ACTES DE PHILIPPE (LES)
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Actes de l'apôtre Philippe

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Direction ALAIN DESREUMAUX ENRICO NORELLI

Volume 8

© 1996 Brepols Imprimé en Belgique DI 1996/ 0095/20 ISBN 2-503-50422-1 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction (intégrale ou partielle) par tous procédés réservés pour tous pays

Actes de l'apôtre Philippe Introduction et notes par Frédéric Amsler Traductions par François Bovon, Bertrand Bouvier et Frédéric Amsler

BREPOLS

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Volumes parus 1. L'évangile de Barthélemy, par Jean-Daniel KAEsTLI, avec la collaboration de Pierre CHERIX, 1993, 281 p. 2. Ascension d'Isaïe, par Enrico NoRELLI, 1993, 186 p.

3. Histoire du roi Abgar et de Jésus, par Alain DESREUMAUX, 1993, 184 p. 4. Les Odes de Salomon, par Marie-Joseph PIERRE, avec la collaboration de Jean-Marie MARTIN, 1994, 225 p. 5. L'Épître des Apôtres et le Testament de notre Seigneur, par Jacques-Noël PÉRÈS, 1994, l 52 p. 6. Salomon et Saturne, par Robert FAERBER, 1995, 209 p. 7. Actes de l'apôtre André, par Jean-Marc PRIEUR, 1995, 209 p. 8. Actes de l'apôtre Philippe, par François BovoN, Bertrand BOUVIER et Frédéric AMSLER, 1996, 318 p.

En préparation Les Dormitions de Marie, par Simon MIMOUN! & Sever Vorcu. Les Actes de Pilate, par Rémi GOUNELLE & Zbigniew lzYDORCZYK. Maquette de couverture : Vincent GOURAUD Composition et montage : Alain HURTIG

LA COLLECTION DE POCHE APOCRYPHES

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de papyi;us trouvé dans la tombe d'un moine copte d'Egypte, un fabliau narrant l'histoire de la crèche, une fresque romane sur un mur poitevin, un roman latin à épisodes détaillant les aventures des apôtres ... tous ces documents témoignent à leur manière de l'existence et de la diffusion d' œuvres appelées apocryphes. Tour à tour recherchés et rejetés, exploités et vilipendés, traduits et oubliés, les apocryphes ne gardentils pas un mystérieux pouvoir d'évocation? N'imaginet-on pas, à entendre leur nom, qu'une révélation insoupçonnée, jadis tenue secrète, est enfin amenée à la lumière? À qui se plonge dans la littérature apocryphe, avec l'ardeur parfois frénétique de savoir désormais ce qu'il cherchait depuis longtemps, ces œuvres pourraient réserver une cruelle déception. Certains apocryphes prétendent bien en effet en apprendre au lecteur sur Jésus; l'un rapporte un enseignement ésotérique qu'il aurait confié à un disciple particulier, tel Thomas ; un autre, les Actes de Pilate, transcrit fidèlement le récit que deux ressuscités auraient fait de sa visite aux enfers. D'autres en revanche ont des prétentions beaucoup moins hautaines : la Lettre tombée du ciel a-t-elle d'autres buts que de justifier que l'on paye la dîme et que l'on observe le dimanche? Quant aux récits qui montrent N FRAGJVlENT

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un apôtre détournant la femme d'un haut fonctionnaire romain de ses devoirs conjugaux, comme par exemple les Actes de Philippe, ne sont-ils pas avant tout le reflet de choix pratiques de morale sexuelle et un appel à faire acte de chasteté dans le mariage? Pour qui est assoiffé d'éternité, voici des documents de piètre importance! Et pourtant, s'il apprend à ne pas attendre des apocryphes qu'ils lui livrent des secrets ou des révélations cachées sur Jésus et ses disciples, il retirera de sa lecture le plus grand profit. L'intérêt de ces textes est en effet ailleurs: ils transmettent les représentations que les chrétiens de divers lieux et de divers temps se sont faites de la figure de Jésus, du rôle des apôtres, de l'origine de leurs Églises locales. Ils témoignent également des questions qui les ont agités, et des réponses qu'ils leur ont données : quelle est la nature du Christ, demande l'Ascension d'Isaïe, tandis que les Actes de Pilate s'interrogent sur les liens du christianisme avec le judaïsme et la culture romaine. Certains apocryphes sont très anciens et reflètent des traditions contemporaines d'une partie de ce qui est devenu le Nouveau Testament. Ils constituent pour les historiens comme pour les biblistes une voie d'accès privilégiée, encore peu exploitée, à des traditions chrétiennes des origines. Pas plus que les évangiles canonisés, ils ne nous donnent accès à la vérité historique sur Jésus et sur ses apôtres. Ils nous transmettent bien plutôt des éclairages sur la vie et sur les croyances des premières communautés de chrétiens. L'imaginaire est en effet ici véhicule de création et de réflexion. Ainsi, lorsque l'Évangile de 1'enfance selon

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Thomas narre au milieu du deuxième siècle tous les méfaits que Jésus a pu faire étant petit, il ne cherche pas à écrire une biographie de Jésus enfant, encore moins à faire preuve d'imagination débridée - voire sacrilège - mais il s'interroge sur les modalités de l'Incarnation et se demande comment se manifestait dans l'enfant Jésus la plénitude de la grâce divine; c'est enfin et surtout qu'il essaye d'expliquer ce que l' Évangile de Luc voulait dire en affirmant que « l'enfant croissait et se fortifiait en esprit». Reflets de questions exégétiques, dogmatiques et morales de la plus haute importance, les apocryphes que la présente collection offre au public dévoileront leurs richesses à qui n'y cherche pas cc qu'ils ne peuvent lui offrir, mais à qui a écouté P. Valéry lorsqu'il écrivit que «toutes les histoires s'approfondissent en fables ... » Loin d'offrir une image unifiée de la religion chrétienne, les apocryphes nous introduisent à sa diversité doctrinale, mais aussi mythologique et linguistique. Le christianisme, dès ses origines, se présente en effet sous la forme d'un ensemble de communautés étonnamment diverses. De nombreux apocryphes en témoignent, qui nous sont parvenus en de multiples versions. Ainsi la Doctrine d'Addaï nous a-t-elle été transmise en grec, en syriaque, en copte, en éthiopien, en arabe, en arménien, en géorgien et en slavon. Chacune de ces versions porte la marque du milieu qui a produit cet apocryphe, qui l'a conservé, ou transmis. Chacune d'elle témoigne à sa manière du foisonnement doctrinal des premiers siècles du christianisme.

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Voilà pourquoi, à l'heure où, le christianisme devenant religion de l'Empire, les autorités tentaient d'en donner une image unifiée, certains Pères ont vilipendé les apocryphes comme porteurs d'hérésies. En un moment où la recherche redécouvre l'extraordinaire foisonnement des premiers siècles du christianisme, il était urgent de mettre à la portée du public des textes qui en portent si clairement la trace et qui, parfois en quelques lignes, nous éclairent un pan de l'histoire encore méconnu. Au sein de cette diversité, le choix de l'Église ancienne fut difficile. L' Apocalypse dite de Jean a bien failli ne pas être retenue dans le canon. Quant au Pasteur d'Hermas, il a, lui, manqué de peu d'y entrer. Il n'y a aucune différence intrinsèque entre canoniques et apocryphes. Le Nouveau Testament résulte du choix que les autorités ecclésiastiques ont dû opérer parmi des dizaines de textes pour fixer un corpus de référence de la foi chrétienne. D'autres œuvres, non retenues, continuèrent longtemps à alimenter la piété chrétienne, au point qu'elles sont à la source de nombreuses traditions encore vivaces. Qui donc sait que les lectures monastiques pour les fêtes des apôtres puisent dans le Martyrologe des récits édifiants tirés des Actes apocryphes des apôtres? Qui pense apocryphe lorsqu'on évoque Gaspar, Melchior et Balthasar, ces trois mages que la tradition évangélique se garde de nommer mais dont les noms sont déjà sur les peintures coptes dans l'oasis égyptienne de Bawit? Oublier les apocryphes équivaudrait à vouer les vitraux de nos cathédrales et les fresques de nos églises

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romanes au silence, à rendre à jamais incompréhensible l' Enfer de Dante ou certaines pages de Flaubert. En un moment où l'on découvre avec inquiétude la méconnaissance que nos contemporains ont de l'histoire religieuse, il devenait urgent de traduire et de diffuser ces textes qui sont partie intégrante de notre mémoire. Les textes originaux sont publiés ou en voie de publication dans la Série des Apocryphes du Co1pus Christianorum. On en trouvera ici une traduction fidèle mais agréable. Beaucoup seront aussi rassemblées dans deux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade par les mêmes chercheurs, membres de !'Association pour l'étude de la littérature apocryphe chrétienne. Ceux-ci ont voulu les rendre accessibles au plus grand nombre, sous la forme de volumes indépendants, dans la présente collection de poche. Ainsi introduit au texte, aidé par des notes précises mais simples, nul doute que le lecteur de ces œuvres sera amené à en découvrir l'intérêt, au-delà de ses préjugés, et apprendra à goûter le plaisir d'une lecture sereine des apocryphes.

Avant-propos

T L

auteurs sont heureux d'offrir ici en avant-première la traduction française complète et annotée d'un texte grec encore largement inédit qui trouvera place dans de prochains volumes de la Series Apocryphorum du Corpus Christianorum consacrés aux Actes de Philippe. Les signatures distinctes des différentes parties de l'ouvrage sont dues pour l'essentiel à l'étalement dans le temps ainsi qu'à la nécessaire répartition du travail devant l'ampleur de la tâche; elles ne doivent pas masquer l'étroite collaboration des trois auteurs et l'amitié qui les lie. L'édition et la traduction des Actes de Philippe étaient virtuellement achevées depuis plusieurs années par F. Bovon et B. Bouvier, lorsque F. Amsler a été chargé du commentaire. Les points de vue d'éditeur, de traducteur ou de commentateur, de philologue, d'historien ou de théologien ne se recouvrant pas nécessairement, les signatures séparées signifient donc aussi le respect de la diversité des opinions. Même si F. Amsler a étroitement collaboré à la révision de la traduction, celle-ci reste l' œuvre de F. Bovon et de B. Bouvier. Et même s'il a pu dès le départ profiter du travail des traducteurs, de leurs notes sur le texte et de leurs précieux conseils, F. Amsler assume seul la responsabilité de l'introduction, de l'annotation conçue aussi pour le spécialiste, de la traduction des variantes fournies dans le premier appendice et de la forme du Martyre de Philippe contenne dans le second appendice et enfin des index, qui reprennent en substance le commentaire des Actes de Philippe mené à bien grâce au généreux soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique et destiné à paraître dans la Series Apocryphorum. ES TROIS

Introduction

A u vu

du nombre de mentions de l'écrit intitulé« Actes de Philippe» dans la littérature chrétienne de !'Antiquité à nos jours, savante ou non, peu d'ouvrages peuvent se flatter d'avoir suscité autant d'indifférence. Et pourtant, à la manière des romans d'aventure antiques, les Actes de Philippe offrent un savoureux mélange de merveilleux et d'horreur, de prosaïsme et de profondeur spirituelle, de polémique et d'exhortation qu'enveloppe un goût prononcé pour l'ascèse. En seize épisodes - quinze « Actes » et un « Martyre» - , ils retracent les multiples succès missionnaires remportés par Philippe au cours de son ministère, et sa mort violente par crucifixion la tête en bas. Cette œuvre peut être considérée comme connue dans sa langue d'origine, le grec, et reconstituée dans son intégralité, à l'exception de l'Acte X, du début de !'Acte XI et de quelques passages lacuneux ou probablement raccourcis. Hormis les traditions arménienne et géorgienne qui ont transmis des traductions du Martyre, les pièces syriaque, copte, arabe, éthiopienne ou latine relatives à Philippe n'ont conservé des Actes grecs que des motifs épars et remodelés 1 . Quant aux pièces grecques de basse époque byzantine où il est question de Philippe, elles paraissent toutes dépendre du texte des Actes anciens qu'elles résument, retouchent, exploitent ou complètent avec plus ou moins d'élégance. C'est pourquoi on accordera davantage d'attention à l'ouvrage d'origine qu'à ses descendants.

1. M. GEERARD, Clavis apocryphorum Novi Testamenti, Turnhout, Brepols, 1992, p. 153-157.

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L'époque et l'aire géographique dont sont issus les Actes de Philippe demeurent inconnues. La première mention de l'apocryphe figure dans une liste de livres non reçus par la tradition ecclésiastique, dressée, semble-t-il, en Gaule vers 500 et insérée dans le Décret de Gélase 2 . À l'inverse, puisqu'ils les connaissent et même les citent, les Actes de Philippe ne sauraient être antérieurs aux Actes de Pierre, aux Actes de Jean et aux Actes d'André, voire à ceux de Paul ou de Thomas, que la critique fait remonter aux ri" et me siècles. Mais il semble possible d'affiner cette fourchette, car un nombre appréciable d'indices contenus dans le texte lui-même invitent à placer la composition de cet apocryphe au tournant des IVe et ye siècles en Phrygie, en Asie mineure, et à le rattacher à une mouvance ascétique, quelque peu marginale par rapport à l'Église officielle, mais qui s'avérera l'un des terreaux les plus féconds de la spiritualité monastique orientale. On ne connaissait ce milieu d'origine présumé de l'œuvre qu'à travers le prisme déformant de la littérature antihérétique sous la désignation d'encratisme. Grâce aux Actes de Philippe, on tiendrait désormais un document encratite de première main, tout en découvrant que ces cercles rigoristes valaient mieux que leurs représentations hérésiologiques. La découverte d'une version presque complète des Actes de Philippe dans un manuscrit conservé à la bibliothèque de l'un des monastères du mont Athos est, toutes proportions gardées, aussi significative pour l'étude de l'encratisme et des origines du monachisme oriental, que la découverte des rouleaux de Qumrân pour la connaissance des Esséniens et du

Déaet de Gélase V, 2, 5. E. von DOBSCHÜTZ, Das Decretum Gelasiamtm de libris recipiendis et non recipiendis. ln kritischem Text herausgegeben und untersucht (Texte und Untersuchungen 38, 4), Leipzig,]. C. Hinrichs, r9r2. p. rr.50.72.83.

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judaïsme antique ou celle des papyrus de Nag Hammadi pour la compréhension du gnosticisme 3 . Si l'hypothèse d'un tel milieu de production des Actes de Philippe se confirmait, l' encratisme serait à définir avec plus de précision, non pas tant celui du ne siècle, mais celui qui s'est épanoui en Asie mineure dans la seconde moitié du IVe siècle. Cet encratisme ne devrait plus se réduire à un catalogue d'interdits alimentaires et sexuels, fondé sur des exégèses bibliques filandreuses, mais représenterait, dans le cadre d'un effort critique d'inscription de la foi chrétienne dans la culture phrygienne, la poursuite d'un idéal de pureté pour accéder à la contemplation ineffable de Dieu en Jésus-Christ. En d'autres termes, !'encratisme ne représenterait pas d'abord un type d'ascétisme, mais, comme le laisse entrevoir son état le plus abouti, l'apotactisme, une forme de mystique chrétienne fondée sur un rigorisme moral aux profondes racines phrygiennes. Le rappel de quelques traditions anciennes sur Philippe expliquent en partie pourquoi cet apôtre s'est retrouvé le héraut de tels conventicules.

Philippe dans le Nouveau Testament Le nom de Philippe, qui signifie d'après son étymologie grecque« l'amateur de chevaux», évoque plus souvent des rois macédoniens, espagnols ou français, qu'un apôtre du Christ. Et pourtant, le Nouveau Testament atteste l'existence de deux

3. À la suite de la découverte de la bibliothèque copte de Nag Hammadi en Haute-Égypte en r945 qui permet une connaissance directe de doctrines connues jusqu'alors par des notices hérésiologiques, le gnosticisme peut être tenu pour un courant ésotérique et volontiers syncrétiste, préconisant une connaissance salvatrice du monde céleste réservée aux seuls initiés.

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disciples du Seigneur nommés Philippe. L'un, l'apôtre, du cercle des Douze, n'apparaît que discrètement dans les listes d'apôtres de la tradition synoptique (Mt 10, 2-4; Mc 3, 16-19; Le 6, 14-16; Ac l, 13), tandis qu'il joue un rôle plus en vue dans l'Évangile de Jean. Selon le quatrième évangile, en effet, après André et Pierre, Philippe est le troisième citoyen de Bethsaïda en Galilée à devenir disciple de Jésus, et il recrute à son tour Nathanaël (Jn l, 43-48). Associé à André, l'autre apôtre au nom grec, Philippe intervient lors de la multiplication des pains !Jn 6, 5.7), puis il conduit des Grecs, c'est-à-dire des non-Juifs vénérant le Dieu d'Israël, auprès de Jésus, juste après l'entrée à Jérusalem !Jn 12, 20-22). Enfin, en demandant à voir le Père, Philippe offre à Jésus l'occasion de rappeler l'union du Fils au Père !Jn 14, 8-9). Quant à l'autre Philippe, l'helléniste, du groupe des Sept (Ac 6, 5), Luc, l'auteur du troisième évangile et des Actes des apôtres, rapporte qu'il annonça le Christ en Samarie (Ac 8, 5-13) et, sur la route de Jérusalem à Gaza, baptisa l'eunuque éthiopien (Ac 8, 26-40), ce qui lui valut sans doute l'épithète d'évangéliste (Ac 21, 8). Après un passage à Azot, Philippe paraît avoir longé la côte méditerranéenne en direction du nord pour s'établir à Césarée maritime où, en compagnie de ses quatre filles restées vierges et douées du don de prophétie (Ac 2 l, 9), il accueillit l'apôtre Paul. Les témoignages patristiques présentés ci-après montrent qu'on a tôt fait de rapprocher les filles prophétesses de l'apôtre, de sorte que la critique moderne en a le plus souvent déduit que les auteurs anciens avaient confondu l'apôtre et l'helléniste Philippe. Mais quelques fins esprits n'ont pas manqué d'exploiter les qualités missionnaires, communes à l'apôtre johannique et à l'helléniste lucanien, pour soutenir qu'il s'agissait d'une même et unique figure que chaque école aurait retravaillée à sa manière. Impressionnés par la constance avec laquelle la tradition la plus ancienne ne parle que d'un seul Philippe, certains

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savants vont jusqu'à rendre Luc responsable d'avoir dédoublé, pour des raisons peu claires, un personnage unique, l'apôtre.

Témoignages patristiques sur Philippe

Papias d'Hiérapolis Avant le milieu du second siècle déjà, un évêque de la cité d'Hiérapolis en Phrygie dont on reparlera, Papias, connaît des traditions sur Philippe. Auteur d'une précieuse Histoire ecclésiastique qui fournit l'essentiel des témoignages anciens sur Philippe, Eusèbe de Césarée, au début du IV" siècle, cite textuellement la préface d'un ouvrage, hélas perdu, de Papias, intitulé Exégèses des discours du Seigneur: «Si quelque part venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m'informais des paroles des presbytres: ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou Jacques, ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres ne fussent aussi utiles que ce qui vient d'une parole vivante et durable -1. » Le flou terminologique de Papias complique singulièrement l'interprétation de ce passage célèbre. Des deux «disciples du Seigneur» appelés Jean, celui qu'a connu l'auteur était-il nécessairement l'apôtre, Irénée, évêque de Lyon de 178 à 200 environ et lui-même originaire d'Asie mineure, le pense 5 , mais Eusèbe est d'un avis contraire. Or, comme l'historien ne cache

4. 5.

Eusèbe de Césarée, Histoire mlésiastiquc III, 39, 4. Irénée de Lyon, Contre les hérésies V, 23, 4.

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pas son dédain pour l'Hiérapolitain, peut-être a-t-il cherché à éloigner habilement des apôtres un évêque dont il jugeait l'esprit médiocre et qu'il accusait d'avoir infecté la tradition ecclésiastique de millénarisme r,. D'après Eusèbe, Papias disait, par exemple, tenir des filles de Philippe le récit de la résurrection d'un mort : «Nous devons maintenant indiquer comment Papias, qui vivait en ces temps, rapporte avoir appris une histoire merveilleuse des filles de Philippe. Il raconte la résurrection d\m mort arrivée de son temps; et encore un autre fait extraordinaire concernant Justus, surnommé Barsabas, qui aurait bu un poison mortel et n'aurait éprouvé aucun désagrément par la grâce du Seigneur 7 . » Il n'est pas p1us aisé de déterminer sil' évêque d'Hiérapolis fait référence à l'apôtre dans cet extrait - ce que suggérerait Eusèbe, mais on n'est pas obligé de le croire-, à l'helléniste Philippe ou simplement à de quelconques gloires locales qui n'entretenaient aucune parenté autre qu'un nom avec les personnages bibliques. Comme les sources sont muettes sur un éventuel voyage de l'apôtre, voire de l'helléniste et de ses filles en Phrygie, ou même de Papias en Palestine, il manque donc un maillon dans la chaîne des témoignages sur Philippe. À défaut de pouvoir en expliquer l'origine, on se bornera à enregistrer l'existence d'une tradition sur Philippe et ses filles à Hiérapolis en Phrygie au début du II° siècle.

6. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique III, 39, T T-I 3. Le millénarisme, ou chiliasme, est la doctrine selon laquelle il y aura, après ce monde-ci et avant le Jugement dernier marquant la fin de l 'histoirc et du temps, une première résurrection des seuls JUStes qui goùteront à mille ans de bonheur avec le Christ, le millénium, dans la Jérusalem céleste descendue sur terre. 7. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique III, 39, 9.

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Polycrate d'Éphèse À la fin de ce même siècle éclate la controverse sur la date de Pâques, dont l'enjeu est la possibilité pour certains chrétiens d'Asie mineure de se distinguer de l'usage majoritaire en suivant une tradition fondée, semble-t-il, sur l'Évangile de Jean et de rompre ainsi le jeûne pour fêter joyeusement la résurrection du Seigneur quelques jours avant les autres. Contre Victor, l'évêque de Rome, Polycrate, son homologue à Éphèse qui défend l'usage quartodéciman 8 , invoque l'autorité de l'apôtre Philippe, enseveli à Hiérapolis avec deux de ses filles: «De grands astres se sont en effet couchés en Asie, qui se relèveront au dernier jour, à la parousie du Seigneur, lorsqu'il viendra du ciel avec gloire et qu'il cherchera tous les saints, Philippe un des douze apôtres qui repose à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui ont vieilli dans la virginité; et son autre fille, après avoir vécu dans le Saint-Esprit, est ensevelie à Éphèse 9 . » Il y a tout lieu de penser que l'évêque éphésien, qui se flatte de connaître toute !'Écriture sainte Jll, a délibérément conféré le titre d'apôtre au père des prophétesses de manière à pouvoir opposer deux apôtres asiates, Philippe et Jean, aux deux gloires romaines, Pierre et Paul. Polycrate est le premier à indiquer que Philippe serait mort à Hiérapolis, mais on ignore s'il se fonde sur l'existence d'un tombeau pour l'affirmer. On

8. Selon l'usage quartodéciman qui coïncidait avec l'usage juif, la tète de Pâques était célébrée le 14 du mois de Nisan (mars-avril), quel que soit le jour de la semaine, tandis que la date qui s'est imposée alors, fondée sur les évangiles dits «synoptiques » de Matthieu, Marc et Luc, fut celle du dimanche qui suit ce jour. 9. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique III, 31, 3; V, 24, 2. 10. Ibidem V, 24, 7.

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notera qu'il n'est plus question ici que de trois filles, dont l'une seulement, celle qui repose à Éphèse, est douée du don de prophétie.

Les montanistes Puis au début du Ill" siècle, dans le cadre de la crise montaniste 11 , les filles prophétesses de Philippe ont évidemment joué leur rôle. Toujours dans !'Histoire ecclésiastique, Eusèbe de Césarée cite une réfutation du montanisme, restée anonyme, dans laquelle on lit: 12 (les montanistes) ne revendiqueront ni Agabus , ni 1 14 Judas 13 , ni Silas , ni les filles de Philippe 5, ni Ammia de Philadelphie, ni Quadratus, ni les autres quels qu'ils soient, 16 parce qu'ils n'ont aucun rapport avec eux • »

« Ils

On perçoit ici la tentative des montanistes de construire au moyen d'indications tirées du Nouveau Testament une chaîne ininterrompue de prophètes, destinée à démontrer l'origine apostolique de leur charisme. Ce type d'échafaudage n'est probablement pas étranger au souci de la grande Église de dresser des listes des évêques qui ont succédé aux apôtres et de jeter ainsi les bases de la succession apostolique. À la même époque, le prêtre romain Caïus, auteur d'un Dialogue et fier que sa ville possède les trophées - sortes de 11. Le montanisme, appelé aussi Nouvelle prophétie ou secte cataphrygienne en raison de son implantation géographique, est un mouvement prophétique extatique fondé vers 155-I60 par Montan, prêtre de Cybèle, semble-t-il, converti au christianisme. 12. Ac II, 27-30; 21, IO-II. 13. Ac 15, 22.27.32. 14. Ac 15, 22.27.32; I6, 19.25.29; 17, 4.10.14-15; 18, 5; 2 Cor, 19;

1Th1, 1;2 Th

I,

r; 1P5,12.

15. Ac 21, 8-9. 16. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique V, 17, 3.

INTRODUCTION

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petits monuments funéraires - de Pierre et de Paul, fait dire à son contradicteur, le cataphrygien Proclus, que Philippe et ses quatre filles ont leur tombeau à Hiérapolis : «Après celui-là [s'agirait-il de Silas?], il y eut quatre prophétesses, les filles de Philippe, à Hiérapolis en Asie : leur tombeau est là, ainsi que celui de leur père 17 . » Ici encore, l'appartenance de Philippe au cercle des Douze ou au groupe des Sept n'est pas précisée. Il est vraisemblable que les montanistes accordaient plus d'importance au don prophétique des filles et à leur nombre qu'à l'identité de leur père. Il n'est pas anodin de remarquer que le premier témoignage qui mentionne explicitement la présence d'un tombeau de Philippe à Hiérapolis soit montaniste. L'existence concurrente de listes de prophètes, d'évêques et de tombeaux d'apôtres permet de croire que la rivalité entre montanistes et« orthodoxes», Asiates et Romains, a été plutôt vive. Clément d'Alexandrie

Enfin, le premier grand érudit chrétien, Clément d'Alexandrie, cité également par Eusèbe de Césarée, affirme, au II" siècle, que l'apôtre Philippe avait eu des filles et les avait même données en mariage : «Est-ce qu'ils repousseront aussi les apôtres? Pierre en effet et Philippe ont eu des enfants. Philippe a même donné ses filles (en mariage) à des hommes 18 • » L'historien de Césarée précise que !'Alexandrin polémique ici contre ceux qui condamnent le mariage, c'est-à-dire des adeptes de !'encratisme, selon toute vraisemblance. C'est

17 Ibidem III, 31, 4; cf Il, 25, 6. 18. Ibidem III, 30, T; Cli'ment d'Alexandrie, Stromatcs III, 6 (52, 5).

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pourquoi Clément, sur la base d'une éventuelle tradition, verse dans la surenchère matrimoniale par rapport à Ac 21, 8-9, puisqu'il tient non seulement le père des quatre filles pour un apôtre, mais, passant sous silence leur virginité, les transforme en épouses. Ces quelques témoignages démontrent qu'au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, la figure double de Philippe a été modelée au gré des polémiques, devenant, indépendamment ou non des données scripturaires, un apôtre et le père d'une plus ou moins généreuse descendance. Mais surtout Philippe a été la figure de proue malheureuse des Phrygiens, puisque le millénarisme, l'usage quartodéciman, le montanisme puis !'encratisme, qui reflètent différents aspects d'un même climat spirituel, ont été jugés non conformes à la tradition apostolique. Philippe a été l'apôtre d'une région dont le particularisme exalté a effrayé la grande Église par ses excès dans son attachement à des coutumes archaïques, son enthousiasme spirituel ou son goût pour l'ascèse. En situant son martyre à Ophiorymé, identifiée à Hiérapolis en Phrygie par la forte majorité des manuscrits, et en raison de la large place qu'ils accordent à la prédication de la pureté, aux prières et aux apparitions du Seigneur, les Actes de Philippe s'inscrivent dans le droit fil des témoignages cités et n'étaient pas propres à réhabiliter la figure de Philippe. Cet apôtre est resté presque ignoré en Occident et plus que discret en Orient, quand bien même sa fête, le I 4 novembre selon le calendrier byzantin depuis le vf siècle au moins, marque le début du carême de Noël. Si les doigts d'une main suffisent presque à énumérer les sanctuaires qui lui sont consacrés dans le monde chrétien actuel ou le nombre de copies recensées de ses Actes, l'apôtre Philippe le doit probablement moins à son effacement dans le Nouveau Testament, qu'à son appropriation par des groupes jugés subversif,.

INTRODUCTION

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Les manuscrits principaux La tradition manuscrite des Actes de Philippe est relativement pauvre et plutôt accidentée. Aucun témoin ne transmet la totalité des épisodes, mais, par recoupements, on peut presque reconstituer l'ensemble du texte, comme l'illustre le tableau de la page 88.

Le manuscrit du mont Athos, Xénophon 32 Portant le nom du monastère du mont Athos en Grèce où il est conservé, le Xenophontos 32 est un manuscrit en papier que l'on date du XIVe siècle; il est le témoin le plus important des Actes de Philippe. Il ne contient, d'une part, que des pièces relatives à Philippe et d'autre part, il transmettait à l'origine la totalité des quinze Actes et du Martyre dans leur quasi intégralité. C'est pourquoi il constitue le texte de base de la présente traduction. Hélas, quelque lecteur, se croyant investi d'une mission de censure, a arraché non seulement des feuillets isolés, mais aussi des cahiers entiers. C'est la raison pour laquelle manquent dans ce manuscrit !'Acte II, saufles premières lignes, les Actes VIII à XI, saufle début de celui-là et la fin de celuici, l'épisode de la guérison de Stachys à l' Acte XIV et la vision de Nicanora à l'Acte XV, qui, par hasard, figuraient sur des pages appartenant à la même feuille de papier, de sorte que la chute de l'un a entraîné celle de l'autre.

Le manuscrit du Vatican grec 824 On peut heureusement combler une partie des lacunes grâce à d'autres témoins, au premier rang desquels vient un manuscrit en parchemin du XI° siècle, conservé au Vatican et connu depuis la fin du siècle dernier, le Vaticanus graecus 824, qui fournit un texte homogène des Actes 1 à IX et du Martyre, mais sous une forme nettement plus courte que celle du Xenophontos 32.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Lorsqu'on est en présence de deux versions très différentes d'un même texte, par exemple pour les Actes I et III à VII, la première mesure à prendre est de comparer les deux recensions, de relever ce qui les distingue et d'apprécier leur cohérence respective. Or, on remarque qu'en dehors du Martyre, pas une des nombreuses scènes d'apparition du Christ, ou christophanies, attestées par le manuscrit de l' Athos ne figure dans celui du Vatican et qu'en outre, celui-ci fait professer à Philippe un enseignement encratite nettement moins profùé. Les christophanies et autres manifestations divines constituant un véritable moteur narratif, notamment dans les Actes III à VII, Philippe n'entreprenant rien sans l'accord du Seigneur, la cohérence interne du texte long est donc supérieure à celle du texte court. Quant aux exigences encratites, l'analyse de l'œuvre mettra en évidence son importance pour sa compréhension. La fonction des christophanies et de l'encratisme permet de conclure que le texte long du Xenophontos n'est pas une amplification secondaire d'un texte court, mais bien que le texte court du Vaticanus est un abrégé du texte long. Paradoxalement, le plus âgé des deux manuscrits ne transmet qu'un remaniement dans un sens orthodoxe d'un texte plus 1 ancien, proche de celui qu'atteste le témoin le plus récent ". De manière générale, il ressort de chaque confrontation avec les autres témoins que le Vaticanus gr. 824 présente un texte dépourvu de christophanies ou d'autres manifestations divines. 19. Il est intéressant d'observer que le Vaticanus gracws 824 fait preuve de la même tendance abré\•iative aux Actes II et VIII, lorsqu'il est confronté à d'autres manuscrits que le Xmopho11tos. Tandis que les trois autres témoins complets de 1'Artc II (Paris, Bibliothèque nationale grec 881, Vatican grec 866 et Milan, biblioth~que Ambrosienne grec 405, cf inji-a, p. 3 r-32) attestent une apparition du Christ (Ac Piz II, r5-16) et une voix céleste (Ac Ph Il, 17), le Vatica1111s graecus 824 transforme respectivement l'apparition en une colonne de feu, motif repris del' Exode (Ex r3, 2r-22), et biffe simplement h voix céleste. Pour !'Acte VIII, cf infi'a, p. 52-54.

INTRODUCTION

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Au risque d'extrapoler, on peut soupçonner ce témoin d'avoir réduit à un éclair de feu une apparition du Christ sans doute plus ample à !'Acte IX (Ac Ph IX, 5; cf. Ac Ph XII, 3). En définitive, le Vaticanus illustre à quel point la copie des textes, et surtout celle des apocryphes, n'était pas servile, mais s'accompagnait souvent d'un travail d'édition. Il représente un bon exemple de neutralisation ou d'adaptation d'un texte aux exigences d'orthodoxie pour une lecture ecclésiastique. La découverte de nouveaux témoins des Actes de Philippe comme le Xenophontos 32 ou l' Athcniensis 346 ne doit pas pour autant reléguer trop vite aux oubliettes celui qui en fut jusqu'ici le principal support. Le Vaticanus graecus 824 demeure, en effet, seul à transmettre des fragments de récits importants, moins pour la doctrine que pour la reconstitution de la trame narrative de cet apocryphe 20 , auquel il est temps de consacrer une analyse plus détaillée.

Les Actes de Philippe : une collection de textes

En parlant uniformément de l'apôtre, les Actes de Philippe perpétuent la tendance, perceptible dès le II" siècle, de ramener les deux figures évangéliques à un seul personnage, l'apôtre, assurément plus éminent que son homonyme l'helléniste. Dès la fin du siècle dernier cependant, les travaux de Richard

20. Par exemple Ac Piz IV, 40-42; Ac Ph VIII, 16-21; Ac Ph IX. Le texte du Vatican us gmcws 824 est cité d'après la numérotation continue des paragraphes de l'édition de M. BONNET, de manière i le distinguer commodément de celui du Xenoplw11tos 32, dont la numérotation des paragraphes reprend à r pour chaque Acte. Sauf en Ac Ph VIII, 16-21 et Ac Ph IX, les variantes du Vaticanus sont fournies en notes ou, pour les pins longues d'entre elles, dans ]'Appendice 1.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Adelbert Lipsi us, de H. 0. Stülten 21 et de Maximilien Bonnet 22 établissent le caractère composite des Actes de Philippe, et les études ultérieures ne bouleverseront pas le découpage proposé. Dans la mesure où les Actes III et VIII commencent tous deux par ce qu'il est convenu d'appeler une scène d'envoi en mission de l'apôtre, il n'est pas téméraire de soutenir que ces deux chapitres signalent le début d'un cycle. Quant aux Actes I et II, ils ne partagent guère que le nom du héros, Philippe. En outre, la circulation autonome de l'Acte II dans les manuscrits milite pour son indépendance. Ces arguments, renforcés par des éléments doctrinaux, thématiques et lexicographiques, permettent d'affirmer le caractère composite des Actes de Philippe dans leur forme actuelle et de mettre en évidence l'existence de quatre unités littéraires distinctes à l'origine : deux sont relatives à l'apôtre (Ac Ph I et VIII-Martyre) et d'origine encratite, une autre concerne plutôt l'évangéliste (Ac Ph III-VII) et serait peut-être d'origine apotactite 23 , toutes trois ayant été regroupées en raison de leur commune tendance ascétique rigoriste pour former une unique narration sur Philippe. Probablement inséré ultérieurement dans la collection encratite, !'Acte II est une composition orthodoxe sur Philippe reprenant le scénario de l'Acte VI pour le combiner avec des éléments du Martyre, du chapitre 16 du livre des Nombres et des chapitres 17, 23 et 24 des Actes des apôtres. Afin de respecter la spécificité de chacun de ces quatre ouvrages, il sera traité séparément et successivement de l'Acte I, de l'Acte II, des Actes III à VII et des Actes VIII et suivants. Mais pour qui désire se familiariser d'abord avec le milieu d'origine présumé des Actes de Philippe, il est permis et même 21. H. O. STüLTEN, « Zur Philippuslegende. Bcrncrkungen »,]ahrhiicher für protestantische Theologie 17 (r89r), p. 149-160. 22. Cf. infra, p. 82-84. 23. Cf. infra, p. 8 r.

INTRODUCTION

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souhaitable de commencer par le chapitre consacré aux Actes VIII et suivants (infi·a, p. 52-80).

L'Acte de Philippe 1: un pamphlet encratite

Structure de l'épisode Dans sa forme longue transmise par le Xenoplwntos 32, !'Acte 1 peut être divisé en deux parties qui s'articulent autour de la résurrection d'un jeune homme par Philippe (Ac Ph I, 4). Sur le modèle du récit évangélique de la résurrection du fils de la veuve de Naïn (Lq, 11-17), la première (Ac Ph I, 1-3) décrit la conversion à la foi chrétienne d'une vieille veuve païenne en train d'enterrer son fils unique. La seconde (Ac Ph I, 4-17), absente du Vaticanus graccus 824, transmet le récit que fait le jeune défunt ressuscité de son voyage aux enfers. Sous la conduite d'un ange, celui-ci a pu découvrir sept scènes de supplices (Ac Ph I, 5-12), puis le trône divin majestueux où se rend le jugement (Ac Ph I, 13), enfin un dernier châtiment (Ac Ph I, 16). L'intérêt de cette seconde partie apocalyptique ne réside pas d'abord dans l'atroce diversité des tortures infligées aux hôtes des enfers - ce qui retient inévitablement l'attention à première lecture-, mais dans sa visée, qui est d'amener le jeune visiteur à confesser le Christ et à emprunter la voie des justes (Ac Ph I, 17). Chacune des deux parties de l'Acte décrit donc une conversion, celle de la veuve sur terre et celle du fils aux enfers. Dans l'ordre du récit, celle-là précède celleci, mais par l'artifice littéraire du retour en arrière - c'est une fois ressuscité que le jeune homme rapporte ce qu'il a vu quand il séjournait dans le royaume des morts - l'auteur veut souligner la simultanéité des deux conversions.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

La foi rigoriste de la ueu11e À quel type de croyance mère et fils ont-ils adhéré? C'est le cœur du problème soulevé par cet épisode; celui de la définition de la foi dans ses implications éthiques. Avant que Philippe ne ressuscite son fils, la vieille femme éplorée confesse: «Je crois en Jésus et en l'auguste virginité» (Ac Ph I, 3). La foi n'est rien sans la virginité, qui équivaut à la pureté, terme technique que la veuve avait défini sans le savoir, en préférant la continence sexuelle du célibat au mariage, le végétarisme à la viande et l'eau au vin (Ac Ph I, 3 ; cf Rm 14, 21; 1 Co 7, 1-39; 8, 13; 1 Tm 4, r-5). Pour croire correctement en Jésus, la veuve se dit prête à renoncer à tout ce qui excite le corps. Dans son commentaire, Philippe fournit la première clé d'interprétation du texte : «Que te semble la pureté? C'est précisément en compagnie des purs que Dieu se complaît et c'est pourquoi la pureté excite tant de jalousie parmi les hommes. Car incapables de rester purs et de se contenter d'eau, ils s'acharnent à calomnier ceux qui vivent dans la pureté. Ce sont eux, en effet, que Dieu a proclamés bienheureux. » Philippe insiste sur la dimension théologique de la pureté en affirmant que, par l'apaisement du corps qu'elle suppose, elle seule peut introduire l'être humain dans le commerce de Dieu. Il en dégage également les conséquences sociales. En raison des infractions aux convenances qu'elle occasionne, la pureté provoque l'incompréhension, la jalousie, voire la persécution de la part de ceux qui ne la pratiquent pas. La veuve accède donc à un type de foi rigoriste, conforme à l'idéal encratite prêché par Philippe.

Un texte édifiant et polémique La seconde partie du texte s'inscrit dans le prolongement des paroles de l'apôtre, mais d'étrange manière. Si on peut concevoir que Philippe attende la conversion de la mère

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survivante pour ressusciter son fils, on peut s'étonner, en revanche, que le mort aussi doive et même puisse se convertir en vue de sa propre résurrection. Mais l'auteur se moque de pareille invraisemblance. Il recourt au genre littéraire classique des voyages aux enfers, et, par cette fiction, peut poursuivre un double objectif Le texte montre que les persécuteurs d'ici-bas deviendront les réprouvés dans l'au-delà et les victimes dans ce monde, les bienheureux. On observe aussi que les damnés sont punis pour une raison très précise, le dénigrement des justes, c'est-à-dire la médisance, la calomnie, voire les mauvais traitements à !'encontre des croyants qui pratiquent la pureté dans le monde (Ac Ph I, 5.9). En promettant ainsi un renversement de la situation qui prévaut sur terre, !'auteur polémique contre les adversaires de la pureté, vivants ou morts, et entretient 1' espér:mce des siens, les purs, en une justice divine meilleure que la justice humaine. La seconde clé d'interprétation du texte se trouve dans la dernière sentence de l'archange Michel. Elle indique selon quel critère Dieu rendra son jugement: « Si vous ne faites pas retour sur vous-mêmes, vous n'obtiendrez pas de pitié» (Ac Ph I, r3). Au terme de son rapport, le salut apparaît au jeune homme comme un renoncement à toute forme d'hypocrisie ou d'aliénation diaboliques. L'origine de la réprobation des damnés réside autant dans leur mépris de la pureté et des purs que dans leur propre refus de se convertir. À l'inverse, l'authenticité de ce retour sur soi-même se vérifie dans la pratique rigoureuse de la pureté. En définitive, la foi en Jésus et la pureté sont les deux faces inséparables d'une même conversion. En d'autres termes, l'auteur de !'Acte I ne fustige pas d'abord la débauche en général, comme c'est souvent le cas dans ce type de textes, mais riposte aux attaques dont souffrent ceux qui s'efforcent de vivre selon la foi et la pureté. Cela signifie qu'il n'est pas préoccupé en premier lieu par des

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questions disciplinaires, mais par la survie physique de sa communauté en butte à la persécution et peut-être en proie au découragement. U11 texte encratite asiate postérieur à la fm du IV' siècle? À plusieurs reprises 24 , le texte mentionne des ministères de cette Église de purs à laquelle se rattache l'auteur. La présence d'anciennes ou prêtresses et d'eunuques dans ce clergé oriente nettement vers des groupes en marge de la grande Église. Des textes patristiques et législatifs de la fin du IV" siècle 25 , ainsi que des témoignages épigraphiques contemporains provenant d'Asie mineure, attestent l'existence et la répression d'un courant marginal ascétique et rigoriste, qui correspond assez exactement au profil de cette communauté schismatique de justes soucieux de pureté qui se place sous le patronage de l'apôtre Philippe. Si ce rapprochement est exact, l'Acte 1 ferait enfin entendre la voix des vaincus d'un conflit dont était surtout parvenu jusqu'à présent l'écho des vainqueurs. À titre d'hypothèse, !'Acte 1 serait un pamphlet encratite d'origine asiate, phrygienne même, remontant au plus tôt à la fin du IV" ou au début du V" siècle et dirigé contre la grande Église, plus accommodante en matière d'éthique, mais qui n'hésitait pas à solliciter le pouvoir impérial pour mener la chasse aux« hérétiques». Placé en tête de la collection, !'Acte 1 est propre à mettre en condition le lecteur, l'obligeant à prendre très au sérieux le type de vie chrétienne qui lui sera proposé dans la suite du texte.

24. Ac Ph I, 6.7.ro.12. 25. Cf Basile de Césarée, Lettres r88 et 199; Amphiloque d'Iconium, Contre les hérétiqi1cs 17 et 21; Épiphane de Salamine, Panarion 47 et 61; Code de Théodose 16, 5.

