitale d' épal'pillement. - La vie est succession, présence qui chasse d'autres présences; la matérialité est oubli, elle esi le privm~ge insolent du hic et nunc; et la stabilité des tendances, quand elle s'établit, ne réussit pas a vaincre notre éparpillement, elle n'aboutit qu'a un compromiso Vine, c'est etre plongé dans une nécessaire infidélité aux choses, a soi, a autrui. Ce theme a été définitivement exploré par Platon et le néoplatonisme qui ont représenté la vie comme une chute dans la multiplicité. Plotin esi plus séverc encore que Platon : il regarde le temps non comme une entité intermédiaire mais comme le mal meme. A l'extreme opposé, les évolutionnistes et vitalistes modernes voient dans cette multiplicité qui efface ses 5

pas au fur et a mesure de son chose d'absolument fondamental pour le C'est l'attitude trouve chez les darwiniens aussi bien que chez Nietzsche ou dans Croce et l'absolu devient limité et instantané. Entre ces deux positions, une troisieme est concevable, qui consent a la succession sans la glorifier. n est a la vie d'oublier el d'aller de l'avant, elle ne peut pour une part que se sauver et grandir par ce dégagemenl. Ainsi, apres un deuil, survivre c'est choisir l'oubli de préférence au suicide. Et iI faut bien le faire pour vivre ... Mais la vie réclame poudant la continuité de sentimenLs qu'elle ne peut se donner. La survie est honteuse et 11esse fatalement l'ame. Elle porte aUeinte a la fidélité, du moins a la fidélité a soi et a autl'ui. Cal' l' ol'ganisation de la fidélité aux choses est plus facile, gl'ace a la constitution de l'ordre juridique et aux re1ations de propriété. Quand les choses sont maniables· el quand la société est calme, le propriétaire résont presque parfaitement le probleme de la fldélité aux choses paree qu'il peut compter sur la présence de ses biens. n est vrai qu'une lllenace subsiste encore; les bien s immeubles l'immobilisent et lui retirent sa liberté; ils l'enracÍnent. Les biens meubles se fragmentent et s'égarent... La blessure de rame par l'inconstance de la vie est un theme banal de la littérature. Elle a donné lieu a d'innombrables ceuvres littéraires surtout a propos de l'amour, paree que dans ce sentiment les rythmes viLaux des sens et les intermittences du cceur viennent singulierement démentlr la promesse de l'ame. Une guerre comme ecHe de 1914 011 de 1939 a prouvé que dans bien des cas deux ans de sépanliion entre conjoints étaient le chiffre critique de la fidélité conjugale et cette

ORGANISA'I'ION PSYGHOLOGIf,1UE DE LA

moyenne n'es! pas a de humain. b) Ensuite - et e'est mOl'ale elle-meme accroit il l'univel'salité se manijeste dans la devoil's el l'exéculion de chaque devoir. La vic élhique se Inenace donc elle-meme. - L'exigence ne m'imposerait que peu de fidélités; la routine également. A l'encontre de la passion et de l'intégration morale de mon etre m'impose des quantités de fidélités professionnelles, amicales, etc ... Poul' mon devoir envers le.s meilleul's moments de mon passé et spécialement envers les rencontres personnelles que j'y ai faites, je serais obligé d'avoir vies. Je devl'ais suivre mille pistes a la fois pour ne négliger personne. Le probleme est d'autant plus grave que la fidélité ne concerne pas seulement le passé mais l'avenir: etre fidele a quelqu'un, a un enfant, par exemple, c'est favoriser ses possibilités, c'esí travailler a son épanouissement. Je me tl'ouve donc devant un pl'obleme de justice distributive intél'ieure. Comment faire a chacun sa place P Comment parvenir a une fidélité pure, qui concilie a la fois mon attachement particulier et mon élan univel'sel? Ou si l'on pl'éfere, comment concilier toutes ces exigences d'universalité qui semblent violemment incompatibles)! y a-t-il un l'espect des valeurs saH~ massacre d'autl'es valeul's? 2. UNE FAUSSE SOLUTION ; LA FIDÉLITÉ PASSIONNELLE.

