Agencer les multiplicités avec Deleuze 270569577X, 9782705695774

Issu d’un colloque de Cerisy consacré en 2015 à Gilles Deleuze, cet ouvrage expose les efforts joints de la jeune généra

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Agencer les multiplicités avec Deleuze
 270569577X, 9782705695774

Table of contents :
Introduction

I. FAIRE VARIER LES CONCEPTS

I. Un seul ou deux désirs ?, par Cintia VIEIRA DA SILVA

II. Les chemins du corps sans organes, par Kuniishi UNO

III. Subjectivités et lignes de fuite : sur l'amitié philosophique, par Fredrika SPINDLER

IV. Diagrammes : usages multiples, par Daniela VOSS

V. Subjectivations et désubjectivations, par Peter PÁL PELBART

VI. De la clinique à la musique : stéréotypies psychiatriques et ritournelles deleuzo-guattariennes, par Maël GUESDON

II. CRITIQUER LA REPRÉSENTATION

VII. Musique et modulation : vers une poétique du vent, par Silvio FERRAZ & Gustavo RODRIGUES PENHA

VIII. Sorcellerie et machinisme, par José GIL

IX. Entre totémisme aborigène et Umbanda brésilienne : empreintes, lignes de fuite et cristallisation des hétérogénéités, par Barbara GLOWCZEWSKI

X. Agencement-Candomblé et lignes de fuite brésiliennes, par Abrahão de OLIVEIRA SANTOS

XI. Ensembles et multiplicités, par Jean-Clet MARTIN

XII. De la métallurgie au cyborg : le problème de la technologie chez Deleuze et Guattari, par Tatsuya HIGAKI

III. TRACER DES DIAGRAMMES

XIII. Circle Process : subjectivation et processualité musicale, par Pascale CRITON

XIV. En quoi le capitalisme est-il une axiomatique ?, par Tatiana ROQUE

XV. Énoncés des organisations de pouvoir/idéologies : une différence entre la philosophie de Deleuze et Guattari et la pensée de Marx, par Rodrigo GUÉRON

XVI. Perspective, cadre, philosophie : la peinture d'après Deleuze, par Gregory FLAXMAN

XVII. Deleuze, devenir-ingénieur, par Georges AMAR

XVIII. Sémiotiques et micro-esthétique du design, par Vincent BEAUBOIS

IV. PRENDRE SOIN DES LIGNES DE FUITE

XIX. "L'art est ce qui résiste même si ce n'est pas la seule chose qui résiste", par Raymond BELLOUR

XX. Le presque rien qui tourne en ligne d'expérimentation, par Ana GODINHO

XXI. Danser, expérimenter, par Nadia VADORI-GAUTHIER

XXII. La schizoanalyse ou la révolution copernicienne de l'inconscient, par Florent GABARRON-GARCIA

XXIII. Poétiques de l'immanence : Deleuze, Beckett…, par Annita COSTA MALUFE

XXIV. L'effet Guattari, par Andrew GOFFEY

XXV. Deleuze : le vrai-fuyant, la poésie, les Grecs, par Arnaud VILLANI

V. EXPÉRIMENTER MICROPOLITIQUEMENT

XXVI. Deleuze politique avant la rencontre avec Guattari, par Anne QUERRIEN

XXVII. Le cinéma comme "art du contrôle" : stratégies du retournement, par Dork ZABUNYAN

XXVIII. Le devenir d'Olivia au pays de Shonda, par Kpêdétin Mariquian AHOUANSOU

XXIX. Du "mass media act" à la création des médias libres, par Viviana LIPUMA

XXX. La perversion deleuzienne : prise et méprise, par Frédéric RAMBEAU

XXXI. "Machines de guerre" : entre concepts, institutions et expérimentation sociale, par Valentin SCHAEPELYNCK

XXXII. Pour une nomadologie des institutions, par Eugene W. HOLLAND

Bibliographie

Les auteurs

Citation preview

Agencer lesmultiplicités avec Deleuze

Ouvrage publiéaveclesoutiende l'Université Paris8 etdel'Université ParisNanterre, toutes deuxmembres del'Université ParisLumières.

LES COLLOQUES L CERISY

NIVERSITÉ

PARSS NI

Agencer lesmultiplicités avec Deleuze

Université e Paris Nanterre

®.

Sousla directionde

ANNE QUERRIEN,ANNE SAUVAGNARGUES ET ARNAUDVILLANI

www.editions-hermann.fr

ISBN:9782705695774 ©2019,HermannÉditeurs, 6 rueLibrouste,75015Paris

Toute reproduction oureprésentarion decet ouvrage, intégrale oupartielle, serait illicite sans l'autorisation del'éditeur etconstituerait unecontrefaçon. Lescasstrictement limités àl'usage privéoudecitation sontrégis parlaloidu11mars1957.

db

Hhermmzrmmrs Depuis 1876

Introduction

C'estungrand amour pourDeleuze, eruneforme d'inconscience (lesdeuxsont liés dans la foliecréatrice que décritl'/ondePlaton)qui ont pu décidertroischercheurs,Anne Querrien,Anne Sauvagnargues et Arnaud Villani, relativementindépendants lesunsdesautres,à se

lancerdans l'aventured'un «colloqueDeleuze ».Si l'onyréfléchit en effet, lesobstacles sontconsidérables. Si l'onpeutadmettre pour plausible queDeleuzen'aitquetrèsrarement fréquenté lescolloques pour la raisonqu'ilendonne,àsavoir se préserver untemps detravail de recherche etd'écriture,il fautaussiajoutercequ'il n'acessé de redire : queles discussions, certainstypesdediscussions entout cas,ne

l'intéressaient pas.Etencoremoins les objections, comme il leditavec

Guattari dansRhizome. Pourtant, quiécoute ses cours grâce àInternet

K © ; Photographiedegroupelorsdu colloquede Cerisy Deleuze: virtuel,machines €?lignesdefuite qui s'esttenudu 1°au 11août 2015 © ArchivesPonrigny-Cerisy.

serendbiencomptequedesétudiants yintervenaient, etqu'il leur répondait. Certains,comme le légendaire Georges Comtesse, présentaientsystématiquement des objections”. Il fautinsister surlefaitque ladiscussion avecDeleuze n'avait riend'undébat démocratique destiné à fabriquerdu consensus comme le proposent Habermas ou Rorty. I s'agissait plutôtd'unprélèvement auvolpour aller plus loin, d'où la nécessité que les trajectoires desproposnesoientpasdirectement opposées, quel'amitiélocalenesoitpascelledeprétendants àunobjet commun,maiscommeun concertdefrôlements déterritorialisés. Lesénoncés desunserdesautresseconjuguaient dansunemachine d'écriture alimentéepardesproposetdespointsdevuemultiples, qu'une érudition formidable «mettait enmusique ».Noussavons bien aussiqu'il nelisairpaslescommentaires critiques sursesouvrages, etqu'il lui arrivaitdedemander à sesexégètes desedétourner de lui etdecontinuerleur« propre»travail,sans« perdreleurtemps”». ILestenfinévidentquela formecanonique d'uncolloque,malgré l'organisation sansfailles,l'audience internationale etla mémorable

1.Sansdoutepourmieux s'imprégner desaparole, puisqu'il s'est installé comme «schizoanalyste ». 2. En témoigneunelettre à ArnaudVillani datéededécembre1981,publiée

dansGillesDeleuze. Leitres esautres textes, éd.préparée parDavidLapoujade, Paris, Éditionsde Minuit, coll. « Paradoxe »,2015,p. 79-80.Deleuzeécritnotamment : * Ne vous laissez pasenchanter ni entèterparmoi.»

à

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AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECD'ELEUZE

tradition des décades deCerisy pouvait constituer unréel obstacle à

desbifurcations inventives. Aureste, siuncolloque àCerisy comporte toujours unedimen-

sionprospective, voireunobjectif(parexemple, l'idée que les études deleuziennes enFrancesedéveloppent davantage), depuislepremier colloque Deleuze, organisé parleCollègeinternational dephilosophie en 1997,etnotamment parFrançoise Proust,lesentiment prévaut que les rencontres deleuziennes sefontenordredispersé, animées par des philosophesaimantéspar cettepensée,mais mal reliésentre

eux: lerhizomeDeleuze a sesdiscontinuités. LecoursdeDeleuze à

Paris 8-Vincennes puisSaint-Denis rassemblait déjà uneaudience hétéro-

cite.Lesartistes, chercheurs ensciences sociales, militants politiques, philosophes, venaient glaner desconcepts pour leurs propres inventions,

mais nulnecherchait àrendre habituel l'aspect étrange etintempestif

d'une«pensée à voixhaute»dontl'impact,pour les présents, étaic formidable‘. Deleuze construisait avecClaireParnet, entreautres, son

inscription dans l'histoiredelaphilosophie. Dialogues, Pourparlers, L'Abécédaire, sontd'excellentes voiesd'accès à unepensée dontles

flamboyances posent encore denombreuses énigmes. D'autant que l'attelage avec unnon-philosophe, desurcroit militant politique connu, FélixGuartari, continuait defaireobstacle àl'intégration deDeleuze

dans l'enseignement deladiscipline philosophique.

Unenouvelle génération d'enseignants-chercheurs enphilosophie

adepuis peuprislerelais, notamment àl'Université deParis-OuestNanterreetà l'UniversitéParis8-Vincennes à Saint-Denis,dont

«l'espace Deleuze »,oùsesoutiennent lesthèses, incarne fermement unevolonté decontinuité. Ensoutenant leprésent colloque de Cerisy, l'UniversitéParisLumières, communauté formée parcesdeux

universités, leCNRSettreize institutions culturelles delarégion Île deFrance, l'abienofficialisé. Letrioconstitué pour la direction de cecolloque Deleuze reflète cette diversité dumonde deleuzien. Anne Querrien, dontonpeurentendre sur les enregistrements quien ontété

conservés lesinterventions fréquentes auxcours deDeleuze, est une non-philosophe, unesociologue intéressée parlesproblèmes urbains et parl'instirution-école, maissurtoutformée parletravailencommun

avecFélixGuattari danslesmouvements politiques, etauCERFI,

Introduction 7

JeCentre d’études, derecherches etdeformation insticutionnelles. Elle a participé, danslecadredesontravailprofessionnel, àdenombreux

colloques deCerisy, notamment surla mobilité urbaine et lesnouvelles visions de la ville,à l'èredesmétropoles. Cette fréquentation assidue deCerisy, le plaisirrenouvelé deséchanges dans cecadre historique, luiontdonné envie d'yassister unjouràuncolloque Deleuze. Arnaud Villani, professeur dephilosophie pendant plusdequarante ansen

classes préparatoires littéraires (Lettres supérieures, puisPremière supérieure), aulycée Masséna deNice,estconnu detouslesdeleuziens poursacorrespondance avec Deleuze, etsonlivre: Laguépe et l'orchidée. Uneprofonde affection, visible dans ces lettres, enarésulté,

etlerêve également d'uncolloque Deleuze àCerisy, qu'ilfréquentait plucôtpourdesrencontres liéesà lapoésie ouàlaGrèce antique. AnneSauvagnargues, quant elle, faitpartie delanouvelle générationd'enseignants-chercheurs mentionnée plushaut.Elleaanimé pendant unedizaine d'années, àl'ENSdelarued'Ulm,unséminaire extra-universitaire surlapensée deDeleuze, etelleestl’auteur de plusieurs livressurDeleuze enfrançais (sans compter sestraductions enanglais) : Deleuze, del'animal àl'art,Deleuze etl'art,L'empirisme transcendantal, Aumoment ducolloque, elledirigeait ledépartement dephilosophie del'Université Paris Nanterre, etparticipait auxactions administratives demiseenplace delacommunauté universitaire Paris

Lumières. Elleestunedesrares philosophes françaises àparticiper fréquemment auxrencontres internationales autour de cette pensée. Lessuites d’unelongue maladie l’ontempêchée d’avoir la forcede retravailler àl’écrit lerexte desaconférence, quiportait sur l'écologie desimages, c'est-à-dire surunenouvelle manière demettre l'arten rapport avec lesindividuations sociotechniques entenant compte du rôlecrucial ducinéma. Lesurgences internationales nousont incités àpublier les actes ducolloque sans cette contribution novatrice etàen assumer laconfection entière sans attendre lecomplet rétablissement denotre collègue. C'estenlisantattentivement Deleuze qu'AnneSauvagnargues a

rencontré leslivres deFélixGuattari; pouranalyser cenouvel auteur qu'estD&G,elle ainvitéAnneQuerrien àsonséminaire del'ENS,et

c'est comme élargissement estivaldeceséminaire, devenu «DeleuzeGuattari »,ques’est d’abord construit leprojet decolloque deCerisy.

3.Cesentiment quetoutcommentaire delapensée deleuzienne commence par trahirun secret,par« vendrela mèche»,ArnaudVillani l'aexprimédansLa guêpe

etl'orchidée.

4.Unecollection desesarticles vient d'être publiée sous Levitre ArtMachines aux éditions Bloomsbury auRoyaume-Uni,

à

:

:

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Introduction 9

AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC D'ELEUZE

Aumême moment, après avoir participé dans celieumythique aux

colloques Kafka, Marie-Claire Bancquart elJames Sacré, Arnaud Villani

proposait àÉdith Heurgon, directrice duCentre culturel international

deCerisy-la-Salle, l'organisation d'un colloqueDeleuze. AnneQuerrien

avancé la fondation desrencontres dePontigny erCerisy, etbattu

enbrècheparlaviemoderne, permet magnifiquement desemettre en retrait.Ainsi l'hétérogénéité desparticipants serecomposait en nouvelles constellations. Ce colloque a manifestement étél'occasion

a proposéunesériedejournéessurlesgrandsdomainesquetravaillaient

d'un«élargissement ».À l'exception notable delarencontre d'Athènes

Deleuze etsesélèves l'ouverturedelaphilosophie aumonde, lecorps

en2015,D&G,ce «personnage »constituant l'«entre»deDeleuze et

virtuel, machines etlignes defuite.Lesétudiants enthèse dephilosophie auxuniversités deNanterre etdeParis8 ontétéle principalpublic dececolloque, tenudanslapremière dizainedu moisd'août2015, Laplupart deschercheurs etenseignants dephilosophie connuspour

Unesériededisparités, sciemment mises enplace ousimpleeffet du hasard,estd'abordvenueconjurer le risqued'unecélébration

sans organes, lasubjectivité, lamusique, lapolitique, la technique, Letitre choisi deconcert entre lestroisdirecteurs enestrésulté :Deleure :

leur travailavec etsurDeleuze n'éraient pasdisponibles. Onaretrouvé une caractéristique duséminaire Àl'ENS : une assistance francophone,

venant deroute laplanète (Japon, Chine, Corée, Australie, Brésil, ÉtatsUnis,Canada, Royaume-Uni, Suède, Autriche, Suisse, Portugal, ltalie, France). Lacommunauté desdeleuziens grecsetinternationaux avait

tenucolloque, fin avrildelamême année, àAthènes, sous ladirection deConstantin Boundas, etsousletitreDeleuze andGuattari:refrain

andfreedom etenfrançais Lesritournelles delaliberté. Lesactes présentés icireflètent tour à lafoisl'unité etladiversité descommunications rassemblées parcecolloque. On peutdirequ'il s'agit d'une disparation ausens deGilbertSimondon : chaque vision proposée del'œuvre deDeleuze estdifférente, prendappuisurun pointparticulier, mais l'ensemble, aimanté parcette œuvre, ypuisant saforce, donne de l'œuvre unevisionfidèle,bienqu'ellereste nécessai-

rement incomplète. Leprincipe d’une habitation àdemeure, pendant toute la durée deladécade, pour la plupart desintervenants etpour les organisateurs, afaitpartie desdispositifs quiontfavorisé leséchanges, grâce auxpromenades etauxrepasprisencommun,grâceaussiaux

soirées vidéo danslegrenier duchâteau”. Leprincipe deladécade, 5.L'unedessoirées magiques deladécade aétéconsacrée auvisionnage d'extraits defilmstournés parRaymonde Carasco avecsoncompagnon RégisHébraud. La soiréeétaitprésentée parcedernier,Cesextraitsétaienttirésd'unelonguesaga deseptvidéos,sousle cirreFilms Tarahumaras, évoquantunetentative derevenir

surlestraces duvoyage d'Artaud, Nousavons vudetrèsbelles images, notamment dansCiguri98,surlesdanses dupeyorl. Nousnepouvons iciqueciter,pourceux quecelaintéresserair, cestrèsbelles vidéos : 1"vidéo: Tarahumaras 78;Turuguri:

Tarahumaras 79;Los Pintos. 2°vidéo : Yumari 84;LosPascoleros 85.Yvidéo:Artaud

etlesTarahumaras 87.4°vidéo:Ciguri98:Ciguri99.5°vidéo: Tarahumaras 2003,

Guarrari’, bénéficiait d'une très faible reconnaissance dans lesrencontres internationales anglophones. Undesbuts ducolloque furderendre plus consistante, àcôtédeDeleuze etdeGuattari, certe troisième présence. convenue, voired'un«rombeau deGillesDeleuze” »,etdonner à la

réunion untourplusexpérimental. Erquidit«disparité »ditaussi, dans

lesillage deSimondon, « disparation ».Carl'hérérogénéité dugroupe desintervenants lui-même semblait pouvoir diviser le groupe endeux sous-groupes, qu'ilserait tropfacile decaractériser pardesoppositions dichotomiques jeunesvsplusvieux, admirateurs deDeleuze vsanciens

amis, deuxième ou troisième génération decommentateurs vspremier

cercledepionniers,aventurés dans l'étude decetteœuvredifficile

sans lesecours d’unelittérature secondaire, «relève »parfois timide vsconférenciers expérimentés. Si,àcegenre d'oppositions, Deleuze réservait sesmotslesplusdurs: «groscommedesdentscreuses », « filetsquilaissentpasser rouslespoissons »,etc, rien4priorine

«Lafélure dutemps »1et2.6"vidéo : Tarahumaras 2003, «Lafélure dutemps »,3et 4.7°vidéo : Tarahumaras 2003, «Lafêlure duremps »,5.Lesautres soirées vidéo ont euLes thèmes suivants : lespropos deFélix Guattari ecladanse butoàLaBorde, filmés parFrançois Pain;L'Épuisé deSamuel Beckett misenscène parMarcoCandore: les agencements créatifs etlesassemblages collectifs àBarcelone, réfléchis parGabriela Berti, TaniaMouraud, artisteinvitée, àanimé unesoirée surl'ensemble desonœuvre. Enfin,roujours ensoirée, CarloBengio ainvité àpenser ressemblances erdifférences delapensée avec laprise dedrogues. 6.«D&G »engage larecherche dansdemultiples directions, où«pointes de dérerritorialisations »,expression créée par Le andempourdésigner laproduction du mondecommemouvement, pourdéfricher denouveaux territoires. Ledark Deleuze surlequel onessaie d'attirer notreattention depuis lesÉtats-Unis netient paslaroute. 7.Cequ'aégalement réussi àconjurer l'ouvrage dumème titre, sousladirection deYannick Beaubatie (publié peudetemps après ledécès duphilosophe, auxéditions LesMillesources, donc lesiège estproche delavillégiature deGillesdans leLimousin) parlarichesse etladiversité desinterventions ettémoignages (Tombeau deGilles Deleuze, 2000).