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L'Acte de Philippe II: une réécriture orthodoxe

La tradition manuscrite L' Acte II est, avec le Martyff, le seul des Actes de Philippe à être transmis par plus de deux manuscrits. Bien que la prudence soit de rigueur en présence d'un si faible nombre de témoins, cet épisode paraît tout de même avoir connu une plus grande diffusion que le reste des Actes, à l'exception du l\ifartyre. Or cela n'est pas sans importance pour son interprétation ; aussi faut-il revenir un instant sur sa tradition manuscrite. Quatre témoins fournissent, en effet, un texte complet, et le plus précieux pour les Actes de Philippe, le Xenoplwntos 32, s'arrête après quelques lignes (Ac Ph II, r), des pages ayant disparu entre les actuels folios 37 et 38. Sur ces cinq témoins, le Xenophontos 32 et le Vaticanus graecus 824 transmettent à eux deux, comme on l'a vu, la presque totalité des Actes; un manuscrit de Paris (Bibliothèque nationale, grec 881 du xc siècle) transmet curieusement cet Acte à la suite du iWartyre; et finalement deux manuscrits, l'un du Vatican (le Vaticanus graecus 866 du XIIIe siècle), l'autre de Milan (bibliothèque Ambrosienne, grec 405) fournissent cet Acte seul. Puisque trois manuscrits prouvent que cet épisode a pu circuler de manière autonome, il n'est pas absurde de le tenir pour une œuvre indépendante. On remarquera au passage le conservatisme des copistes de l' Ambrosianus gr. 40 5 et du Vaticanus gr. 866 qui transmettent sans sourciller un Acte auquel ils conservent son numéro II sans le faire précéder d'un Acte I. Seul le Parisinus gr. 881 transmet l'Acte II sans le numéroter, mais après le Martyre. Il est probable que cette entorse à la chronologie de la vie de Philippe réponde à des exigences liturgiques, car la lecture des Actes, donnée au réfectoire du monastère, suivait celle du Martyre à l'office. Bien

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

que ce témoin parisien soit le plus ancien et le plus fiable pour cet Acte, il ne convient pas d'en conclure que la numérotation actuelle des Actes de Philippe lui est postérieure, car il n'est pas absurde d'imaginer qu'un copiste ait répugné à conserver un numéro deux à un épisode isolé, tout comme il est invraisemblable qu'un scribe ajoute un tel numéro sur un texte autonon1e. Enfin, l'indépendance de l'Acte II se vérifie dans le Ménologe de Paris (Bibliothèque nationale, grec 1551 du XIV" siècle) qui fournit un résumé des sept premiers Actes de Philippe, dans lequel l' Acte Il est placé après l' Acte VII.

Structure de l'épisode Comme l' Acte I, l'Actc Il peut être divisé en deux parties. La première décrit la rencontre de Philippe et des philosophes athéniens (Ac Ph II, r-5), la seconde est dominée par la confrontation de l'apôtre et du grand prêtre des Juifs Ananias (Ac Ph Il, 9-23). Les deux parties sont reliées entre elles par ]'envoi d'une lettre des philosophes à Ananias (Ac Ph II, 6-7) et la venue de celui-ci à Athènes (Ac Ph II, 8-9). La longue scène de la confrontation comprenant la dispute qui tourne à l'avantage de Philippe et une résurrection opérée par l'apôtre pour sceller sa victoire, s'apparente, dans ses grandes lignes, au scénario de !'Acte VI.

Une compilation dans un sens orthodoxe Le mérite revient au chercheur américain Christopher R. Matthews d'avoir démontré dans une thèse encore inédite 26 la dépendance littéraire de l'Acte II par rapport à l'Actc VI. Mais ce résultat doit être complété, car !'Acte II s'est également

26. Chr. R.

MATTHEWS,

Trajectories tlzrough the Philip Tradition, Thèse

inédite, Haffard University, 1993, p. 248-255.

INTRODUCTION

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inspiré du Martyre 27 et surtout de la Bible (Nb r6; Mt 9, 17; Ac 17, 15-34; 22-25) 28 . On peut donc tenir pour probable l'hypothèse d'un emprunt. La dépendance n'est pas moins impressionnante par rapport à certains épisodes bibliques. Le récit de la révolte de Coré, Datân et Abirâm (Nb 16) semble avoir joué un rôle prépondérant 29 . D'un point de vue général, la figure d'Ananias est décrite selon le schéma suivant : description de sa rébellion théophanie - châtiment extraordinaire. Or cette structure paraît calquée sur celle de Nb 16: la révolte de Coré, Datân et Abirâm 30 provoque l'apparition du Seigneur 31 , qui débouche sur le châtiment des insurgés 32 . On peut établir le même type de dépendance par rapport à certains chapitres des Actes des apôtres canoniques. Il y a plus

27. Dans son édition critique du Martyre de Philippe (abrégé Ar PhM), M. BONNET a repéré trois formes de ce texte ou recensions, qu'il a nommées 1, E>, LI., mais qu'on appellera par commodité A, B, C. À défaut de signaler systématiquement dans quelle recension figure le motif dont on traite s'il n'est pas contenu dans les trois moutures, on indiquera s'il ne se trouve que dans b forme traduite dans le second appendice (cf infin, p. 247). 28. On ne trouve par exemple que dans l' Acte II et dans le ,\1artyre les formules magiques prétendument hébraïques (Ac Ph Il, 18; Ac Phl\19 et 26 (A, C]), le mot rare« crochet» (Ar Ph II, 18; Ac PhM 34 (A, C]), le thème de la foi s'affermissant (Ar Ph li, 20; Ac Phl\116 [A)) ou celui de l'engloutissement par la terre (Ac Ph li, 18-r9.21; Ac PhM 26.27 (A, C]-28 lBJ) et enfin le titre« fils du tonnerre» (Mc 3, 17) conféré à Philippe (Ac Ph II, 9; Ac PhM 23 (B].25 [CJ), quoiqu'il se trouve encore en Ac Ph XI, 6. 29. L' Acte II lui paraît redevable du motif de la terre qui s'ouvre (Ac Ph II, 21; Nb 16, 30; Ac PhM 30), de l'aveuglement (Ac Ph II, 12. 17; Nb r6, 14), de la descente d' Ananias vivant aux enfers (Ar Ph II, 23; Nb 16, 30-34; cf. Ps 55, 16). 30. Nb 16, 1-15; cf. Ac Ph II, 8-12. 31. Nb 16, 16-22; cf. Ac Ph II, 13-17. 32. Nb 16, 23-34; cf. Ac Ph II, 18-23.

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d'un point de contact entre la rencontre de Philippe et des philosophes et le séjour de l'apôtre Paul à Athènes (Ac 17). L'idée des philosophes de consulter une autorité juive plus compétente (Ac Ph II, 6) pourrait venir d'Ac 22, 30. Le motif de la lettre (Ac Ph II, 7) se trouve également en Ac 23, 25-30 et on notera la parenté des adresses initiales (Ac 23, 26). La captatio benevolentiae semble copiée sur celle de Tertullus en Ac 24, 2. Les philosophes païens tentent de s'attirer la faveur d'Ananias contre Philippe dans les mêmes termes que les Juifs, par l'intermédiaire de Tertullus, celle de Félix, le procurateur romain de Judée, contre Paul (Ac 24, 2-5). Quant au grand prêtre, son nom, Ananias, paraît sortir directement de cette section des Actes (Ac 2 3, 2 ; 24, I) et sa réaction de déchirer ses vêtements à la lecture de la lettre (Ac Ph Il, 8) est une citation de Mt 26, 65. La décision des scribes et des pharisiens (cf I.e 5, 17) de charger des hommes de main (Ac Ph II, 8) d'éliminer l'apôtre rappelle Ac 23, r2-15.20-2r. La grande pompe (Ac Ph II, 9) qui entoure l'arrivée d'Ananias à Athènes imite celle d'Agrippa et de Bérénice en Ac 25, 23. La proposition d'Ananias de ramener Philippe à Jérusalem pour le mettre à mort (Ac Ph II, ro) plagie la requête des grands prêtres et des notables juifs réclamant au procurateur romain Porcius Festus le transfert de Paul de Césarée à Jérusalem (Ac 25, 3). La tentative d'Ananias de flageller Philippe (Ac Ph II, 12. r 1) renvoie d'abord à Ac 23, 2-3, puis à Ac Ph VI, IO-Ir. Il ressort de cet inventaire que l'auteur de l' Acte II transfère avec une déconcertante facilité sur le discret apôtre Philippe, pour lui donner plus d'étoffe, des événements que le Nouveau Testament rattache à l'éminent apôtre Paul. Ce travail de compilation n'est cependant pas exempt de maladresse. L'auteur ne retient de l'esprit athénien à la suite d'Ac 17, 21 que le goût de la nouveauté (cf. Ac Ph VI, 3), qu'il juxtapose à un thème cher au judaïsme, puis au christianisme : l'attachement aux traditions héritées des pères

INTRODUCTION

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(cf. Ac Ph II, 2.5.14). Il peut stigmatiser de la sorte la superficialité de ces discoureurs qui adorent la nouveauté, mais détestent le changement. Mais ces philosophes manquent hélas dramatiquement de culture pour être crédibles, car ils n'utilisent qu'un seul mot inconnu de la Bible grecque («enseignements», Ac Ph II, 2) ! L'auteur, qui n'atteste pas de connaissance de la philosophie grecque autre que néotestamentaire, s'avère incapable de se départir d'une langue biblique, voire chrétienne. Le personnage du grand prêtre n'est guère mieux saisi. À son tour il parle comme un chrétien, ou plus exactement comme un chrétien imagine qu'unJuif s'exprime, lorsqu'il polémique contre un fidèle du Christ. Presque toutes les accusations que débite Ananias trouvent un parallèle dans le Nouveau Testament, comme on peut l'apprécier dans l'annotation. En truffant sa composition d'éléments scripturaires, l'auteur de l'Acte II confirme une conclusion énoncée parJ.-D. Kaestli selon laquelle, «plus on s'éloigne des origines, plus le rôle des traditions bibliques est important dans la composition des textes 33 ». On peut ajouter que par rapport aux Actes V-VII et au Martyre, l' Acte II trahit une schématisation, sinon une caricature, des adversaires de Philippe qu'auraient été le paganisme et le judaïsme, ce qui lui retire toute valeur historique. À l'exception du type de vêtement porté par Philippe (Ac Ph II, r), tout ce qui rappelle l'encratisme dans l'Acte VI et le Martyre a disparu, au point que l'auteur place même sur les lèvres de Philippe un rappel de la paraboles des outres de vin (Mt 9, i 7) qui ne devait pas être spécialement en honneur chez des ascètes abstinents.

33. J.-D. KAESTLI, «Le rôle des textes bibliques dans la genèse et la transformation des légendes apocryphes: le cas du sort final de l'apôtre Jean)), Augustinianum 23 (1983), p. 336.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Au terme de cette analyse, il est permis de soutenir que l' Acte II constitue une œuvre indépendante, destinée à une circulation autonome à l'origine. Quoique médiocre, elle présente pourtant un cas remarquable de réécriture apocryphe d'un apocryphe, et on peut se demander pourquoi ce premier témoin de la réception des Actes de Philippe figure dans la collection, dont il a des chances d'être le dernier venu. En somme, l' Acte II possède toutes les caractéristiques du digest 31 • On retrouve la part de réduction quantitative, d'expurgation doctrinale, de banalisation des figures et de succès populaire liée à ce genre littéraire 35 . Au notable juif de l' Acte VI, Aristarque, est substitué, dans !'Acte li, un personnage plus connu, le grand prêtre Ananias; la lutte de Philippe contre une vipère, décrite en termes de combat contre une énigmatique déesse dans les Actes VIII et suivants, est simplifiée en une controverse avec trois cents philosophes; enfin les deux villes exotiques où se déroulent !'Acte VI puis le Martyre, Nicatéra et Ophiorymé, deviennent respectivement Jérusalem et Athènes! À titre d'hypothèse, on considérera donc !'Acte II comme une sorte de digest visant à récupérer ou au moins à étoffer la figure de Philippe en milieu orthodoxe et à supplanter les Actes encratites, ainsi que l'indiquerait sa tradition manuscrite. Les deux grands cycles des Actes III à VII et VIII et suivants étaient probablement déjà réunis lorsqu'il fot rédigé, puisque son auteur s'est inspiré de !'Acte VI et du Martyre, peut-être dans la seconde moitié du ve siècle. Quant au lieu de travail de ce plumitif, il reste totalement indéterminé, mais on peut toujours imaginer l'Asie mineure.

34. Cf G. GENETTE, Palimpsestes. La littératuw au sewnd de.gré (Poétique), Paris, Seuil, 1982, p. 289-29r. 35. Cf ibidem, p. 351.

INTRODUCTION

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Les Actes de Philippe III à VII : ou les variations apotactites sur un thème canonique

Délimitation

d14

cycle

Les Actes III à VII forment un cycle indépendant à l'origine des Actes I, II et VIII et suivants. Outre la présence de deux scènes d'envoi en mission de Philippe sensiblement différentes aux Actes III et VIII, des caractéristiques doctrinales et lexicographiques fondent l'hypothèse d'une section originellement autonome. Par exemple, l'helléniste qui désire accomplir sa mission (Ac Ph III, r) contraste avec l'apôtre Philippe qui n'y consent qu'avec peine (Ac Ph VIII, 2). Autre élément, le thème de la pureté, central en perspective encratite, n'est pas rendu par des termes de la même famille dans les Actes III à VII et VIII suivants. Le substantif hagneia «pureté» et ses dérivés n'apparaissent que dans les Ac Ph 1. III-VII, à l'exception de passages de !'Acte IV, mais transmis par le Vaticanus graecus 824, tandis que l'adjectif katharos « pur» et les vocables dérivés de la même racine ne se rencontrent que dans les Ac Ph II, VIII-XV et la forme du Martyre la plus fiable (recension B). Sur la question sensible, elle aussi, du contact avec des animaux, les Actes VIII et suivants placent un léopard et un chevreau dans !'entourage immédiat de Philippe, tandis qu'aux Actes III à VII, les bêtes n'apparaissent que dans des citations bibliques et l'apôtre refuse même l'escorte de chameaux qu'on lui propose à !'Acte VII. Quant à l'Acte VII qui clôt le cycle, il semble bien se terminer sur une allusion à la mort de Philippe avec l'énigmatique« port d'en haut» (Ac Ph VII, 8). Cette expression peut être rapprochée du « port du repos » 36 ou de la «Jérusalem 36. Pseudo-Clément, Épître de Clément à]acqucs 13, 3; r6, 3; Apulée, Métamorphoses II, I 5, 1.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

d'en haut » 37 , le terme grec « port » pouvant être éventuellement confondu avec l'abréviation du nom de la ville sainte. Quoi qu'il en soit, le port est souvent une métaphore de la mort 38 . Lorsque le compilateur a réuni les cycles constitués par les Actes III-VII et VIII et suivants, ils' est heurté à un problème délicat : comment mettre bout à bout deux textes se terminant l'un et l'autre par le décès de Philippe? Si l'on veut éviter une grossière résurrection, l'unique solution consiste à supprimer l'un des deux récits de la mort du héros. Le Martyre de Philippe, sans doute antérieur à l' Acte VII et localisé à Hiérapolis conformément à la tradition, ne pouvait que l'emporter sur un autre récit relatant la mort peut-être naturelle de Philippe, l'helléniste, si l'on en croit le gnostique Héracléon 39 .

Contenu des Actes de Philippe III à VII L'Acte III relate les pérégrinations de Philippe du royaume des Parthes à Azot en Palestine, puis l'Acte IV la conversion et la guérison miraculeuse de Charitiné dans cette ville. Dominés par la rivalité entre Juifs et chrétiens, les Actes V à VII se déroulent à Nicatéra, cité imaginaire qui pourrait être identifiée à Césarée maritime. Philippe amène successivement à la foi Iréos et sa famille (Ac Ph V), puis, après avoir vaincu le Juif Aristarque lors d'une dispute scripturaire et ressuscité un mort, toute la population de la ville (Ac Ph VI), avant de superviser la construction d'une salle d'assemblée et de se remettre en route pour une destination équivoque, « le port d'en haut » (Ac Ph VII).

37. Ga 4, 26. 38. Cf Épictète, Entretiens IV, IO, 27; Anthologie palatine IX, 49 [épigramme anonyme]; IX, 172 [Palladas]. 39· Cf Clément d'Alexandrie, Strornates IV, C) (7I, 3).

INTRODUCTION

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L'itinéraire de Philippe Même en admettant que les Actes I et II, puis VIII et suivants soient des unités littéraires distinctes, l'itinéraire suivi par Philippe dans les Actes III à VII est demeuré un véritable cassetête pour les critiques. Quel sens déceler dans les déambulations orientales de Philippe qui commencent par une rencontre de Philippe, Pierre et Jean chez les Parthes (Ac Ph III, 1-2) au sud de la mer Caspienne, se poursuivent avec un déplacement au pays des Candaces (Ac Ph III, ro), où l'apôtre ne trouve rien d'autre à faire que de s'embarquer prestement à destination d'Azot (Ac Ph III, ro), et s'achèvent avec une marche pour gagner la mystérieuse cité de Nicatéra (Ac Ph V, r) ? Suggérée mais non développée par F. Bovon 40 , la solution la moins onéreuse consiste à harmoniser le début de l'Acte III avec le premier verset de la notice sur l'helléniste Philippe dans les Actes canoniques (Ac 8, 5). L'apocryphe le reprend presque mot pour mot à deux exceptions près : il accole le titre d'apôtre à Philippe et délocalise l'action dans l'empire des Parthes. Or ces écarts font justement difficulté. Pourquoi donc un apôtre réclamerait-il aux autres apôtres « la couronne du Christ dans l'ordre apostolique», leur force et une participation à leur gloire dans les cieux (Ac Ph III, r)? Bref, pourquoi un apôtre demanderait-il aux autres apôtres de devenir apôtre? Comment expliquer de surcroît la présence de Pierre et de Jean chez les Parthes, puisque ce pays est attribué tantôt à Thomas, selon le célèbre théologien alexandrin du 111" siècle Origène, cité par Eusèbe de Césarée 41 , et selon les Actes de

40. F. BovoN, «Les Actes de Philippe», Aufttieg und Niede1:gang der roniischen Welt, II, 25. 6, éd. W. HAASE, H. TEMPORINI, Berlin- New York, W. de Gruyter, 1988 (abrégé désormais ANRWII, 25. 6), p. 445r. 4479. 41. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique III, r, r.

40

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

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INTRODUCTION

41

Philippe emç-mêmes (Ac Ph VIII, 1), tantôt à Matthieu, selon le Martyre d'André 42 ? Si l'on ne connaît pas d'autre attestation d'un séjour de Pierre et de Jean chez les Parthes, on sait en revanche par Ac 8, 14-25 que ces deux membres influents du collège des apôtres sont descendus exprès de Jérusalem pour conférer l'Esprit-Saint aux habitants de Samarie. Les Actes canoniques (cf. Ac 8, 14-17) affirment, en effet, que Philippe baptisait au nom du Seigneur Jésus, mais ne pouvait encore conférer le Saint-Esprit, privilège apostolique. Si l'on rétablit> dans Acta Sanctorum 1'vfaii 1, Anvers, M. Cnobar, 1680, p. 7-r 8;]. A. FABRICIUS, Codex Apocryphorum Novi Testamenti II, Hambourg, B. Schiller, 1703 (1719'), p. 736-742. 806-8 IO. 81. C. TISCHENDORF, Acta apostolorwn apocrypha, Leipzig, Avenarius et Mendelssohn, 1851, p. 75-rn4. 82. K. von TrscHENDORF, Apocalypses apocryphae, Leipzig, 1866 (réimpression Hildesheim, G. Olms, 1966), p. 141-156. 83. M. BONNET, Acta Pliilippi et Acta Thomae accedwzt Acta Barnabae dans R. A. LIPSIUS, M. BONNET, Acta apostolorum apocrypha II, 2, Leipzig, H. Mendelssohn, 1903, (réimpression Darmstadt, r959), p. VII-XV. XXXVI-XXXVII. 1-98.

INTRODUCTION

83

Maximilien Bonnet 83 découvre dans le Vaticanus graecus 824 les Actes I à IX et le Martyre, et qu'il publie l'ensemble du dossier en r 903, non sans s'être fait voler l'édition princeps du témoin vatican par Pierre Batiffol 84 en r 890 ! Le remarquable travail du philologue suisse a curieusement fort peu suscité l'intérêt des savants, à en juger, par exemple, de la place réservée aux Actes de Philippe dans les éditions successives des Neutestamentliche Apokryphen d'Edgard Hennecke, relayé actuellement par Wilhelm Schneemelcher 85 : cinq mentions éparses du seul mot « Philippusakten » dans les deux premières éditions de 1904 et 1924, treize lignes dont six de bibliographie dans la troisième édition de 1964, six pages dans la cinquième et dernière édition de 1989, mais jamais de traduction allemande des Actes de Philippe, comme c'est le cas pour les Actes d'André, de jean, de Paul, de Pierre ou de Thomas ... À l'heure actuelle, la seule traduction complète dans une langue moderne du texte grec édité par M. Bonnet est celle en italien de Mario Erbetta 86 qui date de 1966. On aurait pu espérer que l'édition et la traduction française de l'Acte de Philippe I d'après le Xenophontos 32 par Bertrand Bouvier et François Bovon 87 en 1989 éveille la curiosité des chercheurs, mais il n'en a rien été ...

84. P. BATIFFOL, « Actus sancti Philippi apostoli nunc primum edidit R. D. Petrus Batiffol »,Analecta Bollandiana 9 (1890), p. 204-249. 85. W. SCHNEEMELCHER, Neutesta111entlichc Apokryphen in dcutschcr Obcrsctzung II. Apostolisches, Apokalypsen imd Verwandtcs, Tubingue, J. C. B. Mohr (Paul Siebcck), 19895, p. 424-429. 86. M. ERJJETTA, Gli Apocrifi del Niw110 Tcstammto, Il Atti e Legiscnde. Versione c Commenta, Turin, Marietti, 1966, p. 45 r-490. 87. B. BOUVIER, F. BovoN, «Actes de Philippe, !, d'après un manuscrit inédit», dans D. PAPANDREOU, W. A. BIENERT, K. ScHAFERDTEK, Oecumenica et patristica. Festschrifi_fiir Willzelm Sclmeemelcher zwn 75. Ccburtstag, Chambésy /Genève, Metropolie der Schweiz, 1989, p. 367-394.

84

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Brève histoire de la recherche Pour ce qui concerne les rares études traitant des Actes de Philippe, le tableau est coloré, comme l'illustre ce choix de citations. En r 864 déjà, Alfred von Gutschmid, qui ne connaît que l'Acte II et le Martyre, écrit: «Les monnaies confirment donc le récit des Actes de Philippe, et, s'il est permis d'en déduire quelque chose, c'est qu'à Hiérapolis, le serpent n'était pas vénéré comme tel, mais comme animal consacré à Cybèle, entretenu dans son temple, gardé par des galles et vénéré par les fidèles par des libations 88 . »Et Gutschmid de conclure que le Martyre de Philippe fournirait «l'une des informations les plus précieuses jamais transmises par les Actes apocryphes d'apôtres 89 ». Les vues de Gutschmid sont inopinément tombées dans un relatif oubli, alors même que les découvertes successives de nouveaux témoins du texte venaient confirmer de manière éclatante leur justesse pour les Actes VIII et suivants. En r 884, Richard Adelbert Li psi us, l'un des grands spécialistes allemands des traditions apocryphes sur les apôtres, estime, sur une base documentaire identique à celle de Gutschmid, que le texte des Actes de Philippe qu'il a sous les yeux est un remaniement catholique d'un original gnostique du me siècle et il affirme : « La valeur historique des Actes de Philippe repose en partie sur des informations locales sur le culte du serpent à Hiérapolis et en partie sur d'importants apports nous renseignant 91 sur les doctrines et usages gnostiques 90 . » Lipsius rattache 88. A. von GuTSCHMID, « Konigsnamen »,p. 400. 89. Ibidem, p. 4or. 90. R. A. LIPSIUS, Die apooyphen Apostelgeschichten und Apostellegenden II, 2, Braunschweig, C.A. Schwetschke, l 884 (réimpression Amsterdam, APA - Philo Press, 1976), p. rr. 91. Ibidem p. 16.

INTRODUCTION

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abusivement à la gnose tous les motifs quelque peu exotiques et tient, par exemple, pour typiquement gnostique la présence du léopard et du chevreau (Ac Phlvl 22, [B, C]). Il ne modifiera pas son jugement après la découverte du Vaticanus graecus 824. En l 900, Theodor Zahn 92 prend le contre-pied de Lipsius et pense qu'il s'agit d'une composition catholique, contenant certes quelques traits gnostiques, qui ne saurait remonter audelà du IVe siècle et serait l' œuvre d'un individu très inculte et très idiot. Il est piquant d'observer qu'en 1954, André-Jean Festugière écrit toujours à propos du même texte : «Les Actes de Philippe se distinguent du reste de la collection par la fraîcheur et la naïveté du récit. On n'y trouve pas ces interminables discours ni ces prières pleines de pathos qui caractérisent par exemple les Actes d'André, de Jean et de Thomas. Tout y est naturel. La doctrine est simple, proche de l'Évangile et des traditions de l'Église primitive 93 . » Enfin en 1932, Erik Peterson 94 démontre que les Actes de Philippe ne sont pas gnostiques, mais reflètent le même type d' encratisme que les ascètes rigoristes condamnés au IVe siècle lors du Concile de Gangres en Asie mineure. L'étude du texte long du Xenophontos 32 confirme non seulement l'interprétation de Peterson, mais semble même permettre d'attribuer l'une ou l'autre partie du texte à tel ou tel groupe encratite. Enfin, grâce à la création de l' Association pour l'étude de la littérature apocryphe chrétienne (AELAC), la recherche sur les Actes de Philippe a été relancée et le dossier retenu par François Bovon, auquel s'est adj oint Bertrand Bouvier dès 92. Th. ZAHN, Forschun,gm zur Gcschichte des 11cutesta111mt!ichm KanollS und der altldrclzliclzen Literatl!r, VI, I Aposte/ und Apostclsc/1ülcr in der Provinz Asim, Leipzig, A. Deichert, 1900, p. 18-22. 93. A.-J. FESTUGIÈRE, La révélation d 'Hcrlllès Tris111égistc, IV Le Dieu inconnu et lag1wsc (Études bibliques), Paris,]. Gabalda, 1954. p. 238-239. 94. E. PETERSON, «Die Haretiker der Philippus-Aktcn », Zcitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft 31 (1932), p. 97-rrr.

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1974 et Frédéric Amsler dès 1987. Ce projet a débouché sur une première et très substantielle publication de François Bovon 95 en r 98 8, dans laquelle il dresse un état de la question et présente surtout le Xenophontos 32. La diversité des opinions savantes émises sur les Actes de Philippe illustre à quel point le langage en énigmes, les paradoxes, le récit de fiction que pratique cet écrit sont ressentis comme autant d'obstacles à sa compréhension, alors qu'ils ont précisément pour but de l'enrichir et que la polysémie de la littérature apocryphe relative aux apôtres n'est pas le moindre de ses attraits. Au premier degré, ces récits se lisent comme un roman dans le goût antique, rappelant dans un genre divertissant l'activité missionnaire attribuée à un apôtre méconnu, Philippe. Parallèlement, le lecteur se plaira à évaluer sa propre connaissance de !'Écriture sainte et, retournant au texte canonique, à remarquer la richesse des allusions scripturaires et surtout l'habileté des développements narratifs de récits bibliques. Sur le plan spirituel, le croyant prendra le risque de lire l'œuvre édifiante d'un auteur, croyant lui aussi, que la tradition ecclésiastique a toutefois écartée, mais qui l'interpellera néanmoins sur sa propre compréhension de la foi chrétienne.

9S. F BovoN, ANRWII, 25. 6.

INTRODUCTION

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Bibliographie complémentaire Éditions

F. BovoN, B. BOUVIER & F. AMSLER, Acta Philippi. Textus (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum), Turnhout, Brepols (à paraître). On peut signaler ici l'édition de la Translation des reliques de Philippe d'Ophiorymé à Hiérapolis, qui suit sans rupture le I'vfartyre de Philippe dans au moins un manuscrit, mais ne lui appartient probablement pas. M. R. JAMES,« Supplement to the Acts of Philip», dans M. R. JAMES, Apocrypha anecdota (Texts and Studies II, 3), Cambridge, University Press, 1893 (réimpression Nendeln, Liechtenstein, 1967), p. 158-163. Études

F. BovoN, «Les Actes de Philippe», dans Aufitieg und Niede1gang der romischen Welt (ANRVVJ, II, 25. 6, éd. W. HAASE, H. TEMPORINI, Berlin-New York, W. de Gruyter, 1988, p. 4431-4527. (Abrégé ANRWII, 25. 6). F. BovoN, «Le privilège pascal de Marie-Madeleine», New Testament Studies 30 (1984), p. 50-62. F. AMSLER, Acta Philippi. Commentarius (Corpus Christianorum, Series Apocryphorum), Turnhout, Brepols (à paraître). F. AMSLER, «Remarques sur la réception liturgique et folklorique des Actes de Philippe (Actes VIII-Martyre) », dans les Actes du Colloque international sur la littérature apocryphe chrétienne. Lausanne-Genève, 22-25 mars 1995 (à paraître dans la revue Apocrypha).

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153. Sur l'origine biblique des motifa contenus dans cette phrase, voir Introduction, p. 42. 154. L'aigle peut être le signe d'une manifestation divine (cf. Ex r9, 4; Dt }2, II; Ez r, ro; IO, 14; Ap 8, 13; 12, r4; Ac Thomas 91; Ac André Matthias 17), une figure du Christ (cf. Vie Xanthippe 17-18) et du Chnst crucifié, dont l'extension des mains (cf. Ex r7, 8-16; Dt 33, 3; Es 65, 2; 1\113, 20) acquiert une valeur protectrice à la fin d'Ac P/1 Ill, 6 (cf. A1t 23, 37; Hippolyte de Rome, L'Antéchrist Gr, 2-3 ; PscudoHippolyte, Sur la sainte Pâque 38). 155. Cf Ac Ph Ill, r3 note 178. 156. La découverte de l'identité véritable du Christ, qui réside dans la tension entre l'humiliation terrestre et la glorification céleste de Jésus, est le fruit d'une conversion (cf Ac Ph I, 13, note 45).

ACTE TROISIÈME

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dans le désert.» 7 Et s'étant mis à genoux, il dit encore: «Je t'adore, Seigneur, car j'ai compris maintenant que tu t'es souvenu de moi, que tu m'as exaucé et que tu m'as montré ta gloire. Tu es en effet un père juste et un défenseur, et tu sauves ceux qui espèrent en toi. Ma langue ne peut exprimer ce que mon cœur ressent pour toi. Et toi, tu es celui qui sondes les reins, qui examines les cœurs et qui connais les pensées 157 . Tu es le Fils et tu es le Père 158 et le tout est en toi, la vie éternelle, la gloire du Père.»

Discours de jésus à Philippe 8 Alors Jésus dit à Philippe comme de la bouche de l'aigle : «Voici, je t'ai béni dans ta prière, et dans ma gloire je me déploierai au-dessus de toi. Face à ceux qui m'ignorent, je t'affermirai par ma lumière, je me fortifierai en toi et de grandes occasions se présenteront. Je te servirai de guide 159 dans les pays impraticables, tu marcheras sur mes traces et tu réfuteras les sots. Garde-toi de celui qui dresse des embûches 160 , car il rôde autour de nous en cherchant à nous faire trébucher et nous enveloppe de ténèbres. Sa voie ne mène pas au but, mais moi, je serai pour toi une voie sûre 161 . Songe en ta pensée que j'assécherai les fleuves à ton passage, que je serai en mer ton timonier céleste 162 et ton port dans les flots déchaînés.Je ne me

157. La conviction que Dieu connaît les pensées est souvent exprimée dans la Bible, notamment dans les Psaumes (cf. Ac Ph III, 4; IV, 3). 158. Cf. Ac Ph !, 3 note 1 r. 159. Cf. Ps 25 (24), 5 ;Jn 16, 13; Ac 8, 31; Ap 7, 17; Ac Ph III, 13; VI, 15; VIII, 6; Ac jean 113. 160. «Celui qui dresse des embûches»: une partie de la phrase est malaisée à traduire, mais l'allusion au diable, appelé généralement l'ennemi, est claire. 161. Cf.Jn 14, 6; He IO, 20; Ac jean 98. 162. Cf. notamment Ex 14, 21-29; Es 43, 16; 44, 27; 50, 2; Na r, 4; Ps 66 (65), 6 et passim; Sg IO, I8; 1 Co IO, I; He II, 29.

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séparerai pas de toi, ni ne t'abandonnerai. À l'instant, j'assiste Thomas dans le Labyrinthe 163 ; à l'instant, je réconforte Jean en Asie; je soutiens André en Achaïe et je prie avec tes autres compagnons, les apôtres. » 9 Philippe reprit : « Comment célébrerai-je ta bonté, Seigneur? Car dès le début tu étais avec nous, Jésus, et nombreux furent parmi nous ceux qui ne crurent pas en toi. Depuis que tu as été enlevé aux cieux, nous n'avons pas connaissance que tu nous accompagnes sous une pareille figure ; car depuis que tu t'es caché corporellement, depuis lors tu t'es révélé spirituellement. Étant doux et plein de sagesse auprès de nous, tu as commencé à te cacher à nos yeux dans ton intelligence 164 . » Le Seigneur lui répondit: «Lèvetoi, Philippe, et mets-toi en route; voici, je suis avec toi 165 . »

Tempête et apparition de la croix lumineuse ro [33] Alors Philippe arriva par mer aux confins des Candaces 166 , y trouva un vaisseau qui appareillait pour Azot et dit aux matelots : « Prenez-moi à votre bord, marins, et emmenez-moi à Azot. »Il convint de leur donner quatre pièces d'or pour son passage et s'embarqua avec eux.

163. Cf. Ac Ph XI, 6; Ac Thomas ro9- r 1 r. Par cette mention des autres apôtres, Jésus, confirmant les paroles de Jean (cf. Ac Ph III, 2), indique explicitement à Philippe qu'il le considère désormais comme un apôtre au même titre que Thomas, Jean ou André. On notera que Thomas et Jean n'ont pas reçu les mêmes régions qu'en Ac Ph III, 2 (cf. note 127). 164. Dans cette réplique, Philippe expose avec limpidité la problématique du dépassement de la seule réalité terrestre de Jésus et pose plus largement la question de savoir comment entrer dans l'intelligence du Christ, c'est-à-dire comment croire sans voir, alors même que ceux qui ont vu n'ont pas tous cru (cf.Jn 20, 29; 2 Co 5, 7; 1P1, 8). 165. Cette promesse de Jésus à Philippe confirme celle de Jean (cf Ac Ph III, 2 note 128). L'épisode de la tempête va permettre à Philippe d'en apprécier la solidité. 166. « Candaces »:cf. Ac 8, 26-39; Introduction, p. 42.

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r r Ils avaient parcouru en naviguant environ quatre cents stades, lorsque se leva un vent violent qui mit le vaisseau en péril. Puis survinrent 167 , amenées par le vent, des sauterelles 168 redoutables qui s'attaquèrent aux passagers. 12 [34] Philippe se leva, vint à la proue et dit : « Qui est celui qui a poussé ce vent à engendrer ses enfants pour que, dans leur nature bestiale, ils s'attaquent aux hommes?» Et de clamer, disant: « Ô Seigneur Jésus-Christ miséricordieux, qui m'es apparu et qui m'as dit: "Si tu m'invoques 169 , je t'exaucerai." Voici, maintenant, je t'invoque dans ce pressant péril. » C'était environ minuit 170 , lorsque, disant ces mots, il vit un sceau lumineux en forme de croix 171 ; car il faisait sombre. Le sceau brilla de plus en plus, si bien que même les matelots aperçurent la gloire lumineuse qui était plus éclatante que le soleil 172 . L'éclat 167. «Puis survinrent( ... ) blessure de l'âme» (Ac Ph III, 11-17): le Vaticanus graecus 824 substitue à ces paragraphes un court récit de sauvetage à la suite d'un naufrage (cf Appendice I), où se combinent des éléments empruntés à l'vlt 8, 23-27; Mc 4, 3 l-41; L: 8, 23-25; Ac 27, 13-44, escamotant ainsi l'apparition de la croix lumineuse (voir Introduction, p. 23-25). Les deux manuscrits se rejoignent au début d'Ac Phil III, 17 (cf note 195). 168. On rencontre chez Pline l'Ancien (Histoire naturelle l r, 103) l'idée que les sauterelles meurent dans la mer ou les étangs où elles ont été poussées par le vent. Augustin d'Hippone (Cité de Dieu III, 21) et Orose (Histoires contre les païens V, l l, 2) rapportent qu'une invasion de sauterelles en Afrique en 125 av. J.-C. s'était prolongée en épidémie, lorsque les insectes, emportés par le vent, avaient péri en mer et étaient revenus putréfiés sur le rivage. 169. «Si tu m'invoques»: cf Ac Piz III, 9 note 165. 170. Minuit est une heure propice aux prières et aux manifestations diaboliques ou divines (cf. par exemple Ex 14, 20.24; Ac 16, 25; Ac Ph IX, l; Test Adam l, 12; Tradition apostolique 41). 171. «Sceau lumineux en forme de croix»: cf. Ac Ph Il, 24 note l 19; VI, 12 note 277; Ac PhM 27 [Appendice I!J.32.35; Ac jean 98-100; Ac Pierre 3 8; Ac André 1\1artyre l, 14; Introduction, p. 42-43. 172. Cf. Ac Ph Il, 15 note 102.

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se trouvait au milieu du ciel et illuminait les flots; les monstres marins 173 , les poissons et autres bêtes, lorsqu'ils aperçurent cette gloire dans la mer, firent cercle rn, adorèrent la lumière et clamèrent des hymnes dans leur langage 175 . La mer se transforma sous l'effet de la majesté de cette lumière, le vent se calma et les sauterelles périrent dans la mer. Quant à nous 176 , nous restâmes à nous réjouir de la lumière, de ce qu'elle était venue jusqu'à nous.

Action de grâces de Philippe 13 Prenant la parole, Philippe dit: «Quelle grâce pouvonsnous rendre à cette grâce et à cette puissance? Y a-t-il grâce humaine qui puisse atteindre cette gloire? Levez-vous donc et ouvrez vos cœurs à la prière sans remuer vos lèvres 177 en parlant, car elle est grande, la gloire qui s'est révélée au monde entier. Où pouvait bien se trouver cette gloire, du temps, Jésus, que tu étais avec nous, objet de risée et jugé comme un homme? Et à la fin, les publicains de ce monde ne croyaient pas en toi. Comme un étranger 178 marchant avec nous, tu nous as guidés, marchant dans ta bonté, sachant ce qui adviendra. Qui peut t' assimiler à un corps engendré? Tu ne t'es pas

173. Gn l, 21;Jb40, 25-32. 174. Cf.Ap7,11;AcPhV,22;AcJean9 4. 175. «Dans leur langage»: cf. Ac Ph XII, r. 176. Mème passage à la première personne en Ac 16, lo-17; 20, 5-15; 21, l-18; 27, l-28, r6; Protév Jacques 18, 2-19, 1; Ac Ph III, 14-15 (voir Introduction, p. 49-50). 177. «Sans remuer vos lèvres» : jusque dans la prière, le mouvement corporel de l'orant représente un obstacle à la communion de l'âme avec le Christ (cf. Ac Ph III, 14; XI, 9; XIV, 5: Ac Pierre 39; Ac Jean 8990.93.ro3). 178. Sur le Christ comme étranger au monde, cf. Mt 25, 35.38-43-44; Jn 8, 23; 17, 14.16.18; 18, 36-37; Ac Ph III, 16 note 191; IV, 2-4 notes 201 et 214; XIV, 5.

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montré au monde comme la gloire manifestée maintenant, mais tu as caché cette gloire 179 jusqu'à ce que soient transformés les nus 180 . Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que ceux qui voulaient te connaître se soient rompus à la tâche. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce qu'ils voient ton glorieux visage. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que te connaissent ceux qui étaient dans l'ignorance. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que t'ayant recherché ils te trouvent. Tu as caché cette gloire au temps où tu tardais à te manifester. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que se révèle ta figure et que !'on sache qu'elle n'est point de ce lieu. Tu as caché cette gloire afin que le nouvel homme te connaisse avec droiture. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que s'éveillent ceux qui se sont endormis. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que te reconnaissent les brebis qui n'ont point été dispersées 181 . Tu as caché cette gloire jusgu' à ce que se retournent ceux qui étaient près de leur perte. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que tu te révèles à ce peuple. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que se manifeste la vision céleste, gui s'est manifestée au monde. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que le silence s'établisse devant ton enseignement indicible. Tu as caché cette gloire jusqu'à ce que se manifeste l'héritage parmi nous. Tu as caché cette gloire quand il n'y avait personne qui en fût digne parmi les habitants de la terre. Mais maintenant, semble-t-il, en te manifestant à guelquesuns, tu as fait connaître ta gloire. » 179. Comme le cantique de Moïse loue le Seigneur qui a miraculc:usemcnt délivré Israël (Ex 15, l-18), cette action de grâces remercie le Christ d'avoir révélé le sens ultime et salvateur de sa croix. La répétition à seize reprises de« tu as caché cette gloire» contraste avec« mais maintenant( ... ) tu as fait connaître ta gloire». Désormais, pour avoir eu accès à l'intelligence de Jésus par la vision de sa gloire, Philippe et les siens n'ont plus à douter de !'assistance du Christ (cf. Ac Ph V, l 9). 180. Cf. Ac Ph III, 4 note 149· 181. Cf. Za 13, 7; lvlt 26, 31; Mc 14, 27;]11 IO, l-16.26-27; 1P2, 25.

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14 Et comme Philippe disait ces mots, tandis que le sceau lumineux était dans le ciel et sur la mer, apaisant les vents et les flots - la violence des vents s'était calmée-, aussi bien les passagers du navire que l'équipage furent frappés de stupeur devant une telle efficace. Et il se fit un silence 182 qu'aucune chair n'avait jamais vu. Pendant la plus grande partie de la nuit, moi Philippe, j'entendis les chœurs de louanges que des lèvres humaines ne sauraient reproduire. Quand ils se turent, les cieux s'ouvrirent vers les hauteurs et le sceau fut ravi dans le ciel. Le jour venu 183 , nous restions à bord à nous remémorer ce que nous avions vu, puis le soleil se leva comme tremblant et nous demeurions hagards 184 les yeux fixés en l'air.

Arrivée de Philippe à Azat 15 Nous en étions là quand nous touchâmes le port d'Azot. Lorsque le navire eut abordé sur le rivage, les matelots ne cessaient de s'entretenir de la gloire qui leur était apparue, en disant: «Comme nos âmes ont été bouleversées!» Et moi 185 , leur parlant longuement, je les fortifiai dans le Seigneur. Quant à Philippe, il s'apprêtait à donner aux matelots les quatre pièces d'or 186 pour prix du passage et les matelots lui dirent : « N'en fais rien. Ce que nous avons vu nous suffit, et nous croyons que si un jour nous sommes en péril en mer, nous serons sauvés par le sceau qui nous est apparu. Bienheureuse aussi sera la ville dont tes pieds fouleront le sol et bienheureux ceux qui entendront une parole de tes lèvres. Nous aussi, en vérité,

182. Sur le silence accompagnant les apparitions, cf Ex r4,r4; Za

2,

r7;

Ps 76 (75), 9; Ap 8, r. 183. Ex 14, 27. 184. Cf Protév Jacques r8, 2-3. 185. Il s'agit de Philippe (cf Ac Ph III, 12 note r76). 186. «Quatre pièces d'or» : cf. Ac Ph III, 3 note 13 r. On ignore où est passée la cinquième !