On hésite a y voir meme un essai de solution, cal' la passion en est plutot le refus. e'est une jidélité exclusive, refuse la conciliation universelle. La passion, ce sel'ait Josué arretant le soleil et délaissant le combat pour adorer rastre devenu immobile.

nÉFLEXIONS SUR LA FIDÉI,ITÉ

deux formes: d' une d' é/re contl'e les 10Ís C'est la

réalisée et inexorables de banale. b) elle une aussi elre nous rive tel forme d' e/re irl'éalisée, l'aUlOur n'a moins ne trouver ce contacto Dans les deux cas, la les objets étrange1'S meme son objeto cal' elle est une a sa visée; elle éternité une anti.cipation fautive de l'absolu. Les différentes passions 80nt une révolte contre l'espace et le grace a je vrux accompli1' une symbiose : etre toujours avec l'objet de ma passion, pres de poul' l'aimer ou le hall' ou l'anéantil' ... mais etre toujours lié a lui et lui a moL Le désil' absolu de symbiose est de l' élan fidele, mais ici on veut le satisfaire sans passer par autre chose que ce désir meme et c'est tout le drame. Le passionné n'entend pas consulter « l'autre)), attendre S:l grace; il de Dieu si c'est la passion pOUi' un dieu. Des 101's, la échoue et est meme toujours un peu ridicule dans l'échec parce qu'elle était grande dans son élan. de J'absolu par la vie, c'est l'acte passionné et « violent » de la vie, l'int1'usion en elle de l'esprit au niveau et sous la forme de déchainement vital. D'ou l'impatience, la paralysie et l'encombrement accompagnent la fidélité passionnelle. T anticipation est caricature, elle prétend faire équiet valoi1' l'émotion éternisée a une action nous dispenser de celle-ci par ceHe-la

a

ORGANISATION PSYGHOLOGIQUE DE LA FIDÉLlTÉ -

CARACTERE GÉNÉRAJL DE

,

ORGl.. N"J[SATION PSYCHOLO-

GIQUE DE LA FIDÉUTÉ.

de la La véritable donc par une autre méthode que nelle. Elle sera un de Non seulement il faut trouver moyen de remonter 1eurs courants mais il faut les utiliser l'un contre l'autre : concentration spatiale contre concentration temporelle contre tia1e. n ne s'agit plus de supprimer la nécessité naturelle et par conséquent de vouloir supprimer l'espace ou abolir le comme ferait la passion, ce serait incompatible avec l'existence dans ce monde et avec l'reuvre de l'esprit dans la nature. n s'agit plutOt de sauver l'espace et le temps, de les convertir au service de l'esprit autant que c'est possible, soit par aménagement direct, soit par aménagement indirecto La fidélité est spatiale, paree qu'elle a besoin de prouver par une manifestation sensible son propos intime; elle est historique surtout et, pour s'affirmer, ne peut se passer du temps. eomme le disait saint Thomas, la constance est une victolre sur les obstades extérieurs, la persévérance est une victoire sur le temps lui-meme. 01', ce sont précisément les deux aspects de la fidélité qui correspondent a l'espace et au temps.

4. -

L'AMÉNAGEMENT DIRECT DE L'ESPACE ET DU TEMPS A

SE FAIT PAR LA DISTRIBUTION DES TACHES.

La fidélité essaie ainsi de se donner des de présence qui correspondent a ses objets s'efforce en outre, d'une maniere générale, temps et de diminuer les distances pour y grand nombre possible de causes.

pourcentages préférés. Elle de gagner du loger le plus

nÉFLEXIONR SUR

Flmh,IT¡:;

Dans eeUe derniere actiü.n ment intéressaníe a étudier. L'un des buís des techniques, le les distances. n ne s'accompag'ne Les moyens de communicatíon, les reeords de vitesse, la concentration de la a mettre en évidence le planete - fout ce que se P. Teilhard de Chardin - est évidemment destiné a provoquer, comme il le montre, un resserrement des consciences humaines dans une sorte de foyer Ol! la distan ce géographique est vaincue et oi! les distan ces qui restent possibles ne 80nt plus que morales. n y a une dispersion croissante des humains qni est Iiée a Ieur multiplication sur la terre; mais iI y a, en sens inverse et simultané, une amp1ification de la présence perQue grace aux techniques. L'absence est vaincue ici moins par des moyens moraux que dans l'ordre physique ou ene s'était produite. n faut vaincre l'espace directement dans l'espace meme, c'est-a-dire le rendre transmetteur. de présence alors qu'il dispersait de prime abord les consciences. On s'y emploie d'ailleurs par la rus e assez souvent : ce qu'on se procure, c'est un filon de présence physique, qui suflit a la reconstruction mentale : lettres, téléphone, télévision ne nous donnent pas la présence tolale de l'etre physique d'autrui, mais ce grace a quoi. nous sommes assurés de sa proximité mentale. Il y a la un mystere de la perception que les psychologues sont unanimes a noter, mais que les philosophes n'ont pas suflisamment exploré. Ce n'est pas seulement le passage de la partie au tout qui s'accomplit, mais la régénérescence de la matiere par l'esprit sans que l'esprit puisse cependant se passer d'un apport matériel mínimum. Enfin, en taní qu'il s'agit d'un effort technique pour