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Introduction 11

AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

laissait présager delafaçon dont,aufildesjours,secomporterair le groupe «colloque ». Etcen'était pasessentiellement parce quenous avionstousenviequeladécade réussisse, etqu'entantque directeurs,

l'attitudedepensée, versle faire,l’agir,leproduire,leconstruire, l'expérimenter ? La premièrepartiedelacommunication d'Anne Sauvagnarguesà repris ces interrogationsen posant la question

pourdesraisons etpardespratiques différentes, nousfaisions preuve delaplusgrande bienveillance etd'une écoute disponible, capable de

d’unstyledeleuzien.

désamorcer lesrares situations d’agressivité, queladécade a effective-

aumondecomme il valesformules decesdeuxexpérimentateurs, de ces«aventuriers delapensée pratique ».Et c'estungrandréconfort, aupremiercoupd'œil,devoirseréunirdejeunesetmoinsjeunes intelligences, lucides etpénétrantes, attachées à«défendre etillustrer »

ment obtenu pleine réussite. À l'expérience, il estvitedevenu évident

quecegroupe allaitnonseulement «profiter»desdifférences, maisen quelque sorte,s'ennourrireten«vivre».Cesjournées n'ontpasété seulement l’occasiond’unéchange desavoirs, ellesont « respiré »elles , ont été et resterontavant tout uneexpérience devie.

Nousvoudrions insister, àl'occasion decerte décade, surdeux

pointsconnexes : lajoied'appartenir àcequ'onpourraitnommer mouvement ou courantdeleuzo-guattarien (dont il fauts'empresser

dedirequ'ilesttoutlecontraire d'unechapelle oud'uneécole), etenmême remps cequel’onpourrait nommer la difficulté d'être deleuzien. On seconvaincra, enlisantlesconférences, queles intervenants nesesontpasexprimés d'abord surDeleuze, Guattari, ou D&G, maisendeleuziens, autrement dit selonun ethos,un

comportement global oùpensée etviesontintimement liées.Ainsi étaitcontourné le risquedu commentaire infini, ainsiétaitintro-

duitel'exigence d'une production propre à chaque intervenant, en référence àsonexpérience singulière. Lerisqued’hérérogénéité était

conjuré partiellement parl'appel auxdoctorants deNanterre etde

Paris8 pourouvrirlesdiscussions etapporterd’autresréférences.

Onpouvait alorsexpérimenter pardifférence cequec'est qu’«être deleuzien »(unefoispourtoutes, oncomprendra que cetteexpressionne fair qu'abréger la réalité complexe dudeleuzo-guartarisme), etcomment la fréquentation compréhensive decerte œuvre à trois têtes (Deleuze, Guattari, D&G) faitaborder lesproblèmes différemment, danslarecherche dugeste deleuzien quiviendraic tracer unenouvelle perspective. Si MichelFoucaulta pudire: «Ce siècle

seradeleuzien »,onpeutsedemander : «comment peut-on être deleuzien ?»Comment s'abstenir de«juger »?Comment cesser d'être inféodé auxdichotomies, si habiruelles etmultiformes qu'onneles voirméme plus*? Comment cesserd'interpréter, etbasculer, dans 8.Unedesdifficultés d'être deleurien vientdeceque,dansletexte même des deuxauteurs, il n'estpasrare,mêrnesicertetendance estaussitôt réprimée etcorrigée,

d'apercevoir Les traces d'unedérive dichotomique.

Plus profonde estladifficulté «interne »,venant dudésir d'appliquer

cesdeuxauteurs, loindesquerelles quiontprésidé àleurréceprion

en France.Tous lesparticipants decettedécade, danslesdomaines lesplusvariés(histoiredelaphilosophie, art—etplusprécisément,

cinéma, poésie, peinture-architecture, musique, design, danse, psychanalyse, anthropologie, ingénierie, politique), ontvécu, individuelle

ment etcollectivement, larugosité (ausens propre :lenon-lisse) que pouvait comporter unenouvelle définition delapensée lorsqu'elle fair intégralement duthéorique une praxis, lorsqu'elle prend ladimension virtuelle d'unréelqu'enrègle générale on«ralentit »etépuise en actuel, lorsqu’après lesdécouvertes deSchopenhauer etdeNietzsche, elles'engage dans lesvoies deWhitehead, etsous chaque représentation, voitgrouiller lefourmillement des forces, sans selaisser «éborgner » parlesformes déterminées. Il yadoncuneprofonde unité dans cetensemble deconférences.

Uneunité dans etparl'hétérogénéité, unehérérogénèse enacte. Àce

pointmême que la ventilation decestextes risque à lafoisd'apparaître complexe et arbitraire. Onnepouvait procéder simplement par domaines, enencourant lereproche justifié dejuxtaposition. Onpouvait certes feuilleter par«gestes ».Maisensant que deleuzien, chacun fait ici sensiblement lemême geste detâtonnement expérimental. Enpremière approche, onaurait grosso modo affaire àtroisgrandes lignes deforce : «connecter lesmultiplicités sensibles »,«construire lesdiagrammes desdevenirs »,«prendre soindeslignes defuiteecexpérimenter ». Cedécoupage correspond auxdifférents moments d'intensité d’une même démarche, décrivant le travail deleuzo-guattarien. Certains vont insister surles«multiplicités »etsurlesmanières delesconnecter, dansunplanplutôt horizontal etdefaçon «rhizomatique »,alors que d’autres s’acracheront àcomprendre comment les lignes deforcese conjuguent dans unemachine abstraite, selon undiagramme susceptibledeguider lareproduction d'autres occurrences dumême objet,

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introduction 13

AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC Deisuzs

tableau, piècemusicale oulittéraire. L'idéedeprendre soin"deslignes

defuiredansl'expérimentation s'adresse davantage Àlapostérité de

être aussi grandement remerciée pour l'aidefinancière qu'a apportée à l'organisation ducolloque làcommunaute universitaire Paris Lumières

mentlointainalorsque les lignes de fuitepeuventsuivredeschemins

quirassemble lesuniversités deParis-Onest-Nanterre, oùelleestprofessure, etl'Université Paris8-Vincennes ÀSaintDenisoù ÉricAlliez

AL+àsouvent unemanière pseudo-deleusienne d'entourcher leréel

decesdoctorants, invitésà sefaireLes discurants desconférences, ont

commeabolition.Parvestêtesdechapitre,qui peuventsembler à

fair merveille.

démarche proprement deleuro-puattarienne, Nouscomprenons quelarevoupe portetoujours trace d'unecoupure/ Aux.L'hesitation, l'embarras d'unclassement desinterventions dans

1) faire vaner lesconceptsdeleuzo-guarranens dansleur évolution;

D&U: leurtravailàétélu commeuneinvitationà partir À l'infini.

infiniment petits,Àpréserver du rouleau compresseur capitalistique.

première vuetrèsproches, nousentendons marquer les étapes d'une

descases estenfairunerichesse, unechance, etle«pointderebroussement »,unejoie.Oui, unejoie,d'autantplusqu'enfeuilletant les

àpumobiliser également sesdx torants Lapertinence etlavitalité

Noussommes convenus deprxéder slonleschapitres suivants : 2)critiquer lapensée representative enconnectant lesmultiplicités: 3) tracerdesdiagrammes: 4) « prendresoin»deslignesde fuite; 5}expérimenter unemicropolirique.

fonctionnait bienuncouple visible/dicible, il faudrait, danslecasde

Dansnotrepremier «hapitre. CintiaVieiradaSilvaanalyse le concept dedésirenleconfrontant àSpinoza. Fileremarque quele

Deleuze etGuattari,insister suruntroisième terme: visible/dicible/ epcrable. Agencements machiniques etagencements collectifs d'enon-

chez Spinoza. parladistinct nette entre deux termes, cpidites d'un

RodrigoGueronquedelemontrer —pourraitsenommer» pointde

côte, le faitdeperséverer danssonêtreàtravers larelation auxobjets partiels. renvovant àl'essence même duconan.tandis quedaiderrum,

résuméssuvvinetsde cestextes,on constateque, si chez Foucault

ciation admettent untiers, qui—etc'estlaparticulière lucidité de

subiativation »,prèvisement exposé àl'expérimentation perilleuse des possibles decequel'onvoiterdeceque l'on dir,enconnectant passé etfucursouslemodedel'usôn. Ce qui implique,etbeaucoup l'ont senti.unprofilage desconcepts deleuzo-guattariens danslaperspective deleurdevenir-acre. Redétinition quinedoitdoncpasêtrecomprise

comme appartenant au lexique. mais comme unévénement praxique, danslavisee (ersans doute mème la«voyance +,DorkZabunyan le rappelle) d'une «micropolitique +deleuzo-guattarienne. Avantd'envenirà ladistribution ducontenudecevolume, il est

important deprocéder àdesremerciements. Lechâteau deCerisyla-Salle. cadre sans egal decolloques etdedévades, prérant àla fois àla méditation etauxéchanges. dans les salles deconférences, pendant les repas. dansleparc. le soirpendant les soirées àthème erlesmoments dedérente autourd'uneguitare, doitévidemment unegrandepart desamagie auxefforts d'ÉdithHeurgon, desafamille, etdel'équipe

duCentre culturel. AnneSauvagnargues, quiàinitiécecolloque, doit

9.« Prendre soin+renvoie iciauxdéveloppements récents. àl'initiative des féministes. del'éthique du«care»,formulee parFélixGuattari comme +ecmsophie ». conjuguant lesoindel'envininnement, desrelations sociales etdeLapensee (ét.Felix Guartan,Le nouevologus. Paris,Galilée.1979).

refusdeleuzien deconsxderer kedesircomme manquant, estreprésenté,

comme l'indique sonerymologe (sortir delafascination desastres, suderal. denoteun regret.uneperte.unetristesse dueau manque delatocalité, brefcemanque méme queDeleuze entendsoustraire audesir KuniishiUno retrace avecbriol'evolution du conceptde

«corps sans organes ».àtravers Artaud, Proust, Lal'erre, l'œut intense, etlecerveau lui-méme. devouvrant +uneconstellation »autourdu

CsO.Fredrika Spindler. dévlinant lessituations danslesquelles se rencontre chezDdleure etGuattani leconcept d'amitié, sedemande cequepeutbienêtrel'amidéslorsquel'idéedeturalitéindivise,la recherche du consensus tusionnel. nepeuvent lecaracteriser. I}sera doncplutôtàrechercher dansLirencontre elle-méme. devenant ainsi unevenement d'ordremicrophysique. une+humeur ».Ainsiserévèle kesenssubiectivant deLadesubjextivation. DanielaVoss,appuyant

sontravail surleBaron deDeleuze. insiste sur le Fait quelediagramme +produit ».Il nesecontente pasd'evider etdedetruire lareprésentation. il creedenouvelles relations. denouvelles connexions agençantes, unenouvelle optique.oùl'œilestcapable de«roucher » (haprique). PeterPàlPelbartremarque fortement qu'iln'estjamais intéressant de

critiquer unconcept. mais qu'ilfautdécouvrir pour lui denouvelles fonctions.Ainsiduconceptdesubiectivation, quel'auteurdécline selonAgamben, Simondon. Deleuze etGuartari, pourterminer avecla

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AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECD'ELEUZE

question lucide : «Àquoibonselibérer dusujet sic'est pourretomber dansdessubjectivations nondésubjectivantes? +Pourterminer sur cæchapitre, dansunerecherche prometteuse, MaëlGuesdon metsa pratique demusicologue etladiniquepsychiatrique auservice d'une

réévaluation, àLalumière deD&G,duconcept de«stéréorypie ».

Nous avons ditplushaut quecritiquer unconcept n'est pasutile.

Car il peur étre, soitunedéfinitionsimple,soitun +motd'ordre»

dissimulé, soitunensemble deconnexions dont l'entrelacement n'apas encore étécorrectement misàjour.Onpourrait direqueleconcept, suffisamment analysé, et largement déployé chezDeleuze etGuartari, joueLerôleheuristique eteffectif queLamétaphore jouechez Nietzsche, comme surconcept. Quest-ce queLaphilosophie ?enoffreunebelle illustration avec leconcept decogito. «Critiquer »unconcept, une meute d'éléments conceptuels, ausens oùlacrisis estdiscernement qui sépare lesfilsd'unentrelacs, veutdiresortirdelapensée représentative,

decequeWhitehead appelait «representationnal immediacy »,pour l'opposer àLa«causal efficacy ».Autrement dir,entrer dans la logique del'événement, vraverser l'espace quisépare unthéâtre d'uneusine.Et,

pour alleraudétail, +connecter lesmulriplicités singulières »,revient àLaisser couler lesAuxdetellesorte qu'entre lespoints remarquables puisse seproduire, soudainement, etselonlemodele simondonien de Lai disparation, unerencontre de+prise»,d'oùséchappeun+tiers», l'événement denouveauté. Quelques-uns denosintervenants sesont lancés danslaproblémarique decesecond chapitre. SilvioFerrazet

Gustavo Rodriguës Penha posent laquestion :+Qu'est-ce que travailler directement surdesforces dans lacomposition musicale? - Dans certe visée,laritournelle organise Laconnexion desdisparates, lamusique devient+machine à moduler»,constituant uncontinuumde flux

d'énergie enrésonance avec uneboite sonore. JoséGil,entre philosophie etuneethnographie dont il sedémarque, voirl'homme deDeleuze et

Guattari traversé parunealogique ressemblant parplusd'unpoint à lasorcellerie. Il relève précisément les occurrences decedomaine dans lecorpusdesdeuxauteurs. Selonlui, laréférence decette«logique

sorcière »quiconnecte lesmultiplicités estàchercher ducôtédecequi constitue lacohérence erl'originalité totale del'Éthique deSpinoza. Le centre decette atmosphère apparait êtrelecorps sans organes. Barbara Glowczewski, depuis unelongue pratique del'anthropologie, analyse lestotems des«peuples dessaints »auBrésilerenconclut qu'ilne saurait, danscesrotems, êtrequestion d’idolätrie, carcontrairement

àl'idéequelesévangélistes veulent imposer, les totems nesontpas

Introduction 15

desimages figées, mais desnœuds deforces, des images-devenirs, des chemins historico-politiques guidant versdenouvelles voies.Plusieurs illustrations filmiques, avec commentaire, permettent d'entrevoir ceque

serait uneethnologie débarrassée delacompulsion dereprésentation.

Abrahio deOliveira Santos faitpart, àpropos méme decepeuple des saints, desesconvictions intimes etvécues, etmontre l'importance du riteCandomblé dansleBrésil actuel, nonpourajouter une religion à cellesqui existent déjà,maispourétablirunesoliderêtedepont

del'installation desNoirssurleurterre, deleurrésistance etdeleur guérison ensuivant lechemin desAncêtres, guérison àlaquelle ses propres travaux participent activement. Jean-Clet Martinreprend, en partant durécitapparemment mineur, dansleMénon dePlaton, deLa duplication ducarré comme problème vécuparle«petitesclave », sontravail toujours approfondi surla«variété riemannienne »,qu'il précise icicomme«geste »,nonseulement mathématique maisengagé dans la vie,desorteques'ouvrelaperspective decequ'ila nommé

«plurivers ».Tatsuyo Higakidéclare d'emblée qu'ilestabsurde (et c'est bienuneconséquence delasurévaluation delareprésentationalité) deséparer l’homme desatechnologie. Remarquant quelesnomades typiques sont,chezDeleuze etGuartari, lesmétallurgistes, etquela «science mineure » traite delafinesse etdelasingularité delamatière, ilconnecte l’idéedephylum machinique, devieinorganique etdecorps sansorganes, danslemétal,nommément l'or, absolument ductileet

permettant aussi lesaccumulations duCapital. Lemétal estuneviede lamatière, etlesmétallurgistes, une«bande »secrète. Lesandroïdes delamodernité prendraient, in silico, lerelais decesconnexions. Delaconnexion desmulriplicités, traduisant etinduisant une sortiedelareprésentation, découle toutnaturellement letracé des diagrammes. Depuis despratiques etdesdomaines fortdifférents, d’autres intervenants s’ysontexercés. Il s’agit parexemple, enmusique,

dePascale Criton.Sonintervention faitlepointsurlerapport dela musique er del’expérimentation. C'estencompositrice qu’elle décrit sesdernières recherches. Toutd’abord unepiècepourinstrument (violon) accordéen seizièmesde ton, détaillantce qui en résulteà

lafoispourlacompositrice et l'interprète. Ensuite, uneétonnante etricheincursion danslamusique inaudible ànosoreilles d'entendants,maistrèsbienperçue parceuxquisontprécisément sourds et

malentendants. Ici,lamusique «s'écoute »par la vibration. Elleest «l'inaudible quinepeut ques'entendre ».Un très intéressant diagramme estmonté parTatiana Roque. Partant d'uneprésentation durôlede

à

à

16

AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

l'axiomatique enmathématiques, l'auteur explique pourquoi il est pertinent, chezDeleuze erGuattari, depostuler uneaxiomatique du capitalisme. Certeaxiomatique n’apaspour but d'énoncer les loisde

l'économie, mais demettre lesfluxdécodés àdisposition d'une convertibilitégénéralisée, cequi«retourne »lesruses, pourtant maîtresses en retournement, ducapitalisme, et constitue nonseulement unactede

résistance, mais unterrain delutte, envuedeconnecter différemment lesflux.Rodrigo Guéron déploie untravail riche, quiaurait puaussi bienprendre placedans le chapitre surl'«agencement ».Portépar la distinction entreformedecontenu etformed'expression, et cellequi

endécoule entre agencement machinique etagencement d'énonciation, l'auteur érablir diagrammatiquement la relation entreagencement collectifdénonciation, point de subjectivationet régimede signes. 1!montrequecetterelationadmetau départl'intériorisationd'une

derte.PourGregoryFlaxman, la perspective picturale représente une

architecture delapeinture. L'importance ducadre estprouvée par lefairquec'est l'absence decadre quirendintolérable latransgressiondugraffiti et dusrreet art.L'image cadrée découle d'unnouvel agencement économique dupeintre etdelasurface, coordonné par laperspective. Permertant àtoutepeinture d'exister dansunespace quelconque, elleaccompagne lesdérerritorialisations ducapitalisme, Gcorges Amardécritsonmétierd'ingénieur dehautniveaucomme

traversé etirrigué parl'exigence deleuzienne d'«inventer denouveaux concepts », exigence dont il faisait lacondition pour faireparaître un ouvrage dignedecenom.Oncomprend enefleràquelpointlanotion

de«transports »,surlaquelle travaille Amar,adûétretravaillée et repensée àlalumière delanotion dediagramme. Vincent Beaubois rappelle l'importance, danslasphère dudesign, delaÆfochschule für Gestaltung delavilled'Ulm,Il metenévidence lanotion de virtualité dansla«chose enconception »,cequi rapproche cetterecherche de

celles deDeleuze etGuattari, etinsiste surl'importance, dans ledesign contemporain, deladéfinition du+signe »qu'àpartirdeHjelmslev etPeirce,D&G mettent enplace.

Nousavons réservé unchapitre spécial auxidées de«prendre soin

deslignesdfuite e »et«expérimenter ».Appliquerle«prendre soin »

(take care) aux lignesdefuite, onaunpeudemal, tant,lorsqu'on se

sentdeleuzien, onperçoit celacomme naturel, devoirencore toutela

force d'effraction etderésistance que certeidéecontient. Maisparier pour la vitesse infinie, aussi biencomme lenteur, pour l'alernance constante et l'imbrication, la«suspension »del'actuel etduvirtuel

Introduction 17 l’undans l’autre, parierpour le chaosmos entantqu'il«prendsoin» duchaos, esquiver, dansletemps aïonique, leprésent pourconnecter

directement passé etfutur, pliertoute représentation pour enfaire un

acteetuneforce,voilàpourtant des gestes assimilables àdes«actes

derésistance ».C'estsurcetaxequeRaymond Bellourchoisir de réfléchir enseréférant à lacélèbre conférence deDeleuze sur l'acte de création.Bellourvoit unecontaminationà l’œuvreentrecequi touche

l’art etcequitouche à laphilosophie, desorte quelaphilosophie aussidevienne art, actederésistance, et,selonlaformuledeMalraux et toute l’œuvre de Proust,résistance à lamort.C'està la mort égale-

mentqu’Ana Gilconsacre sonintervention. Comment une ligne de viesedétourne-t-elle delamort,quisemble n’être riend'autre que l'arrêtderoutebifurcation et,enconséquence, detoute ligne defuire?