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sommes bienheureux de ce que tu sois monté sur notre pauvre navire, car c'est grâce à toi que nous avons été délivrés de la violence des flots, et nous croirons que nos âmes ont été illuminées par le sceau qui nous est apparu. » Prenant les devants, ils coururent à la ville annoncer la venue de Philippe et raconter tout ce qu'ils avaient vu. Puis ils furent nombreux à croire et à glorifier Dieu. Discours de l'apôtre aux portes de la ville 16 Sur ces entrefaites, Philippe monta à la ville et s'arrêta devant la porte 187 . Il était revêtu d'un manteau et d'une pèlerine de lin fin 188 . Fixant le regard sur l'assistance, il dit 189 : « Ô mes compagnons, il nous faut chercher notre demeure 190 . Car mes paroles, vous devez les recevoir comme des dons du Très-Haut. Mais il ne faut pas que les fréquentations étrangères avec celui qui est étranger 191 vous soient objet de scandale. 187. Au terme de son parcours initiatique, Philippe peut commencer son ministère, d'abord hors les murs vu l'importance particulière qu'il accorde à son lieu d'hébergement (cf. Ac Ph III, 16 note 190). Dans les villes orientales, !'espace de la porte jouait d'ailleurs un rôle comparable à celui de l'agora des cités grecques (cf. Gn 34, 20 ;Jr 17, 19; Pr 8, 3; 24, 7). 188. La mention du lin, fibre végétale, n'est pas anodine, car on sait que les plus rigoristes des encratites, les apotactites, refusaient même de porter de la laine, d'origine animale (cf. Amphiloque d'lconium, Contre les hérétiques 12; Ac Ph II, r note 56; IV, 3 note 205; Introduction, p. Sr). 189. À la suite des révélations du Christ qui la fonde, cette instruction de Philippe témoigne de nettes préoccupations encratites (cf. Ac Ph XV, 2-3), dont certaines se retrouveront dans le monachisme. 190. Cf. 2 Co 5, r-3; Ep 2, 22 ;Jude 6; Ap 18, 2; Doctr Addaï 90-9r. La demeure est à la fois céleste pour l'âme et terrestre pour le corps, c'est pourquoi Philippe recherche avec tant de soin un logement pur, où règne une chair assagie ayant abandonné tout commerce sexuel, et demande systématiquement à Jésus de lui indiquer son lieu de séjour (cf. Ac Ph IV, 2; V, 7.8 note 233. 13.19; r3, 4). 191. À l'image dcjésns (Ac Ph III, 13 note 178) sur lequel ont pris exemple les apôtres (Ac Ph IV, 2-4 notes 201 et 214; XIV, 5), Philippe

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C'est pourquoi je vous exhorte à fixer le regard sur la pierre intacte 192 qui n'a été ni posée, ni même extraite, elle qui est précieuse, choisie, angulaire, admirable, habitée par Dieu. Reconnaissez-la dans votre cœur et dans votre âme. 17 «Écoutez la différence qu'il y a entre l'âme et la chair 193 . La purification de l'âme, c'est le Saint-Esprit de l'immortalité, qui vise ses propres demeures, celles que Jésus lui a données. La continence de la chair est repos de l'âme 194 à la recherche de son appellation sublime. L'humiliation de la chair est gratification de l'âme. L'assagissement de la chair est sagesse de l'âme. La pitié de la chair est édification sereine de l'âme. La chair qui ne s'humilie pas est blessure de l'âme. [3 5] Si vous accueillez 105 celui qui est à même de sauver le faible, vous serez sauvés. Si vous accueillez celui qui est riche dans les cieux, exhorte son auditoire à s'aliéner le monde, car le salut de l'âme humaine dépend de sa faculté à renoncer aux biens terrestres par fidélité à son origine divine (cf. Ac Ph IV, 3; Introduction, p. 50). 192. Sur le Christ comme pierre précieuse, cf. Es 28, 16; Ps II 8 (117), 22; Mt 13, 46; 21, 42; Ac 4, 11; R1119, 33; 1P2, 4.6; Ep 2, 20;

Ac PhM

10 [Appendice II]. 193. Quoiqu'il recoure à une terminologie paulinienne, ce développement annonçant le discours de Philippe à son âme (cf. Ac Ph IV, 3), exploite dans une perspective morale ascétique l'ancienne anthropologie grecque (orphique, pms platonicienne). Distincts et opposés, l'âme et le corps sont pourtant imbriqués et dépendants l'un de l'autre au cours de cette existence terrestre, c'est pourquoi le salut de celle-là, conçu comme une réminiscence de son origine céleste, passe par la maîtrise de celui-ci (cf. Ac Ph XIII, s note 460; voir Introduction, p. 50-5 r). 194. Cf. Mt J r, 29. Ce repos n'est pas sans rappeler l'impassibilité chère aux stoïciens. C'est une métaphore du salut préfigurant le séjour paradisiaque réservé aux bienheureux. 195. Le Vaticamts J;raecus 824 a conservé cette sentence et la suivante (cf. Le 12, 21; Ac Ph VIII, 4). Avec la dernière phrase d'Ac Ph III, r8 qui leur est accolée, elles constituent un petit discours de Philippe adressé aux matelots (cf. Ac Ph III, r r note 167). C'est une nouvelle preuve que le texte court est un remaniement du texte long et non l'inverse.

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il vous enrichira. r 8 Je prends l'exemple de l'aigle 196 . Lorsqu'il a donné naissance à ses petits, il les emporte vers les hauteurs et les petits disent à leur père dans leur langage : "Ô notre père, où nous emmènes-tu?" Et lui répond: "Ô mes enfants, votre essence est dans les hauteurs et vous n'avez rien en commun avec ce qui est en bas. Ne craignez pas de vous élancer vers les hauteurs, car il y a quelqu'un qui vous porte. Ne regardez pas en bas, car il y a un ennemi qui vous tend ses embûches." Ce que je dis ne concerne pas la seule nature des aigles, mais celle aussi de tous les autres oiseaux. Que ce modèle vous suffise, à vous qui savez entendre leurs leçons et qui vous glorifiez de votre propre essence, pour écouter la Parole et lever les yeux vers !'essence d'en haut, vous laissant instruire dans la sagesse, afin que vous soyez dignes de la nouvelle naissance. Abandonnez ce que ce monde a de répugnant et, remettant le souci de l'existence au bienfaiteur qui est dans les cieux, vous jouirez de délices éternelles. »

Sommaire .final 19 De nombreux malades et infirmes, ayant recouvré la santé en cette heure, se mirent à glorifier Jésus, le Dieu prêché par Philippe, et [36] ils s'exaltaient dans la foi, recevant le baptême dans la grâce du Christ, à qui soit la gloire aux siècles des siècles, amen.

1%. «L'exemple de l'aigle»: cf. Niartyrc André (arménien) 13-15; Ac André Matthias 17; Grégoire de Nysse, La 11ie de Moïse ou Traité de la perfection en matière de vertu 2, 307, 4; id. Traité sur les Psaumes l, 8. Ambroise de Milan, Traité sur l'Évangile de saint Luc 8, 55-56, compare les âmes des justes à des aigles.

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Acte quatrième du saint apôtre Philippe où, dans la ville d'Azot, il guérit Charitiné, la fille de Nicoclidès 197

La prédication de Philippe divise la population I [37] Comme les miracles accomplis par l'apôtre Philippe avaient fait grand bruit à Azat, de nombreux habitants accouraient auprès de lui, et ils étaient sur l'heure soulagés de leurs maux. De nombreux démons, chassés des hommes qu'ils possédaient, hurlaient comme sous le fouet et disaient : « Te voilà encore, Philippe, pour nous expulser aussi de ce lieu? Eh bien, nous admettons notre défaite par le nom de Jésus 198 . »La foule, attentive au spectacle, disait: «En vérité, c'est un homme de Dieu. » D'autres disaient: «Ne serait-il pas plutôt un magicien? )> Certains, parmi les notables et les sages, tournaient en ridicule ses propos, non sans être stupéfaits par ses guérisons. Quant aux femmes de certains notables 199 , elles disaient: «En vérité, un esprit saint l'habite.» Elles ajoutaient: «Béni soit son Dieu.» Et l'on recueillait ses paroles comme du miel. Mais d'autres femmes l'injuriaient, disant qu'il séparait les conjoints en enseignant, pour reprendre ses termes, que la pureté voit Dieu et que la procréation est une misère.

197. L'Acte XIV relate également une guérison d'un malade des yeux. 198. Autres paroles de démons en Ac Ph II, 22 et XI, 2. 199. Le succès missionnaire auprès des femmes des classes aisées et les dissensions conjugales qui en résultent (cf. Ar Ph V, 5.8-9; VI, 3; Ar Ph2\1 r7-18.22) sont un lieu commun des Actes apocryphes d'apôtres. L'historicité d'une telle information est délicate à apprécier (cf. Ac l 3, 50; 17, 4.12), mais sa récurrence constante et l'attrait que l'ascétisme a toujours exercé au sein des classes privilégiées lui confèrent au moins une Yraisemblance (cf. Ac Ph VI, 8 note 269).

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Prière de Philippe et apparition de Jésus Alors, se retournant, Philippe se dit en lui-même 200 : « Ô Seigneur Jésus, la douce voix du Père, tu t'es manifesté au monde comme un étranger 201 et tu as fait de nous des étrangers, afin que nous devenions dignes de ton assurance. Où poserai-je la tête 202 , comme tu l'as dit toi-même? Et de qui recevrai-je l'hospitalité dans cette ville?» [3 8] Tandis qu'il faisait ces réflexions, voici qu'un bel enfant 203 apparut à Philippe sur sa droite, lui indiquant un lieu de séjour dans les dépôts où descendaient de nombreux étrangers. C'est donc là qu'entra Philippe, en tant qu' étranger. Ces dépôts appartenaient à un mémorialiste, personnage important, du nom de Nicoclidès, ami du roi. Il avait une fille chérie du nom de Charitiné. Quant à son palais, il était au milieu des dépôts. 2

Discours de Philippe à son âme 3 [3 9] Philippe pria en son secret puis, la nuit, se redressa sur son lit et dit alors à haute voix: « Ô mon âme 204 , tu cherches à manger de la nourriture? Béni soit Dieu de ce que

200. Le Vaticanus graecus 824 escamote la prière de Philippe et l'apparition de Jésus (voir Introduction, p. 23-25), et se contente d'indiquer où loge l'apôtre (cf Ac Ph III, 16 note 190). 201. Cf Ac Ph III, 13 note 178. 16 note 191; IV, 3-4 note 214; XIV, 5; XV, r. Ici, l'auteur se plaît à jouer sur la polysémie du terme, Philippe étant un étranger sur le plan politique et spirituel. 202. Cf Mt 8, 20; Le 9, 58. 203. Cf Ac Ph VI, 12; XIV, 4. 204. À cette étonnante exhortation au jeûne que Philippe adresse à son âme à haute voix, le Vatica11us graecus 824 substitue une prière banale, émise à voix basse, ce qui rend la réaction de Charitiné pen compréhensible. Comme en Ac Ph V, 26 et VI, 5.22, Philippe se soumet au jeûne avant d'engager son combat missionnaire. Sur le jeûne, cf Ac Ph XI, r; Ac PhM 36. Sur l'arrière-plan philosophique de ce discours, cf Ac Ph III, 17 note 193·

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tu n'as point de pain à manger ni même d'eau à boire 205 , avant que ne s'écoule la semaine entière et que je sonde le cœur 206 des habitants de cette ville. Ô mon âme, comment t'es venue cette préoccupation, toi qui possèdes avant tout la nourriture spirituelle du Seigneur? Mon engagement est de mener cette tâche à son terme. Je n'ai pas à espérer une nourriture corporelle offerte par le monde. Ceux, en effet, qui travaillent en Jésus ont une nourriture immortelle, car la nourriture de la Parole leur suffit - mais il n'est pas possible de se contenter d'elle seule jusqu'au bout à cause des infirmités de la chair 207 - pour éviter que l'homme de Dieu ne soit séparé de la gloire du Christ, laquelle demeure en son essence insaisissable et réside dans l'incorruptibilité sans jamais s'égarer; mais, nous sommes glorifiés par la voix, afin que nous nous reconnaissions comme n'étant point étrangers, mais concitoyens des hauteurs et parents de la lumière. Ne te trouble donc point, ô mon âme. Souviens-toi de ton ascendance et sache que ta nourriture n'est point de pain. Reçois la nourriture céleste, afin d'entraîner tes amies 208 avec toi vers la vie. Reconnais 205. Philippe exhorte son âme à préférer au pain et à l'eau la nourriture spirituelle du Seigneur, la parole de Dieu, seule capable de conduire l'âme au repos. Étant l'unique passage de l'apocryphe à critiquer la consonmiation de pain et d'eau, les deux espèces eucharistiques que s'autorisaient les encratites, on pourrait l'interpréter comme un refus de cette pratique sacramentelle propre aux apotactites. Si les encratites préféraient l'eau au vin pour la Cène, il se pourrait que l'idée même d'une communion au sang du Christ, symbolisée de surcroît par un aliment, ait paru inacceptable aux yeux d'un apotactite professant un végétalisme absolu et une communion strictement spirituelle (cf. Ac Ph III, 16 note r88; V, 26 note 257; VIII, 2; XII, 5 note 440; voir Introduction, p. 50-51, 81-82). 206. Cf Ac Ph III, 4.7 note 157. 207. Cette restriction pleine de bon sens pourrait être une glose qui a passé dans le texte. 208. C'est-~-dire lt>s autres âmes.

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qui tu es 2119 • Détache-toi de l'ivresse, afin que tes congénères deviennent sobres. Ne te rends pas étrangère. Prends la nourriture de l'Esprit, pour ne pas être isolée. Ne reste pas les yeux fixés sur ce qui t'invite à l'agrément de la vie, mais réjouis-toi plutôt en ce qui t'élève vers les hauteurs, et que tes amis soient dans l'allégresse. Souviens-toi de ton ancienne voie de liberté 2 rn, afin que tes amis ne s'égarent point. Rends-toi humble et endurante. Ne recherche pas les mets, afin d'obtenir la vigueur. Reconnais le Christ, le Fils du Dieu vivant. Porte ton enveloppe 211 avec intelligence, sachant que ton combat n'est point facile ; car tu recevras les biens impérissables dans le siècle de lumière. Allons, ne t'attriste pas de ce que l'ennemi s'est rendu maître de toi dans ce mode d'existence 212 , car déjà tu es près d'être sauvée. Sur cette place de marché, il y a des gens qui achètent et qui vendent dans la jactance de la tromperie, mais, pour nous, le marchand sans dol 213 , c'est Jésus-Christ. Ne nous agitons pas dans l'effort, et nous serons impassibles dans le repos. Voilà ce que j'ai à te dire, ô mon âme.»

Désarroi, puis guérison de Clzaritiné 4 [40] Tandis que Philippe, le serviteur du Christ, parlait ainsi, Charitiné, la fille de Nicoclidès, qui avait une grande plaie à l' œil droit, pleura toute la nuit après avoir entendu l'apôtre. Le jour venu, elle entra chez son père et lui dit: «Mon

209. Plus que la traduction française, la formulation du grec évoque l'adage delphique «connais-toi toi-même» (voir Introduction, p. 50-51). 210. Allusion à l'origine céleste de l'âme (cf. Ac Ph III, 17 note 193). 211. Il s'agit du corps, vêtement charnel de l'âme (cf. Ac Ph III, 4 note 149). 212. L'incarnation de l'âme est considérée comme une Yictoire du diable. 213. Le Christ est l'anti-type des marchands de la terre d'Ap 18, J.II.15.23.

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seigneur et très doux père, regarde-moi et observe la plaie de mon œil, l'humiliation qui m'est faite, à moi 214 . » 5 Puis s'étant approchée de l'apôtre 215 , elle lui dit: «Je t'en supplie, montre-moi ta demeure. » Philippe lui répond : « Ma demeure n'est pas sur terre, mais je vois qu'en toi la disposition à la connaissance a toutes les qualités de la jeunesse. C'est Jésus lui-même qui te fera connaître les tentes 21 dans les lieux très hauts, où est le repos éternel. » Et elle dit à Philippe : « Tant que tu me parles, je ne sens pas mes douleurs, mais quand tu te tais, j'éprouve des douleurs insupportables. [43] Je te prie donc et je supplie le médecin qui est en toi, guéris ma douleur et je serai ta servante parfaite. » Philippe lui répond : « Lève-toi et passe ta main droite sur ton visage en disant : "Au nom de Jésus-Christ, que guérisse la plaie de mon œil." »Elle fit conune il lui avait dit et aussitôt elle fut guérie en cette heure et se mit à glorifier Dieu. Conversion et baptême

6 [44] Son père crut aussi, tout comme sa fille, et ils furent jugés dignes du sceau 217 apposé dans le Seigneur. Une grande joie se répandit dans leur maison, et de nombreux serviteurs, de nombreuses servantes, des jeunes gens et de petits enfant crurent en Jésus. Quant à Charitiné, ayant adopté l'extérieur et le vêtement d'un homme 218 , elle suivit désormais Philippe dans la foi du Christ, glorifiant Dieu. À lui soit la gloire pour l'éternité. 214. Il manque manifèstement une transition entre ce paragraphe et le suivant dans le Xenophontos 32. Elle est heureusement fournie par le Vaticanus graecus 824 qui prolonge la réplique de Charitiné (cf Appendice I). 215. À la place du dialogue sur la demeure, le Vaticanus graecus 824 offre un autre texte (cf. Appendice I). 216. Cf. Le I6, 9; He 8, 2; 9, II; Ap 13, 6; 21, 3. Les tentes sont synonymes de la demeure céleste (cf Ac Ph III, I6 note 190). 217. Cf. Ac Ph II, 24 note II9. 218. Cf. Ac Ph III, r note 125; Introduction, p. 5r.

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Acte cinquième du saint apôtre Philippe dans la ville de Nicatéra

L'arrivée de Philippe provoque le tumulte I [45] Philippe, l'apôtre du Christ, ayant envisagé de monter à la ville appelée Nicatéra 219 , un grand nombre de disciples le suivirent, qui étaient dans la joie, marchant avec lui et contemplant la grâce de la révélation du Christ. Philippe, au milieu d'eux, ne cessait ni de jour ni de nuit de s'entretenir avec eux et de leur enseigner les grandes œuvres de Dieu, le salut, la douceur, !'espérance et la bonne odeur de la foi 220 . Il leur apprenait à recevoir dans la crainte de Dieu !' enseignement du Christ et les frères étaient remplis de l'Esprit en écoutant tous ses propos. 2 [46] Tandis que Philippe montait à la ville avec ceux qui l'accompagnaient, la ville tout entière fut bouleversée par la nouvelle de l'arrivée de Philippe, le disciple du Christ, et les habitants, troublés, se disaient les uns aux autres: «Qu'allonsnous faire de lui? Si nous lui faisons place, toute la ville le suivra et ce ne sera pas une petite affaire, si cet homme s'établit chez nous. » Quant à Philippe 221 , il priait à part soi, disant: « Seigneur Jésus-Christ, ne nous abandonne pas, car nous cheminons en ta présence et avons tout notre espoir en toi. »

219. « Nicatéra de !'Hellade » précise le Vatican us graews 824 (voir Introduction, p. 43-45). 220. Par rapport aux vertus théologales de 1 Co r 3, r 3, la douceur à remplacé l'amour. Le Vaticanus graecus 824 a «la douceur et !'espérance de la vie éternelle ». 221. «Quant à Philippe (... ) Qu'allons-nous faire de lni? '' (Ac Ph V, 25) : passage absent du Vatiranus graerus 824.

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Philippe rassure ses compagnons de route 3 Les frères demandaient : « Où allons-nous demeurer 222 ) » Philippe leur dit : > Et Philippe lui dit : « Le Seigneur accomplira ton désir. Seulement n'hésite pas n 1 dans la voie 228. Le thème du rejet des richesses par Philippe est particulièrement mis en éYidence dans cet Acte (cf. Ac Ph V, ro. r4-r6.20-2r.24; XV, 2 note 509). 229. Cf. Ler, 28; Ep r, 6. 230. À cet endroit, le Vaticanus graecus 824 livre en plus les deux répliques suivantes: « Iréos répond: "Comment sais-tu que je t'ai défendu?" Et Philippe lui dit: "Je sais, mon enfant, je sais ce qui a été dit par chacun."» 231. La foi en Christ est conçue comme une victoire sur le doute (cf. Ac Ph V, 19.22).

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du perfectionnement, pour lequel tu es venu à nous. » Il dit à Philippe:« Moi, je ne reviens pas en arrière 232 , du moment que j'ai l'espérance.» Philippe répond 233 : «Ne tolère aucune injustice et renonce à ta femme 234 . » [50] À ces mots, Iréos partit en courant et Philippe était dans l'étonnement. Iréos se disait en son cœur : « Qu'il me soit donné, Seigneur, de lutter, même jusqu'à la mort, pour ton apôtre!» Démarche d'Iréos auprès de son épouse

9 [5 r] Lorsqu'il entra dans sa maison, sa femme Nercella lui dit: «J'ai appris à ton propos que tu avais brisé la résolution des Juifs au sujet d'un magicien étranger, un certain Philippe. » Il répondit : « Plaise au ciel que nous soyons dignes de faire de notre maison la demeure de son Dieu.» Elle reprend: «Je ne veux pas qu'il entre dans ma maison, car il sépare les maris des femmes. Je vais rentrer chez mes parents etje ne laisserai pas ma dot dans ta maison. Je t'enlèverai aussi les serviteurs que je t'ai amenés, au nombre de quatre cents. Pendant vingt ans, j'ai vécu avec toi sans jamais te répliquer la moindre parole. Et que vas-tu faire de tes enfants, si tu introduis ce magicien ici? Assurément le tumulte va s'abattre sur ta maison.» ro [52) Iréos lui dit avec douceur: «Je crois que toi aussi tu croiras au Dieu que proclame l'étranger, car il 235 a pour nous plus de valeur que

232. Même résolution en Ac Ph VI, 5. 233. Ici encore, le Vaticanus graecus 824 offre un dialogue plus développé (cf. Appendice I) établissant un lien explicite entre la pureté et !'absence de tout commerce sexuel (cf. Ac Ph III, r6 note 190). 234. L'appel de Philippe à la continence au sein du couple va se muer en accusation de séparer les maris des femmes dans la bouche de Nercella (Ac Ph V, 9; cf. Ac Ph IV, r note 199), ce qui s'apparente au refus du mariage reproché aux encratites par les orthodoxes. 235. Le sujet est Dieu plutôt que Philippe, quoique grammaticalement les deux soient possibles.

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notre vaine richesse. » Sa femme lui répond : « Allons, mange, bois, réjouis-toi 236 ; car moi, tu ne peux pas me tromper. )) Il lui dit : « Quel droit aurais-je de manger et de boire alors que l'homme de Dieu a faim dans notre cité? Si tu le vois, tu croiras qu'il est saint. Réprime donc ta folie et ton incrédulité, afin qu'à mon tour je puisse t'annoncer une partie de la science qui est en lui. Sache donc qu'il est un homme de Dieu et qu'une grâce habite sa personne.» r r [53] Sa femme lui dit: «Son dieu est-il comme les dieux de notre cité 237 , en or et abrités dans un temple?)) Il répond: «Il n'en est rien, car son Dieu est le Dieu qui vit dans les cieux, capable de briser les insolents et d'anéantir les méchants. Quant aux dieux de notre cité, c'est une invention de l'art des impies.)) Sa femme lui dit 238 : « Que ce soit la volonté du dieu dont tu parles ou simplement ton bon plaisir, je ne m'oppose pas à toi.»

Philippe se rend chez Iréos r2 [54] < ... > :m «Allons, entre dans ma maison et reposetoi en paix. » Prenant les devants, Philippe lui rapporta tout ce qui s'était passé dans sa maison et tous les actes de rébellion de sa femme. Iréos fut stupéfait, se demandant comment il

236. Cf Le T2, 19. «Réjouis-toi>> est vraisemblablement une invite à des ébats amoureux. 237. Selon qu'on perçoit dans les paroles de Nercella un attachement aux divinités tutélaires de Nicatéra ou au contraire une critique des idoles païennes, l'épouse d'Iréos peut être tenue pour païenne ou juive. Comme elle se range à l'avis de son mari après son attaque de l'idolâtrie, la seconde hypothèse est la plus probable. 238. Le Vaticanus graews 824 place d'autres paroles sur les lèvres de Nercella: «Amène-le donc, afin que je voie moi aussi le Dieu qui est en lui. » 239. Le Vaticanus graecus 824 a conservé la transition: «Et Iréos sortit de sa maison à la rencontre de Philippe et lui dit: 'Je t'en prie, allons, entre ( ... ) ." ))

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avait pu tout savoir. Et Philippe dit: «Sache, mon enfant, que tout en étant le dernier des humbles, j'ai un combat 240 à livrer pour accomplir ce service qui m'a été confié. Si tu veux, je te rapporterai jusqu'aux paroles qui ont été échangées dans ta maison. »Mais Iréos le pria de taire les reproches qu'il pourrait formuler contre sa femme. 13 [55] Les compagnons de Philippe lui dirent:« Bienheureux, jusqu'à quand resterons-nous ici prisonniers? Puisque le Seigneur Jésus a préparé cet homme, partons avec lui en paix.» Iréos se réjouit d'avoir entendu cela des disciples de Philippe. Il se prosterna à terre, les priant chez lui. Philippe fut rempli de compassion envers lui et dit: «Relève-toi!» Car Jésus était apparu 241 à Philippe lui disant: «Relève cet homme et pars avec lui, car sa maison est digne de ma paix 242 . »Philippe releva lréos, l'embrassa et lui dit : «Allons, comme tu le veux. » Les disciples de Philippe se réjouirent et Iréos marchait devant eux. 14 [56] Les notables de la ville et tout le peuple, en voyant Iréos qui ouvrait la marche et qui emmenait avec honneur Philippe et ses compagnons, furent tous troublés, et toute la ville avec eux, et dirent: «Voyez comment le magicien suit Iréos ! Mais ne laissons pas faire. »Arrivé au porche de sa maison, Iréos cria qu'on ouvrît les portes : «Ouvrez à l'homme de Dieu! >> La portière ouvrit aussitôt, Philippe entra avec ses disciples et dit : « Que la paix 243 soit aujourd'hui sur cette maison. » Iréos se rendit en hâte à l'endroit où se tenait sa femme sous sept tuniques 244 et lui dit : « Lève-toi et vois notre joie 240. Cf Ph r, 30; Col 2, r; 1 Th 2, 2; He 12. r; Ac Ph I, r5 note 47. 241. Cette apparition est absente du Vaticanus vaccus 824 (voir Introduction, p. 23-25). 242. Cf. Ac Ph Ill, 16 note 190. 243. Cf. 1 S 25, 6; !Wt 10, r3; Le IO, 5. 244. Les deux manuscrits portent le terme « chambre à coucher>>, dont la prononciation est très proche de «tunique» en grec, mais dont le sens est insatisfaisant ici (même correction en Ac Ph V, r6).

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qui est entrée aujourd'hui dans notre maison. Dépouille ces vêtements brochés d'or et mets-en d'autres qui te parent pour l'incorruptibilité. »Elle répliqua: «Éloigne-toi de moi. Car si les gens de la maison n'ont pas vu mon visage 245 , comment me laisserai-je voir d'un homme étranger?»

Manœuurc déplacée d'Iréos r 5 [57] Et comme elle voulait sortir, Iréos ordonna à ses propres serviteurs de transporter les fauteuils d'or et de les placer devant le porche 246 , afin que Philippe s'y assît, ainsi que ses compagnons. Ce que voyant, Philippe dit aux serviteurs : « Enlevez-les, car nous ne nous y assiérons pas. » Iréos dit : « Ne me fais pas cette peine. » Et Philippe : «Moi, dit-il je ne fais de peine à personne, au contraire je contente chacun. Mais il n'est nullement besoin d'or et d'argent 247 , choses vaines, que le feu consumera. À quoi sert à l'homme de se parer d'or, quand son âme doit être exposée aux flammes? À quoi sert la fleur de la jeunesse, puisque la beauté est périssable? Quant à la richesse de ce monde, elle ne subsistera pas.» r6 [58] lréos répondit : «Vivrai-je donc, moi qui souffre en mon cœur de mes péchés d'autrefois 248 ? » Philippe lui dit : « N'aie crainte et que ton âme ne soit point partagée. Car Jésus peut effacer les péchés que tu as commis dans l'ignorance. Mais que penser du fait que ta femme, qui porte maintenant ses tissus brochés d'or et qui se dissimule sous sept tuniques, ait pu te dire : 245. Cf. Ar Pierre r7. 246. Par ce stratagème, Iré os chercherait à empêcher son épouse de s' enfüir. 247. Cf. 1 p I, 18. 248. Cf. Ar Piel'l'e 2. C'est un des rares passages des Actes de Philippe traitant du problème du pardon. Comme à !'Acte I, la réponse de Philippe rattache ce texte à une conception rigoriste du christianisme, car elle n'envisage que la rémission des péchés qui précèdent la conversion, excluant donc implicitement le rachat par la pénitence de ceux à venir.

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"Éloigne-toi de moi, car je ne me montrerai pas à la face d'un étranger?" »

Conversion de Marcléna, la portière 17 La portière

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, en entendant ces mots, crut aussitôt en Christ, voyant que Philippe connaissait les propos tenus par sa maîtresse. Puis la servante se dit en elle-même : « Si seulement j'avais su ce qu'est réellement la repentance, en vérité, je serais croyante.» Philippe ayant pénétré ses pensées lui dit: «je te le dis, ô femme, tu seras sauvée. »Elle se réjouit de ce qu'il lui avait adressé la parole; son nom était Marcléna.

Conversion de Nercella 8 Entre temps, Iréos était rentré chez sa femme et lui avait dit: «Jusqu'à quand vas-tu être à ce point oublieuse de toi? Viens regarder un véritable homme de Dieu, qui m'a rapporté les paroles que nous avons échangées et tout ce qui s'est passé en secret. » Sa femme lui répondit : «La belle affaire qu'il t'ait rapporté mes paroles! Va-t-en, cesse de me berner! En ce qui te concerne, fais ce que tu veux. » 19 Philippe comprit 250 gu'Iréos était tourmenté par sa femme, et se mit à dire à Jésus : «Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, premier-né de toute la création, je t'en prie, montremoi ce que je dois faire puisque c'est toi qui m'as signalé que cette maison était digne de ton service. Révèle-moi donc maintenant au sujet de Nercella, l'épouse d'Iréos, si elle est digne de ta grâce.» À ces mots de Philippe, le Sauveur lui

249. Cf Ac Pierre 9. Cette historiette est absente du Vaticanus graecus 824. 250. «Philippe comprit( ... ) que répond la femme?» (Ac Ph V, 19-20) : cette explication de la conversion de Nercella consécutive à une intervention de Jésus est absente du Vaticanus graecus 824 (voir Introduction, p. 23-25, ce qui rend par conséquent très artificiel le changement d'attitude de l'épouse d'Iréos dans le texte court, en Ac Ph V. 2r.

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apparut et dit: «Ne crains point et n'hésite pas à accomplir mon enseignement. La parole que je t'ai dite signifie que les deux seront sauvés.» En entendant cela, Philippe s'étonna de l'endurcissement de Nercella, mais plus grande encore füt sa joie de ce qu'Iréos allait être délivré de son désarroi. 20 Il advint après ces paroles que toute l'incrédulité de la femme d'Iréos retomba. Elle dit à son mari : «Bienheureux celui dont l'âme n'est point partagée.» Et Iréos à sa femme: «Que t'est-il arrivé? Ou quelle vision as-tu eue? D'où te vient cette parole? Si vraiment tu es sortie de ton égarement, le Dieu de cet homme est capable de faire disparaître toutes tes souffrances. Lève-toi donc et va vers lui. N'aie point d'égard à la richesse qui est périssable, pas plus qu'à ta beauté.» Et que répond la femme? «Qu'allons-nous faire de nos fils, de nos filles, de nos serviteurs et de nos biens, si l'étranger dit tout bonnement: "Si vous n'abandonnez pas votre richesse, vous ne pouvez être sauvés?" Qu'allons-nous faire, nous qui avons fiancé nos deux fils selon notre rang? Si nous devenons les disciples de l'étranger, que va-t-il arriver? »

Conversion de sa fille Artémilla [59] Comme elle disait ces mots, sa fille Artémilla, qui les avait entendus, dit: « Ô ma mère, pourquoi dis-tu ces choses? Car s'il y a une vie dans laquelle toi et mon père allez entrer, il est évident que moi aussi je désire y avoir part. » Or Artémilla était très belle. Sa mère lui dit avec douceur : « Lèvetoi, ma fille, et dépouille le vêtement chargé d'or que tu portes. » Elle répondit : «La volonté de l'étranger, l'homme de Dieu, s'accomplira en toutes choses.)) Iréos reprit et dit à sa femme : « Sortons à sa rencontre. Quand tu le Yerras, toute notre maison croira en lui. » [60] Elle se leva aussitôt, dépouilla ses vêtements brochés d'or et revêtit d'humbles habits, elle et sa fille. Puis ils sortirent de la chambre. 21

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Tranjiguration de Philippe 22 Quant à Iréos, il marchait en tête plein de joie; leur mise était décente et aucune partie de leur corps n'était découverte, si ce n'est leurs yeux. Iréos dit: «Allons, n'hésitez pas.>> Lorsqu'ils arrivèrent auprès de Philippe et qu'ils le virent comme une grande lumière 251 , ses disciples faisant cercle autour de lui, ils n'eurent point la force de l'approcher. Iréos lui-même fut saisi de crainte devant Philippe, de le voir ainsi transfiguré. Étant tombés la face contre terre, ils se mirent à pleurer en disant : « Sois clément envers nous! » Et toute la maison fut ébranlée 252 par la crainte qui s'était abattue sur eux. 23 [61] Lorsque Philippe comprit qu'ils n'étaient pas en mesure de soutenir le poids de la lumière, il se souvint de Jésus et reprit sa figure première. Philippe leur dit: «Relevez-vous et ne craignez point. » Ils se relevèrent et N ercella dit à Philippe: «Je suis bienheureuse si tu me fais l'honneur d'habiter dans ma maison. Malheur, oui malheur à mon incrédulité : ne tiens pas compte des pensées qui m'étaient venues au cœur et de mes paroles secrètes te concernant, car je ne savais pas qui tu étais. » Ces propos remplissaient Iréos de joie; quant à sa fille, lorsqu'elle vit sa mère en pleurs, les larmes coulèrent aussi sur ses joues. De même, les serviteurs et les servantes furent bouleversés par une telle vision.

251. Cf. Ac André (Vic d'André) r r. Comme l'apparition de la croix de lumière confirme à Philippe la promesse d'assistance de l'aigle, la transfiguration de l'apôtre, sur le modèle de celle de Jésus (Mt 17, r-9; Mc 9, 2-9; Le 9, 28-36), valide la conversion d'Iréos et des siens. Contre toute attente, cette scène est également attestée par le Vaticanus graecus 824 (voir Introduction, p. 23-25). 252. Cf Ac 4, 3 r; r6, 26.

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Exhortations de Philippe 24 [62J Philippe, après avoir dit: «Vous serez tous sauvés par Jésus», ajouta à l'intention de Nercella: «Si tu veux vivre, méprise tous les biens de l'existence, ainsi que ta beauté, » Elle lui répondit et dit : « Tout ce que tu m'ordonneras, je le ferai afin d'obtenir le salut. » Pareillement, sa fille dit : «Je t'en supplie, homme de Dieu, moi aussi je désire être sauvée.» Philippe lui dit : « À condition que tu abandonnes, toi aussi la beauté de ton corps, tu seras sauvée. » Elle répondit : « Oui, moi aussi, élis-moi, pour me mettre au nombre de ceux qui sont sauvés. Car déjà je méprise tous les biens de cette vaine existence. » 25 [63] En entendant ces mots, Philippe se mit à enseigner: « Bienheureux 253 ceux qui suivent avec droiture la parole de Jésus, car ils hériteront la terre 254 ; bienheureux ceux qui ont répudié la gloire de ce monde, car ils seront glorifiés; bienheureux ceux qui ont accueilli la parole de Dieu, car ils hériteront de l'incorruptibilité. » À ces mots de Philippe, tous furent remplis de joie et lui dirent: «Nous sommes bienheureux d'avoir été jugés dignes de tes paroles.>> 26 Iréos se réjouit de ce que Philippe était entré dans sa maison et il lui fit apporter des pains et des légumes 255 , l'invitant à les partager avec ses compagnons. Mais Philippe dit : « Pour ma part, je ne mangerai pas 256 avant d'avoir achevé le combat qui m'attend dans cette cité. » Il ordonna donc à ses disciples de prendre les pains et les légumes, puis il pria et, ayant rompu

253. «Bienheureux( ... ) cela m'adviendra » (Ac Ph V, 25-26) : à la place de ces deux paragraphes qui trahissent un rigorisme encratite, le Vaticanus graecus 824 sert un texte court et orthodoxe (cf Appendice I). 254. Mt 5, 5. 255. «Des pains et des légumes»: le trait est sans doute encratite. 256. Sur le jeûne, cf Ac Piz VI, 5.22; XI, r.9; Ac PhM 36; Ac Pierre 22.

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le pain 257 , il leur donna à manger. Ils lui disent : « Mange avec nous, toi aussi, pour avoir la force d'affronter ce qui doit t'arriver. » Philippe leur dit: «Pour moi, ce que Dieu voudra, cela m'adviendra. »

Sommaire final 27 Lorsque les disciples se furent écartés de Philippe, une

foule nombreuse accourut dans la maison d'Iréos. Ils écoutaient la parole de Philippe et croyaient, s'exaltant dans la gloire de Jésus; les malades étaient guéris, les esprits impurs ayant pris la fuite. Et tous proclamaient: «Béni soit le Dieu de Philippe, car dans la compassion qui est la sienne, il a pris pitié de nous. À lui la gloire pour les siècles, amen. »

257. Malgré cette réminiscence de l'institution de la Cène (1\ft 26, 26Mc 14, 22-25; Le 22, 15-20; 1 Co II, 23-26), l'agape végétarienne ne comporte aucune dimension sacramentelle (cf Ac Ph IV, 3 note 205). 29;

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Acte sixième de l'apôtre Philippe dans la ville de Nicatéra

Soulèvement des Juifs contre Philippe 258 r [64] Tandis que Philippe était dans la maison d'Iréos et que tous les frères étaient réunis, il y eut un soulèvement de tous les Juifs habitant dans la ville et de ceux qui y pratiquaient leur fausse religion. Ils s'en prirent à Iréos et à Philippe, du fait que Philippe habitait chez Iréos, en disant: « Ce n'est pas pour nous un mince sujet de préoccupation et de douleur que le magicien dénommé Philippe séduise beaucoup de gens.» L'agitation était à son comble, parce qu'Iréos avait cru en Christ avec toute sa maison. Et ils disaient : ? Comment l'étranger l'a-t-il ensorcelé? Si vous êtes d'accord, interrogeons-le, qu'il nous dise quel enseignement il a reçu de lui.>> L'un d'entre eux, du nom d'Onésime 260 , dit le premier à Iréos: «Je sais que je n'ai point qualité pour te parler, mais je t'en prie, fais-nous savoir par quel propos extraordinaire de l'étranger tu t'es laissé séduire. Maintenant donc livre-le-nous, afin que tu aies la vie sauve, toi 259. Cf.]b 8, 21; 29, 24. Absent du Nouveau Testament, le sourire réapparaît dans la littérature apocryphe, généralement sur les lèvres de Jésus lors de ses apparitions (cf. Ac jean 73; ro7; Ac Pierre 16; Ac Paul [papyrus de Hambourg p. 3, 14; 4, 2] ; Ev enf Thomas 6, 2) ou sur celles des apôtres (cf. Ac Ph VI, 13.14; Ac Ph1'v12o [Appendice II]; Ac Pierre 6.30.fragment copte; Ac Paul 4; Ac André 55; Pseudo-Clément, Reconnaissances 2, 52). Il survient ici chez un simple croyant comme un signe de confiance en Dieu qui souligne ironiquement la vanité des attaques de ses adversaires. 260. C'est le nom d'un compagnon de l'apôtre Paul dans le Nouveau Testament (cf. Col 4, 9; Phm 10).

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et ta maison, car toute la ville est en révolte contre toi. Reprends-toi et reste au service de la cité, puissant comme tu l'es. Pourquoi es-tu comme hors de toi? Qui d'autre a pu ainsi te séduire, si ce n'est ce magicien? Nous ne sommes pas prêts à nous laisser égarer par toi, car tout son enseignement consiste à séparer les couples 261 et à prêcher la pureté; de plus il présente comme une certitude ce qu'il appelle la résurrection des morts. Ne nous réponds pas par le silence, mais dis-nous ne serait-ce qu'une seule parole, car c'est à cause de toi que nous nous sommes réunis, les magistrats et toute la cité.» 4 [67] Iréos répondit: «Pourquoi subirais-je aujourd'hui un interrogatoire de votre part au sujet de cet homme juste? Renoncez à le poursuivre et cessez votre tumulte, de peur que l'homme de Dieu, irrité, invoque son propre Dieu et ne vous consume tous par le feu 262 . » 5 [68] Les magistrats et la foule s'écrièrent: «Tu ne nous convaincs pas de tolérer la présence de l'étranger dans la cité. Car nous ne pouvons supporter sa doctrine, puisque nous avons nos propres dieux. » Les Juifs crièrent encore plus forts : « Ôtez de notre cité cette doctrine inique et étrangère ! »

Conciliabule d'Iréos et de Philippe Iréos, voyant qu'il ne pouvait retourner la foule, se retira dans sa maison avec ses serviteurs. Philippe le regarda et lui dit : « Ne me dis pas que tu as eu peur? » Iré os répondit : «Je ne reviendrai pas en arrière 263 , même si je devais en mourir. Mais apprends-le, bienheureux, toute la ville s'est soulevée contre nous. Si donc tu crois détenir un moyen de livrer combat contre elle, dis-le; sinon, j'écrirai au gouverneur. Car il 261. Cf. Ac Ph IV, r note 199. 262. Cf. 2 R I, ro-12; Le 9, 54; Ac PhM 2I. 22 [Appendice II]. 263. Cf. Ac Ph V, 8. Mais ici, c'est Philippe qui rappelle à Iréos son espérance.

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est en mesure de te tirer d'affaire. Mais la foule est déchaînée et on peut craindre qu'ils ne te tuent. » L'apôtre répondit: «N'ayez crainte. C'est Jésus, en qui j'ai placé mon espérance, qui est en mesure de combattre pour moi et de me tirer d'affaire. » Et il ne voulut point prendre de nourriture 264 , «avant, disait-il, que je ne livre mon combat et ne remporte la victoire à la gloire de mon Christ; alors je romprai le jeûne, rempli d'allégresse au nom de Jésus.»

La foule s'empare de Philippe 6 [69] Tandis que Philippe était dans la maison d'Iréos, toute la cité et ses magistrats y accoururent en criant : « Livre-nous l'imposteur, livre-nous le magicien, faites sortir le magicien 265 ! » [70] Lorsque Philippe comprit qu'ils allaient forcer la maison à cause de lui, il ouvrit le portail et sortit avec ceux qui l'accompagnaient; Iréos sortit en même temps que lui. Et toute la foule s'écria : « Le voilà, c'est lui le magicien! » Iréos avait ordonné à trois cents de ses serviteurs d'escorter Philippe. La foule s'empara de lui et l'entraîna à la salle du conseil afin qu'il reçût le fouet. Les disciples de Philippe pleuraient. L'apôtre les fit taire et les réprimanda en disant : « C'est dans la foi et la patience que nous vaincrons l'adversaire.» Et la foule hurla : « Attachez ferme les mains et les pieds du séducteur, puis fouettez-le! » 7 [7 r J Voyant leur fureur, Iréos s'élança sur les gradins de la salle du conseil et cria d'une voix forte: «Vous ne frapperez pas cet homme sans motif; sinon César 266 lui-même en est informé.» 264. Cf. Ac Ph V, 26 note 256. 265. Le Vaticanus graecus 824 prolonge la phrase: « ( ... ) sinon toi et ta maison, tes enfants, tes esclaves ainsi que le magicien avec ses disciples, vous serez consumés par le feu. Toute la ville n'est que clameur.» Sur le châtiment du feu, cf. Ac PhM 2 r. 266. Cf. Ac 25, r r-12; Ac André 59; Ac Paul 27.36; Introduction, p. 4445.

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En voyant Iréos dans cette position, la foule redoubla de fureur : « N'écoutons pas Iréos, disait-elle, et osons faire ce que nous voulons! )) Ils s'approchèrent de Philippe pour le fouetter, mais Iréos descendant les marches leur arracha Philippe en le tenant par la main, et dit : « Qui de vous est assez fort pour affronter le juste? )> Quant à Philippe, il répondit avec douceur : « Quel mal ai-je fait et quel crime ai-je commis envers votre cité pour que vous vouliez me donner le fouet? )) Et Iréos ajouta : «Voici, vous dites tous que cet homme est un magicien. Prouvez-le! » Ils répondirent en criant : « C'est une doctrine nouvelle et étrange qu'il a introduite dans notre cité : "Restez purs, dit-il, et vous vivrez et serez des luminaires 26 ï dans le ciel." De plus, il parle d'un dieu crucifié, fils d'un dieu vivant. )) 8 [72] En entendant ces mots, Philippe dit: «Je sais que, si je le veux, vous ne pouvez me fouetter. Car je l'invoquerai avec douceur et il vous frappera de cécité 268 . Je ne me vanterai ni de ma naissance ni de mes richesses. » Ils avaient appris en effet que Philippe était noble 269 et qu'il avait abandonné de grandes richesses pour suivre Jésus. Et ils eurent peur de lui, lorsqu'il dit qu'il allait les frapper d'aveuglement. Dispute entre le Juif Aristarque et Philippe

9 Il y eut un murmure parmi les Juifs au sujet des paroles de Philippe, et ils voulaient un débat contradictoire 270 avec lui. 267. Cf. Ph 2, 15; Ac Ph II, 16, note 105. 268. Cf. Ac Ph Il, 12 note 93. 269. L'intérêt de cette indication apocryphe porte sans doute moins sur Philippe lui-même que sur le milieu social porteur ou destinataire de ses Actes. Cette information est d'autant plus surprenante que les encratites étaient raillés par leurs adversaires en raison de leur origine modeste et rnrale (cf. Amphiloque d'Iconium, Contre les hérétiques l ; Ac Ph Ill, 3 ; IV, l note 199). 270. Cette longue scène (Ac Ph VI, 9-20) paraît inspirée des Ac Piene 2328 (cf. Ac Ph V, 22 note 2 5 l) et semble avoir servi ensuite de modèle à l'auteur de !'Acte II (voir Introduction, p. 47-48).

