Appien: Histoire romaine. Tome II, Livre VI: L'Ibérique
 9782251004600, 2251004602

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APPIEN HISTOIREROMAINE LIVRE VI

L'IBÉRIQUE

COLLECTION

DES UNIVERSITÉS

DE FRANCE

publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUil.LAUME BUDÉ

APPIEN HISTOIREROMAINE TOMEII LIVRE VI L'IBÉRIQUE

TEXTEÉTABLIET TRADUIT

PAR PAUL

GOUKOWSKY

Professeur à l'Université de NANCY II

PARIS LES BELLES LETTRES 1997

Conformément aux statuts de l'Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique qui a chargé MM. Robert Etienne et Pierre Cordier d'en/aire la révision et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. Paul Goukowsky.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © 1997. Société d'édition Les Belles Lettres, 95 bd Raspail 75006 Paris

ISBN: 2-251-00460-2 ISSN: 0184-7155

NOTICE

1. La composition du Livre lbériqru 1 Rares furent les auteurs grecs qui visitèrent l'lbérie. Hormis Polybe 2 et après lui Posidonius 3, on ne peut citer aucun historien appuyant son récit sur une connaissance personnelle des lieux et des hommes 4 • C'est de ses lectures qu' Appien tire une connaissance imparfaite de l'Ibérie, qu'il tient pour un pays immense, arrosé par de grands fleuves et habité par des peuples innombrables5. Il en résulte que les événements se déroulent dans un vague embarrassant pour le commentateur. Mais ne nous méprenons pas sur les intentions d' Appien. Son propos n'est pas de raconter l'histoire de l'lbérie, et encore moins de retracer ses «origines 6 ». Il ne s'intéresse ni à la géographie du pays - sinon pour en brosser une rapide esquisse 7 -, ni aux mœurs des 1. La thèse de A. Sancho Royo, Estudio filologico y aportaciones été del Libro sexto, lberika, de Apiano (Séville, 1975), ne m'a

pas

accessible. 2. Cf. J. M. Alonso-Nunez, Das Bild der lberischen Halbinsel bei Polybios, Ant. Class., 54 (1986), p. 259-268. 3. Cf. J. M. Alonso-Nuiiez, Les informations de Posidonius sur la P6ninsule Ibérique, Ant. Class., 48 (1979), p. 639-646. 4. Cf. F. J. G6mez Espelosin, A. Pérez Largacha, M. Vallejo Girves, La imagen de Espana en la Antigüedad Clasica (Madrid, 1995), p. 48-55. 5. Cf. /ber. 1. 6. Cf. 3, 1 «laissons cela aux antiquaires». 7. Cf. 1, 1-4.

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habitants 8, ni à leurs mythes 9 , ni même aux légendes grecques 10• Il s'est refusé à faire œuvre de géographe et d'antiquaire pour mieux expliquer dans quelles circonstances les Romains avaient été conduits au-delà des Pyrénées 11• D'où une division du livre en deux parties consacrées chacune à la défaite d'un adversaire: d'abord les Carthaginois, ensuite les indigènes subdivisés en trois groupes ethniques, Ibères, Celtibères, Lusitaniens 12• Abstraction faite des chapitres introductifs (1-3) et conclusifs (99-102), le Livre Ibérique est donc formé de deux développements 8. Encore faut-il remarquer que, si les Ibères sont quasi transparents (aucun d'entre eux n'est individualisé par un nom) et n'existent que comme adversaires ou alliés de Rome, les Celtibères et les Lusitaniens sont physiquement présents dans le récit. Appien explique ce qu'est le sagum (42, 174); il nous montre le héraut des Nergobriges «enveloppé dans une peau de loup qui lui tient lieu de caducée>> (49, 204) ou les Vacczens combattant «à la manière des vélites» (51, 217). Il note au passage des usages locaux: le défi lancé aux Romains par un champion (53, 224), les cris de guerre des Celtibères qui, au combat, agitent leur longue chevelure pour terrifier l'adversaire (67, 284); les lignes de pierres levées protégeant les abords de Numance (76, 326). Il évoque les funérailles de Viriathe et montre les Lusitaniens chantant sa louange «à la façon des barbares» (65, 317). Enfin, il relève à plusieurs reprises la rapidité des chevaux espagnols (62, 262; 263; 67, 287). En fait, Appien n'est pas indifférent à la couleur locale; mais il ne cherche pas à l'ajouter lorsqu'elle n'est pas présente dans ses sources. 9. Ce en quoi il se distingue de Trogue-Pompée, auquel nous devons l'essentiel de ce que nous savons sur Habis. 10. S'il mentionne le roi de Tartessos, Arganthônios, c'est qu'il le tient pour historique. De même, il évoque le sanctuaire phénicien d'Héraclès-Melqart à Gadeira sans rappeler la légende des troupeaux de Géryon, dont la quête avait conduit le héros grec jusqu'aux Colonnes. Sur ce mythe, renvoyons seulement à R. C. Knapp,La via Heraclea en el Occidente, Emerita, 54 ( 1986), p. 103-122. 11. Un certain nombre de points importants ont été dégagés par F. J. G6mez Espelosin, Appian's lberike, aims and attitudes of a Greek historian of Rome, ANRW, 34, l (1993), p. 403-428. J'insisterai donc sur d'autres aspects. 12. Cf. 3, 9-12, où Appien expose sa méthode.

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juxtaposés consacrés l'un à la conquête de !'Ibérie punique jusqu'à sa pacification (4-41), l'autre aux guerres de Lusitanie et de Celtibérie (42-98). Cette composition peut paratûe équilibrée. Mais le récit, linéaire dans la première section, devient touffu après l'expulsion des Carthaginois et la répression des révoltes ibères. Certes, la situation est elle-même plus complexe, avec l'apparition de plusieurs foyers de résistance. Mais l'impression de confusion tient surtout aux entorses apportées à une méthode de composition mal adaptée 13• a) La JJeguerre punique en Ibérie et la « légende

de Scipion» Appien établit une distinction entre les objectifs territoriaux de Rome et les causes immédiates de la guerre. Rome, estime-t-il, voulait s'emparer de l'lbérie, comme elle avait voulu acquérir la Sicile 14 par la 1re guerre punique. Quand Amilcar et Asdrubal eurent pris pied dans la Péninsule, elle s'employa d'abord à les empêcher de s'étendre en imposant aux Carthaginois le traité de l'Ebre 15• Puis, quand Annibal, pour des motifs purement personnels, eut amené Carthage à rompre avec Rome en montant de toutes pièces l'affaire de Sagonte 16, Publius et Gnreus Scipion prirent le chemin de }'Ibérie avec mission de la conquérir. Appien divise cette guerre en deux périodes d'inégale longueur. La première traite rapidement les opérations conduites par Publius et Gnreus Scipion jusqu'à leur mort 17• La seconde, plus détaillée, est écrite à la gloire du 13. Je reviendrai dans l'introduction générale sur les avantages et les inconvénients de la composition 1ea-ràf8voç, dont Appien avait exposé les principes dans sa Préface. 14. Cf. 4, 13. Ne perdons pas de vue que le lecteur du Livre Ibérique était censé connaître le Livre Sicilien, perdu. 15. Cf. 4, 15-8, 28. 16. Cf. 8, 29-13, 50. 17. Cf. 14-54-17, 64.

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jeune Publius Scipion, le futur Africain. Les autres chefs romains (Silanus et Marcius 18) ne sont que des comparses, au même titre que Lucius Scipion et Lrelius. En fait, Scipion est présenté moins comme un chef militaire hors de pair que comme un personnage prédestiné, inspiré par les dieux. Annibal avait cherché lui aussi leur protection. Selon Tite-Live (21, 21, 9), après la prise de Sagonte, il s'était rendu en pèlerinage à Gadeira 19• Là, dans le sanctuaire d'Héraclès-Melqart, il s'était acquitté de ses vœux et lié par de nouvelles promesses, si cetera prospera evenissent. Sans doute pria-t-il le dieu de favoriser sa marche vers l'Italie par une voie que lui-même avait frayée aux temps héroïques. Dans un discours prononcé en 218, le consul P. Cornelius Scipion rappela en effet à ses troupes que le général ennemi se prétendait l'émule d'Héraclès 20• Cornelius Nepos (Hann., 3, 4) recoupe Tite-Live: en franchissant les Alpes, Annibal avait réitéré l'exploit d 'Héraclès 21• On peut donc penser que, pendant l'hiver 219-218, le Barcide s'apprêta à suivre les traces du héros depuis le royaume de Géryon jusqu'à Rome22• Par une 18. Chez certains annalistes (Valerius Antias en particulier), L. Marcius était devenu un personnage de légende: voir Ed. Meyer, Kleine Schriften, 2, p. 446. Rien de tel chez Appien. Chef de guerre cauteleux (cf. 31, 120-125), impitoyable, mais capable de saluer le courage de l'adversaire (33, 132-136), Marcius manque d'autorité: c'est sous son intérim (34, 137) qu'éclate dans l'armée de Scipion la grande mutinerie de 200 av. J. C. 19. Cf. A. Garcfa y Bellido, Hercules Gaditanus, Arch. Esp. Arq., 26 (1963), p. 149 sq.; l'historien Silènos accompagnait probablement Annibal. 20. Cf. Tite-Live, 21, 41, 7: utrum Haniba/ hic sit œmulus itinerum Hercu/is, ut ipse fert. 21. Ad Alpes posteaquam venit .. .quas nemo unquam cum exercitu ante eum prœter Hercu/em Graium transierat. Nepos s'inspirerait ici de Silènos selon K. Meister, Annibale in Sileno, Maïa, 23 (1971 ),

p. 6. 22. Cf. R. C. Knapp, La vfa Heraclea en el Occidente, Emerita, 54 (1986) p. 118 sq.

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pieuse fiction, l'année punique passait d'ailleurs pour être partie des «Colonnes d'Hercule» 23 • Divers historiens 24 enjolivèrent l'histoire. Annibal n' aurait jamais franchi les Alpes si un dieu ou un héros 25 ne l'avait guidé. Panni ces historiens figurait Silènos 26 , qui racontait comment Annibal, transporté en songe devant le conseil des dieux, avait reçu de Zeus l'ordre de porter la guerre en Italie: il serait guidé par l'un des dieux (ou par un jeune homme d'aspect divin selon une autre version) qu'il devrait suivre sans regarder en arrière. Un monstre, symbolisant la dévastation de l'Italie, marchait en effet sur ses pas. Le sens primitif de cet épisode demeure incertain: nous ne connaissons Silènos qu'à travers l'adaptation de ililius Antipater27, lui-même cité par des auteurs plus tardifs 28 • Il est clair en tout cas que, dans les premiers mois de 218, Annibal eut à convaincre Carthage du bien-fondé de son plan d'invasion. Dans ce contexte, un songe prophétique, surtout envoyé par Melqart 29, représentait un argument de poids pour convaincre les partisans d'une stratégie défensive. Mais pour que la prophétie (réelle ou supposée) filt crédible, encore fallait-il que la Divinité garantît un projet raisonnable, comme celui de 23. Cf. Tite-Live, 21, 43, 13. 24. Pris à parti par Polybe, 3, 47, 9. Cf. K. Meister, Historische Kritilc bei Polybios (1975), p. 155 sq. 25. 8&è>ç'1 t\Ç ftpcoç. Mercure selon Silius Italicus, 3, 168-169. 26. Fr. Gr. Hist. 175, fr. 2 (Cicéron, De Div., 1, 24, 49). 27. Fr. 11 Peter, mais fr. 12 dans l'édition de W. Herrmann, Die Historien des Calius Antipater ( 1979). 28. La plus fidèle de ces adaptations panu"tcelle de Cicéron, /oc. cit.; voir aussi Dion Cassius, 13, 56, 9; Zonaras, 8, 22; Tite-Live, 21, 22, 5-9; Valère Maxime, 1, 7 ext. 1; Silius Italicus, 3, 163 sq. - Sur cet épisode, voir Ed. Meyer, Kleine Schriften, 2, p. 368-370 et la discussion de W. Hemnann, o. c., p. 75-86. 29. C •est pourquoi Cicéron me paraît dans le vrai en plaçant ce songe après la prise de Sagonte (cum cepisset Saguntum), alors que les autres sources le repoussent au printemps suivant, quand Annibal s'apprête à franchir l'Ebre comme César «franchira le Rubicon».

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ravager l'Italie pour affaiblir Rome et l'empêcher de porter à nouveau la guerre en Afrique 30• Le songe ne préconise rien de plus. Mais il devint clair, après Cannes, que ce plan échouait devant l'obstination du Sénat. Pourtant Melqart ne pouvait pas avoir dupé Annibal. C'est peut-être pourquoi Silènos souligna qu' Annibal n'avait obtenu des dieux qu'une seule certitude: il dévasterait l'Italie. Pour le reste, l'avenir lui était demeuré caché. D'ailleurs l'historien grec ne méconnaissait pas l 'ambiguïté des oracles. En revanche, pour un historien latin, il devait être clair que jamais les dieux n'avaient promis la victoire à Annibal et que les épreuves traversées par l'Italie étaient le prix du sucès final 31 • C'est ce que pense Appien qui, dans le Livre d'Annibal, revient à deux reprises sur ce sujet En 12, 49, nous voyons le Barcide, détourné de Rome par la Divinité, ravager les côtes de la mer Ionienne. En 40, 173, il s'écarte une nouvelle fois de Rome, égaré «en cette circonstance comme en d'autres» par la Divinité. Il ne fait guère de doute, à mon sens, que cet «égarement» d 'Annibal remonte aux adaptateurs romains de Silènos, et l'on comprend pourquoi les dieux n'ont pas voulu démasquer leurs projets. Annibal aurait peut-être renoncé à son entreprise, s'il avait su qu'elle s'achèverait par la défaite de Carthage. Selon Tite-Live, le guide envoyé par les dieux aurait enjoint à Annibal d'aller de l'avant et de laisser les destins cachés: sineretque fata in occulto esse. Quand Rome paraît perdue au lendemain de Cannes, Annibal, héros de tragédie aveuglé par les dieux, ignore encore que vient de surgir celui qui doit le vaincre 32 : le futur Africain. 30. Tel est bien le plan qu 'Appien prête aux Romains. 31. Ed. Meyer, o. c., p. 370, suggérait, à juste titre semble-t-il, que Cœlius avait arrangé Silènos dans un sens pro-Romain. 32. Cf. Tite-Live, 22, 53, 7: Scipio iuventis, fatalis dux huiusce belli. Voir R. T. Ridley, Was Scipio Africanus at Cannre?, Latomus, 34 (1975), p. 161-175; R. Seguin, La religion de Scipion l'Africain, Latomus, 33 (1978), p. 16.

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D'excellentes études ont été consacrées à la légende de Scipion 33. Elles négligent toutefois Appien 34 • Or celui-ci brosse du jeune général un portrait original remontant peutêtre aux annalistes syllaniens. Le «mythe d'Alexandre» n'a pas encore déteint sur Scipion. Il n'est pas le fils de Jupiter, ses enfances n'ont été marquées par aucun exploit héracléen35, et ses retraites solitaires au Capitole ne sont évoquées que par anticipation 36 • Ce n'est pas non plus un froid calculateur et un simulateur habile à manier les foules, comme l'imagine Polybe 37. Certes ses actions même les plus étranges - ne sont jamais inconsidérées. Mais son comportement échappe parfois à la normalité. Appien semble hésiter entre deux interprétations. Jusqu'à la prise de Carthagène, la religion de Scipion, par son côté affecté, lui paraît relever de la simulation 38. Ambitieux, sûr de soi39 , le jeune homme se prétend visité par une inspiration surnaturelle et fait courir le bruit qu'il est 33. Voir principalementEd. Meyer, o. c., p. 425 sq.; H. H. Scullard, Scipio Africanus in the Second Punie war ( 1930), p. 13-16; C. J. Oassen, Gottmenschentum in der rômischen Republic, Gymnasium, 70 (1963), p. 315-321; F. W. Walbank, The Scipionic legend, Proc. Cambridge Phil. Soc., 193 (1967), p. 54-69; E. Gabba, P. Cornelio Scipione e la leggenda, Athenœum, 5 3 (197 5), p. 3-17; R. Seguin, o. c ., p. 3-21 ; J. R. Fears, The theology of Victory at Rome, ANRW, 2, 17, 2 (1981), p. 779-780. 34. Sauf Ed. Meyer qui étudie (o. c., p. 443) l'évolution du caractère de Scipion: feinte jusqu'à Carthagène, sa conviction d'être inspiré par la Divinité s'exprime ensuite avec sincérité. 35. Cf. Ed. Meyer, o. c., p. 435-436; Walbank, o. c., p. 54; Oassen, o. c., p. 319. 36. Classen, o. c., p. 321 juge la tradition d' Appien sur ce point plus crédible que celle de Tite-Live et Dion Cassius. Voir aussi Walbank, o. c., p. 54-55. 37. Polybe, 10, 2. Voir Hesselbarth, o. c., p. 400 sq.; Ed. Meyer, o. c., p. 425-428; Walbank, o. c., p. 59 sq. 38. C'est d'ailleurs sous la rubrique De simulata religione que Valère-Maxime (1, 2, 1) évoque certaines manifestations de la religiosité de Scipion. 39. Dion Cassius, fr. 57, 33, le qualifie de µtyaÀ6q>pcovet de

µtyaÀ01tpayµrov.

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envoyé par la Divinité 40 • Après son premier grand succès, Appien note un tournant: Scipion use toujours de la propagande avec dextérité, mais il est convaincu d'être l'agent de la Divinité 41 • Avant la bataille de Carmona, il joue encore la comédie 42 • Mais les dieux confirment leur bon vouloir par un présage indiscutable, et la feinte de Scipion se trouve ainsi dépassée par l'intervention miraculeuse du surnaturel. Ce signe s'adresse d'ailleurs moins à Scipion qu'à l'année romaine, confirmée dans l'espoir de vaincre. La religion de . Scipion est donc ambiguë: elle relève, pour une part, de la simulation théâtrale, mais non de la supercherie, puisque les signes annonçant le destin de Rome viennent étayer les assurances données au général par son génie familier. On voit ainsi que l'auteur dont s'inspire Appien s'était efforcé de sauvegarder certaines manifestations religieuses où les pragmatiques ne voulaient voir que ruse politique. Mais Polybe avait reconnu que, de son temps encore, les Romains croyaient que, dans son action, Scipion avait été inspiré par des songes et des présages, et qu'il avait joui du privilège de s'entretenir avec les dieux, même à l'état de veille 43 • Qu'il s'inspire d'un historien prépolybien ou d'un annaliste non polybien, Appien nous a transmis quelques curieux exemples d'exaltation religieuse. Il n'est pas fait état de songes dans le Livre Ibérique. Mais Appien décrit à deux reprises les effets de la possession divine. L'élocution, ordinairement pompeuse 44 , de Scipion change ainsi que son regard et tout son maintien 45 • 40. Cf. /ber. 19, 73; Lib. 6, 25. 41. Cf. 23, 88. 42. Des expressions comme ô1te1c:pivetoet tô P>.éµµa 1c:aitô ox;ijµa Ôla8eiç conviennent à un acteur: cf. Hesselbarth, o. c., p. 406. 43. Polybe, 10, 5, 5; Tite-Live, 26, 19, 4. Voir Classen, o. c., p. 319; Walbank, o. c., p. 63; R. Seguin, o. c., p. 10. 44. Cf. des expressions comme taeµvoÂ.6"f1lOE (18, 68), taeµvi>VEtO(18, 70), ÔlEÂ.éx,&ri ... µEyatr1y6pcoç(19, 73). (26, 45. Cf. 18, 69; 26, 101. Il est fv8ouç (18, 69) ou 8e6Â.T11ttoç 104).

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Son comportement agité n'est plus celui d'un candidat aux élections ou d'un général en chef. Sa mimique, parfois étrange, déconcerte l'auditoire et traduit l'irruption du surnaturel dans la vie politique ou militaire. Dans trois circonstances critiques, Scipion ressent ainsi (ou feint de ressentir ... ) la présence d'une divinité innommée qui lui dicte sa décision. Plus tard dans sa carrière, il prendra conseil de Jupiter Capitolin. Pour l'heure, la divinité n'est désignée que par des périphrases: «dieu allié» 46 ; «génie familier»47 ; «conseiller divin»48 • Rien d'important ne s'accomplit sans consultation de cet esprit tutélaire. Scipion ne néglige pas pour autant le rituel routinier: il procède à la lustration de l'année (19, 73), sacrifie aux dieux après la prise de Carthagène et organise en leur honneur un défilé triomphal (23, 90). Mais est-ce un hasard si Appien ne signale qu'une seule prise d'auspices, avant la bataille de Cannona? Les esprits forts tenaient depuis longtemps ce rite pour désuet, et il se pourrait même que l'épisode ftlt controuvé puisque, selon certains, Scipion, privatuscum imperio,ne possédait pas le droit d'auspices49 • En revanche, l'apparition inopinée et «romuléenne» d'un vol d'oiseaux de proie50 , avant cette même bataille, pourrait avoir cherché à compenser l'absence d'auspices réguliers. Même si la fiction tient une place dans la tradition suivie par Appien, il est clair que Scipion entendait tenir le rôle du médiateur entre son armée et les puissances célestes, et l'on peut penser qu'il chercha, dans le commerce des dieux, un surcroît d'ascendant sur des troupes dont la révolte de 206 dénote l'esprit d'insubordination 51 • 46. Cf. 21, 83. 47. Cf. 26, 101. 48. Cf. Lib., 6, 25. 49. Voir la discussion de R. Combès, lmperator (1966), p. 394-400. 50. Cette apparition annonce certainement un grand destin: on sait que le 19 aoOt 43, douze vautours apparurent dans le ciel alors qu'Octavien prenait les auspices. Voir R. Combès, o. c., p. 408 avec la bibl. 51. Selon Dion Cassius, fr. 42, une première mutinerie éclata sitôt Carthagène prise. Scipion l'apaisa par des largesses.

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Dans le Livre Ibérique (19, 73) comme dans le Livre Africain (6, 25), le bruit se répand en Ibérie que Scipion est arrivé «par la volonté divine» (Katà 0e6v). Au moment de livrer bataille à Carmona, c'est encore à la volonté divine que le général attribue ses précédentes victoires. Ce n'est pas qu'il s'efface devant la Divinité. Instrument certes, mais privilégié, des puissances surnaturelles, il relègue au second plan ses soldats, humbles artisans du succès. Ceux-ci, au moment de se mutiner, lui reprocheront d'ailleurs «de s'approprier leurs exploits et leur gloire» (34, 137). Réduits au rôle de comparses, Silanus et Marcius sont moins bien traités que chez TiteLive52. Alors que Caton l'Ancien, dans ses ouvrages historiques, s'applique encore à maintenir dans l'anonymat les chefs militaires désignés par leur seule fonction, l'auteur dont s'inspire Appien pousse Scipion au premier plan non seulement en l'entourant d'un nimbe religieux53, mais aussi en relatant quelques traits d'une bravoure dont on ne trouve pas d'autre exemple dans le Livre Ibériquede la part d'un général en chef. Le récit tend à montrer que, malgré la ténacité des troupes romaines, Carthagène n'aurait jamais été prise ni la bataille de Carmona gagnée sans l'intervention décisive de Scipion. A Carthagène, il s'empare d'une échelle et escalade la muraille 54• A Carmona, 52. Les pouvoirs de Silanus n'étaient pourtant pas inférieurs à ceux de Scipion: cf. Polybe, 10, 6, 7; Tite-Live, 28, 28, 14 eodem iure eodem imperio, contredit toutefois par 26, 19, 10 proprœtor adiutor ad res gerendas, comme le remarque R. C. K.napp, Aspects of the Roman experience in lberia (1977), p. 90-91. Voir R. Develin, The Roman command structure in Spain, 218-190 B. C., Klio, 62 (1980), p. 360: «could it be that the heroic saga of Scipio bas assigned him (i. e. Silanus) a minor position which he does not deserve?» 53. R. Seguin, o. c., p. 6 parle avec raison «d'une auréole de mystère». 54. Chez Polybe en revanche (10, 15, 4-6), Scipion, dOment protégé, prend peu de risques. Chez Tite-Live, il ne tente pas l'escalade. Mais un épisode analogue est signalé lors de la prise d'Iliturgi (28, 19, 16-17): voyant ses soldats hésiter, Scipion fait apporter des échelles et menace de monter lui-même sur le rempart. Peut-être s'agit-il de l'une de ces anectodes flottantes dont on connaît maint exemple.