On sait également que,dans route fuite, réside unetangence (peut-on rappeler quec'est delatangence queRiemann tirait l’idée devariété ?) constante àlamort.Dansladifférence entre lerienetle«presque rien»seglisse lepointdevuesiattentif au«micro»deDeleuze erde

Guartari. NadiaVadori, habitée parlanotion mise enlumière par le + poète GarciaLorca: leduende, innove. Elleétonne d’abord endébutant saconférence parunevraie«performance »oùtouslesmotsseront

mobiles eractifs, induisant unevraie danse surplace. Ellechéorise ensuite enexposant l’idée, mise enpratique quotidiennement dans sesvidéosvisibles surle«réseau »,d'«uneminute dedanse parjour »,

sans volonté d'esthétique, mais pour diresimplement qu’on estvivant et«ensemble ».Énergie communicarive puisque Eugene W.Holland aupiano,etArnaudVillanidansunpoème, tenteront d'accompagner,

unpeuplustard,unedanse improvisée deVadori, sanstémoins ni préparation, création «surlevif».Florent Gabarron Garcia renouvelle l'écoute desénoncés etprésente uncasclinique, undélire surlesNoirs

etlesDjinns.Dudélirela tristesse profonde, onvoitprogressivement

leliendelamaladie avec l'appareillage institutionnel infantilisant, où apparaît toute lacontradiction entre l'institution et le clinicien, etles voies expérimentées parlepsychanalyste pour fairesurgir laconscience libératrice dulienentre tristesse, délire, erdesviolences detype colonial, ayantentraîné lamortdelamèredu patient. AnnitaCostaMalufe

partdel'évidence ressentie d’une puissance poétique dans lestextes de Deleuze. Ellefaitcomprendre, parBeckett, comment Le«vieux style » doitêtredépassé, etassocie soneffortpourmalmener et épuiser la langue, la «fairefuir»,àunetentative plusgénérale, consistant à faire surlesmots l'effortemblématique de«dépasser lareprésentation ».

:

18

AGENCER LES MULTIPLICITÉS AVECDeLeuze

Andrew Goffey, après avoirsouligné chezDeleuze etchezGuattari l'importance del'institution, montre comment le»transfert »psychanalytique, entantque+conceptpratique»,peutêtreapprofondi ex «modulé»parlatransversalité guattarienne. ArnaudVillanidécide

quel'expression +vrai-fuyant »pourrait utilement fairesentirlelien entre lafuireetlavéracité, s'opposant dèslorsàtout+faux-fuyant ». Maisapparaissent deux énigmes :pourquoi lapoésie, dontleconcept estfinement sentietdéployéparDeleuze,n'apasdonnélieuà un

grand ouvrage, comme pourlapeinture etlecinéma? Et pourquoi, alors que le +combat »er«l'athlétisme dubébé »deleuziens coïncident avec l'intuition proto-grecque dusymbolon, vraiemachine deguerre contre ledichorome, Deleuze méprise-t-il lesPrésocratiques, enles faisant passer pourdeshommes préhistoriques sortant ahuris deleur grotte enfumée ? On devine quecetterecherche sivariée a toujours, deprèsou deloin,côtoyé uneexpérimentation micropolitique. Nousavons cependant réservé àundernier chapitre, sous letitre«L'expérimentation micropolitique »,desconférences oùl'engagement derypepolitique étaitplusquesous-entendu. AnneQuerrienraconte sarencontre avec leDeleuze deDifférence etrépétition, etcomment elle aéprouvé concrètement la pertinence desacritiquedelareprésentation dans les

Introduction

19

représentation qu'ilsinduisent ? Sic'est toujours d'unpointdesubjectivation quenaitunsujet dénonciation, uneméthodologie deLarupture estnécessaire, qui puissefairepasser delafonctionénonciative à la

fonction existentielle. Frédéric Rambeau distend laperversion desa première analyse deleurienne. magsstrale, surSacher-Masoch. Onsaute del'impasse ducorpssexué à|émergence d'uneffetincorporel, de sortequesecombinent lamatéralité dudiscours etl'immatérialité du sens.Il enrésulte quelaperversion bascule delàviesexuelle dans Ja vieéthophysiolagique. La dissex rationd'avectoutelogiquede négation vadepairavecunedescription deLànatureparbrfurcations componctives. Ce qui, dansl'associationde Làbeautéstupéfianteet du

péril,généralise laperversion, annule sonaspect deruseméchante,

etla retourneenprofondepmirivité,pleinedepossibles politiques.

Valentin Schaepelynck revisite Ladisrincrion. essentielle chezDeleuze, entre« lois- et+institutions +.Parcequelle impliqueun corps,un

étreensemble defait,etunvecu, l'institution, «omme chezCiuatrari, continuedeporterunepotentulité remlunionnaire, C'estcequi fait sasupériorité surlaloserlecontratL'auteurrétléchit dunesurune instirutionnahisation non-etatique, ou marquent laconnivence etLa

différence d'avex Les thèses de(lastres. etil entaitl'experience surla

deShonda Rhimes) etlacommunication #nderground, luipermettent

psychothérapie institunonnelle Eugene W. Hollandterminera cette tentative, forcément réduutrue. deresumer enquelques lignesl'etlurt patientd'unpenseur. Îl poursuit3 retleuon, objetd'unlivrerécent, surla+citoyenneté nomade*+ercomplete sonanalyse entravaillant surdescitoyens nomades auseindesinstitutions existantes Et,àcet cer. il s'appuie surl'idéealhusserienne J'+ appareils ideulogiques d'État».constituant lesuxet parsnéerpellation (selonlatormulerestée célèbre du +he,vousla-bas'+1à Laquelle il ajouteun prxessusde - sollicitation grautiante + 5:l'autonieduGrandAutresymbolique s'estdeplacedetaçonininanente dansdesprocessus materiels etdes agencements inttuuwonnels. Lisubjenivité numade engagee dansdes institutions deperndra de»3capauite, uneturmede«voyance »,detirer parudesevenements sngulienquecomutuent leslignesdefuite.

dedéployer despropositions importantes pourun retournement du pouvoir télévisuel.Prochedecethème,VivianaLipumamontre

Nanterre etdePanis 8,àanimer lesdiscussions quitraditionnellement

pasdesubjectivation indépendante d'unordreétablid'assujettissement. Si lessociétés d'information etlessociétés depouvoirrelèvent du mémediagramme, quellessontalorslespossibilités de rompre avecla tyrannie desschèmes sensori-moteurs, et l'accentmissur la

16 Untheme, sutdutenpassant, quirassemble lesdeuxsensduradical+memengrec,dontDiclcuse tabeaucoupdeça nomed'unste. Lalosquidélimite MENTON, Ne DCentmom. vigne dumatnomade, quilasseletroupeau divaguer dansunepture.

impasses dumouvement étudiant desannées 1968. Lareprésentation légitime larépression d'énonciations minoritaires. Lacontestation de

cettereprésentation, enphilosophie etenart,devraitconduireàde

nouvelles formes d'expression politique. DorkZabunyan, dansun texte debelle écriture, analyse l'immersion dans les images, consentie

etencouragée parDeleuze, envued'un« retournement »,propreà

un»artdecontrôle »qu'ilappelle desesvœux, etoùil décèle, plus qu'une vision, une+voyance »,ouvrant àunenouvelle conception de

l'apprentissage. C'estauximages également queseconsacre Mariqian Ahouansou. Sonimplication déterminée danslesluttesraciales, sa solideinformation sur les séries télévisées (notamment autourdturavail

fortement que,pourunestratégie médiatique minoritaire, il n'existe

Anne Sauvagnargues. »ot attahec.aux.

:

Musique etmodulation : vers unepoétique duvent 101

100 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC DeLeuze

queDeleuze nouspropose l'idée dterritoire: u uneimage composée , : Men derace r d'autres images. Onditalorsque le territoire à posantes us quisontdesmilieux M etdesrythmes R: CT =(RI … Rn,M1 … Mn).Et,individuellement, oumême engroupes, les

composantes territoriales entrent parfois aussi enmodulation (-):

Ta[CM222 M(=Rieee Re) =(RM«ee Ru Mo) Onobserve qu'un territoire peut êtreconstitué paruneouplusieurs images. On a doncun effetfractal,desimagesqui composent des

images, quicomposent desplans, le planétant également définipar desimages. Il fautdirequelesterritoires sontenintermodulation parvoisinage, inclusion, incrustation ouencore entrelacement. Un territoire esttoujours unensemble deterritoires, actuels ouvirtuels.

deterritoire, l'effondrement dutemps (une poieris/répétition d’une

invention)®.

Onvadoncduchaos auterritoire etpuisàladéterritorialisation.

Et c'està causedecetroisième aspect, laporteouverte deladéterritorialisation, quenouspouvonsdiredela ritournelle qu'elleestune

petite usine à machiner des différences, la«répétition dudifférent” ». Opérerlarépétition dudifférentest,donc,enquelque sorte,«imiter

l'invention »,sionreprend laformule de la répétition desLoisdel'imitation deGabriel Tarde:imiter l'invention enfalsifianc l'invention, en imitant lesforces non-formées del'invention, voilàlepoint toujours naissant d'unenouvelle invention °. On vadoncd'uneritournelle àuneautre, d’un territoireàunautre. Pourdessiner unterritoire,

onfaitleparcours decequenous avons décrit comme avers f etla

Uneritournelle estun mouvement qui consiste à mettreensemble

ritournelle s'ouvre sur y; ceciveut dire qu'onpasse delarecherche de l'axe àl'inscription surl'axe, erpuisvers l'autonomisation descomposantes. Maisonpeut y allerd’unterritoire vers d'autres territoires, du

oumétastable ; (3)enmême temps qued'autres connexions demicro-

quiest l’autonomisation d’unecomposante d’un territoirededépart. Lesterritoiressonttoujoursencontrepoint. Et lescheminements

plusieurs composantes. Il naîtdesfragments deforces réunies, (1)dans unpremier moment librement connectées; (2)puisacquérant un système pours’accrocher lesunes auxautres d’après uneforme stable fragments s'autonomisent en libérant desfragments pourdesconnexions avec d’autres ensembles defragments, horsdusystème. Unesimple composante peutmoduler toutunterritoire etunterritoire peut moduler unautre territoire. Enbref, leterritoire estlelieudesmodulations, etsesfrontières sont untoutautre lieuoùsepassent aussi desmodulations. Maiscesont desmodulations devélocités différentes. Leseuilduterritoire estla place même desmodulations decomposantes autonomes du territoire. L'entre-deux territoires estdoncenmodulation permanente. Laritournelle estainsiunemachine desynthèse dutemps entroisétapes :on sortduchaos, etpuisque lechaos aune vitesseinfinie oùtouteforme ébauchée sedissipe”, onsortduchaos dèsqu'ily aquelques forces qui pratiquent unepremière sélection, mêmeminime,decomposantes

quidéfinissent depetites permanences. C’estdoncàpartirdecette coupure ques'obtient lafondation dutempsdelaritournelle : (1)la

recherche d’unaxe, lafondation dutemps (uneprise d’une habitude/ uneéthique) ;(2)lefondement dutemps avec l'inscription de l'axeà lamémoire (uneesthétique) ; (3)l'autonomisation descomposantes 7.Cf.GillesDeleuze erFélixGuattari, Quest-ce quelaphilosophie ?,Paris, Éditions

de Minuit, coll. «Critique »,1991, p.111,

territoireversle chaos,ou encorevoirenaîtreun nouveau territoire

delaritournelle peuvent doncprendre d’autres parcours : &—> et B— y leslignes droites; B— BerB—a lescourt-circuit del’esthétiqueouladanse delamorale; y —> yd’une poiesis àunepoiasis, on tourne danslenoir;y— &d'une poiesis àlarecherche d'une nouvelle fondation ;y —> $ lacapture d'une poiesis parunterritoire fortdéjà constitué. Etvoici la lignedutemps avec sesséquences, sesnoyaux, sestrousnoirs!! :

8.Cf.Gilles Deleuze Différence etrépétition, Paris, PUF,1968, p.91-95. 9./bid. 10.Gabriel Tarde, Lesloisdel'imitarion, 1890, 1895 [24éd.], p.20disponible

enlignedanslecadredelacollection « Lesclassiques dessciences sociales »:

.

11.Danslamusique dux siècle,depuis les années 1960, plusieurs exempl dedevenirs musicaux apparemment «ivres»s'approchent d’unemise-en-forme telle quecelledelafigure deLaricournelle quenousdonnons ici.Cedevenir-ivre dutemps

s'approche bea

danssonarticle«

decequeLigeti àproposé dans Apparition etArmosphéres ettraité

États, événements, transformations »présenté etrécritplusieurs

foisÀpartir de1960, et récemment republié dans lelivre L'Atelier ducompositeur, Genève, Éditions Contrechamps, 2007. Ilsetrouve aussi comme une tonique entre des compositeurs comme Scelsi, Cage,Berio, etplusrécemment Sciarrino, Ferneyhough, ArthurKampelaet RobertoVictorio.

102 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZS

Musique etmodulation : vers une poétique duvent 103 ondéfinitlechaos moinsparsondésordre queparlavitesse infinieavec laquelle

sedissipe coute forme quis'yébauche. unevitesse infinie denaissance et d'évanouissemen r's, JE

Lt

Confronter le chaos, c'est donner unedurée provisoire, réduire la vélocité denaissance desformes, les laisser durer:«Nousdemandons

seulement unpeud'ordre pournous protéger duchaos. »Leschoses, lespensées, lesmusiques, lesrelations etconnexions, sont toujoursen

grain desortir duchaos, et l’art, c'est lafaçon dontnous nous protégeons, soitduchaos, soit dudurcissement desmodes deprotection. Onpense donclaricournelle comme unemachine àplusieurs vélocirés,

Àchaque point, àchaque moment de laritournelle, on2l'auto-

nomisation descomposantes territoriales, l’autonomisation descodes, desmilieux,desrythmes etpuisl'autonomisation desterritoires.

Cesontdescycles superposés, Uneimage quinous envoie vers l'idée despropagations deproche enproche. Et c'estselonceprincipe d'autonomisation qu'unagencement rythmique dutyperituel'?mer

enjeud'autres traditions musicales. C'esttoutunpeuple inusité qui

de ralentissements qui vont de la terre,avecencoredeschangements

brusques, despermanences provisoires, vers lecosmos et le chaos ralenti,

enpassant parlenatal, oùlaforme se croit permanente. L'art c'est le mode defaireritournelle entrainderapporter duchaos

desvariétés quineconstiruent plusunereproduction dusensible dansl'organe,

mais dressent unêtredusensible, unêtredeLasensation, surunplande composition anorganique capable deredonner l'infini.

habiteunemusique, descorpsimaginaires qui semettent à danser.

Leséléments delamusique nesontpasprisonniers desrelations qui concernent lapartition etlesonseuls. Leséléments delamusique se

mettent enrapport avecd’autres territoires, descorps,desterrains,

demodes devie,lescouleurs, la lumière dujour,etc.Laterre, lenatal etlecosmos, comme nous proposent Deleuze erGuattari. Lesrégimes sonores serapportent autant à laterre, qu'aux choses existant sur terre etauxêtres vivants. Ontrouve encore d’autres rapports avec unlieu natal, unpays, unpeuple, unvillage, uneépoque. Etfinalement, il y enad'autres quifontleurs connexions avec deslieuxnonpeuplés, avec lecosmos. Lererrivoire estdonccechamp provisoire deconnexions, pendant

uneduration qui le rendnotable. Sortirduchaos pour arriveràune terre etpuisaucosmos. Et c'estpourcelaqueDeleuze emploie l’idée dechaos comme le conçoit IlyaPrigogine : | 12.Ufautdirequedesagencements duryperituelpeuvent apparaître mème là oùilsnesontpasspécialement remarqués. Nouspensons iciàLaforcederituelqui s'échappe deLamain ducompositeur, aupremier moment deParniels deGérard Grisey,

ouencore àlaforce rythmique quitraverse lescrois commentaires de«bourreaux des solides»duMarteau sans Maitre deBoulez.

Un champprovisoire qui bouge,respire, sedilateetsecontracte.

Leterritoire semanifeste ainsicomme unsimple code,il manifeste despériodicités, il semanifeste selon desvélocités diverses dansun jeudemise enmodulation desterritoires. 111. UN FLUX D'ÉNERGIETRAVERSE LES CORPS Danssoncoursdu 27 avril1982surL’Image-Mouvement, GillesDeleuze parleduvidecomme «souffle vital».Sonpointde départ, cesont les SixCanons deluPeinture Classique Chinoise, d'après lespeintres chinois HsiehHo(Dynastie Tang, entre lesannées 618et 907)etHuangPin-Hung (1864-1955) 5.Dansunpremier moment, lepeintre doitrefléter, oumieux, exprimer lesouffle vital. Qu'est-ce quelesouffle vital?Deleuze retient dusouffle viralquec'est cequi 13. Gilles Deleuze exFélix Guarrari, Qu'es-ce que La philosophie ?,ep. cit., p.111-112.

14. /bid,, p.190.

15.LenomdeHsichHoapparaît enOccident sous d'autres notations, comme

ZieHeouXieHo(cf.François Cheng, Souffle-esprir. Textes théoriques chinous surl'art pictural, Paris, Seuil, 2006).

:

104 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC DELEUZE

mettoutes leschoses ensemble : «Lavitalité rythmique ou le rythme spirituel. »Lerythme, c'est cequiunifieleschoses del'intérieur : la respiration del'univers —lejeuconstant desystoles etdiastoles —où touteschoses sontroujoursenexpansion etcontraction. C'estdonc

danslesouffle vital,danslagrande respiration, lagrande systole et

diastole, quetoures leschoses ettouslesêtresapparaissent. Lesouffle vicalestainsilefondd'oùroutesleschoses émergent, semanifestent ouapparaissent.

Lepremier canon défini parHsieh Horattache «lafusion durythme etdel'esprit avec lesmouvements deschoses vivantes ».Danscette fusion «rienn'est plusquecequ'ilest»: levent,c'estleventetil se manifeste parlesouffle, lapluie, c'est lapluieetellesemanifeste parle pleuvoir. Quelqu'un quiregarde lapluievoitdonc«lapluiequipleut », etpourlevent, c'est le«ventquisouffle »erquerespire lerythme de l'univers : unmouvement devague, d'expansion etcontraction, de va-et-vient. Lamusique aussi, ellerespire etnedit rien d'autre queson existence, quesonmouvement de respiration etdemiseenalternance

desobjers qu'elle faitapparaître. Etvoilàpourquoi onpeut dire que la musique n'est riend'autre quelemouvement périodique. Unartdes

mouvements ondulatoires danslejeudelamodulation delaritournelle

oùdesforces nonsonores sontrendues sonores. Levent, onlevoitsans levoir,onlevoitseulement unefoisqu'il metquelque chose enmouvement. Leventestvuparlesformes que prennent leschoses quand il passe. Onpeutdoncdirequeleventest uneforce demise-en-forme. Unelignedevérements prendlaplace d'uneforcedesoutenance, centripète, pendant queleventsur les vêtements prend lafonction deforce centrifuge etlesvêtements gagnent doncdesprofils différents, gagnent unmouvement qu'ilsn'ontpas àl'avance. C'estque,comme nousLedirDeleuze d'après HsichHo : leschoses nesemontrent quedans leur«disparaïtre ».Exactement comme lacollinenesemonuequelorsque lesoircombe!é,

| Levent, comme unerespiration, suit laloidescycles. I estpériodique, comme uncodeestpériodique. Lesonestpériodique er,en même temps quesapériodicité, ilmanifeste uncode souterrain. Lesêtres vivants partagent aussi despériodicités, parexemple leur respiration. à 16.Gilles Deleuze, Cinéma. {mage-mouvement j cours1 à 21).20avril1982(cours15-1).mage. . nov. 1981-juin1982(

Musique etmodulation : vers une poétique duvent 105 Et on peutdonc imaginerquetouscescodesintermodulent. Un son,unemusiquepeuventmoduleravecuncorpsetsarespiration.