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L'un d'eux, du nom d'Aristarque, fils unique 271 , grand personnage parmi les Juifs, dit à Philippe devant tout le monde : «Discutons ensemble de Jésus le crucifié. Tu affirmes qu'il est Dieu et qu'en son nom tu accomplis les merveilles que nous avons vues. Ne te hâte pas de nous aveugler, car je sais que tu en es capable. Accueille plutôt mes arguments et renonce à nous abuser par tes sortilèges. Moi aussi, j'ai de l'importance parmi les JuifS et si je laisse faire, ils te lapideront, toi et les tiens. >>

Manœuvres d'intimidation ro [73] Et il saisit la barbe 272 de Philippe pour le traîner. Mais Philippe ne ressentit aucune douleur 273 , et pourtant, en raison de l'assistance, il lui dit avec une douce colère 274 : «Voici, je te le dis: cette main sera desséchée, tes oreilles frappées d'une douloureuse surdité et ton œil droit de cécité, puisque tu as menacé de me lapider et que tu m'as offensé à la barbe.>> r r [74] On put voir soudain le miracle s'accomplir. Philippe dit : «Je t'en supplie, ô Christ, ne tarde point 275 . >> Et aussitôt son œil se creusa comme s'il n'existait plus, ses oreilles lui faisaient affreusement mal et sa main droite pendait toute desséchée. Il criait: «Aie pitié de moi, Philippe, car j'ai bien dit que tu étais capable de faire ce que tu voulais. » Il implorait les Juif>: le Vaticanus graecus 824 porte: «fils de Plégénès ». 272. Cf Ac Ph II, 12; Ac jean 90. 273. L'impassibilité de Philippe souligne la futilité du geste d'Aristarque (cf Ac PhM 20). 274. Par cette expression est atténué le caractère choquant de l'attitude de Philippe, non conforme à ses paroles. Cette réserve disparaît dans le cycle des Actes VIII et suivants (cf Ac Ph VIII, 3; XI, 6). 275. Cette invocation du Christ est absente du Vaticanus .~raecus 824.

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étranger. Guéris le premier de notre nation, car en vérité nous sommes des hommes et ne pouvons lutter contre Dieu 276 . » r 2 [ 76] Alors Philippe adressa à Iré os cette invitation : « Approche, impose-lui la main droite sur la tête, trace le signe de la croix du Christ 277 , et il sera guéri.» Iréos, s'approchant de lui, dit : « Au nom du crucifié, recouvre la santé ! » Et aussitôt Aristarque, frappé de stupeur, se mit à regarder 278 la foule de tous côtés. Il resta longtemps à regarder de tous côtés, puis Philippe lui dit : « Que scrutes-tu ainsi de toutes parts? » Il répondit : «]'ai vu un enfant 279 descendre du ciel et venir jusqu'à toi, pour t'ordonner de me guérir. Et maintenant, je regarde autour de moi pour voir où il est. Le voici qui m'apparaît à nouveau, remontant au ciel! » Philippe dit : « Le bel enfant que tu as vu, c'est lui Jésus, celui qui jamais ne nous abandonne. Toi donc aussi, crois en lui, afin que tu vives à jamais.» Alors Aristarque dit à Philippe: «Je sais bien que dans la colère tu l'emportes, mais je t'adjure par le crucifié : cesse de t'irriter contre moi et de me faire souffrir. Et comme je te l'ai dit, fais-moi la faveur d'accepter le débat, car je désire conduire avec toi une discussion serrée au sujet du Christ. » Et la foule dit: «Nous te le demandons, Philippe : ne te fâche pas si tu

276. Cf. Ac Ph II, 12 note 94. 277. Cf. Ac Ph II, 24 note l 19; III, 12; VIII, 7; IX, 4; Ac PhM 2.22.28.3 8; Ac Jean l l 5 ; Ac André l 3 ; Ac Paul 22; Ac Thomas 54. 278. « ... se mit à regarder( ... ) comme je te J'ai dit»: la vision du Christ, qui va infléchir dans un sens chrétien l'argumentation juive ù'Aristaryue contre son gré et rendre inéluctable sa défaite, est absente du Vaticanus graecus 824 (voir Introduction, p. 23-25). Celui-ci offre à la place: « ( ... ) courut se jeter aux pieds de Philippe et dit: "Je sais, Philippe, que tu peux réaliser tout ce que tu veux; je venais d'ailleurs bien de te le dire. Cependant, vu mon incrédulité et celle de la foule ici présente, fais-moi la faveur (... )." » 279. Cf Ac Ph IV, 2; XIV, 4.

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es réfuté et ne faiblis pas pour autant dans ton enseignement. Quand nous aurons entendu vos arguments respectifs, nous serons les juges de la vérité 280 , et si c'est toi qui as le dessus, nous croirons tous au Christ que tu proclames. »

Controverse scripturaire 13 [77] Philippe sourit 281 et dit à Aristarque: «Si tu veux bien, parle le premier. » Aristarque, tournant les yeux vers les Juifs qui étaient avec lui, dit : « Tenez-vous à mes côtés et résistons ensemble à cet étranger, de peur qu' établi dans notre ville, il n'attire à soi tous les habitants. » Ils répondirent: «Nous ne sommes pas 282 dans la même position que toi qui as prétendu ne pas être frappé à nouveau. Mais si, en ta qualité de premier de la synagogue, tu as quelque pouvoir, parle! Aurais-tu oublié de quelles terribles douleurs il t'a frappé?» Aristarque dit alors à Philippe: «Admets-tu l'autorité des prophéties?» Philippe répond: « C'est à cause de votre incrédulité qu'il est besoin de prophètes. » Le Juif reprend: « Ignores-tu, Philippe, qu'il est écrit : "Qui racontera tes hauts faits, ô Dieu 283 ?" "Et personne ne peut jamais connaître ta gloire 284 " ; et "ta gloire a

280. Cf. Ac Ph II, II; VI, I5; Ac Pierre 23. Il convient de releYer que tous les acteurs paraissent accepter le verdict populaire. 281. Cf. Ac Ph VI, 2 note 259. 282. La phrase est embarrassée en grec, mais le sens paraît clair. 283. Cf. Es 53, 8; Si I8, 4-5? Les effets de la vision d'Aristarque ne se font pas attendre, car cette citation, comme toutes les autres que celuici avancera, est tronquée, à moins qu'il ne s'agisse d'un procédé littéraire pour montrer, dans un but polémique, que le Juif connaît mal sa propre Écriture. La maladresse de cette première attaque ressort également du fait qu' Aristarque argumenterait justement avec la citation qui avait pennis à Philippe, dans le récit des Actes canoniques, d'amener l'eunuque éthiopien à la foi (cf. Ac 8, 33). 284. Cette seconde citation ne se rencontre pas dans la Septante, la traduction grecque de l'Ancien Testament (cf. Es 40, I3; Rm II, 34 ?).

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rempli la terre 285 " ; "le Seigneur est le juge des vivants et des morts 286 "; et "Dieu est un feu dévorant qui embrasera ses ennemis 287 " ; et "un seul Dieu a créé toutes choses 288 " ; comment peux-tu dire alors, toi Philippe, que Marie a enfanté Jésus 289 sans être corrompue, et qu'il est Dieu? Et qu'il a été crucifié? Et comment peux-tu lutter pour lui? Mais sans doute me répliqueras-tu que celui-ci est puissance de Dieu 290 et sagesse de Dieu et qu'il était avec Dieu 291 lorsqu'il créait le monde. Je ne nie pas ce qu'a dit le premier livre: "Créons l'homme à notre image et ressemblance 292 ." Si je passe ces choses sous silence, tu me réfuteras. >> 14 [78] Philippe sourit 293 et dit avec allégresse à l'intention de toute la foule : «Écoutez-moi et soyez juges de la vérité 294 . Le prophète Ésaïe dit en effet au sujet du Christ: "Voici mon enfant, que j'ai préféré, en qui j'ai mis mon affection. Je mettrai mon Esprit sur lui 295 ." Et au sujet de la croix, il a dit : "Comme une brebis, il s'est laissé traîner à l'abattoir et comme un agneau sans voix devant celui qui l'a tondu. Mais sa race,

285. Cf Nb 14, 21; Es 6, 3; Ps 57 (56), 6; 72 (71), 19; 108 (I07), 5; Dn 5, 35 (Théodotion). 286. Ac IO, 42; cf Es 30, 18; Ez 34, 17; Si 35, 12; Rm 14, 9; 2 Tm 4, l; 1 P 4, 5; Ac Pierre I7.28. Il est révélateur qu'Aristarque cite non pas l'Ancien, mais textuellement le Nouveau Testament! 287. «Dieu est un feu dévorant»: Dt 4, 24; Ps 97 (96), 3; cf. Dt 9, 3; Ap II, 5. 288. Cf Ex 20, II; 2 R I9, 15; Es 37, I6; Ps 146 (I45), 6; Ne 9, 6 (Septante 2 Esd I9, 6); Si II, 5; Ac 4, 24; I4, I5; I7, 24; Ap IO, 6; I4, 7; Ac Ph Il, 24 note u8. 289. Cf Le 2, 7; Mt I, I6.2r.25; 2, I. 290. 1 Cor, 18.2r. 291. Cf. Pr 8, 27. 292. Gn r, 26; cf Col 3, IO. 293. Cf Ac Ph VI, 2 note 259. 294. Cf Ac Ph VI, 12 note 280. 295. Mt I2, 18; cf. Es 42, r.

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qui la racontera 296 ?"Et ailleurs: "Mon dos, je l'ai livré aux fouets, mes joues aux soufflets et mon visage, je ne l'ai point détourné de l'opprobre des crachats 297 ." Et encore: "J'ai ouvert mes bras à un peuple désobéissant et contradicteur 298 , je me suis montré à ceux qui ne me recherchaient pas et j'ai été trouvé par ceux qui ne me demandaient point 299 ." Quant à David, il dit à son sujet: "Tu es mon fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui; demande-moi et je te donnerai les nations, ton héritage 300 ." Au sujet de sa résurrection et de Judas, il dit : "Seigneur, pourquoi se sont multipliés ceux qui m'accablent? Nombreux sont ceux qui se dressaient contre moi, nombreux ceux qui disent à mon âme: Il n'y a pas de salut pour lui en son Dieu 301 ." À quoi il a ajouté la suite du Psaume. Tu vois que toutes les prophéties sont criantes à son sujet. David dit encore: "Je voyais constamment le Seigneur devant moi, et caetera 302 ." Or David mourut 3113 et nous connaissons sa tombe. Et toutes ces choses ont été dites au sujet du Christ et de sa résurrection d'entre les morts. Prends encore le recueil des douze prophètes : "Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui approche, monté sur un jeune poulain 304 ." Et un autre: "D'Égypte, j'ai rappelé mon fils 305 ." Le chœur 296. Es 53, 7-8; Ac 8, 32-33. 297. Es 50, 6. Avec celle du Ps 3, 2-3, c'est la seule citation avancée par

Philippe dont l'interprétation christologique n'est pas déjà proposée par le Nouveau Testament. 298. Es 65, 2; Rm IO, 2r. 299. Es 65, I; Rm IO, 20. 300. Ps 2, 7-8; cf. Ac 13, 33; He I, 5; 5, 5. 301. Ps3,2-3. 302. Ps r6 (r5), 8-IO; Ac 2, 25-27. Le Vaticanus graecus 824 donne toute la citation. 303. Cf. Ac 2, 29. 304. Mt 21, 5; cf. Es 62, II; Za 9, 9;Jn I2, r5. 305. J\1t 2, r 5 ; cf. Os II, r. Philippe cite sans retenue des versets de l'Ancien Testament d:ms la formulation qu'ils ont reçue dans le Nouveau.

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entier des prophètes et tous les patriarches ont proclamé la venue du Christ. »

Philippe a le dessus r 5 [79] Aristarque répliqua en ces termes : «Philippe, cet homme s'appelle Jésus et Christ. Je sais bien qu'Ésaïe a parlé d'un oint 306 . "Voici ce que le Seigneur dit à mon Seigneur oint, +je n'ai pas tenu sa droite pour l'écouter en face+ les nations mettront leur espérance."» Les Juifs se mirent à quereller Aristarque en disant : « C'est toi surtout qui as rappelé ce qui est écrit au sujet du Christ. » Et toute la foule dit : «À quoi bon controverser sur ces points avec Philippe? » Les notables de la cité disaient: «Une chose est sûre, c'est que nos dieux ont amené Philippe dans notre ville, afin que nous apprenions qu'ils sont sourds, aveugles et vains. À ce qui est réellement la vérité, c'est lui qui nous a conduits. Quel grief pouvons-nous donc trouver contre lui? Même le Juif qui a discuté avec lui a contribué à mettre en lumière la doctrine cachée dans les prophètes au sujet du Christ. C'est pourquoi, ayant éprouvé les arguments des deux parties et constaté qu'ils concordent tous à révéler infailliblement le Christ, invitons Philippe à s'établir à demeure dans notre cité pour notre salut.» [80] Quant à Iréos, son cœur était rempli d'allégresse par les propos de Philippe et Philippe ne cessait de glorifier Dieu.

L'épreuve décisive: la résurrection d'un mort 16 Tandis que les notables de la cité tranchaient entre les paroles de l'apôtre et celles des Juifs, voici qu'on apporta une

306. Le titre« Christ>> est à l'origine l'adjectif verbal du verbe« oindre» et signifie « oint ». La citation qui suit fait difficulté; on y reconnaît des éléments d'Es 45, r; Ps 110 (109), r; Es 42, 4 (cf. Es 11, ro; Mt 12, 21; Rm 15, 12).

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litière où était couché un mort 307 , fils unique de son père et de sa mère, fort riche. Ils étaient douze serviteurs à porter la litière avec le mort, qui devaient être brûlés avec le mort. Les notables de la cité et toute la foule, apprenant qu'il était véritablement mort, s'écrièrent: «Voici l'heure du combat décisif3° 8 pour le chrétien; si un dieu est en lui, assurément il ressuscitera le mort et nous-mêmes croirons en lui et brûlerons les temples des idoles que voici. » 17 (8 I] Tandis qu'ils échangeaient ces propos, les parents pleuraient. Ému de pitié, Philippe dit au père de l'enfant et à sa mère: «Que ferez-vous si je ressuscite votre fils?» Ils répondirent: «Nous ferons ce que tu veux.» Quant aux serviteurs, destinés à être ensevelis avec lui, ils faisaient signe à l'apôtre de ne pas les oublier 309 . [82] Philippe ajouta donc:« Vous me donnerez ces serviteurs.» Les parents répondirent: «Nous te les donnerons, et trois cents autres avec eux. Nous te donnerons en outre de l'argent, de l'or, des vêtements tissés d'or et de grandes richesses. Et même nous taillerons en pièces les douze dieux en or massif et les donnerons en aumône. Et de plus nous croirons que le seul Dieu vivant est celui de Philippe, qui ressuscite les morts. » Ils certifièrent 311 > ces déclarations par devant le préfet.

Impuissance d 'Aristarque r 8 Fixant son regard, Philippe vit Jésus debout à sa droite et qui lui disait : « Ne crains rien, car grâce à moi le mort va

307. Sur la résurrection d'un mort comme preuve irréfutable de la puissance de Philippe, cf. Ac Ph II, 22-23. 308. «Combat décisif»: littéralement «grand combat». 309. Ici, le Vaticanus graecus 824 offre une explication supplémentaire (cf. Appendice I). 310. «Ils certifièrent( ... ) son nom était Théophile» (Ac Ph VI, 17-18): ce passage est absent du Vaticanus graecus 824 (voir Introduction, p. 23-25).

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ressusciter. » Son nom était Théophile. Philippe ordonna à la foule de s'écarter de la litière, car les gens se pressaient. Puis Philippe dit au Juif Aristarque: «Allons, ô Juif, tu vois qu'il est étendu, mort. Si tu as quelque pouvoir, relève-le r » Contraint par toute l'assistance, Aristarque s'approcha du mort en hésitant, toucha son visage, lui cracha dessus à plusieurs reprises et le tira par le bras. Mais le mort restait inerte comme une pierre. Voyant son impuissance, la foule s'écria : «Sortez le Juif! »Et ils' écarta, couvert de honte. Iréos dit: « Citoyens et vous tous qui vous obstinez à combattre Dieu 311 , vous avez eu l'audace de blasphémer en disant que Philippe était un magicien. Si le Dieu qui l'habite n'était pas bon, vous auriez tous été mis à mort. » 19 [83] Nérée, le père du défunt, dit: «Que mon fils ressuscite seulement, et je lutterai contre les Juifs. » Philippe dit au père de l'enfant : « Si tu ne t'engages pas à ne point faire de mal aux Juifs, ton fils ne ressuscitera pas.» Le père de l'enfant répondit : «Je ferai ta volonté pourvu que tu ressuscites mon fils.)) L'étonnement avait saisi toute la foule et les notables, qui se demandaient ce que Philippe allait faire, s'il allait être capable de ressusciter le mort.

Puissance du Dieu de Philippe 20 [84] Sans plus tarder, Philippe, levant les yeux au ciel, prononça une prière, et s'approchant de la litière, imposa les mains à l'enfant et dit : « Dieu et père de notre Seigneur JésusChrist, toi qui m'as toujours exaucé 312 , ouvre les cieux et que monte jusqu'à toi ma confession secrète: fais don de la vie à ton serviteur Théophile. )) Le souffle entra dans l'enfant, qui ouvrit les yeux et les fixa sur Philippe. À ce spectacle, la foule

311. Cf. Ac Ph II, l 2 note 94. 312. Cf. Ac Ph III, 12 note 169.

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se pressa pour s'approcher de la litière, voulant voir le miracle. Philippe se disposa à prier pour la seconde fois et dit à l'enfant: «Au nom de Jésus-Christ 313 , parle, lève-toi et marche. » Aussitôt, Théophile s'écria:« Il n'y a qu'un Dieu 314 , celui de Philippe, le Christ Jésus, qui m'a donné la vie.» Et sur-lechamp, il se leva. Dès que la foule vit l'enfant debout, elle clama d'une seule voix : « Il n'y a qu'un Dieu, celui de Philippe, le Christ Jésus, qui ressuscite les morts. » Ils s'interrogeaient les uns les autres en disant : « Quel miracle plus extraordinaire attendons-nous de voir? Nous aussi, nous confessons devant cet événement qu'il n'est point d'autre Dieu vivant que celui de Philippe, qui accomplit ces merveilles par son intermédiaire. »

Allégresse générale et promesses accomplies 21 [85] Grâce à ce miracle, trois mille âmes crurent en Christ. Quant au père de l'enfant et à sa mère, ils glorifiaient Dieu avec ferveur. Et tous les serviteurs, qu'ils s'étaient engagés à affranchir, il les fit venir à l'endroit où l'enfant était ressuscité. Et Philippe, regardant les serviteurs, leur dit: «Serviteurs jusqu'à ce jour, mais libres maintenant par Christ, ne négligez pas votre propre salut!» Les serviteurs répondirent: «Nous aussi, nous exercerons la piété grâce à toi. » Alors le préfet, devant tout le monde, les couronna en signe d'affranchissement; quant au père et à la mère de l'enfant, ils e réjouirent à leur sujet, et surtout d'avoir vu leur fils parfaitement ressuscité. Puis le père 315 dit à Iréos: Il répondit : « Il est trop loin. >> Il prit seulement cinq pains en invoquant le nom de Jésus et leur ordonna de rebrousser chemin en direction de la ville avec leurs chameaux et tout ce qu'ils avaient préparé. Il ajouta: «Allez en paix 332 I >> 8 Une voix se fit entendre des cieux: «Hâte-toi, Philippe, moi Jésus je t'attends au vaisseau qui appareille pour le port d'en haut 333 , car je ne t'abandonnerai point. >> Les frères furent frappés de stupeur et leur foi redoubla; ils prièrent Philippe de les bénir encore. Philippe leur dit: «La grâce et la gloire et !'amour du Seigneur Jésus, sa miséricorde et sa bénédiction seront avec vous. Et que la sollicitude du Seigneur vous accompagne, vous aussi. » Ef tous répondirent : «Amen. >> À nouveau, on entendit une voix qui disait : « Oui, amen, amen, amen. >> Maintenant et à jamais et aux siècles des siècles, amen.

330. Voir Introduction, p. 37 et 44. 331. Cf. Ac 20, 38. 332. À la place du motif de la voix céleste (voir Introduction, p. 23-25; Ac Ph III, 3 note 130) et du mystérieux port, le Vaticanus graecus 824 transmet une fin de l' Acte VII manifestement remaniée à partir d' Ac 20, 17-38 (cf Appendice I). 333. Cf. Ac Ph III, 8; Introduction, p. 37-38.

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Acte 334 du saint apôtre Philippe [Ac Ph VIII], dans lequel est décrit le sort qui échut à chacun des saints apôtres

Les champs de mission I [94] Tandis que le Sauveur répartissait les apôtres par villes et par pays 335 , pour que chacun d'eux se mît en route vers le lieu qui lui avait été imparti par le sort, il échut à Pierre de se rendre à Rome ; Thomas fut chargé de se rendre dans tout le pays des Parthes et de l'Inde; il échut à Matthieu de se rendre dans l'arrière-pays du Pont; à Barthélemy, de se rendre en Lycaonie; Simon 336 le Cananéen se rendit en Espagne; André, en Achaïe; Jean, en Asie, et Philippe se rendit dans la terre des Hellènes 337 . Telle est en effet la disposition prise par le Sauveur.

334. Voir Introduction, p. 52-80. La traduction suit le texte du manuscrit d'Athènes, Bibliothèque nationale 346. 335. Avec cette scène inaugurale d'attribution des champs de mission et de départ de l'apôtre (cf notamment Ac Ph III, 2; Ac Thomas r-3; Ac André Martyrium prius r, r-2; Ac André Matthias r; Ac Pierre André r2) et contrairement aux Actes I et III à VII, les Actes VIII et suivants ne s'accrochent pas à un texte biblique qu'ils prétendraient explicitement prolonger. La présence de Philippe à ce partage tend à confirmer qu'il

s'agit de l'apôtre. 336. Début d'une importante lacune de plusieurs cahiers dans le Xenophontos 32 (cf Ac Ph XI, r). 337. «Hellènes»: cf. Ac Ph II, r passim; Ac Pierre 32. Ce terme ne doit pas être entendu dans son acception ethnique ou culturelle, mais pris dans le sens religieux de païen, attesté dès le nie siècle (cf Ac Ph II, titre note 53), car Philippe se rend à la ville d'Ophiorymé, identifiée à Hiérapolis d'Asie (voir Introduction, p. 69-72), et le texte ne signale aucune étape en Grèce proprement dite.

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Révolte de Philippe et intercession de Marianne 2 Lorsque Philippe entendit le nom du pays et de la ville qui lui étaient attribués, il trouva la chose rude et il se mit à maugréer et à pleurer 338 . Voyant ses pleurs, le Sauveur se tourna vers lui, ayant à ses côtés Jean et Marianne 339 , la sœur de Philippe. (C'est elle en effet qui détenait le registre des pays et c'est elle qui préparait le pain et le sel, et la fraction du pain 340 ; Marthe 341 , pour sa part, servait la multitude et peinait beaucoup.) Marianne parla au Sauveur au sujet de Philippe, qui était affligé par le choix de la ville où il était envoyé. Elle disait : « Mon Seigneur Jésus-Christ, cela déplaît à mon frère Philippe. »

Discours du Seigneur. Recommandations à Marianne 3 [9 5J Et le Sauveur lui dit : «Je sais que tu es bonne et vaillante en ton âme et bénie parmi les femmes 342 ; voilà qu'une mentalité de femme a gagné Philippe, tandis qu'habite en toi une mentalité virile 343 et vaillante. Va donc avec lui en tout lieu où il se rend et ne cesse pas de le soutenir avec amour et 338. Sur le motif biblique de la résistance de l'envoyé de Dieu face à sa mission (cf Ex 3, II; 4, r.10.I3 ;Jr I, 6 ;]on I, I-3.10; Ac Ph VIII, 8; Ac PhM 30; Ac Thomas I; Introduction, p. 37). 339. Marianne, la sœur de Philippe, n'est autre que la Marie-Madeleine des Évangiles. Elle est une figure estimée des gnostiques en tant que témoin privilégié de la résurrection de Jésus (cf l\Jt 28, r.9-10; Mc I6, 9I I ; Jn 20, I I-I 8 ; Ev Thomas 2 I. II 4; Pistis Sophia passim; Ev Marie codex de Berlin) et des encratites, au point d'éclipser même Pliilippe jusqu'en Ac Ph VIII, 7, parce qu'elle ne s'est pas livrée à la procréation (cf. Ac Ph XIV, 7). 340. Cf Ac Paul 5; Pseudo-Clément, Homélies I3, 8; 14, r. Cf aussi Ac Ph IV, 3; XI, 5. 341. Cf. Le IO, 38-42 ;Jn r r, r-44; 12, 2. Cette unique et brève mention de Marthe est peut-être une glose pour harmoniser l'apocryphe avec les textes évangéliques. 342. Le I, 42. 343. Cf Ac Ph III, I note I25; VIII, 4 note 352.

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grande compassion. Car, tel que je le vois, c'est un homme très impétueux 344 et si nous le laissons seul, il aura souvent l' occasion de rendre le mal pour le mal 345 , partout où il ira. Mais voici que Barthélemy 346 part avec lui ; il va endurer avec lui les persécutions et les outrages que lui infligeront les habitants de ce lieu. À son tour, j'envoie aussi Jean, afin qu'il vous soutienne dans les souffrances du martyre et du rachat du monde entier 347 . 4 «Quant à toi, Marianne 348 , change de costume et d'apparence : dépouille tout ce qui, dans ton extérieur, rappelle la femme, la robe d'été que tu portes. Ne laisse pas la frange de ton vêtement traîner par terre, ne le drape point, mais coupe cela; puis mets-toi en route en compagnie de ton

344. Cette indication sur le tempérament de Philippe distingue l'apôtre du héros des Actes III à VII et laisse présager les difficultés futures (cf Ac PhM 25 (Appendice Il].31). Hormis une extrapolation de Mc 3, 17, aucun indice canonique ne justifie ce trait de caractère. L'enthousiasme légendaire des Phrygiens a peut-être déteint sur celui qui allait devenir leur patron. 345. Rendre le mal pour le mal est l'impardonnable transgression du commandement d'amour (Mt 5, 38-48; Le 6, 27-35) que commettra Philippe (Ac PhM 3 r). 346. Dans les listes d'apôtres des évangiles synoptiques, Barthélemy est associé à Philippe (Mt ro, 2-4; Mc 3, 16-19; Le 6, 14-16). Ac l, 13, en revanche, groupe Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu. En Jn l, 43-51, Philippe est lié à Nathanaël, celui-ci étant parfois identifié à Barthélemy (voir Introduction, p. 15-17). 347. Sur cette mission de Jean, cf Ac Ph?vf. 21-26. Selon le Nouveau Testament, la rédemption de l'humanité est l'œuvre de Jésus-Christ seul (Rm 5; He 9,12), mais l'idée que les martyrs collaborent à ce rachat est annoncée dans des écrits du judaïsme hellénistique (1 M l, 62-64; 2 M 6, 18-7, 42) et connaîtra un essor croissant dans le christianisme dès la fin du lie siècle. 348. «Quant à toi, Marianne (... )t'enrichir toi-même» (Ac Ph VIII, 4) : après avoir offert un texte légèrement plus court en Ac Ph VIII, r à 3, le Vaticanus graecus 824 présente un remaniement plus important dans ce paragraphe, tout le développement sur Ève y étant absent (cf Appendice I).

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frère Philippe vers la ville appelée Ophéorymos 349 , qui signifie la «promenade des serpents»; les habitants de cette ville, en effet, rendent un culte à la mère des serpents, la vipère 300 . Quand vous entrerez dans la ville, il faut que les serpents 351 de cette ville te voient débarrassée de l'aspect d'Ève 352 , que rien, dans ton apparence, ne trahisse la femme. Car l'apparence d'Ève est la femme, et c'est elle qui incarne la forme féminine. Quant à Adam, il incarne la forme de l'homme et tu sais que, dès l'origine, l'inimitié a surgi entre Ève et Adam. Ce fut le début de la rébellion du serpent contre cet homme et de son amitié pour la femme; si bien qu'Adam fut abusé par sa femme Ève; et la mue du serpent, c'est-à-dire son venin, il l'a revêtue par Ève; et au moyen de cette dépouille, l'ennemi originel a trouvé à se loger en Caïn 353 , le fils d'Ève, pour

349. Cf. Ac Ph XIII, r note 451; Introduction, p. 69-72. 350. Sur le modèle de l'apôtre Jean appelé à renverser le culte d'Artémis à Éphèse (cf. Ac jean 18; 37-45), Philippe a pour mission de ruiner celui de la vipère à Ophiorymé (voir Introduction, p. 57-59 et 75-76). 351 . Ces reptiles représentent les divinités païennes en soulignant leur caractère démoniaque qui les apparente à Satan (cf. Ac Ph IX, r; XI, 5; XIV, 3; Introduction, p. 61-62 et 76). 352. Cf. Gn 3; Ac PhM 36; Ac André 37.39; Ac Thomas 32. Par cette paraphrase tendancieuse de Genèse 3 qui n'est sans doute pas exempte de retouches, l'auteur veut démontrer comment le mal se transmet de génération en génération et donc pourquoi la procréation est une misère. Il explique l'amitié d'Ève et du ~erpent en se référant à une mythologie archaïque, selon laquelle la menstruation de la femme proviendrait de la morsure d'un serpent. Pour échapper au reptile maléfique, Marianne et les adeptes féminines de l' encratisme doivent se travestir et renoncer à la procréation (voir Introduction, p. 61-62). De manière plus générale, le salut, dont il faut se vêtir, est conçu comme un dépouillement de cette souillure originelle et héréditaire, introduite en Ève par le serpent (cf. Ac PhM 3-6). Sur l'origine du serpent, symbole du mal, cf. Ac PhM 24 [Appendice II]. 353. Sur Caïn et Abel, cf. Gn 4, 1-16; Caverne des Trésors VI, 27.

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qu'il tue Abel, son frère. Toi donc, Marianne, échappe à la pauvreté d'Ève pour t'enrichir en toi-même 354 .

La providence du Père 5 «Voici, je vous envoie 355 comme des agneaux, moi qui suis le berger 356 ; je vous envoie comme des disciples, moi qui suis votre maître 357 ; je vous envoie comme des rayons, moi qui suis votre soleil 358 ; je vous envoie comme des fils, moi qui suis votre père 359 . Je suis avec vous en tout lieu où vous allez vous rendre. Levez les yeux vers la création 360 qui est dans le ciel et contemplez la réplique du soleil, je veux dire la lune et les étoiles, l'air et les vents. Voyez comment le soleil, lorsqu'il fait jaillir sa lumière, déploie ses rayons sur toute la création; à l'inverse lorsqu'il s'apprête à décliner, comment il reprend à soi et retire ses rayons avant que ne s'établisse l'obscurité de la nuit. La lune fait de même : elle envoie sa rosée bienfaisante sur les eaux et les plantes et dispense à toutes choses vie et douceur. Voyez aussi comment, après cela, la lune se transforme à la saison de l'hiver : elle se diffuse généreusement dans l'air hivernal pour multiplier les récoltes et donner leur nourriture aux hommes, aux bêtes, aux oiseaux du ciel, aux reptiles 354. Cf 1 Cor, 5; 2 Co 8, 9; Ac Ph III, r7. 355. Cf Mt IO, r6; Le IO, 3; Ac Ph XIII, 5; XIV, 5. Il est probable qu'une transition soit tombée, car ce passage à la deuxième personne du pluriel s'adresserait plus naturellement aux apôtres qu'à Marianne seule. 356. Cfjn IO,rr; Ac Ph XIII, 5; XIV, 5; Ac Thomas 25. 39. r56. 357. Cf]n r3, r3; Ac PhM 26; Ac jean 97; Ac Thomas 78. 144. 358. La métaphore christologiquc du soleil (cf l'vfl 3, 20; Ac Ph XV, 2; Ac Phlvf 9) enrichit l'idée traversant tout le texte que la victoire du Christ sur Satan est celle de la lumière sur les ténèbres. 359. Cf Ac Ph I, 3 note rr. 360. Cf Pseudo-Clément, Homélies 3, 32-37. Toute la fin du discours du Sauveur à Marianne et aux apôtres (Ac Ph VIII, 5-7) est à peu près absente du Vaticanus graecus 824. Les quelques phrases conservées dans le texte court sont destinées à Philippe et non à Marianne.

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et aux poissons qui vivent dans les eaux, par la providence de mon Père qui est aussi le vôtre.

Exhortations adressées aux frères 6 «C'est pourquoi, vous aussi, mes frères, mes bonnes plantes 361 , les bourgeons que ma mansuétude a fait fleurir, ne vous affligez pas de ce que je vous envoie dans cette disposition : car je serai avec vous 362 en tout lieu où vous allez vous rendre; quand vous marcherez sur les chemins, je serai votre guide, précédant vos pas et préparant vos étapes; sur les fleuves 363 et sur les mers, je serai votre bon pilote. Quand vous serez pris au milieu des flots, je serai là pour apaiser les flots et je dirai au vent de souffler pour vous avec modération. Quand vous entrerez dans une ville et que les habitants de cette ville se dresseront contre vous et vous frapperont dans leurs synagogues et vous flagelleront 364 , j'appliquerai des remèdes sur vos blessures, puis les retirerai : je serai pour vous un bon médecin. Quand ils vous marqueront au fer rouge, je mettrai un émollient rafraîchissant sur votre brûlure. Quand ils verseront votre sang, je déploierai ma robe lumineuse 365 et le recueillerai par une puissance invisible et l'enverrai vers les hauteurs comme une offrande à mon Père qui est dans les cieux. Et vos miracles seront célébrés sur la terre et l'on appellera vos tombeaux demeures de corps saints, car tel est le sort qui vous aura été réservé.

361. Cf. Mt 15, 13. 362. Cf. Ac Ph III, 2 note 128. 363. Cette fin de phrase se trouve dans le Vaticanus graecus 824. 364. Mt IO, 17. 365. Ce vêtement glorieux dont le Christ se sert pour récolter mystérieusement le sang du martyr et l'offrir au Père, et dont Philippe souhaite être revêtu à l'heure de sa mort pour vaincre les puissances du mal, paraît être une métaphore de l'Fsprit-Saint (cf. Ac Ph XIV, 4; Ac PhM 38).

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7 Maintenant donc, mes frères, ne craignez pas les morsures des serpents, ni leur venin; car devant vous leur gueule sera bouchée et leur menace, abolie. S'ils dressent la tête, appliquez-leur le signe de la monade 366 ; si les vipères sortent à votre rencontre, couvrez-vous de la croix et, aussitôt, elles baisseront la tête 367 . »

Anxiété de Philippe 8 Quand Philippe eut entendu tous ces commandements du Sauveur et reçu toutes ces instructions, il fondit en larmes 368 . Le Sauveur lui dit : « Pourquoi pleures-tu, Philippe? » Philippe lui répondit : « C'est sur moi-même que je pleure, Seigneur; en fait, je t'ai écouté avec attention, et c'est pour cette raison que je pleure : je crains qu'une fois parti vers le lieu de ma destinée, les habitants n'en viennent à m'infliger des peines plus nombreuses et ne m'exposent de leur part à une grande persécution d'une grande cruauté, puisque leur naturel c'est le serpent. Si donc ce serpent se dresse contre moi en fureur et s'il arrive que je ne sois pas capable de le supporter à cause de l'excès de ses maux, je rendrai la pareille aux habitants mêmes de ces lieux et transgresserai ainsi le commandement que tu nous as donné de ne rendre à personne le mal pour le mal, mais plutôt de rendre le bien à celui qui nous fait du mal.

366. Il s'agit du signe de la croix (cf. Ac Ph IX, 2-4; VI, 12 note 277). La monade est un terme philosophique d'origine pythagoricienne auquel les théologiens chrétiens ont reconru dès le IIe siècle pour désigner Dieu. 367. Cf, Ac Ph XIII, 2. 368. Cf. Ac Ph VIII, 2. Cette intervention de Philippe (Ac Ph VIII, 8) et la réponse du Sauveur (Ac Ph VIII, 9-14) sont, à une phrase près (cf Ac Ph VIII, 12 note 374), absentes du Vaticanus graecus 824. Pourtant l'apôtre annonce ici son incapacité à ne pas rendre le mal pour le mal (Pr 20, 22; Rm 12, 17; 1 Th 5, l 5; 1 P 3, 9), thème qui jouera un rôle central dans le scénario du Martyre (cf. notamment Ac Phl\;f 25. 26 [Appendice II]. 29 [Appendice TT]. 31).

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Maintenant donc, mon Seigneur, je pleure sur moi-même, car le départ vers cette ville est pour moi très difficile [+++] 369 et double sera ma faute, si je rends le mal pour le mal. »

Le Sauveur exhorte Philippe 9 Le Sauveur fit à Philippe cette réponse : « De même qu'est grande la faute de celui qui rend le mal pour le mal, de même, bien plus grande est la grâce que reçoit celui qui, pouvant faire du mal à quelqu'un, ne le fait point, mais rend le bien à celui qui lui fait du mal. Il n'y a pas de modèle supérieur à un homme pareil, ni de bien plus grand que sa dignité. Grande est sa béatitude parmi toutes les béatitudes. ro « Ô Philippe, tu as vu toute l'œuvre de la création, céleste et terrestre, la lumière et les ténèbres, l'eau et le feu, le bien et le mal, ensuite les êtres vivants, je veux dire les hommes et les bêtes, les fauves, les oiseaux et les créatures aquatiques. Sois juge toi-même, ô Philippe, et reconnais le principe naturel qui est à!' œuvre dans l'univers; observe que ce qui fait le bien et le beau est précisément ce qui prolifère et non pas ce qui fait le mal. En effet, la lumière chasse les ténèbres et c'est la lumière qui est glorifiée par dessus tout; regarde aussi le feu qui est mauvais et !'eau qui est bonne : et c'est !'eau qui surabonde. Vois aussi les oiseaux et apprends que parmi eux les dominateurs sont peu nombreux par leur progéniture et leur qualité. Mais ceux d'entre eux qui sont doux et paisibles, sont très nombreux. Regarde aussi les animaux [+++ J 370 , peu nombreux sont les rapaces [+++ J et ceux d'entre eux qui sont bons, eux, sont innombrables. Il n'y a qu'un petit nombre de prédateurs dans les eaux par rapport aux autres espèces aquatiques.

369. Quatre mots environ sont illisibles dans le manuscrit. 370. À deux reprises dans cette phrase, quatre mots sont illisibles dans le manuscrit.

ACTE HUITIÈME

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L'exemple de Noé et de Pierre I I « C'est pourquoi, lorsque la colère provoquée par le crime des Égrégores 371 allait se déchaîner dans le monde, le législateur 372 ordonna à Noé de construire l'arche et d'y faire entrer toutes les espèces d'animaux avant qu'il ne déclenche le déluge et ne fasse périr les mauvais. Il donna l'ordre à Noé de faire entrer dans l'arche les oiseaux et les bêtes selon leurs espèces, des purs chaque fois sept couples, mâle et femelle, et des impurs, deux couples, mâle et femelle; manifestant par ces nombres l' œuvre de chacun : aux uns, il ne pardonna pas entièrement, mais leur rendit selon leur malice ; aux autres, il accorda son pardon, en épargnant les sept couples. 12 «C'est pourquoi ton frère Pierre 373 s'est souvenu de ce qu'avait fait Noé au jour du châtiment des pécheurs, lorsqu'il m'a dit: "Veux-tu que je pardonne à mon frère jusqu'à sept fois, à la manière dont Noé a pardonné?" Et moi je lui ai répondu: "Je ne veux pas que tu te contentes de suivre l'exemple de Noé ; mais pardonne soixante-dix fois sept fois." Maintenant donc, Philippe, ne te lasse pas de faire le bien à ceux qui te font du mal 374 .

371. Les «Égrégores» ou «Veilleurs» sont une autre désignation des anges déchus (cf Gn 6, 4; Dn 4, ro.14.20; Ac Ph XI, 3). L'auteur va invoquer le nombre différent des couples d'animaux pur ou impurs recueillis par Noé (cf Gn 7, 2-3) à !'appui de sa thèse sur la surabondance du bien. 372. Cf Je 4, 12; Ac Ph III, 4. 373. À la faveur d'un jeu sur le chiffre sept, l'auteur, héritier peut-être d'une tradition, introduit Noé dans le dialogue canonique de Jésus et Pierre (cf Mt 18, 21-22; Le 17, 4). 374. Cette phrase est transmise par le Vaticanus graecus 824 dans une forme longue : « " ... du mal, et la grâce de mon esprit dirigera tes courses en tout lieu, ville ou pays." »

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

La bonté de la Création 1 3 « Reconnais aussi l'adversaire dans !'air où existent nombre de volatiles et de reptiles, et retiens-en la leçon que l'homme n'est souillé par aucun d'eux; et nombre de plantes aussi croissent sur terre par la bonté de mon Père qui est dans les cieux et qui leur accorde la rosée 375 . Et sa lumière se lève 376 sur toute la création, sur les méchants et les bons; telle est aussi l'eau : elle coule et alimente les sources, les fleuves et les mers, étant la vie aussi bien des eaux qui ont le goût salé que des eaux qui ne contiennent pas de sel, des chaudes et des froides, des douces et des amères. Cette eau existe dans les cieux et dans toutes les créatures, à l'intérieur desquelles elle est mêlée selon leurs différences et selon leurs aspects. 14 «Toi donc, deviens à ton tour l'imitateur de toutes les choses bonnes : sois attentif aussi, ô Philippe, aux luminaires 377 bienfaisants, et imite-les. Vous aussi, mes disciples, devenez les imitateurs d'eux tous, afin que, de même qu'ils répandent leur lumière bienfaisante sur les bons et les méchants sans favoriser personne, de même vous deveniez un instrument de salut pour le monde entier, comme de bons disciples et des frères unis. Et si on vous persécute 378 , persévérez et si vous êtes exposés à la tentation et aux tribulations qu'on vous fera subir, en raison du grand repos qui est le vôtre, goûtez la certitude que vous serez lumineux devant la face de mon Père qui est dans les cieux et que votre salaire sera très abondant. »

375. L'Ancien Testament mentionne à maintes reprises cette eau comme un don de Dieu, par exemple en Gn 27, 28; Ex 16, 13; Dt 33, 13; Es r8, 4; 26, 19; Ps 110 (109), 3 (cf. Ac Ph VIII, 5; XIV, 3). 376. Cf. Mt 5, 45. 377. Cf. Ac Ph Il, 16 note ro5. 378. «Persécute( ... ) très abondant» (Ac Ph VIII, 14): cf Mt 5, I r-12;

Le 6. 23.35.

ACTE HUITIÈME

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Départ en mission des apôtres

r 5 [96] Philippe et tous ses compagnons étaient remplis de joie par les enseignements et les promesses du Seigneur. Philippe sortit, accompagné de Barthélemy et de Marianne, et, après avoir baisé 379 la main droite du Sauveur, ils se mirent en chemin vers le pays des Ophianiens 380 . Un léopard sui;git sur le chemin des apôtres

r 6 Comme ils s'étaient enfoncés dans le désert des dragonnes 381 , tandis qu'ils cheminaient, voici qu'un grand léopard 382 sortit des bois qui couvraient la montagne. Apercevant

379. Cf. Quest Barthélemy 4, 7r. Ce geste d'adieu, empreint de déférence autant que de tendresse et qui exprime à la fois la séparation et la communion des apôtres avec le Sauveur, n'est pas sans rappeler le baiser initiatique des gnostiques (cf. Ev Philippe 59, 3-4; 64, 3 5) et la coutume ecclésiastique au Proche-Orient aujourd'hui encore. 380. « Ophianiens »est la seule mention du nom des habitants de la ville, voire du pays, où le cortège apostolique doit se rendre et qui n'est autre que la région d'Ophiorymé. Ici s'achèYe le texte du manuscrit d'Athènes, Bibliothèque nationale 346. Dans le Vaticanus graecus 824, dont la traduction suit dès maintenant le texte, !'Acte VIII se poursuit avec l'entrée en scène du léopard et du chevreau (voir Introduction, p. 52-53). 381. Dans la littérature juive antique, on ne connaît, sauf erreur, que deux dragons femelles, Léviathan (cf Jb 40, 25-32; 1 Hénoch 60, 7) et Lilith (Es 34, 14). Mais ici, la dragonne, mère des serpents, doit être identifiée à la vipère, elle aussi mère des serpents (cf. Ac Ph VIII, 4; Introduction, p. 55-59). 382. Ce récit de la conversion du léopard et du chevreau éYoque la réconciliation messianique annoncée par Ésaïe (cf Es r r, 6; Ac Thomas 68-81) et attendue dès ce monde par les partisans du millénarisme. Mais considéré à la lumière de la lecture typologique qui décèle en Es r 1, 69 une préfiguration de l'Église composée de Juifs et de païens adoucis par l'Évangile, cet épisode révèle un regain de polémique contre le culte de Cybèle, la déesse des fauves, et d' Attis, symbolisé parfois par un chevreau (voir Introduction, p. 5 5-62).

