Anciens jeux de cartes à Malmedy et aux environs

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Anciens jeux de cartes à Malmedy et aux environs

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ANCIENS

JEUX DE CARTES ' A MALMEDY ET AUX ENVIRONS

Marc DEWART

Edition du Royal Club Wallon

Marc DEWART

Anciens jeux de cartes à Malmedy et aux environs

Malmedy, éd. du «Royal Club Wallon», 2004.

© 2004, R.C.W. et Marc DEWART, tous droits réservés. Imprimé en Belgique.

Préfaces

Les jeux de cartes sont des «biens cu lture ls» . Certes, des biens immatériels. Mais leur « production », leur diffusion, leur longévité sont de précieux marqueurs de l'histoire des mentalités et de la culture. Les jeux de cartes touchent à la la ngue - car ils engendre nt souve nt des expressions spécia les et plutôt colorées - , il s touchent aussi à !' histoire politique et intellectue lle. Leur étude est toujours riche d' e nseignements. Mais ces « biens culturels » transmis par les générations antérieures sont fragiles, pa rticul ièrement à l'heure de la « mondialisation» qui tend à unifo nniser les pratiques. Tl est des jeux de cartes devenus internationaux, p résents dans les manue ls du monde entier. Mais il est des jeux « nationaux », plus ou bien servis par l' édition, et des jeux plus locaux , ce qui ne veut pas dire moins intéressants. Le mérite de Marc Dewart tient da ns la présentation détaillée qu ' il fa it dans ce livre des jeux de cartes joués à Malmedy et alentours. Certains de ces jeux étaient totalement incmmus hors de la région ou n' avaient pas reçu un traitement aussi préci s. Mais Marc Dewart ne s'est pas contenté de décrire ces jeux et d' en expliquer les règles. Il offre aussi de précieuses informations sur leur popularité et leur con texte culturel, ainsi qu'un véritable trésor des mots dialectaux util isés dans ces jeux . U ne mine pour les linguistes ! Enfin, tout cela serait resté limité à l' horizon local si Marc Dewart n'avait recherché - et trouvé ! - des matériaux comparatifs da ns les régions voisines. Cette ouverture, trop rare, do nne à son livre une couleur particulière et en fait un précieux apport à ! ' histoire culure lle. Une démarche qu'on aimerait voir plus largement suivie. Thierry DEPAULIS Chairman de I' International Play ing -Card Society, ancien président de l' Association des Collectio1111eurs de Carres et Tc11v 1s (France), historien des jeux.

John McLEOD Membre du Consei1 de I' /111ernationa/ Play i11g -Card Society, créateur du si te «pagat.com» consacré aux jeux de ca rtes viva nts du monde entier.

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C' èst tot djône quu lès cwârdjeûs m'ont pris. Mès parints djowft lu gamèle avou mès mononkes èt mès matantes èt, après kéke timps, on m 'dumanda du.fé lu cwatrfme : dj 'avéve doze ans. Après l ' guère, èco fivart djône, i mankéve on cwatrime à l' brûte do Bristol. Après one vinténe d ' ânés, lès pus vîs nos-ont cwité p ' aler djower .... làhôt. Dju continuwa à djower du vins p luzieûrs cafés, lu brûte, lu gamèle, lu skât ', lu couyon. Po /' momint, dju djowe co treûs fis par saméne avou dès-amis . Lu dîmègne, c' èst lu belote, mèrcrèdi èt vêrdi, lu couyon. Dju m 'rafiye à chake fi d ' èsse assis avou zèls : on djowe âs cwârc/jeûs, mès on djâze avou du sès mèhins èt dès djèrènès novèles qui s 'passèt à Mâm 'df. Félicitâcions à nasse Marc po ci bê lîve !

Henri MAYERES (Malmedy, 1927)

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A tous les joueurs de cartes passionnés, à tous ceux qui m 'ont transmis leur savoir et avec qui, chaque semaine, j'ai partagé - et je partage encore - des moments de bonheu1:

Introduction

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A. Les jeux de cartes 1. Histoire sommaire des jeux de cartes Même si la preuve tangible de !'existence des j eux de cartes n' apparaît qu 'à la fin du XIV0 siècle au travers de textes qui en interdisent ou en limitent la pratique afin d' emayer la ruine et la tric heri e qui s'ensuivent, il semble bien que leur origine soit beaucoup plus lo intaine et que leur introduction s imultanée dans plusieurs pays d ' Europe a it connu un succès immédiat à travers toutes les couches de la population 1 • Certains rois de France, dont Henri IV, frirent des joue urs passio nnés, mais le petit pe uple et les armées ne furent pas e n reste. Il est d ' ailleu rs pennis de penser que ces dern ières, en sillonnant! 'Europe, en paiiiculier lors de la GuetTe de Trente Ans, furent des facte urs non négligeables de l'essor et de la diffusion des jeux de cartes. A l' origine, les figures étaient peintes à la main sur du papie r ; certaines étaient riche ment enluminées. A pa11ir du xvc siècle, le recours à la xylographie permit de produi re des ca1ies e n p lus grand no mbre. Dès le XVIe siècle, les fabricants de cartes à jouer, nommés « ca11iers », se multiplient, et certains pays, dont la France et les Pays-Bas méridionaux, expo11ent leur production dans l ' Europe e ntière. A Malmedy, au cours de l'année 186 1, l' imprime ur malmédien Hubert Seius propose régulièrement à la vente« des caiies à j ouer de divers prix et qualités» dans la Semaine,

Journal de la Ville et du Cercle de Malmedy

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2. Les jeux de cartes en Wallonie malmédienne En 191 1, l'abbé Joseph BASTIN de mandait aux lecteurs de l'A rmonac wallon do!' Saméne 3 si certains termes wallons de jeux de ca11es attestés dans le Dictionnaire wallon-ji-ançais ( 1793) d ' Augustin .-Françoi s

' Pour l' aspect historique, voir notamment Frans GERVER, Guide de fous les jeux de caries, Bibliothèque Marabout, 1966, pp. 7 à 18, et David PARLETI, Th e Oxford Guide to Carel Cames, Oxford University Press, 1990, pp. 35 à 46. 2

Hebdomadaire francophone créé en 1848 pour la majori té romane de la popu lation. L'hebdomadaire survécut lors de la période de germani sation forcée des habitants. 3 P. 88.

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V ILLE RS 4 éta ie nt e ncore us ités. Et de citer pêl e-mê le e ntre a utres « drussètes » (caites à jouer),« coxhe »(as),« coxhète »(roi),« spinçon » (dame), « spinçonèt » (valet), « namure » (atout) 5, en espérant que ces tenues seraient encore attestés ! Deux cents dix ans plus tard, tant les v ieux jeux de cartes de la Wal lonie ma lmédiennc que le vocabulaire qui en est indissociable, sont largement v ictimes du déclin du parler wallon et du changement des modes de vie professionne ls et fa miliaux. Les distractions sont bi en plus nombreuses aujourd ' hui qu ' il y a 30 an s et l'essor extraordinaire de la té lévision a produit une « révo lution culturelle» en bouleversant ! 'organisation des loisirs. Par ai lleurs, les générations successives ne vivent plus sous le mê me toit, de sorte que la transmission du je u de cartes en famille disparaît. Enfin , les pè res de fa mille qui auraient e ncore le temps et l'envie de« taper le ca1ton » au café en sont largement détournés par les contraintes des ménages mode rnes où les épouses exercent elles-mêmes un métier. La chute du nombre de cafés sur la même période montre que la c lientèle ne les fréquente plus comme auparavant (1) 6 . La tentation était donc grande de faire tout au début de ce 3c mi ll énaire un état des lieux de ce qui est encore vivant ta nt dans la pratique des jeux que dans le vocabula ire qui y est associé. Le contenu de la très longue tradi tion oral e méritait d ' être fi xé par écrit précisément au moment où n'ayons pas peur des mots - l'hé ritage est menacé. D 'où l' idée pre miè re d'en collecter les règles a insi que le vocabula ire ava nt qu ' il ne soit trop tard, et de pe rmettre - qui sait ? - aux générations présentes et futures de s'aventurer à joue r! Mais une description si détaillée méritait d 'être complé tée par l'étude du cadre à la foi s historique, géograplùque et social dans lequel s' inscrit la pratique de ces j eux . Les j eux sont des êtres v ivants : il s na issent da ns un certain environnement, puis évoluent, conna issent un apogée et e nfin une

• L'abbé BASTJ se basait sur le manuscrit du dictionnai re. dont la meilleure édition a paru en 1999 (le Dictionnaire wallon-francois [Malmedy, J 793] d 'A11g11s1i11-Fra11çois VILLERS, édité par Jean LECHANTEUR, Liège, impr. George Michicls, 1999). i Orthographe de l' auteur. 6 Voir le point Ill ci-dessous pour la présentation des appels de notes.