Etcejeudemodulation trace unelignejuste, unelignequin'estpas del'ordre delasignification, une ligne quin'apasdequalité oude quantité, unelignequin'est pasmesurable, seulement présente. Une

musique estdoncunemachine àmoduler, etcette machine semet enjeud’autres machines telles queleschants d'oiseaux, lesmusiques rituelles, leschantsdomestiques, etc.Un corpsestmoduléquandil entend unemusique, modulé parlessons,maisaussipardesconnexions

inusitées. Etquand uncorps écoute unemusique, tantôt ifrencontre son

foyer,ertout est enaccord,tantôtcefoyersedéfair, erlecorpscherche ailleursun terrainstable;ceva-et-vient périodique nousamène d'un

coinàunautre, etvoiciapparaître laforce deladifférence, quin'est pasdansunecertaine musique, maispartout danslamusique, quand on seplongeauniveaudeslignesjustes.

Écouter c’est doncfairelarépétition desforces demodulation aussi bien que faire répéter lamodulation elle-même, comme le vent sefaitrépéter enmettant samarque surLes vêtements placés surun fil.Ledifférent serépète làoùil n'estpas,oùil neselaisse pasvoir: leventqui se répète danslesvêtements, lerissu quiserépète dansun mouvement, undessin quin'existait pasàl'avance. Est-ce qu'ilexiste doncunepoétique musicale chezDeleuze? Nousnousrisquons à répondre oui, il sedégage uneouplusieurs poétiques, musicalités, delaphilosophie deDeleuze. Etnouspensons iciàunepoétique dela composition oùleséléments, les événements sonores etmusicaux, ce qu'onpeur appeler unrégime defigures, textures, gestes, kinésis sonores, sont pris dansunfluxd'événements, un fluxd'images. Cefluxc'est ce qu'onpeutappeler unemise-en-forme, composée parl'émergence des images d'après lechocentre lesobjets. Etdans cette nouvelle poétique musicale, lesrelations nesontpasseulement celles deladérivation, du développement, dessubordinations etcoordinations, mais aussi celles desconnexions libresdelajuxtaposition, superposition etentrelacement.Desconnexions quinesontsoumises à unordreintellectuel abstrait ouconcret, maisàdesconnexions simples. Il y abonnombre d'écritures musicales duvent.DansTimeand Motions Study11,parexemple, lecompositeur BrianFerneyhough demande à l'interprète depenser auxgestes desdoigts etdesmains comme l'agitation duvent dansunetoiled'araignée. Celaneveutpas direqu'onvay avoiruneécoute duventlui-même, maisque le vent passe aussi parlesdoigts. CequeLeventnouslaisse voirdanslescorps

1% AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC D'ELEUZS

VIII

expout-êrre coure unemultiplicité deforces etdeplans problématiques quiconstruisent desvaleurs denature plurielle, aurant qu'ilenpeur s'exprimer pourtelleoucelle ligneexpressive. DeVivaldiàSaariaho, lesimages virruelles duventetsesactualisations sonores-musicales sont toujoursprésentes. Lejeuentrele«Zeffirersi dolci»etlevent Borea qui«simuove alimproviso alsuoacino»,chezVivaldi;laforce du«V'ent d'Ouest »erdePuck,chezDebussy; laforce duventpar le barrement d'ailes d'unpapillon, comme kefairSrockhausen audoigré deDieschmertertinge Spielen. C'estunjeuqu'onpeut dire inaugural,

Sorcellerieet machinisme JoséGiz

lieudenaissance denouvelles relations entrelessons,entreceux-ciet

lesmusiciens etleurs instruments. Leventestdoncl'image d'unfluxénergétique quitraverse et lieLes corpsenlesplaçant dansdesrésonances spécifiques, etleur donnant harmonicité etexistence sonore. Lesouffle viralcraverse les corps etlesfaitsonner. Il n'est plusquestion dereprésenter le vent, ou

saprésence comme stimulus auditif oucode figédans uncatalogue,

maisdepenser quelamusique estlamanifestation ducontinuum d'unAuxd'énergie, semettant enrésonance dansuneboîtesonore, dans descorps, desinstruments musicaux, deshaut-parleurs. Opérateur compositionnel quinous permet d'imaginer Laliaison entre lessons par L seule force dufluxd'énergie quigagne uncorps, parsarésonance dans unautre corps physique.

C'estdansL'AntiŒdipe qu'apparait pourlapremière foisl'idée de sorcellerie associée aufonctionnement précis d'une machine. Il s'agissait,pourDeleuzeetGuattari,demontrer comment laproduction

dedésirsemble sedétacher desmachines désirantes pourémaner tourentière ducorpssansorganes. Leprocessus sedéroule dansle passage dela synthèse connective àlasynthèse disjoncrive dudésir,

plusprécisément lorsquelamachine paranoïaque quiavait engendré lecorpsimproductif estremplacée parlamachine miraculante qui construit uncorps sans organes producteur exclusif apparent desflux etdesorganes. Avant d'analyser le processus désirant, lesauteurs ont recours àlaproduction sociale —qu'ils feront coïncider avex laproductiondedésir.Encommentant certains textes deMarx, ils dégagent lespremiers traitsd’unelogique dla e sorcellerie quiprendra une importance décisive dansMilleplateaux. Puisque c'est certe logique quinousintéresse ici,nousaccorderons uneattention particulière à cespages deL'Anti-Œdipe. Comment,surle plandela production sociale, lecapital

devient-il l'élément productif unique ?Ens'appropriant larichesse oule«surproduit »quirésulte dutravail desforces productives. Reprenant le livre111du Capital,DeleuzeetGuattariaffirment

que le capital

serabat surtoutelaproduction, constitu{ant] unesurface oùsedistribuent les forceset lesagents deproduction, si bienqu'ils'approprie le surproduitets’attribue l'ensemble etlesparties duprocès quisemblent maintenant émanerdelui commed'unequasi-cause. Forcesetagents deviennent sapuissance sousuneformemiraculeuse, ils semblent miraculés

parlui.Bref,lesocius comme corps plein{oubienlecapital] forme une

ge,



108 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVEC DELEUZE surface oùroute laproduction s'enregistre etsemble émaner de à surf, d'enregistrement !.

Lerabartement ducapital surletravail décrit unformidable Process deconstruction d'uneréalité nouvelle, uneréalité«délirée»ou. ensor.

celée ».Ellen'estpasfausse, puisque sonmouvement propreà

effets réels, enparticulier, lacréation de la plus-value relative,Mais el n'estpasvraie,puisqu'elle s'attribue uneproductionquirevientau

forces detravail. Étant laseule réalité productive, lecapital miraculé & donne comme leréelmême, image devenue corpsdontlemouvement semble découler de sa réalité : étantconstitutive, l'illusionsechange enréalité, sansqu'ons'enaperçoive. C'est«lemouvement objectif apparent »quidéfinitle« mondepervers ensorcelé » du capitalisme La société«construitsonpropredélire»,c'est-à-direseconstruit

elle-même selonsondélire. Uneobscurité fondamentale enveloppe l'opération derabattement : l'énergie productive se transfère du travail aucapital etdesmachines désirantes aucorps sans organes improductif envoilant le processus. En inscrivant sursasurface laproduction dutravail erdesorganes-machines, le corpssansorganes enfaitses «dérivés »,présentant leurénergie comme venant de sasurface même. Cependant, l'enregistrement er lafétichisation n'expliquent pasl'effer

deréalité quicaractérise l'ensorcellement. Encore faut-il qu'ildure

dansletemps : seule larépétition duvoilement oudu«mouvement ne »rendront la «mystification »imperceptible —grâce Productionincessante deréalitéauniveaumêmede l'enchante-

nl

pe

L 7 lerabattement duCorps sans organes surlesmachines faitnaître = prier 1eildevient aussilacondition même deladestrucje l'ensorcellement etdusurgissement duRéel.C'estaussi une

Lalogiss EL +désenvoûre ».Voilàuneffetparticulier de de : sorcellerie deleuzienne :il afalluque la totalité dela soitensorcelée pourqu'unenouvelle réalitéréelle, désensorcelée, —_—_————

1.GillesDeleuze etFélixG à uatrari, L'Anti-Œdipe, Paris, Éditions deMinust. 1972, p. 16(désormais AO), 2.SelonM : lacirculation …:es re md facteurs contribue àcerre mystificarion, depurs

Pia’, création deplus-value relativeetd'argent, jusqu'à deursde marchandises,Bref,, 1l'ubi SR

+, ft opérations capitalistes assurent leurpouvoir e

inuitéd et la continuit es

Sorcellerie etmachinisme109

raisse. Enserabattant sur lesmachines, le corps sans organes divise etcasse lesréseaux connectifs quiles reliaient grâce, d'abord, à l’action

répulsive delamachine paranoïaque, ensuite enabsorbant leurénergie

etensel'attribuant. Séparées, dispersées, lesmachines-organes sont distribuées selondesdisjonctions surla surface miraculée ducorps sansorganes qui les homogénéise : aucune neprimesuruneautreà l'égard delacirculation del'énergie quiémane presqu'exclusivement ducorpssansorganes. «Presqu’exclusivement » : l'absorption etla transformation del'énergie nesontjamais totales. Quelque chose reste dudésir réel,recouvert successivement par lecorps sans organes antiproductif enconflit,déjà«apparent” »,avec lesmachines désirantes. Reste noncodéquipoussait lamachine paranoïaque à sedétraquer et àrejeter lesorganes désirants, etquiempêche maintenant la machine d'enregistrement d'inscrire et decoder laquantité absolue del'énergie

encirculation. Énergie résiduelle, absorbée etconsommée par«quelque chose{…]del'ordredusujet*».Icicommence latroisième synthèse du

désir, synthèse conjonctive deconsommation. Lesujetquis'encharge - leCélibataire, «sansidentité fixe,errant surlecorpssansorganes, toujours àcôtédesmachines désirantes »—annonce le«sorcier »de Milleplateaux : comme lui, situéenbordure delasociété, il agiten obéissant àunecausalité magique. Onadoncdesdevenirs dusujetet destransformations delaréalité, lespremiers provoquant les dernières. Comment l'intensité del’affect fait-ellejaillirleRéeldel’hallucination etdudélire? C'estbienleRéelquisurgitdetoutes cesopérations, nonune construction subjective quiprolongerait encore laréalité ensorcelée. Carlesujet schizo construit enfaitunpland'immanence oùil n'yaplus unextérieur qui s'oppose àl'intérieur, plusd'esprit contre lamatière, plusdesujetdistinct del'objet,plusdedualisme. L'immanence se solde parlacréation d'une sorted'enveloppe qui fait fusionner tous les termes opposés. [l n'yaplusdesujetouderégionsubjective autonome.

L'Anti-Œdipe marque biencetraitdel'affect intensif : ilyestquestion d’«intensités enveloppantes »,de«distances indécomposables toujours enveloppées dans desintensités qui sedivisent les unes dans lesautres en changeant deforme” ».Laposition d’unmilieu enveloppant bouleverse l'espace etLeremps ordinaires delaréalité ensorcelée : l'espace cesse 3.AO,p. 15.

4.AO, p. 22-23. 5.Ibid.

à

la

Ms

110 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

Sorcellerie etmachinisme111

d'êtreobjectifetlerempschronologique. Plusd'extensions, rienque

des«distances indécomposables »dans lespatiwm topologique; plu

capable debriserl'effetdecapture desmachines capitalistes —non

dedimensions temporelles extérieures lesunesauxautres,maisun infiniactuel oùcoexistent toutes lesdimensions dutemps.Lecaractère enveloppant desintensités nedérermine aucunenfermement. Voil qui distingue lecorpssansorganesmiraculédu corpssansorganes

fonctionnement decesmachines. Production magique d'uneffet réel.Icisesituelagrande opération (magique) deroutelalogique

schizo : héritier ducorpsparanoïaque, lepremier setientau-dessus desmachines, assurant même, parfois, unesortedetranscendance immanente (c'estlecasdu nazisme) ; ledeuxièmenesoumetni ne totalise jamaisl'ensemble desmachines, maissesiruetoujoursàcôté. Dans le premier cas,lefonctionnement machinique enferme, dansle

second, il continue sans cesse, explorant denouveaux territoires. Voiciunautre aspect delaproduction duRéelparl'intensification dusentir, comparable àunetechnique dedésenvoürement :enrompant

l'absorprion des machines désirantes (oulesforces detravail) parlecorps

sansorganes (ouleCapital), l'expérience schizobriseetdéfaic lasurface

miraculée ducorps sans organes etruinel'ascendance despotique dece dernier. Cette ascendance setraduisait parlasubordination desforces à uneFigure ouInstance transcendante (Dieu,leCapital). Enépousant laforceetl'intensité duflux(depeur,d'angoisse), il casse laprimauté

paranoïaque delaFiguretranscendante, il devient lui-même fluxet puissance —lemoi se désincègre, l’ordre desubordination de la force àl'image serenverse, la forcedevient unemultiplicité quicircule et traverse lesobjets hétérogènes surlecorpssansorganes, épousant la dynamique dumouvement réel.Ledésenvoütement n'est pasuneffet psychologique qui«éveillerait »lesujetplongé dansl'illusion, mais il

change parce qu'ildevient lesforces mêmes d’unréel libéré. Sapsychologic. c'est leréel dudevenir. Processus identique àcelui quianime le sorcier lorsqu'il jette unsort, parexemple :devenant lui-même une

force cosmique, ilépouse laforce, latravaille etladirigevers uneautre forcequ'ilveurcapter ervaincre. 1]agirsursoncorps, surles forces quesoncorpsabrite etqu'illibère. Iutiliselesmachines propres àla sorcellerie. Il s'implique lui-même danssonexpérimentation magique. AE sentirsous-tend les« rechniques dedésen9 t» contre «sorcellerie capitaliste »,dont parlent Philippe

£_.

rer .

6.Cf. PhilippePi

LaDé

Stengers, notamment celles deoser

et

agittoujours deproduire l'intensité delapuissance ge

:

2Ÿ. ignarre etIsabelle Srengers, Lasorcellerie capitaliste, Paris.

pasdeseffets decroyance, mais deseffets événementiels propres au

deleuzienne desmultiplicités : laconstruction du CsO. On saitque

lestroissynthèses nesesuccèdent pasdansl'ordrechronologique, mais quetout se faitenmême temps. Encesens, ondiraqueleCsO «étaitdéjàlà»,danslasynthèse connective, maisaussi qu'ilnes'est inement constitué quegrâce àlatroisième synthèse deconsommation quiproduit le«corps glorieux ».C'estl'action magique duschizo qui réussit unemultiple transformation extraordinaire : lorsqu'il élimine lesorganes, il démembre soncorps, le divise, l’éparpille etprojette horsd'eux-mêmes corps etorganes. «Îl sefairuncorps sans organes », mais aussiunCsOautonome, existant horsdelui,mais oùils'intègre. Voilàquiempêche dedirequeleCsOn'est qu'une métaphore ducorps propre. CequeDeleuze erGuattari ontdécrit dans certe opération de sorcellerie, c'estlacapacité ducorpsintense etincensifié desortirde lui-même, deprojeter «l'extérieur »l'hallucination etledélire erde lesposer comme réels. Enopérant ainsimagiquement, entissant le CsOcomme unplan—projection delasurface etdesorganes délirés desoncorps- il fabrique «lechamp d'immanence dudésir»,alors même qu'ilendevient unélément : ilconstruit leplanqui le construit. C'estl'unedesopérations majeures deLalogique deLAnri-Œdipe et deMilleplateaux. Cecorps quiagitsurlui-même n'est pasun«microcosme »,image miniature du«macrocosme ». Il devient lui-même en cessant d'être lui-même. C'estplutôtuntransducteur etuntransformateur, corps paradoxal intensif :ilestmatière eténergie, particule et relation. Il estpuissance d'Univers, capable desedissoudre, deperdre sonunitépouraffirmer lecosmos quivientl'affecter. Insistons sur lanature magique duprocédé quiaboutit àlaconstruction duCsO. On distinguera deuxopérations magiques : lapremière, lepassage ducorpsà l'esprit etde l'espritàlamatière quimène auRéel,ne suitaucunecausalité efficiente. VoulueparleCélibataire schizo(ou

«sorcier »),cette «expérimentation »où«pratique »n'obéit pasà desrègles rationnelles. Ellesuscite desdevenirs, ledevenir-esprit du corps etledevenir-matière del'esprit. Ladeuxième opération magique utilise laconragion :deuxinstances, deuxréalités hétérogènes entrent ensymbiose parcontamination. À remarquer quec'est leur différence même, leurhétérogénéité quiexige lacontagion. Celle-cicomble l'intervalle quisépare lecorps del'esprit.

112 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

Sorcellerie etmachinisme 113

Envérité, c'estle Réeldudésirquicomblel'intervalle quel'absence

I. LA MULTIPLICATION DESDIMENSIONS DANSLE DEVENIRIMPERCEPTIBLE

decause rationnelle laisse vide. CeRéeln'est niDieunil'esprit ni1,

matière, maisla«cause immanente »detoutcequi est,àlafaçon de|; substance spinoziste. On diradoncque,dansL'Anti-Œdipe, le Passage

de la réalité miraculée auRéelrésulte del'action dela«substance , elle-même (le Réel),opérant à travers lecorpsdu«sorcier»-célibataire sur la réalitéensorcelée. C'estbienunelogiquenouvellequeDeleuze

etGuartari cherchent àdégager dansMilleplateaux. Cequisoulève immédiatement le problème desesrapports avec laraison —problème quenousn'aborderons pasici, maisquel'évocation insistante, dans L'Anti-Œdipe exdansMilleplateaux, del'Éthique deSpinoza, appelle à

examen. Disons seulement qu'elle nous intéresse directement, puisque Deleuze, dans lechapitre xvitdeCritique etClinique, intituléSpinoza etLes trois«Éthiques »,aborde laquestion mêmequenousvenons d'évoquer : leremplissement del'intervalle laissé videdanslesdémons-

crations du livre V del'Éthique’ —problème identique àcelui de la contagion dans lepassage d'unhétérogène àl'autre, dans lalogique

dusorcier. C'estaussi cequefairSpinoza. Rappelons lespages extraordinaires deDeleuze évoquant les «pures figures delumière produites parle«Lumineux subsrantiel »àl'œuvre danslelivreV, auxquelles sesoumetrent les figures géométriques*. Ainsi, laméchode géométrique duLivreV[...] vaprocéder parintervalles etpar bonds, hiatus etcontractions, àlamanière d'unchienquicherche, plurt qued'unhomme raisonnable quiexpose. Peut-être dépasse-t-elle toute démonstration, pourautant qu'elle opère dansl'indécidable*.

Lesorcier aussi opère dansl'indécidable, avec desêtres delumière. À une vitesseabsolue.

Autrement dit, Deleuze repère, dans lalogique sorcière, unerationalité différente, plusproche sans doute decelle dulivre V del'Éthique

deSpinoza.