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

les apôtres du Seigneur, il courut se jeter à leurs pieds 383 et leur parla d'une voix humaine 384 : «Je me prosterne devant vous, ô serviteurs de la divine grandeur et envoyés du Fils unique de Dieu, ordonnez-moi de parler à la perfection. »

Récit du léopard 17 [97] Et Philippe: «Au nom de Jésus-Christ, parle!)) Et le léopard, prenant une voix humaine parfaite, se mit à dire : «Écoute-moi, Philippe, toi qui nous fiances à la parole divine. Il m'est arrivé, à la première heure de la nuit, de tomber sur le troupeau de chèvres qui paissait au revers de la montagne de la dragonne, mère des serpents, et de ravir un chevreau. Tandis que je pénétrais dans le bois pour le dévorer après l'avoir frappé, il prit une voix humaine et se mit à pleurer comme un petit enfant, me disant : "Ô léopard, ôte de toi ce cœur sauvage et ce dessein bestial, et remplis-toi de douceur, car les envoyés de la divine grandeur s'apprêtent à passer par cette solitude, pour accomplir à la perfection la promesse de la gloire du Fils unique de Dieu." Le chevreau me réprimandant par ces paroles, je restais perplexe en moi-même, et peu à peu mon cœur se changea et ma sauvagerie se mua en douceur: l'épargnant, je renonçai à le dévorer. Comme je prêtais l'oreille à ses paroles, je levai les yeux etje vous vis passer. Je reconnus que vous étiez serviteurs du Dieu bon. Et vous voyant approcher, je laissai le chevreau et vins me prosterner devant vous. Main383. Cf Ac Pierre 6.10.12; Ac Paul 33; Ac Thomas 4r. 384. Cf Ac Ph VIII, 17.20; XII, 3; XIII, 2; Ac PhM 15. 17. 22. Selon Jubilés 3, 28 et 2 Hénoch 58, les animaux auraient été à l'origine doués de parole, mais ce don leur a été retiré lorsque Adam fut chassé du jardin d'Éden. Ici, l'arrivée de Philippe préfigure en quelque sorte la restauration eschatologique de l'état paradisiaque qui rendra la parole aux animaux (cf Nb 22, 28; 2 P 2, 15-16; Ac Pierre 9.12; Ac Thomas 39-4r.74.78-79) et la victoire de la douceur sur la sauvagerie (cf. Ac Ph II, 17 note 107), voire de la forme sur la nature (cf. Ac Ph XII, 4 note 438).

ACTE HUITIÈME

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tenant donc je t'en supplie, Philippe, apôtre du Christ : permetsmoi d'acquérir la faculté de parler sans entraves et que je fasse route avec toi en tout lieu où tu te rendras, et que je dépouille ma nature bestiale. » r8 [98] L'apôtre dit au léopard: «Où est le chevreau?» Il répondit: «Il gît là en face, au pied du chêne.» Philippe dit à Barthélemy : « Allons voir le blessé guéri et soignant celui qui le blessa. » Sur un signe de Philippe, le léopard partit en tête et l'amena, lui et ses compagnons, à l'endroit où gisait le chevreau.

Prière de Philippe et de Barthélemy 19 [99] Philippe dit alors avec Barthélemy: «Voici, nous avons vraiment reconnu que nul ne surpasse ta miséricorde, ô Jésus, ami du genre humain 385 • Tu nous devances en effet et tu nous donnes une leçon grâce à ces animaux, afin que notre foi augmente et que nous accomplissions avec zèle la tâche qui nous a été confiée. Maintenant donc, Seigneur Jésus-Christ, viens accorder vie, souffle et ferme consistance à ces animaux, afin qu'ils abandonnent leur nature bestiale et brutale pour parvenir à la douceur; qu'ils ne dévorent plus de chair, et que même le chevreau renonce au fourrage des bestiaux 386 . Qu'un cœur humain naisse en eux, et ils nous accompagneront partout où nous irons, partageant nos aliments à ta gloire, et qu'ils parlent à la ressemblance des hommes pour glorifier ton nom. »

385. « Ami du genre humain» : littéralement « philanthrope », cf Tt 3, 4; Ac]ean 108. 386. «Le chevreau renonce ... bestiaux»: conjecture qu'autorise une légère retouche du grec : « Le léopard ne tue plus sa nourriture ». Selon la doctrine chiliaste, les animaux ne se nourriront plus de sang durant le «millénium» (cf. Lactance, Institutions divines VII, 24, 8). Le végétarisme apparaît clairement comme une composante de la douceur.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Le léopard et le chevreau, humanisés, accompagnent les apôtres 20 [rooj Sur l'heure, les animaux se redressèrent, le léopard aussi bien que le chevreau, levèrent leurs pattes 387 de devant et glorifièrent Dieu, proférant d'une voix humaine: «Nous te glorifions et nous te bénissons, toi qui nous as visités 388 et qui t'es souvenu de nous dans cette solitude, toi qui as changé notre nature bestiale et sauvage en douceur, qui nous as fait grâce de la parole divine et qui as mis en nous une langue et un entendement pour dire et confesser ton nom, car grande est ta gloire. » 21 [101] Après ces paroles, le léopard et le chevreau tombèrent la face contre terre et se prosternèrent devant Philippe, Barthélemy et Marianne. Et sur l'heure, les apôtres glorifièrent Dieu et ordonnèrent au chevreau et au léopard de faire route avec eux et d'arriver en tête dans la ville où ils se rendaient selon la révélation que leur avait faite le Sauveur. Ensemble donc, ils se mirent en route, louant et glorifiant Dieu. Amen.

387. «Levèrent leurs pattes»: curieux doublet en Ac Ph XII, 8 (cf. Ac Pierre ro).

388. Dans les Actes VIII et suivants, Dieu appelle à la vie véritable, à la douceur, à la lumière, bref provoque la conversion de toutes ses créatures, des animaux comme des êtres humains, en les visitant.

ACTE NEUVIÈME

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Acte neuvième 389 au sujet du dragon 390 terrassé

Les apôtres sont assaillis par un dragon r [ 102] Tandis que les apôtres cheminaient ensemble, Philippe, Barthélemy, Marianne, et le léopard et le chevreau - cela faisait cinq jours 391 qu'ils étaient en voyage, et après les prières de minuit 392 , ils avaient repris la route dans le jour qui se levait-, voici que soudain un vent violent se leva en répandant les ténèbres et que, sorti de ces ténèbres, un énorme dragon ténébreux courut sus aux serviteurs de Dieu, l'échine noircie, le ventre pareil à de l'airain incandescent, jetant des étincelles de feu, et dont le corps dépassait les cent coudées; il était suivi d'une multitude de serpents 393 et d'une multitude de rejetons de ces serpents; et sur une grande étendue tout le lieu désert était ébranlé.

Exhortation et prière de Philippe À cette vue, Philippe dit à Barthélemy et à Marianne : «C'est maintenant que nous avons besoin du secours du Sauveur. Rappelons-nous la parole du Christ, qui nous a envoyés en disant : "Ne craignez rien 394 , ni la persécution, ni 2 [ 103]

389. Seul le Vaticanus graecus 824 a conservé cet épisode, mais dans une fom1e probablement raccourcie, en particulier au paragraphe 5. L'annonce d'une descente de la gloire divine (Ac Ph IX, 4) et l'allusion ultérieure à une apparition du Christ tuant le dragon en Ac Ph XII, 3 confirmeraient cette hypothèse (voir Introduction, p. 24). 390. Cf Ap 12, 3-4; Introduction, p. 62-69. 391. Cf Ac Ph VI, 22; XI, r. 392. Cf Dn 6,r r; Ac Ph III, 12 note 170. Les prières sont liées à un tremblement de terre en Ac r6, 25-26. 393. Cf. Ac Ph VIII, 4 note 341. 394. Cf Ac Ph VIII, 7.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

les serpents de ce pays, ni le dragon ténébreux!" Restons donc fermes comme des colonnes 395 solidement établies devant Dieu, et toute la puissance de l'ennemi sera anéantie et sa menace retombera. Prions donc et aspergeons l'air avec cette coupe; cet être sombre s'apaisera et la fumée s'abattra.» 3 [104] Alors, prenant la coupe qui leur appartenait, ils prièrent ainsi: «C'est toi qui rafraîchis toute fournaise 396 , qui dissipes les ténèbres et qui mets un frein à la gueule du dragon, toi qui as brisé sa colère, qui as rejeté en arrière la malice de l'étranger et qui l'as englouti dans ses propres flammes, toi qui as fermé son repaire et verrouillé ses issues, toi qui soufflettes son arrogance : viens auprès de nous dans ce lieu désert, car c'est par ta volonté et sur ton ordre que nous courons. »

Les apôtres exorcisent le dragon 4 [IO 5] Et se tournant, Philippe dit à Barthélemy et à Marianne : «Levez-vous maintenant, élevez les mains avec cette coupe que nous détenons et aspergez l'air en dessinant le signe de la croix 397 , et vous verrez la gloire du Tout-Puissant.» 5 [ rn6] Et aussitôt il y eut un éclair de feu 398 qui aveugla le dragon et les bêtes qui étaient auprès de lui. Sur l'heure, le dragon et les serpents furent desséchés et les rayons de la lumière pénétrèrent les ouvertures des repaires et détruisirent les œufs des serpents. Quant aux apôtres, ils se couvrirent les yeux, ne pouvant regarder en face l'apparition miraculeuse de l'éclair. Et ainsi ils passèrent leur chemin sains et saufs, louant notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.

395. Cf. Ga 2, 9; 1 Tm 3, r5; Ap 3, 12; ro, r; Ac Ph XV, 3. 396. Cf. Dn 3, 50 (Septante). Le feu et l'air, soumis à l'emprise de Satan le ténébreux, sont exorcisés par la lumière du Christ (cf. Ac Ph I, 12 note 3 r; XIII, 3).

397. Cf. Ac Ph VIII, 7 et VI, 12 note 277. 398. Cf. Ac Ph XII, 3; XIII, 3; Ac PhM r8; Ac Paul 24.

ACTE ONZIÈME

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Fin d'une prière de Philippe. Les apôtres s'apprêtent à communier I

[ ................................................................. .

. . . « ... ] 399 dans les lieux déserts ta douceur demeure avec nous et avec tous ceux qui s'appuient sur toi.» Tandis qu'il disait cela, Barthélemy < et Marianne > s'apprêtai < en > t à recevoir l'eucharistie du Sauveur. Ayant prononcé l'amen, ils rendirent gloire à Dieu, s'étant fortifiés par un jeûne de cinq jours 400 pour le louer dignement et s'étant rendus dignes de la communion du Christ.

Secousse tellurique et voix démoniaques 2 Mais tandis que Philippe, Barthélemy et Marianne étaient dans l'allégresse, soudain un tremblement souterrain 401 , un tumulte et un bouillonnement se firent entendre d'un lieu tout proche, où il y avait un grand amas de pierres 402 . Et de là s'élevaient confusément des voix qui disaient 403 : «Allez-vous-en

399. Fin de la lacune qui, dans le Xenophontos 32, a commencé au début de !'Acte VIII (cf Ac Ph VIII, r note 336). Tandis que le Vaticanus graecus 824 saute de !'Acte IX au Martyre, le Xenophontos 32, dont la traduction suit désormais le texte, transmet les Actes XI à XV. Les indices manquent pour reconstituer !'Acte X perdu. Il est possible qu'entre les Actes VIII et XII, rapportant respectivement la conversion et la participation à la communion du léopard et du chevreau, l' Acte X décnvait leur baptême (cf. le baptême du lion dans un fragment des Ac Paul conservé dans un papyrus Bodmer en copte; Ac Ph XII, 8 note 44 7). 400. Cf Ac Ph VI, 22; IX, r. Sur le jeûne, cf Ac Ph IV, 3 note 204. 401. Cf Ac Paul 22. 402. La croyance selon laquelle les démons sont emprisonnés sous des amas de pierres provient peut-être d' Ap 6, r 5. 403. Autres paroles de démons en Ac Ph II, 22; IV, r.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

donc, serviteurs du Dieu ineffable; rentrez chez vous et nous resterons chez nous. Jusqu'à quand serez-vous contre nous à vouloir faire disparaître toute la nature démoniaque ? Personne n'a jamais traversé ce lieu que nous avons dévasté; c'est seulement à votre venue que nous avons faibli. Nous sommes cinquante démons d'une seule et même nature à avoir reçu ce petit territoire en partage. Vous, au contraire, les serviteurs du Christ, vous avez parcouru toute la terre qui est sous le ciel pour venir provoquer notre perte; et ce Jésus qui vous accompagne, qui est Fils de Dieu, il a fait disparaître à lui tout seul les innombrables races des démons. Et voici que maintenant, nous abandonnons cette grotte, expulsés de force. Nous confessons désormais que nous avons été réduits à néant ; car celui qui a été crucifié pour notre malheur a desséché notre antique nature. »

Le dragon révèle son origine 3 Et l'apôtre de répliquer : «Je t'ordonne par le Crucifié de montrer quelle est ton antique nature. »Et le dragon, qui était parmi eux, répondit: «Voici d'où je tire mon origine 404 : le complot fomenté au paradis; c'est là que m'a maudit celui 405 qui maintenant veut me faire périr par toi. Car, alors, m'étant retiré du jardin aux mille plantes, je trouvai à me tapir dans Caïn, à cause d'Abel. Puis, ayant dressé devant les anges la beauté féminine, je les ai précipités du haut du ciel. Et ayant engendré des fils de grande taille [+++] 406 . Ceux-ci, s'étant multipliés, se mirent à dévorer les hommes comme des sauterelles 407 . Puis le déluge les ayant fait disparaître, ils

404. Cf. Ac Ph VIII, 4 note 352. 405. C'est-à-dire le Christ. 406. Il s'agit à l'évidence d'une paraphrase de Gn 6, 1-4, mais la fin de la phrase est corrompue; littéralement « ( ... ) aux Veilleurs, ils les ont tous appelés» (cf. Ac Ph VIII, II note 371). 407. Cf. Nb 13, 33.

ACTE ONZIÈME

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enfantèrent la race des démons et des serpents, quand la verge de Moïse confondit la nature des sages et des mages égyptiens. Nous sommes en effet les cinquante serpents qu'engloutit alors le dragon de Moïse 408 . Désormais, toi, Philippe, tu as remporté la victoire sur nous. »

Philippe invoque Jésus et débusque les démons 4 Le serviteur de Dieu, l'apôtre, leva les yeux vers le ciel et dit : «Saint Jésus, demeure de la lumière 409 sans ombre, gloire du Père, force des faibles 410 , parole immémoriale dans le Père et parue sur terre comme un homme, viens maintenant et fortifie-moi, puisqu'en ce lieu désert une foule de démons souille tes créatures! Ne tarde pas, maître, mais hâte ton secours. »Ayant ainsi prié, il cria d'une voix forte : «Je vous en conjure, par le nom glorieux du Père, du Fils unique, du TrèsHaut 411, montrez-vous, démons 412 , dévoilez votre nombre et votre aspect. » Et aussitôt éclata une grande clameur et un grand tumulte. «Hâtez-vous de sortir, descendants de la noirceur et de l'amertume, pour votre ruine inévitable et imminente!»

Les démons sortent de leur repaire, suivis du dragon 5 Et les démons, semblables à des reptiles, < sortirent > de l'éboulis de pierres, cinquante serpents qui dressaient leurs têtes

408. Cf Ex 7, 8-13. Sur les serpents, cf Ac Ph VIII, 4 note 34r. 409. Combinaison de ]n 8, r2 et r4, 23. 41 O. « Force des faibles» : autre traduction possible : « qui rends possible les choses impossibles)). 411. «Très-Haut» : dans les Ac Ph VIII et suivants, cette expression ou celle proche d' «Être suprême» paraît désigner parfois !'Esprit-Saint (cf Ac Piz XIV, 5). 412. Cf Quest Barthélemy 4, r2. Philippe fait des démons les enfants de deux puissances féminines, la noirceur et l'amertume. En Ac Ph XI, 7, le dragon précisera qu'il est fils de «Ténébreux» et de «Noirceur». En Ac Phl'vf 4, le serpent est fils du trépas et de la corruption.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

à dix coudées (car chacun avait une longueur de plus de soixante coudées) et ils disaient d'une seule voix: «Approche, toi aussi, toi qui nous as permis de sortir ! Car nous sommes enfants de ta race 413 . » Puis il y eut un tel tremblement de terre que Barthélemy et Marianne auraient défailli si Philippe ne les avait fortifiés par ces mots : « Qui que tu sois, toi qu'invoquent les serpents qui sont des démons malfaisants, sors, toi par qui le tremblement de terre s'est produit: tu es déjà vaincu et toute ta souche est desséchée. »Et à l'instant se dressa au milieu des serpents un immense dragon d'environ cent coudées, noir de suie, crachant du feu et répandant beaucoup de venin en un torrent déchaîné. Il avait une barbe de vingt coudées, la tête qui se balançait comme la cime d'une montagne de fer et le corps tout entier comme du feu.

Le dragon s'engage à édifier une église 6 Se dressant à une grande hauteur, il dit à Philippe : « ô Philippe, fùs du tonnerre 414 , quelle est cette autorité dont tu disposes pour traverser ce lieu et t'opposer à nous? Pourquoi cette hâte à me détruire comme le dragon dans le désert? Je t'adjure par celui qui t'a conféré cette autorité : ne nous détruis pas et ne nous fais pas disparaître dans le tonnerre de ta colère. Envoie-nous dans les montagnes du Labyrinthe 415 , afin que nous puissions y trouver un repaire et y changer de forme, et que, par notre puissance démoniaque, de même que nous avons servi Salomon le juste, notre maître, à Jérusalem - car c'est grâce à notre servitude qu'il a édifié le sanctuaire de Dieu 416 - , de même

413. Cf Ac 17, 28. Les démons reptiles s'adressent au dragon, lui demandant de sortir à son tour. 414. Cf Ac Ph II, 9 note 72. 415. Cf Ac Ph III, 8 note 163. 416. Cf 1 R 5, 27- 6, 37. Autre attestation de l'édification du Temple de Salomon par les démons en Test Salomon 6, 9.

ACTE ONZIÈME

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nous nous mettions maintenant à ton service et t'aménagions en six jours une demeure en ce lieu, qui portera le nom d'église du Dieu vivant 417 . Je laisserai couler sept sources immortelles au nom du Crucifié, pourvu que tu ne nous fasses pas périr! »

Doutes de Philippe, explication du dragon et construction miraculeuse de 1'église 7 L'apôtre dit: «Comment, ayant une nature reptile et étant des serpents, pourrez-vous construire, puisque toute construction est l'œuvre de l'art humain? Maintenant donc, par le pouvoir de Jésus, je t'ordonne à toi et à ces cinquante serpents de changer votre origine reptile et de vous manifester sous forme humaine 418 . » Et le dragon dit : «Écoute, Philippe, notre nature est obscure et sombre. Notre père s'appelle Ténébreux 419 et notre mère, Noirceur. Ils nous ont engendrés ténébreux et noirs, aux pieds menus, aux poils crochus, sans genoux, aux jambes rapides comme le vent, aériens, aux yeux étincelants, à la barbe pointue, aux cheveux hérissés, répugnants, lubriques et efféminés. » Et ayant poussé un gros soupir, le dragon ajouta : « Ô Philippe, puisque ta puissance est si grande, vois notre forme! >> Aussitôt, le dragon et les cinquante serpents se manifestèrent tels qu'ils étaient, s'envolèrent sur l'heure comme des bourrasques et crièrent : «Apportons donc sur-le-champ l'édifice!» Trois heures ne s'étaient pas écoulées qu'ils avaient apporté à travers les airs cinquante hautes colonnes en disant : «Assure les fondations, Philippe, selon ta volonté! Et le

417. l Tm 3, 15. Les six jours de la construction rappellent ceux de la création du monde (cf. Gn l, l-3 l) et les sept sources immortelles font penser aux quatre fleuves du paradis (cf. Gn 2, 10-14). 418. Cf. Ac Ph XII, 4, note 438. 419. La nature de Satan est ténébreuse et féminine! Sur Noirceur ou Mélanie, cf. Ac Jean 86; Ac Pierre 8. Cf. aussi Ac Ph XI, 4 note 412; Ac PhM 4.

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sixième jour, tu verras l'édifice achevé et les sept sources et la consécration de l'église.» 8 Dans les six jours, l'église était achevée et les fleuves coulaient à flots et, en quelques jours, des hommes, au nombre de trois mille, des femmes nombreuses et de petits enfants étaient réunis et louaient le Christ. Quant au dragon, se présentant plus noir qu'un Éthiopien 420 , il dit: «Nous nous en allons, Philippe, en un lieu où nous échapperons à ta vue, de peur que là encore, tu ne nous ordonnes de construire. Il suffit : nous sommes vamcus. »

Action de grâces de Philippe et communion des apôtres 9 Philippe éleva la voix (non celle du corps, mais celle de l'âme 421 ) et dit dans sa propre langue et suivant la réflexion de son esprit: «Nous te glorifions 422 , toi l'indicible, le véritable, l'offrande précieuse et glorieuse. Tu es le pain 423 , la gloire du Père, la grâce de l'Esprit, le vêtement de la Parole 424 , purifié et justifié pour les siècles, le bien qu'un grand nombre célèbre sans le connaître, le bien qui vivifie. Tu es le rejeton du Père, qui te laisses enchaîner en toutes choses 425 en attendant 420. Cf. Ac Pierre 22. 421. Cf. Ac Ph III, 13 note 177; Ac]ean ro3.ro6; Ac Thomas 53. 422. Cette doxologie, qui prépare la communion, s'inspire directement de l'hymne du Christ et de la prière eucharistique de Jean (Ac Jean 9496.109). La traduction ne rend qu'imparfaitement le rythme et les assonances de cette oraison en prose d'une richesse théologique et spirituelle remarquable, qui évoque tour à tour en formules paradoxales le mystère du Dieu trinitaire, de l'incarnation, des sacrements (de la Cène et du baptême), puis du séjour paradisiaque. 423. Cf]n 6, 35. 424. «La gloire du Père, la grâce de !'Esprit, le vêtement de la Parole» : l'ordre de cette confession trinitaire est singulier. Sur la métaphore du vêtement, cf Ac Ph III, 4 note 149· 425. «En toutes choses»: autre traduction possible «en tous», mais l'expression reste assez énigmatique.

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de délivrer celui qui est enchaîné 426 ; qui ne manges pas, qui manges et qui es mangé; qui offres la parole pour écouter; qui as voulu recourir au bain, alors que tu es toi-même le bain; qui danses au milieu de la Douzaine 427 des vierges ; devant lequel ils chantent les louanges dans la Huitaine des plénitudes 428 ; qui pares et qui es paré ; le résident et le sans lieu et qui, pourtant, es toutes choses ; le saint temple que !'on a voulu souiller dans le temple des abominations; là où est la joie, la réunion solennelle 47·9 désirée de tous; la lampe 430 qui brille dans la maison, car tu es toi-même la lumière. Tu es le paradis 431 , le mystère qui demeure dans le silence, l'intelligence 432 de celui qui danse en lui, la couche de ceux qui reposent. Tu es la Parole du Père, l'image de la vérité 433 que nous avons connue et contemplée. Tu es l'ouïe qui entend par nos oreilles, tu es celui qui voit par nos yeux, toi sur qui nos âmes ont pris appui. » 426. «Celui qui est enchaîné»: il pourrait s'agir d'Adam, mais il a été en principe déjà délivré (cf. Rm 5, 12-20; Ac Pilate grec B 8 [24]), du diable (cf. Ap 20, 3), ou, ce qui est le plus probable, de l'être humain pécheur prisonnier du corps, dont la conversion au Christ signifie la libération de l'âme. 427. Cf. Mt II, 17; Lc7, 32; Ap 7, 5-8; 21, 12-14; Irénée, Contre les hérésies I, 15, 3; I, 16, r-2. Les douze vierges symbolisent vraisemblablement les douze apôtres, eux-mêmes figures des douze tribus d'Israël. 428. «Huitaine des plénitudes» : littéralement« Ogdoade des plérômes ». Cette expression qui équivaut à peu près au «séjour du repos», est le fruit de spéculations sur le chiffre huit. Aux sept jours de la présente création succédera un monde nouveau, celui des huit Béatitudes (cf. Mt 5, 3-ro), inauguré par Jésus, nouveau David, le huitième fils de Jessé (cf. 1 S r6, ro-13), ressuscité le huitième jour, c'est-à-dire le premier jour de la nouvelle semaine (cf. Mt 28, r). 429. Cf. He 12, 22. 430. Cf. Le II, 33-36; Ap 21, 23; Ac Ph II, 16. 431. Cf. Clément d'Alexandrie, Stromates VI, r (2, 4). 432. Cf. Ac Ph III, 4 note 136. 433. En dépit de Jn 14, 6, cette expression n'a aucune valeur dépréciative (cf. 2 Co 3, 18; 4, 4; Col r, 15; Ac Ph XIV, 5).

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ro Ayant prononcé ces paroles, Philippe à nouveau 434 donna la communion à Barthélemy et à Marianne, et ils rendirent gloire à Dieu pour la communion divine, en disant avec une grande joie : «Amen, amen, amen. »

434. Philippe reprend le rite de la communion interrompu par l'intervention intempestive des démons et du dragon. Le terme « communion » traduit le mot grec rendu par « eucharistie» en Ac Ph XI, r.

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Acte douzième de saint Philippe, où l'on voit le léopard et le chevreau de1nander la communion

Plaidoyer du léopard 1 Quand l'apôtre Philippe eut donné la communion à Barthélemy et à Marianne et qu'ils se réjouissaient en glorifiant Dieu, le léopard et le chevreau, portant le regard sur eux, se mirent à pleurer à chaudes larmes. Ils se lamentaient dans leur jargon 435 et les larmes leur coulaient sur les bajoues, parce qu'ils n'avaient pas été jugés dignes de la sainte communion. Philippe dit à Barthélemy : «]'aimerais savoir pourquoi ils pleurent. » 2 À ces mots de Philippe, le léopard ouvrit la bouche pour dire : « Ô serviteurs du Premier et de l'Unique, ô envoyés de la divine grandeur, par le Dieu dont le nom est parvenu jusqu'à nous qui n'en sommes pas dignes, je vous adjure: ne vous tourmentez pas de savoir pourquoi nous pleurons, car je vais parler en mon nom et en celui du chevreau et vous dire la cause de notre chagrin. Nous étions 436 des animaux privés de

435. Cf Ac Ph III, l I. À !'Acte VIII, les deux animaux avaient pourtant reçu la faculté de tenir le langage des êtres humains, ce que ne dément pas la longue plaidoirie, construite selon les règles de la rhétorique, que le léopard adresse aux apôtres en faveur de leur participation à la communion du Seigneur (cf Ac Ph VIII, 16 note 384). 436. Après l'exorde, composé d'une double apostrophe et d'une captatio benevo/entiae, le léopard aborde la narration dont le moindre intérêt n'est pas de confirmer, d'une part, le récit de la conversion du léopard et du chevreau (cf Ac Ph VIII, 16-21), et d'autre part, l'histoire de l'anéantissement d'un dragon accompagné de serpents par une apparition de Jésus, soit vraisemblablement !'Acte IX (cf. Ac Ph IX, titre note 389), deux péripéties relatées par le seul Vaticanus graecus 824. Bizarrement, le léopard tait l'épisode pourtant prodigieux de la construction de l'église par le dragon et les cinquante démons (cf Ac Ph XI, 7-8), et ne fournit

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raison et vivions dans l'ignorance jusqu'au jour où nos yeux vous ont vus. Moi, je me nourrissais de chairs et de sang, et les ténèbres de la nuit étaient pour moi comme la lumière de midi. À peine le jour se levait-il que je me cachais dans les bois. Mais à l'instant où vous avez traversé la montagne, la peur nous a saisis et torturés. Ma nature animale s'est modifiée et transformée en bonté. Je me suis abstenu de dévorer le chevreau que voici, car la puissance de Dieu était venue sur nous. 3 « Et n1aintenant nous pleurons parce que vous ne nous avez pas jugés dignes de la communion du Christ. Nous avons parlé comme des hommes et imploré Dieu par votre intermédiaire, afin de pouvoir vous suivre. Voici en effet ce qui nous est arrivé grâce à Dieu : lorsque, devant le dragon qui déployait avec fracas sa puissance maléfique, le Fils unique vous est apparu et que la beauté de sa figure a tué ce dragon et les serpents, il ne nous a point interdit l'accès à son mystère ni au miracle de sa face. Nous avons aussi entendu sa voix, et nous avons éprouvé la glorieuse puissance de vos prières et de vos bénédictions. 4 « Si donc Dieu 437 nous a jugés dignes de participer à tous ces prodiges, pourquoi maintenant ne nous avez-vous pas jugés dignes de recevoir la communion? Voilà pourquoi nous pleurons et souffrons de n'avoir pas été jugés dignes. Passe encore pour moi qui suis une bête sauvage, mais ce chevreau, pourquoi n'a-t-il pas mérité la communion? Voilà la raison de nos pleurs. N'avons-nous pas, nous aussi, la vie en Dieu? Faites-nous donc miséricorde, comme vous en avez reçu l'ordre, sans lésiner, puisqu'il est lui-même en chacun et qu'il nous a donné la parole sans compter. C'est grande merveille qu'une bête sau-

malheureusement aucun renseignement sur le contenu de !'Acte X perdu (cf Ac Ph XI, r note 399). 437. Le léopard tire les conséquences du rappel des faits et expose sa requête dans l'argumentation.

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vage et le petit d'une chèvre aient abandonné leur nature et que nous soyons devenus semblables à des hommes : assurément, Dieu habite en nous. Maintenant donc nous vous prions, envoyés du bon Sauveur: faites-nous grâce, sans délai, de la part qui nous manque afin que notre corps bestial se transforme par votre efficace et que nous quittions la forme animale 438 . 5 «Nous croyons 439 en effet que cela nous arrivera grâce à vous, car elle l'emporte nécessairement, la pensée qui habite tous les raisonnements et même le cœur. Cette pensée a élu domicile en nous et nous a amenés à des sensations élevées. Par son raisonnement qui ne sommeille jamais, elle nous tire de la torpeur pesante de la sauvagerie et nous apprivoise petit à petit jusqu'à faire de nous des hommes complets de corps et d'âme. Et nous serons en accord entre nous, afin d'être jugés dignes du pain 440 dont nous avons entendu le mystère glorieux. C'est pourquoi nous demandons de recevoir cette merveille glorieuse du Dieu qui veille sur chaque nature, même sur celle des bêtes sauvages, à cause de sa grande miséricorde. »

Réponse de Philippe 6 Voilà ce que le léopard dit en son nom et au nom du chevreau. Tous deux pleuraient. Alors l'apôtre répondit: « Écoutez-moi, animaux devenus dignes de recevoir la parole de Dieu! Il faut se rendre à l'évidence: Dieu a visité l'univers par

438. Il semblerait que la conversion des animaux soit plutôt conçue comme un changement de nature (cf. Ac Ph VIII, 17.19-20) et la participation à la communion comme une modification de la forme, mais cette distinction ne vaut guère pour le dragon (cf Ac Ph XI, 7). 439. Dans la péroraison, le léopard réitère sa demande de participation à la communion (cf. Ac Ph XII, 4). 440. La communion, préconisée ici sous la seule espèce du pain, révèle l'enjeu ultime du refus d'aliments« forts», viande et vin, qui affleure tout au long des Actes de Philippe (cf. Ac Ph IV, 3 note 205).

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son Christ, incluant dans son dessein non seulement les hommes, mais aussi les bêtes 441 et chaque espèce animale. Qui peut raconter 442 sa providence charitable, qu'il nous manifeste sans cesse ? »

Action de grâces de Philippe 7 Et sur l'heure, Philippe leva les bras et prononça cette prière:« Mon Seigneur Jésus-Christ, espérance et force de tous, roi de gloire, qui as créé les cieux, verrouillé les abîmes 443 et condamné l'ennemi à y demeurer; toi qui as déployé le firmament 444 et y as placé les luminaires pour rendre éclatantes tes œuvres; toi qui as disposé l'air pour la jouissance et la respiration de ceux qui en ont besoin ; toi qui as donné ta douceur aux eaux 445 pour faire vivre tes créatures ; toi qui as réprimandé la mer et accordé le calme aux flots 446 , tu es le Seigneur de toute connaissance supérieure ; la délivrance de ceux qui sont dans la servitude; le Sauveur des siècles, qui guéris ceux qu'aveugle la taie de la méchanceté: viens, notre SeigneurJésusChrist, et, si telle est ta volonté, comme tu as changé la forme de l'âme de ces animaux, fais que, à leurs propres yeux, leur apparence se modèle sur celle du corps humain, pour la gloire et l'honneur de ton nom, dans le lieu vers lequel nous allons. »

441. Convaincu par le léopard, Philippe tranche par l'affirmative laquestion de l'accès des animaux au salut en Jésus-Christ (voir Introduction, p. 54 et 81). 442. Cf Es 53, 8; Ac Ph VI, 13. 443. Cf Ap l, 18. 444. Cf Gn l, 6-7.q. Sur les luminaires, cf. Ac Ph II, 16 note ro5. 445. Cf Ex 15, 22-27. 446. Cf Mt 8, 26; Mc 4, 39; Le 8, 24; Ac Ph III, l l note 167. Il s'agit ici cependant du thème des eaux primordiales tenues en respect par le Christ (cf Ps 65 (64), 8; 89 (88), ro; ro7 (ro6), 25-32).

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Aspersion, métamorphose et action de grâces du léopard et du chevreau 8 Soulevant la coupe, Philippe la remplit d'eau et les en aspergea 447 . À l'instant même, la forme de leur visage et de leur corps changea peu à peu à la ressemblance des hommes. Ils se dressèrent sur leurs pieds 448 , étendirent leurs pattes de devant en guise de bras et glorifièrent Dieu en disant ces mots : «Nous te glorifions, Seigneur, nous te glorifions, toi le Fils unique qui nous as fait naître à l'immortalité en nous donnant un corps humain en échange d'un corps animal. En vérité, tu es le vrai juge pour ceux qui viennent à toi, toi qui nous as fait la grâce aujourd'hui de ta parole glorieuse pour que nous devenions les associés de tes évangélistes 449 . Tu nous as dépouillés de notre souillure bestiale et tu nous as revêtus de la mansuétude des saints. Nous te louons et nous te bénissons, parce que tu nous as retirés de l'obscurité pour nous amener à la gloire. Nous croyons que la vie n'existe dans aucune créature, ni dans aucun homme, tant que notre Dieu ne les a pas visités pour leur salut. »

447. Le léopard se préparait à communier avec du pain seulement (Ac Ph XII, 5) et voilà qu'il est aspergé d'eau contenue dans une coupe. La participation de bêtes à la communion pourrait avoir été maquillée en rite d'aspersion (cf. Ac Ph IX, 2-4), à défaut d'être supprimée. Il est toutefois plus prudent de considérer cette aspersion comme un exorcisme de la bestialité démoniaque des animaux qui permet leur communion au Christ. Il demeure singulier que les animaux communient sans même avoir été baptisés. On pourrait imaginer que !'Acte X, perdu ou plus probablement censuré, relatait le baptême des deux quadrupèdes. 448. Motif identique en Ac Ph VIII, 20. 449. Cf. He r, 9; 3, 14. Une allusion aux auteurs des évangiles n'est pas impossible, mais il s'agit plus vraisemblablement des ministres de la parole (cf. Ep 4, II; 2 Tm 4, 5), à l'exemple du titre conféré à Philippe, l'un des Sept (cf. Ac 2 T, 8).

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Acte treizième du saint apôtre Philippe, sur son arrivée à Hiérapolis 450

Les apôtres traversent l'épreuve des serpents r Les apôtres cheminaient en direction de la ville et, avec eux, deux animaux qui, à leurs propres yeux, paraissaient des hommes. Du geste, Philippe signifiait au léopard de les guider sur le chemin de la ville. Arrivés au sommet de la montagne, ils regardèrent vers le bas et aperçurent, située sur le flanc 451 , la ville vers laquelle le Seigneur les avait envoyés. Regardant vers le bas, ils voient des hommes devant la ville et se disent les uns aux autres : « Allons vers ces gens-là et demandons-leur le nom de la ville. »Et, tandis qu'ils marchaient, les hommes, les ayant aperçus, partirent à leur rencontre. Chaque homme de ce pays avait un serpent sur l'épaule et ils en tiraient des présages. Ils interrogeaient les serpents pour savoir qui étaient ces hommes qui arrivaient auprès d'eux. Voici en quoi consistait le présage : ils lâchaient les serpents contre les étrangers et, s'ils n'étaient pas mordus par les serpents, ils leur donnaient la preuve qu'ils partageaient leur abomination. Mais s'ils étaient mordus par les serpents, ils se révélaient être leurs ennemis et les habitants ne les laissaient pas pénétrer dans la ville. 2 Voici ce qui arriva: alors que les apôtres s'approchaient pour parler à ces hommes - ceux-ci étaient au nombre de

450. Le nom d'Hiérapolis n'apparaît pas dans le corps du texte, où il n'est question que d'Ophiorymé (voir Introduction, p. 69-71). Ce silence est un indice en faveur du caractère probablement secondaire des titres des différents Actes (cf Ac Ph VII, titre note 317). 451. S'il est permis d'accorder quelque crédit à cette indication comme à celle d'Ac Ph XV, r, Ophiorymé jouirait de la même situation géographique qu'Hiérapolis (voir Introduction, p. 69-72).

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sept- chacun d'eux fit descendre son serpent; les serpents inclinèrent la tête 452 vers la terre devant les apôtres et restèrent à se mordre la langue. Si bien que les hommes s'imaginaient que ces gens aussi étaient des adorateurs de la vipère 453 • Quant à Philippe, il allait son chemin en compagnie de tous les autres ; les habitants de ce pays, remarquant que même les bêtes privées de raison les suivaient et parlaient comme des hommes, s'émerveillaient.

Les apôtres traversent l'épreuve des dragons 3 Lorsqu'ils arrivèrent à l'emplacement de la ville, voici que deux grands dragons se trouvaient devant la porte de la ville, l'un à droite, l'autre à gauche, montant la garde 454 devant tout étranger qui voulait entrer dans la ville. Et leur soufflant dans les yeux, ils les aveuglaient. Mais à l'entrée des apôtres, les dragons levèrent la tête et, lorsqu'ils les aperçurent à la porte, ils se mirent à rugir l'un contre l'autre. Philippe les ayant fixés, ils virent le rayon de la lumière de la monade 455 qui brillait dans ses yeux et, sur l'heure, détournant la tête, ils périrent.

Ils s'établissent dans un dispensaire désaffecté 4 Entrés dans la ville, les apôtres trouvèrent un dispensaire dans le voisinage, qui était vide et dont aucun des médecins n'était là. Philippe dit à Marianne: «Voici, notre Seigneur nous a précédés et a préparé pour nous ce dispensaire spirituel 456 . 452. Cf Ac Ph VIII, 7. 453. Cf. Ac Ph VIII, 4; Introduction, p. 55-62. 454. L'idée de placer des monstres gardiens de part et d'autre de la porte d'une ville ou d'un sanctuaire a traversé les siècles et les continents. Une allusion à la porte monumentale dite de Frontinus à Hiérapolis n'est pas exclue. 455. Cf. Ac Ph VIII, 7 note 366; IX, 5. 456. Comme de coutume, Philippe ne s'installe que dans un logis désigné par le Seigneur (cf. Ac Ph III, r6 note 190). La mise en valeur de l'aspect thérapeutique et médical de la mission spirituelle de Philippe

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Occupons-le et nous trouverons le repos, car les fatigues de la route nous ont épuisés. » À Barthélemy, il dit : « Où est le coffret 457 que le Sauveur nous a donné au temps où nous étions en Galilée? Établissons-nous dans ce dispensaire et soignons les malades jusqu'à ce que nous voyions quel dessein le Sauveur arrête pour nous. »

Action de grâces de Philippe 5 Philippe ouvrit la bouche et dit ces mots : « La voix vivante du Très-Haut nous a visités. Par elle nous renversons les souverains du monde des ténèbres 458 et nous enlevons l'endurcissement des hommes : guérissons l'infirmité des aveugles 459 et, sans relâche, exorcisons les démons de l'oubli 460 et chassonsles de cette résidence où nous nous trouvons. Bienheureux celui qui a accueilli en lui-même la bonne nouvelle que voici : il est la lumière des aveugles qui est perçue par les yeux de l'intelligence 461 , et qui est le Christ. Car il est l' œil 462 de ce que

annonce la guérison et la conversion de Stachys (Ac Ph XIV), puis de Nicanora (Ac Ph XV et Ac PhM 7-14) (voir Introduction, p.76-79). 457. Il s'agit probablement du coffret du médecin guérisseur. À la différence des énngiles canoniques où les guérisons sont opérées par la parole et le geste, les Actes de Philippe VIII et suivants mentionnent volontiers les instruments du thaumaturge comme la coupe (Ac Ph IX, 2-4) ou le bâton (Ac Ph XV, 4), voire la salive (Ac Ph XIV, 7). 458. Ep 6, 12. 459. L'insistance sur le thème de la guérison de la cécité spirituelle et physique dans cette action de grâces est propre à appâter les Hiérapolitains malades des yeux et victimes de Satan, Stachys et Nicanora. 460. Cf 2 Pl, 9. L'oubli de l'origine céleste de l'âme est attribué à l'action de Satan (cf. Ac Ph III, 17 note 193; IV, 3; XIV, 6; Ac PhM 9 [Appendice II].34 [Appendice II]; Ac Thomas 108-113; Introduction, p. 50-51). 461. Cf. Ac jean 95.58.113; Ac Thomas 39.65; Ac André 38. 462. Métaphore christologique audacieuse qui combine peut-être 1 Co 12, 12.17 et Ap 5, 6.

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l'on ne peut contempler, le visage de l'invisible, la gloire de l'impalpable, l'ordonnance de l'infini, le chemin 463 de l'insaisissable, la victoire du bon combattant 464 , le prix de ceux qui courent dans le stade 465 , la joie de ceux qui peinent 466 et qui l'attendent, la connaissance des ignorants, la patience des persévérants, le repos des affligés, le salut des hommes en perdition, la délivrance des asservis, l'assistance de ceux qui sont dans le besoin, la richesse des pauvres, l'abondance des affamés. Roi des combattants, tu es le guide et le Seigneur de toute créature, le banquet des élus 467 , la chambre secrète de ceux qui prient 468 , la demeure des ermites, la cité 469 de ceux qui le connaissent. C'est lui qui s'est fait agneau, brebis et berger mi, le prince de la vie 471 . À lui soit la gloire, la puissance et l'autorité sur toutes choses, amen. 11 Et les apôtres et les animaux s'écrièrent en chœur: «Amen. 11

463. Cf. ]n 14, 6. 464. Cf 1 Tm 6, 12; 2 Tm 4, 7; Ac PhM 29. 465. Cf 1 Co 9, 24; Ac PhM 29. 466. Cf Jn 16, 20. 467. Cf. Le 14, 1-24; Ac PhM 29. 468. Cf Mt 6, 6. 469. Cf Ap 21, l-27. 470. «Agneau», cf Ap 5, 6; «brebis», cf Es 53, 7; Ac 8, 32; «berger», cf Ac Ph VIII, 5 note 3 56. 471. Ac 3, 15.

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Acte quatorzième du saint apôtre Philippe, sur Stachys l'aveugle

Stachys souhaite rencontrer les apôtres 1 Près de cet endroit, se trouvait la maison d'un riche, appelé Stachys 472 , qui était aveugle depuis quarante ans 473 . Quand il entendit Philippe dire ces mots, il était assis à sa fenêtre 474 ; il fondit en larmes devant ses enfants et leur dit : «Aidez-moi et emmenez-moi auprès des hommes qui sont établis à la porte, car eux peuvent guérir mes yeux et me rendre la lumière.» Ses fils lui répondirent : « Qui sont ces médecins? )) Stachys leur dit : « Ce sont des hommes établis près de la porte que j'ai entendus dire: "Établissons-nous 475 dans ce dispensaire et soignons toute souffrance et toute maladie!"»

Narration de Stachys 2 Ses fils, s'étant levés avec ses esclaves et l'ayant pris par la main, l'amenèrent auprès des apôtres. S'étant jeté à terre, il se prosterna devant eux en disant : «Je vous supplie, étrangers qui êtes arrivés dans cette ville assurément pour moi et pour l'infirmité dont je suis accablé : guérissez-moi. Car voilà trois

472. Puisqu'il deviendra évêque d'Ophiorymé (cf. Ac PhM 37), ce personnage n'est pas celui de Rm r6, 9, dont l'Église d'Orient a fait le successeur d'André à Byzance. Autre récit de guérison d'un malade des yeux à !'Acte IV. 473. Expression fréquente dans la Bible pour indiquer une période particulièrement longue qui, ici, accentue d'autant l'importance de la guérison (cf Ex r6, 35; 2 S 5, 4 ;Jn 5,5; Ac 4, 22). 474. Cf Ac 20, 9; Ac Paul 7. Comme en Ac Ph IV, 4, les paroles de Philippe sont surprises par un habitant du lieu. 475. Cf Ac Ph XIII, 4.