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régression, e n foncti on de l'évolution du contexte. Chaque j eu possède aussi son profil de joueurs, ses inconditionnels et ses niches géographiques. On trou vera donc da ns ce livre des passages consacrés à la description des règles, à l' intentio n des amateurs de jeux de cartes présents et fu turs, et d ' autres, p lus narratifs, à la structure implicite, pour ne pas a lourdir le récit destiné a u lecteur s imple amateur d ' histoire et de fo lklore, tout comme de documents photographiques. La première démarche, calquée sur celle de l'abbé Joseph BASTIN, a consisté à relever les noms de jeux de cartes et le vocabulaire relatif à ceux-ci dans les deux dictionnaires traductifs de wallon malmédien, parus exactem ent à un siècle d 'i ntervall e: en 1793 pour celui d 'AugustinFrançoi s VILLERS 7 e t en 1893 pour celui de Hubert SCIUS 8 . Dans son Dictionnaire wallon~fi'ancois ( 1793), Aug.-Fr. Villers écrit sous l 'entrée« brûte » : «brûle, s.f., mariage, sorte de jeu [de cartes] ». La présence de cet artic le sous la plume d' Aug.-Fr. Villers permet de fa ire remonte r la pratique du jeu largement au-delà de 200 ans, sous l'ère des derniers princes-abbés ma lmédiens. En fa it, les j eux décrits c i-dessous sont tous implantés depui s longtemps dans la région ; ils sont très anciens, ou dérivent de jeux très anc iens . Le dictionnaire reprend au ssi les mots « pikèt, s .m. , [ ... ] piquet (so1te de jeu de caites) » et « piketer, v. intr. , jouer le piquet » . Q ua nt au Dictionnaire wallon-fi'ançais de Hubert SCIUS (1 893), il contient les articles sui va nts : « brûle, s. f., sorte de je u de ca1tes ; à ce jeu on appelle brûre, les roi et darne de même couleur ; bèle brûle, les roi et dame d 'atout ; pitite brûle, les valet et dame de même couleur » ; « coyon, s.m. , [ .. . ] j eu de caites »; « gamète, s.f., game ll e [ ... ] ; enje u » ; « houke-foûs, s.m., espèce de j eu aux cartes» ; « marièclj'e, s. m., mariage [ . .. ] ; a u j eu de carte : roi et dame de même couleur ».

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Op. cit. Dictionnaire wallon:fiw1ça is de Hubert Scius (1893), publié par A lbert L ELOU P, sous la direction d'Elisée LEGROS, Malmedy,« Le Pays de saint Remacle », 1963.

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11 mentionne a uss i I' « asmôsias · », équivalant au « smuusse-jas » en flamand , le « brelan » et le « pikèt » 9 . La recherche sur le terrain a permis de constater qu ' à l'exception de ces trois derniers j eux, tous les autres sont encore pratiqués 110 ans plus tard en Wallonie malmédie1me et que beaucoup de termes spécifiques aux jeux de ca1tes repris dans ce dernier dictionnai re sont touj ours bien vivants, mai s pour combien de temps encore? Car, hormis le couillon, toujours bien implanté, e t la brûte, qui bénéficie d'un récent petit rega in, ces jeux et le parler wallon qui en est le véhicu le disparaissent avec les anciens qui sont les seul s à les pratiquer encore. Les jeux de brûle, gamèle, couyon et houkejàû 10 ont en commun l'échelle de va le ur des cartes (as, roi, dame et valet valant respectiveme nt 4, 3, 2 et 1 point), ce qui permet de les relier de ce point de vue à des j eux fort a ncien s po ssédant la même caractér istique , e n parti c uli e r a u « Trumpf. club de brü tc aya111 so11 local au Bristol, au début des a1111ées ci11qua111e. De gauche ci droite : Joseph Ducomble, Per11a11d Limbourg (père), Charles Limbourg, Joseph Se.ffe1:

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Che:: Oscar el Laure Cofle11e (a vant-guerre). Eléo11ore Mertens. dite Laure. avait acquis le bie11 en novembre I CJ30. Ils 'agit de / 'actuel restaurant « Le Laure ». te1111 et baplisé ainsi par le fils cl 'En11i11 Degée. neveu de « La Laure».

Laure Collette (en tablie1) da ns son café. a vec Rober/ el A1111y Dell'alque .

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Photo du 20' anniversaire du 11 Club do l' brüte do londi »,parue dans Les Nouvelles de Malmedy du 6 septembre 1968. Les 110111s figure111 dam la 1101e 17. â la Jin du livre.

Fanion du « Club do I' brüte do londi », disparu au début des années 80.

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Hô1el du Globe. siège du « Club dol Brüte d' amon I' Râdèt ».

Le>. Vo ir la note 19 e11 .ftn d 'ouvrage.

Voyage du« Club dol Brüte cl' amon I' Râclèt »à Sedan en 1974.

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Che: « Kéithe » La/aire â la Jin des années trente. A partir de 1925, Emile La/aire (décédé en 1931) et son épouse Catherine Peters (dite