LeRéel,c'estdesmultiplicités. Lathéorie desmultiplicités de Milleplateaux, montre qu'elles nedésignent pasdesunités, maisdes dimensions ou«desdirections mouvantes "°».Retenons deux aspects delamultiplicité.

1)Elleimplique desdevenirs sur le pland'immanence. Queson tissumême consiste endimensions, quecelles-ci varient enl'obligeant àchanger denature, voilàqui fait desonmouvement undevenir des devenirs, sortedefractalisation dumouvement dudevenir. Voilàqui définit l’immanence, soncaractère enveloppant et infini.Lamulriplicité nécessairement l'immanence; 2)Elleopèreenchangeant denature etseconnectant avecd'autres

dimensions. Les«changements denature »découlent desvariations dedimensions ou variations d'intensités. Celaéquivaut aupassage

deseuils ougradients d'intensité surleCsO, soit auxdivers degrés du«Je sens»schizo. AinsileRéel«désensorcelé »surgit: onagit intensivement surlecorps eroncrée duréelsurleCsO,quidevient lui-même réel. Ondéfair lesimages opposées desdualismes deroute nature enlestraversant, eny insistant defaçonàenépouser Lesforces. On arrivealors«à la formulemagique quenouscherchons rous:

Pluralisme =Monisme, enpassant partouslesdualismes quisont l'ennemi toutàfaitnécessaire, lemeuble quenousnecessons pas dedéplacer! ». Lamachine abstraite connecte desdimensions etdesintensités différentes, faisant communiquer les plateaux ouchamps d'iminanence. Cemouvement «horizontal »s'accompagne detransformations du plandeconsistance, qui le rendent deplusenplusenveloppant - visant sans doute lepassage detoutes lesimmanences relatives à l'immanence absolue. Ainsi,parexemple, il yauneespèce devisée quitraverse la chaîne desdevenirs : Siledevenir-femme estlepremier quantum, ousegment moléculaire, etpuls lesdevenirs animaux quis'enchalnent aveclui,versquoisepréciplrent-ils

7.G illes Deleuze, Critique erClinique, Paris, Éditions deMinuit, 1993, p.172 8. /bid,, p. 183. 9,bi,

p. 185.

10.Gilles Deleuze, Mille plarraux, Paris, Éditions deMinuit, 1981, p.31(désormais

MP).

11. MP, p.31.

: à

114 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE Sorcellerie etmachinisme115 tous ?Sans doure, versundevenir-imperceptible. L'imperceptible eslafin immanenre dudevenir, saformule cosmique !!,

vivantes, parcequecontenant de plusenplusdedimensions. Lecarré

Il nes'agit pasdetéléologie, pasd'assignation d’une finalitéUnifian

desdimensions supérieures, jusqu'àl'infini.Cescarrés, ousphères, ne

tous lesdevenirs, mais deladirection d'unmouvement quicherche [.

plusgrand nombre deconnexions, quireprend donctouslesdevenir, parcequec'est,pourainsi dire, savocationinterne: voilàPourquoi le devenir-imperceptible vient«àlafinderouslesdevenirs moléculaires ,

Lesmachines abstraites sechargent d'opérer les agencements de

intensités, endécodant les strates, traçant, du mêmecoup, le mouve.

ment de«précipication »desdevenirs vers l'imperceptibilité. Commens cemouvement s'engendre-t-il? Il estinscritdansla natureMême desdevenirs, carundevenirsetransforme dansun autregrâce àune opération extraordinaire, queMilleplateaux qualifiede«dernier mot delasorcellerie? »,etquidécritlafaçondontunemultiplicité retienr

lesdimensions delamultiplicité dontelledécoule. C'estcequi en faitunemudriplicité plare: l'aplatissement rendpossible larétention desdimensions. Deleuze donnecommeexemple, àpartird'unroman

deLovecraft, les sections opérées dansdesfigures géométriques qui engendrent d’autres figures dansd'autres dimensions :parexemple, le carré, àdeuxdimensions, résulte del'intersection, parunplan,d'un cubeàcrois dimensions et ainsidesuite, àl'infini.L'action decouper

uneforme dans unespace àndimensions faitnaître uneautre figure

àn-1dimensions quicontient, virtuellement, lafigure et l'espace dontelledérive, sibienquel'ultimeFigureAbstraite recueille une infinité d'autres dimensions qu'onpeut représenter étalées surunplan.

Larétention virtuelle detoutes lesdimensions spatiales précédentes vient delanature delacoupe elleéquivaut àlagenèse d'une figure àpartir de lacoupe-genèse d'une figurecorrespondante antérieure. Pours'enrendre compre, il suffitdefairelechemin inverse dela

coupe : ducarré onretourne aucube, ducercle onretourne la sphère

déployée —etàl'espace àtrois dimensions présupposé dans le carré et

lecercle. Chaque figureincarne lagenèse d'unegenèse. Or,la genèse

dunegenèse représente undegré deplus dans l'échelle del'abstraction. maisd'uneabstraction quirecueille etconserve lesdimensions qui

contient en lui,virtuellement, plié erenveloppé, conrracté, l'ensemble sontplusdesdessins géométriques, ils ressemblent àdes«dessins de sorciers!* »: ilssontvivants, ils sesituent eux-mêmes dansunespace àndimensions —unespace decontagion. Ainsichaque devenir suscite unautre devenir ettousseprécipitent dans ledevenir-imperceptible. Lepassage d'une multiplicité àl'autre demeure logiquement inexplicable: oui, il y a genèse et mêmegenèse degenèse, maiscomment,

précisément, cecontinuum engendre-t-il desfigures hétérogènes ?Ou,au contraire, comment leshétérogènes seconnectent-ils? Comment la contagion opère-t-elle? Pariour destrous dans le continu, et oujours l'action dusorcier lesenjambe, refaisant leissu.Les«enjambe »et, enmême temps les«remplit »: lepassage d'hétérogène àhétérogène estassuré par l'imperceptible atteint, l'imperceptible perçu qu'onveut atteindre -— l’ulrime devenir présent danstoutdevenir desmultiplicités, quiconserve touslesautres devenirs surleplandeconsistance. Letrajet deplusenplusabstrait desdevenirs neforme pasuneévolutionmaisuneinvolution, terme quidésigne l’abstraction progressive desmultiplicités «enenfilade!5 »;maiscette enfilade ousuiten'en estpasune, car toute multiplicité endevenir reprend toutes lesautres etseprécipite dansledevenir-imperceptible. Deleuze sesert desparoles deD.Juan, le sorcier deCasrañeda, pour décrire l'élément dernier (l'imperceptible-perçu) qui relieleshétérogènes : «tourcequejepeuxtedire,c'est quenoussommes fluides, desêtres lumineux faitsdefibres. »Deleuze commente : «Unefibrevad'un homme à unanimal, d'unhomme oud'unanimal àdesmolécules, demolécules àdesparticules, jusqu'à l'imperceptible, Toutefibreest fibred'Univers #.»Comment ateint-on ceseuil absolu quilaisse voir l'imperceptible ?Enéliminant toute forme, toute concrétion molaire, tourorgane «detrop»dansLecorps, enintensifiant lemouvement jusqu’à enextraire l'infini.On arrive ainsià ladéterricorialisacion ouàl’immanence absolue. «Laperception setrouvera confrontée à sapropre limite; elleseraparmi les choses, dansl'ensemble deson voisinage, comme la présence d'uneheccéiré dansuneautre!?. »

précèdent, quelque chosecommeuneabstraction ou unecontraction

dans unesérie defigures deplusenplusabstraites etdeplusenplus

12. MP, p.342. 13. MP, p.307.

14, MP,p.308. 15,MP, p.305.

16./bid. 17.MP,p.345.

7

Sorcellerie etmachinisme \17

116 AGENCER LRSMULTIPLICITÉS AVECDeLeuze

à

lignes abstraites, desêtres lumineux, 4

a Le ie machine abstraite". »Quiper ainsi l'imperceptible, endevenant soi-même imperceptible? L'arris. Jefou,l'enfant, lespinoziste, lesorcier. On remarquera que la mém logique émane desdevenirs desmulriplicités sur tousles«plat au.

C'est la logique delavie,ycompris deLa«puissante vieinorganique . IL.PENSERC'ESTTOUJOURSSUIVRE UNE LIGNE DESORCIÈRE Noussommes partis delamachine paranoïaque etdelamachine miraculante dans L'Anti-Œdipe, ernous voiciarrivés àlamachine abstrane dudevenir-imperceptible deMilleplateaux. Partoutnousavonstrouvé des

desmachinesmagiques. Ce sontaussidesmachinesdeCESSE àcissentle planqu'ellessupposentdéjà.Nous avonssoulign

de étroitsentreimmanence, sorcellerie etmachinisme, maisnous mn analysé l'immanence, sesopérations etsesmouvements. Ici, sa i faudrait unregard moléculaire etdepluslongueportée, qui D

épouserl'Orient du Tao etdu Zen,et fasseaveceuxpeut-être

cequeDeleuze à faitaveclasorcellerie primitive : enisolercertains agencements etmouvements pourformersespropres concepts. Mille plateaux n'estpasseulement ungrandlivredephilosophie, c'estaussi leplusbeautraitédesorcellerie denotretemps.Prendre aumotsa logiquesorcière avecsesmachines immanentistes, voilàsansdoute

unetâche philosophique nécessaire.

mouvements etdes processus bizarres quin'obéissaient pasauxnormes logiques. Etqui,pourtant, avaient leurconsistance propre. Deleux

etGuartariinsistent surlecaractère «alogique»decesmouvements : «ün'yàpasd'ordre logique préformé desdevenirs etdesmultiplicités* «C'est ainsi quenous opérons, nous sorciers, nonpassuivant unordre logique mais suivant descomparibilités oudesconsistances alogiques ? »;«lesraisons machiniques sonttouteautrechose quedesraisons oupossibilités logiques: :

Cesraisons machiniques président àcequ'on pourrait appeler une

logique sorcière. Cen'estcertes paslalogique delasorcellerie primitivetelleque l'ethnologie Larestitue, maisdont,pourtant, Deleuze et Guartari retiennent biendesaspects. Il faudrait toutuneétude pour dégager les traitsessentiels decettelogiquedeleuzo-guartarienne, siruée àlafoisdanslevoisinage decelledessorciers traditionnels et dans levoisinage delaraison spinoziste. Peut-être n'est-elle elle-même

qu'une grandiose Machine abstraite quiopère lepassage entre les

multiplicités sorcières etcelles, philosophiques, du livreV del'Éthique

—afindelesprécipiter ensemble dans lagrande raison magique de

Milleplateaux®?. Car,comme onl'avu, les machines abstraites sont 18.MP, p. 343.

19.MP, p.37. 20.MP, p. 3%.

21.MP, p.350. 22.Cevoisinage entre la

évoqué parDdeuze, dans lechap. sorcellerie etlelivre V del'Éthique este: xplicitement 6deSpinoza. Philosophie prarique «Beaucuj

decommentateurs aimaient suffisamment Spinoza pourinvoquer unVentquandils parlaient delui.Et,eneffet, il n'yàd'autre comparaison quelevenr.Maiss'agit-ildu grandventcalme dontparke Ddlbosentantquephilosophe? Ou bienduvent-rafale,

duventdesorcière, dontparle… » (Paris, Éditions deMinuit,1981, p.175).

»

IX

Entretotémisme aborigène etUmbanda brésilienne :empreintes, lignes defuite etcristallisation deshétérogénéités BARBARA GLOWCZEWSKI

Peuavant certe intervention, j'airêvé quejedisais àDeleuze «lavie n'estpasuntoboggan.».Orj'avais prévu deleciterà propos d’un jeuavecungant: Dansunesituation deSurLes quais oùlafemme auncomportement ambivalent, eroùl'homme sesent timide etcoupable, celui-ci ramasse legant qu'elle 2laissé comber, legarde erenjoue,yglisse enfinsamain. C'estcomme un signe générique ouembryonnaire pourl'image-action, qu'on pourrait appeler Empreinte (objet émotionnel) et quifonctionne déjà comme un«symbole » dans ledomaine ducomportement. Ilréuniràlafoisd'une manière étrange, l'inconscient del'acteur, laculpabilité personnelle del'auteur, l'hystérie de

l'image, tellelamainbrûlée parexemple, l'empreinte quinecesse desurgir dans lesfilmsdeDmyrryck. Dans sadéfinition la plusgénérale, l'empreinte estlelienintérieur, mais visible, deLasiruation imprégnante etdel'action explosive.

Siauniveau «symbolique et «sémiologique », lecinéaste apeutêtrevoulu suggérer parlegeste del'acteur ledésir depénétrer l'actrice enlaissant sonempreinte danslegantquideviendrait métonymie de la

femme, j'yvoisplutôt le devenir desonretournement : enmettant sa main dans ungant habitéparlamain dcerte e femme, c'est sonempreinte àellequel’usurpateur dugantpeutchercher àimpressionner sursa propremain.Dansunganttoutjusteretiréparuneautrepersonne, 1.GillesDeleuze, L'mage-mouvement. Cinéma I, Paris,Éditions deMinuit, 1983, p.219.

»

»

)

120 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

vouspourriez sentirlachaleur qui«imprègne l'intérieur.Alorsj peut-on y trouver d'autres traces deviedesonporteur? Quidir Fes ditdevenir, devenir-femme... Si monrêvedisait: «lavien’estPasun

toboggan »,c'est quelegant glisse vitevers autre chose. Au-delà dujen lavie,quin'estpasl'image quel'oncroyait étrecelledel'homme qui fantasme oufétichise. Deleuze définitainsisousleterme d'. imageaction »(force ouacte) l'«indice »dePeirce, comme «signe qui renvoie àsonobjetparun lien defait,soitune situation nondonnée,inférée

équivoque etrerournable +,unaspect del'empreinte?. L'image-action del'«empreinte »m'évoque leschamanes australiens dont l'initiation danscertaines régions aétédécritecommeleretournement ducorps,

visuellement exprimé paruneforce pénétrant l'anuspourtirer sapeau

Entre totémisme aborigène etUmbanda brésilienne 121 LecristalaaussiinspiréLévi-Strauss quiycompare le mythe : «Vis-à-vis dlea langue, d'une part,de laparole, de l'autre, saposition

eraireneffet analogue àcelle ducristal :objet intermédiaire entre un statistique demolécules etlastructure moléculaire elle-mêmef. »

Pourbeaucoup depeuples dontlemythe fonde leurs cosmovisions,

l'image ducristal frappe parsonaspect minéralogique debrillance er réfraction, detransparence multicolore, deboitenoireentrelavieet

lamort,l’animé etl'inanimé. Dansledésert australien, les ancêtres

des chamanes, selon unmythe que j'aireconstitué ducentre àlacôte

ouest del'Australie, Deux-Hommes quisetransformaient entornade ont « joué avecdespierresde couleur » (lesquartz)pourse« jouer»

interne audehors? : lechamane «change depeau»en«seretournant

deshumainsen multipliantlessystèmes deparenté avecdesrègles demariages qui distinguentunetrentaine degroupes delangues

pointdevueopéré dansleprocessus de l'analyseselonlatopologie

différentes. Depuis, leschamanes initiés détiennent uneréserve de quartz danslecorpsqui«cristallise »àlafoisleurpouvoir devision

comme ungant »,image d'une certaine définition duchangement de deLacan.Cetéchange entrelededansetledehors, la peauinterne et

lapeauexterne, estuneopération magique, topologique comme la bouteille deKleinquioffreungoulot inversé*. À noter queLévi-Strauss

dans Lapotière jalouse utilise aussi labouteille deKleincomme opéra-

teurd'unparcours mythique. L'opération magique duretournement «actualise »et«réalise » un virtuel(«dessous »,£anunjuenwarlpiri)

encréant unnouvel actuel («dessus »,kankarlu) delasurface à«fleur depeau»maiscelle-ci doitpermettre unerevirtualisation, l'émer-

gence d'une nouvelle puissance d'agir. Dans lecasduchamane, c'est

lapossibilité deguérirlesautres. PourDeleuze, lavirtualisation est comme unecristallisation : cequ'onvoitdanslecristal estlecemps enpersonne, le jaillissement du temps. Lasubjectivité n'estjamais lanôtre,c'estLetemps, c'est-à-dire l'ameou

l'esprit, Levirtuel. L'actuel esttoujours objectif, mais levirtuel estsubjectif”. 2.Ibid.p.292, traduit ainsiLes deux autres concepts dePeirce :«image mentale » (relations abstraites) pour«symbole »,signe quirenvoie àsonobjet envertu d'une loiet«image-affection »(qualité oupuissance) pour«icône »,signe quirenvoic à sonobjet pardescaractères internes. 3.Barbara Glowczewski, Du Kéveà LaLoichezlesAborigènes. Mythes, rites organisation sociale enAustralie, Paris,PUF, 1991. 4.Isabelle Morin,Laphobie, Levivant, leféminin,Toulouse, Presses universi-

taires duMirail,2009, p.446:citant Lacan (séminaires 11er1964-1965, leçondu 6 janvier1965,inédit}.

5.Gilles Deleuze, L'Image-semps. Cinéma 2,Paris, Éditions deMinuit, 1985, p.111.

(diagnostic permettant devoiren«transparence à cravers lapeaudu

corps pourtrouver l’image «indice »delamaladie) etlepouvoir de guérison enagissant surla tracedu malparlevomissement d’unde

cesquartz oud’uncaillot desang qui captelemalenluipourl'éjecter àl'extérieur’. Viveiros deCastro commente dans l’article«Laforêr de cristal »destémoignages chamaniques deDaviKopenawa, Yanomami d'Amazonie brésilienne, recueillis parl'anthropologue Bruce Albert ausujet desxapiripe quidésignent à lafois«urupé, l'image, principe vital,intériorité vraieouessence desanimaux etd'autres êtres dela forêt»,«lesimages immortelles deLapremière humanité archaïque, composée deYanomami avecdesnoms animaux quisesont transformés enanimaux duprésent »erenfinleschamanes, «devenir unchamane » étant synonyme de«devenir unesprit »(xapiri-pru ; leschamanes —en aspirant unepoudre hallucinatoire —captent pourtousleshumains «desaffects nonhumains multiples »car,selon Kopenawa, «cesont

lesmots duxapiripé quiaugmentent nos pensées* ».Lechamane, selon

ViveirosdeCastro,estcommeunphilosophe socratique, pourlequel 6.Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon,1955, Il.

7.Barbara Glowczewski, «Lecorpsentre deux-vents {nord-ouest australien) »,

inM.Godelier etM.Panoff (dir.), Laproduction ducorps, Amsterdam, Archives

contemporaines, 1998, p.203-227. 8.Eduardo Viveiros deCastro, «TheCrystal Forest : Notes ontheOntology of Amazonian spirits »,/nner Asia,vol.9,2007, p. 13-33, citeD.Kopenawa etB.Albert,

publiés auBrésil etdans lecatalogue Yanomami (Fondation Cartier, 1993). Voir aussi leurlivreLaChuse duciel,Paris,Plon,coll.«Terrehumaine »,2010.

122 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDeLsuze

l'ontologie desesprits amazoniens secaractérise parl'«imagerie inten.