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jours que je fais des rêves étranges 476 et quarante ans que je n'ai vu la lumière du soleil. Mais avant de devenir aveugle, j'étais un homme qui persécutait les étrangers et les chrétiens 477 . Car j'étais à la tête de tous ceux qui rendent un culte à la vipère et aux serpents qui sont près de ma maison, dans la me que !'on appelle Serpentine 478 ; tous les habitants de la ville adorent en effet les serpents. 3 «Il m'arriva ceci, tandis que j'étais allongé sur mon lit, les yeux ouverts, et que je regardais le plafond de ma chambre : je vis des œufs de serpents 479 d'où éclosaient des petits de serpents.J'en eus l'esprit remué et je me dis : "Seraient-ils des dieux? Je vais prendre un peu de liquide des œufs des serpents et le mettre sur mes yeux pour voir s'ils ont quelque vertu curative." Mais, lorsque j'en eus mis sur mes yeux, ceux-ci furent blessés et restèrent enflammés pendant dix années entières. En ce temps-là, ma femme 480 était encore en vie; 476. En tant que chef des adorateurs de la vipère à Ophiorymé, Stachys devait se trouver à la tête des galles, les prêtres eunuques de Cybèle, et porter le titre d'archigalle. L'incubation ne devait certainement pas lui être inconnue, puisqu'à Hiérapolis, ce clergé fom1ait une sorte de confrérie médicale (voir Introduction, p. 76-79). Dans l'apocryphe, c'est le Dieu de Philippe qui guérit par les rêves ' . 477. Cf Ac 8, 3; 9, 4; 22, 4; 26, ro-15; Ga l,13; 1 Tm l,r3; Ac Ph I, r. 478. Le terme grec« Ophiorymé »,traduit par« rue Serpentine», désigne ici simplement un quartier et non plus la ville entière (cf Ac 9, II). 479. Cf Ac Ph VIII, 4 note 341; IX, 5. Le récit de Stachys dévoile que les dieux païens aveuglent et plongent leurs fidèles dans les ténèbres, tandis que le Dieu de Philippe rend non seulement la vue au corps, mais illumine aussi J'ame (voir Introduction, p. 76-79). La truculente parodie de l'incubation à laquelle s'est livré Aristophane (Ploutos, 653-747) donne une bonne idée de l'arrière-fond historique et de la visée polémique de ce texte, puisqu'elle met en scène le dieu de la richesse Ploutos, guéri de sa cécité par deux serpents qui lui lèchent les yeux. 480. Être marié et avoir des enfants, comme Stachys, n'interdit pas forcément de devenir archigalle, vu qu'on ignore si cette fonction était réservée aux galles et celle de galles aux célibataires.

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elle allait dans la montagne et me ramenait de la rosée 481 recueillie sur des plantes et me l'appliquait chaque jour sur les yeux, ce qui me soulageait. Mais un jour qu'elle s'était levée à l'aube pour aller dans la montagne et me ramener de la rosée, un monstre énorme l'assaillit et la frappa. Elle mourut de cette blessure, car il n'y avait pas de médecin pour la soigner. Depuis ce temps-là jusqu'à ce jour, je n'ai pas contemplé la lumière, ni vu le visage de mes fils. 4 «Je te supplie donc, homme de Dieu, de me guérir de ce tourment. Et par vous je croirai en Dieu, car ma vision m'a révélé la vérité. Je me suis vu en effet les yeux bandés d'un mouchoir; or c'est celui que je sers 482 qui me voile la face et qui m'empêche de voir la lumière. Une voix m'appela, disant: "Ô Stachys, viens à la porte de la ville : tu y trouveras ton médecin qui te rendra la lumière, et tu connaîtras alors le diable que tu sers." Je me rendis à l'emplacement de la porte et, ayant levé le regard, je vis de mes yeux l'apparence d'un beau jeune homme qui avait trois figures 483 . La première était celle d'un adolescent 484 encore imberbe; celle du milieu était celle d'une femme 485 , habillée d'une robe éclatante; la troisième était celle

481. Cf Ac Ph VIII, 13 note 375. 482. Il s'agit du diable comme va l'expliciter la voix et, peu après, Philippe (Ac Ph XIV, 6). 483. Le terme grec traduit par «figure» fut si largement utilisé lors des controverses théologiques sur la définition du dogme trinitaire, qu'il conduit à interpréter la vision de Stachys comme une allégorie de la Trinité, à laquelle toutefois le motif de la polymorphie du Seigneur n'est pas totalement étranger (cf. Ac Jean 87-93; Ac Pierre 21; Introduction, p. 77). La fin de l'action de grâces de Philippe en Ac Ph XIV, 5 et l'absence calculée du terme «Christ» dans cet Acte renforcent cette lecture. 484. Sur k Christ comme adolescent, cf Ac Ph IV, 2; VI, 12. La cruche, symbole baptismal, appuie cette identification (cf Jn 2, 6-7; 4, 28). 485. Cette figure, dont la féminité est magnifiée par la robe fastueuse, demeure sans parallèle dans les Actes de Philippe, qui associent avec

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d'un vieillard 486 . Sur l'épaule du jeune homme, il y avait une cruche; la jeune fille tenait un flambeau à la main et ce flambeau remplit mes yeux de lumière. Et tous les habitants de la ville, s'étant approchés, se faisaient baptiser par le jeune homme qui portait la cruche. Et les corps de ceux qui recevaient le baptême devenaient blancs comme les rameaux blancs des palmiers 487 . Ce rêve, je l'ai fait par trois fois de la même façon 488 . Je vous implore donc de ne pas retarder la guérison d'un homme dont l'âme s'est attardée dans les ténèbres. Car je crois que c'est Dieu qui s'est révélé à moi. Que votre assistance s'exerce envers moi pour que je recouvre la vue.))

Action de grâces de Philippe 5 Philippe, ayant entendu ces paroles de Stachys, éleva la voix et dit: «Béni soit ton nom, ô bon Jésus! Toi qui nous envoies 489 en tout lieu comme des brebis, tu es notre vrai berger, qui édifies notre nature et qui régis toutes choses dans la justice. Tu nous as envoyés ici comme des étrangers 490 et tu nous as devancés pour préparer notre demeure. Nous étions des hommes pauvres et misérables 491 et nous n'avions pas de place parmi nos semblables. Mais toi, dans ta providence bienveillante, tu as planté pour nous un paradis, toi l'homme parfait, le parfait

constance la femme au mal (cf Ac Ph 1, 5 note 15; III, l note 125; VIII, 3-4). On pourrait songer à !'allégorie classique de l'Église, mais ses deux attributs, la robe éclatante (cf Ac Ph VIII, 6 note 365; Ac PhM 38) et le flambeau (cf Ap 4, 5), la caractérisent comme un symbole de !'Esprit-Saint, troisième personne de la Trinité. 486. Il ne peut plus guère s'agir que du Père. À la différence de l'adolescent et de la femme, il ne porte pas d'emblème. 487. Cf Ap 7, 9. 488. La répétition d'un rêve identique garantit sa validité. 489. Cf. Ac Ph VIII, 5. 490. Cf Ac Ph III, 16 note 19I. 491. Ces adjectifs ont connu un grand succès dans le monachisme.

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venu des cieux, dont le nom est indicible; toi la droite salvatrice, dont nos lèvres, organe impur 492 , ne peuvent prononcer le nom; toi le grand Esprit, qui es l'Être suprême 493 dans tes siècles de lumière ; toi le Père 494 qui te tiens dans le secret ; qui es avec nous sous trois formes parfaites 495 , lesquelles sont des images de l'invisible 496 ; toi qui es béni pour les siècles, amen. »

Exhortation de Philippe à Stachys 6 Alors, ayant tendu la main droite et saisi Stachys : « Attachetoi à moi, lui dit-il, toi que l'ignorance a longtemps retenu dans l'infirmité. Car c'est la vérité que t'a révélée ta vision. Ne l'appelle pas un rêve, car les rêves ne sont que des prodiges, tandis que ta vision 497 provient de l'Esprit-Saint. De fait, jusqu'à ce jour, tu étais enchaîné par Satan : c'est lui qui fait périr toute l'humanité par les drogues mortelles qu'il instille dans les âmes, rendant leur pensée obscure, les empêchant de voir la gloire céleste et conduisant par l'oubli 498 l'humanité à la ruine et à la corruption. Car l'homme, dès sa naissance, tombe sous le coup de l'ignorance 499 et, à mesure que 492. Cf Ac Ph III, 13 note 177· 493. Cf. Ac Ph XI, 4 note 41 r. 494. Cf. Ac Ph I, 3 note r l. 495. Cf. Ac Ph XIV, 4 note 483. 496. Cf. Coll, r5. 497. Philippe reprend une distinction classique entre les rêves illusoires et les visions véritables (Artémidore, Onirocriticon l, l ; 4, préface), mais la tourne dans un sens polémique, attribuant ceux-là aux divinités païennes lors de l'incubation et considérant celles-ci comme inspirées par le SaintEsprit. 498. Cf. Ac Ph XIII, 5 note 460. 499. Autre traduction possible:« Car lorsqu'un homme est engendré, il est conçu dans l'ignorance». L'ignorance de l'origine de l'âme, mère de tous les maux, est liée à l'engendrement et motive le refus de la procréation professé par les encratites (voir Introduction, p. 50-51, 61-62; Ac Ph IIL 17; IV, 3; VJTT, 4; XTTT, 5).

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son corps grandit, il s'enivre d'oubli et il s'enfonce d'abord dans l'égarement de la débauche, puis dans l'idolâtrie, la colère, l'emportement, la haine et la délation 500 . C'est l'ignorance qui pervertit et entraîne à toutes les œuvres mauvaises; qui trouble la pensée; qui aveugle l'homme. L'obscurité et la nuit sont le diadème de l'ignorance. Maintenant, apprends que celui qui t'appelle te donne la lumière véritable, afin que, grâce à elle, tu reconnaisses le diable que tu servais jusqu'ici. Car c'est lui qui t'a rendu aveugle pendant tout ce temps. ))

Guérison de Stachys 7 L'ayant attiré à soi, il étendit la main, plongea son doigt dans la bouche de Marianne et enduisit de [.......................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ] 501

et leur offrit un grand festin, fit rôtir des viandes 502 de bêtes des champs et leur servit un vin de choix. 500. Sur les listes de vices, cf. 1 Co 6, 9-ro; Ga 5, 19-21; Ep 5, 5; Col 3, 5-8; Ap 22, 15. 501. Un folio a été arraché dans le manuscrit (cf Ac Ph XV, 7 note 521). La description de la guérison de Stachys au moyen de la salive de Marianne a dü choquer, tout comme les deux guérisons que Jésus opère avec de la salive (Mc 7, 3 l-37; 8, 22-26) ont gêné Matthieu et Luc qui ne les ont pas rapportées. Un écho de la guérison de Stachys se lit en Ac PhM 2 [Appendice II] et 22. Sur le rôle de Marianne dans la polémique contre Cybèle, cf Ac Ph VIII, 2 note 339; VIII, 4 note 348; Introduction, p. 6162. Le récit du baptême de Stachys doit avoir disparu avec cette censure, comme l'indiquerait sa mention en Ac PhM 2 [Appendice II], car il est improbable que Stachys soit devenu évêque sans baptême. 502. Cf. Le 5, 29; 15, 23. Offert vraisemblablement par Stachys, ce festin enfreint manifestement l'idéal encratite prêché par Philippe. En raison des remaniements de la fin de l'apocryphe qu'a occasionnés le détachement du Martyre (cf Appendice II, introduction, p. 247-249) et de l'inexplicable absence de protestation de l'apôtre devant cette ripaille, il se pourrait qu'à l'origine, le discours encratite de Philippe, qu'on lit maintenant en Ac Ph XV, 2-3, répondait à l'inacceptable invitation de l'Hiérapolitain (cf Ac Ph XV, 2 note 509).

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Rayonnement de Philippe 8 Le bruit 503 se répandit dans toute la cité et l'on disait : «Venez voir des hommes qui vénèrent Dieu! L'un d'eux a ouvert les yeux de Stachys, qui, depuis quarante ans, n'avait pas vu la lumière. Une puissance divine doit être avec eux, puisque l'art humain des médecins n'est pas capable d'opérer une si grande guérison.» Une grande foule s'assembla dans sa maison à cause de Philippe et de ceux qui étaient avec lui. Et tous couraient pour voir comment les malades et les démoniaques étaient soignés, comment ceux qui souffraient de jaunisse ou d'hydropisie étaient guéris. 9 Philippe baptisait les hommes, Marianne, les femmes. Et toute la foule s'émerveillait fort de ce qu'un léopard et un chevreau prononçaient l'amen. Il y eut un grand tumulte en tout lieu parmi la foule, parmi les grands et les petits, les riches et les pauvres en ces jours-là. À notre Dieu ... 504

503. Ac Ph XIV, 8-9 se retrouve textuellement en Ac Phlvl 2 [Appendice II]. 504. Le scribe paraît avoir abrégé la doxologie finale.

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Acte quinzième du saint apôtre Philippe au sujet de Nicanora, la femme du gouverneur

Nicanora la Syrienne se rend auprès des apôtres 1 Il y avait un gouverneur dans cette cité, appelé Tyrannognophos 505 . Il avait une femme du nom de Nicanora, Syrienne de naissance. Celle-ci, lors d'un voyage en mer, fut jetée sur la côte par la tempête; elle s'avança à l'intérieur des terres 506 et arriva dans cette ville. Comme elle était riche, Tyrannognophos la prit pour femme. Les serpents de la ville la mordaient, car elle était étrangère 507 . Son corps fut blessé par leur venin; et elle demeura dans les tourments. Lorsqu'elle apprit que Stachys avait recouvré la vue, elle demanda d'être emmenée par ses serviteurs dans la maison de Stachys. Et ils l'emmenèrent à l'insu de son époux. Quant aux apôtres, ils étaient à l'intérieur et Stachys les servait 508 .

Discours de Philippe à Stachys 2

L'apôtre Philippe dit 509 à Stachys: « Stachys, toi qui,

505. Ce nom signifie « tyran des ténèbres ». 506. Cf. Ac Ph XIII, r note 45r. 507. En tant que juive (cf Ac PhM ro) et, si l'on en croit le Xenoplwntos 32, Syrienne d'origine (cf Ac Paul 26), Nicanora est étrangère aux divinités d'Ophiorymé (cf Ac Ph III, r6 note 191). Sur les morsures, cf Ac Ph XIII, r. 508. Cette phrase qui déplace l'attention sur Stachys, escamote la rencontre, pourtant prévisible, de Nicanora et des apôtres, laquelle ne surviendra qu'en Ac PhM 7-ro. 509. Le discours parénétique que tient !'apôtre au nouveau converti est un condensé de doctrine encratite qui trouverait un contexte plus approprié entre Ac Ph XIV, 7 et 8 (cf. Ac Ph XIV, 7 note 502) et serait remplacé par celui sur le serpent (Ac PhM 3-6; cf. Ac PhM 3 note 526; Appendice II, introduction, p. 248). La continence et l'ascèse, soit l'abstinence de viande, de vin, de toute sexualité ainsi que le mépris des

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auparavant, étais enchaîné à la fausse puissance 510 de Satan et qui es resté très longtemps affligé de cécité jusqu'à ces tout derniers jours, sache maintenant que Dieu ne t'a pas laissé jusqu'à la fin dans l'ignorance et l'erreur où tu étais. Mais tu as obtenu le vrai remède du bon Père. Et le soleil de la justice 511 s'est levé dans ta maison, envoyant ses rayons lumineux et glorieux dans ta cour. Ne t'adonne donc pas aux délices de la chair animale, de peur d'être compté au nombre des bêtes féroces. Ne te délecte pas de l'excès du vin, car il égare et amène aux idoles. Ne te glorifie pas de l'argent et de l'or, car ce sont des pièges de Satan 512 . Au contraire, affermis-toi dans la foi et d'un cœur plein de retenue, accueille continence et ascèse. Car la continence est le soutien de toutes choses 513 . Voilà la richesse de Dieu 514 . 3 «Voici que la paix de Dieu a pris racine en ta maison. Dès ce jour, sors de ton ignorance, de peur de tomber dans le pire. Voici que le sceau de l'Esprit 515 habitera avec toi. Dresse-toi comme une colonne dans l'Église de la vérité 516 et persévère, Stachys, dans la continence, car la sanctification abolit toute impiété. En effet, le passage des âmes des justes 517 , c'est la richesses et des honneurs mondains, constituc:nt !'exigence corporelle d'une âme rompant avec l'idolâtrie et l'ignorance de son ongme (cf Ac Ph III, 17 note 193; XIV, 6 note 499). 510. «Fausse puissance>>: littéralement« impuissance». 511. CfMl3,2o;AcPhVIII,5note358. 512. Cf 1 Tm 3, 7; 2 Tm 2, 26. 513. «Car la continence est le soutien de toutes choses»: ou«( ... ) le soutien de tous». Il s'agit probablement d\m adage encratite. Le terme grec traduit par continence et qui a donné encratisme en français, apparaît à quatre reprises dans ce discours. 514. Cf Le 12, 2r. 515. Il s'agit sans doute du baptême (cf Ac Ph Il, 24 note 119). 516. Cf 1 Tm 3, 15; Ac Ph IX, z note 395. 517. Cette expression technique rappelle que dans une perspective encratite. le salut est conçu comme un affranchissement des contingences

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sanctification, qui abolit l'origine de la corruption. Élève-toi donc au-dessus de la souillure de la convoitise. Que ne règne pas dans tes membres l'appétit de la viande, ni l'excès du vin, de peur que ton âme ne s'y fonde. Purifie-toi de la débauche, car elle est la destruction, la fiancée de la mort, les noces de la perdition, la réjouissance des démons, l'allégresse de l'impureté, la joie de l'envie, la délectation de ceux qui se perdent. Demeure plutôt dans la charité et range-toi à la raison en ayant à l'esprit le Christ srn, rejette loin de toi ta dignité présente et recherche la gloire céleste. Que tes fils soient serviables et que tes filles soient vierges. Que tes serviteurs apprennent la continence. Et ta maison sera appelée une maison de prière et toimême tu seras délivré du trouble et du tumulte.» Le bâton boui;geonnant 4 Ayant dit ces mots, il planta son bâton 519 dans la cour de Stachys en prononçant cette prière : « Seigneur Jésus-Christ, toi qui es le bâton véritable, le chemin qui vivifie, qu'en ton nom cette verge bourgeonne comme la verge d'Aaron. Qu'elle devienne une grande plante et un arbre qui serve de signe et de remède aux malades de toutes les générations. » Aussitôt, le bâton

mondaines qui corrompent l'âme dès sa venue au monde (cf. Ac Ph I, 9 note 25; III, 17 note 193; XIV, 6 note 499; Introduction, p. 50-51). 518. «Ayant à l'esprit le Christ»: autre traduction possible:« percevant le Christ par l'intelligence» (cf. Ac Ph XIII, 5 note 461). 519. Cf. Mc 6, 8. Sur le bâton véritable, cf. Ap 12, 5; 19, 15. Sur le bourgeonnement du bâton, cf. Nb If, 16-26; He 9, 4; Jt1artyrc de Matthieu 4.6. Le laurier, plante d'Apollon liée aux pratiques divinatoires, a pu devenir un symbole métrôaque en Asie mineure. Par ce signe qui, avec le discours de l'apôtre, devait suivre immédiatement la guérison de Stachys en Ac Ph XIV, 7, Philippe annonce qu'il assume désormais la tradition médicale incubatoire d'Hiérapolis. Les fouilles archéologiques menées dans cette cité ont démontré également que l'incubation était pratiquée par les pèlerins dans le martyrium de Philippe (voir Introduction, p. 79-80).

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bourgeonna et devint une plante de laurier, de sorte que Stachys et toute l'assistance furent émerveillés de ce signe étonnant.

Les jarres inépuisables 5 Il se mit à pratiquer l'assistance 520 des pauvres. Ayant rempli trois jarres de blé et de vin et d'huile, il distribuait à la foule de ces denrées qui restaient inépuisables bien que personne n'y ajoutât rien. Et il continua à en donner aux pauvres jusqu'au jour du départ de Stachys.

Nicanora rentre chez elle 6 Nicanora, ayant appris les paroles de l'apôtre et les miracles qu'il avait faits dans la maison de Stachys, oublia sa maladie, toute à la joie qui s'était emparée d'elle à cause de la parole de Dieu. Mais ses serviteurs lui dirent: «Maîtresse, tu ne connais pas Tyrannognophos, ton mari. C'est un homme sévère. S'il apprend que nous t'avons amenée ici à son insu, il nous fera violence. Rentrons donc à la maison avant que lui-même ne quitte le prétoire, pour éviter qu'il mette à la torture, à cause de toi, les hommes qui opèrent des guérisons dans la maison de Stachys. » Lorsqu'elle eut entendu les propos de ses serviteurs, elle rentra à la maison de Tyrannognophos, en proie à la douleur et disant : «Je préfère demeurer dans les tourments et les plaies des serpents plutôt que d'être une cause de trouble pour les serviteurs de Dieu. »

520. «L'assistance»: le terme grec est traduit ailleurs par« providence». Cette historiette, dont on trouve un écho en Ac PhM 2, pose plusieurs problèmes. La distribution de vin à discrétion enfreint les recommandations que Philippe vient de faire à Stachys. On ignore de surcroît l'identité de l'auteur du miracle, car ni Philippe, ni Stachys ne permettent de rendre le texte cohérent. Pour ces deux raisons, il est probable que ce passage n'appartient pas au récit primitif

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Prière de Nicanora 7 Et la nuit, retirée chez elle, elle priait Dieu en disant : «Seigneur Jésus-Christ, exauce ma prière et accorde-moi ce que je te demande, mon Dieu. Tu es élevé au-dessus de tous et ta puissance surpasse toutes les autres. Car rien ne t'est impossible, et tu écoutes tous ceux qui te prient en vérité. Je ne te demande ni or, ni argent.Je suis prête à endurer la maladie du corps et les plaies des serpents : elles me sont légères, si Lu me donnes le repos de l'âme. Les poursuites des serpents ne sont rien, si j'entends tes paroles. Je t'en supplie: que Tyrannognophos croie en toi ou qu'il meure, car il m'empêche de rejoindre tes saints apôtres. Mon Seigneur Jésus-Christ, donnemoi une raison d'aller les rejoindre, ou qu'eux viennent vers moi. Pourvu que tu me fasses communier à ta sainte Parole, car c'est elle le vrai médecin, qui guérit non seulement le corps, mais aussi l'âme.» [ ..................................... ............................... .

Colère et menaces de Tyrannognophos ... « ... ] 521 existent, c'est pourquoi tu as des visions; mais moi, tu ne peux pas me tromper, comme les autres femmes qui bernent leur mari. Mais si j'apprends que tu es partie les rejoindre, je les punirai et, toi, je t'enfermerai dans un lieu obscur. Choisis donc ce que préfère ton cœur. Moi, je vais les

521. Cf. Ac Ph XIV, 7 note 5or. On peut se demander lequel des deux épisodes extravagants, la guérison de Stachys par la salive de Marianne ou l'apparition du Christ à Nicanora, qui se trouvaient par hasard sur la même feuille de papier, a entraîné la chute de l'autre (voir Introduction, p. 23). Le contenu de la présente lacune peut être reconstitué en partie grâce au rappel narratif fourni par Tyrannognophos en Ac Phlvl I 8 [Appendice II]. Venu épier sa femme, en prière et au bénéfice d'une apparition de Jésus, le gouverneur est atteint par l'écbir lumineux.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

surveiller de près, d'autant plus qu'il s'agit de toi.» Il sortit de chez sa femme et se rendit à son tribunal.

Sommaire final 8 Quant à Philippe, Barthélemy, Marianne, au léopard et au chevreau, ils étaient dans la maison de Stachys, en JésusChrist notre Seigneur. À qui soient la gloire et la puissance, de même qu'au Père et au Saint-Esprit, maintenant et à jamais et aux siècles des siècles, amen.

MARTYRE

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Martyre 522 du saint et glorieux apôtre Philippe, digne de toute louange

Date du ministère de Philippe r [ro7] En ce temps-là, l'empereur Trajan 523 ayant accédé au pouvoir des Romains, la huitième année de son règne, Simon, fils de Clopas, alors évêque de Jérusalem, second après Jacques, ayant subi le martyre, l'apôtre Philippe parcourut les villes et les villages de Lydie et d'Asie, prêchant à tous l'Évangile du Christ.

Rappel des hauts faits de l'apôtre 2 [ ro8] Étant arrivé dans la ville d'Ophiorymé, appelée aussi Hiérapolis d'Asie, il fut accueilli par un fidèle du nom de Stachys; il était accompagné de Barthélemy, l'un des soixantedix disciples du Seigneur, de sa sœur Marianne et des disciples qui l'avaient suivi. Philippe baptisait 524 les hommes, Marianne, les femmes. Voici quelle était la coutume de cette ville: tous les enfants nouveau-nés étaient emmenés au sanctuaire et livrés à la vipère. Celle-ci les léchait de sa langue, et c'est par cette marque qu'ils devenaient tributaires des serpents. Mais pendant le séjour de Philippe dans leur ville, ils étaient baptisés au nom du Père et

522. La traduction suit le texte du Xenophontos 32 qui s'apparente à la recension B (voir Introduction, p. 53-54). Sur la reconstitution du début du Martyre, cf. Appendice II, introduction, p. 247-249. 523. Cette datation fictive paraît s'inspirer d'indications fournies par l'historien Eusèbe de Césarée (cf. Histoire ecclésiastique III, 32, r-6; IV, 22, 4).

524. «Philippe baptisait ... trois jarres» (Ac PltM 2) : ce développement est propre au Xenophontos 32 (cf Ac Ph XIV, 9; XV, 5 note 520).

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du Fils et du Saint-Esprit, cessaient de fréquenter la vipère et se joignaient aux apôtres. Le baptême les préservait de la morsure des serpents grâce au sceau de la croix 525 . Philippe et Barthélemy restaient dans la cité, la parcourant en tous sens, anéantissant les serpents, visitant les malades, prenant soin des veuves, des orphelins et des pauvres, en leur fournissant le blé, le vin et l'huile tirés des trois jarres. Tous les hommes de la ville, quittant leurs travaux, accouraient à la maison de Stachys pour apprendre les œuvres accomplies par Philippe.

Enseignement de Philippe 3 [109J Il les enseignait 526 en ces termes : « Mes frères, fils de mon père, vous êtes la richesse de ma race selon Christ, l'existence de ma ville, la Jérusalem d'en haut 527 , les délices du lieu que j'habite. 4 [uo] Pourquoi vous êtes-vous laissé asservir par votre adversaire le serpent, l'être ondoyant, retors et pervers, auquel Dieu n'a donné ni bras ni jambes, dont la démarche est torve, car il est fils du malin; en effet son père est le trépas et sa mère la corruption, et la ruine habite en son corps. Ne vous laissez donc pas entraîner vers sa perdition. Vous étiez enchaînés dans la perfidie et l'égarement du venin de cet être désordonné, privés de consistance, appartenant à l'amorphe, n'ayant point de forme parmi les créatures vivant dans le ciel ou sur terre ou parmi les poissons qui habitent les eaux. Eh bien, dès que vous le verrez, fuyez loin de lui, car il n'a point de similitude avec les hommes. Son séjour est l'abîme et il se meut dans les ténèbres.

525. Cf. Ac Ph VI, 12 note 277. 526. Cf. Ac PhM 3 [Appendice II]. Consacré au serpent et à ses séductions dont il faut se garder, cet enseignement de Philippe prépare la conversion de Nicanora et devait, à!' origine, se trouver en Ac Ph XV, 2-3, à la place du discours à Stachys (cf. Ac Ph XV, 2 note 509; Appendice II, introduction, p. 248-249). 527. Ga 4, 26.

MARTYRE

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Fuyez donc loin de lui, de peur que son venin ne se répande sur vous, car si son venin se répand sur votre corps, vous allez vers sa demeure. 5 [l II J Attachez-vous plutôt à la vraie piété, étant fidèles, modestes et bons, sans malice en vous. Fuyez loin de Satan, le dragon, et enlevez de vous la semence maligne, à savoir la convoitise, par laquelle il engendre la maladie de l'âme; laquelle est le venin du serpent. Car la convoitise, dès l'origine, vient du serpent et c'est elle qui s'arme contre les fidèles. Elle est sortie des ténèbres et retourne aux ténèbres. 6 [ l 12] Vous devez donc venir à nous, ou plutôt par nous venir au Christ, en rejetant de vos corps le venin du serpent. »

Rencontre de Marianne et Nicanora 7 [ l 13] Tandis que l'apôtre disait ces mots, 8 [114] voici que Nicanora, sortant de chez elle, vint avec ses serviteurs dans la maison de Stachys. 9 [l l 5] Comme elle s'approchait de la porte de la maison, Marianne se mit à parler en langue syriaque 528 : « Elikomaï kasma hitaa mariakha khamastraï kalimakhaa. »Elle expliqua ses paroles en disant: « Ô fille de l'Esprit 529 , tu es ma maîtresse qui as été donnée en gage au serpent; je suis venue te sauver; je briserai tes liens et les couperai à la racine. Voici qu'est venu le rédempteur qui te délivre; voici que s'est levé le soleil de justice 5311 afin de t'éclairer. ))

528. Selon A, Nicanora s'exprime en hébreu. Autres paroles pseudohébraïques, cf Ac Ph II, r8; Ac PhM 26. 529. On a interprété ce dialogue de Marianne et Nicanora comme une mise en narration du mythe gnostique de l'union du Moi céleste et de l'âme damnée. Il est préférable de déceler dans l'intervention de Marianne, plus complète dans le Vaticanus graecus 808 (cf Ac PhM 9 [Appendice II]), l'exemple d'une âme qui entraîne ses amies les autres âmes vers la vie véritable, pour reprendre une expression d'Ac Ph IV, 4. Les paroles« syriaques» ou «hébraïques» de Marianne viennent toucher l'âme juive de Nicanora et l'appeler à rejoindre ses sœurs jumelles dans la lumière du salut. 530. «Soleil de justice>): cf Ac Ph VIII, 5 note 358.

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ro [II 6] 531 Nicanora qui se tenait devant les portes entendit ces mots et, pleine d'assurance, dit à haute voix devant l'assistance: «Je suis Juive, fille de Juifs. Parle-moi dans la langue de mes pères, car j'ai entendu votre prédication et j'ai été guérie de ma maladie. J'adore et je glorifie la bonté de Dieu, qui a fait que vous preniez la peine de venir dans ce pays. »

Irruption de Tyrannognophos et dialogue avec Nicanora II [II7] Comme elle disait ces mots 532 , 12 [rr8] Tyranno-

gnophos arriva en courant, tout essoufflé. Il saisit ses vêtements et dit: « Ô Nicanora, ne t'ai-je pas laissée sur ton lit de maladie? Comment donc as-tu trouvé la force et la vigueur qui t'ont permis de venir auprès de ces hommes qui sont des sorciers? Si donc tu refuses de dire qui est ton médecin, je te châtierai de mille châtiments. » I3 [ I I9] Nicanora lui répondit: « Ô Tyrannognophos, bannis loin de toi cet esprit tyrannique, oublie tes œuvres mauvaises, abandonne cette vie passagère et renonce à la vaine gloire, qui passe comme une ombre. Recherche plutôt ce qui est éternel, affranchis-toi de l'activité animale et impudente de la honteuse convoitise et évite l'union charnelle, qui est mauvaise, car elle est labour de mort 533 . Détruis le mur de séparation de la corruption et embrasse une vie respectable et pure, afin que nous soyons à jamais dans la sainteté. Si donc tu 531. Dans les manuscrits de la recension B, le paragraphe commence par la phrase : « Comme elle disait ces mots, Tyrannognophos arriva en courant, tout essoufflé. » Cette phrase revient mot pour mot en Ac PhA1 11. La cohérence interne du récit et son occurrence en Ac PhM r r seulement dans la recension A invitent à considérer sa présence ici comme un doublet fautif, d'où son rejet en note. 532. La version A présente ici une prière en faveur de Nicanora la nouvelle convertie (cf Ac PhM r r [Appendice II]). 533. Cet appel à la continence devient en A une exhortation à fuir le serpent et l'idolâtrie (cf Ac PhM 13 [Appendice II]).

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veux que je vive auprès de toi, c'est dans la continence que je partagerai ta maison 534 . »

Fureur de Tyrannognophos, arrestation et torture des apôtres 14 [120] En entendant ces paroles, Tyrannognophos la saisit par les cheveux, la traînant et lui donnant des coups de pied: « Il vaut mieux, dit-il, que tu périsses par mon glaive plutôt que je te voie avec ces étrangers, ces sorciers et séducteurs. Je vais te châtier et je tuerai ceux qui t'ont égarée.» Et s'étant tourné plein de colère vers les bourreaux qui l'accompagnaient, il dit : , qui parlaient comme des hommes. 16 [122] Dans la foule, plusieurs crurent aux paroles des apôtres. 17 [123] Quant aux prêtres, ils dirent à Tyrannognophos: «Ces hommes sont des sorciers.» 18 [124] Ce qu'entendant, il s'embrasa de colère et fut rempli de fureur. l 9 [12 5J Il ordonna 535 de mettre à nu Philippe, Barthélemy et Marianne en disant :

534. La notion de pureté. perçue dans un sens sexuel, reçoit en A une connotation supplémentaire, le refus des idoles (cf Ac PhM 13 [Appendice II]). 535. Cf Ac Paul 20.33. Cette comparution des apôtres devant le tribunal présidé par Tyrannognophos pourrait constituer la suite naturelle de !'Acte XV (cf Ac Ph XV, 7; Ac PhM 19 [Appendice II]; Appendice II, introduction, p. 247-248).

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« Fouillez-les, pour voir si vous découvrez leur sorcellerie. » Les bourreaux les mirent à nu et saisissant Marianne ils la brutalisèrent en disant: «Déshabillez-la pour que les gens sachent que c'est une femme qui suit ces hommes 536 . » Il fit venir des corroyeurs armés de nerfs de bœuf Ils percèrent les chevilles de Philippe, amenèrent des crocs, firent passer les nerfs à travers ses talons et le pendirent la tête en bas à un arbre qui se trouvait devant la porte du sanctuaire. Ils enfoncèrent de gros clous dans le mur du sanctuaire, lièrent Barthélemy par les mains et les pieds et, nu, l'accrochèrent au mur en l'écartelant.

Métamorphose de Marianne 20 [ 126) Lorsqu'ils voulurent dénuder Marianne, l'aspect de son corps se modifia et se changea en châsse de verre rayonnant de lumière, et ils ne purent l'approcher 537 .

L'apôtre jean intervient en faveur de Philippe, Barthélemy et Marianne 21 [127) Quant à Philippe, il dit à Barthélemy en langue hébraïque 538 : «Où se trouve Jean, en ce jour de notre nécessité extrême? Car voici, nous sommes détachés de nos corps. Qui de nous priera pour l'autre? Ils ont porté la main même sur Marianne, contre toute décence. Ils ont flagellé le léopard et le chevreau et bouté le feu à la maison de Stachys, pour nous avoir accueillis. Disons à notre tour que le feu descende du ciel et les consume 539 . » 536. Cf. Ac Ph III, l note 125; VIII, 4 note 352. Texte plus développé en A et C (cf. Ac PhM 19 [Appendice II]). 537. Cf. Ac Paul 34. 538. Cf. Ac 21, 40; 22, 2. À la différence de l'apôtre Paul qui veut impressionner les Juifs de Jérusalem, il se pourrait qu'ici Philippe s'adresse soudainement en hébreu à Barthélemy pour ne pas être compris des habitants d'Ophiorymé. 539. Cf 2 R l, IO-I2; Le 9, 54; Ac PhM 22 [Appendice II].

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22 [128] Tandis que Philippe disait ces mots, voici que Jean pénétra dans la ville, parcourant la grand-place et interrogeant les habitants : « Quel est ce tumulte et qui sont ces hommes? Et pourquoi sont-ils châtiés?» On lui répondit:« N'étais-tu pas dans cette ville et n'as-tu pas su que ces hommes ont bouleversé nos foyers et la cité entière? Ils ont été jusqu'à convaincre nos femmes de se détacher de nous 540 sous prétexte de piété, en proclamant un nom étranger, celui de Christ. Ils ont fermé nos sanctuaires, portant en eux quelque pouvoir de sorcellerie, et anéantissent les serpents qui habitent notre ville en proférant des appellations étranges que nous n'avons jamais entendues. Ils se sont fixés dans la maison de Stachys l'aveugle, auquel ils ont rendu la vue par le crachat d'une femme qui les accompagne. C'est elle apparemment qui porte en elle tout le pouvoir de sorcellerie 541 . Il y a de plus dans leur cortège un léopard et un chevreau, qui parlent comme des hommes 542 • Si tu avais vu des choses pareilles, n'en aurais-tu point été bouleversé, toi aussi?» 23 [129] Jean leur répondit:« Montrez-les-moi.» Ils le conduisirent au sanctuaire où pendait Philippe. Et Philippe, en voyant Jean, dit à Barthélemy: « Ô mes frères, voici le fils de Barego 543 , ce qui signifie l'eau de vie.)) Jean vit Philippe pendu la tête en bas, attaché par les chevilles; il vit aussi Barthélemy, attaché au mur du sanctuaire. 24 [130] Il dit aux habitants de la

540c Cf Ac Ph IV, r note 199. 541. C'est Marianne, en effet, qui contribua à la guérison de Stachys avec sa salive (Ac Ph XIV, 7) et dont les paroles «magiques» adressées en « syriaque » ou en « hébreu » à l'âme juive de Nicanora ont fait mouche (Ac PhM9). 542. Texte plus développé en C, cf Ac PhM 22 [Appendice II]. 543. «Le fils de Barego » : bien que les leçons des manuscrits soient très discordantes et que la traduction de ce titre proposée par le texte (« ce qui signifie l'eau vive »,]n 4, ro-rr) s'explique difficilement, on retrouve par une rétroversion hébraïque (bar règèsh qui signifie« fils du tonnerre») le surnom que Philippe a déjà reçu plusieurs fois dans l'apocryphe (cf Ac Ph II, 9).

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ville 544 : « Ô fils du serpent, combien grande est la folie qui est en vous! La voie de l'égarement vous a égarés; bien plus, le dragon du mal a souffié sur vous, Pourquoi châtiez-vous ces hommes? Parce qu'ils ont dit: "Votre ennemi, c'est le serpent"?» 25 [I3 r] Lorsqu'ils entendirent ces paroles de la bouche de Jean, ils portèrent la main sur lui en disant: «Nous croyions que tu étais l'un de nos concitoyens; mais maintenant ta façon de parler nous a révélé que toi aussi, tu as partie liée avec ces gens 545 , De la mort qu'ils vont périr, tu périras à ton tour, Car tel est le décret de nos prêtres : « Saignons-les en les pendant la tête en bas, mêlons leur sang à du vin et offrons-le à la vipère,» Tandis qu'ils parlaient 546 ainsi, Marianne se releva du lieu où elle se tenait et retrouva son premier aspect 547 , Les prêtres, voulant l'arrêter, portèrent la main sur Jean, mais ne purent le faire. Alors Philippe et Barthélemy dirent àJean: «Où est Jésus de Nazareth, qui ne nous permet pas de tirer nous-mêmes vengeance 548 de ces hommes qui nous torturent? Dès maintenant, je ne vous supporterai plus. »

Prière de Philippe 549 : 26 [ 132) Alors Philippe parla en langue hébraïque, disant 0 ; Christ père mon ô « Ô mon père Outhaël "" , ce qui signifie

544. Le discours de Jean est plus développé en A et C. Cette dernière recension offre de surcroît une explication très particulière de l'origine du serpent (cf Ac PhM 24 [Appendice II]). 545. Cf. Mt 26, n 546. Cette phrase est absente des recensions A et C. 547. Cf Ac PhM 32. 548. Sur ce commandement du Seigneur, cf. Ac Ph VIII, 8. 549. Avant ce discours, A et Coffrent un dialogue entre les apôtres et C indique ici que Jean quitte la ville sans être vu de personne (cf Ac PhM 26 [Appendice II]). 550. « Outhaël »provient sans doute de l'hébreu (' ôt hà' él) et signifie le «signe de Dieu», la marque visible par laquelle Dieu se manifeste. Le

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père de la grandeur dont tous les siècles craignent le nom; toi qui es fort et la puissance de l'univers; toi dont le nom est redouté en la domination d'Éloa; tu es béni pour les siècles; toi que redoutent les pouvoirs et autorités, frémissant devant toi; le roi de l'honneur, le père de la magnificence; dont le nom est parvenu jusqu'aux fauves du désert, qui se sont apaisés grâce à toi ; par toi les serpents se sont détachés de nous; toi qui nous exauces avant que nous t'en priions; toi qui nous regardes avant que nous t'appelions; toi qui connais nos desseins ; l'esprit suprême dans sa propre gloire ; le modérateur universel de toutes choses; toi de qui émanent les compassions innombrables : que la terre ouvre sa gueule 551 , l'éon de la cloison 552 , c'est-à-dire l'abîme, et qu'elle engloutisse ces mécréants qui n'ont point voulu que tu règnes sur eux. »

Engloutissement des impies 27 [133] Sur l'heure, l'abîme ouvrit sa gueule 553 et tout l'endroit où se tenait Tyrannognophos, la foule entière et les prêtres eut un soubresaut, et tous furent engouffrés. Mais la secousse épargna les lieux où se trouvaient les apôtres et tous ceux qui étaient avec eux, 28 [134] la maison de Stachys, Nicanora, l'épouse de Tyrannognophos, et les vingt-quatre femmes 554 qui avaient fui leurs maris et les quarante vierges qui n'avaient point connu d'homme ; eux seuls ne descendirent pas dans l'abîme, car ils avaient été lavés et avaient reçu la parole de

Christ serait le signe de Dieu, comme l'étaient déjà l'arc-en-ciel pour Noé et l'humanité (Gn 9, 12), la circoncision pour Abraham et le peuple élu (Gn I7, II) ou le bâton d'Aaron pour les fils d'Israël (Nb I7, 25). 551. Cf Nb I6, 30; Ac Ph II, 2I; Introduction, p. 33 et 76. 552. Cf. Ep 2, I4. 553. Cf. Nb 16, 30; Ac Ph II, 2I; Introduction, p. 33 et 76. 554. A et C: «cinquante femmes».

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Dieu et son sceau 555 . Quant aux autres habitants de la ville, ils furent tous engloutis dans l'abîme.

Apparition du Sauveur et dialogue avec Philippe 29 [ r 3 5] À cet instant, le Sauveur apparut et dit à Philippe 556 : « Quel est celui qui met la main à la charrue, puis regarde en arrière et trace droit son sillon 557 ? Ou qui est celui qui donne sa lampe aux autres, et reste lui-même assis dans les ténèbres? Ou qui habite sur un tas de fumier 558 et laisse son habitation à des étrangers? Ou qui se défait de son vêtement, et s'en va nu au cœur de l'hiver? Ou quel ennemi se réjouit de la joie de celui qui le hait? Ou quel soldat part à la guerre bien armé, et ne revêt point l'habit de la victoire? Ou quel esclave ayant accompli le service de son maître ne sera point invité par lui au repas 559 ? Ou quel athlète court avec ardeur dans le stade et ne reçoit pas le prix 560 , ô Philippe? Voici, la salle de mes noces est prête, bienheureux l'invité de l'époux 561 ; car riche est la moisson des champs 562 et bienheureux l'ouvrier qui est capable. » 3o [ r 36] Lorsque Philippe eut entendu ces paroles du Sauveur, il répondit en ces termes : « Nous as-tu abandonnés, ô Jésus de Nazareth, pour ne pas nous permettre de terrasser ces gens qui n'ont pas voulu que tu règnes sur eux? Voici ce que nous avons appris de toi : ton nom n'a pas encore été

555. «Sceau»: cf. Ac Ph II, 24 note r r9. 556. Pour le contenu, ce discours du Sauveur s'apparente à celui de Jean en Ac jean 67, qui pourrait lui a\·oir servi de source (cf. 2 Tm 2, 4-6; Odes Salomon r6, r). 557. Cf. Le 9, 62; Ac Thomas r47; Doctr Addaï 86. 558. Cf.Jb 2, 8. 559. Cf. Mt 24, 45-46. 560. 1 Co 9, 24. 561. Cf. Mt 22, 1-14. 562. Mt 9, 37; Le IO, 2.