ORGANISATION PSYCnOLOGIQUE DE LA FIDÉLlTl~

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de dans l'élan de la clvilisation humaine une ouverture a de un besoin obscur de totalité inclusive tout a fait contra1re a la fermeture de la sur un petit nombre ¿'etres privilégiés. Chacun de nous esi invité a avoir plus d'amis que jamais, a ne pas s 'enfermer dan s un cercle étroit de relations ... En ce sens, le progres technique universalise la conscience. Dans le temps, l'aménagement de la fidélité et de ses s'accomplit aussi par une répartition des taches. On se faH un emploi du temps, c'est-a-dire qu'on classe les objets de fidélité d'apres leur importance et qu'on accorde en principe aux plus importants le plus de De telle heure a telle heure, je consacre mon temps a mon corps, a mon esprit, a mes amis, a ma famille, a ma profession, etc ... Chaque etre doit recevoir la quantité et la qualité d'action qui correspondent a sa place dans l'ensemble de mes obligations de fidélité. Je donne beaucoup a l'un, peu a 1'autre, paree que l' ordre de mes valeurs semble l' exiger. « Cuique suum ... )) Les etres que j'aime vraiment, je trouverai toujours le temps de leur consacrer du temps. S'excuser d'avoi1' tardé a répondre a une leUre ou d'avoir négligé de faire une visite, n'est-ce pas di re équivalemment a aut1'ui: vous n'etes pas pour moi l'essentieI, vous venez seulement en seconde ou en troisieme u1'gence... Aussi, les excuses sont-elles 1'essenties comme de mauvais prétextes par les proches pa1'ents et les amis intimes. Les amoureux y discernent meme ave e angoisse le signe avant-coureu1' d'nne désaffection. Un test théoriquement simple serait le suivant : si quelqu'un savalt qu'il a seulement une minute de vie, a qui et a quoi penserait-ilP Henri IV répondait que son avantderniere pensée irait a sa maltresse et sa de1'niere a Dieu.

RÉFLEXIONS SUR LA FIDÉUTÉ

ma18 la Le propos était mÍ-sérieux est terrible. test ne vaut rien. Et elle est Cal' au moment personne ne songe a ce lui tient le plus a camI'. Dans un accident on ne pense d'ordinail"e qu'a trouver UIle issue el non pas a se remémorer sa fanlille ou a faire un acte de contrition. Le soldat qni meurt en faisant sauter un pont ponr sauver une armée sera attentif a la meche qu'il doit aHume!', non a l'armée que son geste aura sauvée. penser Ainsi la vie impose ce paradoxe que l'on ne a la valeur pour laquelle on meurt. A plus forte raison sera-t-on distrait de l'essentiel quand il n'y a pas urgence. Je suis obligé de donner la plus grande partie de mon temps a des choses et y a de plus a des etres qui ne sont pas pour moi ce important. La nécessité naturelle a meme d'ordinaire un bareme inversement proportionnel au souhait de l'esprit. Celui-ci se promet souvent de compenser l'encombrement de son « espace présent)) par le souvenir secret des « absents )); c' est-a -dire qu' on se réfugie dans le temps pour échapper aux esclavages de l'espace. Plus précisément, puisqu'on ne peut accorder une place a l'objet de la fidélité dans les gestes visibles que ron est en train de faire, on honore eet objet dans le fond de son eceur tout en faisant des gestes qui lui sont étrangers. CeHe re traite au fond du cceur, ce secret, e'est ce qu'on peut appeler une évasion de l'espace et un refuge dans le temps. Mais le temps n'est pas un refuge sur. n est lui aussi réclamé par les ennemis de la fidélité et vendu a eux pour que nous puissions vivre. Ses exigences sont loin de répondre a nos préférenees personnelles. Si au total nous aeeeptons la répartition des taches que HOUS conseille l'utilité biologique, c'est

ORGANISATION PSYCHOLOGIQUE DE LA FmÉLITÉ

paree qu 'entre deux maux il faut choisir le moindre el nous par El des travaux insi~ huit heures par , nous sauvons encore mieux nos préférenees au long eour,; que si nous faisions autrement. Nous eonsidérons done en ce cas nos oeeupa- nos esclavages tions eomme un moyen pour une comme un instrument de relative liberté. Mais e'est a coup súr un pis-aller : le moyen de boueher le but et d'en détourner; l'esclavage n'est ceries pas la méthode revée de libération. Si done on ne pouvait etre fidele et le montrer que le nombre d'heures ou de gestes consacré a un objet de fidélité, si ron ne pouvait se servir du temps que par un remplissage direct, il faudrait conclure a un échec rapide et considérable de nos vceux les plus profonds. Personne !le peut faire cOIncider son horaire et ses valeurs, malgré les progres techniques et les efforts méíhodiques pour le raccourcissement des distances et l'aménagement du temps. Mais nous n'abandonnons pas, semble-t-il, la volonté de faire reculer au maximum les limites du possible puisque tout le progres technique est une luIte contre la dispersion spatiale et une « lutte contre la montre ».

5. -

LA FIDÉLITÉ RECOURT SURTOUT A UN AMÉNAGEMENT

INDIRECT DES PRÉSENCES.

Elle le faH par une série de procédés dont voici quelques exemples : a) Compensation en qualité des pertes spatio-temporelles. Ainsi l'artisan dira a un client qui est un ami: « Je soignerai votre commande », c'est-a-dire: je ne peux vous donner en quantité plus qu'aux autres clients, je ne peux vous faire de cadeau (il me faut vivre et le c'est de l'argent); mais je ferai un effort spécial

d'aUention prouver mon de me souvenir fidelement que vous eles un ami. un enfant ne aller voir ses souvent, cherchera du moins a etre aussi aimabJe et généreux que possible pendant son séjour ehez eux. n raehetera en qualité la quantité qu'il ne peut donner et ne Cludra pas que son sentiment soH jugé d'apres le nombre de jours ou d'heures re8treint ou il peut s'exprimer. b) Inveniion d'iniensités oa qualités symboliques. Ce eas differe du préeédent paree qu'on ne se contente pas des formes expressives ordinaires, on en erée de no uvelles, affeetées nommément aux objets de la fidélité. Ainsi en est-il de t.outes les fetes, iustituées « pour que ga marque ». On ne peut faire tout; on fait done peu de ehose par rapport a l'infini du vceu, mais on veut que ce peu de chose soit a part, qu'il devienne dépositaire de l'infini. Aussi ce peu de ehose, par sa destination meme, doit-il apparaltre eomme un luxe; il doit etre disproportionné ou ne pas etre. Nous sommes ieí dans la eatégorie du eadeau, ave e toutes ses variations, depuis le eadeau utile jusqu'a eelui qui ne l'est presque plus. JI y a ainsi une sorte de liturgie deg fidélités, avee ses doubles de Ir. c1asse, ses semi-doubles et ses simples ... La liturgie meme est une invention de fidélités ordonnées, de eadeaux ou offrandes faites a Dieu et aux saints, afin qu'aueun aspeet ne soít négligé. Et dans le temps ordinaire se des sine done eomme une broderie le temps liturgique, partiel et luxueux a la fois par rapport au temps profane. Celui-ei, du point de vue de la dévotion, risquera meme de paraitre un temps perdu. Pour en res ter a des exemples simples, la fidélité amieale et interhumaine du eadeau signifiera qu'on se souvient paree qu'on veut faire plaisir : un plaisir double,

ORGANISATION PSYCHOLOGIQUE DE LA FmÉUTÉ

la fois l!1at6rieHc du récurrcncc du sentiment dc flue ce cadeau une bolte de choco1ats , c'est par suite inventer un sur une analogie : la du cacleau est expressive de qualilés ou de nuances clan s la fidélité de le des codifié en certains cas, p. ex. dans le ; mais ce est le plus curieux dans celte c'cst que je mets ma présence dans le cadeau, une présence dé tachable, expédiée par la poste et est moi encore. J'ai expédié le chocolat par la poste: je suis un bon fils, un bon parrain. un bon ami. J'ai fai t mon devoir. c) Im'enlion de purs symboles. Dans cette catégo1'ielimite, nous pouvons placer les offrandes inutBes, les cadeaux délestés de toute matérialité : protestations verbales, vc:eux de nouvel an ou de fetc. De nouveau, c'est vers un systeme que tend a évolue1' la série des manifestations de ce genre. Nous constatons comme tout a l'heure la tendance institutionnelle et rituelle des expressions de la fidélité, qui forment un monde a part, avec Jeur rythme propre. Ce monde est fait des maquettes que nos gestes réels ne peuvent exécute1'. Je ne peux vivre effectivement ponr vous, ou meme tout simplement aller vous dire honjour. Mais voici ma Christmas card : elle ost le sacrement de ma présence; elle atteste que je penserais toujours a vous si je le pouvais; puisqu'elle couvre toute la distan ce de temps qui s'étend d'un Noel a 1'aut1'e, elle atteste meme que d'uIIe certaine maniere je pense toujours a vous, en elle et grace a elle, puisqu'elle demeure. Un symbolisme de ce genre est encore plus frappant dans le cierge qui brtde ou la veilleuse allumée devant

RÉFLEXIONS SUR LA FWÉLITÉ

sainte, dans la couronne de avec les lTIots : (\ en f:ice d'un autre je fleurs devant la je la couronne sur le tombeau... doublement abstrait : c'est une 8LioSUrance de s'adresse ;l une assurance de il y a des deux catés. On pour rendre durable cette co-présence symbolique et en faire un monde a est censé subsister que nous vaquons, l'esprit aux affaires de chaque jour. d) Recours a des substituts chargés d'exécuíer la tache symbolique. Ces agents peuvent etre vivants ou automatiques. Mais le légat sera d'autant plus expressif de fidélité réelle qu'il sera vivant et de celui quí délegue. Ainsi le mari charge sa femme d'écrire a la famille parce qu'il esí trop occupé est moins désinvolte que celuí recourt El son secrétaire. A plus forte raison sera-t-on offusqué s'il se conlente d'envoyer sa carte ou une circulaire ou s 'il charge une fois PQur toutes sa banque d'expédier des étrennes a date fixe El tel ou tel protégé. Le substituí automatique est un alibi : on le reS8ent déja - et peut-etre a tort - quand la leUre d'un ami est tapée par lui a la machine au lieu d'etre entierement de sa main ... Le comble arrive quand non seulement le geste est en dehors, transfusé dans un appareil extérieur a la conscience, mais quand n· faut que le bénéficiaire le déclenche lui-meme : tout se passe alors comme le renouvellement des abonnements a un journal, qui suppose plus souvent la vigilance du trésoriel' que l'aftachement de l'abonné.

ORGANISATION PSYCHOLOGI(HJE DE LA FIDÉUTÉ

6, -

77

mSTRIBUTION DES PIDÉLITÉS SE PAIT EN OUTRE

SUR IlIFFÉRENTS PLANS.

nous avons considéré de la fidélité comme un efíort pour conciller dans un meme ensemble un certain nombre de désirs ou de valeurs. Mais l'encombrement menace vite la meme si elle recourt aux indirects de la symbollsation. Aussi essaiera-t-elle de constituer des ensembles el non un ensemble. C'est ce a l'invention des de fidélité, Grace a eux les rivalités s'apaisent, les jalousie8 sont Je distingue les sentimen ts ou les dévouements qui me sollicitent en les rapportant a des univers distincts. Je me refuse a les additionner ou a les soustraire, je déclare que ceHc opération n'a pas de sens. Je vous aime sur le plan de la parenté, _ .. de l'amour - de l'amitié, etc ... Je refuse de comparer; les intensités sont théoriquement illimitées sans heurt p08sible. Et je redistribue dans chaque catégorie le monde de mes objets de valeur selon le procédé signalé au paragraphe précédent : dans le monde de la parenté, ma mere vient avant mes cousins, etc ... J'ai des ami s intimes auxquels je manifeste plus souvent ma présence qu'aux ami s plus lointains, etc ... Mais une mere ou un cousin n'ont pas a etre comparés avec une épouse ou un ami. Ce sont des mondes différents. n faut bien comprendre ne s'agit plus d'une distribution partielle : le fait meme que ces différents plans 80nt incomparables lem donne la possibilité (théorique) d'etre chacun un plan de fidélité tolale. Ce n'est pas seulement la famille qui est ainsi conciliée avec l'amour électiJ. La coexistence paisible des absolus essaie d'aller jusqu'a la relation interpersonneHe la plus relative en apparence : la relation pro-

SUR LA

surLout un dévouement sacrifice de la vie le de le médecin) ou enl,raluanl une confidence totale (le directeur de conscience, l' éducateur). Bref, i1 y a tentative : a) de multiplier les un caractere Lotal il. b) de lem Iais:sel' a sa maniere, cal' le heurl de ce," totalités est rendu impossible par une convention initiale. Des conflit se on le conjure par la création d'un spécial. Le glis§ement le plus curieux est celui de l'amour a l'amitié. La femme honnete qui éconduit un amoureux paree qu'elle ne peut ou ne veut l'aimer, luí dit assez souvent et parfois avec sincérité : « Nous serons amis, profondément amis, mais ... ». Dans cet exemple, nous voyons meme que la fidélité (et la réciprocíté) essaient de subsíster le plus longtemps possible ~mtre humains, le plan de J'un s'adaptant il. un plan différent de l'autre de fayon a éviter la rupture et a garder tout de meme une transparence totale, une sorte de don plénier des consciences. Ce trait (meme s'il désespere ou irrite l'amoureux éconduít) est en soí touchanl. La conscience, par ces procédés, tend a aimer beaucoup d' etres,a leur faire a chacun une place centrale, sans tomber dans des situations impossibles a maintenir. Elle évite l'erreur de Don Juan, guí ne résout pas le probleme, puisqu'il est vi te encombré et doít lacher ses conquetes précédentes, les forces humaines ayant des limites. Nous constatons, en bref, l'ingéniosité avec laquelle la distinclion des plans de fidélité essaie de résoudre le probleme de l'amour universel. n y a toujours moyen d'ajouter une catégorie nouvelle ponr accueillir sans saturation de nouveaux attachement~. Les pauvres, les pou!'

ORGANISAnON PSYCHOLOGI(jUE

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etc. geure et sans des éléments en cause. A de ce moment, est mentaL Le « )) de fidélité est une création pure de l'esp1'it, ir n'a pas cette base sensible quí était encore nécessai1'e a l'invention du cadeau, par exemple, au moins lorsque le cadeau n'était pas devenu pu1'ement rituel ou symbolique. Le chateau intérieur la fidélité devient des 101's aérien : iI est exposé a un danger grave, de ne consister un édifice de mots. L~ salsme guette les sentiments qui s'aflinent. 11 est la tentation de la vie spirituelle.

7. -

L'OPÉRATION

PROFONDEUR

9UI

SE

COMPLETE

PAR

LES

INDICES

DE

SONT ATTRIBUÉS AUX DIFFÉRENTS PLANS

DE FmÉLuÉ.

La solution préeédente suppose une distribution horizontaJe des groupes de fidélilé dans la conscience. On les compLe avee des nombres eardinaux, on refuse de comparer un ordre de ildélité avee un autre; ils sont, dit-on, sans eommune mesure. 01' il est clair qu'on ne peut s'en tenir a ce propos, pour les raisons déja données plus haut : exiguité du temps, exigences de la vie, et peut-etre aussi parce qu'a la limite, l'essai d'absolutisme plural n'est pas sérieux : c'est une évasion s'il réussit; et c'est une hypocrisie s'il ne réussit pas. On as signe, au moins dans certa.ins cas, un nombre ordinal a tel ou tel groupe, on lui donne le droit de paraitre davantage sur la scene de la conscience. C'est un retou!' au bareme primitif : l'importance de la valeur correspond en principe au degré de la conscience en entretient. Seulement, il ne s' agit plus d' acles de conscience succes8ifs, mais de pl'ésences psychiques supeT'posées; les cou-

80

RÉFLEXIONS SUR LA FmÉUTÉ

ches de

ne soni pas les ressemblent a de l'inelles n'en sont pas. Ce enfauít au fond de soí, c'est peut-etre ce a quoi l'on tient le dispersion superficielle est bio-sociale, mais la pudeur accepte ceHe díspersion imprime a l'intimité un prix beaucoup Elle vient au secours de ce ne une plus-value. Le chateau intérieur n 'est aérien, i1 est invisible, i1 se dérobe au regard. Le type de langage inspiré par cette situation est alors celui-ci : Je n'ai pas la possibilité de vous témoigner mes sentiments comme je le voudrais, mais vous savez que vous etes au fond de mon etre malgré tout. Les devoirs quotidiens m'empechent de penser a vous souvent, mais il reste la conscience profonde, vous y avez autant de place que vous pouvez le souhaiter. - Et il est certain que nous tenons enfouis au fond de nous des choses et des etres qui sont essentiels pour nous, bien que nous ne puissions plus nous en occuper ou ne consentions plus a le faire. Ils sont devenus peut-etre la trame canstitutive de notre etre et c'est pourquoi ils sont si rarement l'objet d'une pemée distincte comme les formes neuves maÍs encore étrangeres que nous percevons. C'est ainsi que nous gardons en nous les idées maltresses re