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dans un élan spectaculaire qui frôle la devotio, il se précipite au premier rang et enttaîne ses hommes épuisés55 • On voit ainsi que, même quand les dieux promettent le succès, leur aide demeurerait inefficace si le général ne payait pas de sa personne pour emporter la décision. Polybe, imbu des mêmes préjugés que les stratèges hellénistiques56, pouvait malaisément admettre qu'un général se filt exposé au premier rang. En revanche, la source romaine d' Appien associait naturellement, comme facteurs de victoire, la jeunesse de Scipion, sa célérité57 et son audace. Par son assurance, Scipion, dès son élection, indispose les hommes d'âge mQr sceptiques devant ses promesses prophétiques. C'est pourquoi il lui faut, par ses œuvres, triompher de l'incrédulité 58 • Comme la prise d'Ilourgeia, enlevée en quatre heures (33, 128), celle de Carthagène témoigne de sa celeritas59 • Placé par la source d' Appien peu après l'arrivée de Scipion en Espagne, cet exploit «rapide et audacieux» (23, 92), habilement exploité, connut un immense retentissement à Rome60• Dans ce succès, fruit d'une minutieuse préparation selon Polybe61, Appien ne laisse qu'une faible part au calcul 62 : tout au plus 55. Cf. 36, 107. 56. Voir par exemple Onasandros, Stratègikos, 33: µax,ta&> ôè b atPŒtTl'YOÇ aôtoç 1tpoµ118tatspovf\ toï..µ11p6tspov,f\ 1eaitè>1tapa7tUV d1tsx,ta&>toù toîç xoï..sµiotç tç xstpaç ltvat. L'idée appanu"'t déjà chez Théophraste, cité par Plutarque, Sertorius, 13: atpat11yoù yap, cbç fcp118s6cppaatoç, ôst 8avatov d1to8vncncs1vtè>vapat11y6v,oô xsï..taatoù. 57. Cf. R. Combès, o. c., p. 323. 58. L'idée réappanu"'t, avec quelques nuances, chez Dion Cassius, fr. 57, 33. On conçoit que ce soient les presbyteroi qui, chez Appien (18, 70) doutent de Scipion: leur gravitas s'oppose à sa temeritas. 59. Cette celeritas était déjà vantée par Cicéron, Ve". 2, 5, 10, 25. Sur ce thème littéraire, voir R. Combès, o. c., p. 293, n. 160. Appien (38, 155) souligne que la tax,uspyia de Scipion (celeritas) suscita l'admiration de Rome entière. Il précise également (24, 95) qu'Asdrubal fut vaincu à B~cula «dès le lendemain». 60. Cf. 33, 92. 61. Polybe, 10, 8, 7; cf. Tite-Live, 26, 45, 7. 62. Cf. 20, 76.

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Scipion savait-il la place faiblement défendue et les généraux puniques trop éloignés pour la secourir. Mais il fut servi par la chance et sut profiter de l'opportunité que lui offrait la marée 63 • Surtout il s'exposa audacieusement et entraîna ses hommes à l'assaut. C'est d'ailleurs, chez Appien, le seul cas où la chance serve Scipion, alors que certains historiens, selon Polybe, prétendaient que la Fortune l'avait secondé dans toutes ses entreprises 64 • Dans le Livre Ibérique, que Scipion affronte un adversaire retranché derrière ses murailles ou livre bataille à une armée très supérieure en nombre 65 , c'est toujours l'audace du général qui remporte la victoire. Audace dont il fait encore preuve en se rendant par mer auprès de Syphax avec une faible escorte, au mépris de la flotte punique66 • Par un saisissant contraste, le chef majestueux, qui sait en imposer à ses convives carthaginois, est aussi un téméraire. Visionnaire 67 , Scipion, à peine élu, souhaite porter la guerre en Afrique 68 • Mais il lui faut d'abord combattre en Ibérie, comme «vengeur de son père, de son oncle et de la patrie 69 ». De cette tâche préliminaire, il s'acquitte sans faiblesse: durement châtiée dans un mouvement de colère, Ilourgeia expie la mort des Scipions (32, 128). Après la 63. Cf. 21, 43: vùv ô 1Catpoç... dcpi1Ctat.Voir aussi 23, 88. Hesselbarth, o. c., p. 407, note avec raison que, chez Appien, Scipion n'a pas prévu la marée. 64. Selon certains auteurs critiqués par Polybe, Scipion était txttUXT)Çet ses entreprises réussissaient d'elles- mêmes 1tapaÀ.6ycoç Kai taùtoµatcp. Voir Ed. Meyer, o. c., p. 425-428; Scullard, o. c., p. 13; Walbank, o. c., p. 59 sq. 65. C'est le cas à Carmona. 66. Cf. 30, 119 sq. 67. Mais non point prophète, comme chez Dion Cassius, fr. 57, 48, et Zonaras, 9, 8, où il prédit à ses soldats qu'ils dîneront dans le camp d' Asdrubal. Voir Hesselbarth, o. c., p. 456 et, sur le prophétisme de Scipion, E. Gabba, o. c., p. 8 sq. 68. Cf. Dion Cassius, fr. 57, 33: tè>v ot6À.ov tè>v tç tT)V At6uriv ... 0Ô1t&pd&i tcpi&to. 69. Cf. 18, 68. Il offrira à leurs mânes des combats de gladiateurs (Tite-Live, 28, 21, 1-2).

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prise de Carthagène, la Victoire Romaine, longtemps humiliée, relève à nouveau la tête (33, 92). Après la bataille de Carmona, les derniers Carthaginois sont rapidement chassés d'Espagne tandis que Scipion, par des entretiens avec Syphax (29-30) et Massinissa (37, 149 sq.) prépare son propre passage en Afrique. On constate ainsi que l'lbérie n'est que la première étape d'une carrière fulgurante. Certes, Publius a su tirer profit du capital de sympathie amassé en Ibérie par son père et son oncle 70 • Mais les sources d 'Appien s'intéressaient moins, semble-t-il, au pacificateur de l'lbérie qu'au futur vainqueur de Zama. De ce fait, elles négligent sa politique indigène et n'accordent aucune place aux supplétifs ibères sur le champ de bataille de Carmona, effaçant du même coup la science militaire que Polybe reconnaît au général romain. Aucune manœuvre originale, aucun stratagème 71, mais seulement des batailles et des sièges évoqués en termes conventionnels. Les victoires ibériques, si rapidement obtenues, ne sont donc pas le fruit de la science militaire, mais de qualités personnelles - impétuosité, témérité, courage, enthousiasme communicatif' 2 - dont l'historiographie hellénistique fait parfois peu de cas. Un tel système de valeurs, étranger à Polybe, laisse supposer qu' Appien a puisé dans une tradition proprement 70. Cf. 19, 73; 23, 90. 71. C'est ainsi qu' Appien mécoruuu"'tles deux facteurs de la victoire de Carmona: d'une part la présence, inattendue, de la piétaille ibère au centre du dispositif; d'autre part, la manœuvre enveloppante des ailes composées de cavalerie et d'infanterie italiennes. Voir l'analyse du combat chez Scullard, o. c., p. 129-38. 72. Par ces qualités, le jeune Scipion ressemble à Alexandre: cf. Ed. Meyer, o. c., p. 428-430. N'apparaissent toutefois chez Appien ni l'épisode célèbre de l'épouse de Mandonios (Polybe, 10, 18, 6-15; Tite-Live, 26, 49, 11-26), ni le thème de la «continence de Scipion» (Polybe, 10, 19, 3-7; Tite-Live, 26, 50, 1-12). On ne voit pas non plus que Scipion ait refusé le titre de «roi» offert par les Ibères (Polybe, 10, 40, 1-2; Tite-Live, 27, 19; Dion Cassius, fr. 57, 48), préférant, selon Tite-Live, celui d'imperator.

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romaine 73 les éléments de son portrait de Scipion. L'identité de sa source (ou de ses sources) importe peu: mais il est remarquable qu'un Alexandrin de double culture, contemporain des Antonins, ait ainsi transmis - et d'abord à l'Orient gréco-romain - une image aussi hétérodoxe de l'Africain. b) Les guerres indigènes et la décadence morale des

Romains Appien croit que l 'Ibérie, après l'expulsion des Carthaginois, fut aussitôt divisée en deux provinces gouvernées par des préteurs annuels chargés d'y faire régner la paix. Cette organisation décrite, il eût été logique de relater, année par année, les guerres menées par les gouverneurs successifs. Ainsi procédaient les annalistes auxquels Appien doit l'essentiel de son information. A ce procédé monotone, mais clair, Appien a préféré le regroupement thématique des faits, organisant son récit autour des deux principaux adversaires de Rome, les Celtibères et les Lusitaniens. Mais il est obligé de confesser les difficultés de ce plan 74 et, tombant dans le défaut que lui-même, dans la Préface de l'Histoire Romaine, avait dénoncé chez certains historiens des guerres puniques, il abandonne abruptement le récit de la guerre de Numance pour traiter, dans un excursus, toutes les opérations menées contre les Lusitaniens, dont la guerre de Viriathe75• Cette dernière est à son tour interrrompue par la relation de l'expédition de lunius Brutus avant que le lecteur retrouve enfin l'exposé 73. Les Romains appréciaient le courage physique. Léelius avait rapporté à Polybe (10, 4, 1-5) que Scipion avait sauvé son père blessé à la bataille du Tessin. Mais Cœlius Antipater (fr. 17 Peter = Tite-Live, 21, 46, 10) ne croyait pas à cette fable. Voir Ed. Meyer, o. c., p. 428; Walbank, o. c., p. 60. 74. Cf. 63, 265: «il me paraît bon de regrouper les divers épisodes de la guerre de Viriathe ... et ce en renvoyant à plus tard le récit de tous les autres événements survenus à la même époque en Ibérie». 75. Qui toutefois le ramène à Numance ...

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principal. Il n'est donc pas inutile d'entrer dans le détail de la composition. Les guerres menées contre les Ibères fonnent un premier ensemble. D'abord, la répression de la révolte d 'Indibilis qui, loyal envers Scipion, s'était cru dégagé de ses obligations après son départ (38, 156-157). Puis vient la grande révolte réduite par Caton l'Ancien (39, 158-41, 169). Commence ensuite, avec l'affaire de Complega, une courte guerre impliquant à la fois des Ibères et des Celtibères: les succès militaires de Flaccus et les talents de négociateur de son successeur Sempronius Gracchus mettent fin à ce cycle (42, 171--43, 179. Commencent alors les guerres de Celtibérie, dont Appien expose d'abord les causes (44, 180 sq.): Ségéda, attaquée par le préteur Nobilior, fait appel aux Arévaques. C'est ainsi que les N umantins se trouvent impliqués dans une guerre qui ne les concernait pas directement (46, 188). Cette flambée s'éteint bientôt, les Arévaques et leurs alliés capitulant entre les mains du prudent et modéré Marcellus (50, 214). Une nouvelle guerre est alors engagée contre les Vaccœens, une peuplade vivant au delà du Tage, par Licinius Lucullus, présenté comme un fou criminel poussé par la soif de l'or et de l'argent (54, 230-231). Ce conflit prend fin misérablement en SS, 233. Le récit nous conduit alors dans le sud-ouest de 1'Ibérie avec 1'exposé des premières guerres menées par Rome contre les Lusitaniens, commandés successivement par Punicus, Caisaros et enfin Caucainos. Cette première période s'achève sur le net succès remporté par Mummius, le futur vainqueur des Achéens (56, 234-58, 243). Vient ensuite 1'exposé des origines de la guerre de Viriathe, puis le récit de cette guerre, qui se déroule essentiellement dans la province Ultérieure, mais conduit aussi le lecteur «à 1'autre bout de l 'Ibérie», ou Viriathe soulève de nouveau contre Rome les Arévaques et leurs alliés. Cette guerre, peu glorieuse pour les armes romaines, paraît trouver son

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terme clans la paix conclue entre Viriathe et Fabius Maximus. Mais son successeur Crepio obtient du Sénat la reprise des hostilités (70, 296). Non sans quelque embarras76, Appien intercale alors une digression consacrée aux campagnes victorieuses de lunius Brutus contre les Lusitaniensn. C'est assurément là le plus grave défaut du livre, car ces chapitres rompent l'unité du récit consacré à Viriathe, et l'on voit mal l'utilité pratique de ce compromis boiteux entre la composition thématique et l'exposé chronologique des faits: les tractations entre Crepio et Viriathe, la trahison ourdie contre ce dernier, sa mort et ses funérailles n'occupent en effet que deux chapitres (74, 311-7S, 321). C'en est fini des guerres de Lusitanie et, après une transition laborieuse 78 , Appien, reprenant le récit de la guerre de Numance à l'arrivée de Quintus Crecilius Metellus, le conduit jusqu'à la prise de la ville par Scipion Emilien.

* Appien se montre très réservé à l'égard des nouvelles conquêtes de Rome. Les Scipions étaient, si l'on peut dire, des gentlemen conduisant une juste entreprise et enrichissant leur patrie des dépouilles enlevées aux fauteurs de guerre. Avec la seconde partie de l'lbériké, les temps et les mœurs changent79 : on voit le commandement des 76. Cf. 71, 301: «Si j'ai rattaché ces événements au récit consacré à Viriathe, c'est qu'ils commencèrent à la même époque ... ». 77. Cf. 71, 301-73, 310. 78. Cf. 76, 322: «Revenant en arrière, nous reprenons le récit de la guerre menée contre les Vaccœens et les Numantins ... ». 79. Les références à la situation intérieure de Rome sont rares. Mais Appien note au passage (49,209) que l'on introduisit le tirage au sort des recrues parce que les consuls étaient accusés de favoritisme, ou que Lucullus ne fut même pas jugé pour s •être engagé dans une guerre désastreuse (55,233). Il stigmatise la scélératesse de Lucullus et de Galba (60, 255) et signale les grands procès provoqués par les échecs de divers généraux (cf. 60, 255; 69, 344; 83, 358). C'est par lassitude devant ce gâchis que le peuple décide d'envoyer Scipion Emilien en Ibérie (84, 363).

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années romaines échoir trop souvent à des incapables 80 ou à des politiciens poussés par des mobiles inavouables et peu regardants sur le choix des moyens, comme Quintus Pompée. C'est pourquoi Rome doit quelquefois ses succès à des félonies ou à des actes criminels. D'emblée, Appien expose en termes généraux les données du problème agraire dans l 'Hispanie Citérieure 81• Des terres insuffisantes provoquent des soulèvements contre Rome et une guérilla endémique, qu'il nomme « brigandage». C'est le cas des Lusoniens, certes vaincus par le préteur Fulvius Flaccus, mais dont les éléments irréductibles tentent de fonder une ville: délogés, ils forment des bandes vivant de brigandage aux dépens des sujets ou alliés de Rome 82• D'où un cycle que Tiberius Sempronius Gracchus s'efforce de briser en fixant, par des distributions de terres, les Ibères démunis de ressources 83• Un problème similaire se pose dans l 'Hispanie Ultérieure, où les Lusitaniens, manquant de terres 84, pillent les sujets de Rome 85 , poussant leurs raids jusqu'en Afrique 86 • Les préteurs romains parviennent à contenir ces «brigands» jusqu'au jour où Galba, par son hypocrisie et sa ruse, ruine la crédibilité de Rome 87 • Appien raconte en détail 88 le 80. Il signale en passant (63, 266) que le préteur Vetilius, vaincu par Viriathe, n'était qu'un «vieillard obèse». 81. Cf. 42, 171. 82. Cf. 42, 172. - A propos de la guerre de Numance, Appien montre (48,205) combien la puissance coloniale était parfois gênée de se trouver impliquée dans des conflits indigènes. 83. Cf. 43, 179. 84. Cf. 61, 258, où ils en demandent au préteur Vetilius. 85. Cf. 56, 234 sq.; 57, 239. 86. Cf. 59, 240. 87. Ce que montre bien le discours de Viriathe à ses camarades de combat (61, 259): «Il leur rappela la déloyauté des Romains et combien de fois ceux-ci les avaient attaqués après leur avoir prêté serment (allusion ironique à la légendairefides des Romains ... ). Toute l'armée ici présente n'était-elle pas composée de rescapés de tels parjures, qu'avaient commis Galba et Lucullus?» 88. Cf. 59--60.

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traquenard tendu à certaines peuplades89 afin de les désarmer, puis de les exterminer à loisir90• Malgré ce crime, Galba jouera de la corruption des juges pour échapper au châtiment 91 • Un tel génocide n'est pas unique dans les annales de l'lbérie. Appien relate encore celui que plus tard, avec l'accord d'une commission sénatoriale, perpétra Titus Didius, ce qui lui valut les honneurs du triomphe 92 • La politique d'extermination d'un Galba n'avait pas ralenti les incursions des bandes lusitaniennes 93 , bientôt commandées par un chef prestigieux, Viriathe, qui par son ascendant et son habileté tiendra longtemps les généraux romains en échec, imposant finalement une paix généreuse 94 que Rome ne consentira pas à respecter. Or comment parvint-elle à vaincre son noble adversaire? Par une reprise sournoise des hostilités 95, puis par la trahison: Servilius Crepio fit assassiner Viriathe par les émissaires que celui-ci lui avait adressés 96 • S'il n'hésitait pas à recourir au meurtre, Crepio n'était pas cruel: il désarma les hommes de Viriathe et leur donna assez de terres pour qu'ils ne se livrassent plus au brigandage 97• Les causes de la guerre de Numance n'ont plus rien à voir avec le problème agraire. Elle résulte du fait que les Romains ne contrôlaient ni la meseta ibérique, ni la 89. Cf. 59, 249. Le cynisme de Galba s'abrite derrière une écœurante hypocrisie. 90. Cf. 60, 251-253. 91. Cf. 60, 255. 92. Cf. 100, 433-437. 93. Cf. 61-70; 74-75. 94. Cf. 69, 293-294. Viriathe devient ainsi «ami des Romains», ce qui rend encore plus odieuse la perfidie dont ceux-ci vont user à son égard. 95. Cf. 70, 296-298: à l'initiative du frère et successeur de Servilianus, Servilius Ciepio, le sénat autorise d'abord des opérations en sous-main, puis la guerre ouverte. Le lecteur de l 'lbériké ne peut manquer de remarquer que ces pratiques ne diffèrent en rien de celles que l'on reprochait à Annibal dans l'affaire de Sagonte. 96. Cf. 74, 311-316. 97. Cf. 85, 321.

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façace atlantique de l 'Ibérie, si bien que les quelques tribus celtibères soumises à partir de la vallée de l 'Ebre trouvaient aisément assistance auprès des peuplades indépendantes de l'intérieur. Ce fut ainsi que les Belloi de Ségéda, nominalement sujets de Rome, reçurent l'appui des Arévaques de Numance quand ils voulurent s'émanciper d'une domination devenue conttaignante 98 • Les échecs du préteur Nobilior 99 et les demi-succès de son successeur Marcellus 100 conduisirent le Sénat à confier au consul Licinius Lucullus le soin d'obtenir la capitulation des rebelles 101• Mais, comme Marcellus avait entretemps conclu la paix avec les Belloi et leurs alliés (Titthoi et Arévaques) 102, Lucullus se lança, pour des raisons peu honorables 103, dans une guerre contre les Vacczens, peuplade pacifique 104• Appien met l'accent sur le caractère injuste de cette guerre 105, au cours de laquelle, usant de perfidie, Lucullus mit a sac la ville de Cauca, dont il massacra la population adulte 106, jetant ainsi le discrédit sur les Romains 107 • Il lui fallut dès lors opérer dans des conditions très difficiles, et après avoir échoué devant lntercatia et Pallantia, il regagna le territoire 98. Cf. 44, 180 sq. Appien souligne que les Belloi ne comprenaient pas pourquoi le Sénat annulait certaines exemptions, qu'ils croyaient définitives, faute d'avoir pris garde à la formule «tant qu'il paraîtra bon au Sénat et au Peuple romain». 99. Cf. 45-47. 100. Cf. 48 49. 101. Cf. 49, 208-209. 102. Cf. 50. 103. Cf. 51, 215: «Mais celui-ci, avide de gloire, avait en outre besoin de faire de l'argent en raison de sa pauvreté». Appien revient plus loin sur cette avarice à propos du siège d'Intercatia (54, 230). La cupidité de Galba, qui n'avait pas l'excuse de la pauvreté, est elle aussi condamnée (59, 255). 104. Cf. 51, 215. 105. Appien voit un acte de «folle inconscience» dans les pourparlers engagés par Lucullus avec les habitants d'Intercatia et juge sévèrement ses réactions devant les justes reproches que ceux-ci lui adressent 106. Cf. 51, 216--52, 220. l 07. Cf. 52, 220. Les Celtibères refusèrent désormais le dialogue et firent le vide devant l'armée romaine.

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romain 108: Appien constate sobrement qu'il ne fut même pas jugé pour avoir engagé une telle guerre à l'encontre des instructions reçues 109 . La guerre retrouva après lui son objectif premier, Numance110.Les déboires de Quintus Pompeius, qu'il tenta de masquer par des négociations hypocrites avec l 'adversaire111, avant de renier sa parole sitôt son successeur arrivé 112, rendirent les Numantins intraitables. Le désastre essuyé sous leurs murs par Hostilius Mancinus 113détourna d'ailleurs de Numance son successeur, ~milius Lepidus, qui, malgré les injonctions d'une commission sénatoriale114, lança une nouvelle expédition contre les Vaccreens, avec l'appui de son gendre Decimus Brutus. Cette guerre injuste, engagée pour des motifs inavouables 115 , aurait pu tourner au désastre, si la Divinité n'avait pas sauvé 1'armée romaine 116• Fatigués de tant d'insuccès et de hontes, les Romains envoyèrent en Hispanie Scipion Emilien, le vainqueur de 108. Cf. 53, 222-55, 232. 109. Cf. 55, 233: «Ainsi se termina la guerre contre les Vaccftns, engagée par Lucullus en violation d'une décision des Romains, forfait pour lequel il ne fut pas jugé». 110. Cf. 76 sq. 111. Cf. 79, 338 sq. - Appien souligne que Quintus Pompeius n'engagea ces négociations que par crainte d'être l'objet d'une accusation après son retour à Rome. 112. Cf. 79, 342 sq. 113. Cf. 80, 346-348. 114. Pour justifier sa guerre, ...Emilius accuse faussement les V acczens d'avoir fourni des vivres aux Numantins (80, 349); la commission sénatoriale arrive en Hispanie alors qu '...Emilius assiège Pallantia (81, 351 sq.) pour lui remettre un senatus-consulte lui interdisant de faire la guerre aux V accftns. 115. L'initiative d'...Emilius s'inscrit dans un processus de décadence civique qu' Appien constate sans ambages (80, 349): «C'était en effet pour la gloire, le profit ou les honneurs du triomphe que certains partaient exercer des commandements, et non dans l'intérêt public (OÔlC è1ti

to tfi 1t6ÂEt cruµq,épov)».

116. Cf. 82, 357: «Détournés par la Divinité», les Celtibères laissent échapper l'm:mée d'...Emilius et de Brutus, qu'ils auraient pu anéantir.

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Carthage 117, qui rétablit d'abord la discipline dans l'année 118, soumit ensuite ses hommes à un long et dur entraînement 119, puis entreprit le siège de Numance, qu'il entoura d'une formidable ceinture de fortifications120. Le siège et la destruction de Numance surprennent Appien121, autant que la disproportion des forces en présence 122. S'il admire le courage, l'endurance et l'expérience militaire d'Emilien, il est également clair que cette incarnation glacée de la Victoire romaine l'indispose. Pourquoi cette implacable cruauté 123? Pourquoi ce manque de générosité 124? Appien constate avec horreur que la dureté de Scipion réduit les Numantins à l'état de bêtes sauvages, qu'ils déchirent leurs propres ambassadeurs 125 et s'abandonnent même à l'anthropophagie pour d~meurer plus longtemps libres 126• 117. Cf. 84, 363 sq.

118. Cf. 85. 119. Cf. 86 sq. 120. Cf. 90-93. 121. Appien définit clairement la strab§gie d'Emilien (90, 392) et souligne sa nouveaub§ (91, 397), avant de constater sa terrible efficacib§ (97, 480). Mais la destruction de la ville le laisse perplexe: cf. 98, 424 sq. où notre historien avance trois hypothèses, dont aucune n'est glorieuse pour Emilien. 122. Scipion disposait de 60 000 hommes (92, 403; 97, 420). Les Numantins n'avaient que 8000 guerriers au début de la guerre (98, 419) dont beaucoup étaient déjà morts à l'époque de Quintus Pompée (79, 339). 123. Quand par exemple Scipion fait couper les mains des 400 jeunes guerriers de la petite ville de Loutia, parce qu'ils veulent porter secours aux Numantins. 124. Cf. 95, 412 sq.: Scipion, froid calculateur, ne sait pas parcere victis, ainsi qu'il le montre en poussant à bout les derniers Numantins, qui implorent noblement sa pitié. Ses informateurs lui ont appris que la situation était désespérée et il veut une victoire totale. 125. Cf. 95, 416. 126. Cf. 96, 416-417. - Appien est attentif à l'effet de l'alimentation sur les êtres humains: cf. 54, 227; 85, 368.

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Appien exprime son admiration pour le courage de ces 127 128 fiers barbares , attachés jusqu'à la mort à «une liberté sans frein» qui les rendait incapables de se soumettre à l'autorité de Rome 129, comme bien d'autres populations dont notre auteur évoque avec respect l'esprit de résistance130.C'est ainsi qu'aux pages glorieuses et sans taches consacrées à l'époque où Scipion l'Africain chassait les Carthaginois d 'Ibérie s'opposent des chapitres sombres où la victoire, acquise péniblement - parfois au terme de guerres injustes 131 engagées par gloriole ou esprit de lucre -, résulte du recours à une perfidie indigne de Rome 132, ou à une technicité sans âme. 127. Cf. 97, 419: «Tant on était assoiffé de liberté et de bravoure dans une petite ville barbare! » 128. Appien note (96, 418) que certains préférèrent le suicide à la reddition. 129. Appien souligne (97,422) que les horreurs du siège n'avaient pas réussi à briser des âmes indomptables. Que penser d'un vainqueur qui déshumanise le vaincu? Même si Appien ne pose pas explicitement la question, il tombe sous le sens qu •elle l'est implicitement. 130. Appien rappelle (12, 44-46) le suicide collectif des Sagontins assiégés par Annibal: les derniers défenseurs se firent tuer, tandis que les femmes se donnaient la mort, certaines après avoir tué leurs enfants. Il signale aussi (23, 135-136) que les Astapéens, submergés par le nombre des Romains, se suicidèrent avec femmes et enfants. Voir A. Pelletier, Sagonte, Iliturgi, Astapa. trois destins tragiques ws de Rome, MCV, 23 (1987), p. 107-124. Mais l'intérêt d'Appien pour ces actes de bravoure collectifs est tout aussi marqué au cours de la période suivante. A deux reprises (71, 303 et 72, 305-306), il évoque l'attitude exemplaire des femmes lusitaniennes, qui combattaient aussi bravement que les hommes, se laissaient égorger sans un cri et, prisonnières, se suicidaient avec leurs enfants «car elles jugeaient la mort préférable à la servitude». Il signale même (77, 327), en tennes élogieux, la force de caractère de guerilleros qui, réduits en esclavage, se tuèrent, ou tuèrent leurs acheteurs, ou encore défoncèrent les navires sur lesquels on les avait embarqués. 131. Cf. 83, 359 où Mancinus déclare, pour sa défense: «que la présente guerre, décrétée par les Romains en violation des traités, leur avait été néfaste». On voit aussi (85, 367) les soldats romains, «rendus timorés par leurs échecs», interroger devins et haruspices. 132. Appien le dit nettement (61, 253) à propos de Galba: «Ce faisant, il punit sans doute une perfidie par une perfidie, mais en imitant les Barbares d'une manière indigne de Rome».