1

Co 9, 7;

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proclamé dans le monde entier et c'est pourquoi tu nous as envoyés dans cette ville. Je n'avais pas idée de venir en ces lieux et tu m'y as envoyé en me donnant ton ordre véritable, afin que je pourchasse toute erreur, idole et démon et que j'abolisse toute la puissance de l'impur. Lorsque j'arrivai ici, les démons s'enfuirent devant ma face, les dragons et les serpents se desséchèrent. Mais ces gens n'ont pas accueilli en eux ta vraie lumière, et c'est pourquoi j'ai résolu de les humilier pour leur fol égarement. » 3 1 [ 137] Le Seigneur répondit : « Ô Philippe, puisque tu t'es écarté de mon commandement par le seul fait de n'avoir pas accompli celui de ne pas rendre le mal pour la mal, tu seras détenu dans l'éternité pendant quarante jours, avant de parvenir au lieu de ta destination 563 . Telle est cependant l'issue, la sortie de ton corps à l'endroit que voici. Quant à Barthélemy, son lot est la Lycaonie, c'est là qu'il doit être crucifié; Marianne, pour sa part, doit déposer son corps dans le fleuve Jourdain.»

Le Sauveur fait remonter les impies de 1'abîme 32 [ 13 8] Alors, le Sauveur se retourna, étendit le bras et traça une croix SM dans les airs, bien campé 565 . La croix était pleine de lumière et avait la forme et la ressemblance d'une échelle. Toute la multitude des habitants de la ville qui étaient descendus dans l'abîme se mirent à remonter par l'échelle de la croix lumineuse, et aucun d'eux ne resta dans l'abîme, si ce n'est Tyrannognophos, les prêtres et la vipère qu'ils adoraient. Lorsque la foule fut remontée de l'abîme, elle aperçut Philippe pendu la tête en bas, et

563. Cf. Ac Ph VIII, 8. Pour sa transgression, Philippe est puni de quarante jours d'exclusion du paradis après sa mort. 564. Cf. Ac Ph III, 12 note 17r. 565. Les jambes écartées fermement posées sur le sol, le Christ, pour tracer sa croix, adopte la position du guerrier prêt à combattre.

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Barthélemy écartelé contre le mur du sanctuaire. Quant à Marianne, ils la retrouvèrent sous sa forme première 566 . Le Sauveur remonta au ciel sous les regards de Philippe, de Barthélemy et de Marianne, du léopard et du chevreau, de Nicanora et de Stachys. Et tous à grand-voix glorifiaient Dieu dans la crainte et le tremblement: «Il n'y a qu'un Dieu 567 , s'écriaient-ils, celui qui nous a envoyé son salut et dont ces hommes proclament le nom. Nous nous repentons donc de l'égarement où nous étions hier, encore indignes de la vie éternelle, et nous croyons après avoir contemplé les merveilles accomplies pour nous. )) Certains d'entre eux se jetèrent la face contre terre et se prosternèrent devant les apôtres. D'autres songeaient à fuir 568 en se disant : « Il pourrait se produire un second séisme semblable au précédent. )>

Discours de Philippe aux habitants de la ville 33 [139] Étendant le bras, l'apôtre Philippe, pendu la tête

en bas, dit: «Habitants de la ville, écoutez ces paroles, que je vais vous dire suspendu la tête en bas. Vous avez appris combien nombreuses sont les puissances de Dieu et tous ses miracles que vous avez contemplés : votre cité a péri dans le tremblement de terre qui s'est produit. Vous avez constaté aussi que la maison de Stachys n'avait pas péri et que lui-même n'était pas descendu dans l'abîme, parce qu'il nous avait accueillis et qu'il avait cru au Dieu vrai. Quant à moi qui ai accompli toute la volonté de mon Dieu, je reste son débiteur pour avoir rendu le mal pour le mal. »

566. Cf. Ac Ph}\;[ 25. C est seul à présenter ici une phrase en plus: «Il y avait là le léopard et le chevreau qui fixaient du regard le Sauveur. » 567. Cf. Ac Ph II, 24 note 118. 568. Cf. Ac jean 42.

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Exhortation de Philippe aux baptisés 34 [140] Quelques-uns des baptisés accoururent pour délier Philippe, qui était pendu la tête en bas. Il répondit et leur dit : « Mes frères, qui avez été illuminés en Christ, écoutez la parole que je vais vous dire en ce jour. Vous savez que je ne suis pas venu dans cette ville pour faire du commerce ou exercer quelque autre activité de ce monde où tout se désagrège et passe 569 . Ce n'était pas 570 non plus par ma volonté propre, mais par celle de notre Sauveur Jésus-Christ, qui délivre le monde entier de l'égarement du diable. C'est Christ qui m'a envoyé dans votre ville, où je suis maintenant pendu la tête en bas. Le sort m'était échu de quitter mon corps par votre entremise; ne vous affligez donc pas de ce que je suis pendu la tête en bas 571 , car je réalise le modèle de la croix. Je vous répète ici l'ordre du Christ Sauveur: "Si vous ne rendez pas de droite les choses de gauche 572 et ne considérez pas comme précieuses les choses viles, vous ne pourrez pas entrer dans le royaume de Dieu." Vous donc, mes frères, rendez-vous semblables à moi en ce modèle. Car tout ce monde est soumis à la vicissitude, de même que toute âme qui naît dans ce monde. Or, vous qui possédez la gloire céleste et la béatitude de la lumière, ne recherchez pas l'obscurité, qui est la demeure de la servitude, mais quittez-la. Et, dès ce jour, ne devenez pas

569. Cf. 2 p 3, II. 570. «Ce n'était pas (... )tête en bas»: ce petit développement est propre à B. 571. Cf. Ac Pierre 37. 572. Ce logion (cf. entre autres Ac Pierre 38) est un peu différent en C: « Si vous ne retournez pas les choses d'en bas en choses d'en haut et les choses d'en haut en choses d'en bas, celles de droite en celles de gauche et celles de gauche en celles de droite, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu» (cf. Ac PhM 34 [Appendice II]).

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incroyants, mais plutôt croyants 573 , et pardonnez-vous les uns aux autres. Quant à moi, j'ai été condamné par le vrai juge, pour avoir rendu sans rémission tout le mal à celui qui m'avait offensé. J'ai donné à ma droiture une occasion de chute. Et maintenant, c'est par ses mains que je m'élève vers les hauteurs. Ne vous attristez point de ce que je quitte ce corps, mais réjouissez-vous plutôt de ce que j'abandonne la demeure du dragon qui soufflette toute âme pécheresse. »

Philippe enseigne la foule 35 [r4r] Ayant dit ces mots, Philippe se tourna vers la foule qui l'entourait et dit : « Ô vous qui êtes ressuscités d'entre les morts et de l'enfer et de l'abîme, vous que la croix lumineuse 574 a ramenés par la bonté du Christ! Il était Dieu, et il s'est fait homme; il était inengendré, et il a été engendré; il était immortel, et il a été mis à mort, et par sa mort il a ramené les morts; il était incorporel et il a revêtu un corps saint, réfutant ainsi le corps du péché; il était grand et il s'est fait petit à la mesure des hommes, en attendant de faire grandir les petits et de les amener à sa grandeur. C'est lui qui possède la douceur tout entière, etc' est en crachant sur lui 575 qu'ils lui ont donné de la bile 576 , en sorte qu'il fasse revenir l'enfer écœuré à la douceur. Goûtezle donc et ne l'abandonnez pas, et il vous donnera la vie pour l'éternité. »

Dernières recommandations de Philippe à Barthélemy 36 [142] Lorsqu'il eut achevé ces recommandations, il leur dit : « Déliez Barthélemy. » Et quand il fut délié, Philippe lui dit : « Ô Barthélemy, mon frère en Christ, je sais que le Seigneur 573. 574. 575. 576.

Cf. Jn

20, 27.

Cf. Ac Ph III, 12 note 17r. Cf. Mt 26, 67. Cf. Mt 27, 34.

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t'a envoyé avec moi dans cette ville et que tu as partagé tous mes dangers, toi et Marianne. Je sais aussi qu'il t'a été assigné de quitter ce corps en Lycaonie, et à Marianne, dans le fleuve du Jourdain. Je vous ordonne donc, lorsque j'aurai quitté mon corps, de bâtir une église à l'endroit où j'aurai quitté mon corps. Quant au léopard et au chevreau, laissez-les dans l'église qui sera construite par vous, afin qu'ils soient un signe pour tous ceux qui croiront; et que Nicanora prenne soin d'eux, jusqu'à ce qu'ils quittent leur corps. Et quand ils auront quitté leur corps, enterrez-les sous le porche de l'église 577 . Et établissez votre paix sur la maison de Stachys, comme notre Seigneur a établi sa paix sur cette ville. « Que dans cette maison, toutes les vierges vivent dans le jeûne; qu'allant deux par deux, elles visitent les malades; que tOLtjours elles s'abstiennent de parler avec des jeunes gens, de peur que Satan ne les tente 578 . Il est le serpent qui s'est insinué dans Ève et qui l'a fait glisser vers la mort. Voici ce qui se passera 579 dans ce temps à venir : ce sera un temps et une

577. Aujourd'hui existent quelques rares églises à l'entrée desquelles des animaux vivants servent d'objets de vénération. Les fouilles archéologiques des sanctuaires chrétiens d'Hiérapolis confirmeront peut-être un jour la présence d'une pareille dévotion dans l'enceinte de l'un d'entre eux. Dans !'Antiquité, l'entretien d'animaux, particulièrement de serpents, dans les temples païens était en tout cas une pratique répandue. 578. Cf. 1 Co 7, 5. 5 79. « Voici ce qui se passera (... ) » : A n'a pas le développement apocalyptique qui commence ici, s'achève à la fin du paragraphe 36 et dans lequel il n'est pas excessif de discerner une attaque encratite de la morale plus accommodante des orthodoxes et de leur pratique eucharistique. A porte seulement : « Que ne se reproduise pas en ce temps-ci, ce qui est arrivé à Ève.» Le Vaticanus graecus 808 n'en atteste que la seconde partie (cf. Ac PhM 36 [AppencliceII]). En C, la première phrase de ce développement est : «De nombreuses femmes abandonneront !' œuvre du mariage et vivront à l'enseigne de la virginité, ignorant complètement ce que la Yirginité signifie, le sceau grand et glorieux qui est le sien. »

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époque mauvaise. Ils seront nombreux, en ce temps-là, à s'enivrer seulement de paroles, mais pas en actes, pratiquant la chasteté dans leurs membres charnels, mais la débauche dans leur cœur. Et la débauche dans leurs regards débordera comme le déluge. Ils déborderont de zèle pour obéir aux plaisirs captieux, oubliant la connaissance de l'Évangile, et leurs cœurs déborderont d'arrogance; ils mangeront et boiront en Christ selon leur propre culte, oublieux du saint commandement qu'ils repoussent. Ce sera une race perverse; bienheureux donc celui qui se retire dans le secret de sa chambre, car il trouvera le repos à l'heure de son départ. «Ne sais-tu pas, Barthélemy, que la parole de notre Seigneur est la vraie vie et la connaissance? En effet notre Seigneur, en nous enseignant, a dit : "Tout homme qui porte les yeux sur une femme et la désire dans son cœur a commis l'adultère 580 ." C'est la raison pour laquelle notre frère Pierre a fui tout lieu où existait une femme. Et même, craignant une occasion d'achoppement pour sa propre fille, il avait imploré le Seigneur et elle avait été paralysée 581 d'un côté, pour ne point être subornée. Tu vois, mon frère, que la vue des yeux provoque la médisance et le début du péché, comme il est écrit que "levant les yeux Ève, vit que la plante était plaisante à voir et agréable à manger 582 " ; et elle se laissa suborner. Il faut donc que l'ouïe des vierges reste sainte et que, lorsqu'elles sortent, elles aillent deux par deux, car nombreuses sont les compagnies de l'ennemi. Que leur démarche, leur allure suive une règle stricte, afin qu'elles soient sauvées. Sinon, leur fruit sera vide 583 . 37 [143] Barthélemy, mon frère, transmets ces

580. Cf. Mt 5, 28. 581. Cf. Ac Pierre fragment copte. 582. Cf. Gn 3, 6. 583. Cf. 1 Co 15, 58. Le Vaticanus graecus 808 suit alors le texte de C qui prolonge longuement la fin du paragraphe.

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recommandations à Stachys et établis-le chef et évêque de l'église, afin que lui-même devienne à son tour un bon enseignant. Ne confie de charge à aucun jeune 584 ; n'établis aucun d'eux dans une chaire d'enseignant, pour ne pas profaner le témoignage du Christ. Car celui qui enseigne doit conformer ses œuvres à ses paroles, afin que la parole soit en tout temps assaisonnée 585 de la gloire du Christ. « Quant à moi, suspendu la tête en bas, je prends congé de mon corps. Ce corps, prends-le et ensevelis-le dans des bandelettes de papier de Syrie et ne mets pas de linceul de lin, puisqu'on en a mis un sur le corps de notre Seigneur 586 . Enserre mon corps de bandes de papier et de papyrus et enterre-le dans la cour de l'église. Restez quarante jours à prier pour moi, afin que Dieu me pardonne la transgression que j'ai faite en rendant le mal à celui qui m'avait fait le mal 587 , et afin qu'il ne m'advienne pas la même chose dans l'autre monde pendant quarante jours. »

Prière finale de l'apôtre 38 [144] Ayant ainsi parlé, Philippe pria en ces termes:« Mon Seigneur Jésus-Christ, père des siècles, roi de la lumière, toi qui nous as rendus sages par ta sagesse ; toi qui nous as donné la haute connaissance; toi qui nous as gratifiés du dessein de ta bonté; toi qui jamais ne t'es séparé de nous; c'est toi qui délivres de la maladie ceux qui se réfugient auprès de toi; c'est toi qui nous as donné l'assurance de ta sagesse inexprimable; c'est toi qui nous as donné des signes et des miracles pour ceux dont la foi est faible ; c'est toi qui accordes la couronne aux vainqueurs ;

584. Cf. 1 Tm 3, 6. 585. Col 4, 6. 586. Cf. Mt 27, 59; Mc 15, 46; Le 23, 53. 587. En A et C la fin du paragraphe diffère (cf. Ac PhM 37 [Appendice Il]-41).

238

ACTES DE L'APÔTRE l'HIL!l'l'E

c'est toi qui institues nos joutes et qui nous fais don de la couronne de joie; toi qui nous parles pour nous donner la force de résister à ceux qui veulent nous nuire. C'est toi qui sèmes, qui moissonnes, qui multiplies, accrois et vivifies tous tes serviteurs. Les épreuves et les menaces nous sont une aide et une force, pour ceux qui viennent à toi grâce à nous tes serviteurs. Viens, Seigneur 588 , et accorde-moi la victoire et la couronne aux yeux des hommes. Que leur voile de ténèbres ne me couvre pas et que leur fumée ne brûle pas la forme de mon âme, afin que je franchisse les eaux de l'abîme et ne m'y engloutisse pas. Mon Seigneur Jésus-Christ, que l'ennemi ne trouve pas le moyen de m'accuser devant toi, qui es le vrai juge. Revêts-moi plutôt de ton étole lumineuse 589 et donne-moi ton sceau glorieux 590 , jusqu'à ce que j'aie laissé sur mon passage tous les puissants de ce monde et le dragon malin. Fais que je te rencontre dans les nuées de l'air, et accorde-moi la grâce de me remettre la faute que j'ai commise en rendant le mal à mes ennemis. Transforme la forme de mon corps en la conformant à l'image 591 de ta gloire. Et accorde-moi de reposer dans la gloire de ta félicité, en me faisant entrer dans ce que tu as promis à tous tes saints, aux siècles des siècles, amen. »

Mort de Philippe. Barthélemy et Marianne accomplissent ses dernières volontés 39 [145] Ayant dit ces mots, il rendit l'esprit sous les yeux de la foule assemblée.

588. Dans la seconde partie de sa prière, Philippe demande au Seigneur de pouvoir traverser victorieusement les épreuves de l'au-delà pour parvenir au lieu du repos. 589. Cf. Ac Ph VIII, 6 note 365; XIV, 4. 590. Cf. Ac Ph VI, 12 note 277. 591. «La conformant à l'image»: Rm 8, 29.

MARTYRE

239

40 [ l 46] Barthélemy et Marianne le descendirent < de la croix> et le traitèrent comme il leur avait ordonné. 41 [147] Puis ils passèrent quarante jours à faire des offrandes et à prier douze fois par jour. Ils bâtirent l'église en ce lieu même et en établirent Stachys évêque. Ils laissèrent le léopard et le chevreau dans l'église, Nicanora prenant soin d'eux jusqu'au jour de sa vie 592 . Eux-mêmes ne cessèrent de glorifier Dieu pour les merveilles qui leur arrivaient; en effet, de la tête de l'apôtre une essence parfumée se mit à sourdre wi. Quant à Barthélemy, il donna l'ordre à Stachys de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Apparition du Seigneur sous les traits de Philippe. Départ de Barthélemy et de Marianne 42 [l 48] Quarante jours plus tard 594 , le Seigneur prenant la forme de l'apôtre Philippe 595 apparut en vision à Barthélemy et Marianne et leur dit: «Mes frères bénis, j'ai trouvé le repos dans le réceptacle du Père et dans ses demeures lumineuses. Partez vers le lieu qui vous est échu ; car la plante qui a pris

592. L'expression «jour de sa vie» est une métaphore de la mort conçue comme une naissance à la vraie vie. 593. À la place de l'essence parfumée, les deux recensions A et C ont le motif de la vigne (cf Ac PhM 37), qui ressemble fort à une retouche dans un sens orthodoxe. 594. Les quarante jours de prières et d'offrandes qui s'écoulent du décès de l'apôtre à son entrée dans le paradis pourraient avoir correspondu à une période de festivités en l'honneur de Philippe. Si l'on retient la date occidentale, mais d'origine orientale, de la fête de l'apôtre Philippe, le re' mai, et qu'on la considère comme celle de la fin des festivités, celle de l'apothéose de l'apôtre, ce festival de quarante jours recouvrirait exactement celui de Cybèle qui débutait le 23 mars, deux jours avant l'équinoxe de printemps selon l'ancien calendrier (cf Ac PhM 39 [Appendice II]; Bibliographie)! 595. Cf. Ac Paul 21; Mart Paul 6; Ac Thomas r r; Ac Pierre 22.

240

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

racine dans cette ville portera de bons fruits. » Ayant embrassé leurs frères et prononcé une prière sur chacun d'eux, ils sortirent de la ville et partirent chacun dans sa direction propre, selon ce que le Seigneur leur avait dit. Barthélemy partit en Lycaonie, Marianne vers le fleuve Jourdain; quant à Stachys et ceux qui l'entouraient, ils restèrent à instruire l'église en Christ Jésus notre Seigneur, à qui la gloire et la puissance, à lui ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, honneur, adoration et magnificence, maintenant et à jamais et aux siècles des siècles, amen 596 .

596. «Amen» : le Xenophontos 32 porte à cet endroit la signature du scribe : «De la main de l'humble Jacques le misérable et haillonneux. >>

Appendice 1 Variantes du Vaticanus graecus 824

Ac Ph II, 15 [20] «Une colonne de feu apparut qui descendait du ciel jusque sur la terre au milieu de la foule entourant l'apôtre, si bien que l'assistance ne pouvant supporter< ce spectacle >tomba face contre terre, et la crainte et le tremblement les saisirent tous». Ac Ph III, rr-17 [33-35]

« Les matelots furent pris d'une grande inquiétude, ne sachant que faire, aussi commencèrent-ils à jeter à la mer la cargaison et, prenant congé les uns des autres, ils se lamentaient. [34] À la vue de leur désarroi, l'apôtre du Christ se leva de l'endroit où il se reposait et dit : "N'ayez pas peur, les gars : il n'y aura aucune perte, ni de l'un d'entre nous, ni du vaisseau." 12 Puis il alla se placer à la proue et cria de manière à être entendu de tous : "Mer, mer, il te l'ordonne, Jésus-Christ, par moi son serviteur, lui qui a marché sur tes eaux, de réprimer la fureur déchaînée de ton emportement." Et à l'instant de la parole de Philippe, ses flots devinrent d'huile. Devant ce spectacle, les matelots tombèrent aux pieds de Philippe en disant: "Nous te remercions, serviteur de Dieu, car c'est par ton intermédiaire qu'il nous a été fait grâce de la vie. Dis-nous donc ce que nous devons faire, pour devenir des serviteurs du Jésus que tu annonces." [3 5] Alors l'apôtre commença à leur enseigner, à partir des Écritures, ce qui concerne le Fils de Dieu et dit: (... ) ». Ac Ph IV, 4 [40-42]

'' " (... ) à moi; mes compagnes se moquent de moi et j'ai honte; je ne puis plus supporter ces souffrances." Alors son père lui dit: "Mon âme chérie, quel médecin reste-t-il que je

242

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

puisse amener auprès de toi? N'ai-je pas non seulement fait venir Leucius, le médecin du roi, ainsi que les médecins de tout le palais, mais encore Éli dès, l'eunuque de la reine, et Selgia, la chambrière de la reine, qui détient des drogues et toute sorte de médecines, et personne n'a été capable de te guérir?" Elle répondit: 'Je sais, père, je sais que tut' es donné du mal pour moi; mais ce que je demande maintenant, fais-le pour moi. Voici, j'ai entendu cette nuit la voix d'un médecin étranger qui proclamait des remèdes étranges dans tes dépôts. Lui seul peut me guérir. En effet, tandis que je prêtais l'oreille, je trouvais un grand soulagement à mes douleurs. C'est pourquoi, je t'en prie, père, et t'en supplie, appelle-le auprès de moi :je sais que je serai guérie." [41] Alors Nicoclidès partit en hâte vers les dépôts et chercha l'étranger. Ayant trouvé Philippe assis, il lui dit : "Est-ce bien toi le médecin étranger qui est de passage dans cette ville?» Philippe lui dit en réponse: "C'est Jésus qui est mon médecin, le guérisseur des maux cachés et des maux visibles. Je m'en vais donc avec toi." Philippe se leva pour se rendre dans la maison de Nicoclidès et trouva la fille de celui-ci qui pleurait amèrement. [42] Alors son père lui dit: "Pourquoi pleures-tu, mon enfant? Voici, j'ai amené ton médecin." Elle répondit: "Tu as bien fait, père, car aujourd'hui, tu as apaisé mon âme." Puis l'apôtre lui dit: "Sois sans crainte, jeune fille, les remèdes de mon médecin vont te donner à l'instant la guérison." Lorsqu'elle entendit cela, la jeune fille tomba face contre terre et se prosterna devant lui en disant: "Je me prosterne devant le médecin qui est en toi. Voici, je veux asperger d'eau pure ma maison pour la venue de ton médecin et m'étant dépouillée de mes vêtements de lin fin, je les étendrai sous ses pieds. Homme du Dieu véritable, viens à mon aide, car je sais que tu le peux." Puis elle dit à son père : "Faisons entrer l'homme de Dieu plus à l'intérieur afin qu'il voie la plaie qui couvre tout mon visage."» [Sur la purification de la maison avec del' eau, cf Ac Pierre 19.]

APPENDICE I

243

Ac Ph IV, 5 [43] «À sa vue, Philippe la réconforta, elle et son père, leur enseignant et leur transmettant ce qui concerne Jésus : "C'est lui le seul, le Fils unique du Dieu céleste ; si vous croyez en lui, vous vivrez pour tous les siècles." Puis Charitiné dit à l'apôtre: "Je te prie donc, serviteur de Dieu, guéris ma douleur( ... )".»

Ac Ph V, 8 [49-50] « Philippe répond : "C'est la volonté du Dieu en vertu duquel

je suis venu, que ceux qui ont cru ne déchoient pas, mais vivent dans le Christ et bénéficient des promesses qu'il a faites en vue de leur salut." [50 J Iré os dit alors à Philippe : "Serviteur de Dieu, si j'ai trouvé grâce devant toi, entre dans ma maison, si j'en suis digne, etj'en ferai une salle d'assemblée de chrétiens." Philippe lui dit: "Rentre d'abord dans ta maison et purifie-la." Et lui de demander: "Et comment, Seigneur, la purifierai-je?" Philippe répond (... ) ». Ac Ph V, 25 [63] « Il

se mit alors à leur enseigner ce qui concerne la foi et le Fils de Dieu. Et après les avoir catéchisés, eux et toute la maisonnée, il les baptisa au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Nous demeurâmes dans leur maison, un mois entier, instruits et guidés par Philippe dans la connaissance véritable. » Ac Ph VI, 17 [81] « Il y avait en effet chez ces gens une coutume inique : quand mourait un riche, on brûlait avec lui serviteurs et servantes; et ils faisaient pire encore : nombre d'entre eux entraînaient dans la mort leurs propres épouses. » [Cf Ac PhM 2].

244 Ac Ph VI,

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

21-22

[85-86]

« Après que de cette façon, tous eurent trouvé la foi en notre Seigneur Jésus-Christ, [86] le lendemain, dès l'aube, Philippe commença à catéchiser et à baptiser au nom de la sainte et consubstantielle Trinité; puis, ayant pris avec lui Iréos et les premiers citoyens, il parcourut la ville, détruisant les sanctuaires des idoles et bâtissant à leur place des églises saintes, ordonnant des prêtres et autres clercs, après leur avoir exposé les règles disciplinaires et liturgiques à la gloire du Christ, si bien qu'ils étaient exaltés et fortifiés dans la foi. »

Ac Ph VII, 4-5 [90-91] « ( ... ) suivaient son enseignement. Il leur disait: "Mes frères, je désire que la bonne odeur de votre foi soit manifeste en tout lieu. Extirpez donc de vous toute malice et toute méchanceté, injustice, jalousie, querelle, malveillance et rivalité, afin que vous soyez reconnus doux dans la foi et valeureux dans les bonnes œuvres. Je sais bien que vous ne déchoirez pas de l'espérance en Christ et qu'il ne vous abandonnera jamais, car il vous dirigera dans le droit chemin devant lui." 5 [91] Après avoir tenu ces propos, Philippe saisit par le bras Iréos, l'établit comme évêque et l'affermit sur ce qu'il avait entendu et sur tout ce qu'il lui avait été donné de voir. Philippe lui dit: "La paix soit sur toi, qui nous a été donnée de la part de notre Seigneur Jésus-Christ, et la miséricorde." Et tous les frères clamèrent: "Il est digne, il est digne, il est digne." Philippe pria pour Iréos afin que la douceur habite en lui, qu'il puisse paître les frères dans la foi, et que toute demande bonne qu'il adresserait à Dieu, lui soit accordée. Puis Philippe se tourna vers les frères et leur dit: "Quant à vous, mes enfants, servez-le dans la soumission, lui dévoilant comme à un père vos pensées. Et que la paix de Dieu soit avec vous pour toujours. Car pour ma part, je dois m'en aller."»

APPENDICE I

245

Ac Ph VII, 7 [93] « "Allez en paix et intercédez pour moi auprès du Christ, afin qu'il me dirige dans le droit chemin devant lui dans la paix. Et la gloire du Père et du Fils et du Saint-Esprit sera avec vous pour l'éternité." 8 Alors tous tombèrent face contre terre et se prosternèrent par trois fois devant l'apôtre. Puis, l'apôtre s'étant remis en route, tous tombèrent à nouveau face contre terre, jusqu'à ce qu'il ne fût plus qu'une silhouette à leurs yeux. Gisant à terre, ils criaient : "Bénis-nous, maître et guide de nos âmes." Lorsqu'il se fut éloigné au point que leurs yeux ne le voyaient plus, ils se relevèrent et rentrèrent chez eux en pleurant et en se remémorant la beauté et la douceur de l'enseignement de Philippe, l'apôtre du Christ, et en glorifiant notre Seigneur Jésus-Christ. »

Ac Ph VIII, 4 [95] « "Ces gens-là adorent, en effet, la vipère, la mère des serpents. Et toi, Marianne, change d'apparence et tout ce qui, dans ton extérieur, rappelle la femme, puis, de la même manière, metstoi en route en compagnie de Philippe". Ensuite, Jésus dit à Philippe: "Pourquoi as-tu douté, ô Philippe, n'as-tu pas entendu mon enseignement: Voici, je vous envoie ( ... )." »

Le martyre de saint Philippe pendu la tête en bas devant Barthélemy et Marianne. Miniature du ms. Sinaï 500, f" 175 v 0 (XF siècle). (Cliché: K. WE!TZMANN & G. GALAVRJS, The lWonastery of Saint Cathen'ne at Mount Sinai, Princeton, 1990, pl. LXXXVIIb).

Appendice II La forme longue du Martyre de Philippe contenue dans le manuscrit Vaticanus graecus 808

Introduction

Comme indiqué plus haut (voir Introduction, p. 33 n. 27, 5354), on connaît aujourd'hui trois formes du Martyre de Philippe, appelées par convention A, B et C. On trouvera ici la traduction du texte du Vaticanus graecus 808, un manuscrit en parchemin du xi" siècle, qui correspond à la recension A, plus longue au début que la recension B donnée par le Xenophontos 32. L'intérêt de cette seconde version est double. Le texte du Vaticanus graecus 808 constituant une sorte de synthèse, souvent redondante, des trois formes A, B et C, on s'épargne ainsi une troisième traduction du Martyre. En outre, par la reprise littérale de la fin de l'Acte XIV (Ac Ph XIV, 8-9) en Ac PhM 2, il représente un témoin important pour la reconstitution du début du Martyre. Les recensions A et B débutent toutes deux au paragraphe l, tandis que la recension C ne comn1ence qu'au paragraphe 17. Toutefois, le texte des trois recensions ne devient véritablement commun qu'en Ac PhM 19, ce qui invite à repérer à cet endroit le début original du Martyre. En outre, c'est avec la mention du tribunal de Tyrannognophos que se clôt l'Acte XV (Ac Ph XV, 7) et que s'ouvre Ac PhM 19 [AC]. Les paragraphes 1-2.3-14. l 5-18 seraient à considérer, en effet, comme

248

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

une compilation de différentes introductions adventices rendues nécessaires pour la compréhension de l'histoire de la mort de l'apôtre, lorsque le Martyre, qui, à l'origine, prolongeait l'Acte XV ou s'appelait peut-être «Acte XVI», a été détaché du reste des Actes de Philippe, vraisemblablement pour des raisons de pratique liturgique. Les copistes-éditeurs ont donc pourvu le Martyre de résumés remontant plus ou moins haut dans les épisodes qui précèdent. Celui du Vaticanus graecus 808 est remonté jusqu'à l' Acte XIV dont il cite la fin. L'auteur de la recension A est parti du début de l'Acte XV, comme l'indique le sous-titre propre à cette recension « À partir de l' Acte quinzième jusqu'à la fin, dont le Martyre ». La confrontation de l'Acte XV, parvenu grâce au Xenophontos 32, et du début du Martyre, selon la recension A, laisse toutefois apparaître d'importantes divergences. Mais elles s' expliquent par le souci d'orthodoxie de cette recension et le soin de l'éditeur du Xenophontos 32 d'éviter les doublets, ce qui l'a conduit à retoucher les Actes XIV et XV, moins précieux que le Martyre, à ses yeux. Ainsi, l'enseignement de Philippe sur le serpent (Ac PhM 36) et le récit détaillé de la conversion de Nicanora (Ac PlzM 7I r) dans le Vaticanus graecus 808 trouveraient, par exemple, une place assez naturelle à l'Acte XV, à la place d'Ac Ph XV, 2-3. Le thème du serpent pourrait, en effet, avoir servi de fil conducteur, car il est annoncé au début de l'épisode 1 et repris dans la prière nocturne de Nicanora 2 . Quant à la scène de ménage entre Nicanora et Tyrannognophos (Ac PhM 12-14), dont on lit

1. Ac Ph XV, r : «Les serpents de la ville la mordaient, car elle était étrangère. Son corps fut blessé par leur venin( ... ).» 2. Ac Ph XV, 7 : «Je suis prète à endurer la maladie du corps et les plaies des serpents (... ).Les poursuites des serpents ne sont rien, si j'entends tes paroles. »

APPENDICE II

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la fin en Ac Ph XV, 7, elle aurait eu lieu non chez Stachys, mais au domicile conjugal. Il demeure toutefois difficile d'expliquer pourquoi la colère de Tyrannognophos, et donc le déclenchement du scénario du Martyre, est suscitée tantôt par l'apparition de Jésus dans la chambre de Nicanora (Ac Ph XV, 7), tantôt par la présence de celle-ci auprès des apôtres (Ac PhM 12).

Acte et 11.1.artyre du saint et glorieux apôtre Philippe

Date du ministère de Philippe r [107] En ce temps-là, l'empereur Trajan ayant accédé au pouvoir des Romains, après que, lors de la huitième année de son règne, Simon, fils de Clopas, alors évêque de Jérusalem, second évêque de la sainte Église qui se trouve là, après Jacques, qui porte le titre de frère du Seigneur, eut subi le martyre, le trois fois bienheureux et saint apôtre Philippe qui parcourait les villes et les villages de Lydie et d'Asie, prêchait à tous l'évangile du Christ.

Rappel des hauts faits de l'apôtre 2 [ ro8] Et étant arrivé dans la ville d'Ophiorymé, appelée aussi Hiérapolis d'Asie, il fut accueilli par un homme riche du nom de Stachys; il était accompagné de Barthélemy, l'un des soixante-dix apôtres du Seigneur, de sa sœur Marianne et des animaux qui avaient été transformés 3 , le léopard et le chevreau. Leur aspect avait une similitude avec la forme humaine, mais ils continuaient d'apparaître aux hommes d'alors comme ils étaient, avec l'apparence et l'attitude d'animaux dépourvus de raison. Et les habitants de cette région avaient leur attention

3. «Et des animaux qui avaient été transformés (... ) selon ses œuvres » (Ac Phlv1 2) : ce développement est propre au Vaticanus ,;;raecus 808.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

attirée sur eux et lorsqu'ils les entendaient converser avec les apôtres, tous, ils s'étonnaient et restaient stupéfaits. Il était, en effet, vraiment étonnant et tout à fait extraordinaire de voir un animal sauvage, un fauve et un chevreau converser avec la voix et la ressemblance des êtres humains. Quant à Stachys 4 , c'était un homme très riche, le premier de la cité, et il souffrait des yeux ne voyant absolument plus rien depuis quarante ans. Lorsqu'il entendit leur prédication et leur enseignement, il crut en notre maître et sauveur Jésus-Christ, puis, après avoir reçu le baptême, aussitôt il recouvra la vue et se mit à glorifier Dieu. De ses yeux tombèrent alors comme des écailles 5 de poisson, semblables au blanc visqueux et gluant des œufs 6 . Le bruit ayant couru 7 dans toute cette cité, certains disaient: «Venez voir des hommes pieux, dont l'un a ouvert les yeux de Stachys après que celui-ci fut resté quarante ans durant sans voir du tout la lumière. Peut-être la puissance de Dieu se trouve-t-elle en lui, puisque l'art des médecins ne peut pas accomplir un tel prodige et une si grande guérison?» Une foule nombreuse, oui innombrable, s'était rassemblée dans la maison de Stachys à cause de Philippe, de ceux qui étaient avec lui et à cause des guérisons qu'il accomplissait. Et tous accouraient, voulant voir tous les malades guéris, les démoniaques, les hydropiques, les paralytiques, les ictériques recouvrer la santé.

4. de l'inflammation de tes yeux? Maintenant donc, si tu refuses de me dire comment tu as été guérie et qui est ton médecin et quel est son nom, je te châtierai de divers châtiments et je serai sans pitié pour toi. » I 3 [II 9] Nicanora lui dit en réponse : « Ô très méchant et insensé Tyrannos, bannis loin de toi esprit tyrannique et terreur et oublie ta méchanceté, afin que tu vives pour l'éternité, abandonne cette vie passagère et pleine de maux, renonce à la sauvagerie de ta vile pensée, fuis le dragon cruel et ses convoitises, rejette loin de toi les instruments et les dards du serpent meurtrier, renonce aux convoitises abominables et maudites des idoles, qui sont vergers de l'ennemi et enclos obscur. Mais embrasse une vie respectable et pure, afin qu'étant dans la piété et la sainteté tu puisses connaître mon bon médecin et soutenir son saint nom. Si donc tu veux que je vive auprès de toi, prépare-toi à demeurer dans la pureté, dans la continence et dans la crainte profonde du Dieu véritable, et alors je partagerai ta maison tout le temps de ma vie 19 . »

19. La recension A porte en plus: «purifie-toi des idoles et de toute leur souillure. >>

APPENDICE II

257

Fureur de Tyrannographos. Arrestation et torture des apôtres 14 [120] En entendant ces paroles, Tyrannographos, son mari, la saisit par les cheveux 20 , la traîna 21 en lui donnant des coups de pied et dit : « Il vaut mieux que par moi tu périsses par le glaive plutôt que je te voie en train de te prostituer avec ces sorciers, ces étrangers. Je constate, en effet, que tu as été séduite et que tu as succombé à leur magie. Je vais donc d'abord te faire périr de male mort, et ensuite, sans épargner ces gens, je leur réserverai un traitement atroce et les tuerai de la pire manière. » Et s'étant tourné plein de colère, il dit aux bourreaux qui l'accompagnaient: «Faites-moi sortir ces sorciers et ces imposteurs! » Alors les bourreaux se précipitèrent dans la maison de Stachys comme des bêtes sauvages, arrêtèrent l'apôtre du Christ Philippe, Barthélemy et Marianne, les firent sortir hors de la maison et les traînèrent sans pitié et cruellement, les amenant jusqu'à l'endroit où se tenait le proconsul. Le très fidèle Stachys et tous les fidèles les suivaient. 1 5 [r 2 r] À leur vue, le proconsul grinça des dents comme une bête sauvage et dit: «Emmenez-moi ces sorciers et ces charlatans qui ont égaré tant d'hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes filles et qui se prétendent pieux alors qu'ils ne sont qu'abominations ! »Et ensuite il ordonna d'apporter des lanières de cuir vert et de fouetter vigoureusement l'apôtre Philippe, Barthélemy et Marianne. Après qu'on les eut longuement fouettés avec les lanières, il ordonna de les lier par les pieds et de les traîner de par les places de la ville jusqu'à la porte de leur sanctuaire. Une foule nombreuse se rassembla alors pour contempler ce supplice cruel - au point que personne pour ainsi dire n'était resté à la maison - tous s'étonnaient de

20. Littéralement: «par les cheveux de sa tête». 21. Sur le verbe traîner, cf. Ev Pierre 6.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

leur persévérance et de leur endurance, car ils étaient traînés violemment et sauvagement. Ils s'étonnaient fort du léopard et du chevreau, qui parlaient comme des hommes. 16 [122] Puis le proconsul ayant torturé de manière terrible et inhumaine les saints qui entouraient l'apôtre Philippe, il ordonna de les faire entrer dans le sanctuaire de la vipère 22 et de les y emprisonner jusqu'à ce qu'il ait décidé de quelle mort il ferait périr chacun d'eux. Mais nombreux étaient ceux parmi la foule qui avaient trouvé la foi dans le Maître, Christ, par la grâce et la providence du Sauveur et qui s'étaient attachés à l'apôtre Philippe et à ceux qui étaient avec lui, ayant renié la vipère vénérée par les prêtres et la table 23 des serpents. Ils étaient affermis par les apôtres dans la foi et fortifiés par lapersévérance des saints, si bien que tous d'une seule voix glorifiaient Dieu en disant l'amen.

Dialogue de Tyrannographos et des prêtres de la vipère 17 [123] Lorsque Philippe l'apôtre, Barthélemy et Marianne furent enfermés dans le sanctuaire de la vipère, les prêtres de la vipère se réunirent au même endroit et une foule nombreuse d'environ sept mille hommes accourut auprès du proconsul en hurlant d'une seule voix : « ô proconsul Tyrannographos, vengenous des étrangers, des sorciers, des corrupteurs et de ceux qui ont égaré les gens. Depuis qu'ils sont arrivés chez nous et qu'ils sont entrés dans notre ville, notre ville est infestée de toute mauvaise et funeste pratique ; ils ont tué les serpents, les fils de la vipère notre déesse; ils ont fermé le sanctuaire, l'autel est déserté et nous ne retrouvons pas le vin offert à la vipère pour qu'elle

22. Sur le motif de l'emprisonnement des apôtres dans le sanctuaire de la vipère, cf Ac Paul papyrus de Heidelberg p. 37-38. Le récit de l'arrestation tumultueuse des apôtres paraît emprunter plusieurs motifs à celui de la mésaventure de Paul et Silas à Philippes (cf. Ac r6, 22-26). 23. Il s'agit de l'autel vraisemblablement (cf Ac PhM 17).

APPENDICE II

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s'endorme après l'avoir bu. Et même de nombreuses femmes et fiancées s'en sont allées vers eux et ont fui leurs époux. Et si tu veux vraiment la preuve que ce sont des sorciers, observe et vois ce fauve et ce bestiau qui parlent comme des hommes. Et ce n'est pas tout, ils disent de plus avec assurance: "Vivez dans la pureté et la sainteté, après avoir cru en Dieu, puisque autrement vous ne pouvez être sauvés." Quant à nous, nous sommes stupéfaits : comment ont-ils pénétré dans notre ville? Comment les dragons ne les ont-ils point aveuglés ou fait périr? Comment se fait-il qu'ils n'aient pas bu leur sang, mais que ce soient les dragons eux-mêmes qui, commis à la garde de notre ville contre tout étranger, aient été terrassés par ces sorciers ? » 18 (124] Ce qu'entendant, le proconsul s'embrasa encore davantage de colère et fut rempli de folie furieuse; il était très inquiet et irrité, disant aux prêtres : «Pas de doute, ce sont vraiment des sorciers et ils ont ensorcelé ma femme! C'est pourquoi elle me tient des propos étranges 24 et c'est la raison pour laquelle elle passe toute la nuit en prière, brillant d'une lumière étrange 25 , et qu'elle dit en gémissant : "Elle est venue à moi, la lumière véritable, Jésus; elle est venue, l'attente et la rédemption des nations; elle est venue, la lumière du monde." Et moi, entendant cela, je suis sorti de ma chambre, j'ai voulu l'épier par le guichet pour voir celui qu'elle appelait Jésus. Et aussitôt comme un éclair m'atteignit et il s'en fallut de peu que je ne fusse rendu aveugle; et depuis ce moment-là, ma femme me fait peur à cause de son Jésus lumineux. Dites-moi donc, prêtres, ce que je dois faire. » Les prêtres lui répondirent:

24. L'antimontaniste anonyme accuse aussi Montan de tenir des propos étranges (cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique V, r6, 7). Ce serait un petit indice en faveur de l'appartenance des encratites et des montanistes à un même climat spirituel, empreint d'enthousiasme et affectionnant l'extase. 25. Cf. Ac Pierre 2 r.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

« Ô très puissant proconsul, nous, dès maintenant, nous ne sommes plus prêtres; en effet, depuis que tu les as emprisonnés dans le sanctuaire, lorsqu'ils prient, non seulement le sanctuaire a été ébranlé, mais il va rapidement s'écrouler. Agis à leur égard comme bon te semble. »

Comparution des apôtres au tribunal, puis leur supplice 19 [125] Alors l'inique proconsul ordonna de les faire sortir du sanctuaire et de les faire comparaître au tribunal en disant aux bourreaux: « Dévêtissez-les d'abord et fouillez-les< pour découvrir > leurs sortilèges. >> Les soldats se rendirent donc au sanctuaire de la vipère et ils dévêtirent en premier Philippe, ensuite Barthélemy; puis ils allèrent vers Marianne, la brutalisèrent disant: «Mettons-la à nu afin que tous voient comment, étant une femme, elle suit des hommes, car c'est elle surtout qui trompe toutes les femmes. >> Lorsqu'ils arrivèrent au tribunal, le proconsul dit aux prêtres : « Proclamez dans la ville que tous les hommes qui s'y trouvent ou qui sont aux champs, et que toutes les femmes doivent venir ici et constater son indécence 26 , parce qu'étant femme, elle a commerce avec ces sorciers et certainement fornique avec eux. » Après cela et tandis qu'une grande foule s'était rassemblée, il ordonna de saisir le bienheureux Philippe, de lui percer les chevilles, et ensuite d'apporter les crocs de fer, de les lui passer dans les talons et de le pendre la tête en bas devant le sanctuaire à un arbre qui se dressait à proximité du sanctuaire. Semblablement ils se saisirent de Barthélemy et l'écartelèrent face à Philippe et agrafèrent ses mains contre la paroi de la porte du sanctuaire. 26. C a une fin de phrase différente: « ( ... ) afin de constater son indécence et qu'ils apprennent qu'elle ment lorsqu'elle dit : 'Je ne suis pas une femme, mais comme un homme." Elle les accompagne et il ne fait pas de doute qu'elle a commerce avec eux.»

APPENDICE II

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l'vlétamorphose de Marianne 20 [126] Après cela, Philippe et Barthélemy sourirent tous deux en se voyant l'un l'autre, comme s'ils n'enduraient aucune torture 27 ; leurs châtiments en effet et leurs épreuves étaient autant de récompenses et de couronnes. Mais lorsqu'ils voulurent dévêtir et mettre à nu Marianne, aussitôt la nature de son corps se modifia aux yeux de tous et il y eut autour d'elle une nuée de feu, de sorte qu'ils furent totalement incapables d'approcher ou de regarder vers le lieu où se trouvait la sainte, mais tous s'enfuirent loin de sa face.