Entretotémisme aborigène etUmbanda brésilienne...123

La«vision »estfaite decedédoublement, decerte coalescence. C'est

sive deréflexion lumineuse enétincelles »et«ladivisibilité indéf,.

dans lescristaux d'inconscient que se voient les trajectoires delalibido.

demultiplication desesprits »,danslaforéttraversée d'unréseau de chemins delumières, comme une toile d'araignée, avec des«miroirs,

detemps commeétantparexcellence uneritournelle!! »,cequ'ils

gigantesques quiservent desupports volants auxesprits. À l'instar d'autres peuples amérindiens, c'estlapropriété de«briller»enmur. pliant la lumière pour agir qui intéresse lesYanomami, unrégime de métamorphose, demultiplicité qualitative, uncontinuum hétérogène . «xapiripéestlenomdela synthèse disjonctivequi connécte-sépare

l'actuel etlevirtuel, lediscret etlecontinu”. » Lasynchèse disjonctive à l'œuvre dansl'imageactionestpour Deleuze undesaspects ducristal auquel il seréfère dansCritique er Clinique enmentionnant undemeslivres : Un voyageréelmanqueparlui-mêmedela forcedeseréfléchirdansl'imagina-

tion;etlevoyage imaginaire n'apaslui-même laforce,comme dit Proust, de

sevérifier dans leréel. C'est pourquoi l'imaginaire etleréeldoivent être plutôx comme deuxparties juxtaposables ousuperposables d'unemême trajectoire,

deux faces quinecessent des'échanger, miroirmobile. AinsilesAborigènes d'Australie joignent desitinéraires nomades etdesvoyages enrêve quicomposent ensemble «unentremaillage deparœurs »,«dansuneimmense découpe de l'espace etdutemps qu'ilfaulire comme unecarte!».

Àlalimite, l'imaginaire estuneimage virtuelle quis’accole àl'objet

réel, etinversement, pourconstituer uncrista/ d'inconscient. I]nesuffit pas quel'objet réel, lepaysage réelévoque desimages semblables, voisines; ilfautqu'ildégage sapropre image virtuelle, enmême temps quecelleci,comme paysage imaginaire, s'engage dansleréel,suivant uncircuit où chacundesdeuxtermespoursuit l’autre, s'échange avecl'autre.

Deleuze souligne ailleurs que«Félix avait raison dedéfinir lecristal

définissaient sous leurdouble plume enitaliques comme «sou ensemble de

matière d'expression quitrace unterritoire"? ».PourGuattari

l'étudedesricournelles mériteuneattention particulière, caril semble en effetque leur entréedanslesagencements animaux ethumains déjouent systématiquement lesoppositions rigidesentrel'acquis etl'inné,entreun

déterminisme biologique rigoureux etuneliberté d'invention”. Enanthropologie, sortirdecerteopposition estprimordial, comme ledit Guartari : cequicompte danscescristallisations decomportement semble étremoins denature intrinsèque àchacune de leurs composantes hormonales, perceptives, écologiques, sociales, quelesdispositifs spatiaux etrythmiques qu'elles engendrent et àpartir desquels desstratégies diagrammatiques, desractiques destrarification permettent decréer deséchangeurs, delancer desponts sémiotiques entredesunivers parallèles quinesemblaient jamais devoir communiquer ensemble".

J'aiditailleurs quepourlesAborigènes l'empreinte entantque«trace del'absence, est laseule preuve devérité qu'une action aeulieu!». Parce quesiquelqu'un appuie surdusable etlaisse uneempreinte demainoudepied, c’estlatrace decette action-là. Lesens decerte 11.GillesDeleuze, L'/mage-temps, op.cit.,p. 122.

12.Gilles Deleuze erFélix Guartari, Mileplateaux, Paris, Éditions deMinuit,

9.Eduardo Viveiros deCastro, op.cit.,p. 17-18 er20; lors desdiscussions à Cerisy, uneexpérience similaire desmiroirs furrapportée pourlesTarahumaras. par

RégisHébraud, compagnon delacinéaste R.Carasco, .

10.Note deDeleuze, Cririque etClinique, op.cit.,p.83:cf.Barbara Glowczewki

DuRéve à LaLoichez lesAborigènes, op.cit.,chap.1.Celivrede1991 lui aétésuggéré parGuartariqui l'avaitsousla formede mathèsed'Érar(Paris 1, 1988);bienque j'aiesuivisescoursàVincennespour unemaîtrisedecinéma,optionphilosophie en 1977-1978, je n'enai pasdiscutéaveclui, maispendantdesannéesavecGuattan.

dontrésultent deuxséminaires transcrits : «Espaces derêves (1983er 1985). Le

Waripiri »,Chimères, n°1,1987.

1980, p.397. 13.FélixGuartari, L'inconscient machinique, Paris, Recherches, 1997, p.127.

14.GillesDeleuze, L'Image-mouvement, op.cit.,p.127-128. DanslesCartographies

shizoanalytiques deGuattari, lesdiagrammes sontplutôt ducôté desPhylums machiniques (actuels erpossibles). Maisilyades diagrammes quijouent avec routes lespolarités destroisautres foncteurs : lesUnivers incorporels (possible etvirtuel),

telles lesrivournelles dontlaportée transformatrice (subjectivement déterrivorialisante) s'agence particulièrement aveclesTerritoires existentiels (réeletviruel)quieux

s’articulent avec Les Flux(réel etactuel).

15.« Leparadigme desAborigènes d'Australie : fantasmes anthropologiques,

créarivités artistiques etrésistances politiques »,inLarevanche des genres, catalogue, G.Le Rouxet L. Strivay(dir.), Liège,Aïnu, 2007,p. 85-107,p. 87.

124 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

Entretotémisme aborigène etUmbanda brésilienne... 125

action, c'est autrechose.Si maintenant, vousmettezdeuxpiedsl'an devant l'autre,il y adeschances quel'onpuisse diredansquelsens vous

avancez, maislesAborigènes vontajouter sila trace dated'uneheure, ouplus,voired'unmoisenfonction dusol et de la pression (intensiré dumouvement, poids del'agent, sonâge, sonsexe, etc.).Évidemmens lestactiques peuvent changer les traces d'unhumain enfuite.|]Peut simulerunemarche arrière pourbrouillerlespistes, defausses lignes de

fuite. 11 reste quechaque trace laissée estlaseule preuve qu'une action aeulieu.Le « territoireexistentiel »,c'estça.Guattariétaitfasciné du fairquetout l'agencementcollectifd'énonciationdesWarlpiri

(etd’autres Aborigènes enAustralie) soitconstruit surceprincipe delatrace quifaitparcours, etdesentrecroisements rhizomiques qui mettent en lienleréel,l'actuel, levirtuel etlepossible, toujours dans desmouvements autoréférents demétamorphose. Laritournelle seretrouve chezlesWarlpiri—ainsiqued'autres groupes du désertetcertains dela forêtetdu littoralnord—dans le

faitquechaque individu, avantmême denaître, estpensé comme

Lajamanu—40ansaveclesWarlpiri,Film(60)

unevirtualité d’unverschantéquelquepartdansla terre,atrendant des’actualiser. Ce versdechant/verset (kurruwalpa) s'actualise dans

deB. Glowczewski, 2018.Extraitdu ritueldeguérison Warlpirifilmé

en1979parl’auteur: .

un bébéà venir,apparuen rêveà quelqu'un de son entourage,mère,

pèreouautre,pourqu'onsachedequellieuexactement il vient, er à

queldevenir totémique il appartient, Kangourou, Igname ouautre. À lamort, certe virrualitéactualisée dansla personnererourne dans

laterre erattend des’incarner ànouveau. Celaneveutpasdireque lesgens seréincarnent. C’estseulement unaspect delapersonne, qui résulte aussi detoute unesérie deparcours, deréseaux d’autres devenirs totémiques etd'alliances, d’autres choses quecertepersonne àfaires aucours desavieetd’unesprit(pérlirrpa), quiluiestemporté dans lecosmos. Cetexemple delanaissance comme quelque chose quiest virtuellement là etquis'actualise enchaque personne pourensuite se revirtualiser, illustre à safaçoncequeDeleuze appelle le«processus de cristallisation ».Enl'occurrence, c'estleretour àlaterre del'imageaction d'unnom-lieu quiestlenomde la personne, dubébé quin'est pasné,sonnomsecret, magique, ayant unepuissance ensoi.Engénéral lenomne circulepas,parce quesionleconnaît, sionlechante, on peutséduire lapersonne, etonpeutaussi lui fairedumal.Donc« nomestunversdechantcondensé, lié à un lieuparticulier. Etla cristallisation consiste, àlamortd’unepersonne, à cequecenom-lieu

retourne dans lemême lieu etattende des'actualiser dansunenouvelle personne, ensemanifestant enrêve,maisennaissant dansunenfant.

Voiciunautre exemple de relationentre actuel etvirtuel. Onpeint sur leventre d’unefemme warlpiri, en1979, desimages-forces, Kuruwarri, termequidésigne aussibienlesêtresancestraux rorémiques, que l'image entraind’être cartographiée. Lesfemmes dessinent autour de sonnombril le lieu, lespoints d'eau (cercles) surlacerre dutotem, un serpent. Doncc’està lafoisunecarte, unancêtre Serpent, quin'est passerpent maisl'ancêtre desserpents etdeshumains ayantpour devenir totémique leSerpent. Lespetits demi-cercles représentent toujours despersonnages assis. Leslignes droires ouméandreuses sont desparcours. Cessignes sontpolysémiques, toutcomme les lignes desparcours aborigènes sontdesrhizomes, à l'image designames qui poussent rhizomatiquement dans la terre. Icionaunecorde faite avec descheveux etenduite d'ocre. Ersans toucher vraiment la peinture censée apporter l'image-force àl'intérieur ducorps, pour allerchercher la maladiede la femmecouchée,deuxfemmesbalancent lacorde

au-dessus desonmal,pour le retirer; l’uned'elles danse ensuite avec lacorde etemmène lemalauloin.C’estundouble processus :d'abord , 16.Barbara Glowczewski, «Guareari et l'anthropologie »,Multitudes, u°34,

L'effrr Guatrari, 2008.

126 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDeLeuzs

Entretotémisme aborigène etUmbanda brésilienne...127

actualisation dudevenirtorémique parlapeinturesurlecorps,un& devenirs totémiques delafemmeparceque,parailleurs, elle n'es

derepérage. Maislatâche aplus d'ampleur, elle semble traverser legarçon,

dire,parexemple : «LesGallesd'insecte sontmonRêveUukurpa)

marche etlacordetracent derrière lui’?

juste Serpent, elleestaussi d'autres animaux etvégétaux. Ellepey

jesuisGalle d'Insecte, jepartage monRêve avec telgroupe. »Chaque

comme siendépendait l'existence dumonde, decerendroit traversé qu'il familiarise. Cegeste danssadurée, laspatialisation decette ligne quesa

danslecontexte amérindien. C'estdoncle rituellui-mêmequimer

Changeons d'univers.Invitée auBrésil en2013, j'aieulachance d'assister pendantcinqmoistouteslessemaines, àdesséances d'Umbanda. J'ai appréhendé certe forme dcultedetranse e dematrice africaine àpartirdemesterrains australiens #.[|fautrappeler que, danstoute l’histoire del'anthropologie depuis ledébut jusqu'aux théories récentes avec denouvelles catégories ontologiques, onoppose

lesWarlpiridansunétatqu'hommes erfemmes, faisantdesrituels

toujoursle rorémisme auxreligions, cultes,ourituelsditsdetranse

foisquedespersonnes sontpeintes,il y a actualisation deKururwarr;

lesimages-forces. Unecertaine concentration seremarque chez l'enfanc peint et l'adulte quichante enétant peint.Il n’yapasvraiment transe maisunétatunpeusecond. Autrefois, letabac pituriservait à couper lafaimetàgarder éveillé, maisil n'yavait pasd'hallucinogènes comme maisenréférence auxmêmes ancêtres rotémiques etauxmêmes

lieuxdont ils sontlesgardiens, décrivent ainsi :parlerituel, ils entrent dansl'espace-temps durêve decesparcours, quandilsont été faits au moment de l'émergence desévénements quiont façonné le paysage toujours endevenir. Doncl’acrualisation c’est lapeinture (quiestditeentrer àtravers la peau), et lavirtualisation c’estlaguérison: entirantlamaladie parLi corde,ladanseetlechant—lefilm estmuetmaistoutçaestaccompagnédechants—le malestsortidel'intérieurdela malade ets'est

disséminé àtravers lacorde. J'aicommenté l'effet de cristallisation de certe corde, enproposant unparallèle entrecerituelaustralien etune autre corde, tiréeelleenFrance dansunfilmdeDeligny : Sichérapie il yadans ce«healing ricual »,c'est sans doute la gravité detelles affaires, quiàcemoment-là donne consistance àl'agencement, letransforme enterritoire existentiel oùlesujec disparaît comme articulation dedevenirs multiples. Lacordeapourpotentiel d'emporter lamaladie nonpasparce qu'on y croitmaisparce qu'une série degestes etd'actions lafontagirdans sondevenir : lefrottement delacorde surlapeinture quinourrit lamalade physiquement etspirituellement, etsadanse imprimée ausolconfirment sonnomsacré, makarra, «matrice »deroutes lesimages-forces Auruwari. oùsegénèrent touslesJukurrpa(Dreamings). Unjeunegarçon tireune cordeà travers lesbroussailles desCévennes. Sonami est rombé dans uñ ro. Il veur l'en sortir.Scène dufilmLemoindre geste, fictionconçue par Fernand Deligny, partant del'idée quedeuxenfants quis'échappent d'une institution psychiatrique vont, au grédutournage, sedéployer ausens propre «1figurédanslepaysage [.…].Lesimages d'Yvestirant la cordedégagent une sortedeconcentration, commeun arpenteur qui s’appliquerait à unprojet

oude sacrifice!?.Or,dèslapremière séance d'Umband, j'ai euun immense sentiment defamiliarité àl'égard decequiétaitentraindese r. Familiarité nonpasdanslamanière dontcessoirées Umbanda sedéroulaient et cequi amenait latranse desmediums incorporés par diverses divinitésetesprits,maisfamiliarité dufaitquecespratiques

actualisaient quelque chose dtrès e similaire àcequej'aipuvoirdans descentaines derituels aborigènes auxquels j'aiassisté enAustralie. Pourrésumer, ce traitde singularité«commun »estlareconnaissance

d’une multiplicité habitant lapersonne entrain d'entrer entranse dans l'Umbanda, multiplicité hétérogène quiestaussi activée enAustralie, parlapeinture ouladanse desfemmes oudeshommes, quand ilsse disent en«devenir »(postfixe -jarri)detelouvelesprit totémique. Cen'estpasjusteuntotem parpersonne, maisuneconstellation de possibilités quivontsemanifester dansunrituel, lamultiplicité de chaque personne. Enretrouvant cestraits de singularité d'une société àuneautre —malgré leurcomplète différence —j,echerche àrendre présent lecaractère commun dutravail eràsortir ainsidudébat entre universalistes etrelativistes.

17./d,,Totemic becomings. Micropolities ofthe dreaming (Devires Totemicos), anglo! SaoPaulo, n-1 publishings, 2015, p.15-16. Encart wraduit dans Unebévue, n°33,2015, p. 123-124 (B.Glowczewski, «Lignes d'erre etcartes desprésences

proches »,àpropos deCartes etlignes d'erre. Traces duréseau deFernand Deligny. 1969-1979, Paris,L'Arachnéen, 2013,p. 114-132). Deleuze citelesAborigènes

(cf.note10)dans «Cequelesenfants disent »,quicommente ces Cartes deDeligny. 18./d.,Réves encolère, Paris,Plon,coll.«TerreHumaine »,2004. 19.Voirl'introduction deToremic Becomings, op.cit.

128

AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECDeLeuze

Entre totémisme aborigène etUmbanda brésilienne... 129

deculre, il n'yapasdereflet dans le miroir. Dans le geste dumiroir, cequi brille c'estl'Orixaelle-même quienvoie vers les autres, ceque j'appelle l'empreinte : l'Orixas'imprime dans sesmediums. C'estl'Orixa qui faitempreinte, territoire existentie] pour les autres,cen'estpas un miroir.Ce n'estpasunereprésentation. Maisellebrillecomme

PertormanceCosmuouleurMlimecpar Donunique Masson, Genève,2015

.

Danscesimages que j'ai rournées à laTendaspiritaV6Cirina deFlorianopolis en2013(àgauche) er2015(àdroite), les gens som habités—ilsdisentincorporés —pardifférentes entités,divinités de

matrice africaine, lesOrixas, maisaussidesesprits demorts, telsles Beïjada quidésignent «lespetits enfants, lesesprits desenfants quison morts ®».Icic'estunesoirée Caboclo, esprits d'Indiens morts, vous voyez descoiffes enplumes, maisil setrouve quedeuxpersonnes qui étaient incorporées enCaboclo toutàl'heure sontdevenues Bcijada, esprits-enfants (suçant leur pouce, parlant, sautillant et seroulant par terre comme desbébés) : d'abord unefemme envert,puiscejeune homme marié àlajeune femme enceinte penchée àlafenêtre àdroite. dontlaprésence aenquelque sortefaitquesemanifestent cesdeux esprits nonprévus pour la soirée. Lemaître duculte, AbilioNoéSilvcira daSilva, incorporé lui-même ensonesprit, unIndiend'Uruguay, leur demande «pourquoi vousêteslàaujourd'hui?» (lesBeijada ont leurpropresoiréeoùlesParticipants «deviennent »etsecomportent comme des esprits enfants). Tout le monderit, Abilio faitarréter les

uncristal. Quand, au Brésil, desévangélistes fontdesgraffitis dans les rues desvillesenformedeslogans quireprochent auxgens descultes dematrice africaine d'«adorer »desimages, ilsnecomprennent pas ce quiestenjeudanstoutescesimages véhiculées chezlePovodeSantos

(peuple desSaints), parce qu'ilsraisonnent entermes d’adoration de cequ'un certainchristianisme fondamentaliste suppose des«païens »: qu'ils adorent desreprésentations. Or,cenesontpaslesimages quisont

adorées. Lesgensutilisentleterme«image»commeunvoileactivant lamanifestation d'autrechose.Il en vademêmedansle rorémisme

australien : lestotems nesontpasdes«images »quireprésentent ou symbolisent, maisdesimages-devenirs quiprennent différentes formes actives, agissantes selonleurssupports, objets, humains, nonhumains ettraits dupaysage. C'estundéfipourlesanthropologues ouhistoriens desreligions d'expliquer cequidanslescultes agit(actualise) er «cristallise »(virtualise) deshétérogénéités dansdesrites,despersonnes,

desobjets, deslieux,despierres, etc.,quinepeuvent se réduire àde simples «représentations »danslamesure oùl'enjeu dla e «présence » n'est pasl’image comme support maisseslignes defuiteendevenir. Deleuze etGuattari sont ici source d'inspiration pour«imaginer une anthropologie quiéchappe àlareprésentation?! »,cequejetente de fabriquer dansmesécritsdepuis mespremiers pasenAustralie.

tambours etl'assemblée accueille avec unejoiecontagieuse lebabillage desdeuxesprits-enfants venus cristalliser unnouvel événement. Revenons au miroir : certainsdesumbandistes qui tournaient tenaientlapaumedela maindevanteux. Ils étaientincorporés en

Oxum,l'Orixaquiaunmiroirdanssesobjets, saufque les personnes incorporéesnesemblentpas«sevoir »dansle miroir, le regardtravers

main comme silesOxum nesevoyaient pas. D'après certains maitres

——————20.FiguréspardeuxSaintschrétiens, DamienetCosme,frèresmartyrsguériseurs

venus d'Arabie. Lesesclaves Priaient surdesautels deSaintspourcacher lesOrisas : pag

imerdit :leChristpourOxala, StSébastien pourOxossi, SteBabar

——-

21.MarcioGoldman, «Reading Bastide :deutero-learning theAfricanReligions inBrazil»,Études rurales, n°196,Mhultiplicités anthropologique auBrésil: Varia,2015, P. 9-24,

X Agencement-Candomblé etlignes

defuitebrésiliennes ABRAHÂODEOLIVEIRASANTOS

LeCandomblé, cultedel’ancestralité dematrice africaine, aété crééparlesAfricains esclavagisés etleursdescendants, quiontdû résister et inventerdesmodesde penser et devivredistinctsdes

valeurs coloniales. Lapratique ducultealongtemps étéconsidérée comme uncrimepar l’Étatbrésilien.Entre1890 er1940 lapolice deRio de Janeiro a envahi ses lieuxde vie, lesserreiros, a confisqué

leursobjets rituelserappréhendé leursadeptes. Après lareconnaissance d’unstatut religieuxauxactivités du«peuple desaint»,ce cultesubitaujourd'hui desattaques violentes decertains évangélistes alliésauxinstitutions del’Étatouaupouvoir destrafiquants de drogue desfavelas. Lorsque les Africains ontétéamenés danslacolonie, auBrésil, leurcondition d’esclavagisés parlapolitique économique européenne signifiait unterrible bouleversement social etuncauchemar quiallait durerpendant des siècles. Destruction de leur base sociale, desliens familiaux, mélange desethnies etdeslangues, nouvelle économie delagrande plantation, centres urbains, nouveau rythme detravail, travail-châtiment. Rienn'était censé échapper àune vigilance sévère. Toutefois, desexperts desforces mystérieuses, lesfilserlesfillesde Nzila-Exu,s'employèrent directement àconstruire leurmachine deguerre,leCandomblé, et d'autresvariations culturelles. Dans le

Candomblé, Nzilaestlenomd'unancêtre detradition Bantu, etExu detradition Nagô.Nzilaestlelieuetleempsdelarencontre, lemaitre delacroisée deschemins,l'«encantamento »(enchantement) présent

entout,lepremier, leseigneur dunouveau futur, l'opérateur dela

132 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVRC Deauze

Agencement-Candomblé etlignes defuitebrésiliennes 133

différenciarion!, Nzila estl'action desforces imprévisibles, àProp

d'accumulation desrichesses danstoute l'Europe’. L'utilisation du

fuitesecrètes, imperceptibles, capables d'altérer lasegmentariré dure

terme diaspora pOurdésigner ladispersion despeuples africains vers lemonde est récente. D'après Dufoix',elleapparaît dans lesannées

desquelles jevoisdesrésonances danscequeDeleuze nomme ligne de «destination inconnue, non prévisible, nonpréexistante? »,lignes de

Ladureté delavieétait insupportable, mais, même ainsi, il4.

nécessaire deretrouver le sensdelalutte et dela liberté, d'organiser b

résistance etdepréserver lesvaleurs. Etlaligne dfuiteinvoquée e ss,

lenomdeNzilaestplusqu'unoutildepensée, c'estégalement une façon deconstruire ladisposition delalutteautravers duProcessus rituelduCandomblé, la danse, lecorps,lesgestes, leschants, la nourri. ture,lafêteerlacommunauté. À chaque instant, nousdevons tenir compre, dans les pratiques religieuses du Candomblé, delaprimauté du gestuel, commel'a biennotéla psychologue françaisevivanr au

Brésil, Munique Augras*. SelonRogerBastide“, c'estavanttoutparlebiaisdesmains des artisans, desfemmes etdeshommes libresque la religionafricaine est créée. Danslesrues, la rencontre descompatriotes a rendupossible }; formation desgroupes decapoeira etdechant.LesNoirsconcentrés dans les villesontplusdeliberté,cequi a permisunesolidarité plus profonde delacommunauté ancestrale. Avecledéveloppement de

vieurbaine, lesNoirss'agglomèrent et restructurent leCandomblé Ilsseréafricanisent, avecdenouvelles références pourceterritoire existentiel, leurAfriquevirtuelle, prenant le contre-pied decequis passait jusqu'alors. Etàpartirdelà,lesNoirsetlepeuple desterreiros sontentrés enluttepour la construction d’undestin quileur estpropre, necoïncidant en rienavec cequelemonde moderne leura offert. À uncertain moment, larésistance noireestlavirtualité laissée parNzila,uneagitation diasporique, lavolonté d’unautre monde. LaDiaspora, ladispersion despeuples africains versl'Asie, l'Europe et lesAmériques, àpartirduxW'siècle coïncide avec lefairéconomique 1.Abrahäo deOliveiro Santos, «Collective management of dreams :elements o! apsychology ofdifference »,Mnemosine, vol.6,n° 2,RiodeJaneiro, 2010, p.59-76. . 2.GillesDeleuze etClaireParnet, Dialogues, Paris,Flammarion, coll. «Champ Essais »,2008(traduction brésilienne de1998,p. 146). 3.Monique Augras, Oduplo eametamorfose :a identidade mitica daculrura nas. Petrépolis, Vozes, 2008.

4.RogerBastide, Lesreligions Africaines auBrésil: vers unesociologre de interpénétrations decivilisations, Paris, PUF,1995 (version brésilienne de l'éditeur Pioneira, 1985).

1950, par exemple avec Bastide,C estseulementdanslesannées

1960quelemouvement noirenFrance etauxUSA va sel'appro-

rier.L'historien desÉtats UnisEdmundo Gordon’, situe le fait

deladispersion desAfricainsau-delà deladimension économique, Ladispersion delacultureerdesmodes devieafricains danslemonde etlasouffrance desNoirsfaitdeladiaspora un fait racial erpsycholo-

ique:ladiaspora estunmouvement culturel,PaulGilroy® ladéfinit comme uneperspective contre-moderne, c'est-à-dire l'intervention quiremet enquestion lesmodes devieeuro-descendants. L'identité noiredoitporterenelle-même la transversalité diasporique. Entant quetermerécent,ladiaspora estlemotquidésigne à laperfection un faithistorique, la « déterritorialisation »desNoirs,qui,jusqu’à

aujourd'hui, esttoujours gravée àvifsurleurs corps. Ladéterritorialisation,pourlesNoirs,plusqu'unephilosophie, estunvécu,celui

deladiaspora noire.C'estlenomdelaplusimportante migration transocéanique de l'histoire, seloncequ'affirment les calculsdu

professeur MarcioGoldman : «lepointquej'aimerais souligner ici, estque les 4 millions depersonnes quipeuvent être arrivées àceque nous appelons aujourd’hui leBrésil, trouvèrent sur place desmillions d'indigènes, victimes d’ungénocide semblable àladiaspora africaine, desprocessus qui, il n’estjamais inutiledelerappeler, servirent à entretenir laconstitution decemonde moderne”. » LeCandomblé, prisparlesréverbérations desconcepts delignes defuite,déterritorialisation, reterritorialisation, nous aide àpercevoir lesprocessus continus etpermanents deréinvention duculte afrobrésilien. «Lemonde neseconstitue qu'àlacondition d'être habité par 5.CarlosMoore, À Africaqueincomoda :sobre aproblemanzaçäo dolegado afriano nocotidiano brasileiro, BeloHorizonte, Nandyala, 2010. | 6.Stéphane Dufoix,Ladispersion : unehistoire desusages dumot diaspora, Paris,

Éditions Amsterdam, 2011.

g

7.Edmund T. GordonetMarkAnderson, «TheAfrican Diaspora : Toward an Ethnography ofDiasporic Identification »,The Journal ofAmerican Folklore, vol.112,

n°445, 1999, p.282-296.

.

8.Paul Gilroy, The Black Atlantic :Moderniry and Double Conscioumess, London,

Verso Hall, Stuart, 1993.

9.Marcio Goldman, Conférence pourl'avancement auposte deprofesseur

titulaire, 2015, UERJ-MN.

;

134 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDLEUZE

unpointd'ombilic dedéconstruction, dedétotalisation »,ditGuattari Leslignes defuiresontcomme des lignes derésistance la capaciré de résister doits'alimenter delacapacité decréer,d'inventer uneréalité

d'offrir despossibilités. Dans leprocessus historique, en brisant lesracines

Agencement-Candomblé etlignes de fuite brésiliennes 135 KeroAngola, del'Umbanda etdelaJurema, duBrésil toutentier, sesont unis lorsduséminaire, afindedébattre despolitiques publiques etdu

combat contre leracisme.

etenopérant denouvelles connexions, comme le disent Deleuze «,

Nous-mêmes, nousdécouvrons leCandomblé, lavariété decultes quenous

d'économie etdereligion, leCandomblé a poursuivi jusqu'aujourd'hu

avons, endécouvrant leBrésiletsarichesse enmatière deformes deparvenir ausacré[…]. Nousdécouvrons cequenosaïeux ontrecréé, danslavariation

Guattari!!, enseréférant aux lignes defuite,ruptures deliens familiaux unprocessus intense dedéveloppement ‘?, en faisant rhizome avec|, terre desIndiens, le christianisme populaire, enserépandant etenJes faisant se répandre, enfaisant rhizome danslaville,envariant rhi2o.

matiquement avec l'Umbanda, la Jurema Sacrée, lescultes tziganes, laCapoeira, leJongo,leMaracatu etlaSamba. LeCandomblé à éçé, pourlesNoirs,l’unedesformes lesplusefficaces pour s'installer sur lesterres brésiliennes etétendre leursramifications derésistance etde

modes desubjectivation nonassujettie. Enjuin2015,une jeune fillenommée Kailane sortait d’une fête deCandomblé, lorsqu'elle futvictime d’uneviolente lapidation de là partd’unchrétien évangéliste. Unefoisdeplus,l’unedesfréquentes

manifestations deracisme et d'intolérance religieuse. Etl’État brésilien reste sans réaction. De1890 à 1940, oneurlapersécution policière!”; après 1950, lescatholiques etleursMissions. Mais,nilepassé, ni le ressentiment neconstituent notreproblème leplusimportant, mais plutôt ettoujours, lasouffrance etladomination quipersistent. Ense promenant dans lesrues delavilledeRiodeJaneiro, il estcourant de voirdesmurs peints auxcouleurs del'intolérance religieuse, de la part de chrétiens évangélistes vis-à-vis d’unculte quin'est pasdirigé vers l'Unité. L'anthropologue brésilien MarcioGoldman !*rappelle quelecombat culturel etpolitique mené parl'Occident, contre ceux quimaintiennent uncontact non-intermédié avec lesacré, nes'est jamais ralenti. Le14mai2015 j'ai participé auX°Séminaire national desreligions afro-brésiliennes etdelasanté. Deschefs religieux desCandomblés Jeje. 10.Félix Guarcari, Chaosmose, SäoPaulo, Editora 34,1992, p.102. 11.Gilles Deleuze etFélix Guartari. Milleplateaux, SäoPaulo, Edirora 34,1995.

vol.1,p.24.

12. fbid,, p.20.

deformes delaspiritualité, enprovenance desIndiens etdesNoirs,dans l'Umbanda, dans laJurema, dans lesvariations duCandomblé, s'estexclamé MakotaValdina.

Nousretrouvons l'importance detoutcela.Il seraitintéressant

pour le Brésildedévelopper lacompréhension desprocessus sociaux etdesubjectivation, nonpasàpartir del'économie, mais àpartir des croyances etrituels, comme lesuggère lesociologue Akiwowo!*, du culteauxforcessacrées dela natureetdespratiques desoinsvis-à-vis

despersonnes, suivant ladirection delaspiritualité duCandomblé. En

tantquepsychologue et initié partata* Luazemi, Roberto Braga, au TerreiroLumyjacaré Junçara, j'ai entrepris certe démarche. Lesdébats

étaient accompagnés delouanges envers lesNkisi,Voduns, Orixäs, Caboclos etlesentités del'Umbanda, ainsiquededanses etdechants. Etquefaitcepeuple ensemble, au-delà dedébattre, danser etchanter ? À nouveau, voyez cequenousditMakota Valdina : Noussommes icientraindenousrecréer, conformément àlaréalité d'aujourd'hui. Nousdevons nousguérir, dans Lesens defaire ceque fait leserreiro, danslesens duNkisi,del'Orixä, duCaboclo, de l'Encantado; nousdevonsnousguérir,danslesensdenousaccueillir lesunslesautres. La maladiequeLeracismenousimposeestLapiredesmaladies […].Ledéséqui-

libreestsynonyme demaladie, pournous,Afro-Brésiliens. Lapiremaladie

estleracisme. C’est pourcela quelepeuple desreligions dematrice africaine, lorsdeceSéminaire, pratique envers lui-même unprocessus deguérison.

Larencontre aveccette richessedefaçons deparvenir ausacré estcequeMakotaValdinanomme«auto-guérison ».Cequenous

faisonsestunepolitiquepubliquedesanté;un traitement collectifde 13.Consulter« Acervodaperseguiçäo »,.

:

à

186

EnquoiLecapitalisme est-il une axiomatique ? 187

AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECD'ELEUZE

dedeuxpointsprécisl'accidentdetravailetledéveloppement ki

Comment comprendre l'opération dupouvoir àPartir delaquestion

assurances. À partir delà,cesera lavie,beaucoup plusqueledr: civil,quivadevenir l'enjeudesluttes politiques, quiseformuleron :

dudésir>Cela impliquede caractériser lepouvoiroulesformes de

travers l'affirmationdenouveaux droitssociaux: ledroitàlavie:

L :alismefaitPRE

vernementà partird'uneopérativité quiaideàvoircomment le

corps, à lasanté, aubonheur, àlasatisfaction desbesoins!®. Lesna depouvoirsenouerontdésormais autourdelasubjectivité : delaÀ du travailleur, de l'ouvrierblanc,mâle,âgéde35ansEnviron, sujet

quideviendra lepivotd’unehiérarchisation sociale dontdépendent lesrapports depouvoiraveclesnon-blancs, lesfemmes, lesjeunes, les

vieux. L'État-providence s'affirme àcemoment-là comme unecombinaisoncomplexe de techniques d’individualisation etdeprocédures

totalisatrices. Lapolitique sociale constituera lasociété àtravers un processus denormalisation ‘?,uneforme depouvoir dontlreôleest de garantir, d'améliorer etdeconforter les viesdetousetchacun. L'Étar. providence opèreunajustement dupouvoir politique àunpouvoir pastoral exercé surlaviedesindividus etétablir, decette manière, un typespécifique derationalité, qui fouille la subjectivité Japlusintime,

endevenant le mode selon lequell'Étatdisciplinaire saisit lasubjectivité danslesrapports depouvoir. PourFoucault, il n'était évidemment pas question d'unpouvoircentralisé, ni dedoctrine—ni derépression, ni

d'idéologie. Lepouvoir estdansuneforme denormalisation. Ilopère parlamiseenplace detechniques orientées verslasubjectivité. L'appareil théorique foucaldien change defaçon importante lorsque ledésirestprispourpointdedépart, comme chezDeleuze etGuartari. Rappelons cequeditDeleuze surlepouvoir : Ceneserait paslesdispositifs depouvoir quiagenceraient, niquiseraient consticuants, mais lesagencements dedésir quiessaimeraient des formations de pouvoirsuivant unedeleursdimensions. Cequimepermettrait de répondre

àLaquestion, nécessaire pourmoi,pasnécessaire pourMichel :comnvent le pouvoir peut-il étredésiré ?

. Le

VE ee vsdésir échappent de

d'oùlecrait schizophrénique société. MaisDeleuze et

A

fontintervenir ledésird'unemanière particulière, parce

ueledésirn'estpasliberté,le désirn'estpasdirectement lié àun

mouvement d'émancipation?". Ledésirpeurdésirer cequilebloque, etcelaparcequ’ilrésulted'uneproduction sociale, demême que l'inconscient. D'où l'accentmissurlesrelations sociales comme dispo-

siifsdeproduction desubjectivité etdedésir. Lecapitalisme estun mode defonctionnement quidonnelieuàunecertaine société, àdes

particuliers dreelations sociales, etparlasuiteàdesmanières d'agencer le désirqui conviennentplusqued'autres. Lecapitalisme negouverne pasle désir: il le conjugueet l’axiomatise, Il rendles fluxdedésirconvertibles, ou traductibles, exactement comme dans lemécanisme quifait fonctionnerlamonnaie. Lecapitalisme instaure desrelationsqui rendentplusintéressant pourledésird'allerdans

unedirection plutôtquedansune autre, maisil fautpourcelaune instauration del’«intéressant ».Lanotiond'axiomatique permet de répondre àl’abstraction desrelations sociales qui a eulieuÀpartir de

laplus grande décodification detoutes :l'argent. Certaines sociétés ont

résolu lesproblèmes sociaux posés parcette décodification àtravers l'établissement decodes religieux, decodes sociaux oupolitiques n'ayant pasdirectement uneportéeéconomique. Cescodes ontétédéfaits, pour des raisons historiques etpolitiques, quiontunenature contingente. Maisla dissolutionde telscodesa donnélieuàdenouveaux

fluxdedésir,dedifférentes natures. Lecapitalisme procède àchaque foisdefaçonàconjuguer les flux.Et celasansrecours àuneforme quelconque desur-gouvernement, sans instance supérieure dedécision’.

Lesaxiomes nesontpasdespropositions théoriques, nides formules idéologiques, qui indiquentcequidoitêtrecruousuivi,mais ils

indiquent cequidoit êtrefai, Ils sontdes«énoncés opératoires qui constituent la formesémiologique du Capital,etquientrent comme

18.François Ewald, L'État-providence, Paris, Grasset, 1986, p.191. 19.Lanormeenquestion n'arienàvoiraveccequ'unepersonne peut où1H! faire,maisaveccequ'elledoit êtrepoursefaireaccepter pleinement dansleréférentiel

dominant. Lanorme exige uneexistence dontladisparité seprésente comme abertanié

source d'hostilités. Leconcept estemprunté àGeorges Canguilhem. LeNormal et# pathologique, Paris,PUF,2005.

2

20,«Désir etPlaisir »,letire deDeleuze àMichel Foucaule, datant de1977. lu

d'abord dansLemagazine littéraire, n°325,1994.

nes

21. Cela est expliqué par Anne Sa 2 Vidéo :«Lelacano-marxisme Den

dans une communication enregistrée deGuattari »,auColloque Mai68

farantaine, ENS, 2008, disponible sur .

22. Gilles Deleuze etFélix Guartari, Mileplateaux, op. cit,p.576

:

;

188

En quoilecapitalisme est-iluneaxiomatique?189

AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

jealisme actuel, ensoulignant qu'une nouvelle axiomatique sedessine

parties composantes danslesagencements deproduction, de Circu.

lationetdeconsommation?». La social-démocratie estmarqué

parunetendance àajouterdesaxiomes et lenéolibéralisme àé soustraire. Depuis lapremière guerre mondiale etlarévolution ; S desaxiomes furentinventés concernant la classeouvrière, j'ee

l’organisation syndicale, lesinstitutions sociales etlerôledel'État

delaquestion de la dette. C'estimplique luiqui a lemieux expliqué que a our yction radicale del'axiomatique quetous les rapports hr uxsontrenvoyés àuneaxiomatique minimale :«il fautpayer la Der net

Ensuite,aprèsladeuxième guerre, il y a euadjonctiondesnouveaux

Il affirmequel’axiomatique àtrait aurapport entresouveraintalité.Dans la crise deladette, ditLazzarato : et gouverneme

sise

axiomes pour les vieux, pour les jeunes, pour les femmes, ainsi que le

ément crouver desréponses àcesquestions les énonciaeurs sont

planMarshalletdesformesd'aidesetdeprêts.Tour celaconfigure la

lesinscirutions financières etbancaires, lesinstitutions politiques transnationales quiincorporent les Étatscomme undeleurs éléments: ilsdéfinissenc desprincipes (rembourser lescréditeurs, augmenter lesimpôts, couper dans lesdépenses deWelfare, assainir lescomptes del'État, euc.) d'oùl'on

l'aspect macropolitique, quiatraitauxappareils d'Étar, et Qui fournit lesdifférentsmodèlesde réalisationde l'axiomatique; et l'aspect

déduitnécessairement les politiqueséconomiques erlagouvernementalité;

façon sociale-démocrate demaîtriser leslux désirants nouveaux par uneaxiomatisation définissant l’État social. L'axiomatique implique deuxaspects, inséparables l'undel'autre .

ilsconstituent autant defluxsémiotiques quientrent dans laproduction au même vicre quelesfluxmatériels ils changent parce quel'axiomatique est, en réalité, une politique quiseconfronte etsadapte auxchangements desituations? .

micropolitique, quieffectue lacapitalisation desformations sociales D'uncôté, lecapitalisme fait lagestion desaxiomes àtravers lesappareils d'État,enseservant demoyenstrèsviolentss’illefaut,notamment

àdesmoments deprélèvement d'axiomes, comme lenôtre, 1]faur alors réfléchir surlerapport entre lesappareils d'État et lesformations sociales. Danslaphase néolibérale, cette question deviendra d'autant plusclaire quel’axiomatique semble deplusenplusindépendante des formes d’État spécifiques, qu'ilssoient sociaux-démocrates, totalitaires

rendplusclairelafaçondontl’axiomatique opèreenmême temps dans

Lenéolibéralisme seconstruit àpartird'unnombre trèsrestreint 'axiomes. Lazzarato enénumère quelques-uns :lesmarchés sont capables des'autoréguler, lesréductions d'impôts pour les riches etpour les entreprises sontproductives, lechômage estvolontaire, la privatisation estbénéfique pour tous,etc.Cesénoncés établis, ilfaut s'adapter, il faut faire ave, il fautseconformer àcequ'ilsénoncenr. Cequ'on conçoit comme loisdel'économie, cesontenfaitdesaxiomes politiques. Etc'est làunecaractéristique importante del'axiomatique : elleest discrète. Nonpasqu'elle aitbesoin desecacher, mais ellefonctionne ensetransformant enprésupposé implicite. Lazzarato observe que personne n’ajamaisdémontré quelaréduction desimpôts fasse prospérer l'économie, et pourtant il s'agit d'une «vérité »,d'unénoncé quiimplique immédiatement unfonctionnement :réduire lesdépenses sociales, lessalaires, quisemettent àfonctionner comme desvariables d'ajustement. Danslacrisedeladette, continue-t-il, lemodèle de réalisation del'axiomatique fonctionne avec unnombre encore plus

Lazzarato propose unethéorie originale surlanature sémiotique du

réduit d'axiomes : rembourser les créditeurs, réduiredrastiquement les salaires etLes services sociaux, privatiser l'État-providence. L'axiomatique

ousocialistes.

Milleplateaux estécriten1980,moment d’une reconfiguration capitaliste importante. Lecapitalisme n’ajamais ététerritorial, mais à cemoment il estclairquedesorganisations mondiales, dites «œcuméniques »,gagnent unenouvelle consistance etdéveloppent unordre

économique quipeut sepasser desÉtat ®.Parler d'axiomatique, c'est

mettre l'accentsurunfonctionnement quise réalise dans desdomaines

très divers, quisontsesmodèles deréalisation :lesÉtats. Cesmodèles exprimés pardifférents États,capitalistes ousocialistes, sontisomorphe

àl'axiomatique qu'ils effectuent#, L'analyse dutournant néolibéral lesdeux niveaux des formations sociales etdel'action del'État. Mauriziv

23.{bid, p. 577. 24.Ibid.

25. Ibid,p.567. 26.Ibid, p.568.

fxPrime mieux qued’autres dispositifs lefonctionnement ducapitaetlesmodalités desagouvernementalité, notamment à l'heure actuelle, Ercelaaussiparceque,comme leditLazzarato, elle nous ne

27.Maurizio Lazzarato, Gouverner parladerte, Paris, LesPrairies ordinaires, 2014.

190

En quoiLecapitalisme est-iluneaxiomatique? 191

AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECDeceuze

IV. CAPITALISM NO EXIT, THERE IS NO ALTERNATIVE!

permet decontourner undouble piège : d'une part, elleévite l'écuej 4 laréduction àunpouvoirpersonnalisé, exercé paruncomité d'afbir, et,d'autrepart, la gouvernementalité n'estpasnonplusréductib}, : unpouvoirimpersonnel etautomatique : : Lecapitalisme voudrait nousfairecroirequesonfonctionnement estassimil:b}, àceluid'unautomate, qu'iln'existe pasd'alternatives précisément parceque lemarché, laBourse, l'économie deladertesontrégispardesautomatisme, (etleursfecdbacks cybernétiques aurorégulateurs), que les formes depouver. nementalité fonctionnent delamêmemanière, desortequ'ilneresterait aux populations qu'às'adapter, réduices aurôlede variabled'ajustement. Lescour delaBourse montent et descendent, etc'està lapopulation derépondre àce, signaux enadaptant, en temps réel,sescomportements àcesvariations comm

lethermostat réagit àcelles derempérature. Lecapital rêve quelamachine sociale fonctionne àl'identique d’unautomatisme répétitif, autorégule er dépolitisanc. En réalité, lorsque desmécanismes automatiques fonctionnent.

c'est toujours àlasuite d’une victoire politique surlescomportements”.

Ni décisionnisme subjectiviste conspirateur, niprocessus automatique sans sujet. Lapolitique capitaliste procède parsimplifications : L'économie deladette seconstruit pratiquement autour d'unnombre rédun d'axiomes ettoutelacomplexité estsubordonnée, mobilisée etfinaliséc en

vuedeleurréalisation. Elleutilise cette simplification extrême, pas tellement pourcontrôler, àtravers sesaxiomes restreintlesflux«déments »ducapit

nouvelle, touteexpansion dudésir, dans Remettretouteexpérience

lefonctionnement capitaliste, enétendant seslimites àchaque fois,

autant qu'ilfauc—voilà l'efficiencedel’axiomatique. Axiomatique veut direimmanence deslois,maisaussipuissance d'unification àtravers un système designes disponibles pourunecombinatoire. Il s’agit doncd'une

unificarion quin'est pasextérieure, quinerevient pas àune formalisation

wranscendante. Lafonction del'axiomatique estderendre vrai qu'il n'y

apasdesortie. Cettesensation terrible quenousexpérimentons tous d'être «sans sortie»,qu'iln’yapasd’alternative. LeTINA,There Is NoAlternative, voiciceque le fonctionnement axiomatique garantit et rend vraienmême temps. Maisrevenons àl'aspect micropolitique de l'axiomatisation, celuiqui agitsurlesprocessus desubjectivation. Dece

point devue, l’axiomatisation estunefaçon deconcevoir l'expérience

sans lesujet, uneexpérience abstraite etl'axiomatique a servi justement àcaractériser cetteSubjectivité globale etnonqualifiée quicapitalise tous lesprocessus desubjectivation. Ledécodage estuneabstraction, des fluxdedésirfuientpartouslescôtés, mais dèsqu'ils échappent, ils sont capitalisés. Ilsnesontpasrécupérés, ouappropriés, comme onle dirparfois, cequirenverrait à l’idée fausse d'unméchant capitaliste qui s'approprie toutcequenousfaisons debien.L'axiomatique faitqueles fluxdécodés sontmisàdisposition d’une conversion, d’une convertibilité,

d'une traductibilité oud’une équivalence générale qui estlacondition de possibilité delamonétisation. Etceladans touslesrapports sociaux, pas

argent, véritables causes delacrise, mais pourdéfaire etmaitriser lesflux du

welfare, investis erappropriés parlesfemmes, lestravailleurs, leschômeurs lespauvres, les jeunes etc. ??,

L'axiomatique caractérise untype defonctionnement qui implique naturalisation, simplification, actionintrinsèque etparaméträfs

immanent capable deremplacer toute intuition, ouplutôt, capabk defonder desintuitions nouvelles enaccord avec l'axiomatique di

capital.

seulement ceux quisontplusnettement capitalistes, comme les rapports d'achat, lesfinances etc.On vit sansarrêtaucroisement desterritoires, des

flux codés etdesprocessus dedécodage. Oncrée une chose, un discours nouveau, des énoncés, une certaine esthétique; etpuis c'est tout desuite transformé ent-shirt etvendu —etcela dla e manière laplus subtile | Due

n'ya là nulleconspiration, comme l'idée d'appropriarion,

loisD

ARR

feraitcroire.C'estunecombinatoire qui suit des

ouvellemé ducapitalisme, etquiproduit lepe UneFer mobilise nvocation àl action politique, un sloganissud'un :

nesttoutdesuiteconverti, devient traductible entermes de

us ps dans lesmesures d'évaluation. : unformulai sspes devient unpapier propre àsefaire comprabiliser sur à

28.Ibid, p. 134.

mpli pourmonuniversité, quirenvoie Àsontouraux

ismes d'évaluation delarecherche, àdes indices, àdes nombres,

29. Ibid, p.124.

F

one

Enquoilecapitalisme est-il une axiomatique? 193

192 AGENCER LESMULTIPLICITÉS AVECDELEUZE

comme les facteurs d'impact, oudes«grilles »,quiinterviennene si comme lemontre Barbara Cassin *, Lacomptabilité estlité,LÉPs cetexemple, maisellepeutêtreplussubtile,il suffitderappeler, networking qui s'opèredanstoutcolloque. Etlepireestqu'ilnesuff, pasdedire«jenesuispasàvendre».Ceténoncémême est vendu É cher,onlesaitbienparcertaines expériences artistiques radicales, erÀ

même temps hautement marchandes. Cesenjeux sont difficiles ; ke caril yaune subrilitéconsidérable danstout ce processus, Onnemi pasbienquelmotexplique lemieux l'agencement ducapitalisme av, nous: interpellation, sollicitation, capture, récupération, normal, tion,technologie depouvoir ?L'axiomatique estunenouvelle ré Il s'agit d’une abstraction dedeuxième degré parce qu’elle fonctionne comme une relationdesrelations : unemanière spécifique demers. en rapportdesprocessus qui sont déjà relationnels, unemanière de conjuguer les fluxdécodés ensortequ'ilssoientmisàdisposition par

ésir unplandeconnexions pourqu'ils nesoient pas onjugués à sur j'axiomatique ducapital, c'est-à-dire pour qu'ils nec soient pas vertis nicapitalisés ?À partir des fluxdécodés delangage, detravail, conChess,nepaschercher unecompatibilité ni unecomptabilité, de; undiagramme, uneconvergence de luttes etdedifférents flux désir? Pouravancer, ona besoin d'institutions pensées àlafois entermes stratégiques et existentiels. Il nesuffitpasdeprogrammes,

comme ceuxquedéfinissent lesmouvements politiques traditionnels. C'est pour fairecontrepoint qu'onparle dediagramme. L'axiomatique barre lesfluxenlesrendant convertibles. C'estpourcelaqu'ilfaut desmouvements instituants detypenouveau, qui arriventàprendre

{a création d'axiomes comme terraindelutte pourconnecter les flux

autrement.

desloisimmanentes vides, c'est-à-dire vidées desens etd'intuitions La monétisation desrapportssociauxestle corrélardeceprocessus

C'estlafaçon même deconjuguer les fluxpardesprésupposés vides Voilàceque le capitalisme ad’inavouable, Comme le ditDeleuxe onperddutemps ens’inquiétant desderniers scandales decorruption. maisil suffisait demontrertoutcequ'il a enmêmetemps delégale: d’inavouable, comme les mécanismes deprixquisontàl'origine del,

définition même de l'argent.«Toutestrationnel dans le capitalisme sauflecapital oulecapitalisme*!. »Pourcetteraison, laproposition foucaldienne quelenéolibéralisme serait unerationalité semble insui. fisante, puisqu'elle nerendpascompte deladimension irrationnelk siprenante ducapitalisme, etencore plusnette danssaphase actuelk Denouvelles questions surgissent, quirelèvent plutôtd’un«comment

faire?»quedutraditionnel «quoifaire?»delagauche. Comment brancher le désirensortequ’ilnesoirpasinterrompu dans uncorp: social,qu'il produise desénonciations collectives qui n'amènent pa

àl'axiomatisation ?Comment brancher lesdésirs surunmême plan

debascule, surunplanrévolutionnaire*?? Diagrammatiser des flux éc

30.Barbara Cassin, incroduction aulivre Derrière Les grilles :sortons dutout-évalwais"

Paris,Milleecunenuits,2014,

.

31.Gilles Deleuze ecFélix Guartari, «Surlecapitalisme etledésir »[19731.in 2°

RSI

33. Voir l'article que j'aiécrit avec Maurizio Lazzarato, «Ruptures subjectives et

déserte etautres textes, Paris,ÉditionsdeMinuit,2002,p.365-380.

32.Félix Guartari, «LeCapialisme Mondial Intégré etlarévolurion molécule

LeLiensocial, n°181,1992, p. 1-9.

du

tspolitiques: juin 2013auBrésiletquestions decontinuité»,àparaître

larevue RueDescartes.

XV

Énoncés des organisations depouvoir/idéologies : unedifférence entre laphilosophie deDeleuze etGuattari etlapensée deMarx RopriGo GUÉRON

Quatredifférences distinguent Deleuze etGuattari deMarxet surtout dumarxisme. Troisdecesdifférences sonrexposées parDeleuze dansuncoursdu 28mai1973donnéàl'Université deVincennes. Laquatrième différence estformulée parDeleuze dansPourparlers. Lapremière différence avraità lamanière dontlemarxisme pose les problèmes politiquesentermesde«besoin»,làoùDeleuze etGuattari

préfèrent les poserentermes de«désir».D'après cesderniers, poser

lesquestions politiques entermes debesoin conduirait àconstituer desstructures verticales de pouvoir,sousla formede«tribunaux du besoin » : desinstances qui établiraient, àpartird’unjugement moral, leprogramme politiqueénonçantcequi seraitou non«nécessaire » auxhommes.La deuxièmedifférences'exprime danslacritiquedes deuxauteursà l'encontredu rapport traditionnel établiparMarx entreinfrastructure etidéologie(icipensée comme«superstructure »).

Cequelemarxisme nomme «idéologie »correspond pour Deleuze et Guattari àdes«énoncés d'organisations depouvoir »,quiappartiennent 1réctément à lastructure productive ducapitalisme. Latroisième rencetientau mouvement de récapitulation quemetenœuvre le Marxisme, mouvementqui accordeà lamémoire uneplacecentrale,

Sous [aformedecequ'onnomme habituellement le«développement ;

forcesproductives ».Enfin laquatrième différence s'exprime dans

Afrmation deDeleuze selon laquelle unesociété sedéfinit bien plus Parses lignes defuitequeparsescontradictions.

»

196

AGENCERLESMULTIPLICITÉSAVECD'ELEUzE

Nousavons choisidenousconcentrer surladeuxième 4

es paslaconscience deshommes quidétermine leurexistence, c'est au ieurexistence sociale quidétermine leurconscience?.

différences, àsavoir, cellequiconsiste àremplacer ceque le ma20 nomme «idéologie »par les «énoncés desorganisations deRo * Lanouvelle méthode d'identification desproblèmes politiques s

ire

Deleuzeet Guattariapparaîtemblématiquement danslàné

Dans Vus slenent laproduction desavoir parla«classe Le

"analyse marxienne ducapitalisme, leconcept d'«idéologie »ne

:

dont ils posent, dansL'Anti-Œdipe, leproblème dufascisme, En. percepçôes, 1996;Movimento total—ocorpo eadança, 2001 ;À Arte como linguagem, 2010; Ritmos evisées, 2016. FERRAZ SIEvI0,compositeur et professeur à l'Université deSäoPaulo (USP),estl’auteurdeMusicaeRepetiçäo (Educ.,1998)et Livrodas GLowczewskiBARBARA, directricederecherche auCNRS,est Sonoridades (7letras, 2006).Parmi ses articles consacrés auxétudes des membre duLaboratoire d'anthropologie sociale auCollège deFrance er rapports entre Deleuze etmusique, onremarque le texte «Laformule enseigne àl'EHESS.Travaillant avec lesAborigènes d'Australie depuis delaritournelle »,publié danslelivreGilles Deleuze :lapensée-musique 1979, elle estl'auteure denombreux ouvrages (dont Réves encolère, (Cdmc,2010). Plon, collection TerreHumaine) et aproduit plusieurs multimédias.

FLAXMAN GREGORY estprofesseur associé delittérature anglaise et comparée, ainsique directeur desétudes cinématographiques globales à

l'Université deCaroline duNordauxÉtats-Unis. Ilestl'auteur deGiles

Deleuze andtheFabulation ofPhilosophy : Powers oftheFalse (Presses del’Université du Minnesota,2011)eta dirigélelivrecollectifThe

BrainistheScreen : Deleuze andthePhilosophy oftheCinema, publié chezlemême éditeur en2000. GABARRON-GARCIA FLORENT estpsychanalyste, chercheur associé enphilosophie (EA 5031ERRAPHIS,Université Toulouse-Jean Jaurès)et membredu collectifde rédactionde la revueChimères.

GorreyANDREW enseigne àl'Université deNottingham. Il ydirige leCriticalTheoryCenter. Il a traduitenanglais les Cartographies

schizoanalytiques deGuattari, etLaSorcellerie capitaliste deStengers etPignarre, entreautres. Il écritencemoment un livresurlamicro-

politique dulogiciel, etmène desrecherches surGuartari et l'analyse institutionnelle.

GuéroNRoDRiGo est professeur àl'Université del'État deRiode Janeiro (UERJ).Il est l’auteurdeDel'Image auCliché, duCliché à l'Image. Deleuze, CinémaetPensée (RiodeJaneiro,NauEditora, 2011).

Il arécemment complété saformation auBrésilparunstage post-

;

404

Lesauteurs405

AGENCERLESMULTIPLICITÉS AVECD'ELEUZE

doctoralà l'UniversitéParis-Ouest(Nanterre/LaDéfense),où il a

étudié lesrelations delaphilosophie politique deDeleuze etGuattari avecMarx.Il estaussiréalisateur etscénariste decinémaetdevidéo.

GuesponMaëLestdocteur del'EHESS,ancien allocataire-moniteur duCentrederecherches sur les artsetlelangage (CRAL,EHESS/ CNRS). Sa thèse, codirigée parEsteban BuchetAnneSauvagnargues, estconsacrée auxenjeuxcliniques, éthologiques etesthétiques du concept de ritournelle. Il arécemment publié«Même les constantes sontpour la variation» (in P. Criton etJ.-M. Chouvel[dir.},Gilles

laphilosophie deGilles Deleuze, paru en1993 auxéditions Payot, avec une lettre-préface deGillesDeleuze. OuivetrASANTOS ABRAHÂO DEest professeur depsychologie àl'Universidade FederalFluminense,Rio deJaneiro,Brésil,etdirecteur du

Kirembo —laboratoire derecherche ensubjectivité erculture afro-brési-

lienne.Il travaillesurlechampsocialetlasantémentale enutilisant desconceptsde Félix Guattari er GillesDeleuze.11a publié,entre

autres : «Gestioncollective desrêves :extractions déterritorialisées », Revue L'Unebévue, n°31,2014Psicose :questoes devidaoumorte, Säo Paulo,Vetor, 2006;et«Cultureafricaine auBrésil: rêve,résistance

Deleuze. Lapensée-musique, Paris,Cdme,2015) et «D'une répétition l’autre. Laritournelle dans«Monographie surR.A. »(Chimères, n°79, «Chaosmose, temps pluriels »,P. Criron[dir.],Paris,Érès,2013).

etsingularisation »,Chimères, n°86,2015, p.73-84,