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L 'lbériké ne contient aucun véritable discours, mais seulement des résumés au style indirect, assortis parfois de quelques phrases au style direct. On voit néanmoins ce que pensaient de Rome les Celtibères, peuple agaçant par sa forfanterie 133, mais obstiné dans son attachement à la liberté. Les V accœens, attaqués en pleine paix par Lucullus, ne se privent pas de dénoncer la perfidie des Romains. C'est le cas des habitants de Cauca, surpris traitreusement et massacrés 134, puis celui des habitants d 'Intercatia, qui, instruits par l'expérience de leurs voisins, ne se laissent pas séduire par la fourberie de l'envahisseur 135• C'est encore le thème du discours par lequel Viriathe pousse ses compagnons d'armes désemparés à la résistance, obtenant d'eux le commandement contre les Romains 136• On voit ainsi que, si les Romains aimaient vanter leur loyauté et de leur piété, les Celtibères les tenaient pour des adversaires déloyaux, et même pour des parjures. Le discours qu 'A varos 137 adresse à Scipion Emilien à la fin du siège de Numance, avec l'espoir d'obtenir un traitement humain, met en relief l'inflexibilité du général romain. C'était assurément un homme déterminé, droit et courageux, comme Appien s'est plu à le rappeler à maintes reprises, et son image tranche, par contraste, avec la galerie d'incapables, de lâches ou de scélérats qu'aligne la seconde partie du Livre Ibérique; mais il manquait un peu de cœur 133. C'est ainsi que les Lusoniens «somment Flaccus de verser,

pour prix de chacun de leurs morts, un manteau, un cheval et une épée, puis de déguerpir de l'lbérie avant qu'il ne lui arrive malheur» (42, 173). Mais ce sont eux qui se sauvent à l'approche des Romains ... 134. Cf. 52, 220: «Ces derniers (les habitants de Cauca) avaient beau invoquer les garanties reçues ainsi que les dieux protecteurs des serments, et reprocher aux Romains leur perfidie, on les massacrait». 135. a. 53, 222: (59, 249) demandent à être interprétées, ici par citra Tagum. Mais le sens est moins évident en 66, 281 et 80, 350. - Les fastes triomphaux manquaient d'éclat dans ces guerres peu glorieuses. Appien mentionne néanmoins le triomphe de Sempronius Gracchus (44, 179) et celui de Scipion Emilien (98, 424) parce qu'ils marquent chacun une époque. D'autres triomphes sont signalés pour leur caractère paradoxal, comme celui de Didius (100, 436). 144. Il n'en est que rarement fait état dansla première partie du livre: 16, 61 (les Scipions et les généraux puniques); 19, 74 Oes généraux puniques). La liste est longue en revanche dans la seconde: 47, 197 (Nobilior); SS, 232 et 59, 247 (Licinius Lucullus); 58, 244 (M. Atilius); 58,246 (Ser. Galba); 64,271 (Gaius Plautius); 65,278 (Fabius Maximus 66, 281 (Quintus); 76, 325 (Metellus); 79, 338 (Quintus ~ianus); Pompée); 83, 362 (Calpurnius Pison); 89, 386 (Scipion Emilien). 145. Cf. SS, 232 et 59, 247. 146. Cf. 58, 246. 147. Appien peut se montrer très précis dans le détail du récit. Voir par exemple 46, 188: «cette nuit-même»; «deux jours après». 148. Cf. 78, 334. 149. Cf. 63, 265. Il faut prendre en considération le fait qu' Appien a sauté les trois années séparant la préture de Galba de celle de Vetilius.

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en tout cas de corriger le texte au prétexte qu'il pose problème 150• C'est surtout en rompant avec la méthode annalistique qu' Appien a pris le risque d'induire son lecteur en erreur, puisqu'il lui fait perdre de vue la simultanéité de faits artificiellement disjoints et les fréquentes implications, d'une province à l'autre, des embrasements indigènes. Il faut que le consul lEmilius Lepidus et son gendre Iunius Brutus réunissent leurs forces contre les Vaccœens 151 pour que, dans le récit, se rejoignent deux séries d'événements dont nul n'aurait pu soupçonner jusqu'alors la concomitance.

3. Les sources du livre Sauf dans les derniers livres de son œuvre, Appien n'écrivait pas l'histoire de son temps. Il devait donc se reporter à des écrivains plus anciens, qu'il n'a pas l'habitude de nommer 152• Dans la Préface de /'HistoireRomaine, il fait allusion à une vaste enquête livresque 153, que rendaient possible les ressources des bibliothèques romaines et alexandrines 154• Il déclare avoir lu des historiens des guerres puniques, dont il conteste la méthode 155 ; il apparaît 150. Cf. infra, p. 61. 151. Cf. 80-349-83, 358. 152. Cf. des expressions comme «on disait que» (9, 34); «on dit que» (13, 49); «on dit d'autre part» (30, 119); «on dit que» (56, 325); «comme quelques-uns le croient» (98, 426). 153. Préface, 12: «beaucoup de Grecs et de Romains l'ont relaté». 154. Voir F. G. Kenyon, Books and readers in Ancient Greece and Rome (1951); A. E. Parsons, The Alexandrian Library (1952); A. J. Marshall, Library ressources and creative writing at Rome, Phoenix, 30 (1976), p. 252-264. 155. Préface, 12:«Mais, tandis que je me consacrais à cette lecture, le texte m'emportait souvent de Carthage au pays des Ibères, et du pays des Ibères en Sicile ou en Macédoine, ou chez d'autres peuples ... ; puis il me ramenait de nouveau à Carthage ou en Sicile, comme un

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qu'il n'ignorait pas non plus l'œuvre de Rutilius Rufus 156• Ces maigres indications n'obligent pas à refermer l 'éventail. La théorie de la source unique, soutenue autrefois par E. Hannak 157, paraît simpliste dès qu'on l'applique à un livre entier. En fait, la cruvayco-yit 'trov1tpayµa't0>V obéissait à des règles, que Lucien met en fonne 158 et qu'Appien ne pouvait ignorer. Certes, on peut le taxer d' amateurisme, défaut qu'il partage avec d'autres beaux esprits de son temps 159• Il en résulte des négligences 160 et des confusions 161• Mais on voit mal pourquoi, dans le choix de ses sources, Appien aurait montré moins d'intelligence que son contemporain Arrien 162• Il était d'ailleurs guidé vagabond, et me transportait à nouveau loin de ces théâtres d'opérations, bien que les choses n'y fussent pas encore arrivées à leur tenne». - Lucien, Comment écrire /'Histoire, 50, soulève le même problème à propos d'un auteur anonyme de Parthica. 156. Cf. 38, 382: "Pout0..1ov "Poùq,ov, m>yypaq,ta tcov6&tcÏ>V

fpyrov. 157. E. Hannak, Appianus und seine Quellen (1869), dont les analyses ne portent jamais sur un livre complet. 158. Lucien, Comment écrire /'Histoire, 41. G. Avenarius, Lulcians Schrift zur Geschichtsschreibung ( 1956), p. 71 sq., montre que les idées exprimées par Lucien remontent à Thucydide et à Polybe. 159. C'est le cas de deux consulaires contemporains d'Appien, Arrien de Nicomédie et Claudius Charax de Pergame (Fr. Gr. Hist. 103). La personnalité de ce dernier est aujourd'hui mieux connue: cf. Chr. Habicht, Zwei neue Inschriften aus Pergamum, lstanbuler Mitt., 9/10 ( 1959/60), p. 109 sq. 160. Cf. les remarques de Hannak, o. c., p.9-10 et de H. Hesselbarth, Historisch-kritische Untersuchungen zur dritten De/cade des Livius ( 1889), p. 384. 161. Cf. 24, 94-95, où Annibal fils de Giscon est confondu avec son homonyme, le fils d' Amilcar; 42, 172 où le préteur Fulvius est promu par erreur consul; 84, 364, où Appien se figure que Scipion Emilien n'avait pas encore atteint l'âge légal fixé pour le consulat. D'autres erreurs - parfois volontaires - remonteraient plutôt aux sources d •Appien. 162. Dans la Préface de son Anabase d'Alexandre, Arrien déclare s'être principalement inspiré de deux compagnons d'armes d'Alexandre, Ptolémée et Aristoboulos, tous deux témoins oculaires et peu suspects (du moins le croit-il) de partialité.

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par la réputation, bonne ou mauvaise, des très nombreux auteurs encore accessibles 163• On peut donc présumer que, pour mener à bien son projet, il suivit plusieurs auteurs traitant les uns la neguerre punique 164, les autres les guerres livrées aux Celtibères et aux Lusitaniens.

A. L'lbérie jusqu'à l'expulsion des Carthaginois On admet qu 'Appien s'est inspiré pour cette période d'un annaliste latin 165• Mais lequel? Tous sont perdus 166• Les mieux connus sont ceux que cite parfois Tite-Live: Cœlius Antipater et Valerius Antias167• Si l'on écarte Fabius Pictor, qui expliquait autrement qu 'Appien les origines de la Ile guerre punique168, on cherchera du côté des modèles de Tite-Live. Hesselbarth se prononça ainsi 163. Cf. Hesselbarth, o. c., p. 603. 164. Cf. supra, n. 5: ce passage de la Préface prouve qu' Appien a lu un ou plusieurs historiens des Guerres Puniques qui traitaient par intermittence des affaires d'lbérie. 165. C'est, entre autres, l'opinion de Hesselbarth, o. c., p. 592 sq. et de Ed. Schwartz, RE Il, (1896), s. v. Appianus, 217:«Appian Lateinisch versteht und nur lateinische Quellen benutzt zu haben scheint». 166. On trouvera leurs fragments dans H. Peter, Hist. Rom. Rel., 1 ( 1914) et l'on reviendra plus longuement sur ces auteurs dans la notice du Livre d'Annibal. - Méthodologiquement, toute information nonpolybienne est supposée d'origine annalistique: voir B. L. Twyman, Polybius and the Annalists on the outbreak and early years of the second punie war, Athenœum, 65 (1987), p. 67-80, qui tente de reconstruire une hypothétique «tradition annalistique» à partir de Tite-Live, Zonaras, Appien et Silius Italicus, tout en soulignant que les annalistes travaillaient à partir des mêmes sources que Polybe: Fabius Pictor, Cincius Alimentus, Sosylos et Silènos. Il vaudrait mieux parler d'un gauchissement nationaliste susceptible de prendre des formes diverses selon les auteurs. 167. Voir P.G. Walsh, Livy, his historica/ aims and methods (1961), p. 121-2 et 126-8. 168. La possibilité d'un recours à Fabius Pictor a été discutée et rejetée, avec raison ce me semble, par Hesselbarth, o. c., p. XI. On reviendra sur cette question dans la Notice du Livre d'Annibal, où l'on discutera les vues de I. Hahn.

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en faveur de Valerius Antias 169• Ni Ed. Schwartz 170, ni G. de Sanctis 171 ne se déclarèrent convaincus. Vint A. Klotz 172 qui, persuadé qu 'Appien ne pouvait avoir utilisé un auteur latin 173, supposa, entre Antias et lui, une «Zwischenquelle» grecque antérieure à Tite-Live: Timagène d'Alexandrie fit d'autant mieux l'affaire que la perte de son œuvre rendait l'hypothèse invérifiable 174• Entre temps, W. Brewitz 175 avait élaboré une ingénieuse théorie. Considérant qu 'Appien présente Scipion l'Africain comme l'instrument de la Divinité, il en déduisit que sa source appartenait au milieu sacerdota1176 • Il s'agissait de Mucius Scaevola qui, vers 120 av. J. C., publia une adaptation des AnnalesMaximi111• Quand Appien affinne 178 que «de son temps encore», lors des grandes processions, les Romains allaient chercher au Capitole l'imago de l 'Africain, il emprunterait cette remarque à Scœvola lui-même, l'usage s'étant perdu sous les Antonins 179 • D'autres ont 169. O. c., p. 424-8 et 595. Ne pouvant justifier son hypothèse, Hesselbarth doit avouer qu'Appien n'a pas laissé «pierre sur pierre» de l'édifice primitif ... 170. Loc. cil. 171. Dans les appendices critiques de la Storia dei Romani, qui témoignent d'un grand bon sens. 172. A. Klotz, Appians Darstellung des Zweiten Punischen Krieges (1936). 173. o. c., p. 13. 174. O. c., p. ll2-ll4. Klotz veut que l'auteur suivi par Appien soit un contemporain d' Auguste pour l'étonnante raison qu'un acte d'héroïsme accompli par Scipion l'Africain en Ibérie (/ber. 27, 107) serait calqué sur la conduite de César à Munda. 175. W. Brewitz, Scipio Africanus Maior in Spanien, 210-206 v. Chr. (1914). 176. Brcwitz, O. c., p. 26-28. 177. Sur l'œuvre de Mucius Sczvola, voir Walsh, o. c., p. llO-lll; E. Badian, The early historians, dans: T.A. Dorcy, Latin historians (1966), p. 15. 178. /ber., 33, 89. 179. Brewitz croit pouvoir s'appuyer sur Valère-Maxime, 8, 15, l: /taque quod hodieque capit adiciam, imaginem in cella Jovis Optimi Maximi positam habet, quae quotienscumque funus aliquod Corneliae

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fait remarquer depuis que l'imago n'avait probablement été déposée au Capitole qu'à l'époque de Sylla 180: inutile d'insister sur la futilité de telles constructions. Faut-il attribuer au pragmatisme anglo-saxon la pertinence des vues de H. H. Scullard 181, pour qui l'on n'avait que trop disserté sur la question 182? Si Appien s'était inspiré d'un auteur latin, il s'agissait de Cœlius Antipater plutôt que de Valerius Antias 183• Conclusion modeste, qui rejoignait celle de G. de Sanctis. Est-il même légitime d'avancer des noms? Si les écrits des contemporains de la neguerre punique et ceux des Annalistes pré-liviens ont disparu, nous sommes également privés, pour cette période, des compilations de Diodore 184 et de Dion Cassius185, dont ne subsistent que des fragments gentis celebrandum est, inde petitur, unique instar atrii Capitolium est. La gens des Comelii Scipiones était peut-être éteinte à l'époque d •Appien. Mais ce dernier ne parle pas de processions funéraires et le rapprochement parai"'t factice. Tite-Live (38, 56, 8) donne d'ailleurs à penser qu'il ne s'agissait pas d'une imago de cire (normalement déposée dans l'atrium de la maison), mais d'une statue, comme on en élevait sur le forum en l'honneur de magistrats. En 159, pendant sa censure, Scipion Nasica fit enlever celles qui avaient été élevées sans l'aveu du Sénat et du peuple (cf. Pline, NR., 33, 30). -Nombreuses références chez Dion Cassius à des usages anciens encore en vigueur de son temps: cf. F. Millar,A study on Cassius Dio (1964), Appendix IV, p. 211-213. 180. F. Walbank, The Scipionic Legend, Proc. of the Cambridge Phil. Soc., 193 (1967), p. 54-55, développant une hypothèse de de Sanctis. 181. H. H. Scullard, Scipio Africanus in the Second Punie War (1930), p. 1-2. 182. «Parturiunt montes, nascitur ridiculus mus», écrit-il avec humour. 183. Scullard, o. c., p. 26. 184. Rares sont les fragments des livres 25-27 de la Bibliothèque Historique qui concernent l'lbérie. Scullard s'aventure lorsqu'il écrit (o. c., p. 29) que Diodore et Appien «suivent la même source principale». 185. Les livres perdus de Dion Cassius ont été résumés par Zonaras, qui vivait au XIIe siècle. On estime que, pour traiter cette période, Dion s'est principalement inspiré de Cœlius Antipater. Voir M. Posner, Quibus auctoribus in Bello Hannibalico enarrando usus sit Cassius

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ou des adaptations. On note certes des contacts entre Appien et ces débris d'auteurs, mais trop fugaces pour mener à des conclusions solides 186• J'observerai donc une prudente réserve. Diverses raisons conduiraient peut-être à considérer Cœlius Antipater comme la source la plus probable d' Appien 187 • Tout d'abord, il semble établi que le Livre d'Annibal est largement inspiré de cet auteur 188• On sait ensuite que Cœlius jouissait d'une flatteuse réputation 189 : on vantait la solidité de son information 190, la qualité de son style, et, d'après l'Histoire Auguste 191, l'empereur Hadrien le jugeait supérieur à Salluste. Surtout, son Histoire de la deuxième guerre punique, en sept livres, couvrait exactement la Dio (1874); Th. Zielinski, Die letzten Jahre des zweiten punischen Krieges (1880); Hesselbarth, o. c., p. 609-612; Ed. Schwartz, RE m, s. v. Cassius Dio, 1684 sq.; A. Klotz, Cassius Dio zur Geschichte des zweiten punischen Krieges, Rhein.Mus. 85 (1936), p.68-116; Scullard, o. c., p. 28. - On s'expliquerait ainsi les nombreux points de contacts observés entre Appien et Dion Cassius (Z.Onaras)pour toute la période des Guerres Puniques. 186. Plutarque avait écrit une Vie de Scipion l'Africain: mais elle est entièrement perdue. 187. Sur Cœlius Antipater, voir Walsh, o. c., p. 130-131; Badian, Early Historians ... , p. 15-17; et surtout l'édition commentée de W. Herrmannn, Die Historien des Cœlius Antipater ( 1979), avec la bibl. - Cœlius pouvait rivaliser avec Polybe qui, pour cette période,travaille de seconde main. Juriste et orateur, il fut l'ami de L. Crassus (cf. Cicéron, De or. 2, 12, 54; Brutus, 16, 102). 188. On reviendra sur cette question dans la Notice de ce livre. 189. Valère-Maxime (1, 7, 6) le qualifie de certus Romanae historiae auctor. 190. Il s'était reporté entre autres à l'historien grec Silènos, ami d' Annibal, ainsi qu'à Fabius Pictor et à Caton. Cf. Walsh, o. c., p. 130131; Badian, Early historians, p. 15-16; Herrmann, o. c., p. 51-52 et 55-56. -Cœlius affirmait lui-même (fr.2 Peter) s'être inspiré d'auteurs qui veri arbitrabantur. 191. S. H. A., Vita Hadriani, 16, 6. Dans la correspondance échangée entre Cornelius Fronton, l'ami d' Appien, et Marcus Verus, on lit (p. 42-43 Van den Hout) sous la plume du second: necdum legi Cœlianum excerptum, quod misisti. Fronton pourrait avoir incité Appien à s'inspirer d'un auteur dont il recommandait la lecture.

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période à laquelle s'intéressait Appien. On relève toutefois dans le Livre Ibériquedes contradictions avec le Livre d'Annibal et des affirmations inconciliables avec ce que Cœlius est censé avoir écrit 192 • On ne saurait d'ailleurs limiter à un seul auteur les lectures préparatoires d' Appien. Celui-ci ne méconnaissait pas Polybe auquel il emprunte, semble-t-il, deux anecdotes193• L'apport peut panuàe mince. Mais, qu'il s'agisse de la prise de Carthagène ou du « songe d' Annibal», certaines remarques ou certains silences d' Appien donnent à penser qu'il gardait à l'esprit les critiques formulées par Polybe à l'encontre de tel ou tel de ses prédécesseurs 194• Même négative, l'influence du Mégalopolitain ne doit pas être sous-estimée.

B. Les gue"es de Celtibérie et de Lusitanie Pour cette période, à la perte de Diodore et de Dion Cassius s'ajoute celle de Tite-Live, dont ne subsistent que les Periochae et divers abrégés 195, comme l'Epitomé d'Oxyrhynchos 196• Si restreint que fOt le champ des investigations, A. Schulten 197 se crut en mesure de théoriser: pour les années 153-133, Appien suivrait Polybe (tantôt directement, tantôt par le canal de Posidonius), en 192. On reviendra sur cette question dans la Notice du Livre d'Annibal. 193. Cf. /ber. 9, 34 (serment d' Annibal enfant) et 30, 119 (rencontre de Scipion l'Africain et d' Asdrubal fils de Giscon à la cour de Syphax). 194. Une comparaison systématique avec Polybe n'est pas possible, puisque les cinq premiers livres sont seuls conservés, et que les affaires d'lbérie y tiennent peu de place. 195. Cf. C. M. Beghie, The Epitomes of Livy, Class. Quart., 17 (1967), p. 332-338. 196. Cf. R. Cavenaille, Corpus Papyrorum Latinorum (1978), p. 103 sq. 197. Abh. d. Gott. Ges. d. Wiss., phil.-hist. KI., n. F., 8, 4 (1905), p. 77 sq.; Polybius und Posidonius über lberien und die iberische Kriege, Hermes, 46 (1911), p. 568-607; Numantia, /. Die Keltiberer und ihre Kriege mit Rom (1914), p. 283-288; Viriatus, Neue Jahrb. (1917), p. 210; FHA, passim.

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particulier la monographie (perdue) que cet auteur aurait consacrée à la guerre de Numance 198• De son côté, Diodore résumerait Posidonius199 - ce qui est loin d'être établi200 • En fait, l'inanité de la thèse de Schulten saute aux yeux dès que l'on compare minutieusement Appien aux fragments de Diodore et de Polybe. La démonstration en a été donnée par A. Sancho Royo201 et par J. S. Richardson202 • D'ailleurs, que savons-nous du traité consacré par Polybe à la guerre de Numance 203 ? Quant aux misérables fragments des livres 34-40 de ses Histoires, on n'y trouve rien qui 198. Connue par une allusion de Cicéron, Ad/am., S, 12, 2. 199. Posidonius, qui visita Gadès et le sud de !'Ibérie, procéda à une enquête géographique et ethnographique qui a laissé d'indubitables traces chez Strabon (livre 3) et chez Diodore (livre S). Ses Histoires, qui prenaient la suite de Polybe, relataient les guerres de Rome en Espagne après 146. Mais il n'en reste rien, et les collections de fragments [W. Theiler, Poseidonios, die Fragmente (1982), Fr. 96a sq.; J. Malitz,Die Historien des Poseidonios (1983), p. 121-131) proposent en fait des passages de Diodore sous le nom de Posidonius. L'attitude réservée de M. Laffranque, Poseidonios d'Apamée (1964) paraît fondée. 200. Cf. Ed. Schwartz, RE, V, s. v. Diodoros, 690 sq. Il semblerait que Diodore suive étroitement Polybe jusqu'à la prise de Carthage en 146. Les choses sont moins claires ensuite et Posidonius n'est peut-être rien de plus, pour reprendre une formule heureuse, que «le nom de notre ignorance». 201. A. Sancho Royo, Consideraciones en tomo al testimonio de Apiano y Diodoro para las guerras celtibero-lusitanas, dans: Actas del VI congreso de estudios c/asicos, Sevilla 1981, 2, p. 19-27. 202. J. S. Richardson, Hispaniae, Spain and the development of Roman imperialism 218-82 BC (1986), Appendix IV, p. 194-198, comparant en particulier Polybe, 35, 2, 1--4, 14 et Appien, 49, 206-210: «The accounts of Appian and Polybius about this matter are inconsistant and irreconciliable». - Inversement, on verra apparaître (infra, p. LXX) une remarquable coïncidence -dans l'erreur- entre Diodore et Appien. L'analyse de Richardson porte sur les événements des années 152-151 av. J. C.; mais l'on aboutirait probablement aux mêmes résultats pour d'autres périodes. 203. Voir P. Pédech, La méthode historique de Polybe (1964), p. 524; Walbank, Polybios (1972), p. 15 et n. 74; 22 et n. 113. Cet ouvrage, dont certains contestent jusqu'à l'existence, ne semble pas avoir joui d'une grande notoriété.