L'apôtre jean intervient en faveur de Philippe, Barthélemy et Marianne 21 [127] Alors, très affligé et irrité, le bienheureux Philippe s'adressa à Barthélemy en langue hébraïque, disant ces mots: « Frère Barthélemy, où est le Seigneur notre Dieu qui a dit : "N'ayez pas peur de ceux qui mettront à mort votre corps 28 , car je suis avec vous tout le temps 29 "? Où sont ses avertissements et ses enseignements: 'Je ne vous laisserai pas seuls 30 , mais je serai toujours votre aide 31 et votre défenseur 32 "? Où est aujourd'hui, le troisième jour, notre frère Jean? Et au jour de notre combat suprême, nous sommes vraiment abandonnés. Car voici, moi je quitte les liens de ce corps, et qui va prier pour nous? Parce qu'ils ont même porté la main non seulement sur nous, mais encore sur notre sœur Marianne, l'outrageant indécemment. Ils ont flagellé aussi le léopard et le petit chevreau, ils

27. Cf. Ev Pierre IO. 28. Cf. Mt IO, 28; Le 29. Cf. Le 15, 3r. 30. Cf.Jn 14, 18.

I2,

4.

31. Cf. He 13, 6. 32. Ce titre prêté au Seigneur ne figure pas dans le Nouveau Testament.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

ont même bouté le feu à la maison de Stachys en disant : "Incendions-la, puisqu'elle seule les a accueillis dans notre ville." Veux-tu donc, frère Barthélemy, qu'à notre tour, nous disions au feu de descendre du ciel et de les brûler tous vivants?» 22 [ r 28] Alors que le bienheureux Philippe tenait ces propos à Barthélemy, voici que Jean pénétra dans la ville, se présentant comme leur concitoyen, et parcourant la grand-place, il posait des questions aux habitants de la ville en disant : « Qui sont ces hommes et pourquoi sont-ils châtiés de la sorte? » On lui répondit : « Toi, n'es-tu donc pas de notre ville pour que tu poses des questions au sujet de ces hommes étrangers qui sont venus chez nous? Ces gens ont fait du tort à beaucoup d'hommes et < les > ont bouleversés à cause de leurs épouses et de leurs filles; de nombreuses épouses, en effet, se sont séparées de leur mari et de nombreuses jeunes filles sont restées sans mari sans motif valable. Ils ont même fermé les temples de nos dieux et par leur sorcellerie, ils ont anéanti les serpents et les dragons qui vivent dans notre ville comme des dieux, en proférant une appellation étrange que nous n'avons jamais entendue. Ils se sont fixés dans la maison de Stachys l'aveugle, auquel ils ont rendu la vue par la salive et la sorcellerie qu'ils portent en eux. Il y a de plus dans leur cortège un léopard et un petit chevreau qui parlent comme des hommes 33 . Ils te parleront à toi aussi de telles choses et pour sûr tu en seras troublé toi aussi. Ils disent de plus de notre déesse la vipère, que toute notre cité vénère, que ce n'est pas un dieu. Exacerbés,

33. C est plus développé sur le léopard et le chevreau : «Ils ont un léopard et un chevreau qui s'expriment à haute voix en langage humain, répétant à tout moment: "Christ, notre sainte part." Se tenant sur leurs pattes postérieures, ils font sur leur visage avec leurs pattes antérieures le signe de la croix en se disant l'un à l'autre : "La paix du Christ et sa croix soient avec nous."

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APPENDICE II

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les prètres des divinités se sont mis en colère contre eux et redoutent d'ètre eux-mèmes anéantis par eux, qui sont des ennemis des serpents. Ils ont encore ressuscité de nombreux morts qui nous ont frappés de stupeur en nous rapportant en détail de nombreuses punitions et châtiments. Mème pendus, ils veulent demander au feu de descendre du ciel 34 et de nous brûler, nous et notre ville. » 23 [129) Jean leur répondit: «Allons, montrez-les-moi.» Ils conduisirent donc Jean là où l'apôtre Philippe se trouvait, à la porte du sanctuaire. Il y avait là une très grande foule, le proconsul et les prètres. En voyant Jean de loin, le bienheureux Philippe - Philippe était, en effet, pendu la tète en bas - dit à Barthélemy en langue hébraïque : « Ô mon frère Barthélemy, voici qu'est aussi venu Jean, celui qui est allé à Barek, c'està-dire l'eau vive.» Et lorsque Jean vit Philippe pendu la tète en bas par les chevilles et qu'il vit aussi Barthélemy écartelé contre le mur du sanctuaire, il leur dit en poussant un grand gémissement : « Le mystère de celui qui a été suspendu au milieu du ciel et de la terre sera avec vous, frères 35 . » 24 [130) Puis il dit aux habitants de cette ville:« Ô habitants d'Ophiorymé Hiérapolis, elle est grande l'ignorance qui est en vous. Vous vous ètes, en effet, égarés sur la voie de votre égarement et de son souffle le serpent, le dragon tortueux, a soufflé sur vous et vous a aveuglés de trois façons, c'est-à-dire qu'il vous a rendus aveugles du corps, aveugles de l'esprit et aveugles de l'âme, et vous avez été frappés par

34. La reprise de cette menace par les habitants de la ville, absente de la recension B, pourrait être un ajout maladroit, car Philippe s'était adressé en hébreu à Barthélemy (Ac PhM 21) afin justement de ne pas être compris de la population. 35. C est légèrement divergent : « Le mystère de celui qui a été suspendu dans le ciel et sur la terre et qui a été réparti dans !'atmosphère, s'est constitué. »

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

l'exterminateur 36 . Fixez maintenant votre regard sur toute la création, soit dans le ciel, soit sur la terre, soit dans les eaux, que le serpent n'a de similitude en rien avec les créatures ou les oiseaux, car il appartient seulement à la race de corruption et de perdition, aussi a-t-il été anéanti par Dieu parce qu'il est sinueux, parce qu'il est terrible et tortueux et qu'il n'y a aucune bonté ou vie en lui; bien au contraire, il y a de la fureur et de la colère, des ténèbres, du feu et de la fumée dans ses membres 37 . Et maintenant, pourquoi donc châtiezvous ces hommes en vain? Serait-ce parce qu'ils vous ont dit la vérité : "Votre ennemi, c'est le serpent"? Ils ont dit vrai. » 2 5 [ r 3 r] Lorsque les citoyens entendirent ces paroles de la bouche de Jean, ils portèrent la main sur lui en disant: «Nous, nous pensions que tu étais notre concitoyen, mais maintenant ta façon de parler a révélé que toi aussi tu as partie liée avec ces gens. Comme eux donc, toi aussi tu mourras. » Les prêtres décidèrent de les saigner, afin de mêler leur sang au vin pour l'offrir à boire à la vipère.

36. Cf. 1 Co io, ro. 3 7. C diffère et offre un développement très intéressant sur l'origine cosmique du serpent: « ( ... ) car il appartient à la race de la corruption et le serpent a été engendré par la bile de l'air; lorsque toute la matière, en effet, fut achevée et se déploya dans tout le système céleste, les créatures demandèrent au Créateur, fils de Dieu, de voir sa gloire. Et lorsqu'elles l'eurent contemplée, leur volonté devint alors bile et amertume; la terre devint le repaire de l'égaré; le rebut et l'excès de la création se concentra, formant comme un œuf, et aussitôt il en naquit le serpent. Or le serpent fut maudit par Dieu, c'est pourquoi il est sinueux et tortueux et il n'y a aucune vie en lui. » Ces lignes sont une reprise chrétienne polémique du motif mythologique de !' œuf primordial (cf. Pseudo-Clément, Homélies 6, 3-6.12). Typhon, comme Satan auquel il est assimilé, sont nés d'un œuf et si les encratites ne consommaient pas d'œufs (cf. Amphiloque d'Iconium, Contre les hérétiques 24), c'est probablement que cet aliment passait pour aphrodisiaque et leur rappelait par trop le serpent ovipare. Sur la transmission du mal, cf. Ac Ph VIII, 4 note 3 52.

APPENDICE II

265

Lorsque les prêtres voulurent porter la main sur Jean pour l'anêter, aussitôt leurs bras furent paralysés et Jean dit à Philippe : « Frère Philippe, ne leur rendons pas le mal pour le mal, selon le commandement de notre Maître et Seigneur. » Philippe répondit àJean: «Père Jean, où donc est-il, mon Seigneur Jésus-Christ qui m'a dit de ne pas me venger? Réellement, ma patience est à bout: je vais leur passer ma colère et les exterminer tous 38 . » Dialogue des apôtres et prière de Philippe 26 [ r 32] Alors Jean, Barthélemy et Marianne l'en empêchèrent en disant : «Non, frère Philippe, ne fais pas cela et ne leur rends pas le mal pour le mal, car notre Seigneur et Maître a été souffleté, flagellé, conspué, mis à la question, abreuvé de fiel et de vinaigre 39 , suspendu à la croix et déposé dans un tombeau, il a accepté d'endurer tout cela à cause de nous, et il disait: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font 40 . » Et non seulement cela, mais encore il nous a enseignés en disant : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur 41 . » Nous donc aussi, frère, persévérons un peu, afin d'être couronnés pour tous les siècles. »Le bienheureux Philippe leur répondit : «Éloignez-vous de moi et ne cherchez pas à me calmer, car je ne vous supporterai pas, du fait qu'ils m'ont pendu la tête en bas et qu'ils ont agrafé mes chevilles et mes talons avec des fers. Et cela fait cinq jours que je persévère et qu'ils ont écartelé Barthélemy l'attachant à des clous, mais de plus ils ont entrepris de traiter la vierge Marianne contre toute bienséance et l'ont traînée au milieu d' outrages insensés. Et toi, bien-ain1é de Dieu, Jean, tu as tant discuté avec eux et les

38. Ca en sus:«( ... ) c'est parce que je suis colérique que Jésus, en effet, m'a appelé fils du tonnerre.» (cf Mc 3, 17). 39. Ev Pierre r6. 40. Le 23, 34. 41. MtTT,29.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

as tant admonestés, et ils ne t'ont absolument pas obéi, c'est pourquoi laissez-moi faire, je vais les maudire et ils seront tous exterminés. » Et après avoir dit cela 42 , il commença à les maudire invoquant le Seigneur et disant en hébreu : « Seigneur Dieu grand et élevé, Père du Seigneur notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, Dieu unique, très-haut et tout-puissant, devant le nom duquel tous frémissent depuis toujours, juge puissant et impartial, dont le nom chemine dans la puissance et la justice, Éloé Sabaoth 43 ; tu es béni pour les siècles. C'est dans ton commandement, Maître, que tous les siècles ont leur assise, c'est devant toi que tremblent les pouvoirs, les autorités des puissances célestes, et c'est à toi qu'obéissent dans la crainte les puissances souterraines, parce qu'elles sont toutes ton ouvrage et à ton service; saint roi de la magnificence, dont le nom est parvenu jusqu'aux fauves du désert, qui se sont apaisés, tandis que les bestiaux de la plaine ont acquis des sensations et t'ont loué d'une voix sensée; toi qui toujours abaisses sur nous ton regard, qui combles avec empressement nos souhaits et qui nous as connus avant de nous avoir créés, toi qui nous exauces avant que nous t'en priions, toi qui nous regardes avant que nous nous soyons tournés vers toi, toi qui connais et sondes nos desseins avant que nous ayons été créés; le modérateur et le curateur de toutes choses et qui acçordes toujours ses compassions innombrables à ceux qui l'invoquent en vérité, exaucemoi, moi qui te prie en cette heure, que le grand enfer ouvre sa gueule ainsi que le grand abîme, et qu'il engloutisse ces

42. C est plus riche: «Alors Jean sortit de la ville sans être vu de personne, si bien que Philippe se mit à les maudire en criant en hébreu : "Saballona, proumouni, douthaèl, tharsalè, anachathaè, adonabab, batela, éloé"; c'est-à-dire: "Ô Père du Christ (... )."»Autres paroles pseudohébraïques, cf. Ac Ph II, r8; Ac PhM 9. 43. « Éloé Sabaoth » est la transcription d'une expression hébraïque de l'Ancien Testament traduite habituellement par «Dieu des armées».

APPENDICE II

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mécréants et ces impies qui n'ont pas voulu que la parole de ta vérité et de ta justice pénètre dans cette ville. Oui, Seigneur Sabaoth, exauce-moi, ton modeste et très humble serviteur, en cette heure, toi qui es un Dieu juste et impartial, parce que seul tu es puissant et glorifié pour les siècles des siècles. »

Engloutissement des impies 27 [ r 33] Et il avait à peine prononcé ces mots que tout ce lieu fut secoué et qu'aussitôt l'abîme s'ouvrit et que fut englouti tout ce lieu où se tenait le proconsul, jusqu'à l'endroit où se trouvait la vipère qu'ils vénéraient comme une déesse; et tous furent engloutis dans l'abîme, le proconsul, les prêtres de la vipère, des foules nombreuses et avec eux la vipère, soit sept mille hommes environ sans compter femmes et enfants 44 . Mais la SC::'cousse épargna et laissa fermes les lieux où se trouvaient les apôtres et tous ceux qui étaient avec eux, 28 [ r 34] la maison de Stachys, le mur du sanctuaire et sa façade contre laquelle était écartelé Barthélemy. Restèrent indemnes également Nicanora, la Juive, et vingt-quatre femmes qui avaient fui leurs maris et quarante vierges qui n'avaient point du tout connu d'homme; eux seuls ne descendirent pas dans l'abîme, du fait qu'ils avaient été scellés et illuminés dans la foi et le sceau du Christ. Tous les autres habitants de la ville furent C::'ngloutis dans l'abîme. Il se produisit des secousses effrayantes et la crainte était extrême et la plainte::' interminable. 27 [133 suite] Leurs grands cris montaient d'en bas en gémissant et ils disaient à Dieu : « Aie pitié de nous autres misérables, Seigneur, Dieu de tes glorieux apôtres, parce qu'à l'instant nous voyons les 45 peines réservées à ceux qui n'ont pas confessé le crucifié . Voici en effet, Maître, que ta croix nous illumine. Jésus-Christ,

44. Cf Mt 14, 21; r5, 38. 45. Cf Ar Ph I, 5-13 16.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

révèle-toi à nous autres indignes, car nous sommes tous descendus vivants dans l'enfer 46 et sommes châtiés cruellement, pour avoir injustement outragé et crucifié tes apôtres. » Alors Dieu, ami du genre humain, les ayant pris en pitié, une voix se fit entendre du ciel disant: «Je serai clément à votre égard par ma croix lumineuse.» 28 [ r 34] Mais demeurèrent en haut Stachys ainsi que toute sa maisonnée, la femme du proconsul, un nombre important d'hommes et de femmes et quarante vierges qui n'avaient pas été englouties grâce à leur pureté.

Apparition du Sauveur et dialogue avec Philippe 29 [ r 3 5] Alors le Sauveur apparut à Philippe et lui dit: « Ô Philippe, ne m'as-tu pas entendu dire: "Ne rends à quiconque le mal pour le mal"? Et pourquoi as-tu frappé une telle foule d'anéantissement, ô Philippe? Qui met la main à la charrue puis se tourne en arrière et trace droit son sillon? Ou qui donne sa lampe aux autres et reste lui-même assis dans les ténèbres? Ou qui cède sa maison à un autre et habite lui-même sur un fumier? Ou qui se dépouille et s'en va lui-même nu au cœur de l'hiver? Ou quel ennemi se réjouit de la joie de celui qui le hait? Quel soldat part à la guerre sans une armure complète? Quel esclave ayant accompli l'ordre de son maître ne recevra point d'éloges ? Quel athlète court avec ardeur dans le stade et ne reçoit pas le prix? Qui, après avoir lavé ses habits, prend plaisir à les salir, ô Philippe? Voici, la salle de mes noces est prête, bienheureux est celui qui a été trouvé 47 avec son manteau sans tache et éclatant, car c'est lui qui reçoit sur sa tête la couronne de la victoire et de la joie. Voici, le banquet est prêt, bienheureux est l'invité quis' est préparé à venir chez celui qui l'a invité. Riche est la moisson des champs, bienheureux est

46. Cf Nb r6, 30; Ac Ph II, 23. 47. C précise:«( ... ) celui qui s'est trouvé à l'intérieur( ... ).»

APPENDICE II

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l'ouvrier bon et capable. Voici les lis des champs et toutes les fleurs; le bon paysan est le premier à en profiter 48 . Comment toi, ô Philippe, as-tu pu devenir impitoyable au point de maudire tes ennemis dans ta colère ? >> 3o [13 6] Philippe lui répondit : « Seigneur Jésus-Christ, pourquoi cette colère contre moi, parce que j'ai maudit mes ennemis? Et pourquoi ne les terrasses-tu pas promptement, puisqu'ils sont encore vivants dans l'abîme, eux qui n'ont pas voulu que tu règnes sur eux? Toi, Seigneur, tu sais que c'est à cause de toi que je suis venu dans cette ville et que c'est en ton nom que j'ai chassé hors d'elle toute erreur idolâtre ainsi que tout démon impur 49 . Les dragons et les serpents se sont desséchés : c'est parce que ces gens n'ont pas accueilli ta prédication et ta lumière que je les ai maudits et qu'ils sont descendus vivants dans les enfers, par ta puissance et ton autorité. » 3 1 [137] Le Sauveur lui répondit et dit : « Puisque tu m'as désobéi, que tu as rendu le mal pour la mal et que tu n'as pas gardé mon commandement, tu t'accompliras en gloire et mes saints anges te conduiront par la main jusqu'au paradis des délices 50 ; eux-mêmes viendront vers moi dans le paradis, mais à toi j'ordonnerai d'être exclu du paradis durant quarante jours, ébloui et empêché par le glaive de feu tournoyant 51 , et tu gémiras du fond du cœur et tu pleureras abondamment de t'être vengé et d'avoir fait du mal à ceux qui t'avaient fait du mal. Après les quarante jours, j'enverrai mon archange Michel, qui retiendra le glaive gardant le paradis ; et après avoir pénétré à l'intérieur, tu verras tous les justes qui ont cheminé à l'abri du mal, et alors tu adoreras toi aussi la gloire de mon Père qui est dans les cieux. Cependant, la fin de ton départ de ce corps sera 48. 49. 50. 51.

Cf. 2 Tm 2, 6. Cf. Mt 7, 22. Cf. Gn 3, 23. Cf. Gn 3, 24.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

glorifiée selon le type et l'aspect que voici 52 . Quant à Barthélemy, il partira pour la Lycaonie et c'est là qu'il sera crucifié et enterré. Marianne, pour sa part, son corps doit être déposé dans le fleuve Jourdain. Mais moi, ô Philippe, je ne supporterai pas que tu aies englouti ces gens dans l'abîme. Mais voici que mon esprit est en eux et que je vais les faire remonter de l'abîme, et ainsi, lorsqu'ils t'auront vu, ils croiront en la gloire de celui qui t'a envoyé.» Le Sauveur fait remonter les impies de l'abîme

32 [138] Ayant dit ces mots à Philippe, le Sauveur se retourna, étendit le bras et traça une croix dans les airs, qui descendait d'en haut jusqu'en bas dans l'abîme et, cela accompli, aussitôt l'abîme fut rempli de lumière. La croix avait l'aspect d'une échelle avec des degrés. Et le Sauveur dit d'une voix forte à ceux qui étaient dans l'abîme: «Remontez tous par la croix, parce que grâce à moi mon apôtre Philippe a eu pitié de vous, afin qu'à nouveau vous puissiez contempler la lumière de Dieu. » Alors toute la multitude des habitants de la ville qui étaient descendus dans l'abîme remontèrent par l'échelle de la croix lumineuse, et aucun d'eux ne resta dans l'abîme, si ce n'est le seul proconsul et la vipère qu'ils vénéraient. Lorsque la foule des habitants de la ville fut remontée de l'abîme, elle aperçut Philippe pendu la tête en bas, Barthélemy écartelé contre le mur du sanctuaire et Marianne qui avait retrouvé sa forme première; et ils se frappèrent la poitrine et se lamentèrent grandement sur l'injustice et l'impiété qu'ils avaient commises. Le Seigneur remonta dans les cieux sous les regards de Philippe, de Barthélemy, de Marianne, du léopard et du petit chevreau, de Stachys, de Nicanora et de tous les croyants; tous

52. À la place de cette phrase, A porte : «Mais le signe de ta sortie sera glorifié par ma croix. »

APPENDICE Il

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en eux-mêmes glorifiaient et louaient Dieu dans la crainte et le tremblement. Alors la foule entière se mit à crier, en disant : « Il n'y a qu'un Dieu, celui que ces hommes proclament en vérité; il n'y a qu'un Dieu, celui qui les a envoyés pour notre salut. Nous nous repentons sincèrement dès maintenant de l'immense égarement où nous étions hier, encore indignes de la vie éternelle. Nous croyons désormais, pour avoir contemplé de grandes et prodigieuses merveilles, à savoir que le Sauveur nous a fait remonter de l'abîme, < nous > misérables, car Dieu a eu pitié de son peuple et nous a fait remonter du plus profond des enfers. » Et tous tombèrent la face contre terre et se prosternèrent devant Philippe et l'imploraient, prêts à s'enfuir, : «Que ne se produise pas un second séisme semblable au précédent et que nous périssions tous sans exception. » Et ils le priaient avec des larmes de les rendre dignes aussi de l'adoration du Christ 53 •

Discours de Philippe aux habitants de la ville 33 [r 39] Le bienheureux Philippe qui était encore pendu la tête en bas leur adressa la parole et dit : « Frères et pères, en tout cas vous avez contemplé et appris combien nombreuses sont les puissances de mon Dieu, et de quelle façon votre ville a été dévastée à l'exception de la maison de Stachys qui m'avait accueilli chez lui, puisqu'il avait cru au Dieu vrai et avait reçu ses serviteurs ; et maintenant la grande et infinie bonté et amitié pour le genre humain de mon Dieu vous a fait remonter de l'abîme; par conséquent, vous souvenant de ce que vous avez vu en bas, ne cessez pas dès maintenant de chanter, glorifier et adorer son nom très saint et redoutable. Moi-même, je suis son débiteur et à cause de vous, j'ai reçu l'ordre de rester autour

53. Ca« dignes de l'eucharistie du Christ» et A« dignes de la présence du Christ».

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

du paradis pendant quarante jours, pour m'être irrité contre vous et avoir rendu le mal pour le mal; c'est l'unique commandement de mon Seigneur que je n'ai pas gardé. Mais voici, je vous dis avec la bonté de mon Dieu et son amour de genre humain : Dès maintenant, rejetez la méchanceté et la malice de vos cœurs, afin que vous deveniez fils de lumière et dignes de la communion du Seigneur et de son royaume.»

Exhortation de Philippe aux baptisés 34 [140] Alors quelques-uns des croyants accoururent pour décrocher le bienheureux Philippe pendu la tête en bas et lui enlever les crocs de fer et les crochets des chevilles. Mais le bienheureux Philippe leur dit : « Non, mes petits enfants bienaimés, ne vous approchez pas de moi, mais laissez-moi comme je suis, pour la raison que ma fin doit survenir ici. Écoutezmoi, vous qui avez été illuminés dans le Seigneur: je ne suis pas venu dans cette ville pour faire du commerce ou exercer quelque autre intrigue de ce monde, mais seulement pour vous instruire et vous éclairer. Le sort m'était échu de quitter mon corps dans cette ville dans la position où vous me voyez. Ne vous apitoyez donc pas de ce que je suis pendu de la sorte; je porte, en effet, la marque du premier homme déposé la tête en bas sur la terre et ensuite, par le bois de la croix, rendu à la vie, de la mort issue de la transgression. Et maintenant j'accomplis ce qui m'a été assigné, car le Seigneur m'a dit: "Si vous ne rendez pas d'en haut vos choses d'en bas, ni de droite celles de gauche, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." Ne vous conformez pas au modèle mouvant, car le monde entier est en mouvement et toute âme qui s'en retourne dans un corps tombe dans l'oubli des créatures célestes. Mais nous, petits enfants bien-aimés, qui possédons la gloire des intelligences célestes, ne recherchons pas l'obscurité qui est le corps et la demeure de la servitude. Ne devenez pas incroyants, mais croyants, et pardonnez-vous les uns aux autres vos péchés, afin

APPENDICE II

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que notre Seigneur Jésus-Christ vous pardonne aussi vos péchés. Voilà six jours que je suis pendu ici, c'est que j'encours la réprobation du Christ véritable, parce que je vous ai rendu sans rémission le mal et fourni à ma droiture une occasion de chute. Mais maintenant, c'est par ses mains que je m'élève vers les cieux. Ne vous attristez donc point de ce que je quitte mon corps, mais réjouissez-vous plutôt de ce que je vous abandonne cette demeure, c'est-à-dire mon corps, ayant échappé à la corruption du dragon qui soufflette toute âme péchant en lui. »

Philippe enseigne la foule 35 [141] Ayant dit ces mots, le bienheureux Philippe se tourna vers la foule qui l'entourait et dit : « Ô vous qui êtes ressuscités d'entre les morts et remontés de l'enfer et de l'engloutissement de l'abîme, vous que la croix lumineuse a ramenés par la bonté et l'amour du genre humain de mon Christ! C'est lui le Christ qui, étant le fils de l'homme, s'est fait homme à cause de nous, s'étant incarné par !'Esprit-Saint et étant né de la sainte Vierge Marie; crucifié et enterré, il reste immortel dans la chair et, pour être entré dans la mort, il a ressuscité les morts, ayant pris en pitié le genre humain et enlevé l'aiguillon du péché 54 ; il était inengendré, et il a été engendré à cause de nous; il était immortel, et par sa mort il a ressuscité les morts; il était incorporel et il a revêtu une apparence de corps; il était grand et il s'est fait petit en attendant de faire grandir les petits et de les faire entrer dans sa grandeur. C'est lui qui possède la douceur tout entière et le repos des délices. Il a été conspué et abreuvé de bile, afin de faire goûter à sa douceur et à son immortalité ceux qui avaient été écœurés par le péché. Désormais, attachez-vous à lui et ne l'abandonnez pas: il vous procurera la vie éternelle, car c'est lui notre repos et notre vie pour les siècles des siècles, amen. »

54. Cf.

1

Co r 5, 56.

274

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Dernières recommandations de Philippe à Barthélemy 36 [142] Lorsqu'il eut achevé cet enseignement, saint Philippe leur dit: «Déliez Barthélemy.» Alors ils s'approchèrent et le délièrent. Et quand ils eurent délié Barthélemy, Philippe lui dit : « Barthélemy, mon frère dans le Christ, tu sais que notre Seigneur et Maître t'a envoyé avec moi dans cette ville et que tu as été mon compagnon dans tous les dangers avec notre sœur Marianne; sache qu'il t'a été prescrit de quitter ton corps en Lycaonie et qu'à Marianne, le sort est échu de quitter son corps dans le fleuve Jourdain. Mais maintenant, voici que je vous ordonne, lorsque j'aurai quitté mon corps, de me bâtir une église à l'endroit précis où j'aurai quitté mon corps. Quant au léopard et au petit chevreau, laissez-les dans l'église que vous allez bâtir, en signe de ceux qui croient; et que Nicanora prenne soin d'eux chaque jour, jusqu'à ce qu'ils quittent leur corps. Quand ils auront quitté leur corps, enterrez leur corps sous le porche de l'église. Et établissez votre paix et votre bénédiction sur la maison de Stachys, comme notre Seigneur et Dieu a établi sa paix sur cette ville. Que dans cette maison se tiennent toutes les vierges qui auront cru, jeûnant tous les jours et visitant les malades, en allant deux par deux; et que toujours elles s'abstiennent de fréquenter des jeunes gens, de peur que Satan ne les tente. Car il est le serpent qui rampe et qui, par Ève, a fait glisser Adam vers la mort. Que ne se reproduise donc pas en ce temps-ci ce qui est arrivé au temps d'Ève. Ne sais-tu pas 55 , ô Barthélemy mon frère, que la parole de notre Seigneur Jésus-Christ est la vie éternelle et la vraie connaissance? En nous enseignant, il a dit, en effet : « Tout homme qui porte les yeux sur une femme pour la désirer a déjà corn-

55. Le Vaticanus graecus 808 suit maintenant le texte de B.

APPENDICE Il

275

mis l'adultère en son cœur. »C'est la raison pour laquelle notre frère et chef Pierre a fui tout lieu où existait une femme. C'est pourquoi il considéra sa propre fille comme une occasion de chute et avait imploré le Seigneur. Il était devenu paralysé à cause de la débauche de ses yeux 56 . Tu vois donc, ô mon frère Barthélemy, que la vue impénitente des yeux est adultère; et non seulement la contemplation impénitente est adultère, mais elle est encore l'origine du péché, comme il est écrit: «Levant les yeux, Ève vit que la plante était belle à voir à ses yeux et agréable à manger.» Si elle ne l'avait d'abord vue, elle ne l'aurait pas désirée. Tu vois donc que c'est la débauche des yeux qui est devenue le guide de la débauche du corps, puisque c'est elle aussi qui trompe le cœur. Toute plante, si on la coupe en laissant sa racine, pousse à nouveau et devient un arbre; il en va de même de la débauche, si elle conserve sa racine fichée dans le cœur. Les yeux la contemplent sans cesse et ce qui est contemplé par les yeux, le cœur le ravit à soi; de même pour l'homme, le corps rempli de convoitise accomplit le mal et survient le péché 57 . Maintenant donc 58 , ô Barthélemy, toute église que tu t'apprêtes à bâtir en tout lieu, bâtis-la avec une cloison de séparation 59 entre les deux parties, celle des hommes et celle

56. Tandis que dans le fragment copte des Actes de Pierre, c'est la fille de l'apôtre qui devient paralysée pour échapper aux assauts amoureux de son soupirant, c'est ici, selon une assez étonnante relecture, Pierre lui-même qui se trouve par:Jlysé pour avoir éprouvé un désir incestueux pour sa propre fille. 57. Ca en plus:« Déracinez donc le désir de votre cœur, afin que d'un œil radieux vous voyiez le Christ. » Sur le désir, source de tous les maux, cf Ac Ph XIV, 6; Ac PhM 5; Vie Adam 19, 3. 58. Le Vaticanus graecus 808 suit le texte de C pour la fin du paragraphe. 59. Le contexte exclut de prendre le terme« cloison de séparation» dans un sens métaphorique comme en Ep 2, r4. D'après l'apocryphe, il paraît clair que dans les lieux de culte encratites, hommes et femmes étaient séparés. C'est probablement la traduction architecturale des conceptions

276

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

des femmes, afin que l'intelligence et la prière des néophytes ne soit pas obscurcies par la vue de leurs yeux. Mais aussi la couche des vierges sera sainte, chacune dormant seule; et lorsqu'elles seront de sortie, qu'elles aillent deux à deux, car grande est la perversion de l'ennemi, et on l'appelle serpent, car ses chemins ne sont pas droits. Maintenant donc, que leur discours soit bien ordonné et assaisonné de sel, afin que leur cœur atteigne l'équilibre par l'ascèse, si du moins elles ne veulent pas que leur peine soit perdue. De même que la n1armite, mise à bouillir sans eau sur le feu devient inutilisable en éclatant, de même la discipline imposée à la vue des yeux, si le cœur n'est pas pur. » Barthélemy dit à Philippe : « Et pour quelle raison, à l'époque où le Sauveur était avec nous, ne nous a-t-il pas séparés de la sainteté des vierges, ne serait-ce qu'un seul jour? » Philippe lui répondit: «Ne sais-tu pas que lorsque brille le soleil, le monde est rempli de sa lumière, mais que lorsque le soleil disparaît et abandonne le monde, alors le monde entier se remplit de ténèbres et les bêtes sauvages sortent dans l'obscurité, et les serpents, les scorpions et tous les reptiles mordent. De même alors, lorsque le Christ était avec nous, nous nous trouvions tous dans sa gloire; sa grâce et son don nous entouraient 60 en tout lieu où nous nous trouvions et aucune ombre du péché ne pouvait habiter en nous à cause de l'imperturbabilité et de la noblesse de son Saint-Esprit qu'il avait fait souffler sur nous. C'est pourquoi nous devons nous aussi, frère Barthélemy, instruire les

théologiques particulières des encratites (voir Introduction, p. 61-62). Les fouilles archéologiques menées à Hiérapolis n'ont pas confirmé cette particularité architecturale, mais le martyrium et une chapelle sont les seules des huit églises de la ville à avoir été fouillées. 60. La fin de la phrase diffère quelque peu en C : « ... entouraient; nous étions intelligents de cœur, et aucun péché ne pouvait jeter son ombre dans nos cœurs. Or maintenant il est dans les cieux auprès du Père, et il ne nous abandonne pas. »

APPENDICE II

277

autres conformément à la dignité de la gloire de la vocation qu'il nous a adressée. Beaucoup, en effet, viendront parés d'un faux nom 61 en disant: "Nous rendons un culte au Christ par un saint service." Et leur culte aura partie liée avec les idoles mauvaises et impures. Ils abandonneront, en effet, les avertissements et les traditions des pères et accompliront des œuvres vaines et délaisseront les lieux saints, c'est que le dérèglement de leur démarche conduit aux sépulcres des morts. 37 [ 143] «Quant à toi, ô Barthélemy, sois un bon examinateur, transmets ces recommandations à Stachys et établis-le évêque de l'Église, afin qu'à son tour il se mette à son service. Ne confie pas le poste d'évêque à un jeune et n'établis aucun d'eux dans une chaire d'enseignant, de peur que soit déshonoré l'Évangile du Christ. Que tout homme qui enseigne conforme ses œuvres à ses paroles, et que leur discours soit assaisonné en tout temps. «Quant à moi, je m'en vais vers mon Seigneur. Mon corps, prends-le donc et ensevelis-le dans des bandelettes de papier de Syrie et ne le recouvre pas d'un manteau de lin, parce que c'est le corps très saint et inaltérable du Seigneur qui fut enveloppé dans un fin tissu de lin. Mais ensevelis-le dans des bandelettes de papier de Syrie, enserre-le dans du papyrus et enterre-le dans l'église. Restez quarante jours à prier pour moi, afin que le Seigneur Dieu me remette la faute et la transgression que j'ai faites en rendant le mal à celui qui m'avait fait le mal. Tu vois bien, ô mon frère Barthélemy, comme mon sang s'égoutte sur la terre; voici, une plante surgira de ce sang : ce sera une vigne 62 qui aussitôt produira du raisin, ayant germé

61. Cf. Mt 7, 15. 62. Comparé au miracle de l'essence parfumée qui sourd de la tête de l'apôtre (Ac PhM 40 [146]), le motif de la Yigne paraît trahir une retouche orthodoxe, même s'il n'est pas dit explicitement que le jus de raisin soit devenu du vin miraculeusement.

278

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

de la terre qui aura reçu mon sang. Puis, lorsque vous aurez cueilli la grappe de la vigne, exprimez-en le jus dans la divine coupe et, y communiant chaque jour 63 jusqu'au quarantième jour, faites monter vers les hauteurs avec votre prière l'amen, afin que, ceci accompli, l'offrande soit parfaite à la face du père céleste et que le Seigneur Dieu me pardonne la faute et la transgression que j'ai commises.» Prière finale de 1'apôtre

38 [I 44 J Ayant ainsi parlé à Barthélemy et à ceux qui étaient avec eux, le bienheureux Philippe adressa au Seigneur cette prière: «Seigneur Jésus-Christ, père des siècles, roi de la lumière, toi qui nous as magnifiés et rendus sages par ta sagesse et qui nous as donné la vraie connaissance et intelligence, et qui nous as gratifiés du dessein de ta bonté, et qui jamais ne t'es séparé de nous; c'est toi qui délivres de la maladie ceux qui se réfugient auprès de toi; c'est toi qui nous as donné des signes et des miracles par lesquels tu as ramené les égarés à ta connaissance et à ton culte; c'est toi qui nous as donné l'assurance de ta bonté et de ton amour pour le genre humain qui jamais ne peut être détourné; c'est toi qui as donné la grandeur de la sagesse, pour confondre la faiblesse et la petitesse de l'incroyance; c'est toi qui places la couronne sur la tête de ceux qui ont vaincu l'adversaire; c'est toi qui institues nos joutes et qui nous as fait don de la couronne de la joie; c'est toi, Maître, qui luttes avec nous, afin que nous puissions vaincre ceux qui nous oppriment; c'est toi, Seigneur, qui appauvris et enrichis, qui fais croître et vivre tous tes propres serviteurs, le bon instituteur des joutes et le bon arbitre. Viens maintenant, Jésus, et accorde-moi la victoire et la couronne sur tout pouvoir et autorité, et que l'air sombre et ténébreux qu'ils dégagent ne

63. C porte «jusqu'à mon troisième jour».

APPENDICE II

279

me recouvre pas, afin qu'en paix je puisse franchir les eaux du feu et tout leur abîme et que je n'y sois point englouti. Oui, mon Seigneur Jésus-Christ, que l'ennemi n'ait pas l'occasion de pouvoir m'accuser devant ton tribunal terrible et redoutable, mais revêts-moi plutôt de ton étole éclatante et glorieuse et donne-moi ton sceau saint et lumineux toujours rayonnant, jusqu'à ce que j'aie laissé sur mon passage tous les puissants de ce monde et leur dragon malin qui s'oppose aux êtres humains. Maintenant donc, mon Seigneur Jésus-Christ, rends-moi digne de te rencontrer dans l'air 64 < et> fais-moi grâce de ma colère et du châtiment que j'ai infligé en représailles à mes ennemis. Transforme la forme de mon corps en gloire évangélique et accorde-moi de reposer dans ta félicité; alors je recevrai de ta part le fruit de la promesse des biens éternels que tu as promis à tes saints, pour les siècles des siècles, amen. »

Mort de Philippe. Barthélemy et Marianne accomplissent ses dernières volontés 39 [145] Ayant dit ces mots, Philippe, l'apôtre du Seigneur, rendit l'esprit, le quatorze de novembre 63 , sous les yeux de la foule assemblée 66 , qui était en larmes et disait amen.

64. Cf. 1 Th 4, 17. 65. Selon le calendrier byzantin, la fête de l'apôtre Philippe est célébrée le 14 novembre. Cette précision n'appartient certainement pas au texte d'origine, en raison de sa mention dans le Vatican us graecus 808 et du caractère relativement tardif de cette date. La concurrence avec le culte métrôaque ayant progressivement disparu en effet, c'est la coïncidence du festival de Philippe et du cycle de Pâques qui devint gênante et conduisit sans doute les Byzantins à déplacer la fète de Philippe au 14 novembre, en ouverture du carême de quarante jours précédant Noël (cf. Ac PhM 42, note 594). 66. A, suivi partiellement par C, a en outre : « ( ... ) qui pleurait et disait: "La vie de cet esprit s'est accomplie dans la paix." Et ils répétaient !'amen. »

280

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

40 [146] Alors Barthélemy et Marianne descendirent le corps du saint apôtre Philippe et firent tout ce qu'il leur avait ordonné, !'enterrant à cet endroit-là. Aussitôt se fit entendre une voix venue du ciel, disant: «L'apôtre Philippe a été couronné de la couronne de l'immortalité par le bon berger 67 et le bon arbitre, Christ Dieu. » Et tous ceux qui entendirent cette voix répondirent !'amen. 41 [147] Et après trois jours, le plant de vigne germa là où avait coulé le sang du saint apôtre Philippe. Et ils firent tout ce qu'il leur avait ordonné, pendant quarante jours apportant quotidiennement une offrande en sa faveur et priant sans relâche. Ils bâtirent l'église en ce lieu même et établirent Stachys évêque. Ils laissèrent aussi le léopard et le petit chevreau dans !'église et Nicanora restait à les nourrir. Stachys et Nicanora et tous les fidèles se rassemblaient sans relâche dans l'église et ne cessaient de glorifier Dieu pour les merveilles qui leur étaient arrivées. Et toute cette ville crut au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; quant à Barthélemy, il donna !'ordre à Stachys de baptiser ceux qui trouvaient la foi au nom du Père < et du Fils > et du Saint-Esprit, et qui disaient amen.

Apparition du Seigneur sous les traits de Philippe. Départ de Barthélemy et de Marianne 42 [148] Quarante jours plus tard, le Seigneur, étant apparu sous la forme de l'apôtre Philippe, dit à Barthélemy et à Marianne en vision: «Mes frères bien-aimés et bénis, j'ai trouvé le repos au milieu des bienfaits de mon Père 68 . Le paradis, en effet, m'a été ouvert et je suis entré dans la gloire de Dieu. Que chacun de vous parte donc vers le lieu qui lui est échu; 67. Jn ro, rr.14. 68. A tourne cette phrase un peu différemment : « Mes frères bienaimés, vous allez reposer dans le repos de Dieu. Le paradis m'a été ouvert et je suis entré dans la gloire de Dieu. »

APPENDICE II

281

car la plante plantée et qui a pris racine dans cette ville portera de bons fruits. » Alors, ayant embrassé les frères et prononcé une prière en faveur de chacun d'eux, Barthélemy et Marianne sortirent de la ville d'Ophiorymé, appelée Hiérapolis d'Asie; le bienheureux Barthélemy partit en Lycaonie et Marianne s'en alla vers le fleuve Jourdain. Quant à Stachys et à ceux qui l'entouraient, ils restèrent à garder sans faillir l'église de Dieu et à accomplir avec bonheur tout ce que leur avait ordonné le bienheureux Philippe, l'authentique disciple et apôtre du Seigneur, à enseigner, admonester, catéchiser et baptiser ceux qui venaient au Christ et croyaient en lui, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, à qui la gloire et la puissance, maintenant et à jamais, aux siècles des siècles, amen.

Index

Index des noms propres (personnes et lieux)

L'index renvoie au texte des Actes de Philippe et ne porte pas sur les noms propres mentionnés dans !'Introduction. En revanche, il inclut, par des renvois en italiques, les noms propres contenus dans les fragments des Actes de Philippe fournis dans les notes et en appendice. Par souci de clarté, on précisera par la mention [App. II] les noms qui n'apparaissent que dans la forme longue du Martyre fournie dans le second appendice. Les noms de lieux sont distingués par l'emploi des italiques. Le texte ne répète pas systématiquement les noms de personnages qui apparaissent de manière rapprochée, mais leur substitue un pronom. Pour faciliter l'étude des actions et paroles de tels personnages, à l'exception de Jésus, certains passages où ils ne figurent que sous la forme d'un pronom sont également répertoriés.

Aaron: XV, 4. Abel : VIII, 4; XI, 3. Achaïe: III, 2.8; VIII, 1. Adam: VIII, 4; M 36 [App. II]. Ananias (le grand prêtre) : II, 7-10.12.14-21.23-24. André : III, 2.8; VIII, 1. Apollon : I, 1. Archélaüs : II, 1 O.

Arès: I, 1. Aristarque: VI, 9-15.18; VII, 3. Artémilla (fille d'Iréos) : V, 21-24; VII, 1.5. Artémis: I, 1. Asie (voir aussi Hiérapolis) : II, 1 ; III, 8; VIII, 1 ; M 1-2.42 [App. II]. Athéna: I, 1.

286

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Athènes, Athéniens (voir aussi Hellade) : Il, titre.1.7-9.11.15.24; III, 3. Azat: III, 10.15; IV, titre.1. Barego, Barek: M 25. Barthélemy : VIII, 1.3.15.18-19.21; IX, 1-5;XI, 1-2.5.10; XII, 1; XIII, 1-4; XIV, 1-2; XV, 1.6-8; M 2.3 [App. II].7 [App. II].9 [App. II].11 [App. II].12.14-17.19.20 [App. II].21-25.26 [App. II].27.28 [App. II].31-32.36-37.38 [App. II].40-42. Caïn: VIII, 4; XI, 3. Candaces (pays des Candaces) : VIII, 10. Cerbère : I, 12. César: VI, 7. Charitiné : IV, titre.2.4-6. Clapas (voir Simon, fils de Clapas). David: VI, 14. Douzaine : XI, 9. Égrégores : VIII, 11. Égypte, Égyptien : VI, 14; XI, 3. Élidès : IV, 4. Éloa (Éloé) : M 26. Ésaïe: VI, 14-15.

Espagne : VIII, 1. Éthiopien : XI, 8. Ève : VIII, 4; M 36. Galilée: I, titre.1 ; XIII, 4. Hellade (voir aussi Athènes) : II,titre.1.3.7.9-10; V, 1. Hellènes (terre des Hellènes) : VIII, 1. Hermès: I, 1. Hiérapolis (de Phrygie) (voir aussi Ophiorymé) : XIII, titre; M2.7 [App. II].24 [App. II] .42 [App. II]. Huitaine (ou Ogdoade) : XI, 9. Inde : III, 2; VIII, 1. Iréos: V, 6-16.18-23.26-27; VI, 1-7.12.15.18.21; VII, 1-2.5. