Aux sources de la Bible [156]

- Edito : Polyphonie Biblique - Actualités - En bref : Momies animales - Villa d’Arles - Premiers colons d’Amérique - Dé

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Aux sources de la Bible [156]

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COMMENT ENSEIGNER

...,

5

N w cr CD

8 u

0 , l'islamologue, citant des études sur des feuillets aux dates de rédaction connues, rappelle que la datation au carbone 14 tend à vieillir les parchemins. De la même manière, fait-il remarquer, deux fragments d'un Coran décou­

verts en 1972 à Sanaa (Yémen)

avaient été datés, l'un entre 543 et 643, l'autre entre 433 et S99.

Ces résultats placeraient leur rédaction avant même les révéla­ tions faites au Prophète (!) D. D.

1 - Qur'ans ofthe Umayyads: A First Ovenriew. Éd. Brill (Pays-bas), 2014. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 9

ACIU//DÉCOUVERTE

/

'

RMEE DE TERRE CU TE SE DEVOILE �

Tristan de Bourbon

Archéologues chinois et anglais tentent de déterminer la mise en œuvre d'un projet gigantesque qui aurait mobilisé quelque 700 000 ouvriers. Larmée de terre cuite du premier empereur de Chine commence à révéler ses secrets de fabrication.

'armée du premier empe­ reur de Chine gagne, irré ­

et ceux de !'UCL a été initié en 2006. Il vise à déterminer• l 'organisation de la prod uction, la spécialisation desfonc­ tions et la logistique mise en place lors de la fabrication de l'armée de terre cuite, explique Marcos Martinon­ Torres, professeur de sciences archéo­ logiques à l 'UCL et coordinateur

sistiblement, de nouveaux soldats. Les fouilles s ur le

site du mausolée de Qin Shi Huang ont en effet re­ ----pris de plus belle à Lintong, dans la banlieue de Xi'an. La fabrication de cette armée, destinée

à défendre

la dernière demeure de

britannique du projet logistiques im­

LES COULEURS DE L'ARMÉE Elles permettaient de repérer

périal es. Nous voulons savoir comment

après plus de ving t années de pause, dans les deux principales fosses. La première phase de fouilles, entre­ prise à la découverte du site par des

mais le changement du taux d'humi­ dité lors de leur sortie de terre a fait peler les pigments, qui sont parfois tombés par plaques, comme des co­ quilles d'œufs •,explique Li Xiuzhen,

une armée si inédite a pu être construite, comment travaillaient et é t aient orga­ nisés les quelque 700 ooo ouvriers qui auraient œuvré pendant trente à quarante ans à sa fabricat ion •. Au re­ gard du site, les chercheurs réflé­ chissent àl'hypothèse d'une standar­ disation de la production. Le projet s'est initialement concentré

paysans en 1974 et arrêtées en 1984,

archéologue du musée du mausolée

sur les milliers d'armes trouvées au­

et chercheuse honoraire associée de

tour des soldats. Et en particulier sur

l'institut d'a rchéologie de l'UCL (Uni­ versity College London). Depuis 2009, 96 soldats ont été extraits et 6 ooo resteraient enfouis sous terre.

les flèches et les déclencheurs d 'arba­ lète, d'autant plus intéressants qu'ils sont composés de divers éléments. • Nous avions comme hypothèse que les ouvriers travaillaient dans de vastes unités de production spécialisées par éléments, comme des unités de prod uc-

celui qui unifia la Chine, en 221 av.].· C., avait débuté peu de temps après sa montée sur le trône, en 247 av. J.-C. L'équipe des archéologues du musée du mausolée opère, depuis 2009 et

av ai t mis au jour 1 087 soldats. La deuxième phase, initiée en 1985, fut rapidement suspendue: les archéo­ logues ne disposaient alors pas de la technologie néc essaire pour pré­ server les statues dans leur état ori­

ginel.• Toutes ces

statues de terre cuite étaient peintes de coule urs très vives

les unités, mais aussi de mieux individualiser les personnages.

Parallèlement aux fouilles, un projet

d'étude mené conjointement par les archéol o g ues du musée du mausolée

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 11

ACIU//DÉCOUVERT E tion fordiennes, et que les différentes

moules, sans doute dans le but d'indivi­

pièces produites étaient ensuite assem­

dualiser les soldats et de rendre l'armée

blées dans un lieu unique, avoue Marcos

la plus réaliste possible. II est pourtant

Martinon-Torres. Nous nous sommes

impossible de dire si les ouvriers se sont

aperçus, grâce à l'étude chimique et

basés sur des soldats existants.

à

la découverte des sceaux gravés par les différents artisans, que ce n' était pas le



Cette nouvelle technique d'étude sera étendue à l'ensemble du corps des sol­

cas: chaque atelier produisa it intégra ­

dats. Elle permettra de déterminer

lement les arbalètes et des lots de cent

comment les statues ont été conçues

flèches, de la pointe aux plumes. ,.

et produites. Li Xiuzhen précise que, au regar d de ses plus récentes études,

LES TÊTES DE SOLDATS RECOMPOSÉES EN 3D

une combinaison

de techniques

semble avoir été utilisée. Des moules

I:individualisation partielle des pièces

ont ser vi à l a fabrication de certains

a été confirmée par l'analyse des

bras, mains et jambes. La poterie e n

Nous avons

colombins, une technique déjà uti­

commencé à travailler en 2or3 avec

lisée à l'époque pour l a fabrication

Andrew Bevan, directeur adjoint du

des tuiles, a servi à la production des

projet et membre de l'institut d'archéo­

troncs. Enfin, les traits du visage ont

logie de l'UCL, sur la création de mo­

été produits individuellement.

dèles 3D des têtes des soldats, s'enthou­

Plus généralement, ces découvertes,

siasme Li Xiuzhen. Leur numérisation

qui doivent encore être confirmées

permet une analyse bien plus poussée

par l'étude d'un plus grand nombre

et bien plus scientifiq ue de leur morpho­

de pièces, permettent d'entrevoir l'or­

logie. ,. Des dizaines de photographies

ganisation derrière l a production de

d'une même tête sont utilisées par un

cette gg i a ntesque armée.

programme informatique de photo·

s'assurer du maintien de la qualité et

grammét rie pour la recomposer en

de l'uniformité des pièces, la production

3D. Les chercheurs en tirent un autre

était donc décentralisée dans des cellules

grand avantage: plus besoin de s'ap­

de production mais le contrôle q ualité et

procher des soldats , al gnés en rangs i

la supervision étaient très centralisés,

serrés, pour effectuer les mesures.

estime Marcos Martinon-Torres. Voilà

Les archéologues se sont concen·

sans doute la recette secrète de lafabri·

trés sur l'étude des oreilles de 30 sol ­

cation de l'armée de terre. •

dats. Pourquoi cette partie du visage?

L'équipe sine-britannique s'est déjà

Comme les empreintes digitales, elles

tournée vers un autre aspect de

peuvent déterminer l'identité d'une

l 'armée, in tri guée qu'elle était par

personne, chaque être humain ayant

l'excellent état de conservation des

une oreille unique. Le résultat fut

armes. •Nous savons qu'elles étaient

proban t. • Il n'y avait pas deux oreilles

toutes aiguisées et prêtes à servir au

semblables, ajoute en souriantMarcos

combat, comme si les soldats devaient

Martinon-Torres. Même si notre échan­

pouvoir défendre 1'empereur s'ils étaient

tillon est très réduit, cela

ramenés

soldats e ux-mêmes.



nous fait

dire

à



Afin de

la vie, indique l'archéo­

que les oreilles étaient réalisées indi­

logue. Mais comment les artisans ont·

viduellement e t non pas

ils pu empêcher la corrosion des armes

à

parit r de

Le tumulus grandiose de l'empereur

S

i l'armée de terre cuite n'a été découverte qu'en 1974, la tombe du premier empereur était connue par-delà les frontières régionales. Ce tumulus, d'une hauteur totale de 60 mètres et dont la base fait 300 mètres de côté, ne risquait pas de passer

inaperçu. Les écrits de l'historien Sima Qian, rédigés environ quatre-vingts ans après la

mort de Qin Shi Huang, font encore fantasmer les Chinois:« Des palais, des (bâtiments

pour) toutes les administrations, des ustensiles merveilleux, des joyaux et des objets d'art y furent transportés et enfouis et remplirent (la sépulture) ... Le plafond du mausolée fut décoré des motifs du soleil, de la lune, des étoiles, des monts et des cours d'eau, des préfectures et des districts, d'ailleurs, des lampes à huile éclairent la tombe et ne se sont jamais éteintes.» Rien n'assure cependant que la tombe est demeurée intacte: à mille ans d'écart, les chefs rebelles Xiang Yu et Huang Chao auraient pu la saccager et voler une partie de son contenu. 12 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

T. de B.

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i

UNE GRANDE PART DERÉAUSME Les chercheurs ont analysé

les oreilles de 30 soldats. Aucune n'était identique à l'autte.

Au centre de ce site de 226 ha se trouve la tombe du premier empereur, un lieu demeuré connu des Chinois depuis deux millénaires. Cette colline de près de som de haut n'a pas encore été explorée, même si deux entrées

de métal ? Nous étudions donc la possi­ bilité qu'un revêtement spécial,

et très

ait été appliqué. Les archéologues du musée du mau­ solée n'ont pourtant pas tous les yeux moderne,



rivés vers cette armée de terre cuite.

joyau du site, elle n'en reste pas moins que la p art ie émergée. Des oiseaux de bronze, des représentations en terre Si

celle-ci est actuellement le

cuite de saltimbanques, de musiciens,

d'officiels de l'administration impé­

riale e t de chevaux ont été extraits d'au moins cinq autres fosses. Leur

UNE ARBALÈTE À RtPtrmON Le chargeur de cette anne

de 1,30 m d'envergure pouvait contenir plusieurs flèches. état de préservation varie selon le sort

ont été localisées. Les autorités chinoises veulent s'assurer que les ar chéologues disposeront de la tech nolog ie nécessaire pour pré ­ server l ' intérieur de la tombe après son ouverture et ainsi éviter la perte des pigments ou même l'effondre­ ment du bâtiment. Leur résistance est liée à la mytho ­ logie autour du bâtiment. L'historien Sima Qian écrivait e nviron quatre­ ving t s ans après la mort de l 'emp e­ reur: Des artisans reçurent l'ordre de fabriquer des arbalète s et des flèches •

automatiques; si quelqu'un avait voulu

qui leur a été réservé par les succes­

faire un trou et s'introduire [dans la

seurs de l'e mp ereur Qin Shi Huang. La

tombe}, elles lui auraient soudain tiré

plupart des fosses ont été incendiées par le chefrebelle Xiang Yu quatre ans après leur achèvement ou pillées, ce qui expliq ue que les statues soie nt aussi difficiles à extraire du sol alors qu'elles étaient pour la plupart pr oté­ gées par une toiture en bois.

dessus. Onfit avec du mercure les cent

Des analyses du tu­ mulus réalisées dans les années 1980 ont d'ailleurs révélé un niveau de cours d'eau.



mercure élevé. De quoi propager le

du site piégé e t faire reculer les plus ardents archéologues. t

mythe

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 13



14 LES CAHIERS DE SCIENCE&VIE



ACIU//EN QUESTION

BOLA, UN V RUS ANTOUE? Denis Delbecq

Au ve siècle avant notre ère, une épidémie mystérieuse éclatait à Athènes, décimant le tiers de la population. La « peste d'Athènes » aurait-elle une quelconque parenté avec le virus Ebola qui ravage aujourd'hui l'Afrique?

n 430 avant notre ère, la

armées napoléoniennes lors de l a

guerre du Péloponnèse fait

campagne d e Russie et fauché 3mil­

rage. Athènes est assiégée.

lions de personnes en URSS pendant

C'est alors qu'une terrible

la Première Guerre mondiale.

é pidémie

vient décimer

En 1995, Patrick Olson, alors médecin

l'armée et la population de

et chercheur militaire à la base de !'US

la cité. Baptisée la peste

Navy de San Diego, étudie de près les

d'Athènes, elle aurait emporté le tiers

premiers rapports de l 'épidémie

de la population et, au passage, Péri­

d'Ebola qui vient d'éclater a u Zaïre et

clès, l'homme fort de la c ité. En juin

se penche sur le récit de Thucydide. Il suggère, avec un collègue de la base

dernier, Powel Kazanjian, spécialiste d'histoire des maladies infectieuses à l'hôpital de l'université du Michigan,

a repris et détaillé une hypothèse pro­ posée succinctement il y a près de

L'HISTORIEN THUCYDIDE Sa description des symptômes de

la peste d'Athènes est une source précieuse pour les chercheurs.

et un professeur de l'université de San Diego, dans la revue Emerging

tious

Infec­

Diseases (1996}, que l'épidémie

aurait pu être déclenchée par l'arrivée

trente ans: l'épidémie athénienne au­

sait dans The Ancient History Bulletin

d'un porteur d'Ebola, humain o u

rait été provoquée par une fièvre

un lien entre la peste d'Athènes et la

animal, au port du Pirée.

hémorragique analogue à Ebola.

maladie hémorragique d'Ebola, dé­

Que nous apprend exactement Thu­

Dans son Histoire de la

guerre du Pélo­

clarée en 1976 au S oudan et au Zaïre

cydide? Il ra conte qu'à l'été de l'année

Je philosophe et militaire

(Républ ique démocratique du Congo}.

430 av. J.-C., quelques jours après que

athénien Thucydide avait décrit de

Mais, publié dans une revue d'histoire

manière minutieuse!'épidémie dont il

les armées de Sparte et ses alliés ont

et non médicale, cet article est passé

envahi !'Attique, une épidémie sur­

réchappa. Forts de son récit, historiens

inaperçu. A cette époque, la peste

vient dans Athènes, • dont l'ampleur et

et médecins tentent, depuis u n siècle,

d'Athènes était rapprochée du typhus,

la mortalité sont inédites •.

d'en établir la cause en la comparant

transmis par les poux de corps et les

culer sur ses causes, Thucydide donne

aux épidémies infectieuses modernes.

tiques. Cette maladie, qui profitede la

une descrip tion de la maladie et de ses

ponnèse,

Sans spé­

En 1988, !'Amérc i aine Gayle Scarrow,

dé gradation des conditions d 'h ygè i ne

symptômes, pour qu'elle p uisse être

radiologue et férue d'histoire, propo-

pendant les conflits, avait frappé les

reconnue si elle survient à nouveau: LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 15

ACIU//EN QUESTION •C'est ce que je peux faire

de

mieux,

pui squej'ai eu la maladie moi-même et j'ai vu ce qu'elle a fait aux autres. • •Ce qui est remarquable, c'est la préci­ sion avec laquelle il décrit les symptômes et la séquence de leur appari tion, constate Patrick Oison. D'abord une fièvre et des maux de tête, puis des troubles intestinaux sévères - vomi sse­ men ts et diar r hées - e t puis la mort, qui survient de sept à neufjours après l 'a p­ parition des premiers symptôm es. C'est exactement la séquence que décrit !'Or­ ganisation mondiale de la santé pour le virus Ebola . •Thucydide évoque aussi

sitoire contre Ebola. Un virus très ancien, présent chez des espèces de ronge ur s il y a 20 m il lions

d'années. E n 2006, une équip e de l' université d'Athènes, se fondant sur une analyse génét ique, an nonçait dans !'Interna­ tional Journal of Infectious Disea s es

détenir la preuve quel'épidémie athé­ nienne a été pro v oquée par la fièvre typhoïde. Des études avaient été menées sur les restes de pu lpe den­ taire d'un squelette remontant à cette

UNE FILLETTE DE 2000 ANS Selon les travaux d'une équipe athénienne, l'épidémie qui a sévi en -430 n'est autre que la fièvre typhoïde. (Reconstruction faciale.)

des saignements dans la bouche, des éruptions cutanées, ainsi que des

spasmes fréquents. • Il pourrait s'agir des hoquets qui touchent entre rs % et 20 % des malades d 'Ebola ., poursuit

Patrick Oison. T h u c ydi de

relate d'étranges comportements - des pa­ tients qui se jettent dans des puits -

qui collent avec la sensation d'ex­ trême chaleur et d e soif que perçoivent

les malades d 'Ebol a. Le

tableau épidé­ miologique établi par le général athé­ nien mentionne également que la ma­

ladie confère une immunité aux survivants, qu'elle frappe en premier lieu les soignants et touche même les animaux, notamment ceux qui se sont approchés des cadavres human i s.

UN VIRUS ORIGINAIRE DU SOUDAN

Comme elle semble ne pas avoir touché les assiégeants d'Athènes, la peste se serait propagée par contact

que par les voies aériennes. Enfin, Thucydide évoque comme org i ine géographique de l a maladie l 'tthiopie , qui, pour les Grecs anc e i ns, c orr esp ond à l'act uel Soudan, où l'une des pre m ières épi démies reconnues d'Ebola est apparue en 1976. Le récit de la guerre du Péloponnèse peut se comprendre comme un so li de réquiplutôt

époque. • C'est intéressant, mais cela ne

prouve rien, balaie Powel Ka zanji an,

de l'épidémie athénienne, qui semble - en plusieurs vagues - avoir atteint cinq années, et de la durée d'incuba­

si le virus provenait d'une exposition antérieure dont elle avait guéri. Et la typhoïde ne colle pas au constat clinique rapporté par Thucydide. Ainsi, elle ne se contracte pas par expositio n aux selles et à l'urine,

tion qui est de 2 à 21 jours, trop courte pour qu'Athènes ait pu être conta­ minée par un humain ou un a nimal arrivé du Soudan. A moins qu'une très

On ne sait pas si la typhoide a provoqué la mort de cette personne, ou

sg i nature

récente découverte sur Ebola ne soit confirmée par d'autres études: en avril dernier, !'OMS a annoncé que des traces du virus av aient été re trouvé es dans le sperme d'un survivant de l'épi démie q ui sévit toujours en

Hélas non, car

Afrique, près de six mois après sa gué­

ce qui ne permet pas d'expliquer la

co ntaminatio n des

personnels soi­

gnants. •Pourrait-on entreprendre de

chercher une éventuelle gé né tiqu e

d'Ebola?



à ARN, un type de molécule beaucoup plus fragile que !'ADN, qui ne se conserve pra tiquement pas au-delà d' une centan i e d'années ., Ebola est un virus

répo nd Patrick Olson. Dans son article, Powel Kazanjian

dresse un tableau résumant les symp­ tômes, l'évolution clinique et l'épid é­

miologie rapportés dans La guerre du

en les comparant avec huit maladies: Ebola, le typhu s épi dé­ mi que, l'anthrax, la fièvre typhoïde, Péloponnèse,

la peste bubonique, la variole, la rou­ geole et le syndrome du choc toxique. •Seul Ebola correspond à l'ensemble des

info r mation s rapportées par Thucydide, constate Powel Kazanjian. Maisje n'en conclus pas pour autant que ce virus est responsable de la

peste d'Athènes, car il existe aussi des données qui ne collent

pas.• Il s'agit, par exemple, de la durée 16 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

rison. •Il ne faut pas

o ublier non

plus

que les maladies évoluent. Ce n'est pas parce que l e tableau d'une malad i e comme le typhus moderne ne colle pas que le typhus n'a pas été à l'origine de l'épidémie a thénienne •, insiste Powel

Kazanjian. Pas plus queses collègues, il ne parvient pas à expliquer pourquoi Ebola se serait fait discret jusqu' à sa réapparition près de vingt-cinq sè i cles plus t ard . L'int érêt de no s travaux •

n'est pas tant dans l'attribution d'une

cause à la peste d'Athènes, que nous ne connaîtronsjamais. Ce queje retiens du récit de Thucydide, c'est d'abord que la peur et la panique amplifien t l'impact des ép idé mi es. Nous n'avons toujours pas retenu la leçon comme on l'a hélas vu en Afrique l'an dernier, quand Ebola est ra é pparu . •Le reste, avoue le scie n­ tifique, •n'est que spéculation t •

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TÉL; Ll.J Ll.J Ll.J Ll.J Ll.J r.lœl-o"de181Pmt""1* >, précise cette étude publiée en 2015 dans le Journal of Biblical Literature. DU STYLE À LA FORME DES LETTRES

Outre le style orthographique, les logiciels de reconnais­ sance d'image permettent d'identifier des formes d'écri­ tures (taille des lettres, espacement. . . ) propres à chaque scribe. «Je suis en trainde développer une base de données des mains de tous les scribes ayant travaillé sur les manuscrits de Qumrân, révèle David Hamidovic. I;idée est de comparer toutes les formes de lettres trouvées pour voir s'il y a des mains communes. On a déjà réussi à rapprocher des manuscrits et ainsi identifié des scribes ayant participé à dix manuscrits différents. Et découvert des similitudes sur les sujets abordés. z;und'entre euxparle ainsi duMessie dans plusieurs passages, ce qui peut laisser penser que les scribes avaient peut-être des sujets de prédilection, voire des projets éditoriaux ». Le numérique permet aussi de mettre ces précieux docu­ ments, fragiles et autrefois difficiles d'accès, à la disposi­ tion de tous. Il en est ainsi de logiciels comme BibleWorks, un outil d'exégèse regroupant des textes originaux et plus de 200 traductions de la Bible dans 40 langues, dont la première version date de 1992. Accordance, regroupe, lui, plusieurs éditions de la Septante (la traduction de la Bible hébraïque en langue grecque). enrichies d'un moteur de recherche en langues anciennes (hébreu biblique, araméen. . . ). Ces outils numériques donnent un sérieux coup de vieux aux volumineuses collections de « Concordance ,,, qui, totalisant plus de 1 500 pages, listent tous les mots utilisés dans la Bible, leur origine (araméenne, hébraïque ou grecque). et les versets dans lesquels ils figurent. « l;informatique et les bases de données facilitent grandement larecherche de co-occurrences : l'appari­ tion de plusieurs mots dans un même texte. En quelques mois, on arrive à faire ce qui auparavant aurait exigé des années de travail », détaille Michaël Langlois. Le numérique ne se contente pas de démocratiser les contenus, il s'étend aussi aux supports. La numérisation des manuscrits de la mer Morte entreprise par Google de­ puis 2010, à la demande de l'Autorité des antiquités israé­ liennes, fait entrer l'Ancien Testament de plain-pied dans l'ère du Big Data : les manuscrits ont été photographiés en haute résolution et mis en ligne sur une bibliothèque 1 -The Digital Dead Sea Scrolls) : http://dss.oollections.imj.org.il www.deadseascrolls.org.il 34 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

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DES ANALYSES EXIGENT DU MATERIEL AUSSI PUISSANT QUE CELUI DES ASTRONOMES I

Pierre-Yves Bocquet LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

35

OOSSIER//LA BIBLE



.......___ es VOIX •

e a

La Bible ne décline pas ses récits sur un ton univoque. Plusieurs voix semblent porter le message divin. Elles se suivent, se croisent et parfois s'entrechoquent reflétant ainsi, selon les spécialistes, des visions différentes du monde.

La Bible compile

différentes traditions narratives. Reste à savoir combien de rédacteurs

sont intervenus sur le texte. (Rouleau d'E.sther,

21• nvre de la Bible.) 36 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE



Deux récits de la Création, deux

versions : l'une évoque une terre submergée par les eaux, l'autre

suggère un endroit plutôt

désertique. (Miniature du xu• s.)

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,,,_ _.ans les premières lignes de la Bible, Dieu commence par le commencement : il crée le monde. Mais voici que quelques lignes plus loin, dans le deuxième chapitre de la Genèse, Dieu semble revenir sur ses pas. À nouveau, il façonne la terre et le ciel. Le lecteur se retrouve donc avec deux récits de la création du monde. l.:un, au premier chapitre du livre de la Genèse, s'ouvre sur ces phrases célèbres: « Au commen-

_ _ _

cernent, Dieu créa le ciel et la terre. La terre n'était que chaos et vide. Il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme et l'esprit de Dieu planait au-dessus de l'eau. Le deuxième, au chapitre 2 du livre de la Genèse, commence par: « Lorsque l'Éternel fit la terre et le ciel, il n'y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre. »

..

».

Bien évidemment, les spécialistes de la Bible n'ont pas manqué de s'interroger sur ces deux récits. Ils en ont scruté chaque nuance, chaque détail. Ils ont relevé, par exemple, que les paysages ne sont pas les mêmes. C'est ce que met en évidence le bibliste Jean-Louis Ska (Introduction à la lecture du Pentateuque, Lessius, 2000). Dans le premier chapitre de la Genèse, écrit-il, l'image «

suggérée est celle d'une terre submergée par les eaux comme c'est le cas chaque printemps en Mésopo­ tamie et en Égypte mais pas en Israël En Genèse 1 ».

'

les eaux abondent, en Genèse 2 elles semblent manquer. Le jardin d'Éden apparaît comme une oasis au sein de la steppe désertique. Soit une image de la création qui reflète plutôt la situation climatique et géographique de la Palestine, comme si les deux récits avaient été composés en deux endroits différents. Les oppositions ne concernent pas seulement les paysages. En Genèse r, le premier couple est créé le sixième jour. En Genèse 2, l'homme est créé dès le début. La femme n'intervient qu'à la toute fin du récit, après les fleuves, les végétaux et les animaux sauvages et les oiseaux du ciel «

».

Le premier récit montre un Dieu transcendant, abstrait. Le deuxième nous donne à voir une divinité aux doigts maculés de glaise. Comme un potier, Dieu façonne le premier homme, avant de lui souffler dans ses narines une haleine de vie. Comme un jardinier, il plante et fait croître les arbres du jardin d'Éden. Il y a donc ici deux conceptions de la divinité qui trahissent des univers culturels et mentaux différents. D'ail­ leurs, même les noms de la divinité diffèrent: dans le premier chapitre Dieu se fait connaître comme Elohim, dans le deuxième, il a pour nom Yahvé. Bref, dès le début de la Bible, on a des indications de récits dans des moments, des lieux et des contextes différents.

QUATRE SOURCES POUR LA BIBLE? Cela est valable pour beaucoup d'autres épisodes de la Bible : un peu plus loin on découvre aussi deux versions du Déluge, deux récits de l'alliance entre Dieu et le patriarche Abraham, deux versions des plaies d'Égypte. . . Longtemps ces passages de la Bible ont plongé les érudits dans des abîmes de perplexité. À partir du xvn• et du xv111• siècle, certains intellectuels ont commencé à avancer l'idée que la Bible compilait plusieurs documents. Cette hypo­ thèse documentaire fut approfondie, systéma­ tisée, formalisée par le bibliste allemand Julius Wellhausen ( 1844-1918). Il affirmait que les cinq premiers livres de la Bible provenaient de quatre sources différentes «

»

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 37

DOSSIER//L'ANCIEN TESTAMENT

racontant la même histoire, un peu comme les quatre Évangiles relatent l'histoire de Jésus à travers des prismes différents. Les tenants de l'hypothèse documentaire ont désigné chacune des quatre sources par une lettre de l'alphabet: J, E, P, D. Les sources « J » et « E faisaient réfé­ rence à la manière dont Dieu se manifeste dans certains passages, Elohim pour la source « E » ou Yahvé (Jeovah en allemand) pour la source « J La source « P était ainsi nommée parce que issue du milieu des prêtres. La source «D renvoyait au Deutéronome, cinquième livre de la Bible, dont le style et le message ont une tonalité très particulière. Ce modèle a dominé la recherche pendant presque cent ans, jusqu'aux années 1970. À cette date, il a été fragilisé par un certain nombre de critiques. Le débat ne portait pas sur les sources P et « D » , considérées comme fiables et solides, mais sur « J » et « E : En opposant ces »

».

»

»

«

»

»

«

deux sources parce qu'elles donnaient deux noms différents à Dieu, Wellhausen et ses successeurs fai­ saient fausse route. Notamment parce que ces noms distincts correspondent à des étapes différentes de la révélation divine. Si Dieu se manifeste sous un nom différent à Abraham et Moïse, ce n'est pas que l'on passe d'un rédacteur à un autre. Cela relève avant tout d'un approfondissement théologique » , explique Micaël Bürki, spécialiste du texte biblique, cher­ cheur à l'université de Lausanne.

TELS DES LOBBYISTES... Aujourd'hui, l'hypothèse documentaire telle que la concevait Wellhausen est donc fragilisée. Mais elle est loin d'être évacuée par tous les cher­ cheurs : « A partir des années 2000, l'hypothèse

documentaire a 1™!me retrouvé une certaine vigueur en intégrant les acquis de la recherche récente. On voit aujourd'hui se dessiner un clivage géographique autour de cette conception. Aux États-Unis, et dans une certaine mesure en Israël, elle demeure une réfé­ rence importante. En Europe, elle est désormais très minoritaire » , constate le bibliste André Wénin, professeur à l'université de Louvain. Quelles que soient les écoles auxquelles ils se rattachent, tous les biblistes actuels conviennent que la Bible se compose de voix différentes, porteuses d'intérêts, de revendications, de visions du monde particulières. En langage contempo­ rain, on pourrait presque parler de lobbies. Les biblistes, plus distingués, préfèrent parler de

La « milieux producteurs d'origine différente voix des milieux sacerdotaux est celle que l'on perçoit le plus distinctement tout au long des cinq premiers livres de la Bible. L'une des carac­ téristiques de « P réside dans son discours très structuré, son insistance sur le rôle des prêtres, et sa vigilance envers l'exactitude des rituels. On le constate par exemple dans le récit du Déluge, au septième chapitre de la Genèse. Au moment où le texte biblique décrit tous les êtres qui pénètrent dans l'arche, une insertion sacer­ dotale coupe sèchement le récit et précise: « Des ».

»

animaux purs et des animaux qui ne sont pas purs, des oiseaux, et de tout ce qui rampe sur le sol. » Cette mention d'« animaux purs

»

(qui signifie

LA VOIX DES MILIEUX SACERDOTAUX SE FAIT ENTENDRE TOUT AU LONG DES CINQ PREMIERS LIVRES aptes au sacrifice, le mouton est pur, le lion ne l'est pas) s'inscrit typiquement dans les préoccu­ pations sacerdotales. Le Lévitique, le livre des Nombres, une grande partie de la Genèse sont des textes essentiellement sacerdotaux. La voix de « P » domine incontestablement le paysage sonore de la Bible, mais pas au point de couvrir les autres voix. Par exemple dans ce pas­ sage de la Bible, qui rappelle la nécessaire solida­ rité avec la veuve et l'orphelin, et qui tranche avec les préoccupations cultuelles de « P » : « Quand tu moissonneras ton champ et que tu y

auras oublié une gerbe, tu ne retourneras pas la prendre. Elle sera pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve ... » Ces préoccupations que l'on pourrait presque qualifier de sociales sont tirées de la source « D '" que l'on retrouve dans le Deu­ téronome et dans les six livres suivants de la Bible. Certains biblistes affirment que cette couche de rédaction ne serait pas due à la plume des prêtres mais à celle des scribes royaux. On décèle d'incontestables nuances dans leurs inté­ rêts et leurs visions du monde. Dans certains passages de la Bible, on repère des voix qui se différencient non seulement par leur tonalité, mais par leur attirance pour certaines

--

La Genèse

comporte deux

versions de la

Création. Dans la première,

Adam et Ève

sont tous deux créés le 6° jour. Dans la deuxième, l'homme apparait dès le début, et la femme à la toute fin du récit.

• .

.. -·"" -

....,.,.,. .... .

-

Les coutures de la Bible a Bible est tissée de

relève que la civilisation qui a

dans une culture dominée par

récits différents dont les

présidé à la naissance de la

!'oralité, où l'existence de

coutures, en plusieurs

Bible se distingue de la nôtre

variantes n'est pas ressentie

endroits du texte, sont appa­

dans son rapport au texte:

comme un problème. On peut

rentes, presque surlignées.

.. Dans les société s occidentales

même penser que ce qui pour

modernes, l'idée qu'il y a une

nous infirme le texte tendrait

L

Pourquoi n'avoir pas " lissé

»

Christophe Nihan, chercheur

forme unique et définitive d'un texte écrit qui sert de référence

à l'Institut romand des

intangible est très ancrée. Mais

ces différentes versions?

sciences bibliques (Lausanne),

l'écriture de la Bible s'estfaite

plutôt à le corroborer dans une

certainefaçon, deux versions

société orale, comme si, d'une valaient mieux qu'une "· J.-F. M. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 39



DOSSIER//LA BIBLE

régions géographiques. Or, dans la Bible, la géo­ graphie n'est jamais innocente. Quand les prin­ cipaux personnages des récits arpentent certaines villes ou villages, c'est pour légitimer une posses­ sion ou étayer une revendication. C'est, en d'autres termes, pour planter des drapeaux. Et, justement, on est frappé de voir que ces drapeaux concernent des régions très différentes.

À

CHAQUE H�ROS DE LA BIBLE SA REGION DE PREDILECTION : LE NORD POUR JACOB, LE SUD POUR ABRAHAM '

Sous les pas des grands personnages bibliques, se dessinent des cartographies distinctes. Cer­ tains sont particulièrement attirés par le Nord, d'autres par le Sud. Dans le livre de la Genèse, on voit Abraham passer beaucoup de temps dans le sud du pays, comme dans le désert du Néguev ou à Hébron. Jacob, fils d'Isaac, petit-fils d'Abraham, semble quant à lui marquer une nette prédilection pour le Nord, notamment pour des villes comme Sichem, ou Penuel. Les héros des uns ne sont pas forcément les héros des autres. Dans d'autres chapitres de la Bible, qui sont les plus surprenants, les plus intrigants, certaines couches du texte semblent entrer en collision.

À QUI LE PREMIER RÔLE?

Bien sûr, il ne faut pas imaginer tout le texte biblique comme un champ de bataille. C'est plutôt un lieu de compromis qui, en certaines occasions, laisse affleurer des zones de tensions et des points d'achoppement. C'est le cas dans l'épisode de !'Exode. Depuis longtemps, les lecteurs de la Bible avaient repéré les rapports complexes entre Moïse et son frère Aaron. Dans le récit de !'Exode, on discerne des contradictions qui ne peuvent s'expliquer que par un jeu complexe de réécri­ tures et d'interpolations. On trouve ainsi des mentions Moïse et Aaron » dans un passage où, initialement, seul Moïse semblait au centre de l'action. Plus loin, le bâton que ce dernier «

utilisait pour multiplier les prodiges devant le pharaon, atterrit étonnamment dans les mains d'Aaron. On a l'impression qu'un des rédacteurs tente délibérément de valoriser l'action de ce dernier. Or, pendant que l'une des couches rédac­ tionnelles tente de le pousser sur le devant de la scène, une autre s'applique à le ramener dans les coulisses. À plusieurs endroits du texte, le frère et porte-parole de Moïse est dénigré, comme dans la célèbre scène du veau d'or. Pendant que le patriarche reçoit les dix commandements sur la montagne, le peuple s'impatiente. Aaron accepte alors de lui fabriquer un veau d'or. Moïse apprenant cela, brise les Tables de la Loi. Aaron, curieusement, ne subit pas les conséquences de cette trahison majeure.

UNE RIVALITÉ RÉGIONALE Comment interpréter de tels passages ? Les prêtres de Jérusalem étaient réputés descendre d'Aaron. On peut par conséquent imaginer une couche P sacerdotale défendre bec et ongles son prestigieux ancêtre. La couche antagoniste est moins facile à situer. Dans son best-seller, Qui a écrit la Bible (éd. Exergue, 1997), le chercheur américain Richard Friedman, partisan de l'hypo­ thèse documentaire, reprend l'idée de prêtres d'un sanctuaire rival de Jérusalem, situé plus au nord, à Silo, et dont les récits auraient influencé tout un courant du texte biblique. Cette thèse, si séduisante qu'elle soit, ne fait pas l'unanimité auprès des chercheurs. Cepen­ dant, la supposée rivalité sacerdotale qu'on entrevoit découle de cette tension Nord-Sud déjà mise en évidence. Et sur ce point, les spé­ cialistes sont d'accord pour constater que cette opposition régionale est une des portes d'entrée importantes du texte biblique. Pour comprendre ce que signifie cette opposition Nord-Sud, il faut quitter les labyrinthes du texte pour se plonger dans le contexte politique et culturel qui a donné naissance à la Bible. Au moment où s'élabore la trame du récit biblique, le peuple hébreu se partage entre deux royaumes rivaux, l'un au nord, l'autre au sud. C'est cette bipartition en deux royaumes antagonistes qui va imprimer une marque puissante sur le texte biblique ... «

»

Jean-François Mondot 'I



... 4 ....,.,.,. .. .. -·""

La terre, le ciel, les végétaux, les animaux et l'homme: le récit des six jours de la Création berce la culture judéo­ chrétienne. (H. Schedel, Le livre des Chroniques, du 1"' au 4• jour, 1493.)

La voix des prêtres domine les cinq premiers livres de la Bible. Ainsi, dans le récit du Déluge, elle distinguera les « animaux purs », destinés au sacrifice, des animaux impurs. (Dieu créant les animaux, xu• s.)

-

Une alternative à l'hypothèse documentaire a plupart des chercheurs

depuis quelques années en Europe,

sur Jacob, sur Moïse, auraient

européens ne croient plus

celle des noyaux n i dépendants.

d'abord été compilées. Sur cette

guère en une hypothèse

Elle tente de combiner les sources

première mouture se serait greffée

documentaire présentant quatre

« P .. et « D " avec des récits

la source D, à l'origine du

documents J, E, P, D, qui raconte­

autonomes (vie de Moïse, tradi­

Deutéronome. Ensuite seraient

raient la même histoire sous des

tions sur les patriarches, etc.).

intervenues des réécritures et

angles différents. Sur ces quatre

Selon cette théorie, défendue

des harmonisations multiples, en

sources, « J " et " E " ne sont plus

notamment par Thomas Rômer,

particulier celle de « P "• la source

guère considérés comme crédibles.

professeur au Collège de France,

sacerdotale, qui est omniprésente

Une autre hypothèse se dessine

des traditions sur Abraham,

dans le Pentateuque.

L

J.-F. M. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 41



DOSSIER//LA BIBLE

42 LES CAH I ERS DE SCIENCE & VIE

ù, quand, et pourquoi furent écrites les premières pages de la Bible ? Depuis plus d'un

si�le, les historiens se sont confrontés à cette énigme. Ils ont tenté de la résoudre au prix d'hypo­ thèses parfois fragiles. À formuler des conclusions tirées de la Bible pour parler. . . de la Bible, ils se condamnaient bien souvent à construire sur du sable mouvant. Comme une boule de neige roulant sur la pente d'une montagne, la Bible, réécrite, corrigée, augmentée pendant des siècles, s'est épaissie à chaque génération. Est-il possible d'en retrouver le noyau initial et d'élucider les raisons qui ont présidé à sa formation ?

Heureusement, depuis une trentaine d'années, les découvertes archéologiques se sont multipliées. Elles ont permis notamment d'en savoir plus sur le contexte politique qui a donné naissance à la Bible. Les historiens savaient déjà, qu'aux IXe et vine siècles av. J.-C., avaient existé deux royaumes israélites, l'un au nord, Israël, l'autre au sud, Juda. L'archéologie nous en dit plus sur ce qui les rap­ prochait et ce qui les séparait. Grâce aux décou­ vertes récentes, nous saisissons mieux comment l'histoire de ces deux royaumes, à la fois jumeaux et rivaux, a marqué au fer rouge, dans sa formation comme dans son contenu, le texte biblique. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 43

OOSSIER//LA BIBLE

E:CVlPIRE ASSYRIEN a

ixc siècle a\'. J.-C.

Harran

OQarqar

s Byblo 0 51 0Damas

��

Mer Méd1terr,

oTyr

tg

. .

ON1mve oAssur

samarieo Jérusalerng..

+

·� Haçoro .�

f�

aBabylone

Mer de Galilée

iddo ooro M� � oJezréel

Memphisa

samarieo Sichemo

SOO km

Thèbes

UN PROCHE-ORIENT DÉJÀ COMPLEXE

À l'aube du 1•r millénaire av. J.·C.,

tout le Proche-Orient se soumet encore aux appétits insatlables de deux grands empires : l'�gypte des pharaons et l'Assyrie, qui contrôle toute la Mésopotamie 9râce à sa redoutable armée. A la faveur d'un relkhement de la mainmise égyptienne, le Levant s'est fragmenté en une demi· douzaine d'entités politiques de dimension moyenne: sur la cOte Nord, les Phéniciens, organisés en cités-�tats Indépendantes (Tyr, Sidon, Byblos), se sont lancés dans le commerce maritime; sur la c6te méridionale, les Phillstins se sont fixés en cinq cltés-�tats prin­ cipales (Gaza, Ashkelon, Ashdod, Ekron et Gath). SI l'Égypte, pour des raisons commerciales, a long·

temps lorgné sur cette é t roite bande côt.ière, elle ne s'est jamais trop aventurée vers l'intérieur des hautes terres du pays de canaan, où ont émergé de petits �tats ethniques pour lesquels le lien famllîal prime sur le territoire. Ils comptent peu d'agglomérations et leur population diffuse trouve sa cohésion dans une structure tribale et clanique aux généa­ logies plus ou moins fictives. Les tribus des vallées et des hautes terres du Nord, propices à l'élevage et à l'agriculture, ont fondé - en 931 selon la Bible le royaume d'lsraêl autour de villes comme Megiddo et Jezréel au nord, ou encore Slchern première capitale avant Samarie fondée au siècle suivant. Au sud,

Sur ce problème extraordinairement complexe de l'origine de la Bible, nous disposons d'au moins d'une certitude : un chantier éditorial de cette ampleur nécessite un État centralisé, doté d'une administration, d'archives, d'inscriptions, et par­ venu à un degré important d'alphabétisation. Sur chacun de ces aspects, l'archéologie a une prise. Par conséquent, pour déterminer les contours du premier noyau biblique il faut d'abord se demander à quel moment, dans cette région du Levant, se mettent en place les conditions requises pour une entreprise aussi vaste et complexe. Pendant longtemps, le royaume de Salomon, au X" siècle, a représenté aux yeux des historiens le profil adéquat. Sans doute étaient-ils victimes de leur fascination pour ce que la Bible vante à Lon­ gueur de pages: L'incomparable magnificence de ses monuments, sa richesse fabuleuse et l'argent qui y était aussi répandu que les cailloux des chemins. . . Depuis une quinzaine d'années, Les recherches menées par Israël Finkelstein, directeur de l'lnsSCIENCE & VIE

Siloo

Royaume d'lsraêl Royaume de Juda

a

44 LE S C AHIERS DE

N

oDan

Béthelo oJéricho Ashdodo AShqelôno Gazao ·�" '$$ , -�Ç,�

oRabba

Jérusalemo Hébrono

Mer Mort

oDibôn



oBeersheba

50 l, Asherah. Pour des

de polythéisme qui ne vénère i èl l'exclusion qu'un seul deu

aussi des centres de percep­ tion - une réorganisation

de voir apparaître un véritable

raisons politiques et écono­ miques - les temples sont

des autres. lifaut attendre encore plusieurs siècles avant monothéisme.

"

C. Migeon

L'archéologie contredit

la Bible: jusqu'à la fin du vm• s. av. J.-c., d'autres

dieux côtoient, à Juda,

Yahvé. (Asherah, déesse

de la fertilité.).

'

! �

0

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 49

DOSSIER//LA BIBLE à son oncle Laban, ancêtre des Araméens. Ce peuple entretenait des relations souvent conflic­ tuelles avec le royaume d'Israël. Or le récit nous montre Jacob et Laban établir une frontière maté­

rialisée par un monceau de pierres. On peut penser que de tels récits intéressent surtout les habitants du royaume du Nord. . . Partager tant de choses, langue, culture, traditions, ne rapproche pas pour autant les deux royaumes.

Leurs élites se regardent en chiens de faîence. On peut imaginer que le royaume du Sud craint et jalouse son riche voisin, et que celui du Nord éprouve en retour un mépris incommensurable pour son famélique

alter ego . . . Cette glaciale

coexistence va durer jusqu'à la fin du v1ue siècle.

C'est alors que l'impensable se produit. Le royaume du Nord est brutalement rayé de la carte.

LES TRIBUTS DE LA GLOIRE L'archéologie est ici très utile pour comprendre la logique des événements. Une stèle de marbre noir

du British Museum, montre Jéhu, roi d'Israël de 841 à 814, faire hommage au roi assyrien Salma­ nasar I I I : on le voit se prosterner jusqu'à se

confondre avec le sol. À ses yeux, cet assujettisse­

ment en valait sans doute la chandelle. Une

grande partie des richesses du royaume du Nord venait de son insertion dans le grand commerce international, dominé par l'Assyrie. Mais en re­ tour, il fallait s'incliner. Et verser de lourds tributs.

À la fin du vrue siècle, le royaume du Nord tente

de s'émanciper de cette pesante tutelle. Le roi Osée, à partir de 726, fomente une coalition avec l'Égypte. La réaction de l'Assyrie est brutale. Sal­ manar V assiège Samarie, la capitale, et finit par s'en emparer. Nous sommes en 722 avant notre ère. Une partie des élites est déportée. Le royaume d'Assyrie, après avoir fait la prospérité du royaume du Nord, vient de signer sa perte. Désormais ne

Qgerelles autour des premiers textes bibliques

L

a plupart des historiens

s'ils ont des correspondances

conquête de Canaan parJosué.

Proche-Orient ancien tous les

admettent qu'une

avec la littérature assyrienne,

templespossédaient leur récit de

première mise par écrit

alors le modèle culturel domi­

i u Ainsi, Yahvé, comme le de

fait pleuvoir d'énormes pierres

se dit persuadé que ces textes

de certains récits bibliques

nant: « Or, quand on lit le récit de

d'Assur dans certains récits,

la création. .. Christophe Nihan

a lieu à la fin du VJie siècle

la naissance de Moïse, les pa.ral­

sur les ennemis des Hébreux.

de l'époque néoa.ssyrienne

quelle est l'ampleur de ce

lèles auec la naissance de Sargon,

le grand souverain assyrien, sont

" On peut rai sonnablement sup­

poser que parmi les documents

sont assez limités et peu éla­ borés. Néanmoins, pense-t-il,

§

document primitif? Christophe

troublants. Sargon comme Moïse

«

;:;

Nihan, spécialiste de la Bible à

qui circulent au VlI' sièclefigurent

sontjet.és dans les eaux du fleuve

l'université de Lausanne, sou­

dans un panier d'osier. Tous deux

table, les querelles des spécialistes

ligne que pour comprendre

sont des enfants tirés des

MoiSe et un premier récit de la

aussi qu'existent déjà des textes

premiers écrits bibliques au temps

sous l'égide du roi Josias. Mais

quels textes circulent à

e a u x ... » On trouve aussi des

une première version de la uie de

conquête de Canaan. ]'imagine

comme on ne pourra jamais les

reconstruire de manière incontes­ sur l'étendue et l'importance des

l'époque du roiJosias, le meil­

parallèles entre la littérature

de rituels, et un récit sur la créa­

du roiJosias ne sont pas près de

leur moyen est de déterminer

assyrienne et l'histoire de la

tion du monde puisque dans le

s'éteindre...

50 LES CAHIERS DE SCIENCE & V IE



J.-F. M.

z

< ex N

À la fin du v111• siècle sont enfin réunies les conditions minimales pour un premier noyau biblique. L'alphabétisation se développe, comme l'atteste cette inscription commé­ morant un des grands travaux d'Ëzéchias: un tunnel pour relier Jérusalem à la source.

subsiste plus qu'un seul royaume israélite : celui de Juda, pourtant le moins riche, le moins peuplé, le moins favorisé. Pour ce dernier, la disparition de son encombrant voisin n'est pas une simple péripétie géopolitique. C'est un événement métaphysique. C'est le monde qui bascule. Les élites judéennes voient dans les événements de 722 la confirmation éclatante de leur élection divine. Si Dieu a épargné Juda, n'est-ce pas la preuve flagrante qu'il est appelé à régner sur la totalité des territoires israélites ? Varchéologie témoigne de la grande mutation de Juda. Vafflux de réfugiés venus du Nord entra"me un spectaculaire accroissement démographique. Jérusalem change de dimension. Elle passe de 6 à 60 hectares et compte environ 15 ooo habitants.

C'EST SOUS LE ROI, JOSIAS QU'AURAIT COMMENCE LA REDACTION DU RÉ CIT BIBLIQUE De bourgade, elle devient métropole. Juda accède à une prospérité inédite. Il suit pour cela les recettes de l'ancien royaume du Nord : une politique de collaboration avec l 'Assyrie qui permet d'intensifier les échanges. En particulier,

les relations commerciales avec l'Arabie s'ampli­ fient de manière saisissante. Pour la première fois, on trouve dans le royaume de Juda les caractéristiques archéologiquement repérables d'un État développé. Or, comme nous l'avions souligné, mettre en chantier un ou plu-

sieurs livres bibliques suppose que cette infrastruc­ ture étatique est arrivée à maturité. On n'écrit pas la Bible seul, sous une tente, au milieu du désert du Néguev. Il faut une administration, des ar­ chives, une impulsion royale. À partir de la fin du vin• siècle et du début du vu• siècle, ces condi­ tions commencent à être réunies dans le royaume de Juda. Ses rois se mettent à rêver d'une grande nation gouvernée par un descendant de David, ayant pour cap itale Jérusalem et un seul Dieu, Yahvé. Mais l'Assyrie, source de richesses, est en même temps un obstacle à cet idéal de grande nation. Car elle régente le pays d'une main de fer. C'est alors que, pour les élites judéennes, le monde va basculer une deuxième fois. De 626 à 623, une guerre civile emp ê c he les Assyriens de contrôler leurs vassaux. V gypte prend le contrôle du littoral mais délaisse l'intérieur des terres. Dans cette conjoncture particulière d'éclipse des deux grandes puissances, les élites dirigeantes du royaume de Juda voient certainement une aubaine géopolitique providentielle. Après 722, c'est une deuxième manifestation de l'élection divine. Le roi de Juda s'appelle alors Josias (640-609). C'est à cette époque que nombre d'historiens situent le moment fondateur de la première rédaction du récit biblique. Le roi Josias aurait fait composer un document pour appuyer ses revendications natio­ nales. Quant à savoir la forme et le contenu de ce premier noyau biblique, on entre ici dans le do­ maine fragile et mouvant des conjectures. Dans son livre La Bible dévoilée, Israël Finkelstein imagine un document relatant les origines du

É

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 51

DOSSIER//LA BIBLE

peuple hébreu jusqu'au roi Josias lui-même, et qui, après un certain nombre d'enrichissements et de modifications ultérieures, aurait abouti à la Bible actuelle. Ce récit aurait eu pour visée première de donner le beau rôle au royaume de Juda et à ses rois, et de légitimer ainsi ses prétentions à dominer l'ensemble des territoires israélites. Le récit de la monarchie unifiée de Salomon aurait été une pièce essentielle de cette propa­ gande judéenne. Le texte biblique en porte la marque encore aujourd'hui quand il nous raconte, par exemple, comment Salomon aurait reconstruit

TOUS CES TEXTES QUI CIRCULENT AU VIIe SIÈ CLE AVANT NOTRE È RE NE FORMENT PAS ENCORE UNE BIBLE.

et rénové Megiddo, Haçor, Gérer, c'est-à-dire exactement ces anciennes villes du royaume du

Nord que les rois judéens convoitent. Pour donner

Christophe Nihan

un peu de poids à ce roman d'une grande mo­

peu obscures, le pharaon Néchao convoque Josias

narchie unifiée, le règne de Salomon est exalté,

magnifié. On retrouve cette anecdote de l'argent

à Megiddo. En une phrase, la Bible nous apprend

aussi fréquent que les pierres sur le chemin. Aux

concision donne une idée saisissante de l'�cable­

origines de ce mythe du grand royaume de

ment inouï que ressentirent les Judéens à là mort

Salomon, qui a tant influencé l'imaginaire occi­

de leur héros. Voilà les scribes sans voix. Les mots

dental (et même oriental}, se trouvent donc les

viennent à manquer devant cette catastrophe.

ambitions d'un petit royaume du Levant. . . Selon Israël Finkelstein, ce document biblique

que le roi judéen fut transpercé d'une flèche. Cette

LE CHEMIN DE L'EXIL



d'associer toutes les populations de Juda à son

Le royaume de Juda n'est qu'au tou début d e � route semée de malheurs et de tragédies. Les -Égyp­

entreprise. Toutes, c'est-à-dire également les popu­

tiens reprennent alors brièvement le contrôle du

lations originaires de l'ancien royaume du Nord.

pays avant que les armées de Nabuchodonosor

Et c'est pourquoi figureraient dans ce premier

déferlent sur la région et s'emparent de Jérusalem

noyau biblique des récits reprenant un certain

en 597 av. J.-C. Le roi Joiakin et sa famille sont

nombre de légendes du Nord.

faits prisonniers et envoyés croupir dans les geôles

primitif aurait eu une deuxième finalité : celle

UN PREMIER NOYAU BIBLIQUE?

babyloniennes. Son oncle Sédécias, jugé plus conciliant et placé sur le trône, commet l'impru­

Pour Israël Finkelstein, ce premier noyau biblique

dence de fomenter une rébellion quelques années

a donc beaucoup d'épaisseur et de consistance.

plus tard. Les représailles seront terribles. Vers la

Certaines parties essentielles de la Bible que nous

fm de l'été 587, les murs de Jérusalem sont abattus,

connaissons aujourd'hui y seraient déjà esquissées.

le temple de Salomon est pillé et détruit, et le

Sur ce point, les désaccords sont nombreux entre

malheureux Sédécias voit ses enfants se faire

les historiens. D'autres spécialistes du texte bi­

égorger avant qu'on ne lui crève les yeux. C'en est

blique envisagent cette première mise par écrit comme un document minimal ne comportant en

fini de la monarchie davidique. Selon la Bible, toute l'aristocratie de Juda, les élites du Temple,

tout et pour tout qu'une partie du Deutéronome,

du Palais et autres dignitaires prennent le chem

le cinquième livre de la Bible.

de l'exil à Babylone. Le désarroi est total : le peuple

Christophe Nihan, spécialiste de la Bible à l'uni­

israélite n'a plus de pays, plus de roi, plus de

versité de Lausanne, a une position intermédiaire

(voir l'encadré p. 50 ). Mais il souligne fermement

Temple pour adorer son Dieu. Lui reste-t-il d'ail­

circulent au même moment ne forment pas une Bible. En effet, toutes ces traditions diverses qui circulent ne sont pas articulées entre elles. Ce sera le travail des scribes des générations suivantes que de faire ce travail

rompue ? Aux exilés judéens comme à ceux qui

un point

essentiel : «Je pense que tous ces textes qui

in_.;;;;.--­

leurs seulement un Dieu ? Tous ces événements ne sont-ils pas le signe que !'Alliance avec Yahvé est sont restés sur place, il ne reste pour se réchauffer que ces textes, qui parlent de la grandeur du royaume défunt et de ce soutien indéfectible que

Mais quelles que soient la portée

Yahvé leur promettait. Ces textes sont en complet

et l'ampleur des documents qu'il fait mettre par

décalage avec la suite de catastrophes que vient

écrit, les ambitions de Josias vont tourner court.

de subir le royaume de Juda. Il va donc falloir les

L'Assyrie, minée par ses révoltes internes, est hors

compléter, les repenser, les réécrire.

d'intégration.

»

jeu, mais pas l'Égypte, qui retrouve sa volonté hégémonique. En 609, dans des circonstances un

52 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

Jean-François Mondot

Ptre 1Qf, 't..;

Le r oy �uny cje Juda se rebelle à sl>rf "'r t les Assyriens. Èn siège de Lakish pfO'IOCJ.le l'emprisonnement ou le départ de la population. En �7, Jérusalem subira le m sort. (Rellef du palais Sennachérib.)

La Bible, née de l'Exil dessine ainsi en deux fois:

Au maximum un quart de la

une première vague lors de

population, estime l'archéo­

la prise de Jérusalem, en 597,

logue Israël Finkelstein dans

par le terrible roi babylonien

la Bible dévoilée. La Judée n'est

Nabuchodonosor Il, puis en

donc pas vidée de sa popu­

587, lorsque la ville, à nou­

lation. Ce sont les élites qui

que les exilés n'ont cessé de se lamenter sur leur royaume disparu. Mais, d la lecture de ces tablettes, on a limpression ' que chacun vaque d ses affaires et que la vie continue...

veau révoltée, voit son temple

sont visées, notamment les

relève Arnaud Sérandour,

détruit, ses murailles rasées

prêtres et les scribes. Que

chercheur à l'tcole pratique

Comme en témoigne le

par le même Nabuchodo­

se passe-t-il après !'Exil?

des hautes études (EPHE),

célèbre psaume 137, !'Exil

nosor II. Ensuite, lisons-nous,

La Bible ne se montre guère

spécialiste du judaïsme à

est l'expérience fondatrice

il déporte « le

prodigue en détails sur la vie

l'époque hellénistique. Mais

du peuple d'Israël. Il y a

reste de la popu lation laissée dans la ville

des Israélites transplantés

il est évidemment difficile de

un avant et un après cette

Les Judéens ne gagnent pas

à Babylone. L'archéologie

prétendre connaître les états

épreuve qui projette son onde

tous la Mésopotamie. Un

nous permet d'en savoir un

d'âme d'une population par le

de choc sur le texte biblique.

certain nombre se sont

peu plus. Nous possédons

prisme de contrats de vente,

Le livre de !'Exode raconte

enfuis vers l'tgypte, zone

quelques documents sur

comme le reconnaît sans dif­

!'Exil. Et les figures princi­

traditionnelle de refuge.

la vie quotidienne de ces

ficultés Arnaud Sérandour.

pales de la Bible, Moïse,

Mais combien de personnes?

communautés judéennes

Quoi qu'il en soit, au bout

Comme d'habitude, les

en exil dans deux sites,

d'une cinquantaine d'années

né à Ur, sont des immigrés.

chiffres de la Bible sont peu

Al Yahudu et Bit nasar.

d'exil survient un coup de

En définitive, la Bible ne parle

fiables: 10000 personnes

que d'exil.

selon le livre des Rois, 4 600

UNE AUTRE IMAGE

sant Empire babylonien

Sur le plan métaphysique,

selon le prophète Jérémie.

DE L'EXIL

s'effondre. C'est la Perse de

cet exil est très nettement

Mais on ne sait pas bien si

« Ces documents se présen­

Cyrus n, le Grand Roi, qui

perceptible. Sur le plan his­

ces chiffres comptabilisent

domine la région. Il autorise

torique, il l'est déjà moins.

seulement les chefs de

Quand prend-il forme? Com­

famille ou l'intégralité des

bien sont partis ? Sur cet

personnes exilées. En tout

épisode, nous ne disposons

état de cause, il ne faut pas

souvent que de ce que dit la

imaginer que toute la popula­

Bible elle-même. Cet exil se

tion est emmenée à Babylone.

tent sous forme de tablettes d'argile qui enregistrent des contrats commerciaux entre exilés judéens. lis sont ntéres­ i sants, car ils présentent une autrefacette de !'Exil. A lire la Bible, on a parfois l'impression

S

ur les bords desfleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion (...] Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche, que ma langue s'attache d mon palais si je ne me souviens de toi (...] "

né en tgypte, et Abraham,

­



"•

théâtre: en 539, le puis-

les exilés judéens à rentrer et à construire un nouveau temple. En théorie, c'est la

fin de !'Exil. Sauf qu'un cer­ tain nombre vont rester en Babylonie ou en tgypte. A combien estimer ceux qui rentrent? La Bible parle du retour de 50ooo exilés, ce qui semble assez improbable. Une seule certitude: avant cette période, nous avons des textes indépendants, parfois contradictoires. C'est après !'Exil que les livres sacrés des

Judéens vont faire l'objet d'un grand réaménagement. Com­ mence alors un grand effort d'articulation et de coordina­ tion de ces différents textes.

C'est ce travail qui va donner naissance à la Bible. J.-F. M.

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

53

DOSSIER//LA BIBLE

Afin de reconstituer l'identité d'un peuple dispersé par l'Exil, le texte biblique devait répondre à toutes les

aspirations. La version finale laisse ainsi filtrer, à travers

les pages, les longs compromis nécessaires à son élaboration.

La ré action ina •

____



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e

r-. � .. ,� '""" .�

né ociationS" .,..........

a première mise par écrit de la Bible nous apparaît dans un brouillard percé de fragiles lueurs. Certes, on discerne quelque peu le contexte historique dans lequel un premier noyau biblique a pu prendre forme. Il s'agit de l'époque du roi Josias, au vue siècle avant notre ère. Mais les contours exacts de cette première édition nous échappent. Nous ne saurons proba­ blement jamais comment se présentaient ces pre­ miers textes, une fois dépouillés de leurs ajouts et réaménagements ultérieurs. L'origine est hors

54 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

e,

d'atteinte, irrévocablement. Et la suite ? On pou­ vait espérer qu'en avançant dans le temps nous disposerions de données plus sûres, en particulier sur la rédaction finale du texte après l'Exil (597539). Or la Bible se révèle aussi complexe en aval qu'en amont. Une certitude, cependant: la com­ position des textes bibliques va être l'objet d'une négociation multilatérale entre les différentes composantes de la société judéenne. De cette négociation transparaissent de nombreux indices. Cette dernière a donné lieu à un document de

\" -

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 55

DOSSIER//LA BIBLE

Mer Noire

N

+

Arménie

EMPIRE PERSE Vle siècle a\(. J.-C.

Cappadoce

Damaso

Mer Méditerranée

Médie Élam

a 1gne osuse 1is Babylonie Persépo0

B bY

Jérusalem(fProvince

de Yehoud

0

Mer Caspienne

P e rse

Golf�

e.l s1qu Pç L==::::J�-:::=:=:=:;::-�-;::=::::: ����� ,T t� _� -,-�---.� -;"---'---Z::::: Memphis _

E , gypte

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Mer éditerrané

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Béthel � . Jér ho �

N

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� Miçp�O Gabatr) oJérusalem

Géz

-oBethléem

LA PROVINCE DE JUD�E

Au V" s. av. J.-c., Juda

devient une province de l'Empire perse. Les Juifs de retour d'exil et ceux restés sur place doivent reconstruire une identité commune.

Bet-Çuro Hébrono

c:.J Province de Yehoud so l >,

Qui est véritablement Abraham? Les maigres indications chronologiques d e la Bible le situent au 1 1 1e millénaire. Mais les indices donnés par les

cherches archéologiques nt vers le v11e siècle. . .

«

Mer Méditerranée oam s Ëgypte

»,

m '.J k= �O�� D'A E� L'l�T�IN���RA 1L.:�� �B���===�;:::=��SO �IR��

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 69

OOSSIER//LA BIBLE été construit par Hérode le Grand, vers 30 av. J.-C. Les fouilles archéologiques étant interdites, difficile de savoir si ce tombeau re­ couvre une sépulture plus ancienne. Si un éventuel Abraham historique semble hors d'atteinte, l'univers dans lequel il évolue donne davantage prise à l'histoire et à l'archéologie. Le récit biblique décrit un monde semi-nomade, qui parut dans un premier temps réaliste et cré­ dible. Mais à quelle date situer cette époque patriarcale » ? En recoupant les maigres préci­ sions chronologiques de la Bible, les érudits ont conclu que l'histoire d'Abraham prenait place à la fin du 111° millénaire, vers 2100 av. J.-C. u début du xxc siècle, William Foxwell Albright, archéologue amé­ ricain, formulait une théorie selon laquelle les peuples amorrites venus e haute Mésopotamie auraient migré en Canaan vers 2100-2000. Il voyait en Abraham la trace de cet épisode historique. Mais les recherches ultérieures n'ont décelé aucun indice de cette migration amorrite. Par ailleurs, plusieurs analogies du récit avec les coutumes mésopotamiennes ont été mises en évidence, notamment le remplacement d'une femme stérile par sa servante. Malheu­ reusement, cela ne donne aucune certitude chronologique, car cette coutume est valable pour le Ille comme pour le 1er millénaire. Enfin, certains détails de l'arrière-plan histo­ rique du récit renvoient à une tout autre époque. Le chapitre 20 de la Genèse évoque la ren­ contre d'Abraham et du roi philistin Abimélek à Gérar . Or les fouilles archéologiques montrent que les Philistins ne s'établirent à Canaan qu'au xuc siècle avant notre ère. C'est au vue siècle que Gérar devient un important centre admi­ nistratif assyrien pour cette région. Un autre détail révélateur du récit va dans le même sens. Il s'agit des chameaux, si souvent cités dans l'histoire d'Abraham. L'archéologie prouve que c'est à partir du vue siècle qu'ils se fondent vraiment dans le paysage. Encore une fois, l'archéologie tire l'historien par la manche pour l'obliger à déplacer son regard vers le vnc siècle, époque supposée de la première mise par écrit des récits autour des patriarches. En cherchant un Abraham historique au Ille millénaire on fait fausse route. La Bible ne vise pas à fournir des données historiques sur le Ille millénaire et le lointain passé d'Israël, mais à faire sens pour ceux qui l'écrivent, et la re­ çoivent. Le récit biblique a d'ailleurs si bien fonctionné qu'Abraham est devenu un symbole pour les trois religions monothéistes. «

Frédérique Borde

Abraham dans le texte

L

es spécialistes de

que l'origine d'Abraham

la Bible sont d'accord

s'enracine vraisemblablement

pour dire que l'essentiel

dans des traditions locales

de la Genèse, donc les récits

centrées sur un grand

sur les patriarches, ont été

personnage vénéré à Hébron.

recomposés à partir du

Si les prêtres n'ont pas créé

v1• siècle, après l'exil

Abraham, ils ont cependant

à Babylone, par un ou

plusieurs rédacteurs sacerdo­

taux (la fameuse « source P »).

son histoire après l'Exil. D'une part, ils ont tricoté

Auraient-ils pu inventer

le lien entre Jacob et Abraham,

Abraham à partir de rien?

deux traditions totalement

La plupart des spécialistes du

indépendantes à l'origine

texte réfutent cette hypothèse.

(par exemple au moyen de ces

D'une part parce qu'il existait

longues listes généalogiques

peut-être dé jà un début

typiques du livre de la Genèse)

de mise par écrit de la saga des

et, d'autre part, ils ont inventé

patriarches issue du roi Josias

l'origine mésopotamienne

(vn• siècle). D'autre part parce

d'Abraham. En faisant partir

que l'on trouve dans la Genèse

celu i-ci d'Ur, sur l'ordre

des récits, par exemple

de Dieu, ils légitimaient

le séjour en tgypte, où il cède

de mani ère puissante et incon­

provisoirement sa femme

testable le retour des exilés.

Sarah au pharaon pour avoir

C'est ainsi qu'une tradition

la vie sauve, qui ne sont

locale, sans doute relativement

vraiment pas à l'honneur

modeste, a pris tout à coup

d'Abraham. Ces récits devaient

une importance démesurée.

être très connus de l'ensemble

Cela n'a pas été forcément

des Judéens, sans quoi

admis par tous. Dans un

le rédacteur «P,. ne se serait

des livres prophétiques,

pas senti obligé de le.s inclure

le prophète Esaïe, qui écri t

dans la trame narrative.

après l'Exil, s'adresse à Yahvé:

Par ailleurs, comme le montre

cc

Thomas Rëmer dans certains

père. En effet, Abraham ne nous

livres prophétiques de la Bible

connaît pas et Israël ignore

écrits avant l'Exil, et qui ne sont

C'est toi, cependant qui es notre

qui nous sommes



Dans ce

pas de la plume des prêtres,

cc

se trouvent quelques allusions

pas "• il est possible de voir

à Abraham qui ne sont pas

une critique de la promotion

explicitées, comme si

fulgurante d'Abraham .

le personnage était déjà une

référence connue. Thomas Rëmer conclut de tout cela 70 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

remanié considérablement

Abraham ne nous connaît

..

1

Thomas Romer, La Bible, quelles

histoires, Bayard, 2014. -

J.-F. M

DOSSIER//LA BIBLE

Dieu, dit la Bible, choisit Moise pour transmettre son message: les dix commandements. Ils seront à la base de l'éthique judéo­ chrétienne. (Vitrail, église Saint-Pierre d'Orbais, xn• s.)





01se ,

'

.

introuva

e

Moïse, sauvé des eaux, est touché par le divin.

Promis à un destin exceptionnel, il endosse des rôles multiples : prophète, libérateur de son peuple, législateur, chef de guerre. Mais l'histoire et l'archéologie ne rejoignent pas la légende. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 71

OOSSIER//LA BIBLE L'Exode est l'épisode fondateur de la religion hébraîque, mais l'archéologie n'en trouve pas la trace. (Moîse, sur ordre divin, frappe de son baton un rocher, et en fait jaillir de l'eau. Vitrail, Vic-le-Comte, 1525.)

oïse est la figure centrale du judaïsme. Les cinq premiers livres de la Bible, qui constituent la Torah, peuvent être considérés comme sa biographie. Le cinquième, le Deutéronome, se termine d'ailleurs sur le grand discours qu'adresse Moïse au peuple d'Israël avant de mourir. Les phases marquantes de sa vie appaniennent à l'imagi­ naire occidental: son abandon dans un panier d'œier enduit de bitume et de poix (sorte de modèle réduit de l'arche de Noé), sa rencontre avec la fille de Pharaon qui le sauve et le nomme : Elle appela son nom Moïs e (Moshé) , disant : "Car de l'eau je l'ai tiré (meshitihou)." (Exode 2,10) Suivent son premier coup d'éclat, lorsqu'il tue un Égyptien maltraitant un esclave hébreu, sa fuite et sa rencontre avec Dieu dans le désert du Sinaï. Puis reviennent à l'es­ prit toutes les grandes scènes hollywoodiennes: l'affron­ tement avec le pharaon pour faire libérer son peuple, les dix plaies, l'ouverture de la mer des roseaux (qui, par une erreur de traduction, a donné « mer rouge ) L'histoire commence donc comme une légende colorée classique, celle de l'enfant recueilli par la fille d'un roi. Puis, dans le cadre austère du désert, elle devient un parcours théologique. Moïse y passe quarante ans avec un peuple « à la nuque raide » (Exode 32,9), prompt à se dérober aux commandements de Dieu. À la différence d'Abraham, Moïse nourrit des états d'âme. Cet aspect est bien mis en avant par Jean-Chris­ tophe Attias (Moïse fragile, Alma éditeur, 2015). Ainsi, lorsqu'il descend de la montagne où il a reçu le Déca­ logue, et voit son peuple se vautrer dans l'adoration du veau d'or, il demande à Yahvé d'être effacé ( « efface­ moi de ton livre, celui que tu as écrit », Exode 32,32). Il meurt à l'âge de 120 ans, en regardant la Terre promise, mais sans y pénétrer, de l'autre côté du Jourdain. Quelle est la réalité d'un personnage aussi considérable, à la fois chef de guerre, législateur, guide religieux ? «

»

»

«

72 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

.

Moïse n'a aucun tombeau attesté. Selon Jean-Chris­ tophe Attias, son corps disparaît par une sorte d' « humi­ lité posthume ». Moïse s'est effacé. . . Cependant cette figure n'est sûrement pas une pure fic­ tion. Si on avait construit de toutes pièces la figure d'un libérateur des Hébreux, on ne lui aurait pas donné un nom égyptien. En outre, Moïse présente quelques racines his­ toriques plus établies que les patriarches. Les « Asiates > >, ces hommes du Levant qui font carrière dans l'adminis­ tration de Pharaon, sont attestés dans les sources égyp­ tiennes. Par ailleurs, certains personnages mentionnés par les Égyptiens offrent des parallèles troublants avec Moi:se. Un certain ben Azen servait à la cour de Ramsès II, et serait intervenu dans un conflit entre nomades sémites et contrô­ leurs égyptiens. Un dénommé Beiya aurait fomenté une guerre civile, mais il fut mis à mort avant d'avoir pu quitter le sol égyptien. Ce n'est pas tout à fait Moïse, mais ce sont des morceaux de son histoire. Il est donc possible qu'il soit un amalgame de certains de ces personnages historiques. Qu'en est-il de l'épisode fondateur de l'Exode? Dans les archives égyptiennes, nulle trace d'un pharaon qui se

Pi-Ramsèso

»

N

t Sinaï L'ITIN�RAIRE DE MOISE

+

100 km

DOSSIER//LA BIBLE

Moise dans le texte

A serait noyé avec son armée. Mais on retrouve un événe­ ment qui rappelle étrangement !'Exode: l'histoire des Hyksôs. Au début du deuxième millénaire, ces popula­ tions étrangères venues du Levant s'étaient emparées du pouvoir, fondant une capitale (Avaris) dans le delta du Nil, avant d'être violemment expulsées. DES FAITS TRANSFORMÉS, RÉINTERPRÉTÉS

un certain moment

une partie de la source D

de !'Exode survient

(comme Deutéronome).

un fait très curieux.

Moïse, acteur principal de

Thomas Rëimer (La Bible, quelles

toute cette histoire, disparaît.

histoires!), cette version plus

Cet escamotage se produit lors

militariste de Moïse se

du chapitre 4 de !'Exode, qui

retrouve dans les sources

relate son affrontement

extrabibliques qui rendent

avec Pharaon. Du verset 6

compte de son action.

jusqu'au verset 19, Moïse n'est

L'historien grec Hécatée

plus mentionné. Dans ce long

d'Abdère (fin du ive s. av. J.-C.)

passage, on ne parle plus

nous dépeint un chef de guerre

de Moïse mais des Hébreux.

lorsqu'il écrit: " Un certain

Comment l'interpréter?

Moïse a conquis le pays

Les spécialistes du texte

etfondé plusieurs cités, dont

en déduisent qu'il existait

L'histoire confirme la présence de populations cana­ néennes entre 1800 et 1570 avant notre ère. Sauf que l'Exode ne peut avoir lieu avant le xrue siècle, puisque le texte fait mention de la ville de Ramsès, et que le premier pharaon à porter ce nom prend le pouvoir en 1320 avant notre ère. Que dit l'archéologie? Israël Fin­ kelstein souligne, dans La Bible dévoilée (Bayard, 2002) , qu'on n'a relevé aucune trace de ces marcheurs fan­ tômes » qui ont arpenté le désert pendant quarante ans. Et l'on ne retrouve pas non plus, en Canaan, la trace d'un afflux massif de population à ces époques. Bref, rien au départ, rien à l'arrivée. En revanche, beaucoup de détails géopolitiques qui nous ramènent... au vu• siècle de notre ère. On se retrouve donc avec des pièces d'un puzzle qui ne s'emboîtent pas. Les spécialistes comme l'égyptologue Donald Redford en arrivent à la conclusion que des événements réels marquants (comme les Hyksôs) ont été ensuite trans­ formés, réinterprétés, enrichis pour se plier à la logique des scribes et des prêtres qui ont commencé à consigner cette histoire au vue siècle. Ces premiers rédacteurs ne se souciaient pas d'écrire l'histoire. Ils voulaient décrire la relation unique entre un Dieu, Yahvé, et son peuple, les Hébreux, d'une ma­ nière qui frappe les esprits. On peut dire qu'ils ont réussi au-delà de leurs espérances . . Frédérique Borde «

.

D'ailleurs, relève l'historien

une version de !'Exode...

sans Moïse, qui serait une

des pierres constitutives du récit. Dans certains psaumes, l'expression " Yahvé nous a fait sortir d'tgypte ,, se réfère

la fameuse Jérusalem.

»

Un autre fait troublant nous introduit au cœur de la salle des machines qui a produit ce texte. Au chapitre 7

de !'Exode, le bâton qui était dans les mains de Moïse

peut-être à cette tradition

au chapitre 4. et avec lequel

d'un exode sans Moïse.

il

accomplit des prodiges,

L'un des autres matériaux

devient celui d'Aaron, son frère.

de !'Exode serait une " Vie de

Or au début du récit, quand

Moïse "• une narration

on évoque la famille de Moïse,

populaire et colorée, très

il n'est pas question de son

influencée par la littérature

frère mais de sa sœur, Myriam.

mésopotamienne (en particu­

On repère de manière générale

lier le récit de la naissance

dans le texte toute une série

du roi Sargon d'Akkad, lui aussi

d'interpolations qui tendent

placé dans un berceau d'osier).

à placer Aaron au centre de

Dans cette version, plusieurs

l'action. Qui est Aaron? Il est

indices laissent penser que

l'ancêtre mythique des prêtres

Moïse apparaissait plus comme

du temple de Jérusalem, car

un chef de guerre classique

il aurait été le premier à offrir

que comme un chef religieux.

des sacrifices à Yahvé. Ces

Cette version aurait été mise

n i terventions " signent " donc

par écrit pour la première fois

l'action des prêtres (la fameuse

par les scribes du roi Josias,

source « P ») qui mettent la der­

au vu• siècle avant notre ère.

nière main sur le texte biblique,

Leur intervention constitue

après !'Exil à Babylone. J.-F. M. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 73

OOSSIER//LA BIBLE

74 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE



antor1n, artisan �e

Les eaux couleur de sang, les insectes, les maladies ... Le livre de l' Exode égrène les fléaux que Dieu infligea au pays de Pharaon. Ces événements, imprimés dans les mémoires, auraient pour origine une grande éruption volcanique

survenue vers 1645 avant notre ère.

our libérer le peuple hébreu du joug du pharaon et affirmer sa toute-puis­ sance, Yahvé, par l'intermédiaire de

Égypte en lui infligeant les fameuses

son prophète Moïse, déchaîna sa colère sur l'

10 plaies relatées dans l'Ancien Testament. Pour cer­

tains scientifiques, ces fléaux répandant la désolation, la maladie et la mort seraient liés à l'éruption minoenne du Santorin, une éruption qui dévasta l'archipel des Cyclades il y a près de 3 500 ans, et qui perturba le climat mondial durant de longues années. Autour de 1650 avant notre ère, le volcan de Théra gronde. Séismes, petites éruptions et autres signes avant-coureurs ont fait fuir la population depuis plusieurs années déjà, et c'est sur une île déserte que le volcan va déchaîner sa colère. La montagne explose littéralement, projetant une colonne de matières volcaniques à plus de 35 km d'alti­ tude, droit dans la stratosphère. S'ensuit un bombardement de ponces brûlantes retombant du panache, accompagné LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 75

OOSSIER//LA BIBLE de nuées ardentes, d'avalanches de gaz et de cendres incan­ descentes qui descendent les flancs du monstre à près de 150 km/h. Des fractures gigantesques éventrent le volcan, les eaux littorales s'y engouffrent et inondent le cratère, où elles rencontrent le magma en fusion, provoquant des explosions qui vont pulvériser les roches et éjecter des bombes volcaniques mesurant jusqu'à 10 m de diamètre. En l'espace de quelques jours, le Théra crachera de 50 à 60 km3 de magma, lOO km3 de cendres, expulsant au total 150 milliards de tonnes de matière! Il laissera des dépôts cumulant parfois 80 m d'épaisseur sur l'île et ses voisines; ses cendres, portées par les vents dominants, neigeront sur Chypre, Israël, la Turquie, l'Égypte. . . Cette éruption de type ultraplinien, qualifiée de mégacolossale par les vol­ canologues, atteint un indice d'explosivité volcanique de niveau 7, la classant parmi les 4 éruptions les plus puissantes des 10 ooo dernières années, la première de notre histoire. près l'éruption, le chaos continue: la chambre magmatique, complètement vidée, s'effondre sur elle-même. La mer s'y précipite et le mou­ vement subit de plusieurs millions de mètres cubes d'eau lève une série de vagues gigan­ tesques, estimées entre 30 et 150 m, qui vont déferler sur la Crète. On retrouvera les traces des tsunamis dans les sites archéologiques des rivages de tout l'est de la Méditerranée, jusque dans les dépôts de la mer Noire. D'un volcan de 900 m d'altitude, il ne reste qu'une caldeira béante de 8 km de diamètre, sculptée par une puissance titanesque venue des profondeurs de la Terre. Les îles actuelles de Thirassfa, Aspronissi et Théra, cette dernière plus connue sous le nom de Santorin, en sont les vestiges. Un tel événement n'a indubitablement pas pu passer inaperçu aux yeux des habitants du Moyen-Orient. La «

géophysique du bassin méditerranéen, très active, a da profon­ dément marquer l'imaginaiTe et la tradition OTale des peuples anciens souligne Giuseppina Capriotti, égyptologue à »,

l'Institut italien d'études de la Méditerranée antique. À l'époque, les récits étaient en effet transmis oralement, de génération en génération, avant que les scribes les reprennent par écrit, parfois plusieurs siècles plus tard. Ils couchaient alors sur le papier des histoires ayant traversé les âges, souvent remaniées et embellies, déformées ou exagérées par le bouche à oreille. Le papyrus d'lpuwer, un scribe de la XII• dynastie égyptienne, décrit de violents cataclysmes en Égypte, engendrant la famine, la séche­ resse, la fuite des esclaves et la mort dans tout le pays.

Certains passages du Coran et de la Bible font également état de ces calamités. Parmi eux, un célèbre épisode de l'Ancien Testament : les IO plaies d'Égypte, déclenchées par Yahvé pour contraindre Pharaon à laisser partir Moïse et le peuple hébreu opprimé. Dès 1971, le géologue alle­ mand Reinout Willem van Bemmelen voit leur explica­ tion scientifique dans les conséquences de l'éruption du Théra. Plus récemment, Gilles Lericolais, docteur en géo­ logie marine à l'Ifremer, développe cette thèse et, suivant une logique implacable, démythifie un à un les Io fléaux. Tout partirait de la perturbation climatique engendrée par l'explosion du géant des Cyclades : La carotte glaciaire de «

GRIP, fOTée au Groenland, montre une nette augmentation de l'acidité atmosphérique vers 1645 av. J.-C. Elle est contempo­ raine des anomalies de croissance des cernes d'arbres mesurées en Irlande et en Anatolie, pouvant carrespondre à un refroidis­ sement de sept ans attribué à l'éruption minoenne indique »,

Gilles Lericolais. Les effets de l'éruption se sont fait sentir dans tout l'hémisphère Nord: les cendres filtrent les rayons du soleil, les gaz relâchés dans l'atmosphère en quantité astronomique détraquent le climat. Il n'y a plus de saison, les pluies sont diluviennes, les moissons catastrophiques ... Les plaies d'Égypte, rapportées dans le livre de l'Exode, sont-elles les conséquences de cette altération climatique ? remier signe de la colère de Dieu, « la couleur sang

des eaux peut s'expliquer par des pluies importantes qui ont lessivé les sols latéritiques, et peut-être aussi fa vOTisé une vaste marée rouge d'algues toxiques » , avance Gilles Lericolais. En oxydant les argiles riches en fer du sol égyptien, les pluies acides dues au dioxyde de soufre rejeté par le volcan ont donc pu donner au Nil une teinte rouille. Induite par le brusque change­ ment de climat, une prolifération massive d'algues rouges, telles karenia brevis ou pfiesteria piscicida, a pu entraîner la mort des poissons du fleuve mais aussi des animaux buvant l'eau du fleuve, comme constaté sur le Saint-Laurent en :2008. Dernière possibilité, les fortes pluies auraient érodé les sols des bassins versants du Nil bleu et de l'Atbara, appelés deshret (rouge, en égyptien ancien), provoquant ainsi une crue chargée de ce limon écarlate. La suite res­ semble à une réaction en chaîne. Fuyant des eaux devenues impropres à la vie, les grenouilles quittent les berges du fleuve pour envahir le pays, deuxième plaie décrite dans le chapitre 7 du livre de !'Exode. Une fois la crue passée, certaines zones restent pleines d'eaux stagnantes, d'autres jonchées de poissons morts, et vont être à l'origine d'une

Les dix fléaux peuvent être démythifiés un à un : tout partirait de la perturbation climatique engendrée par le volcan des Cyclades 76 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

















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OOSSIER//LA BIBLE

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78 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

infestation d'insectes, moustiques et taons des fléaux 3 et4. Quant à la « peste très grave » et aux « ulcères bourgeon­ nant en pustules des 5e et 6e plaies, ils seraient attribués aux nombreuses maladies, virus et autres myiases parasi­ taires transmis au bétail et à la population par les insectes devenus trop nombreux. Ces derniers, tout comme les batraciens, ont également pu profiter du nouveau climat humide propice à leur développement. Les sauterelles de la se plaie, qui dévorèrent « toute l'herbe du pays tout ce qu'a ' épargné la grêle », seraient venues d'Éthiopie et du Soudan (« portées par un vent d'Orient '" Exode, lo-13), deux zones de regroupement importantes près de la mer Rouge où des pluies diluviennes favorisèrent leur multiplication. « Véruption a sans doute créé des pyrocumulonimbus, des nuages de cendres volcaniques et de vapeur d'eau. Ils peuvent »

générer des phénomènes météorologiques intenses, tels que de

la pluie - souvent noire -, de la grêle chargée de cendres, des violentes rafales de vent, voire des tornades , avance Gilles Lericolais pour expliquer la 7e plaie, lorsque « Yahvé fit tomber la grêle sur tout le pays ». On conçoit aisément que »

ces énormes nuages de cendres aient pu masquer le soleil au point d'assombrir le pays de « ténèbres palpables à moins que le responsable de la 9e plaie ne soit le khamsin, ce vent de sable remontant du désert, peut-être exacerbé par le dérèglement volcano-climatique. nfin, la roc et dernière plaie est non seulement terrible mais aussi plus complexe. « Tous les pre­ miers-nés mourront dans le pays d'Égypte, [. . .] ainsi que tous les premiers-nés du bétail. » Les �laies pré­ cédentes ont déjà mené la vie dure aux Egyptiens: raréfaction de l'eau potable, maladies, récoltes dévastées, famines. . . Mais pourquoi les premiers-nés furent-ils les seuls touchés ? John Marr, épidémiologiste au département de santé publique de New York, accuse des moisissures toxiques qui se seraient développées dans les couches supérieures des greniers égyptiens. De façon coutumière, les premiers-nés, humains ou animaux, étaient servis les premiers, absorbant ainsi les denrées contaminées par les , .,

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mycotoxines qui les décimèrent tous. Ironie du sort, ces réserves avaient été constituées à la hâte avec le peu de récolte épargné par les plaies précédentes . . . Est-il nécessaire de chercher dans ces mythes religieux un « concordisme avec la paléontologie, l'archéologie ou l'histoire ? Certains textes sacrés sont sans doute basés sur des événements réels. Interprétés comme d'origine divine, par­ i sont racontés fois compris comme des "punitions" du Dieu, ls dans des récits où le merveilleux, le miraculeux ont la règle », explique Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions. e l'historiographie à la mythologie, il n'y a qu'un pas... Les exégètes, ces érudits qui commentent et interprètent les textes sacrés, privilégient l'idéologie des écrits plutôt que les faits relatés, réels ou imaginaires. Pour Annick de Souze­ nelle, théologiste orthodoxe, « les IO plaies d'Égypte sont »

«



l'objectivation des démons n i térieurs du peuple hébreu, elles lui sont données pour qu'il les maîtrise et les dépasse. Libéré de l'esclavage à ses démons, il est alors libéré de son esclavage aux Égyptiens et quitte cette terre de servitude pour continuer sa route vers son Seigneur ». D'autres y voient une démonstra­ tion de force du Dieu unique face aux multiples divinités égyptiennes : selon Michaël Langlois, maître de conférences à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg, « en maîtrisant les éléments naturels, Yahvé dépossède les divinités de leurs attributs. Il les discrédite une à une en démontrant leur impuissance face auxfléaux, et par conséquent sa supériorité ». N'oublions pas une chose: l'Ancien Testament aurait été écrit au rv•-m• siècle, soit plus d'un millénaire après la date supposée de la Révélation ! Treize siècles après l'éruption du Théra ! Chronique de !'Antiquité, récit nourri d'évé­ nements transmis oralement, probablement inspiré par des textes plus anciens, ce texte biblique est avant tout hautement symbolique. Révélateur d'une pensée qui a du sens pour plusieurs communautés religieuses, û fait partie des grands textes fondateurs et nous apporte une certaine forme d'explication du monde. David Humbert

Les plaies dans le texte a séquence des plaies d'tgypte mélange deux couches d'écriture: celle e tres (source P) des pr et celle du deutéronome (source D) due à des scribes. Dans le passage de la mer, comme le souligne Thomas Romer (dans La Bible. Quelles histoires!) on voit ces deux versions s'opposer. Dans la version des prêtres, les flots de la mer des Joncs se séparent en deux, faisant apparaître

L

A

" la terre sèche Romer voit dans ce détail un écho du récit de la Création, où Dieu dit: " Que le sec appa· raisse. " En effet, !'Exode, le départ d'tgypte, est comme une nouvelle création du monde pour le peuple d'Israël puisque c'est le moment de sa rencontre avec Yahvé. Dans l'autre version du récit, la mer se retire, comme dans un phénomène de grande marée. Puis dans les deux cas les eaux se rabattent sur les poursuivants. "·

Dans ce récit, les biblistes ont relevé une autre différence de taille. Elle concerne les réactions du pharaon, au fur à mesure que les plaies frappent son peuple. Dans l'une des deux versions, le texte biblique dit: " Le cœur du pharaon s'endurcit et dans l'autre, celle des prêtres, " Yahvé endurcit le cœur de Pharaon comme si ce dernier, non respon­ sable de ses actes, n'était qu'une marionnette agitée par Yahvé... J.·F. M. "•

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LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 79

OOSSIER//LA BIBLE

La Bible exige les mêmes méthodes de décryptage ' qu un écrit d'Homère JF.AN-FRANÇOTS .HONDOT

PROPOS RF.CUF.llTTS PAR 80 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

PHOTOS OTTVTF.R ROT T F.R

Les récits bibliques sont souvent issus d 'une longue tradition orale. Après leur mise par écrit, ils ont subi de nombreuses retouches. I.:exégète retrace le chemin parcouru par ces textes.

L'âge très élevé des patriarches souligne leur grandeur. En outre, il s'inscrit dans une tradition mésopotamienne. On a retrouvé dans cette civilisation des listes de rois ayant vécu avant et après le Déluge. Ceux qui vivaient avant l'irruption des flots étaient des grands personnages my­ thiques censés avoir vécu plusieurs centaines d'années. En revanche, les rois postérieurs au Déluge étaient attestés historiquement. Le Déluge séparait donc le mythe de l'his­ toire. La Bible s'est fortement inspirée de ce découpage. Quant à l'âge de Moïse au moment de sa mort, 120 ans, il possède une valeur symbolique précise. Il se décompose en trois fois quarante. Ce dernier chiffre désigne la durée d'une génération. Les auteurs bibliques veulent signifier que la vie de Mol'se embrasse trois époques différentes (l'Égypte, le désert, l'arrivée en Terre promise). Dans le livre des Rois, la Bible indique des durées de règne plus précises (à l'exception des rois fondateurs Saül, David etSalomon). C'est le cas du roi Manassé, qui maintient son pouvoir pendant cinquante-cinq ans, au début du vu• siècle. Ce roi impie est violemment critiqué par les

rédacteurs de la Bible. La longue durée de son règne ne Cahiers de Science & VIe: On trouve dans la Bible des

semble pas avoir été inventée, car elle est pour eux source

récits légendaires qui pourraient figurer chez Homère ou

d'interrogation. Même si les dates de règnes sont assez

même chez les frères Grimm. Par exemple, l'histoire du

fiables, les rédacteurs bibliques n'ontjamais voulu rédiger

sacrifice d'Isaac par Abraham. Faut-li vraiment prendre

d'annales. lis cherchent avant tout à transmettre une expé-

la Bible au sérieux?

rience fondamentale sur la relation entre lsraêl et son Dieu,

Thomas Romer: On a parfaitement le droit de lire certains

l'origine de ce peuple, l'histoire de leurs ancêtres.

textes de la Bible comme des mythes, ou comme des

THOMAS RÔMER est exégète et philologue. Il est professeur de Bible hébraïque à l'université

de Lausanne et professeur de la chaire

Miiieux bibliques au Collège de France. Il a notamment publié L'invention de Dieu (Seuil, 2014) et

La Bible, quelles histoires! (Bayard, 2014).

légendes. Mais pourquoi ne les prendrait-on pas au sé­

CSV: En dehors de leurs objectifs théologiques,

rieux? Les mythes ne sont pas gratuits. Chez les Hébreux

les rédacteurs bibliques ne cherchent-lis pas aussi

à

comme chez les autres peuples, ils servent à expliquer

composer de « beaux » récits?

le monde. Les mythes de la tour de Babel ou du Déluge

T. R.: Incontestablement les rédacteurs de la Bible sont

rendent compte de l'origine des langues, ou de la fragi­

des « littéraires ». Ils ont une connaissance manifeste des

lité du monde. Ces récits ont par ailleurs un ancrage his­

textes de leur temps, en particulier des grands écrits

torique. L'histoire du sacrifice d'Isaac par son père

mésopotamiens. Leur travail de composition se repère

Abraham peut se lire comme le reflet de l'angoisse des

à plusieurs niveaux. Certains passages de la Bible sont

Judéens après la prise de Jérusalem par les Babyloniens

ainsi construits autour d'une même racine linguistique.

en 597. Le peuple de Juda est alors privé de tous ses

Dans les langues sémitiques, une racine peut être utilisée

repères: son pays, son roi, son temple. Cette histoire ter­

à la fois comme substantif, adjectif, ou adverbe. Cela

rible où Abraham semble sur le point, en sacrifiant son

permet de structurer subtilement tout un passage. Par

fils, d'abolir toute sa descendance, c'est-à-dire le peuple

exemple, la première rencontre de Moîse avec la divinité

d'lsraêl, répond à cette situation de crise.

est construite autour d'une racine sémitique qui signifie

En réalité, certaines traditions relatives à Abraham, ou

« voir». On trouve dans ce récit plusieurs mots qui, en

Jacob, ressemblent à beaucoup d'autres récits ou mythes

français, sont traduits différemment mais qui dérivent

du Proche-Orient ancien. L'originalité de la Bible est

de cette racine hébraîque. Dans leur manière d'organiser

d'avoir rassemblé ces récits pour refonder l'identité cultu­

un récit, les auteurs bibliques recourent aussi à ce que l'on

relle et religieuse de ce peuple qui a tout perdu. La Bible,

appelle des encadrements. Ce sont de petites phrases, un

en particulier ses cinq premiers livres, est devenue le

peu comme des refrains, qui articulent toute la narration.

fondement de l'identité religieuse et culturelle du peuple

Par exemple, dans le premier récit de la création du monde,

juif. C'est alors qu'elle a changé de dimension.

chaque étape est scandée par la célèbre phrase: « Il y eut un soir, il y eut un matin. »

CSV: Noé meurt à l'âge de 950 ans, Abraham à 175 ans, MoYse à 120 ans. Ces chiffres signifient-lis que la Bible

CSV: L'intervention des rédacteurs aurait-elle pu aller

entretient un rapport distant avec la réalité historique?

jusqu'à l'invention pure et simple de certains épisodes?

T. R.: Il est difficile de parler de la Bible en général. Elle

T. R. : Je ne le pense pas. La plupart des récits consignés

désigne un ensemble de textes très disparates : des

dans la Bible ont manifestement une longue tradition

mythes. mais aussi des textes de loi, des généalogies.

orale derrière eux. C'est pourquoi, d'ailleurs, on trouve

des proverbes, des poèmes, les hauts faits des rois

tant de doublets. Un certain nombre sont dus au déve-

d'lsraêl et de Juda. Dans chaque cas, le rapport à la

loppement parallèle de deux traditions orales différentes

réalité historique est différent.

que l'on a ensuite fusionnées. LESCAHIERS DE SCIENCE & VIE 81

OOSSIER//LA BIBLE Peut-être faut-il décrire précisément et concrètement la manière dont nous procédons. L'exégèse consiste, dans un premier temps, à recenser toutes les variantes d'un texte. 11 faut prendre le texte de référence, que l'on appelle massorétique, et le comparer avec les différentes versions en notre possession, la Septante, traduction grecque du texte hébreu, ou éventuellement des fragments de Qu­ mran. Ensuite, nous essayons de retracer le chemin du texte depui s l'origine jusqu'à la version finale. Nous uti­ lisons tous les moyens historico-critiques à notre dispo­ sition : la philologie, la linguistique, le comparatisme. la sociologie, l'analyse littéraire, l'archéologie. CSV: Cette défiance vis-à-vis de l'exégèse vient peut­ être d'une certaine Impression d'arbitraire. Sur un même passage, certains spécialistes semblent capables d'iden­

Les hypothèses formulées aujourd'nui comportent une part de vérité irréfutable

tifier sept, dix, ou même quinze couches rédactionnelles.

T. R.: Je me suis toujours battu contre l'idée qu'il serait possible de faire dire à un texte tout et son contraire. Par exemple, quand un de mes confrères commente un texte de dix lignes en disant qu'il a connu quinze révisions, c'est-à-dire quinze couches différentes en trente ans, j'affirme tout simplement que ce n'est pas possible. Il suffit souvent de prendre en compte la matérialité du

Cette tradition orale est parfois si forte qu'elle oblige les

texte, et les conditions concrètes de sa production pour

rédacteurs bibliques à intégrer des épisodes un peu sca­

se prémunir contre les hypothèses les plus fantaisistes.

breux. On en a un bon exemple avec cet étonnant pas­

À l'origine, les textes bibliques sont écrits sur un support

sage de la Genèse, où Abraham est reçu par le pharaon

matériel coûteux, qu'il s'agisse de peau de vache ou de

égyptien. Pour avoir la vie sauve, il ment. Il fait passer

peau de mouton. Il n'était pas question de refaire chaque

sa femme Sarah pour sa sœur, et accepte même de la

année une nouvelle version de la Torah parce qu'un scribe

céder momentanément au pharaon. Ce récit a visible­

aurait eu des velléités de compléter un passage.

ment posé problème aux rédacteurs de la Bi ble. Non

C'est en se confrontant à l'archéologie et à ce contexte

seulement Abraham se montrait sous un jour peu flatteur,

matériel que l'on évite à l'exégèse de fonctionner en vase

mais cet épisode jetait un soupçon grave sur l'identité

clos, et de postuler l'existence d'un rédacteur supplémen­

des Hébreux: et si la descendance d'Abraham était celle

taire seulement parce que le même mot a été employé

de Pharaon? Le récit a pourtant été conservé, sans doute

avec une préposition différente.

parce qu'il était très populaire et très enraciné. Mais il a été complété par deux autres versions de cette rencontre

CSV: En définitive, combien de couches rédactionnelles

qui ont manifestement pour but d'en atténuer le scan­

trouve-t-on au maximum sur les textes bibliques?

dale. On y précise notamment qu'Abraham repart

T. R. : Sur des textes très travaillés, comme l'Exode, je

d'Égypte sans que le pharaon ait eu le temps de toucher

dirais qu'on repère entre cinq et dix couches selon les

sa femme et que Abraham n'a pas vraiment menti,

spécialistes. Au-delà, cela devient un peu de l'art pour

puisque Sarah serait sa demi-sœur...

l'art. On peut trouver parfois d'autres ajouts partiels, très limités, par exemple quand, dans un passage difficile sur

CSV: Votre métier, en tant qu•exégète, consiste à tra­

le plan théologique, le lecteur fait une annotation dans

valller sur les textes bibliques pour en différencier les

la marge qui sera intégrée au texte lors de la copie du

différentes couches rédactionnelles. Considérez-vous

manuscrit. Quoi qu'il en soit, il n'est pas toujours possible

qu'il s'agit d'une dlsclpllne scientifique?

de relier un verset à une couche de rédaction précise.

T. R. : Oui, bien sOr. Pour moi l'exégèse est une discipline

Nous avons une part non négligeable d'incertitude, la

scientifique même si cette scientificité est parfois mé­

même sans doute que les archéologues qui peuvent

connue ou sous-estimée. Il s'agit d'appliquer à la Bible

restituer le plan d'un édifice, mais pas forcément la cou­

les mêmes méthodes de lecture et de décryptage que

leur des murs ou l'usage qui était fait de chaque pièce.

pour les écrits d'Homère. Je n'ai jamais considéré que la

Malgré tout, au risque de paraître positiviste, je dirais

Bible devrait être traitée comme un texte à part.

qu'en matière de connaissance du texte biblique la

Mais j'ai pu observer qu'en France, le terme d'exégète

science progresse. et que les hypothèses que nous for­

possède souvent une connotation négative, comme s'il

mulons aujourd'hui sur la formation du texte biblique

impliquait une manipulation plus ou moins insidieuse d'un

comportent une part de vérité irréfutable.

écrit. Cette défiance n'existe pas dans les pays germa­ niques ou nordiques, où l'exégète est simplement celui qui fait surgir le sens du texte. 82 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

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N° 149

Les origines de la France et de la langue française

N°148 Les cités de l'extrême

N° 154

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N° 147

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L'origine des mythes

Les Celtes Origine, histoire, héritage

J LESCAHIERS 1

1 LESCAHIERS 1

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N° 142

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du monde chrétien

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Retrouvez nos anciens n u méros s u r

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et cle l'ivresse

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EN COUUSSES//MUSÉOLOGIE

86 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 87

EN COUUSSES//MUSÉOLOGIE Le réveil d'Osiris: coiffe d'une couronne aux attributs solaires, Osiris devient le dieu de l'au-delà après avoir ressuscité. (Musée du Caire.)

LES MYSTÈ R E S D'OS I R I S S E D É R O U LA I E N T DA N S L E S E C R E T D E R I T U ELS Q U E SEULS LES P R E T R E S I N ITI ES ET P H A R AO N P R ATI Q U A I E N T l'Ëgypte,

sur 21 jours, présidaient aux Mystères,

inaugurantla lignée des pharaons, dont

dont les visiteurs découvriront les ves­

la filiation divine fut ainsi affirmée.

tiges presque à la manière des archéo­ logues. Lesfouilles sous-marines ont une portée onirique très forte. Il s'agissait de

vainquit Seth et régna sur

Chaque année, après la décrue du Nil, les Mystères commémoraient la pas­ sion du dieu, dans le secret de rituels que seuls Pharaon et les prêtres initiés



plonger le spectateur dans cette ambiance,

pratiquaient. • Ils devaientassurerl'abon­

note Sylvain Roca, scénographe de l ex­ position. Cette immersion sefaitgrâce à de

dance et lafertilité pour le royaume, la sta­

très grandes photos prises sous l'eau, et au

'

bilité de l'ordre cosmique et la continuité

graphisme animé, avec des particules de lu­

ique Franck Goddio.

mière qui seront projetées au sol et rebondi­

dynastique»,

expl

Le peuple assistaitauxprocessions me­

ront sur les vitrines, à lafaçon despartcu i les

nées à l'extérieur des temples. Les dé­

qui saturent les eaux de la baie d'Aboukir. •

pôts votifs présentés dans l'exposition

Des films tournés lors de la découverte

disentla ferveurpopulaire dont le dieu

de certaines des pièces exposées com­

faisait!'objet. Parmi eux, des statuettes en bronze figurent Osiris ceint de la couronneAtef, sceptre etfouet dans les mains, symboles du pouvoir royal, le corps enveloppé debandelettes. Le site d'Héracléion est parsemé de ces dé­ pôts, datés du v1u• siècle av. J.-C. au 111• si ècle de notre ère. Ils témoignent de la longévié t de ce culte. A la fonda­

plètent le décor. Ces séquences al­ ternent avec des salles consacrées àdes vestiges découverts lors de fouilles ter­

tion d'Héracléion et Canope, au

Le parcours de l'exposition commence

vm• siècle av. J.-C, l'Égypte pharao­

à Thônis-Héracléion,

nique entre pourtantdans son crépus­ cule. Les derniers souverains autoch­ tonesyvoisinent avecles envahisseurs koushites, perses et grecs, puis les co­ lons romains, quitransformentlepays en une province de Rome. Les cultes osiriens restent, rejoués par des occu­ pants en quête de légitimité politique. Des rituels précis, immuables, étalés 88 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

restres. Des chefs-d'œuvre conservés

dans les musées du Caire et d'Alexan­

drie ont fait l'objet de prêts exception­ nels. La majorité des 45 pièces prêtées à l'IMA n'avaitjamais quitté l Égypte, à l'image d'un monumental Osiris. '

cité commer­ çante et cosmopolite, où se déroulaitle cœur des Mystères. Aucun texte égyp­ •

tien ne les décrit, à l'exception des chapelles osiriennes de Dendérah, dont les bas-reliefs

et les colonnes de hiéroglyphesfigurent par le menu les différentes étapes de la célébra­

souligne Martine Thomas-Bour­ gneuf, la muséographe de l'exposition. Ce qui estmagnifique, c'est que tous les n i stion,

Lesfouilles sous­

marines conduites, depuis 1992, par l'équipe de Franck Godclio et l'IEASM

sur le site de Thônis­ Héradion ont mis aujour des milliers de vestiges.

L'Osiris-uégétant, symbole de renais­ sance de la nature, était une effigie composée de limon et de grains mise à germer dans une cuve-jardin sous l'effet bénéfique des eaux du Nil. (Musée du Caire.)

EN COULISSES//MUSÉOLOGIE

AUTRES EXPOS

A N E PAS MAN Q U E R

truments liturgiques qui y sont décrits ont

été trouvés aufond de l'eau. » Au fil des

vitrines, la vaisselle liturgique repré­

sentée à Dendérah se révèle: brûle-en­

cens, plats à offrandes, louches, bols,

braseros, barques votives. L'objet le plus insolite trône au centre d'une

À TABLE

R

vaux, de l'art de dresser la table, aux

cuve-jardin. A chaque célébration, les

choix des mets. On ne badine

prêtres façonnaient deux effigies

pas avec celui-ci, qui est réglé

d'Osiris. L'une, baptisée Osiris Sokaris,

par la pensée aristotélicienne

L'autre, fabriquée dans du limon noir mêlé à des grains d'orge. Dénommé

MOBILIER NATIONAL

de bouche médié­

règles de convivialité et au

pierres précieuses et de résines.

HÉRITAGE ET SAVOIR-FAIRE DES ATELIERS DU

etour sur les rituels

salle: une cuve en granite, appelée

constituée d'onguents, de dattes, de

L'ESPRIT ET LA MAIN

AU MOYEN ÂGE

du monde, une hiérarchie

verticale, depuis Dieu jusqu'à

la terre: les oiseaux sont ainsi

ThurJean-sans-Peur, jusqu'au 15 novembre 2015

L

e Mobilier national dévoile

ses coulisses.

L'institution, chargée de la fabrication et

de l'entretien des meubles des

palais de la République, nous

invite à la découverte de ses sept ateliers de restauration

préférés aux quadrupèdes, plus

(ébénisterie, menuiserie en

grossiers, car foulant l'élément

sièges, lustrerie-bronze,

lacre était déposé dans la cuve, et ar­

Je plus bas, les fruits aux

tapisserie d'ameublement et

rosé avec de l'eau du Niljusqu'à la ger­

légumes. Si les pauvres se

de décor. restauration de tapis

mination des graines, symbole de

contentent de ces derniers, les

et de tapisserie). Des démons­

renaissance du dieu et, par extension,

nobles organisent des banquets



Osiris-végétant •, ce second simu­

de l'abondance des récoltes à venir.

trations ponctuelles des arti­

pantagruéliques, où est servi

sans permettront aux vis iteurs d'admirer au plus près

Les deux effigies, emmaillotées dans

jusqu'à r kg de viande par jour et

des bandelettes, étaient placées dans

par personne. Des festins somp­

le savoir-faire de ces doigts

des petits sarcophages. Pièce raris­

tueux qui disent la puissance

de fée,

sime, un Osiris-végétant a fait le

voyage jusqu'à Paris. A l'issue des

Mystères et de la procession nautique

jusqu'à Canope, il était inhumé

des hôtes, mais s'attirent aussi les foudres des moralisateurs,

véritable caverne d'Ali Baba, riche de rnoooo objets.

la gourmandise figurant au pre­

mier rang des péchés capitaux.

comme son double, !'Osiris Sokaris.

TRÉSORS ROYAUX

• Osiris n'a cessé de gagner en popularité, et a hérité peu

Galerie des Gobelins

jusqu'au 13 décembre 2015

qui veillent sur une

LA BIBLIOTHÈQUE DE FRANÇOIS 1ER

à peu des fonctions et des

pouvoirs d'autres divinités. Son mythe s'est our la première fois depuis le xv1e siècle,

transformé et perpétué sous les Ptolémées et bien au-delà •, note Martine Thomas­

Bourgneuf. L'épilogue de l'exposition

témoigne de cette postérité, dans une

saisissante galerie de portraits an­

tiques. Parmi eux, Sérapis, divinité

syncrétique mêlant Osiris et Apis,

dieu égyptiende la fertilité, forgée par les colonisateurs grecs. Les Romains

P

l'ancien château de François x•r retrouve

Château de Blois, jusqu'au

18 octobre2015

une partie de sa bibliothèque royale. L'exposition rassemble une sélection des

volumes les plus précieux qui composaient le cabinet de lecture du souverain. Des pièces exceptionnelles,

issues de diverses institutions, dont la Bibliothèque nationale de France et le musée du

divinisèrent sous les traits de Sérapis

Louvre, ainsi que de collections

un certain Antinoüs, favori d'Hadrien,

présentés figurent Les Heures

parce qu'il avait connu la même fin

de Louis de Laval. Je manuscrit

qu'Osiris, noyé dans le Nil. Le culte du

le plus enluminé au monde,

dieu avait alors gagné tout l'empire.�

des Évangiles carolingiens

privées. Parmi les trésors

du 1x• siècle, et l'une des rares

reliures brodées de la Renais­ sance encore conservée. LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 89

EN COUUSSES//LIVRES & IDÉES

Par Emmanuel Monnier

L'.ÉTRANGETÉ I N Q U I ÉTANTE D'AVERROÈS verroès, penseur arabo­

A

êtres, celle du bébé et de sa mère,

andalou du xn• siècle,

ou celle, plus fondamentale encore,

est celui par qui

de cet état que Freud appelait

l'Europe enfoncée dans

vésiculaire, dans lequel l'être vivant

le Moyen Âge redécouvrit l'œuvre

ne s'est pas encore construit par

monumentale d'Aristote. Ses com­

distinction d'un dedans et d'un

mentaires firent autorité durant des

dehors. Une confusion que nous

siècles. Et pourtant, nul ne fut plus

aurions surmontée, sans jamais la

attaqué que lui par les génies de la

faire disparaître, et que la pensée

scolastique, à l'instar de Thomas

d'Averroès viendrait régulièrement

d'Aquin . Pourquoi ? Parce que

réactiver. Sans que nous puissions,

Averroès estaussi le nom d'un ébou­

pour autant, la rejeter comme bar­

riffant scandale. Celui d'un penseur

bare. Car c'est là un autre point sur

qui prétend qu'il existe un seul intel­

lequel Jean-Baptiste Brenet insiste :

lect pour tous les hommes, séparé de

bien qu'ayant écrit en langue arabe,

nos corps, éternel et transcendant.

Averroès reste l'un des piliers sur

De quoi réduire à néant toute la pré­

lequel s'est construite la pensée

tention occidentale d'un futur cogito

européenne. De quoi rendre ses

ergo sum, voire la rationalité elle­

thèses encore plus subversives. t

AVERROèS L'INQUli!TANT PAR JEAN-BAPTISTE BRENET Les Belles Lettres, 2015

même. Si la pensée existe en dehors de l'homme et indépendamment de lui, il n'a plus ni responsabilité

VENIS E,

ni morale. Les penseurs européens combattront cette idée, hérétique et

CAPITA L E

dangereuse, qui menace la concep­ tion occidentale de l'individu.

ée du mariage intime d'un peuple

chaque fois condamnée? Pourquoi

N

l'enterrer, continuant aujourd'hui

encore à en débattre avec virulence ?

D'abord parce que les architectes, contraints

Dans son dernier essai, Jean-Bap­

des structures légères en briques. Ensuite

tiste Brenet, professeur d'histoire de

parce que Venise, densément peuplée, a tou­

la philosophie arabe à l'université

jours manqué d'espace, imposant des palais

de Paris r-Panthéon Sorbonne, ose

compacts et d'étroites façades capables de

une explication empruntée à la psy­

faire entrer un maximum de lumière. Parce

Pourquoi cette pensée, si puissam­ ment combattue, refit-elle alors sur­

face durant des siècles pour être à

de jouer avec un sol fangeux, ont dû concevoir

qu'une noblesse orgueilleuse, enfin, profondé­

ment attachée à son passé et à ses traditions,

concept d'• inquiétante étrangeté ».

qui nous apparaît comme inqui é­

tant, non parce qu'il nous serait to­ talement étranger, mais parce qu'il

nous aurait été jadis familier et que nous l'aurions refoulé. Qu'aurions­ nous ainsi refoulé ? La confusion des 90 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

canaux, Venise est unique. Et c'est

rien de commun avec les autres cités d'Italie.

chanalyse de Freud, s'inspirant du

éprouverions devant quelque chose

les flots dans un entrelacement de

pour cela qu'on l'aime: son architecture n'a

l'Occident n'est-il jamais parvenu à

Un sentiment de mal-être que nous

et d'une lagune, édifiée à même

Venise

VENISE ETLE G00T DU BEAU

Le Mécène et !'Architecte de la Renaissance d laFeniœ

PAR JEAN-CLAUDE

HOCQUET Ed. Klincksieck, 2015

y a résisté aux vents de la Renaissance floren­ tine qui traversait l'Italie pour rester long­ temps fidèle à ses canons gothiques. Cette architecture d'exception, qui fait depuis des siècles de Venise l'une des villes les plus singulières au monde, l'historien Jean-Claude Hocquet, ancien professeur aux universités de Paris-Sorbonne, Venise et Lille, nous en lv i re

L'INFORMATION AUX FONDEM ENTS D E LEXISTENCE

Q

ue peut-il bien y

avoir de commun entre les chants rythmés de tambours africains, que découvraient les explorateurs européens, et la machine de Turing au milieu du xx• siècle? Quelque

L'INFORMATION

L'histoire, la théorie, le Déluge

PAR JAMES GLEICK M. Cassini, 2015 la

traduction (tdition originale po ur

en 2011)

forgeant les bases de l'informatique. J.:information devient manipulable par une machine, sans que sa nature profonde soit révélée. Mais

le concept irriguera peu à peu toutes les sciences. Le biologiste Dawkins, à

travers la notion de• gène égoïste •,

chose d'abstrait, d'impalpable, mais

soutient quelques décennies plus

qui gouverne toute chose, de

l'existence même de la matière à

tard que c'est elle, et non l'orga­

l'apparition de la vie et de la pensée:

duit de génération en génération.

l'information. On la transmet d'un

L'ADN, à la fois alphabet et code,

homme à l'autre, d'un village à

fait de la biologie une affaire de

l'autre, d'un siècle à l'autre par le

messages et d'instructions. Quant

biais du langage puis de l'écriture.

aux physiciens, ils se demandent

On invente des codes toujours plus

aujourd'hui si l'information ne se­

complexes pour être seuls à s'en

rait pas plus fondamentale que la

saisir. Mais comment la définir

matière elle-même, faisant du• bit •

scientifiquement? Le concept glisse

le noyau irréductible de toute

comme une anguille. Wiener y voit,

existence. • ltfrom bit •, écrit

au début du xx• siècle, à travers la

nisme qui la porte, que la vie repro­

Wheeler en 1989 pour jeter un pont

cybernétique, la mesure en négatif

entre la physique du xx• siècle et

du désordre d'un système. Une

celle qui s'annonce. Toute interac­

extension du concept thermo­

tion entre particules pouvant, in

dynamique un peu flou d'entropie,

jïne, se ramener à un échange et à

les secrets. Dans un ouvrage dense, escarpé,

qui exprimait au départ la quantité

un traitement d'information, l'uni­

mais d'une richesse exceptionnelle et four­

d'énergie ne pouvant plus être

vers ne peut-il pas être vu comme

millant de détails historiques, ce grand spécia­

convertie en travail. Shannon en

un gigantesque ordinateur? Les

liste de la Sérénissime décrit avec minutie

fait, en 1948, une mesure de l'incer­

l'histoire des grandes familles (patriciens ou

titude: plus la suite d'un message

marchands enrichis) ou des confréries qui ont,

est prévisible, plus il est redondant,

comment transmettre cette n i for­

et donc moins il contient d'informa­

mation aussi rapidement et fidèle­

dans l'urbanisme de la cité; il raconte la vie

tion. L'information exprimerait

ment que possible ? De ce souci

des architectes ou des modestes tailleurs de

avant tout la capacité d'un système,

constant naîtront le télégraphe, le

pierre, venus de Florence, de Rome ou des

d'un message, à nous surprendre...

provinces de l'Üat vénitien, de cette multitude

En inventant le• bit •, unité de me­

t un essor ful­ téléphone qui connaî

d'acteurs qui ont chacun à leur tour joué leur

sure sous forme d'un choix binaire

DU BEAU

dès la fin du Moyen Âge, joué un rôle majeur

rôle dans l'aménagement de !'Arsenal, la reconstruction du pont de Rialto, du palais

(oui ou non, o ou r.. .), il la rend aussi

ingénieurs ont depuis le x1x• siècle des préoccupations plus concrètes:

gurant, Internet... Autant d'avatars des mélodies rythmées qui trans­ mettaient dans la brousse les

nouvelles d'un village africain à un

ducal, ou dans l'édification au xvu• siècle de

mesurable qu'une longueur ou une

!'église de la Salute, sommet de l'art baroque

mesure du nombre de choi x binaires

enfin - traduit, lejournaliste scienti­

et• grand théâtre du mondeflottant sur l'eau •

que l'on doit faire pour décrire com­

fique américain James Gleick retrace

(ou plutôt sur environ 100000 pieux de bois

plètement un système. Grâce aux

avec des talents évidents de conteur

comme le suppose l'auteur). Autant de chefs­

circuits électriques - ouverts ou

et de vulgarisateur, s'appuyant avec

d'œuvre qui ont façonné, de la Renaissance

fermés-, Shannon traduit la logique

précision sur une profusion d'anec­

à la fin des Lumières, pendant quatre siècles.

binaire, formalisée auparavant par

dotes historiques. la longue genèse

le nouveau visage de Venise pour en faire une

Boole, en impulsions électriques,

de cette « société de l'information •

capitale mondiale de l'esthétique urbaine. t

puis en opérations arithmétiques,

qu'est devenue la nôtre. •

masse: l'information devient une

autre. Dans un ouvrage de 2ou et -

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 91

EN COULISSES//À SUIVRE... La grande histoire de la couleur

ui aime le bleu?

deuil •, et avoir les yeux bleus relève

Vous, moi, toutle

de la disgrâce physique, signale l'his­

monde! Les en­

torien Michel Pastoureau dans son

quêtes d'opinion

livre Bleu, histoire d'une couleur (1l.

montrent que le

usieurs

Le latin classique dispose de pl

tèmes de représentation, le bleu tra­

Moyen Âge (v1•-x1• siècle) quand, à la fin du xn• siècle, tout change ! Les théolo­ verse quasi incognito le haut

giens se mettant à célébrer la lumière

bleu caracole en

termes pour • nommer le champ du

comme une émanation de Dieu, et la

tête des couleurs préférées des Fran­

bleu, mais ceux-ci sont ambigus, flous,

lumière tombant du ciel bleu, le bleu

çais, et plus largement des Occiden­

imprécis, renchérit la linguiste-lexico­

cesse dejouer les seconds rôles en Eu­

taux, loin devant le vert et le rouge. Et

graphe Annie Mollard-Desfour(1). Le

dire que, des siècles durant, sous nos

plus courant, caeruleus, désigne au dé­

rope occidentale. La Vierge, de plus en

plus centrale dans le christianisme et

part une nuance de blanc, de brun, de

jusqu'ici vêtue de sombre (noir, gris,

tales au Paléolithique (il n'existait que

jaune, puis de vert, de sombre, de bleu

brun, violet, vert foncé...), est désor­

foncé. Le latinfait aussi appel à blavus

mais représentée drapée dans un

moins de minéraux susceptibles de

vidus (de couleurplombée, bleuâtre, noi­

duits en poudre), et de la garde-robe

râtre). Cette pauvreté lexicale explique

ignorée. En quelques décennies, le

que, lorsque les langues romanes ont

bleu coloniseles vitraux des églises go­

cieux, le bleu est resté une teinte su­ balterne. Absente des peintures parié­ très peu de minéraux bleus et encore

i colorant une fois ré­ garder un pouvor des éleveurs-agriculteurs du Néoli­

thique , la couleur est appréciée des

�gyptiens, qui concoctentde superbes

(pâle, blanchâtre, livide, bleuâtre)

ou Ii­

forgé leur vocabulaire des couleurs, elles ont puisé les mots qui leurfaisaient dé­ faut dans d'autres cultures. Ainsi, notre

manteau ou une robe bleue, etjoueles VRP de luxe pour la couleur naguère

thiques, et ce d'autant que les maîtres verriers mettent au point un verre bleu

très lumineux grâce à l'emploi d'oxyde de cobalt,

• bleu

pigments bleus à partir de silicates de



cuivre. Les Grecs, en revanche, la dé­

mêmecobalt, dekobold/Kobalt, • azur •,

Chartres •. Toute fière de sa jeune

daignent, malgré l'azur des flots médi­

• lapis-lazuli •de l'arabe lazaward. . .

gloire, la couleur s'immisce dans les

terranéens et du ciel de !'Attique, une

Des plus discrets dans le monde an­

nd i ifférence qui mènera des savants du

x1x• siècle

à conclure au dalto­

bleu •vient du germanique• blau •, de •.

tique, où le blanc, le rouge et le noir se

taillent la part du lion dans les sys-

le fameux

de

manuscrits enluminés et les armoiries

et colore les étoffes porées t par le roi,

un relooking initié par saint Louis, que

nisme des Hellènes!

A Rome, qui dit bleu dit barbare, étranger. C'est quelesCeltes tirentdes feuilles de la guède (ou pastel) une plante crucifère quipousse à!'état na­

turel dans de nombreuses régions du Vieux Continent, une substance bleu

grisé dontils teignentleurs vêtements et s'enduisent le corps pour impres­

sionner leurs ennemis. S'habiller en bleu, pour un Romain, est peu glo­ rieux, • excentrique ou bien signe de

92 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

P O U R U N ROMAI N , S' H A B I LLER EN BLE U É TAIT P E U G LO R I EUX O U B I E N S I G N E D E D E U I L. AVO I R LES Y E U X B L E U S R E LEVAIT DE LA D I S G R ÂCE PHYSIQUE ...

EN COUUSSES//À SUIVRE...

les seigneurs et les

L E B LE U AF F I R M E D E PLUS E N PLUS S ES L I E N S AVEC LA P U R ETÉ. L H YG I È N E. LA N O N - PO L LUTI O N . ET CO N CU R R E N CE S U R CE T E R R A I N LE VERT ÉCO LOG I Q U E

autres sujets du

royaume s'empressent d'imiter. Auxnr• siècle, la demande des teintu­ riers en n i digotn i e, le principe colorant de la guède, est telle que de nom­ breuses régions se spécialisent dansla culture du précieux végétal. L'« or bleu • coule à flots en Europe: en Pi­ cardie, Normandie, Albigeois, Lom­ bardie, Toscane, Thuringe, autour de Séville. . . Verts de rage, des marchands

de garance, uneplante tinctoriale dont on extrait un pigment rouge, ont beau

faire fabriquer des vitrauxoù le Diable apparaît en bleu, rien n'arrête la

montée en puissance de cette couleur dans notre culture. Même les réforma­

Une synthèse longue à venir

teurs protestants (Luther, Calvin), au xvr• siècle, lui donnent le qualificatif

Jusque dans les années 1830, les ateliers de teinturerie

d'« honnête •. alors que le rouge des di­

recourent presque exclusivement à des colorants

gnitaires catholiques ou le jaune sont jugés trop vifs donc • malhonnêtes •.

naturels extraits de substances minérales, végétales

demande croissante en colorants bleus fait ex­ Aux xvm• et xrx• siècles, la

ou animales. Mais avec le développement de la chimie organique, l'industrie naissante des colorants artificiels

ploser les importations d'indigo en

décolle. La synthèse d e « la reine des couleurs », l'indigo, qui, avec le rouge, a longtemps été la seule

i

provenance des Antilles etd'A mérique

couleur résistante (pour preuve les uniformes militaires

centrale. Le pouvoir tinctorial de la

et les drapeaux), donne toutefois beaucoup de fil

matière extraite des feuilles de l'indi­

à retordre aux chercheurs. Quand Johann Strauss, le

gotier est en effet bien supérieur à

roi de la valse, compose en 1871 sa première opérette. i

celui de l'indigotine contenue dans les

Indigo et les 40 voleurs. le chimiste allemand Adolf von

feuilles de la guède, et le prix de re­

Baeyer (1835-1917) a déjà commencé à travailler sur

vient de l'indigo américain nettement

l'indigo depuis six ans. li lui en faudra neuf de plus pour

moindre que celui de l'indigo d'Asie,

en faire une première synthèse, puis trois pour mettre

car fabriqué par des esclaves. Lehasardsemêle del a partie. J.:homme

à jour la structure de son composé de base, l'indole. En 1880, la société BASF mise 18 millions de marks or,

choisi parle destin, à l'aube des années

soit plus que son capital social, sur les travaux de

u

1700, po r favoriserla révolution chro­

Baeyer. Dix-sept ans plus tard, le pari est enfin gagné:

matique en cours, un certain Heinrich

BASF commercialise le premier indigo de synthèse.

Diesbach, vend à Berlin de très belles

lequel ruine les producteurs orientaux d'indigotier

laques rouges qu'il fabrique en préci­

mais ouvre à Baeyer la voie du prix Nobel de chimie,

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94 LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE

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pitant avec de la potasse une décoction de cochenille additionnée de sulfate de



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fer. Un jour qu'il manque de potasse,

riences, il améliore le procédé et commer­

bleu fascine les lecteurs de Goethe.

Diesbach s'en procure auprès d'un

cialise cette nouvelle couleur sous le nom

Partout en Europe, assure Michel Pas­

pharmacien, Johann Konrad Dippel,

de "bleu de Berlin". Pendant plus d'une

toureau, des cohortes de jeunes gens

décennie, Dippel refusera de livrer son

dévorentLes souffrances dujeune Wer­

qui le dupe en lui fournissant un pro­ duit frel até. A la place de son rougeha­

secret defabrication, ce qui luipermettra

ther, roman publié en 1774, et« imitent

bituel, « Diesbach obtient un magnifique

d'amasser une fortune considérable.

la tenue du héros amoureux et désespéré

précipité bleu, raconte Michel Pastou­

Mais, en

en portant unfrac ou un habit bleu, as­

reau. n ne comprend pas

1724,

le chimiste anglais John

ce qui s'est

Woodward percera ce secret et publiera

sorti à un gilet ou à des culottesjaunes •,

passé mais Dippel, meilleur chimiste et

la composition de cette nouvelle couleur.

un goût pour la mélancolie dont le

homme d'affaires, comprend que c'est l'action de lapotasse altérée sur le sulfate

Ruiné, Dippel quittera Berlin pour la

blues naissant fera son miel un siècle

Scandinavie, où il deviendra médecin du

plus tard. Insatiable, la couleur pré­

defer qui a produit cette splendide cou­

roi de Suède Frédéric 1er•.

sente dans le drapeau de la France de­

leur bleu foncé. Après plusieurs expé-

Toujours au Siècle des lumières, le

puis la Révolution devient, à partir de LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE 95

EN COUUSSES//À SUIVRE...



sohtroumpf

r.

aldrs. 1

••

Une question de culture

UnePl-t>llc.atlondu groupe

.ÂMONDADORI FR,'\,'ICt:

Comment expliquer qu'un individu regardant

une pastille colorée la voit bleu roi, quand

PR!slOEliT Ernesto Mauri R!nACnoll 8, rue Francois·Ory, 92543 Montrouge

un

autre certifiera qu'elle est bleu vert? Les

Cedex. Tél.: 01 46481988. DIRECTtURDELARto.lcTION Matthieu Villiers Rto.lcTRIŒ Eli Cl"F Isabelle Surdial, avec la collaboration de Marie-Amélie (arpio, assistée de Bénédicte Orselli CMRECTIHCE ARnmaUf Valérie Pauliac S Ëdito (p. 3) .. 4 . . . .. .. . .. 1 .. .. 2 . .. . .. > Sommaire (p. 4 et 5) ..............................................1 .. .. 2.. .. .. 3 ......... 4 > Ensemble de la partie«Actualités» (p.6à22).... 1.......... 2 .... . .. 3.......... 4 > En bref : les momies animales, une arnaque antique? (p. 6 à 9) . .. . . . ...1 . .. 2 . ...3 ......... 4 > Découverte : L'armée de terre cuite se dévoile (p. 10 à 13) ............................................1.......... 2 . . .... 3.......... 4 > En question : Ebola, un virus antique? (p. 14à 16) . 1 .......... 2.. .. .... 3.......... 4 > Fait de société : Quelle histoire de France au collège? (p. 18 à 22) . .. . .. .. .1 . .. 2 . . . 3 . . . 4 > Dossier : aux sources de la Bible (p. 24 à 82) ..1 .... .. . 2.. .. ... 3 . ... .. 4 3 . 4 > La grande bibliothèque de la Bible (p. 26 à 29) 1 2 > Les manuscrits à l'air du Big Data (p. 30 à 35) ..... 1 . .. . 2.. . .. 3 . . . 4 > Les voix de la Bible (p. 36 à 41) . ......... ......... ... ..1 . ..... . 2.. .. ... 3 .. ...... 4 > Deux royaumes pour une Bible (p. 42 à 53) .........1 ....... . 2..........3 ......... 4 > La rédaction finale. mille ans de négociation (p. 54 à 62)..................... 1 . .. . 2.. .. ..3 .. .. . 4 > l'Arche retrouvée (p. 64 à 67).. .. ......... ... ... . ... ..1 . .. .... 2.. ...... 3 ........ 4 > En quête d'Abraham (p. 68 à 70) ..........................1 ......... 2.. .......3 ......... 4 1 2 3 > Moise l'introuvable (p. 71 à 73) 4 > Le santorin, artisan des plaies d'Égypte? (p. 74 à 7 Interview : Thomas Rômer (p. 80 à 82) .................1 ... . .. 2.. .. ....3 ......... 4 > Osiris, les mystères dévoilés (p. 86 à 89)..............1 ........ 2..........3 ......... 4 > Livres et idées : l'Ëtrangeté inquiétante d'Averroès (p. 90 et 91) .1 .. . 2.. .. .. 3 ......... 4 > La grande histoire de la couleur: le bleu (p. 92à 96).1 ........ 2.. .......3 ......... 4 .....

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Q6. Depuis ce numéro, Les Cahiers de Science& V ie ont effectué quelques modifications, trouvez-vous qu'elles sont...

1 . Très importantes .................................................................. 0 2. Assez importantes ... .. ...... .. ... ..... ... ... .. ...... .. ....... ..... O 3. Peu importantes .................................................................. 0 4. Pas du tout importantes............... ...... ............. ............ ... 0 s vous n'avez rien remarqué .......... ...... ......... ... ............ ... 0

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Q7. Trouvez-vous que cette nouvelle formule des Cahiers de Science& Vie est...

1 . Beaucoup mieux qu'avant ........... ...... ......... ... ............ ... 0 2. Plutôt mieux qu'avant ......................................................... 0 3. Plutôt moins bien qu'avant................................................. 0 4. Beaucoup moins bien qu'avant.......................................... O 5. vous ne savez pas ... .. .. ..... .. ... . .. ... .. .. ..... .. ... .. . 0 .

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Q5. Pour chacun des articles de ce numéro, indiquez dans le tableau ci-dessous : a) Si vous l'avez lu, en entier, en partie, parcouru sans vraiment le lire ou pas lu du tout. b) Si vous l'avez au moins parcouru, s'il vous a intéressé, assez, peu ou pas du tout

.......

.___,___,I sur 10

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1. Tous les numéros.......................................................... 0

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les notes intermédiaires vous permettant de

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AsseZ ,._ Pf!lJ

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: 1 ..........2 ... 3..... . "' 1 .. .. .2 .. .. 3.. . . 4 1 ... . .. .2 ...... . 3 ...... . 4 ...

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1 .. 2 .. . 3 .. . . 4 1 .........2 . ...... 3.......... 4 1 2 ......... 3 4 1 .. ....2 . .. .. 3.......... 4 1 .........2 ....... 3...... .. 4 1 .........2 ......... 3... ..... 4 ......

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1 .. .. .2 . .. .. 3 .. .. . 4 1 ... ... . 2 . ... .. 3... .. ...4 1 ... ..... 2 . ...... 3..........4 2 3 ..........4 1 1 . . . . .2 . . . ... 3 .. . . . 4 1 .. ......2 ........ 3.. ... .. 4 1 ..........2 ........ 3.. ....... 4 .

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Q9. Dans cette nouvelle formule, la rédaction a introduit d'autres rubriques et d'autres thèmes que celui traité dans le dossier principal, est-ce que c'est... 1 . une très bonne idée ............................................................ 0

2. Plutôt une bonne idée ......................................................... 0 3. Plutôt une mauvaise idée.................................................... 0 4. Une très mauvaise idée....................................................... O 5. vous ne savez pas ... ......... .. ... .. .. ... .. .. ...... .. ....... . ... 0 .

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QlO. Cette nouvelle formule vous donne-t-elle envie de llre Les Cahiers de Science& Vie...

1 . Plus souvent qu'avant........ ......... .. ... ... . ....... .. ......... ... O 2. Autant qu'avant ... ... ......... .. ... .. .. ... ... .. ...... .. ....... ..... 0 3. Moins souvent qu'avant...................................................... O .

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1 .. .. ..2 .. .. 3 . .. .. 4 1 ....... ..2 .... ... 3.......... 4 .

1 . Suffisant .. ... ... . .. ... .. ..... .. .. ... .. .. ... .. .. ..... .. ... .. .. 0 2. lnsuffisant .. ... . .. ... .. .. .. .. .. ... .. . ... .. .. ..... .. ... .. . O

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soixantaine de pages. Cela vous semble-t-11 :

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QB. Le dossier principal est désormais traité sur une

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Q11. Les Cahiers de Science& Vie parait 8 fois par an, trouvez-vous que c'est...

1 . Plutôt trop ............................................................................ 0 2. Plutôt pas assez . . . .. . . .. .. . . . .. . . .. .. . . O 3 Juste comme il faut.............................................................. 0 ...

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LES CAHIERS

�iïlli�l@Eli

Q12. Lisez-vous les magazines d'histoire suivants?

Pour finir, voici quelques dernières questions destinées

à mieux vous connaître :

SI oui, pouvez-vous leur donner une note d'appréciation sur 10? -

"'­ enfe!l;\S

� .,,o

. . . . . 2 .. . .

LLJ > L:'Histoire. .......................... .. ......... 1 ....... . .... ....2 ................... . 3 ............... .4 .... ........ LLJ > Histoire National Geographic........ 1 ....... ...... ....2 ................... . 3 ............... .4 .... ........ LLJ > Ça m'intéresse Histoire................. 1 ..... . ...... ....2 ..................... 3 ............... .4 .... ...... . LLJ > Géo Histoire ................................... 1 ..... . ...........2 . ............... ... 3..................4 ........... . LLJ > Le Figaro Histoire........................... 1 ..... .............2 . ............... ... 3..................4 ........... . LLJ > L:'EXpress Histoire............ ............. 1 ..... .............2 ..................... 3.............. ...4 ............. LLJ > secrets d'histoire........ . . .... ........ 1 ... ...............2 . ............. ..... 3......... .... ...4 ......... ... LLJ > Ligne de front.............. . ............. .. 1 ... ............. .2 . ........... . . ... 3......... .... ...4 ....... . ... LLJ > Historia . . ..

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LLJ > LOS! . . . .. . . . . . .. . . . . . .. . 1 . . . . .. .2 . . . . . . . 3 . . . .. . . 4 . . .. . . LLJ > Batailleset blindés. . . . . . . . . . 1 . . . ... .2 ... .. 3 . . . .. . . 4 . .... . . LLJ > Guerres&Histoire ....... ............... .. 1 .............. ... 2 ............. ....... 3....... . ........4 LLJ > Scienœ&Vie .......... .... ........ ......... 1 ... ...............2 ............. ....... 3....... ...... ...4 ............. LLJ > Scienœ&Avenir............................. 1 ... ...............2 ..................... 3..... . ...... ...4 ............. LLJ > Géo ............................ ............... .... 1 ... ...............2 ........ ............ 3..... . ...... ...4 .. .......... LLJ > Ça m'intéresse............................... 1 ............ ......2 ..................... 3..... ............4 .. .......... LLJ > Autre(s) (à préciser) : .......................................................... 1 ...................2 ..................... 3 .................4 ............ LLJ .......................................................... 1 .......... ........2 ...... .............. 3 .. ..............4 ............ LLJ .......................................................... 1 ........ . ........2 ...... .............. 3. ............... 4 ............ LLJ > seconde Guerre mondiale . . .. .. 1 . . . ...

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RS1- Vous êtes...

>Un homme >Une femme

1 2

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..........................................................................................................................

RS2- Votre âge...

> moins de 18 ans

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1

> de 18à 24ans .....................................................................................................................2

> de 25 à 34 ans .....................................................................................................................3 > de 35à49 ans .............. ............... ..... 4 > de50à64ans .....................................................................................................................s > 65 ans et plus ......................................................................................................................6 RS3- Dans quelle catégorie parmi les suivantes pouvez-vous vous ranger --

personnellement et/ou le chef de famille?

"ddœ-

Agriculteur............................................................................................ 1 ................................... 1 Profession libérale 2 2 ...............................................................................

Artisan, petit commerçant

..................................................................

Chefd'une entreprise de plus de 10 salariés

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.......................

...................................

3 ...................................3

. 4 ..

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4

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Cadre supérieur................................................................................... 5 . ... . .... . . .... . ... ..5 .

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Cadre moyen... ........ ........ ...... ........ ........ ............... ................. .......6....... ........................ ..6 .

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Employé........... ........................ ......................................................... .7.............. ........ ........... 7 .

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Ouvrier.. ...... . .... ...... ...... ..... . ...... . ...... ..... . ...... ...... ....... .8.... ... ... ....... ...... ....8 ...

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Enseignant .... . .. . . .... . . ...... .. . . .... . . .... . .. . . .. . . .... . .. ... .9 ...................................9 Ëlèlle,étudiant..................................................................................... 10 .. .. ... .. .. ... .. .. 10 Retraié t 11 11 Autre 12 12 Inactif................................................................................................... 13................................ 13 .

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Chômeur

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RS4- Quel est votre département de résidence?

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14................................ 14

I__._ ._ ____,

RSS- Accepteriez-vous d'être sollicité par e-mail pour donner votre avis sur des propositions de sujet que pourraient proposer Les Cahiers deScience& Vie? Si oui, j'autorise Mondadori France à utiliser les coordonnées de ce questionnaire

>Oui, merci de nous indiquervotre adresse e-mail :

> Non

..........................................................................................................................

.........................................................................................................................................................................................................

1 2

S I VOUS DESIREZ PARTICIPER AU TIRAGE AU SORT, MERCI DE NOUS INDIQUER vas COORDONNÉES : ,

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Pour rappel, vos coordonnées sont strictement anonymes et ne serviront que pour l'envoi des lots. Elles ne seront pas associées à vos réponses à ce questionnaire.

Ce document est également téléchargeable sur

www.cahiers.science-et-vie.com Nous vous remercions vivement de l'aide que vous nous apportez. Retournez-nous sans tarder votre questionnaire rempli, sans l'affranchir, à l'adresse suivante : Les Cahiers de Science & Vie - Libre réponse 23016-Montrouge cedex

Aidez la recherche contre le cancer des e nfa nts ! www. i m aginefo r m a rgo.org

IMAGINE

�"°

Children without CA

L'émission « Au cœur de l'histoire » terminée, Frédéric Taddeï et Franck Ferrand échangent dans la régie du studio d'Europe 7, face à Nikos Aliagas.

EUROPE 1 SOCIAL CLUB

F R É D É R I C TA D D EÏ

l20H-22HI

A U C ΠU R D E L ' H I S TO I R E

FRANCK FERRAND

l14H-15HI

ACCÉDEZ AUX COULISSES DE LASÉANCE PHOTO PAR NIKOS EN SCANNANT CETTE PHOTO VIA L'APPLICATION SHAZAM.

Europe 1 U N T E M P S D 'AVA N C E