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confirme les vues de Schulten204 • Il paraît donc prudent de laisser en suspens, comme l'a fait A. E. Astin205 , une question que l'état de notre documentation rend insoluble. Nous admettrons qu 'Appien a lu Polybe206 • Mais qu'aurait-il apporté de neuf à son public grec s'il s'était borné à l'adapter? L'originalité consistait plutôt à s'inspirer des œuvres de Romains qui avaient guerroyé en Espagne comme Rutilius Rufus207 , Sempronius Asellio208 et C. Fannius209 • Il est clair en effet qu 'Appien a pris pour 204. Voir par exemple H. Simon, Roms Kriege in Spanien, 154133 v. Chr. (1962), p. 36 et n. 41, à propos d'lber. 49, 206-210, très différent de Polybe, 35, 2, 4. On peut également remarquer que, pour définir la guérilla endémique régnant en Celtibérie, Polybe (35, 1) emploie l'expression 1t6p1voç1t6Â.&µoç,qui se retrouve chez Diodore (31, 40), mais non chez Appien. 205. A. E. Astin, Scipio tEmilianus (1967), p. 4-5: «The attempt to identify the sources is largely futile». Z. W. Rubinsohn, The Viriatic war and its Roman repercussions, Riv. Stor. dell' Antichità, 11 (1981), p. 163 sq., tient néanmoins pour démontrée l'origine polybienne des chapitres du Livre Ibérique relatifs aux guerres de Lusitanie. 206. P. Pédech, o. c., p. 555-7 et Walbank, o.c., p. 11, admettent, après Nissen, que Polybe accompagnait Scipion Emilien en Citérieure et en Afrique, quand il servait comme tribun militaire sous les ordres de L. Licinius Lucullus (151-149). Les chapitres 50-55 du Livre Ibérique, consacrés à cette guerre, sont nourris de faits précis: s'ensuit-il qu'ils résument Polybe? 207. H. Strasburger, Poseidonios on problems of the Roman Empire, JRS, 55 (1965), p. 41 estime que le jugement mitigé porté par Appien sur Scipion Emilien dénoterait l'influence de Rutilius Rufus, ce qui me paraît plausible. Mais c'est une complication inutile que de supposer qu 'Appien ne connaît Rutilius Rufus qu'à travers Posidonius. 208. Cf. R. Till, Sempronius Asellio, Würzburger Jahrbücher, 4 (1949/1950), p. 330-334; E. Badian, Ear/y Historions ... , p. 17-18. Voir aussi P. Pédech, o. c., p. 253; F. Bomer, Thematik und Krise der romischen Geschichtsschreibung im 2. Jahrhundert v. Chr., Historia, 2 ( 1953/1954), p. 189-193. 209. Cf. Astin, o. c., p. 4 et n. 4. Sur ce Fannius, voir Cicéron, Brutus, 99 et Ad/am., 12, 5, 3, qui, reproduisant l'opinion d'Hortensius, estimait que l'orateur, gendre de lzlius, était aussi l'auteur des Annales. Atticus était d'un avis contraire. La question est insoluble: voir Schulten, Numantia, 1, p. 282; Münzer, Die Fanniusfrage, Hermes, 55 (1920), p. 427-442; RE VI2 , s. v. Fannius 7 ; Broughton, o. c., 1, p. 519, n. 2;

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guides des écrivains non seulement bien informés des circonstances, mais aussi impliqués dans les luttes politiques qui alors agitaient Rome. On ne peut s'expliquer autrement la partialité dont témoigne la seconde partie du Livre Ibérique, et son extrême sévérité à l'égard de certains généraux210 . Faut-il imaginer,ici encore, une «Zwischenquelle»entre ? Ce serait ravaler un brillant rhéces auteurs et Appien211 teur au rang d'un traducteur212. Inversement,il serait hasardeux de trop multiplier les sources d'un dilettante213 . Admettons qu 'Appien laissa de côté le fastidieux Sempronius Asellio. Rutilius Rufus, en revanche, avait écrit en grec, à l'époque de son exil à Smyrne, des ouvrages historiques très prisés214 . C'était un auteur qu'Appien ne pouvait négliger. Le Livre Ibérique reflète peut-être les jugements, parfois durs, portés sur ses contemporainspar cet écrivain incisif. Mais, si Rutilius Rufus parlait en connaissance de cause de la Celtibérie,où il avait accompagnéScipion Emilien215,il n'avait pas combattu en Lusitanie216 . Le gendre H. Bardon, La littérature latine inconnue, 1 (1952), p. 106-108; E. Badian, Early Historians, p. 13-14. - A en juger par les Apophtegmes qui en sont tirés, la Vie de Scipion Emilien composée par Plutarque aurait permis de fructueuses comparaisons. 210. Cf. Astin, /oc. cit. 211. Comme le suggérait par exemple E. Norden, Die Germanische Urgeschichte in Tacitus Germania (1923), p. 67, n.2; 163, n.4; 436; 437, n.1. Sans aucun argument solide, Norden estime qu •Appien conna1"tRutilius Rufus à travers Posidonius. L'idée refait surface chez H. Strasburger, /oc. cit., et chez J. Malitz, Die Historien des Poseidonios (1983), p. 120. 212. Hesselbarth, o. c., p. 602, est un des rares critiques a avoir souligné cet aspect d' Appien: «und ... steht Appian hoch über dem Standpunkt der Exceptoren und Kompilatoren ». 213. Cf. Hesselbarth, o. c., p. 603. 214. Cf. Badian, Early Historians ... p. 23-25. 215. Comme tribun militaire: cf. Broughton, o. c., 1, p. 491 et 494, n. 3. 216. Appien relate l'expédition de lunius Brutus en Lusitanie. Rien ne prouve que sa source soit Polybe (cf. Pédech, o. c., p. 559; 580), encore que celui-ci puisse avoir évoqué, par anticipation, un épisode postérieur à 146: cf. Walbank, Polybios, p. 23, n. 117.

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de Lzlius, C. Fannius, avait en revanche servi contre Viriathe sous les ordres du frère d'Emilien, Fabius Maximus ~milianus. Appien vante son courage dans des circonstances critiques 217• Si ce Fannius est bien l'historien du même nom, il serait surprenant qu 'Appien e6t trouvé ailleurs que dans ses écrits le récit de ce fait d'armes. Si l'on remarque d'autre part que Lucullus, fort maltraité tant qu'il opère en Celtibérie, devient un général efficace dès qu'il se transporte en Lusitanie, ce qui paraît dénoter un changement de source2I8 , on se voit amené à poser le problème autrement que Schulten. L'hypothèse d'une source unique (Polybe ou tel autre) paraît trop restrictive. On supposera plutôt qu' Appien s'est référé à plusieurs auteurs connus, généralement des Romains, sans qu'il soit possible d'identifier, chapitre par chapitre, la source dont il s'inspire. L'essentiel me paraît qu'il se soit reporté à des témoins des événements au lieu de piller des compilations plus tardives, comme celle de son contemporain Charax de Pergame.

4. Le texte

A. La tradition directe: le Vaticanus gr. 141 et ses apographes Le Vaticanus gr. 141 (V) est assez connu2I9 • Ce manuscrit du XIe s., sur parchemin, est entré à la Bibliothèque 217. /ber. 67, 287. 218. MSme cas de figure pour Metellus Macedonicus, s'il faut reconruu"treen lui le «Quintus» maltraité par Viriathe ... et par Appien: cf. infra, p. LXVII sq. 219. Il apparaît pour la première fois, sous le n° 487, dans l'inventaire de 1481: cf. R. Devreesse, Le fonds grec de la Bibliothèque Vaticane des origines à Paul V [Studi e Testi, 244], 1965, p. 103.

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Vaticane dans le dernier quart du xvesiècle. Il contient l'lbériké, l'Annibiaké et la Charchédoniaké (c. à d. la Libyké sans la Nomadiké). Au XIIe s., on a ajouté, en tête du manuscri~ un cahier221 portant le texte de la Pré/ ace de /'Histoire Romaine, suivi d'une adnotatio 220 et d'un résumé de la Keltiké. On a également procédé à diverses corrections dans la partie ancienne du manuscrit, et l'on a rapporté, dans la marge, un passage sauté par le premier copiste (Lib. 588-593). Ecrit pleine page, et de belle facture, le Vaticanus gr. 141 rentre dans la catégorie dite des «manuscrits d'historiens à trente-deux lignes», et l'on peut penser qu'il a été copié à Constantinople 222• La chute accidentelle du quaternion u;'[Libyké 243-261] permit à Mendelssohn de démontrer223 que les témoins utilisés par ses prédécesseurs pour éditer ce livre étaient tous des apographes de V, puisqu'ils présentent cette même lacune. Les Estienne ne semblent pas avoir soupçonné l'existence de V. Schweighauser dut se contenter d'une collation, peu fiable, établie à son intention par Giuseppe Spaletti 224• Le savant strasbourgeois n'en pressentit pas moins l'intérêt du manuscrit, sur lequel Mendelssohn devait asseoir, à juste titre, sa propre édition. J'ai procédé moi-même à une relecture de V, sur photographies. Je n'ai trouvé que cinq cas où le manuscrit ne donne pas ce que mes prédécesseurs ont cru lire: en 11, 40, V donne cruµ1tea6vteç, comme les Excerpta; en 17, 66, je lis 1eata1Ce1CÂ.T1µévrov; 220. Cf. L. Mendelssohn, Qurestiones Appianere, Rhein. Mus., 31 (1876), p. 209. 221. Le texte en a été publié par Schweighauser, m,p. 10-12 (d'après des apographes), Fabricius-Harles, V (1786), p. 246-247; L. Mendelssohn, o. c., p. 209 (d'après V). 222. Cf. J. lrigoin, Pour une étude des centres de copie byzantins, Scriptorium, 13 (1959), p. 185-186; Les manuscrits d'historiens grecs et byzantins à 32 lignes, Studia Codicologica (ed. K. Treu), Berlin (1977), p. 237-245. 223. Rhein. Mus., 31 (1876), p. 213-214. 224. Cf. Schweighauser, Prœfatio, p. XXV-XXVI.

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en 44, 183, la leçon est indubitablement 1tpot18Eicra; en 58, 243, il faut lire èx:6é1Eta1; enfin, en 100, 434, V donne 1tEvoµévoç, ce que confirme M. V est loin d'être un bon manuscrit En témoignent de très nombreuses corrections par grattage, parfois malencontreuses (du type 1tE[t]pv-ra1 en 1, 3; 1taÂ.a10Â.oyoùm[v] en 3, 9, etc ... ) ou postérieures au milieu du XVe s. (par VJJC:TiCJ'KIDVOÇ VM225 ; 21, exemple 16, 60 riCJ'K©VOÇ 83 ft vacM: ~ VJJC;26, 102 x:aÂ.EivSouda v2s1: J3aÀ.Eiv VM; 58, 243 fvta tOÙ VJJC:èvtautou S. a. vacM). Il présente un certain nombre de lacunes et d'omissions non signalées: trois mots sautés en 10, 36; un en 10, 38; une ligne environ entre 13, 52 et 14, 53; un nombre omis en 17, 65; on peut supposer en 72, 305 une lacune d'une ligne, en 90, 390 une autre de plusieurs lignes. Un certain nombre d'omissions ont été réparées de seconde main (V2) 226 dans la marge: 4, 15 ôé; 48, 194 è1tEXEipE1;100, 435 èv µépEt µèv dvôprov; iv'; 100,437 PouÂ.EU>; 101, 441 d1téq>T)VE tfiç; enfin 102, 244, où V2 ajoute in fine ft PouÂ.ll,tôv ôè tpitov f.iacrtÂ.Euç, èq, 'ôcrov ôox:1µaCJ'Etev.Il n'est pas impossible que dans le modèle de V la ligne ait compté une quarantaine de lettres. Quelques gloses marginales ont été également ajoutées de seconde main: 86, 374 ÏÂ.T)V glosé taç,1v; 90, 392 8aµ1va glosé 1tUKva; 97, 422 1t1vapa glosé dtEÂ.TIÇ" 1tevt1pa; 102, 442 'louÂ.tOÇKaicrap glosé 'Ox:taoutoç. On note de nombreuses confusions, parfois corrigées de seconde main, entre e/et/T): relevons par exemple 28, 110: ei1teto edd.: f}1teto V; 41, 168: t}1tEiÂ.etedd.: f}1teiÂ.T) V; 44, 183: ôox:ei V: ôox:fiV2 ; 87, 375 è1toteito edd.: è1to111toV, etc ... V écrit régulièrement EÏÂ.T)V et 2 EÏÂ.aç,corrigé chaque fois en ÏÂ.T)V ou ÏÂ.açpar V (cf. 75, 225. Sur le manuscrit M (Laurentianus LXX-26), copié au xves., cf. infra, p. 43. 226. On peut distinguer plusieurs mains; mais, les corrections portant le plus souvent sur des lettres, aucune datation ne saurait se fonder sur l'écriture.

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397; 84, 365; 86, 374; 88, 382); c'est également le cas en 43, 176 pour elÂ.apxrov, corrigé en lÂ.apxrov. Trois fautes prouvent que V a été copié sur un manuscrit écrit en minuscule: en 26, 102, 1eaÂ.eiv,assuré par la Souda, a été lu pa,.,eiv; en 27, 109, c'est une confusion entre µ et le 6 oncial «couché qui explique Kap&oVT)v au lieu de KapµroVT)v; enfin, en 89, 390, o~v, restitué par Schweighauser, a été lu cruv-. Mais les fautes d'onciale sont également nombreuses: trois exemples de la confusion T tr (en 16. 60, Ti01Crovoç au lieu de riç-; en 29, 116 et 37, 150, µeta1toto6µevoç au lieu de µt-ya 1tOto6µevoç); un de TI/f (en 87,376: tmxÂ.ropov pour fn XÂ.rop6v);trois de NA (en 23, 91 dptIA01>PONHMA, Festschrift für Martin Sicherl, 1990, p. 3742, lui attribue le sigle e, qu'il vaut mieux éviter dans un apparat critique.

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par Roos. On remarquera toutefois que V présente de nombreuses corrections par grattage. Or M permet de distinguer les grattages récents et parfois de rétablir les signes effacés. En 27, 109, la leçon fautive dne8avav de M a été copié sur V avant grattage: on ne lit plus que dne8av/v; même cas de figure en 32, 131 où KaCTtaKérov (M) reproduit sûrement vac: on ne lit plus que KaataK/rov; 57, 241, on lit dans V bcn11/ç. M donne \1t1teuç s. a., faute plus vraisemblable que \1t1teîs (Mendelssohn) ou \1t1téaç (Roos). 66, 282, tv KopôOOn est exponctué dans V, mais de seconde main. Aucune trace dans M de cette exponctuation, qui paraît donc récente. Il arrive aussi que M modernise le texte: ainsi 90, 394 où il écrit, avant Roos, ôtt1peîto. Il m'a donc paru nécesaire de collationner entièrement M et d'indiquer dans l'apparat ses leçons, mais non point ses fautes propres, sans intérêt pour l'éditeur. Schweighauser disposait d'ailleurs déjà d'une collation de ce manuscrit, exécutée à son intention par Bandini 232• Un autre apographe(direct ou indirect) de V, contenant lui aussi l'Annibiaké et l'Ibériké, fut utilisé par Henri Estienne pour son édition de ces deux livres, publiée à Genève en 1557 avec les fragments alors connus de Ctésias, Agatharchidès de Cnide et Memnon d 'Héraclée. L'éditeur avait lui-même rapporté d'Italie ce manuscrit, qu'il tient en piètre estime. Schweighauser le donne pour disparu 233• Sa parenté avec M est probable, puisque certaines corrections de ce manuscrit se retrouvent dans l 'édition d'Estienne: 37, 150 sAapouôou M edd.: sAaaapouôou V; 39, 162 fx,eiv M edd.: èx,ev V; 62, 261 OùetiÂtoç M 2mg edd·: Oùetivoç V, etc ... On peut également penser qu'il se rattachait à un groupe de six apographes indirects de V, étudiés par M. R. Dilts 234 : 232. Cf. Schweighauser, Prœfatio, p. XXII. 233. Praefatio, p. X-XI. 234. M. R. Dilts, o. c., 1990, p. 37-42.

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Palatinus gr. 51 (copié en 1549) Palatinus gr. 61 (milieu du XVIe s.) Matritensis 4746 (milieu du XVIe s.) Leidensis BPG 110 (milieu du XVIe s.) Matritensis 4744 (milieu du XVIe s.) Ottobonianus gr. 45 (milieu du XVIe s.). Il ressort du travail de Dilts que ces six témoins dérivent, directement ou indirectement, d'un apographe perdu de V, auquel ce savant attribue le sigle u. On peut admettre, avec Dilts, que u fut copié à Rome puis transporté à Venise, où furent exécutés les exemplaires conservés. On peut se dispenser de consulter ces apographes indirects, car il serait vain de chercher à reconstituer le manuscrit d'Estienne. Nous indiquerons donc dans notre apparat critique par le sigle edd. a Stephano les variantes par lesquelles le texte imprimé se distingue de celui de V, sans chercher à savoir s'il s'agit de conjectures d'Estienne ou de leçons empruntées à un apographe de V autre que M.

B. La tradition indirecte Les deux seuls papyrus connus proviennent non pas de l'Egypte, mais de Doura-Europos. Ces deux minuscules fragments [Pap. Dura 2 fr. A et B] ont été publiés par C. B. Welles 235 • Leur étude a été reprise par Th. F. Brunner236 qui reconnaît en 2A quelques mots de BC2, 8 (et non de Mithr. 101 comme le croyait Welles), en 2B (non identifié par Welles), les débris de 7 lignes d' lberiké 16. Les fragments A et B sont écrits par des mains différentes; la longueur de la ligne diffère sensiblement: de 26 à 30 lettres pour le premier, de 7 à 9 lettres pour le second. Le fr. 2B n'est d'aucun secours pour l'éditeur, 235. Cf. R. A. Pack, The Greek and Latin Literary texts from Greco-Roma.nEgypt2 (1965), n° 313. 236. Th. F. Brunner, Two Papyri of Appian from Dura Europos, GRBS, 25 (1984), p. 171-175.

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qui doit plutôt compter sur les grandes compilations byzantines237: a) Les Extraits Constantiniens

Ces cinquante-trois recueils d'extraits historiques classés par thèmes furent compilés vers le milieu du Xe siècle à la demande de l'empereur Constantin VII Pophyrogénète238. Quatre titres ont survécu 239, plus ou moins mutilés. Trois contiennent des extraits d' Appien 240. 1) Extraits De Virtutibus et Vitiis

(1tepi àpet'iiç Kai

KUKlUÇ)

Nous possédons probablement, avec le Turonensis C 980 (Xe siècle, sur parchemin), le manuscrit original. Il fut acheté en 1627dans un couvent de Chypre pour le compte de Nicolas Claude Fabry de Peiresc (1580-1637). Conservé à l'abbaye bénédictine de Mannoutiers jusqu'à la Révolution, il fut alors transféré à la Bibliothèque municipale de Tours. Du vivant même de Peiresc, le texte en fut édité et traduit en latin par Henri Valois (Valesius). Mais nous citerons le texte d'après l'édition de Büttner-Wobst, continuée après sa mort par G. Roos 241. 237. Citons, pour mémoire, la rubrique Ka.mal; des Ethniques d'Etienne de Byzance, dont il ressort que le texte lu par Etienne était déjà celui que donne V en 32, 127. 238. Cf. K. Krumbacher, Geschichte der Byzantinischer Litteratur (1897), p. 258 sq.; P. Lemerle, Le premier humanisme byzantin (1971), p. 280-288. 239. 1) E.xcerpta de legationibus, partes I et II, ed. C. de Boor, 1903; 2) E.xcerpta de virtutibus et vitiis, pars I, ed. Th. Büttner-Wobst, 1906; pars II, ed. G. Roos, 1910; 3) Excerpta de lnsidiis, ed. G. de Boor, 1905; 4) E.xcerpta de sententiis, ed. U. Ph. Boissevain, 1906. 240. Dans leur état actuel, les E.xcerpta de Insidiis ne contiennent plus d' Appien. Mais on lit à la fin du fr. 5 de la Nomadiké, conservé dans le De legationibus gentium, p. 559: ÇiJttt tv tq>1ttpi t1ttÔOUÂ.O>V. 241. Büttner-Wobst mourut en 1905. Il avait eu le temps d'éditer Josèphe, Georges le Moine, Jean Malalas, Jean d'Antioche, Diodore, Nicolas de Damas. Appien figure dans la seconde partie, œuvre de G. Roos.

NOTICE

Llli

Le recueil contient sept extraits d 'Appien, d'inégale longueur: Ecl. Ecl. Ecl. Ecl. Ecl. Ecl. Ecl.

16 17 18 19 20 21 22

p. 223, p. 223, p. 223, p. 225, p. 226, p. 226, p. 226,

1. 16 -224, 1. 2 1.3-8 1.9 -225, 1.25 1.26-226, 1. 2 1.3-6 1.7-12 1. 13-20

/ber. /ber. /ber. /ber. /ber. /ber. /ber.

6, 22-24 8, 28-29 8, 30-10, 39 39, 160 51, 215 60, 255 75, 318-319

2) Extraits De Sententiis (Il&pi yvroµcôv) Le Vaticanus gr. 73 rescriptus est sans doute lui aussi une épave de la collection impériale242 • Ce manuscrit sur parchemin, du xe siècle, a été réutilisé au XIVe siècle pour copier les discours d '}Elius Aristide et le Gorgias de Platon. De nombreux feuillets ont disparu lors de cette opération, et ce qui en subsiste est souvent d'une lecture difficile, sinon impossible. L'editio princeps fut donnée en 1827 par le découvreur, le cardinal Angelo Mai. On s'est reporté à l'édition de U. P. Boissevain (1906). Ne restent d' Appien que les deux feuillets médians d'un quaternion243• Un folio environ manquerait au début, deux à la fin. Ne subsistent donc que vingt-trois extraits, dont un seul provient de l 'Ibériké: Ecl. 8

p. 66, 1. 18-22

/ber. 30, 119

242. Cf. J. Irigoin, Les manuscrits grecs et byzantins à 32 lignes, Studia codicologica (Berlin, 1977), p. 239. Voir la préface de Boissevain, p. XIV. 243. Cf. J. Irigoin, o. c., p. 239. L'original était un in folio de 305 feuillets, que Juan Paez de Castro avait acquis, entre 1545 et 1566, au Saint-Sauveur de Messine: cf. G. de Andres, Catalogo de los codices Griegos desaparecidos de la Reale Biblioteca de El Escorial (1968), 43 (n° 77).

LIV

LE LIVRE IBÉRIQUE

3) Extraits De legationibus (1tepi 1tpéoflecov) Ce manuscrit comportait deux parties244 : - De legationibus Romanorum ad gentes (1tepi 1tpéa6ecov 1>coµaicov1tpè>çè8vuco6ç) - De legationibus gentium ad Romanos (1tepi 1tpéa6ecov è8vuccov 1tpè>çePcoµaiooç) L'original fut perdu dans l'incendie de la Bibliothèque de l'Escorial en 1671. On dispose heureusement d'un certain nombre d' apographes de la fin du XVIe siècle, ouvrage de Dannarios et de son atelier245• Seul l 'Ambrosianus N 135 sup. est une copie directe de l'original. Ce recueil préserve huit extraits de l 'lbériké, certains très longs: Ecl. 14 Ecl. 15 Ecl. 16 Ecl. 17 Ecl. 18 Ecl. 19 Ecl. 20 Ecl. 21

p .. 528, 1. 15-30 p. 528, 1. 31 -529, 1. 17 p. 529, 1. 18 -530, 1. 21 p. 530, 1. 22-34 p. 530, 1. 35 -531, 1. 23 p. 531, 1. 24 -532, 1. 17 p. 532, 1. 18-32 p. 532, 1. 33-533, 1. 16

/ber. 6, 23-7, 27 /ber. 10,39-11,43 lber.48,204 49,208 /ber.69,294-70,297 /ber. 79,338--79,345 /ber.80,346--81,352 /ber. 83, 358--361 /ber.95,412--415

Le De legationibus Romanorum ne contient que deux extraits de l 'lbériké: Ecl. 8 Ecl. 9

p. 71, 1. 24 -72, 1. 6 p. 72, 1. 7-26

/ber. 13, 48-50 /ber. 29, 114-30, 119

Le manuscrit d 'Appien sur lequel ont travaillé les rédacteurs des Extraits Constantiniens portait l'indication du titre de chaque livre de l'Histoire Romaine, ainsi qu'un numéro d'ordre. On lit par exemple dans le De 244. Voir Ch. Graux, Essai sur les origines du fonds grec de /'Escorial ( 1880), p. 93-97; la question est clairement traitée par C. de Boor dans la préface de son édition. 245. Cf. K. K.rumbacher, Geschichte der Byzantinische Literatur ( 1897), p. 562 sq.

LV

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legationibus gentium, p. 528, avant la première citation de l'lbériké, Â.oyoçç'. Mais les copistes n'ont pas jugé utile d'accompagner chaque citation d'un intitulé exact. La fiabilité des Extraits Constantiniens n'est plus discutée. Les citations sont littérales, à ceci près que le texte est souvent allégé de circonstances étrangères au sujet du recueil. b) La Souda

La date exacte de cette compilation lexicographique n'est pas connue. Le milieu du siècle paraît toutefois l'époque la plus probable 246 • Il paraît en effet difficile de séparer la confection de la Souda de celle des Extraits Constantiniens. L'opinion la plus répandue est que les rédacteurs de la Souda ont tiré des Extraits Constantiniens l'essentiel de leurs citations historiques. On ne peut exclure toutefois qu'ils aient utilisé les mêmes manuscrits d'auteurs que les rédacteurs des Extraits Constantiniens2 47• Quelle que soit l'hypothèse à laquelle on se range, la fiabilité de la Souda n'en souffre pas. Les extraits de l 'lbériké où l'on peut comparer le texte de la Souda à celui des Extraits Constantiniens et à celui de V sont peu nombreux: /ber. 6, 22-24 (Exc. de Virt., p. 223; Exc. de leg. gent., p. 528 =Soudas. v. 'Avvi6aç). Dans ce passage, les deux recueils d 'Excerpta ont omis, 1. 14, le mot 7tEt0oi.L'omission se retrouve dans la

xe

246. Voir Krumbacher, o. c., p. 567; I. Becker, De Suidœ Excerptis historicis (diss. Bonn, 1915), p. 11-20 (en particulier 16-19 pour Appien); C. de Boor, Suidas und die Konstantinische Exzerptsammlung, Byzantinische Zeitschrift, 23 (1914-1919), p. 29. Exposé rapide dans H. Hunger, Die Hochsprachliche Profane Literatur der Byzantiner (1978), p. 244, plus détaillé dans P. Lemerle, Le premier humanisme byzantin (1971), p. 297-299. 247. Ce serait le cas pour Thucydide selon A. Kleinlogel, Geschichte des Thukydidestextes im Mittelalter (1965), p. 111 et 165 sq.

LVI

LE LIVRE IBÉRIQUE

Souda, mais non dans le Vaticanus gr. 141. Ibid., la Souda donne 1tporoµairovcrtpat11y6ç, 1eai1tep9pacréroç t&v 16T)prov èK tOU tà 1tÂ.6tO)Katop9ouv ëx6vtrov, OÔKd1toK\VôUV6UCJai 1tote èt6Â.µT1crev.Ce passage ne provient ni de l'lbériké, ni de BCJ, les seuls livres où Appien traitait des guerres de Sertorius. Je proposerai, sous toutes réserves, Charax de Pergame comme source possible de l'extrait. Mêmes remarques pour Souda, s. v. ofi9ev· ô oè 248. On manque d'une étude consacrée aux fragments historiques anonymes conservés par la Souda.

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LVII

l:eptCOplOÇ1tŒPTIVEl©Ç 6f\8EV ŒÔtOÎÇ1tapa60ÙVUl tT)V

1tOÂ.lV. Souda, s. v. èV't'pexoµtvouç: ol 6è Ai6ueç 8eropoÜV't'EÇ toùç ï6T1paç èV't'pexoµtvouç Kai 6eôt6teç µT) Â.a.8cocnv èyKataÀttç liµa Kai dÂ.l10ci>ç elpT1Ktvat 1ttcne6etat. Les deux autres exemples de cet adverbe sont empruntés à Polybe. C'est peut-être aussi le cas de ce passage sur lequel on reviendra à propos de la Libyké.

* Il est certain que la tradition indirecte dérive du même archétype que V. Quelques fautes communes suffisent à le prouver: 8, 29 6ta1t0Àtteutai Estienne: 6ta1t0Àitat V Exc.; 8, 30 vtou ypc: vtro V Exc.; 30, 119 dvavel d1to- om. V Exc.; 49, 209 dôilcroç Mend.: dôiKouç V Ecc.; 80, 347 d1t0Kteveiv Estienne: dxox:teiveiv V Exc.; 83, 361 oupioç Estienne: v0-; mais les principales éditions ayant opté pour Za1eav0-, une modification du texte imprimé aurait compliqué, sans avantage réel pour le philologue, la tâche de tous ceux qui travaillent à l'aide d'indices. Je me suis donc abstenu. 3) Variantes et conjectures Le texte de V étant souvent gravement corrompu, les philologues ont proposé de nombreuses corrections. J'ai adopté certaines d'entre elles; j'en ai rejeté d'autres, quelquefois pour y substituer les miennes, quelquefois pour revenir au texte. Plutôt que de justifier mes choix en note, je les exposerai méthodiquement en suivant l'ordre du texte. 6, 24: On édite, depuis Estienne, que le fleuve Ebre èç,iflatv èç tôv ~6petov cb1eeav6v, ce qui est la leçon de V. Or les Excerpta proposent la variante èç,iflatv èç tôv éa1tép1ov cb1eeav6v, corroborée par la Cosmographie d 'iEthicus 263 • Cet auteur puise probablement à la même 262. On voit que ces principes rejoignent pour l'essentiel ceux que E. Famerie a définis dans la Préface de son index d •Appien. 263. Cosmographia, 21 (éd. Riese, Cosmographi Latini Minores, p. 81): Fluvius /berus nascitur sub radicibus montis Pyrenœi, currit milia CCIV, infudit se Occidentali Oceano. Ce témoignage capital n'a été, à ma connaissance, invoqué par aucun érudit.

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source qu 'Appien, et sa géographie ne fait pas réellement difficulté puisque le tracé de l 'Ebre, tel que se le représentent Appien et .IEthicus, recouvre celui du Tartessos d' Aristote 264 • L'absurde P6pt1ov doit être rejeté. 12, 45: La trace d'un 6 transparaît dans V sous le grattage. On peut certes considérer qu'il s'agit d'un repentir. Mais on peut aussi rétablir oô6 ', excellent pour le sens. 13, 52 - 14. 53: Les restitutions d'Estienne ne sont qu'en partie certaines. J'ai ajouté t11v Ilup11v11v parce que les ambassades aux Gaulois et l'exploration des cols alpins sont antérieures au franchissement des Pyrénées. Le Livre d'Annibal corrobore, comme on le verra, mon interprétation. 14, 53: V écrit constamment 'Avvt61a1e11,et cette forme se retrouve aussi bien chez Polybe que chez Diodore. 'Avvt&lï1C11,qui prévaut depuis Estienne, vient de Photius et des Tituli. Le même suffixe - 1a1e11se retrouve dans le titre du me livre: fi Kap1116ov1a1e11.On reviendra sur cette question dans la Notice du Livre d'Annibal. 17, 65: Si l'on suppose qu'une lettre-chiffre a sauté dans l'archétype, il vaut mieux conjecturer ê1ti VECOV v Oôpui0ov fait difficulté. Viriathe n'a encore été défait par aucun général

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romain. On peut certes supposer une haplographie et rétablir, comme le proposait Schulten, FHA, 4, p. 414, ÔEirttp0ç; mais, pour obtenir un texte correct, il faut introduire deux corrections supplémentaires exempli gratia: cf. 68, 291 ôs6tspov ftoç flôll cnpatll'YÔlV. Cela fait beaucoup. C'est pourquoi il vaut mieux conserver le texte en l'état. On supposera simplement qu' Appien a omis de raconter l'épisode victorieux auquel il fait allusion. L'hypothèse ne présente pas de difficulté. La préture de Galba tombant la même année que le consulat de Licinius Lucullus ( 151 av. J. C. ), on peut admettre que Galba arriva en 151 dans la province Ultérieure et fut prorogé en 150. Or c'est sous Galba que, selon Appien (60, 254), Viriathe commence à se distinguer. Appien reconnaissant d'ailleurs qu'un certain laps de temps s'écoula entre le départ de Galba et l'arrivée de Vetilius (cf. 60, 254 µst' oô 1toÂ.6;61, 256, oô 1toÂ.ùôà üo-tspov) et Orose plaçant, comme on l'a vu, la mort de Vetilius en 146, il est clair que le récit d 'Appien saute environ trois années. Il est donc envisageable qu'un préteur ait remporté des succès sur Viriathe entre 150 et 146. Or nous ne connaissons qu'un seul magistrat auquel la tradition attribue de notables succès: C. uelius Sapiens, dont Cicéron évoque le souvenir avec éloges (De O/ficiis, 2, 40; Brutus, 84). J'admettrai, avec J. S. Richardson 265, que c'est à lui qu'Appien fait ici allusion. T. Corey Brennan 266 voudrait toutefois expédier Lrelius en Citérieure après 146. Ses arguments ne m'ont pas convaincu. A partir du chapitre 66, l'établissement du texte présente de très grandes difficultés qu'il convient de sérier. a) K6tvtoç / Koivttoç. Un stratègos romain apparaît sous les formes suivantes: Koïvticp (281); Ktvtiou (282); Koivtcp (283); toùç Koïvteiouçt (282). On a introduit 265. J. S. Richardson, Hispaniœ. Spain and the development of Roman Jmperialism. 218-82 B. C. (Cambridge, 1986), p. 189. 266. T. Corcy Brennan, Notes on pnr:tors in Spain in the midsecond century B. C., Emerita, 63 (1995), p. 66-67.

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en conséquences dans les fastes de l 'Ultérieure un préteur du nom de Quinctius, qui pourrait être un Quinctius Crispinus ou un Quinctius Flamininus 267. On me permettra d'être sceptique. Je remarquerai d'abord qu 'Appien ne dit pas que «Quinctius» succéda à Fabius Maximus .tEmilianus268,mais qu'il commandait è1ti 8at6pa tfiç 'I611piaç. La difficulté résulte donc de ce qu 'Appien ne signale nulle part le départ d '.tEmilianus et ne dit pas qui lui succéda. C'est pourquoi èm 8at6pa doit s'entendre de l'autre côté par rapport à l 'Ultérieure, la province d '.tEmilianus où se déroulait jusqu'alors la guerre de Viriathe, ce qui revient à dire que «Quinctius» commandait en Citérieure. Or il n'y a pas de place dans les Fastes de la Citérieure pour un «Quinctius». En revanche, nous connaissons par Charax de Pergame 269un Quintus qui, «polémarque dans les deux Hispanies » - expression étrange suggérant un commandement extraordinaire -, fut vaincu par Viriathe et conclut avec lui des spondai. C'est une faute méthodologique grave que de supposer une erreur de Charax, comme le fait Corey Brennan 270, puisque Valère Maxime271 confirme qu'un Quintus (Quintus Metellus Macedonicus) eut bien le gouvernement des deux Hispanies, et I'Epitomé d'Oxyrhynchos qu'il fut vaincu par les Lusitaniens 272. C'est donc sans hésitation que j'éditerai Koivtcp, Koivtou, etc .... 267. Cf. Corcy Brennan,o. c., p. 72. 268. Fils aîné de Paul-Emile, frère par le sang de Scipion Emilien, entré par adoption dans la famille des Fabii Maximi. Voir RE VI2 ( 1909), 1792-1794. 269. Fr. Gr. Hist. 103, fr. 27: K6ivroç b téi>v1>mµaimv7tOÂ.&µapxoç tv dµcpottpa1c;taiç ·101tavia1ç,flaaci>µevoçôè Ô1tè> Oi>1p1ét8ot> CJ1tovôàç1tpè>çaùtè>vt1to111aato.En l'absence du contexte, je me garderai de traduire spondai: il peut aussi bien s'agir d'une trêve que d'une paix. 270. O. c., p. 76. Corcy Brennan est tellement persuadé du bien fondé de sa thèse ( «the Spains were always two provinciœ in the war with Viriathus») qu'il nie l'évidence. 271. Valère-Maxime, 9, 3, 7: Q. Metellus, cum utramque Hispaniam consul prius, deinde pro consule pœne subegisset ... 272. Epit. Oxyrh. 53: M)etellus cos. a Lusitanis vex[atus est.

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Il n'en est pas moins vrai qu 'Appien n'a probablement pas compris que le Quintus 273 dont il relatait les déboires était le Metellus dont il parlera plus loin élogieusement à propos de la guerre contre les Arévaques de Numance, ni d'ailleurs que Metellus avait succédé à .tEmilianus au gouvernement de l'Ultérieure. b) Servilianus 274 • Un lapsus explique probablement le texte aberrant de V en 67, 283: b dôtÂ.q>oçAlµtÂ.tavoù, Cl>a6toçMaçtµoç AlµtÂ.tav6ç. La correction de Pighius, admise par Schweighauser, paraît justifiée, puisqu'elle se tire de la suite du passage, ou figure bien ce nom 275 • On admettra que Servilianus fut le successeur, dans la province ffitérieure, de Quintus . Appien lui fait quitter l'Ultérieure en 68, 291. c) Le successeur de Servilianus. Le texte de V fait problème en 68, 291 : ôtaôeçaµtvoo tT)V dPXTIVKoi vtoo Iloµ1teioo AüÂ.oo. eo ôà dôtÂ.q>oç aôtoù. .. Pour résoudre la difficulté, Schweighauser avait procédé à une discutable transposition, qui n'a pas été retenue 276 • Quintus Pompée, fils d 'Aulus, ne peut avoir exercé la préture en Ultérieure. La présence de ce personnage dans ce contexte ne peut s'expliquer que comme une glose insérée. Un érudit médiéval s'est interrogé, ce me semble, sur l'identité de «Quintus» et a supposé, à tort, qu'ils 273. Rappelons que dans la Préface de l'Histoire Romaine (13, 5152), Appien insiste sur la difficulté représentée par les tria nomi.na. 274. Frère par le sang de Quintus Servilius Oepio (consul en 140 av. J. C.), ce personnage avait été adopté par Q. Fabius Maximus et se trouvait donc être juridiquement le frère de Q. Fabius Maximus ..Emilianus, lui-même fils de Paul-Emile. Il fut consul en 142 av. J. C. Voir RE VI2 (1909), 1811-1814. 275. Soulignons que ni dans les Periochœ de Tite-Live, ni dans !'Epitomé d'Oxyrhyncos, le cognomen Servilianus n'est attesté. Les Per. 53 et 54 le nomment Q. Fabius pro cos., l'Epit. Oxyrh. 53 et 54

Q. Fabius Maximus. 276. Cf. A. E. Astin, The Roman commander in Hispania Ulterior in 142 BC, Historia, 13 (1964), p. 245-254; Corey Brennan, o. c., p. 74-76.

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s'agissait du consul Quintus Pompée, dont Appien parlera plus loin à propos de la guerre de Numance. En fait, «Quintus» est certainement Quintus Servilius Czpio, frère de Quintus Fabius Servilianus 277 • C'est pourquoi j'ai suppléé toù dôeÀq>où.On conçoit que la répétition, d'abord au génitif, dans le texte original, du mot dôtÀq>OÇ, puis au nominatif, ait égaré les copistes. d) Servilianus ou ~milianus? Une difficulté subsiste puisque réapparaît, en 68, 291, après le départ de Servilianus et l'arrivée de son frère Czpio, un personnage qui devrait depuis longtemps avoir quitté l'Espagne, Fabius Maximus ~anus. Et cette difficulté est incontournable puisque, en 70, 296, le nom d '~milianus est donné à la fois par V et par les Excerpta, ce qui revient à dire qu'il figurait dans l'archétype et remonte quasi-certainement à Appien puisque, pas plus dans l'écriture onciale que dans la minuscule, les copistes n'ont pu confondre, en 69, 293 et en 70, 296, AlµtÀtav6ç avec l:epoutÀtav6ç.Je me refuse donc à corriger, comme on le fait depuis Schweighauser, et je corrige d'autant moins que Diodore 278 attribue à un même Fabius d'abord des succès, ensuite des revers conduisant à la conclusion d'une paix honteuse. C'est une aberration que d'interpréter Diodore en fonction d'un «Appien» qui n'est en fait que Schweighauser2 79, 277. Cf. RE A2 (1923), 1782-1783. Consul en 140, il était le frère de Cn. Servilius Czpio, consul en 141, et de Servilianus, entré par adoption dans une autre gens. 278. 33, l, 3-4. Il ne s'agit pas d'un extrait, mais d'un résumé dQ à Photius: 500 après avoir fixé par écrit à chacun combien de travailleurs il devait envoyer501• Quand ceux-ci arrivèrent, il les répartit en plusieurs brigades, et il divisa également sa propre armée. Puis, après avoir nommé un chef à la tête de chaque brigade, il leur ordonna d'entourer la ville d'un fossé et d'un retranchement. 394 Le périmètre de Numance elle-même était de vingt-quatre stades502, celui du retranchement faisait le double, et Scipion avait entièrement réparti ce dernier entre les diverses brigades. 395 Il leur avait été prescrit, chaque fois que l'ennemi les gênerait en quoi que ce fOt, d'élever en l'air un signal (le jour une bannière écarlate fixée à l'extrémité d'une longue lance, la nuit un fanal503 ), afin que Maximus et lui-même accourussent au secours de ceux qui réclamaient assistance. 396 Quand tout se trouva achevé et qu'il fut en mesure de repousser convenablement toute tentative de harcèlement, il creusa un second fossé en avant du premier et à faible distance de celui-ci. Il l'entoura d'une palissade et éleva un rempart qui avait huit pieds d'épaisseur et dix de hauteur, sans compter le parapet. Sur tout le périmètre, des tours avaient été disposées de plèthre en plèthre504• 397 Et comme il ne lui était pas possible d'élever un rempart autour de l'étang adjacent505, il l'entoura d'une levée de terre de même épaisseur et de même hauteur que le rempart, afin qu'il en tînt lieu.

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X CI. 398 Autant qu'il me semble, Scipion fut ainsi le premier à entourer d'une ligne de fortifications une ville qui ne refusait pas le combat. Restait le fleuve Dorios 506 , qui venait couper la ligne de fortifications et rendait d'immenses services aux Numantins tant pour le transport des vivres que pour le passage des hommes. Ces derniers empruntaient le fleuve à la sauvette, quand il s'agissait de plongeurs et de petites barques, ou forçaient le passage, soit à la voile par grand vent, soit à la rame en suivant le courant. Scipion ne pouvait pas jeter un pont sur ce fleuve, large et très impétueux. Mais, en guise de pont, il disposa de part et d'autre deux fortins et, à chacun de ces fortins, il suspendit, par des câbles, de longues poutres qu'il laissa descendre en travers du fleuve: on y avait planté dru épées et javelines. 399 Sous l'effet du courant qui s'abattait sur les épées et les javelines, ces poutres ne cessaient de tourner sur elles-mêmes, interdisant aux ennemis de passer à la sauvette, qu'il s' agi"t de nageurs, de mariniers ou de plongeurs 507 • 400 Ce que Scipion désirait par dessus tout, c'était que, personne ne pouvant avoir de relations avec eux ni entrer en ville, les Numantins ignorassent ce qui se passait à l'extérieur. Car, de la sorte, ils manqueraient de vivres comme de toute espèce d 'expédient.

XCII. 401 Quand tout fut prêt et que l'on eut mis en batterie sur les tours les catapultes lançant des traits et 506. Le Duero. 507. Cette étrange machine n •est connue que par Appien: cf. de Sanctis, 4, 3, p. 269. On conçoit que Scipion ait voulu interdire aux Numantins cette voie fluviale. Mais il se souciait surtout d'assurer ses liaisons entre ses camps principaux (Castillejo, où se trouvait son praetorium, et Peiia Redonda, que commandait son frère Maximus) et les fortifications établies sur la rive occidentale du fleuve: cf. de Sanctis, 4, 3, p. 268. D'où la nécessité d'établir des passerelles au dessus du fleuve, dont Schulten a relevé quelques traces (cf. Numantia, 3, p. 86 sq.; FHA, 4, p. 97). La source d' Appien ne d6crivait-elle pas une passerelle flottante, hérissée de défenses métalliques?

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des boulets 508 , quand on eut disposé le long de la courtine pierres, traits et javelots, quand archers et frondeurs eurent occupé les forts, Scipion disposa à intervalles rapprochés, le long de toute la ligne de fortifications, des messagers qui devaient de jour et de nuit, en se transmettant de l'un à l'autre les nouvelles, le mettre au courant de ce qui se passait. 402 Il ordonna d'autre part que, toutes les fois qu'il se produisait quelque chose, dans chaque tour un signal fût élevé en l'air, en commençant par celle qui était en difficulté, et que toutes les autres élevassent le même signal, chaque fois qu'elles verraient que l'une d'entre elle avait commencé, afin que lui-même apprît rapidement par le signal l'existence d'un incident et sa nature exacte par les messagers. 403 L'armée, alliés indigènes compris, comptant environ soixante mille hommes 509, la moitié avait reçu l'ordre de monter la garde au rempart et de se transporter là où il le faudrait pour faire le nécessaire; vingt mille hommes devaient d'autre part combattre sur le rempart chaque fois que le besoin s'en faisait sentir, et dix mille autres se tenir en réserve, prêts à les soutenir. 404 A chacune de ces unités un secteur avait été assigné, et il n'était pas permis aux soldats de se porter à un autre endroit sans son ordre; mais ils s'élançaient vers l'emplacement fixé aussitôt que le signal d'une attaque avait été élevé en l'air.

XCIIl. 405 C'est ainsi que Scipion avait tout réglé avec un soin minutieux. De leur côté, les Numantins attaquaient souvent les gardes, tantôt ici, tantôt là, mais la rapidité avec laquelle réagissaient immédiatement les défenseurs offrait un spectacle impressionnant. 406 De partout, des signaux étaient brandis haut en l'air; des messagers couraient de tous les côtés; les défenseurs du 508. Boulets de pierre et pointes de flèches ont été retrouvés par Schulten: cf. Numantia, 3, p. 43 sq.; 210 sq. 509. La disproportion entre assiégés et assiégeants a de quoi surprendre: voir la discussion de de Sanctis, 4, 3, p. 266-267.

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rempart s'élançaient en rangs serrés vers leur poste de combat, tandis que sur chaque tour les trompettes sonnaient le rappel. Tant et si bien que le périmètre entier de l'enceinte présentait bientôt à tout assaillant un aspect extrêmement redoutable, bien qu'elle s'étendît sur cinquante stades de circonférence. De cette enceinte, chaque jour et chaque nuit, Scipion faisait le tour en procédant à une inspection 510 •

XCIV. 407 Les ennemis ainsi bouclés, Scipion croyait qu'ils ne résisteraient pas longtemps, ni vivres, ni armes ni secours ne leur parvenant plus. Mais un Numantin, Rhétogénès 511 , surnommé Caraunios, le plus valeureux des Numantins, persuada cinq de ses amis de se joindre à lui et, accompagné du même nombre d'esclaves et de chevaux, ils traversa pendant une nuit nuageuse, à l'insu des Romains, l'espace entre les deux armées, portant une passerelle pliante 512 • 408 Parvenu au rempart, il s'y élança en compagnie de ses amis et, une fois massacrés les gardes postés de part et d'autre, ils renvoyèrent les serviteurs vers l'arrière tandis qu'eux-mêmes, après avoir fait monter les chevaux par la passerelle, s 'éloignèrent à cheval vers les villes des Arévaques avec des rameaux de suppliants: ils leur demandaient de porter secours aux Numantins, leurs parents. 409 Parmi les Arévaques, les uns ne les écoutèrent même pas et les renvoyèrent aussitôt, car ils avaient peur. Mais, à une distance de trois cents stades de Numance, il y avait une ville prospère, Loutia 513 , où les jeunes gens avaient pris le parti des Numantins et pressaient les autorités de s'allier avec eux. Les Anciens, en revanche, dénoncèrent secrètement le fait à Scipion. 410 Ayant appris la nouvelle à la huitième heure, Scipion se mit en route sur le champ avec le plus grand nombre possible de soldats armés à la légère. A l'aurore, il encercla Loutia, qu'il tint sous bonne garde, et réclama aux chefs les jeunes gens. Comme les chefs disaient que ceux-ci avaient quitté la

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ville, il fit proclamer par le héraut qu'il mettrait la ville à sac si on ne lui livrait pas ceux qu'il réclamait 411 Saisis de crainte, ils les lui amenèrent donc, au nombre d'environ quatre cents. Après leur avoir fait couper les mains514, Scipion retira son dispositif de surveillance et, ayant de nouveau couvert la distance en toute hâte, il était de retour au camp le lendemain à l'aube.

XCV. 412 Eprouvés par la famine, les Numantins envoyèrent cinq hommes auprès de Scipion: ils avaient pour instructions de s'enquérir s'il les traiterait avec modération au cas où ils se rendraient. Leur chef, Avaros515,fit longuement, en termes pompeux, l'éloge de la conduite valeureuse des Numantins, et il ajouta que, même présentement, ils ne faisaient rien de mal en subissant pour le salut de leurs enfants et de leurs femmes, et la liberté de leur patrie, une situation à ce point catastrophique. 413 «C'est justement pourquoi», dit-il, «ce serait un acte digne d'un homme comme toi, Scipion, abondamment pourvu de toutes les qualités morales, que d'épargner une race courageuse et virile, et de nous offrir un traitement plus humain que ne l'est notre malheureuse situation: nous saurons le supporter, nous qui ressentons présentement les effets d'un changement de fortune. Car ce n'est plus de nous désormais, mais de toi, qu'il dépend que tu reçoives la reddition de notre cité, si tes ordres sont mesurés, ou que tu la laisses périr en combattant». 414 Ainsi parla Avaros. Mais Scipion (il s'était en effet informé de la situation intérieure auprès des prisonniers) déclara «qu'ils devaient remettre leurs personnes entre ses mains et livrer la ville avec les armes516». 415 Quand ces paroles eurent été rapportées aux Numantins, dont les colères avaient été jusqu'à ce jour terribles car ils jouissaient d'une liberté sans frein et n'étaient pas habitués à recevoir d'ordres, rendus alors plus sauvages encore par leurs malheurs qui avaient fait d'eux des bêtes féroces, ils mirent à mort Avaros et ses cinq compagnons d'ambassade sous

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prétexte qu'ils étaient des messagers de malheur et n'avaient peut-être réglé auprès de Scipion que les conditions de leur propre sauvegarde 517•

XCVI. 416 Peu après, comme toutes les nourritures comestibles s'étaient mises à manquer, n'ayant plus le moindre produit récolté, ni une tête de bétail, ni une pousse d'herbe, ils commençèrent par faire bouillir des peaux pour les sucer, comme font certains en temps de guerre, en cas de nécessité. Puis, quand les peaux également leur manquèrent, ils dévorèrent de la chair humaine bouillie, tout d'abord celle des mourants, que l'on débitait dans les cuisines 518 ; quand ils en eurent fini avec ceux-ci, ils ne respectèrent plus les malades et les plus forts faisaient violence aux plus faibles 519 • 417 Aucune misère ne leur était épargnée: leur âme était devenue sauvage par la suite de leur alimentation, leur corps semblable à celui des bêtes féroces sous l'effet de la faim, de la maladie, de leur longue chevelure et de la durée du siège. C'est dans cet état qu'ils se rendirent à Scipion. 418 Celui-ci leur intima l'ordre d'apporter leurs armes ce jour-là à un endroit déterminé et de se rendre le lendemain à un autre emplacement. Mais ils laissèrent passer la journée, car ils avaient reconnu que beaucoup d'entre eux tenaient encore à la liberté et désiraient quitter volontairement la vie. Ils réclamaient donc la journée pour préparer leur mort 520 •

517. Cet épisode n'est connu que par Appien. On peut néanmoins rapprocher d'Orose (S, 8, 1) qui évoque les méfaits de la «discorde civile» dans la ville assiégée.

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XCVII. 419 Tellement on était assoiffé de liberté et de bravoure dans une petite ville barbare! Alors qu'ils n'étaient que huit mille environ à l'époque de la paix, tels furent les grands succès qu'ils remportèrent sur les Romains, tels furent les traités qu'ils conclurent avec eux sur un pied d'égalité, alors que Rome n'avait consenti à conclure de tels accords avec personne, tel fut le général qu'ils affrontèrent en dernier lieu et provoquèrent souvent au combat, alors qu'il les bloquait avec soixante mille hommes! 420 Mais celui-ci fut à la vérité meilleur stratège qu'eux en n'affrontant point des bêtes féroces et en les réduisant par la faim, mal imparable, le seul sans doute qui permît la capture de Numance et qui seul la rendit possible. 421 Voilà donc ce que j'ai trouvé à dire au sujet des Numantins, considérant leur petit nombre, leur endurance, leurs multiples exploits et la durée de leur résistance. 422 Pour commencer, se donnèrent la mort tous ceux d'entre eux qui le voulaient, chacun à sa manière521 • Les survivants sortirent le surlendemain pour se rendre à l'emplacement donné, spectacle pénible et absolument monstrueux! Leur corps, qu'ils n'avaient pas nettoyé, n'était que poils, ongles et saleté, leur puanteur insupportable, et ils portaient sur eux une défroque crasseusequi n'était pas moins puante. 423 S'ils provoquaient pour ces raisons la pitié de l'ennemi, leur regard en revanche inspirait la crainte: en effet, ils regardaient encore les Romains dans le blanc des yeux, poussés par la colère, le chagrin, les épreuves, et la mauvaise conscience de s'être entre-dévorés.

521. Certaines sources tardives parlent d'un suicide collectif. Voir par exemple Orose, /oc. cit.: cunctique pariter fe"o, veneno atque igne consumpti sunt.

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XCVIIl. 424 Ayant choisi cinquante d'entre eux pour son triomphe, Seipion vendit les autres et détruisit la ville522 : ce général romain prit assurémentdeux villes inexpugnables, 425 Carthage d'une part, après que les Romains l'eurent eux-mêmes décrété en raison du grand développement de la ville et de son empire, et aussi de la situation favorable qu'elle occupait tant du point de vue terrestre que maritime, Numance d'autre part, petite ville peu peuplée, à propos de laquelle les Romains n'avaient pris encore aucune décision. Il la détruisit de sa propre initiative, 426 soit qu'il estimât que c'était l'intérêt de Rome, soit qu'il fût prompt à la colère et acharné contre ses victimes, soit que, comme quelques-uns 523 le croient, il eût pensé que les grandes catastrophes répandent au loin la gloire du vainqueur524 • Toujours est-il que les Romains tirent du sort malheureux qu'il infligea à ces villes les noms d' «Africain» et de «Numantin» qu'ils lui donnent encore de nos jours. 427 A cette époque, après avoir partagé le territoire de Numance entre ses voisins, négocié avec les autres villes, mis à la raison et puni d'amende tout ce qui était suspect525 , il prit la mer pour regagner sa patrie.

522. Numance tomba vers la fin de juillet 133, un an et trois mois après l'arrivée de Scipion Emilien en Ibérie: cf. Velleius Paterculus, 2, 4, 2. - Les Romains se faisaient gloire de cette destruction: cf. par exemple Cicéron, De Off 1, 11, 35: maiores nostri Numantiamfunditus sustu/erunt; Pro Murena, 28, 58: P. Africanus ... duos terrores huius imperii, Carthaginem Numantiamque, deleverat. Voir aussi TiteLive, Per. 59; Pline, N. H., 33, 141. 523. Il est regrettable qu 'Appien ne cite pas nommément les auteurs de ce jugement. 524. La dureté de Scipion suscita des critiques: cf. Astin, o. c., p. 153-154. Lui qui, lors de la prise de Carthage, s'était montré généreux à l'égard du lâche Asdrubal (cf. Diodore, 32, 23), se faisait en Ibérie l'instrument d'une implacable répression: voir les remarques de Diodore, 34, 4, 5. 525. Cf. Orose, S, 8, 1; Eutrope, 4, 17, 1.

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XCIX. 428 Confonnément à la coutume, les Romains 26 de dix membres envoyèrent une commission sénatoriale5 dans leurs nouvelles possessions d'Ibérie afin d'y établir la paix aussi bien dans les régions dont Scipion s'était emparé que dans celles que Brutus, avant lui, avait soumises ou conquises. 429 D'autres soulèvements s'étant produits par la suite en Ibérie, Calpurnius Pison fut nommé prétew-527 , 430 et il eut pour successeur Servius Galba528 • Toutefois, comme les Cimbres envahissaient 1'Italie et que la Sicile était le théâtre de la deuxième guerre servile, les Romains n'envoyèrent pas d'armée en Ibérie en raison de leurs engagements, mais une commission sénatoriale qui devait de son mieux mettre fin aux hostilités. 431 Une fois les Cimbres chassés d'Italie, Titus Didius 529 prit l'offensive et tua environ vingt mille Arévaques. Quant à Tennèsos 530, grande ville qui avait toujours obéi avec répugnance aux Romains, il la fit descendre des hauteurs dans la plaine 531 où il ordonna à ses habitants de vivre sans remparts. 432 Ayant d'autre part mis le siège devant Colenda 532 , il s'en empara au bout de huit mois, après qu'elle se fut rendue, et il vendit tous ses habitants avec femmes et enfants. 526. En 133 av. J. C.: cf. E. Albertini,Les divisions administratives de l'Espagne Romaine (1923), p. 20; R. C. Knapp, Aspects of he Roman experience ... , p. 78. - On peut supposer qu •Appien racontait, dans le Livre de la Sicile et des tles, la conquête des Bal&res par Q. Czcilius Metellus (123/2 av. J. C.). 527. L. Calpurnius Pison fut préteur en Ultérieure, probablement en 112 av. J. C. Voir Broughton, o. c. 1, p. 539 et n. 4. Il y trouva la mort: cf. Cicéron, Verr. 2, 4, 56. 528. Cf. Broughton, o. c., 1, p. 540 et 544. Ce Galba sera consul en 108 av. J. C. - On remarquera qu 'Appien saute la préture, pourtant glorieuse, de Marius en 114 av. J. C. 529. Titus Didius avait commandé en Macédoine et en Thrace. Sur sa carrière, voir Münzer, REV 1, s. v. Didius5• Il gouverna la Citérieure de 98 à 94 av. J. C. 530. Tennèsos n'est autre que Tennentia, dont il a été question plus haut: cf. n. 421. Mais Appien a probablement changé de source pour cette période plus récente.

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LE LIVRE IBÉRIQUE C

C. 433 Une autre ville533, voisine de Colenda, était peuplée de Celtibères d'origines diverses que Marcus Marius534 avait installés là cinq années auparavant avec la permission du Sénat, attendu qu'ils avaient été ses alliés contre les Lusitaniens. Ces gens se livraient au brigandage en raison de leur dénuement535 • 434 Ayant décidé de les exterminer avec l'accord des dix commissaires, qui se trouvaient encore en Ibérie536, Didius déclara aux notables que, puisqu'ils étaient dans le dénuement, il voulait ajouter à leur territoire celui de Colenda. 435 Voyant qu'ils accueillaient favorablement cette proposition, il leur enjoignit d'en transmettre la teneur au peuple et de venir avec femmes et enfants procéder au partage du territoire. A leur arrivée, il donna 1'ordre que les soldats sortent du retranchement et qu'entrent les victimes du traquenard: il allait, disait-il, recenser la population, les hommes d'une part, les femmes et les enfants de l'autre, afin de reconnaître combien de terres il devait lotir à leur intention. 436 Mais, dès qu'ils eurent pénétré à l 'intérieur du fossé et du retranchement, l'armée de Didius les encercla et tous furent exterminés. A la suite de quoi Didius eut même les honneurs du triomphe537 , tandis que Flaccus538 , envoyé contre les Celtibères de nouveau révoltés, leur tua vingt mille hommes. 437 D'autre part, dans la ville de Belgédé539 , le ·peuple souhaitait vivement se révolter contre Rome et avait brulé, avec la salle du Conseil, le Conseil lui-même, qui tergiversait: Flaccus survint et tua les responsables. 533. On ignore quelle était cette «autre ville». 534. Le frère du célèbre consul. Il gouverna l'Ultérieure en 102 av. J. C. 535. Voir R. K.napp, o. c., p. 19. 536. Il tombe sous le sens qu'il ne peut s'agir de la commission arrivée en Ibérie en 133 av. J. C.: Appien ne semble pas avoir compris qu'une quarantaine d'années avaient passé. 537. Cf. CIL, 12, 1, 177. 538. On ne sait rien de ce Flaccus.

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LE LIVRE IBÉRIQUE Cl

CI. 438 Je n'ai rien trouvé d'autre qui vaille la peine d'être raconté à propos des rapports entretenus par Rome jusqu'à cette époque avec les Ibères eux-mêmes. Par la suite, comme Sylla et Cinna luttaient l'un contre l'autre à Rome, et que les Romains s'étaient divisés pour se livrer des guerres civiles et former des armées dirigées contre leur patrie, Quintus Sertorius, choisi dans le parti de Cinna pour gouverner l 'Ibérie, 439 souleva celle-ci contre Rome et, après avoir réuni une grande armée et recruté parmi ses amis un Conseil à l'image du Sénat, il se porta contre Rome avec une audace éclatante, l'esprit plein de grands projets (et il était du reste renommé pour sa hardiesse), 440 si bien que le Sénat prit peur et choisit les généraux qui jouissaient alors à Rome de la plus grande gloire, Cœcilius Metellus, à la tête d'une armée nombreuse, et après lui Gnœus Pompée, à la tête d'une autre armée, afin qu'ils tinssent écartée, autant que possible, la guerre de l'Italie qui se trouvait alors, plus que jamais, divisée en deux camps. 441 Mais Sertorius fut assassiné par un homme de son parti, Perpenna, qui se proclama son successeur à la tête de la rébellion, et Perpenna fut tué par Pompée dans une bataille. Ainsi se termina cette guerre, qui avait particulièrement troublé les Romains par les craintes qu'elle leur inspirait. On trouvera des précisions dans le livre des Guerres Civiles54" consacré à Sylla.

540. BC l, 86 et 108-115.

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LE LNRE IBÉRIQUE Cil

CD. 442 Après la mort de Sylla, Gaius César fut nommé au commandement de l 'Ibérie avec mission de faire la guerre partout où il le faudrait: par la force des armes, il contraignit à l'obéissance toutes les régions de l 'Ibérie qui étaient agitées ou manquaient encore à l'empire de Rome541• 443 Et, comme certaines de ces régions s'étaient de nouveau révoltées, elles furent soumises par Julius César, fils de Gaius, surnommé Auguste 542• 444 C'est depuis cette époque 543, à ce qu'il me semble, que les Romains divisent en trois provinces l 'Ibérie, qu'ils nomment maintenant Hispanie. Dans deux d'entre elles, le Sénat envoie des gouverneurs annuels; quant au troisième, c'est l 'Empereur qui l'envoie, et ses fonctions durent aussi longtemps que ce dernier le juge bon.

541. La préture de César (61/60 av. J. C.) est expédiée en quelques lignes en BC2, 8. Le Bellum Hispaniense est lui aussi rapidement traité: cf. BC2, 103-105. 542. Sur cette difficile campagne (26/5 av. J. C.), voir P. Magie, Augustus war in Spain, Class. Phil., 15 (1920), p. 322 sq.; R. Syme, The Spanish war of Augustus, AIP (1934), p. 293-317; W. Schmitthener, Augustus spanischer Feldzug und der Kampf um dem Prinzipat, Historia, 11 (1962), p. 29 sq.; A. Brancati, Augusto e la gue"a di Spagna (1963); R. Syme, The conquest of North-West Spain, Legio VII Gemina ( 1970), p. 83-107. 543. En 27 avant notre ère si l'on se fie à Dion Cassius, 53, 12. Voir cependant P. Le Roux, L'armée romaine et l'organisation des provinces ibériques d'Auguste à l'invasion de 409 (Publications du Centre Pierre Paris, 8), Paris, 1982. La date de 16 panu"tdémontrée par R. Etienne, L' «horloge» de la civitas Gœditanorum et la création de la province de Lusitanie, REA, 94 (1992), p. 355-362.

,

NOTESCOMPLEMENTAIRES page 1 2. Appien donne aux Pyrénées une orientation nord/sud, comme l'a reconnu Schulten, o. c., p. 93, n. 137. Cette orientation est généralement admise jusqu'à l'époque d'Auguste (cf. Diodore, S, 35, 2; Strabon, 3, 1, 3; 4, 1, 1 et F. Beltran Lloris et F. Pina Polo, Roma y los Pirineos, Chiron, 24 (1994), p. 120-123), et la carte d'Agrippa était sans doute encore fautive sur ce point puisque, pour Pomponius Mela (3, 14), les Pyrénées représentent la frontière orientale de l 'Ibérie (cf. Schulten, o. c., p. 81-83). Une rectification (est/sud-ouest) apparaît chez Pline (N.H., 4, 110) et se confinnera chez Ptolémée (2, 6, 11): voir J. Oliver Thomson, History of Ancient Geography (1965), p. 231. 3. Sur l'habitat des Celtibères (que les sources les plus anciennes nomment simplement «Celtes»), voir la Préface de /'Histoire Romaine (1, 1): 'I&ripia ts xàaa 1eai Kû,,ti&flpsç, tm tôv t1eatmv supucsta colonia griega de Hemeroskopeiœ, &tudio arqueol6gico de la zona Denia-Javea. Pape/es del Laboratorio de Arqueo/og(a de Valencia, 3 (1968). - D'après le Pseudo-Skymnos, v. 204-209, les Rhodiens auraient été les premiers Grecs à fréquenter l'lbérie, où ils auraient repéré le site de Rhodé (cf. Strabon, 3, 4, 8; 14, 2, 10): voir F. Villard, La céramique grecque de Marseille (VJe.we s.), 1960, p. 72-73. Ils fwfflt suivis par les Phocéens (Hérodote, 1, 163), que le roi Arganthônios aurait invités, en vain, à fonder une colonie. Puis, entre 650 et 600, le Samien Kolaios aurait à son tour visité Tartessos: cf. Hérodote, 4, 152 et 159. Des peignes d'ivoire, d'origine ibérique, trouvés à l'Héraion de Samos, pourraient authentifier le voyage de Kolaios, si ces objets datent vraiment de la période 640-630. - La bibliographie, considérable, a été rassemblée par J.-P. Morel, Les Phocéens en Occident: certitudes et hypothèses, Parola del Passato (1966), p. 390-392; Les Phocéens dans l'Extrême-Occident vus depuis Tartessos, ibid. (1970), p. 385-389; L'expansion phocéenne en Occident: dix années de recherches (1966-1975), B.CR., 99 (1975), p. 886-887 et 889-892; Les Phocéens d'Occident: nouvelles données, nouvelles approches, Parola del Passato, (1982), p. 478-500. La synthèse de P. Rouillard, Les Grecs et la Péninsule Ibérique du Ville au We s. av. J. C. (1991) est assise sur l'étude du matériel céramologique et fait le point de la question. Voir depuis A. J. Dominguez Monedero, La colonizaci6n y el comercio griego en la Peninsula lbérica, Hisp. Ant., 17 (1993), p. 469-486. 16. Sur Arganthônios, voir M. Manfredini, Argantonio re di Cadice e le fonti del Cato Major Ciccroniano, Riv. di Fil. Class., 98 (1970), p. 278-291. Célèbre pour sa longévité, Arganthônios aurait vécu 120 ans et régné 80 ans (Hérodote, 1, 163). J. Maluquer de Motes, Tartessos y su «Historia», dans Tartessos y sus Problemas (1969), p. 397-399, place le règne d •Arganthônios entre 630 et 550 - mais d'autres ont pensé qu'il pourrait s'agir d'un nom dynastique (cf. P. Dixon, The lberians of Spain (1940), p. 33; 35. 17. Appienpense sans doute aux établissements phocéens de Catalogne (Emporion et Rhodé), à moins que cette remarquene soit destinée à annoncer l'affaire de Sagonte et les origines de la guerrepunique. 18. Appien fait preuve d'une légitime prudence. Une tradition très répandue situait la ville de Tartessos dans l'île formée par les deux

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

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bras du fleuve Tartessos (Guadalquivir): cf. Strabon, 3, 2, 11; Pausanias, 6, 19, 2-4; Avienus, o. c., 283 sq.; Pseudo-Skymnos, v. 162-166; Stéphane de Byzance, s.v. T«ptTIO'O'OÇ. D'après Avienus, le royaume s'étendait depuis l'embouchure de l'Odiel (Huelva) jusqu'à celle du rio Segura (N. de Carthagène). Dans la vallée du Guadalquivir les influences orientales contrebalancent, au VIe s., celle de groupes celtiques: voir A. Arribas, The lberians, p. 46-51. On ignore pour quelle raison cet empire s'effondra: poussée des Celtes? émancipation de tribus ibères soumises? Mais il existait encore des Tartessiens à l'époque d'Hannibal: cf. Polybe, 3, 33, 9-11 et P. Barœlo, o. c., p. 131, n. 75. La bibliographie est abondante. Voir l'historique de M. Pellicer, Historiograffa Tartéssica, Habis, 1 (1976), p. 22-24. Les textes anciens ont été rassemblés par J. M. BJ.azquez, Fuentes Griegas y Romanas referentes a Tartessos, dans Tartessos y sus problemas (1969), p. 91-110. Voir aussi les exposés de A. Tovar, lberische Landeskunde, II, 1, Baetica (1974), p. 18-23 et 28-29; C. G. Wagner, Tartessos y cl periodo orientalinnte, Hisp. Ant., 17 (1993), p. 419-433. Le site de Tartessos n'est pas identifié. Schulten l'a cherché vainement dans le delta du Guadalquivir, d'autres du côté de Huelva et des mines du rio Tinto (J. M. Blasquez, Tartessos y los origines de la colonizacion Fenicia en Occidentè, 1975), d'autres encore sur la côte orientale (région d' Almeria): c'est le cas de P. Cintas, Manuel, l, p. 280 sq. Mais «Tartessos» désignerait plutôt un pays-(lc «pays de Tarshish de la Bible?): cf. Tackholm, o. c. (1965), p. 170; M. Koch, o. c. (1984), p. 110. 19. A l'époque impériale, on estimait que Tartessos était l'ancien nom soit de Gadeira, soit de Carteia, ville ibère proche d •Algésiras: cf. Pline, NR., 4, 119-120. Mais les fouilles conduites sur le site de Carteia semblent prouver que cette ville est de fondation trop récente: cf. D. E. Woods, Cartcia and Tartessos, dans Tartessos y sus problemas (1969), p. 251 sq. Penchent en faveur de Gadeira: Pline, NR., 3, 7; Silius Italicus, 3, 396-399; Cicéron, De senectule, 60; Avicnus, o. c., 85; 267-270; Salluste, Hist. 2, 32; Arrien, Anab., 2, 16, 4. En revanche, Strabon (3, 2, 15) et Pomponius Mela (2, 6, 9) situent Tartessos à Carteia. Voir aussi Pausanias, 6, 19, 3, où la leçon K.APilIA recouvre soit K.APTEIA, soit K.APilHIA. La forme K«p,tTIO'O'OÇ est aberrante et n 'apparai"t que dans une glose latine citée par Schulten, Jberische Landeskunde, l, p. 332: Carpessus, insula Spaniae, iuxta quam sol occidit. Il ne peut guère s'agir que de Gadeira, alors qu' Appien penche en faveur de Carteia (cf. 63, 267-268). On peut penser aussi à Kalpé, que Strabon (3, 1, 7) qualifie de d;t6Àoyoc; Kai pcov. Voir aussi les 1taÀaia... vaOO'ta8µ6v 1tote yevoµÉVTItcôv '1611 notices, peu claires, de Stéphane de Byzance, s. v. KétÀ1tT1 et s. v. K«p,tTtiŒ.A l'époque romaine, Kalpé paraît avoir été rattachée à Carteia (cf. P. Sillières, o. c., p. 773), ce qui pourrait avoir été source de confusion.

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NOTES COMPLÉMENT~

20. Il s'agit du fameux sanctuaire d'Héraclès (Melqart) fondé par les Phéniciens (vers 1100 av. J. C.?) sur le complexe insulaire de Gadeira. Voir la belle étudede A. Garcfa y Bellido, Hercules Gaditanus, Archivo Espaiiol de Arq~ologfa, 26 (1963), p. 70-153, où les textes anciens sont éclaùés par l'archéologie, et les travaux plus récents de M. Bendéla Galm, Die orientalischen Religionen Hispaniens im vorrômischcr und rômischer Zeit, ANRW, 2, 18, 1 (1986), p. 368369, C. Bonnet, Melqart, Cultes et mythes de /'Héraclès Tyrien en Méditerranée (Studia Phoenicia, 8), 1988, p. 204-209, et C. JourdainAnnequin, Héraclès aux Portes du Soir (Centre de recherches d'histoire ancienne, 89), Paris, 1989. 21. Artémidore d'Ephèse (cité par Marcien d'Héraclée, G.GM., 2, p. 543) enseignait que les Colonnes d'Héraclès étaient situées par les uns à Calpé, par les autres à Gadeira. Cette dernière version était celle des «Ibères et Africains de Gadeira» selon Posidonius cité par Strabon, 3, 5, 5. Les «colonnes» de Gadeira n'étaient en fait que des bétyles: cf. A. Garcia y Bellido, o. c., p. 114-120. - Le Pseudo-Skylax, §2, situe les Colonnes à une journée de navigation de Gadeira (cf. A. Peretti, Il Periplo di Scilace (1979), p. 165-169). Le Pseudo-Skymnos, v. 150 sq., compte lui aussi une journée de navigation entre les Colonnes et Erythcia, l'îlot voisin de Gadeira. Cette journée de navigation correspond au 750 stades (153 km) séparant Gadeira de K.alpé (Gibraltar), où les Anciens situaient la Colonne d'Europe. La Colonne d'Afrique (Djebel Musa) portait le nom d' Abila. 22. Voir en particulier Arrien (Anab. 2, 15), dont le séjour en Bétique est attesté par une inscription métrique découverte à Cordoue en 1971: cf. P. Stadter, Arrian of Nicomedia (1980), p. 10 et 52; Diodore, S, 20, 2 (inspiré de Posidonius, qui séjourna à Gadeira, s'il faut en croire G. Bunncns, L'expansion phénicienne en Méditerranée (1979), p. 226-227), Justin, 44, 5, 2; Silius Italicus, 3, 21 sq. et A. Garcia y Bellido, o. c., p. 128-131. 23. Trogue-Pompée est peut-être visé, car il s'attardait longuement sur ces questions, à en juger d •après les premiers chapitres du livre XLIV de Justin. Mais peut-être aussi Asclépiade de Myrléa. Voir J. M. Alonso-Nuiiez, Pompcius Trogus on Spain, Latomus, 47 (1988), p. 117-130; Les notices sur la Péninsule Ibérique chez Asclépiadede Myrléa, L'Ant. Class., 47 (1978), p. 176-183. 24. Les Anciens ne tarissaient pas d'éloge sur la fertilité de la Bétique: cf. Strabon, 3, 2, 3; Pline, NR., 3, 7; 17, 31 (pinguissimum solum in Baetica); Columelle, 7, 1 (facilem te"am). Les mines d'argent d'Andalousie étaient exploitées dès le millénaire: cf. Strabon, 3, 2, 8 qui rapporte aussi (3, 2, 14) que, selon certains historiens, la richesse des habitants était telle que même les objets usuels, à l'époque de la conquête punique, étaient fabriqués en argent. Le Pseudo-Aristote, de mirab. ausc., 135 et Diodore, 5, 35, 4, soulignent eux aussi

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

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cette abondance de métaux précieux. La richesse des Ibères est confirmée les trésors trouvés à El Carambolo (près de Séville), au Cortijo de Evora (près de Huelva), etc ... - Sur les richesses minières de ) 'Ibérie, voir la synthèse de Cl. Domergue, Les mines de la péninsule ibérique dans /'Antiquité romaine, Collection de l'Ecole Française de Rome, 127 (1990). 25. Les Carthaginois ont laissé peu de traces tangibles de leur domination sur le sud de la Péninsule. Voir C. G. Wagner, The Carthaginians in Ancient Spain: from administrative trade to territorial annexation, Studia Pluznicia, 10 (1989), p. 145-156; P. Barcelo, Beobachtungen zur Entstehung der Barkidischen Herrschaft in Hispanien, ibid., p. 176. 26. Allusion possible aux expéditions d' Annibal vers l'intérieur de l 'Ibérie, qu 'Appien ne raconte pas. 27. Appien reviendra sur l'organisation administrative de l'Hispania romaine dans le dernier chapitre du Livre Ibérique.

page3 28. La 14v ••• 'tÔV d6t:À.cpov ... â1ti 'tOÎÇ tv 'I6npiçi 1tpciyµa.cnICŒ'taÂ.l7tO>V.L'erreur est peut-être plus apparente que réelle. L'épigraphie semble indiquer que la région côtière était occupée, peut-être jusqu •au Rh&te, par des populations ibères [cf. F. Beltran Lloris-F. Pina Polo, Roma y los Pirineos, Chiron, 24 (1994). p. 106 sq.], ce que confinnent Avienus, Ora Maritima, 611-613 et le Pseudo-Scylax, §3. 95. La tâche de Gnzus était difficile, car les Romains manquaient d'alliés. N. Dupré, La vallée de l'Ebre dans l'Espagne romaine, Mélanges de la Casa de Velazquez, 9, (1973), p. 141-143, croit savoir que les Romains avaient conclu, entre 226 et 218, des alliances avec diverses peuplades: je n'en trouve aucune trace dansles textes qu'elle allègue. Seuls les Bargusii firent bon accueil aux ambassadeurs romains en 219. Sur l'activité de Gnzus en 218-217, voir de Sanctis, 3, 2, p. 240-242; H. H. Scullard, Scipio Africanus in the second Punie war (1930), p. 45-46; Walbank, 1, p. 409-410 et 430-432; J. F. Lazenby, o. c., p. 125-127. Il remporta à Cissis [le petit oppidum ibérique de Cese, proche de Tarraco: cf. J. Ruiz de Arbulo Bayona, Los inicios de la romanizaci6n en Occidente: los casos de Empori6n y Tarraco, Athelltl!um, 19 ( 1991), p. 461] une victoire sur Annon, auquel Annibal avait confié la défense du pays au nord de l'Ebre (Polybe, 3, 76; Tite-Live. 21, 60, 1--61, 4), occupa Tarraco, qui deviendra la principale base romaine, et remporta, avec l'aide des Massaliotes, une victoire sur la flotte punique: cf. Polybe. 3, 95-96; Tite-Live, 22, 1920,2; Zonaras. 9, l; Frontin, Strat., 4, 7, 9. Cette bataille était relatée par Sosylos (Fr. Gr. Hist. 176, Fr. 1), qu'Appien n'a pas utilisé, sans doute volontairement, puisque l'existence d'un fragment papyrologique prouve que cet auteur contemporain d 'Annibal était encore lu en Egypte à l'époque impériale. 96. Cf. Livre d'Annibal, 8, 32. page 13 97. En particulier, les Scipions tentèrent de reprendre Sagonte et, malgré leur échec, réussirent à libérer les otages ibères gardés par Bostar: cf. Tite-Live, 22, 22, 4-21; Polybe, 3, 97, 2; 99, 3. Ils gagnèrent ainsi l'amitié de diverses tribus: voir N. Dupré, La politique romaine en Ibérie pendant la neguerre punique, l'exemple de la vallée de l'Ebre, REL, 59 (1982), p. 138. - L'histoire de cette période est loin d'être certaine. Voir l'analyse prudente de J. S. Richardson, Hispani«. Spain and the development of Roman lmperialism ( 1986), p. 38 sq.

NOTES COMPLÉMENT AIRES

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98. Selon Tite-Live (2.1,49, 5-12), les villes d'Iliturgi et d'Intibili (cette dernière au sud de l'Ebre, entre Dertosa et Valentia) auraient choisi le camp romain dès 215. - Iliturgi ne saurait être que la ville de Bétique, comme l'a bien compris R. Corro Sanchez, La Segunda guerra punica en la Bética,Habis, 6 (1975), p. 218-219. Cette importante cité ibère (Ceno de Maquiz,près de Menjibar: cf. A. Blanco - G. La Chica, De situ Iliturgi, Arch. Esp. de Arq .• 33 (1960), p. 193-196; A. Tovar, lberische Landeskunde,2, Bœtica, p. 1OCJ-110) occupait une position stratégique de premier ordre au confluent du Guadalquivir et du rio Guadalbull6n. Tite-Live (24, 41, 8) mentionne une garnisonromaine dans cette ville. - 2.onaras,9, 3, signale lui aussi, mais en tennes vagues. de nombreux ralliements. 99. La chronologie des années 216-212 s'établit malaisément. Polybe fait défaut. La succession des campagnes relatées par Tite-Live est suspecte: P. G. Walsh, Livy, his historical aims and methods (1961), p. 142-147, a montré que l'historien latin avait tenté vainement de combiner des données incompatibles. La chronologie d' Appien n'est pas négligeable. Un événement extérieur (la guerre de Syphax) permet de distinguer trois périodes: l) avant cette guerre, les Scipions ne remportent aucun succès sur leur unique adversaire, Asdrubal Barca; 2) pendant cette guerre, mettant à profit l'absence d' Asdrubal, ils obtiennent l'alliance de nombeux Ibères; 3) ~s cette guerre, confrontés à trois adversaires (les deux Barcides et le Gisconide ), les Scipions leur infligent néanmoins de lourdes pertes. 100. Tite-Live, 24, 48-49, place en 213 la brouille entre Carthage et Syphax. Mais, chez lui, Magon arrive en Ibérie dès 215, en même temps qu •Annibal fils de Bomilcar (23, 32, 5-11 ). et Asdrubal fils de Giscon dès 214 (24, 45, 1). Tout ceci est très incertain. 101. Magon était le frère cadet d •Annibal et d •Asdrubal.On le retrouveradansle Livre d'Annibal. 102. L'hiver 212/211 av. J. C. 103. La Turdétanie (Tup~1tavia) - mais Artémidorc d'Ephèse préférait la forme Touptutavia: cf. Steph. de Byz. s. v. - correspondait approximativement à notre Andalousie. 104. Située à environ 250 km au sud de Castulo, Urso (Colonia lulia Genetiva Urbanorum sous l'Empire), aujourd'hui Osuna, était une importante forteresse, fouillée des 1903 par A. Engel et P. Paris. Voir R. Thouvenot. Essai sur la province romaine de Bétique (1940), p. 380 sq.; A. Tovar, lberische Landeskunde, 2, Bœtica, p. 128-129. Nous savons par Tite-Live (24, 42, 3) que Gna::us avait remporté à Munda un notable avantage sur Asdrubal Barca. Le site de Munda n'est pas exactement connu; mais il n'était pas éloigné d'Urso: cf. Corzo Sanchez, o. c., p. 221. Il est donc concevable que Gna::us ait hiverné non loin de l'endroit où il avait été victorieux. 105. Tite-Live (24, 41, 7) place en 214 la défection de Castulo, urbs Hispanœ valida ac nobi/is et ... coniuncta societate Pœnis. Cette

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NOTES COMPLÉMENT~

societas était d'autant plus solide qu' Annibal avait pris femme à Castulo (cf. Tite-Live 24, 41, 7). -Le site antique (Cortijo de Cazlona, sur le rio Guadalimar) fait l'objet de fouilles: cf. J. M. Blazquez, Castulo, I (Acta Arq. Hispanica, 8, 197S) et, pour la période suivante, B. Bouger, Archiiologische Forschungen in Spanien, Klio, 10 (1988), p. 211; R. EtienneF. Mayet, Histoire et archéologie de la Péninsule ibérique antique, chroniques quinquennales (1993), p. 123. Voir aussi R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Tarraconensis ( 1989), p. 173 sq. - Sur le changement de tactique des Scipions, qui opèlent séparément pour faire face à un adversaire multiple, voir J. S. Richardson, o. c., p. 4041. 106. Appien ne précise pas s'il s'agit du Barcideou du Gisconide. Mais Polybe (9, 22, 2-3) attribue à Asdrubal Barca et à Magon la mort des Scipions. l 07. Tite-Live, 25, 32, 2 sq. donne de la mort des Scipions une version très différente, qui vise, semble-t-il, à prouver que les généraux romains n'avaient pas été surpris par l'adversaire dans leurs quartiers d'hiver. - On remarquera toutefois que, sous l'année 214, Tite-Live (24, 41, 6) évoque à propos de Publius, précisément dans les parages de Castulo, un épisode analogue qui se termine heureusement: P. Scipio cum expeditis clam profectus ad loca circa visenda haud fefellit hostes, oppressissentque eum in patentibus campis ni tumulum in propinquo cepisset. lbi quoque circumcessus adventu fratris obsidione eximitur. Or Walsh, o. c., p. 146-147, a montré que l'historien latin présente souvent comme distincts et successifs des événements rapportés différemment par ses diverses sources. Tel pourrait-&re ici le cas. 108. Tite-Live (25, 3, 3-36, 13) fournit de la mort de Grlzus un récit diffus qui parm"'tcontaminer au moins deux traditions distinctes. 109. Il s'agit probablement d'une «enceinte ibérique», enclos fortifié comme on en rencontre le long des vieilles routes préromaines: cf. J. Bernica - J. Fortea, Recintos y fortificationes ibéricos en la Bética (1970); R. Corzo S4nchez, o. c., p. 214-216; P. Sillières Le «Camino de Anibal», itinéraire des gobelets de Vicarello, de Castulo à Sztabis, Mélanges de la Casa de Velazquez, 13 (1977), p. 31-40, e~ du même auteur, Les voies de communication de /'Hispanie méridionale (Publications du Centre Pierre Paris, 20), 1990, passim. On remarquera que Posidonius (cité par Strabon, 3, 4, 13) reprochait à Polybe d'avoir grandi les succès de Sempronius Gracchus 'toùc;,rupyouc;Ka.Â.oÜvta 7t6Â.6ic;. Il faut donc entendre par ,rupyoc;une petite agglomération fortifiée. 110. Cf. Ammien Marcellin, 31, 13, 7: Scipionem alterum cremata turri, in quem confugerat, absumptum incendio hostili comperimus. lllud tamen certum est nec Scipioni .. .sepulturam contigisse. Pline, N. H, 3, 2, 9, d'interprétation délicate, paraît placer dans la vallée du Bztis, prà d'Ilorci, le bQcher de Gnzus. Mais le site exact d'Ilorci n'est pas connu, et le nom même de la ville n'est pas asswé: si Gnzus remontait d'Urso en direction de Castulo, ce serait plutôt vers Iliturgi qu'il rejoignit le

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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fleuve. - Les survivants, commandés par Ti. Fonteius et L. Marcius, mnontèrmt vers l'Ebre. Tite-Live (25, 35-39), s'inspirant d'annalistes (Claudius Quadrigarius, Valerius Antias, Calpurnius Pison) attribue à Marcius des succès peu croyables, dont Appien ne fait pas état: cf. de Sanctis, 3, 2; p. 449 et n. 8-10; Scullard, o. c., p. 53; Lazenby,o. c., p. 131. page 15 116. Le Sénat semble y avoir veillé: cf. H. H. Scullard, Roman Politics 220-150 B. C. (1973), p. 66. 117. Même atmosphèrechez Tite-Live (26, 18, 5-6): luctus acceptœ cladis ... ; mœsta civitas. 118. Tite-Live, Zonaras et Valm-Maxime donnent aussi 24 ans à Scipion. Mais Polybe (10, 6, 10) lui accorde, à juste titre semble-t-il, 27 ans. Voir de Sanctis, 3, 2, p. 454, n. 16; R. Develin, Patterns in officeholding, 346-49 B. C., Collection Latomus 161 (1979), p. 67 avec bibl. 119. Cf. Tite-Live, 26, 19, 1: magno elatoque animo. 120. Allusion à un elogium perdu? 121. Sur ce deuxième discours de Scipion, cf. Tite-Live, 26, 19, 1-2. 122. 10 000 fantassins et 1000 cavaliers selon Tite-Live, 26, 19, 10. Voir de Sanctis, 3, 2, p. 455; Lazenby, o. c., p. 133. A en juger d'après Polybe (10, 6, 7; 9, 6), les Romains disposaient désormais en Ibérie d •environ 28 000 fantassins et 3 000 cavaliers. 123. Scipion débarqua à Emporion, d'où il gagna Tarraco: cf. TiteLive, 26, 19, 11-12; Scullard, o. c, p. 56; Lazenby, o. c., p. 133. page 16 127. Selon Polybe (9, 11; 10, 6, 5 et 7, 3), les généraux puniques s'étaient brouillés après leur victoire sur les Scipions. Même version chez Tite-Live, 26, 41, 20-22. 128. Cf. supra p. 81, n. 6. 129. Distinct du fils d' Amilcar. Chez Valerius Antias (fr. 24 Peter = Tite-Live, 26, 49, 5), le phrourarque se nommait Arinès. Ce pourrait être le surnom de Magon. 130. Polybe (10, 8, 7) et Tite-Live (26, 44, 2) affinnent que la garnison s'élevait à dix mille hommes. Mais ce dernier (26, 49, 2) reconnaît que d'autres chiffres circulaient: praesidium punicum alius decem, alius septem, alius haudplus quam duum millium fuisse scribit. Appien retient le chiffre le plus élevé (cf. de Sanctis, 3, 2, p. 468, n. 38; Scullard, o. c., p. 63; Lazenby, o. c., p. 134), mais paraît inclure la milice civique. La facilité avec laquelle Scipion prit la ville donne à penser que Magon ne disposait que d'un petit nombre de combattants aguerris. 131. Voir Cl. Domergue, Les mines de la péninsule ibérique dans /'Antiquité romaine (1990), p. 62 sq. Ces mines de galène argentifère étaient situées dans la sierra de Cartagena et au cap de Palos. 132. Cf. Tite-Live, 26, 42, 3-4, proche d' Appien.

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NOTES COMPLÉMENT AIRES

page 17 135. La lagune est depuis longtemps comblée par les alluvions: cf. Scullard, o. c., p. 292-293. Elle baignait le rempart au nord et au nordouest, tandis que vers le sud la flotte de uelius (dont Appien signale la présence sans expliquer son rôle) interdisait aux navires puniques 1'accès de la haute-mer: cf. Polybe, 10, 12, 1; Tite-Live, 26, 43, 1; 44, 10. 136. Il s'agit de la porte menant vers l'isthme et le camp romain: cf. Polybe, 10, 12, 3. 137. La largeur de l'isthme rend cette explication peu plausible. Magon prévoyait-il un combat de rues? Chez Polybe (10, 12, 3) les 2000 miliciens avaient été équipés totç ô1tapxouai 1Catà tllV 1t6Â.w Ô7tÂ.otç.Voir aussi Tite-Live, 26, 44, 2. 138. D'après Polybe (10, 22, 2-3), Magon envoya les soldats de métier (soit 1000 hommes) défendre la citadelle et la colline de l'est. Les 2000 miliciens furent postés, comme on l'a vu, près de la porte donnant accès à l'isthme. Le restant fut chargé de défendre le rempart. Appien semble confondre le nombre d'hommes en état de porter les armes (cf. Tite-Live, 26, 47, 1) et celui des miliciens (auxquels fait allusion Tite-Live, 26, 44, 1). 139. Cf. Tite-Live, 26, 45, 1. page 18 142. Selon Polybe (10, 8, 1-7) et Tite-Live (26, 45, 7), c'est pendant son séjour à Tarraco que Scipion avait appris l'existence du phénomène, dont il comptait tirer parti. - Vers le soir, le vent du nord, renforçant l'effet de la marée, faisait baisser le niveau de l'eau dans la lagune: cf. Scullard, o. c., p. 91; Lazenby, o. c., p. 138; Walbank, 2, p.203. Signalons l'hypothèse ingénieuse de A. et M. Lillo, On Polybius 10, 10, 12, the capture of New-Carthage, Historia, 37 (1988), p. 477480, qui supposent que les Romains auraient pris le contrôle d'une écluse dont, fâcheusement, aucun texte n'atteste l'existence ... 143. Selon Polybe (10, 11, 7), Scipion avait annoncé avant la bataille que Poseidon lui avait promis son aide. Voir aussi Tite-Live, 26, 47, 9. page 20 150. Cf. Tite-Live, 27, 7, 2: captam Carthaginem, caput Hispaniae, uno die. 151. Erreur d'Appien, comme le suppose A. Klotz, o. c., p. 80? Mais ce «troisième jour» pourrait-être celui où Scipion fit l'inventaire du butin (cf. infra, 33, 90 t6n: 1tapaÂ.a6cov).Tite-Live (26, 47, 1-10) place cet inventaire le jour même de la victoire, ce qui paraît prématuré. 152. Valère Maxime, 1, Ext. 2, 2 rapporte cette anecdote sous la rubrique De simulata religione: Scipio Africanus non ante ad negotia ...

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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privata vel publica ibat quam in cella Jovis Capitolinis moratus fuisset, et ideo love genitus credebatur. 153. Sur ces machines, cf. Tite-Live (26, 46, 5-6 et 49, 3) citant les chiffres contradictoires fournis par Sil~nos et Valerius Antias. 154. Cf. Polybe, 10, 20, 1-3; Tite-Live, 26, 48, 3. 155. Cf. Tite-Live, 26, 48, 3-4. µEtà 'tTIV crtpanàv t6T1µT116pEl n'a guère de sens. 156. tji 1t6Â.El Cette harangue doit s'adresser aux otages i~res retenus dans la ville (cf. Polybe, 10, 18, 3-15; Tite-Live, 26, 49, 7-10). D'où la correction x:.t.Â.. proposée: x:ai tji 1t6Â.E1 157. Selon Polybe (10, 11, 6), Scipion avait promis des couronnes d'or à ceux qui prendraient pied les premiers sur la muraille, et aux autres «les ~ompenses ordinaires». Voir aussi Tite-Live, 26, 48, 514; Dion Cassius, fr. 42; Zonaras, 9, 8. -Selon Tite-Live (26, 48, 14), Lzlius, qui commandait la flotte, reçut une couronne d'or et trente bœufs. Ni Appien, ni Polybe ne font allusion à la peu crédible mutinerie soulevée par cette distribution de ~ompenses. 158. Cf. Polybe, 10, 18, l; 19, 8; Tite-Live, 26, 51, 1-2. Scipion avait capturé dans le port dix-huit navires de guerre et soixante-trois navires marchands: cf. Polybe, 10, 17, 13; Tite-Live, 26, 47, 9. page 21 164. Diverses solutions ont été proposées pour amender le texte du Vaticanus, qui souffre d'une confusion entre Bait6Kf1 (la Bétique) et Ba11e6Â.T1 (la ville de Baecula, JRSde laquelle la bataille fut livrée. Voir l'apparat critique et, pour la topographie, Scullard, o. c., Appendice. 2, p. 300 sq. On situe d'ordinaire Bzcula dans les parages de Bailen, ou encore dans la haute vallée du Bztis (sa/tus Castulonensis, sur lequel on verra P. P. Spranger, Historia, 1 (1958), p. 95-102). Mais A. S4nchez Royo, Habis 6 (1975), p. 231-3, propose Betela, près d'Obulco, sur la rive gauche du Guadalquivir. Voir aussi R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Ta"aconensis (1989), p. 153-154. 165. Sur la bataille, voir Polybe, 10, 38, 7-39; Tite-Live, 27, 18 -19, 1; de Sanctis, 3, 2, p. 479; Scullard, o. c., p. 100-119; Lazenby, o. c., p. 141-142. page 22 170. On admet généralement que la bataille fut livrée à Ilipa (Alcala del Rfo, à 14 km au nord de Séville, sur la rive droite du fleuve qu'Asdrubal, venant de Carmona, dut par conséquent franchir, probablement au gué de Las Estacas): voir de Sanctis, 3, 2, p. 499; Scullard, o. c., p. 126; Lazenby, o. c., p. 145; J. S. Richardson, o. c., p. 50; J. Millan Le6n, La batalla de Ilipa, Habis, 17 (1986), p. 283-303. R. Corzo Sanchez, o. c., p. 235-8, souligne toutefois l'arbitraire de cette localisation. La ville d' 'Ii..ina (Polybe, 11, 20) ou de Silpia

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

(Tite-Live, 28, 12, 14) est-elle n:cllement 1/ipa Magna? Le champ de bataille ne se trouve-t-ilpu plutôt sm la rive gauche du fleuve, comme le suppose R. Col7.oSanchez? Le récit d'Appien n'apporte aucun élément de réponse. - Sur la bataille, voir Polybe, 11, 20-24; Tite-Live, 28, 1315; 7.onaras,9, 8. Comme le souligne de Sanctis, 3, 2, p. 499, n. 87, la relation d' Appien se distingue par son caractère anecdotique.- Sm la topographie (s'il s'agit bien d'Alcala del Rfo... ), voir Scullard, o. c., p. 127-128 et, du même auteur, Scipio Africanus, Soldier and Po/itician (1970), p. 262-3 avec photographiesdu site; L87.enby,o. c., p. 145-150. 171. Sur cette action préliminaire, voir Polybe, 11, 21, 1-5; TiteLive, 28, 12, 3 sq. 172. 70 000 fantassins, 4000 cavaliers et 32 éléphants selon Polybe (11, 20, 2). Tite-Live (28, 12, 3-4) réduit à 50 000 le nombre des fantassins, mais augmente légèrement celui des cavaliers (4500). 173. Selon Polybe (11, 20, 8), Scipion disposait de 45 000 fantassins et de 3000 cavaliers. Mais Appien songe peut-être aux troupes italiennes, à l'exclusion des supplétifs ibères. 174. D'après Polybe et Tite-Live, Scipion attendait une occasion favorable pour surprendre Asdrubal, qui lui offrait chaque jour la bataille.

page 24 180. L'intervention de Scipion (peut-être légendaire... ) paraît correspondre à la dernière phase de la bataille, quand les ailes romaines prirent en tenaille le centre ennemi: cf. Polybe, 11, 24, 8-9, qui explique clairement la manœuvre. 181. Les Carthaginois furent en fait sauvés par un violent orage qui éclata en fm d •après-midi, au moment où Scipion s'apprêtait à attaquer leur camp: cf. Polybe, 11, 24, 8-9. page 27 191. Cf. Tite-Live, 28, 18, 12: foedere icto cum Syphace. 192. Cet épisode n'est connu que par Appien: cf. Brewitz, o. c., p. 21. A défaut d'être authentique, il illustre le go6t d'une certaine historiographie (romaine?) pour le romanesque. 193. On admettra, avec A. Klotz, o. c., p. 83, qu'Appien emprunte cette seconde anecdote à une autre source - peut-être Polybe. 194. Cf. Polybe (11, 24, 4: ci>att:tov "Aa6po66av t:btt:iv.. 1tpoç tOVI6cpC11ca 6t6t1 q,o6EpcotEpoçai>'tcpIl67tÂ.\OÇ 7tÉcpf1VE lCŒtà 'tTIV ôµ1Â.iavf\7tt:ptv toiç &tÂ.01ç)dont Appien s'inspire ici directement ou indirectement. Lzlius, qui accompagnait alors Scipion et rencontra souvent Syphax par la suite, pourrait être l'informateur de Polybe. 195. Cf. 7.onaras, 9, 10: 1CaiÔ Mé,:yv ~v. tç&'titÇ&lV 6 'd1tp&1tÉÇ, t1tl'tɵV&lV 6' d6UVŒ'tOV.

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

page 46 314. Aujourd'hui Coca: cf. Schulten, o. c. l, p. 148; Hübner, RE, m, 1800 sq. s. v. Cauca; R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Tarraconensis (1989), p. 334. Sur l'itinéraire de Lucullus, voir L. de Castro Garcfa, Hispania Antiqua, 3 (1973), p. 420-423.

page 47 315. Appien est notre seule source pour tout cet épisode: cf. de Sanctis, 4, 1, p. 478; H. Simon, o. c., p. 502. 316. Mentionnée par divers auteurs ou Itinéraires [cf. J. M. Roldan Hervas, ltineraria Hispana (1975), p. 242-243) cette ville n'est pas localisée. Schulten, o. c., 1, p. 350, propose Villalpando, à 50 km au nord-est de Zamora, tandis que F. Wattenberg, o. c., p. 159, penche en faveur de Aguilar de Campos. - Il ressort d'une tessère trouvée à Paredes de Nava qu'il existait un pacte d'hospitalité entre Intercatia et Pallantia: cf. L. Hemandez Guerra, Hispania Antiqua, 16 (1992). 317. Voir H. Simon, o. c., p. 53-54.

page 48 318. Le défi est un usage celtique signalé par Diodore, S, 29, 2-3. 319. Ce fait d'armes demeura célèbre: cf. Polybe, 35, 5, 1; Tite-Live, Per. 48; Orose, 4, 21, 2; Florus, 1, 33, 11; Velleius Paterculus, 1, 12, 4; Pline, NR., 37, 9; De viris ill., 58, 2; Plutmque, Praecept. ger. reipubl., 805 A. -Voir de Sanctis, 4, 1, p. 480; Astin, Scipio ..Emilianus, p. 4647. Sur ces combats singuliers entre champions adverses,cf. Schulten, o. c., 1, p. 1.œ-200 et, depuis, l'étude très fouillée de S. P. Oakley, Single combat in the Roman Republic, Class. Quart., 35 (1985), p. 392-410, en particulier p. 315 pour l'affaire d'lntercatia. 320. Sur ces problèmes d'approvisionnement, cf. Schulten, o. c. 1, p. 169. 321. Scipion Emilien pénétra le premier dans la ville et obtint la corona muralis: cf. Tite-Live, Per. 48; De viris ill., 58, 3; ValèreMaxime, 3, 2, 6; Velleius Paterculus, 1, 12, 4. Appien omet ce fait d'armes.

page 49 324. Pallantia était la principale ville des Vacc;eens. On la situe d'ordinaire à Palencia, qui occupe le site de la ville romaine: cf. Schulten, o. c., 1, p. 148; F. Wattenberg, o. c., p. 121 sq.; mais L. de Castro Garcia, Ubicaci6n de Pallantia prerromana, HispaniaAntiqua, 3 (1973), p. 416-460, avance de nombreux arguments en faveur de Palenzuela, au confluent du rfo Arlanza et du rfo Arlaz6n (20 km environ au nordest de Palencia); voir aussi R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Tarraconensis (1989), p. 341. - L'affaire de Palencia n'est connue que par Appien: cf. H. Simon, o. c., p. 55-56.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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325. Le Duero ou Douro. Si l'on situe Pallantia à Palenzuela, la poursuite dura certainement plus d'une joum6e. 326. Il est notable que Lucullus, de retour à Rome, comacra en 142 av. J. C. 1m temple à Felicitas: cf. Dion Cassius, fc. 76, 2; Strabon. 8, 6, 23. Peut-&re considérait-il sa campagne hispanique comme un succès.

page 50 331. Cet anthroponymc celtibmque est attes~ q,igraphiquement. Voir L. Hemandez Guerra, Estudio de la antroponomfa preromana de Palencia y entomo, I, Hispania Antiqua, 15 (1991), p. 62. 332. A en juger d'après Diodore (31, 42), cette bataille fut livrée non loin de l'endroit où Mummius avait débarqué ses troupes (Carteia?). page 51 338. Malgré les réserves exprimées par R. Thouvenot, Essai ... , p. 121, n. 1, Okilé ne saurait être qu'une ville d'Afrique (Zêlis, entre Tanger et Larache?): cf. Gsell, o. c., 3, p. 310, n. 8. 339. Le Livre Africain, 78, 306, me semble faire allusion à de tels raids, qui représentaient une menace pour Massinissa. 340. Si, grâce à sa flotte, Mummius passa en. Afrique, ce fut sans doute aussi pour secourir Massinissa, allié des Romains. Voir H. Simon, o. c., p. 24. 341. Appien mentionne souvent cet usage: voir par exemple le Livre Africain, 133, 632; le Livre Mithridatique, 44, 176, etc ... Plutarque, Marius, 22, 1, en fournit un bon exemple. L'imperator, après avoir noué sa toge autour de ses reins (cinctus Gabinus), procède à la crémation rituelle des annes. Voir J. Rüpke, Domi militiœ, die religiose Konstruktion des Krieges in Rom ( 1990), p. 199 sq. et, pour le cinctus Gabinus, p. 153, n. 10. page 52 347. Surtout connu comme orateur, Galba n'était pas sans expérience militaire: cf. Tite-Live, 4S, 35-39; Plutarque, Paul-Emile, 30. 348. Cf. Tite-Live, Per. 48: Servius Sulpicius Galba prœtor male adversus Lusitanos pugnavit; Orose, 4, 21, 33. 349. Au sud du Guadalquivir, non loin de Séville. Orose (4, 21, 3) se montre encore plus sévère à l'égard de Galba: a Lusitanis magno prœlio victus est universoque exercitu amisso ipse cum paucis vix elapsus evasit. page 54 354. Ce procès jouit d'une grande notoriété: cf. Tite-Live, Per. 49; Valère-Maxime,8, 1, 2; Cicéron, Brutus, 89; Quintilien, /nst. Or., 2, 155, 8; Ep. Ox., 1. 98-100. Caton fut l'un des principaux accusateurs et

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NC>TFSCOMJ>ŒMENTAIRES

il avait inclu son discours dans le livre VII des OrigiMs: cf. AuluGelle, Noct. Att., 13, 25, 15; Ciœron, De Orat., 1, 227; Tite-Uve, Per. 49. Ce discours était encore classique à 1'6poque d"Appien: cf. Fronton, Ad. Marcum Cœsarem, 3, 20. - Sur l'arriàe-plan politique du procès de Galba, voir J. S. Richarson, o. c., p. 138-139.

page57 365. Sur ce stratagème, cf. Frontin, Strat., 2, 5, 7. Schulten, o. c ., p. 218-219, place l'embuscade sur la route menant du Bztis à Carteia par la sierra de Ronda et la sierra de Libas. 366. Entendons qu'il ne trouverait personne pour l'acheter comme esclave. 367. Cf. Tite-Live, Per.52; Dion Cassius, fr. 22, 73. Diodore (33, 1, 3) prétend qu'il ~t de la main de Viriathe, alors qu'Orose (5, 4, 2) soutient à tort qu'il survécut. 368. Par Carpessos, Appien entend probablement Carteia, colonie latine depuis 171 (cf. Tite-Live, 43, 3 et R. C. Knapp, Aspects of the Roman experience ... , p. 116 sq.). Sur la confusion avec Tartessos, cf. supra,p. 103,n. 19. 369. Il est curieux que le questeur demande du secours à des peuplades celtibères établies dans la Citérieure.

page59 374. Sur Urso (Osuna), cf. supra, p. 115, n. 104. 375. Sur les opérations menées par Maximus, cf. Tite-Live, Per. 52; Florus, 1, 33, 16; Schulten, Viriatus, p. 221; de Sanctis, 4, 3, p. 225; Thouvenot, Essai ... , p. 126; H. Simon, o. c., p. 97. 376. Ce légat pourrait être C. Nigidius, connu par d'autres sources. Voir T. Corey Brennan, Notes on the pr2tors in Spain in the midsecond century B. C., Emerita, 63 (1995), p. 65, reprenant une hypothèse formulée en 1904 par E. Komemann. 377. Cf. Velleius Paterculus (2, 5, 3): Fabius tEmilianus Pauli

exemplo disciplinae in Hispania fuit clarissimus. 378. Prorogé, Fabius Maximus passa les hivers 145/4 et 144/3 en Ibérie: cf. Valère Maxime, 6, 4, 2; Schulten, Viriatus, p. 221; de Sanctis, 4, 3, p. 226; H. Simon, o. c., p. 99. page 60 382. Il s'agirait, selon Schulten, Viriatus, p. 223-224, de Tucci, dont Pline, NR., 3, l, 12, donne la titulature complète sous l'Empire: Tucci quae cognominatur Augusta Gemella. La ville apparaît en grec sous les formes Tofücn (Ptolémée, Géogr., 2, 4, 9) et Ti>IClCT'I (Diodore, 33, 7, 5). La ville antique occupait le site de Martos, près de Jaén, position stratégique de premier ordre. Au chap. 68, 289, Appien donne à cette ville le nom de Gemella. Gundel, Legio VII Gemina, (1970), p. 125,

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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de s'interroge toutefois (avec raison ce me semble) sur le bien-f~ l'identification proposœ par Schulten. J. M. Serrano Delgado, Colonia Augusta Gemella Tucci, Habis, 12 (1981), p. 208 sq. estime que 1'ltukké d •Appien serait plutôt lptuci. La question est à mon sens insoluble, car Appien a pu trouver dans des soun:es différentes la meme ville tantôt sous son nom indigène de Tucci, tantôt sous son nom romain de Gemella. 383. Ce peuple habitait la region de Grenade.

page 62 388. Sur Gemella (Tucci), cf. supra, n. 382. Eiscadia est inconnue. Peut~tre s'agit-il de Nescania (C. Müller) ou d' Astigi (Schulten). Voir A. Tovar, o. c., 2, 1, Baetica, p. 138. Sur Obulcula, oppidum liberum stipendiarium selon Pline, N. H., 3, 12 (aujourd'hui Monclava), voir A. Tovar, ibid., p. 114. page 63 393. Cf. Tite-Live, Per. 54; Diodore, 33, 1, 4; Charax, /oc. cit. Voir Schulten, Viriatus, p. 225; de Sanctis, 4, 3, p. 230; Thouvenot, Essai, p. 128; H. Simon, o. c., p. 123. Il s'agissait d'un/œdus aequum, qui fut ratifié par les comices, peut~tre pour sauver l'armée de Servilianus (cf. A. E. Astin, Scipio ~milianus, p. 142-143). Il ressort d'Appien que certains Romains jugeaient à propos de mettre fin à cette guerre interminable. page 64 398. Ce stratagème n •est connu que par Appien. 399. Cette peuplade habitait au nord du Duero: cf. R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Ta"aconensis (1989), p. 115 sq. 400. On ne sait presque rien de cette campagne contre les Vettons (peuplade peu connue de la region de Mérida en Estremadure) et les Callaïques. Voir Schulten, Viriatus, p. 226; de Sanctis, 4, 3, p. 231; H. Simon, o. c., p. 127; Gundel, Legio VII Gemina (1970), p. 125-126. page 65 403. Il ressort de Strabon, 3, 3, 1, qu'il avait pour bases les villes de Môron et d'Olisippo, sur le Tage, qu'il avait soigneusement fortifiées. page 69 415. Sur cet elogium de Viriathe, voir l'analyse de H. Simon, o. c., p. 135, n. 69 et 136-137. Les thèmes développés par Appien reapparaissent chez d'autres auteurs: Tite-Live, Per. 54, qui le qualifie de vir duxque magnus; Orose, 5, 4, 14; Eutrope, 4, 16; Florus, 1, 33, 15 pour qui Viriathe, si la Fortune lui avait souri, aurait été «le Romulus de

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NOTES COMPŒMENT~

l'lbérie»; Velleius Patcrculus, 2, 1, 3; Justin, 44, 2, 7; Diodore surtout (33, 1, 21 ), qui insiste sur ses talents de gén6ral, son équité dans la répartition du butin et l'absence de toute mutinerie dansune année où le sentiment national était absent. Ce dernier lieu commun apparaît ailleurs à proposde l'année d' Annibal. - Sur la légende de Viriathe, voir Schulten, Viriatus, p. 234-235; Z. W. Rubinsohn, o. c., p. 191193. 416. Cf. supra, n. 85. 417. Sur la deditio de Tautalos (ou Tautamos), voir Diodore, 33, 1, 4; de Sanctis, 4, 3, p. 232-233; H. Simon, o. c., p. 138.

page 70 420. Cf. Valère Maxime, 9, 3, 7: Nam Q. Metellus, cum utramque Hispaniam consul prius, deinde pro consule paene totam subegisset ... Le même insiste ailleurs (7, 4, 5) sur les difficultés de l'entreprise: itinera magno impetu ingrediebatur deinde alias atque alias regiones petebat: hos obsidebat montes, paulo post ad illos transgrediebatur. - La chronologie est très incertaine. On place généralement au printemps de 142 av. J. C. 1'offensive résuméepar Appien, ce qui reviendrait à dire que notre auteur a sauté la première année de Metellus en Ibérie (cf. H. Simon, o. c., p. 105, n. 6). 421. Termentia ou Termes: Santa Maria de Tiermes, au sud du Duero (province de Soria). L'oppidum occupait un rocher malaisément accessible, à 1220 m d'altitude. Voir Schulten, FHA, 4, p. 33; Numantia, 1, p. 132-133; J. M. Roldan Hervas, ltineraria Hispana (1975), p. 274; B. Bôttger, Archiologische Forschungen in Spanien, Klio, 10 (1988), p. 213; R. Tovar, lberische Landeskunde, 2, 3 Ta"aconensis (1989), p. 371 sq. Je n'ai pu consulter la monographie de T. Ortega, Tiermes. Ciudad rupestre celtibero-romana (Madrid, 1980). 422. Le site est bien connu depuis la publication monumentale de Schulten, Numantia, Die Ergebnisse der Ausgrabungen, 1905-1912, München, 1914-1931, tome 2. Résumé dansRE, s.v. Numantia. 423. Le Duero et son affluent, le Merdancho. L'oppidum occupait un plateau escarpé, juste au confluent. Voir la description de Florus, 1, 34: Numantia quae sine muro, sine turribus, modice edito tumulo apud flumen sita ... 424. Sur ces ((chevaux de frise» de pierre brute, caractéristiques des fortifications celtibères, cf. H. N. Savory, Spain and Portugal, the prehistory of the lberian Peninsula (1968), p. 254-255 avec illustration. 425. 4000 guerriers seulement selon Tite-Live, Per. 56; Florus, 1, 34; De viris ill., 59. Mais ce chiffre ne vaut probablement que pour les dernières années de la guerre. 426. Une autre tradition, citée par Valère Maxime, 9, 3, 7, prétendait que Metellus, par jalousie, avait licencié ses troupes aguerries et

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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saboté tout cc qui pouvait l'être afin de compliquer la tâche de son successeur. 427. Selon Schulten, Q. Pompcius avait établi son camp au Cerro de Castillejo, au nord de Numance: cf. Numantia, 3, p. 181. 428. Le texte est conjectural.

page 72 434. Personnage inconnu par ailleurs: cf. Broughton, o. c., 1, p. 480. 435. S'il s'agit de soldats arriv6s en lb6rie avec Metellus Macedonicus au printemps 143 (cf. 76, 322), fç demandeà être corrigé. Si on conserve cc chiffre, les vétérans ne représentaient qu •une partie de l'armée de Pompcius, sans doute la moins nombreuse, puisque la Citérieure avait été calme entre 149 et 144. 436. Orosc (S, 4, 13) paraît faire allusion à cet épisode: Pompeius .. .accepta maxima clade discessit, non solum exercitu pane pro/Ugato, verum etiam plurimis nobiUum qui ei militiae aderant interemptis. page 73 438. Les exigences de Pompcius diffèrent chez Diodore, loc. cit.: les Numantins s'engagent à livrer leurs anncs, trois cents otages, neuf mille manteaux, trois mille peaux de bœuf, huit cents destriers. Les habitants de Tenncntia acceptent les mêmes conditions de paix. Il n'est pas question d'argent. Ces trente talents auraient-ils quelque rapport avec le procès pourconcussion intenté à Pompcius 1 439. Cf. Orose, 5, 4, 21: infame fœdus; Eutrope, 4, 17: pax ignobiUs; Velleius Paterculus, 2, l, 4: turpissima foedera. 440. Il pouvait difficilement nier avoir négocié avec les Numantins. Mais si les trente talents n'étaient pas destinés au trésor public, on conçoit son embarras et ses dénégations. Appien (ou sa source) a confondu deux questions distinctes: la validité du traité conclu par Pompcius et ses éventuelles concussions. page 74 442. Appien est notre seule source: cf. de Sanctis, o. c., 4, 3, p. 243-245. 443. L'attentisme de Popilius fournit un répit aux Numantins. Appien passe sous silence les revers essuyés par Popilius devant Numance selon Tite Live. Cf. Per. 55: M. Popilius a Numantinis, cum quibus pacem factam inritam senatus censuerat, cum exercitu fusus fugatusque est; Ep. Ox., l. 222: a Numantinis clades accepta. Frontin, Strat., 3, 17, 9, suit la même tradition. 444. Cf. Plutarque, Ti. Gracchus, 5: fitnt8Eiç yàp µaxa1ç µeya-

Â.a1ç.

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NO'IES COMPLÉMENTAIRES

445. Les Cantabres (qui n'étaient pas encore sujets de Rome)babitaient au nord des Vaccftns. Sur cette population voir l'article, très documenté, de J. M. Salana Sainz, Los C4ntabros: territorio y costumbrcs, Hispania Antiqua, 16 (1992). p. 7-54. 446. Cf. Plutarque. loc. cit.: VUIC'tOÇ tdutmv 'tO cnpa't61t&6ov. 44 7. Sur la colline de la Gran Atalaya. Plutarque dit seulement qu'il se réfugia ≤'t61touçXŒÂ&xoùc; 1eai6uicp&uçtvoô1efxoV'tac;. 448. Florus (1, 34, 5) prétend même que les Romains durent livrer leurs armes, Eutrope (10, 17, 2) qu'ils furent contraints de passer sous le joug. Appien passe sous silence le rôle joué par le questeur Ti. Gracchus dans ces négociations, connu par Plutarque, Ti. Gracchus, 5. Voir M. Gwyn-Morgan et J. A. Walsh, Ti. Gracchus, the Numantine affair and the deposition of M. Octavius, Class. Phil., 73 (1978), p. 201, n. 3. 449. Cf. Orose, 5, 4, 20: fœdus turpissimum; De viris ill., 64, 1: fœdus flagitiosum; Velleius Patcrculus, 2, 1, 3: turpissima fœtkra; Tite-Live, Per. 55: pax ignominiosa. 450. M . ..Emilius Lepidus Porcina prit son commandement au cours de l'été 137 av. J. C.: cf. H. Simon, o. c., p. 164. 45 l. Orose, 5, 5, 13 parle lui aussi d'une «guerre injuste» et qualifie les Vaccftns d'innoxiam gentem et supplicem. 452. L. de Castro Garcia, Hispania Antiqua, 3 (1973), p. 423 sq.• étudie les routes reliant Pallantia (Palenzuela) à Numance par la vallée du rio Arlanza et les sources du Duero.

page 75 457. Il ressort de ce passage que l'obésité de Lepidus, ridiculisée par Diodore (33, 27) ne l'empêchait pas d'avoir des vues pénétrantes servies par beaucoup d'obstination. 458. Ce légat n'est pas autrement connu. Cf. Broughton, 1, p. 488, n. 6, qui hésite entre C. Fulvius (cos. 134) et M. Fulvius (cos. 125). page 77 464. Dion Cassius (loc. cit.) lui prête d'autres arguments: il invoquait la nécessité, le nombre des Romains sauvés par ce traité, et aussi le fait que Rome n'avait rien perdu de ses possessions ibériques. Selon Dion Cassius, les Numantins eux aussi s'en prenaient à Q. Pompeius, dont ils rappelaient la déloyauté. 465. Cf. Cicéron, De Rep .• 3, 28; De off., 3, 109; Orose, 5, 4, 20; Velleius Paterculus, 2, l, 3. 466. De sinistres présages avaient d'ailleurs accompagné le départ de Mancinus pour l'lbérie: cf. Tite-Live, Per. 55; Valère-Maxime, 1, 6, 7; De viris ill. 59. 467. Voir N. Rosenstein, /mperatores victi: the case of C. Hostilius Mancinus, Class. Ant., 5 (1986), p. 230-252, dont il ressort qu'il s'agissait moins de punir Mancinus que de ne pas s'aliéner les puissances divines

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en rompant le ttaité qu'il avait conclu. Mancinus retrouva d'ailleurs par la suite sa place au sein du Sénat. 468. Cf. Tite-Live, Per. 56; Plutarque, Ti. Gracchus, 1, 4; Orose, 5, 4, 20; Velleius Paterculus, 2, l, 5; De viris ill. 59. Les Fétiaux le conduisirent nu, les mains liées derrière le dos, devant les portes de la ville, où il demeura exposé jusqu'au soir. -Cicéron (De Orat. l, 181) qualifie Mancinus de nobilissimus atque optimus vir et vante ses qualités de pudor, probitas, fides. Voir H. Simon, o. c., p. 157, n. 33. Appien a pu voir à Rome sa statue, signalée par Pline, N. H., 34, 18.

page 78 471. Cf. Plutarque, loc. cit. 472. Attale li de Pergame, Antiochos VII Sidetes, Dejotaros, Micipsa (qui envoya en Ibérie le jeune Jugurtha) fournirent des contingents, comme d •ailleurs les Etoliens. 473. Cette cohors amicorum témoignerait de l'influence exercée sur Emilien par les institutions des royaumes hellénistiques: cf. de Sanctis, 4, 3, p. 260-261. 474. Plus connu sous le nom de Q. Fabius Maximus Allobrogicus: mais sa victoire sur les Allobroges ne fut remportée qu •en 121 : cf. Broughton,l, p. 491. Faut-il conclure de ce détail qu' Appien suit un auteur antérieur à 121? page 79 477. Cf. Plutarque, Apophtegm. reg. et imp., 16: µavnaç eOOùç tçftÂClaewcai8ûtaç. 478. Cf. Plutarque, loc. cit.; Tite-Live, Per. 51; Polyen, Strat. 8, 16, 2. 479. Cf. Plutarque, Loc. cit.; Polyen, Loc. cit. 480. Cf. Rutilius Rufus, fr. 13 Peter: primum contra consuetudinem imperatorum ipse pro Lectis Lecticis utebatur. Mais les fouilles de Schulten ont prouvé que, dans son camp devant Numance, Scipion disposait d'un triclinium: cf. H. Simon, o. c., p. 177, n. 89. 481. Cf. Polyen, Strat., 8, 16, 2; Plutarque, Loc.cit. page 80 482. On situe d'ordinaire ces exercices dans la vallée de l 'Ebre. 483. Cf. Tite-Live, Per. 51; Végèce, 3, 10; Florus, 1, 34, 8. 484. Sur ces marches, cf. Frontin, 4, l, l; Tite-Live, Per. 51. 485. Cf. de Sanctis, 4, 3, p. 263; H. Simon, o. c., p. 181 sq. 486. En mai-juin 134: cf. Schulten, FHA, 4, p. 70-71. La moisson est précoce en Ibérie. page 82 490. Cf. Broughton, 1 p. 491 et 494, n. 3; de Sanctis, 4, 3, p. 237.

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

me

491. Scipion avait mis cette tactique au point lors de la guerre punique, comme on le verra dans le Livre Africain. 492. Le rio Pimerga selon Schulten, loc. cit. et L. de Castro Garda, o. c., p. 436. page 84 496. Fils de Paul Emile, consul en 145. Il avait déjà commandéen Ibérie contre Viriathe(cf. supra, §273 sq.). Voir Broughton, 1, p. 491 et RE, VI2s. v. Fabius 109 • 497. Définissant le caractère des Celtibères, Strabon (3, 4, 17) souligne leur courage, leur cruauté et leur fureur sauvage. 498. Cf. de Sanctis, 4, 3, p. 273; H. Simon, o. c., p. 184 sq. 499. En fait cinq forts, et deux camps. Voir Schulten, FHA, 4, p. 75, et, plus détaillé, Numantia, 3, p. 45 sq. - Résumé des travaux de Schulten dans de Sanctis, 4, 3, p. 270-272. 500. On doit supposer ici une assez longue lacune. 501. Il est clair que Scipion avait demandé aux cités hispaniques, alliées ou sujettes de Rome, l'envoi d'auxiliaires qu'il occupa à des travaux de terrassement. 502. Soit environ 4, 5 lem. Cf. Orose, 5, 7, 4: Numantia autem in tumulo sita haud procul a flumine Durio tria milia passuum ambitu muri amplexabatur, quamvis alii adserant eam et parvo situ et sine muro fuisse. 503. Les signaux lumineux étaient depuis longtemps utilisés dans le monde grec et Polybe, présent au siège de Numance, avait amélioré le système de transmission: cf. Y. Garlan, Recherches de poliorcétique grecque (1974), p. 375-376. 504. Cf. Orose, loc. cit.: fossa etiam circumdedit, cuius latitudo pedibus decem, altitudo viginti fuit, ipsum deinde vallum sudibus praestructum crebris turribus communivit. - Le plèthre équivalait à cent pieds. -Sm ces lignes de fortifications, voir Schulten, Numantia,3, p. 76 sq.; 85 sq. 505. Cet étang, aujourd'hui asséché, se trouvait selon Schulten entre Castillejo et Travesadas. page 87 510. Le Livre Africain met lui aussi en valeur l'inlassable activité d'Emilien lors du siège de Carthage. 511. Celtique Rectugenos? Voir Florus, 1, 34, 15; Valère-Maxime, 3, 2, ext. 7; de Sanctis, 4, 3, p. 274. Ses «amis» sont probablement ses «clients», au sens celtique du terme: cf. R. Etienne, Le culte impérial dans la péninsule Ibérique, p. 61. 512. Les serviteurs avaient semble-t-il pour tâche de transporter et de monter l'engin. 513. Probablement Cantalucfa (55 km à l'ouest de Numance): cf. Schulten, FHA, 4, p. 80; H. Simon, o. c., p. 187.

NOTES COMPLÉMENTAIRES

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page88 514. Dans certaines circonstances, les Arévaques coupaient la main droite des ennemis vaincus: cf. De viris ill., 59. 515. Cet anthroponyme est probablement fautif, car c'est le radical arav - qui a servi à former divers noms celtiques attestés épigraphiquement: cf. Hisp. Ant., 15 (1991), p. 57-58; ibid., 17 (1993), p. 66-67. 516. Il exigeait une deditio sans le moindre adoucissement prévisible: cf. A. E. Astin, o. c., p. 153. page89 518. Je ne suis pas sOr du sens qu'il convient de donner ici à «mageirion». Normalement, ce terme (attesté dans de nombreuses inscriptions) désigne la «boucherie» d'un sanctuaire: voir J. et L. Robert, B.Ep., REG 91 (1984), p. 506, n° 480 qui parlent «d'un lieu indispensable dans un sanctuaire à la fois pour l'abattage des victimes et pour la préparation de la consommation des viandes». M. C. Hellmann, Recherches sur le vocabulaire de l'architecture grecque d'après les inscriptions de Délos (1992), traduit par «cuisine pourbanquetsrituels». Cf. également G. Berthiaume, Les rôles du mageiros. Etude sur la boucherie, la cuisine et le sacrifice dans la Grèce ancienne (Leyde, 1982). Mais dans l'Egypte Romaine, dont Appien est originaire, mageirion désigne bien la cuisine privée des grandes maisons bourgeoises: cf. G. Husson, Oikia. Le vocabulaire de la maison privée en Egypte d'après les papyrus grecs (1983), p. 160-162. Je crois donc qu'Appien songe aux «cuisines» des maisons privées, ou du moins qu'il interprète ainsi sa source, probablement latine. - Dans le Livre Mithridatique, Appien signalera des cas d'anthropophagie à Athènes, lors du siège de la ville par Sylla, et dans le camp de Mithridate durant le siège de Cyzique. 519. Strabon (4, 5, 4) note que le cannibalisme était parfois pratiqué en cas de nécessité. Voir aussi Valère-Maxime, 7, 6, ext. 2. 520. Appien ne dit rien de l'ultime sortie tentée par les assiégés, ivres de cervoise: voir Orose, 5, 7, 16-18 et de Sanctis, 4, 3, p. 275, qui juge l'épisode peu crédible. page 92 531. Procédure banale de la pacification romaine: cf. Bibracte abandonnée au profit d'Autun. J. C. Béal, Bibracte-Autun, ou le transfert de capitale: lieu commun et réalité archéologique, Latomus, 55 (1996), p. 344-345, critique l'interprétation donnée parfois de Strabon, 3, 3, 5 (ta1tEtvcoaavtEÇ rendu par «ayant fait descendre dans la plaine), mais sans prendre en considération ce passage d'Appien. 532. Cette ville n'est pas autrement connue. Voir R. Tovar, /berische Landeskunde, 2, 3 Tarraconensis (1989), p. 339.

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NOTES COMPLÉMENTAIRES

page 93 539. Cette ville, dont le nom est celtique, n'est pas exactement localis=: cf. R. Knapp, o. c., p. 20; R. Tovar, lberische Landeskuntk, 2, 3 Ta"aconensis (1989), p. 227. rose, 5, 23, 11, la nomme Belgida. On connait toutefois une ville d' Astu.rie appel6e Belgido ou Bergido.

TABLE DES MA'I1ERES NOTICE ..................................•................................

VII

VII 1. La composition du Livre Ibérique .............. 2. La chronologie des événements ................. . XXX sources du livre .................................... . XXXIII 3. 4. u texte ....................................................... . XLill

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BIBLIOORAPHIE.•.•••••..•....................•.......•............... CONSPECTVS SIGLORVM

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LXXIII LXXVII

TRADUCTION

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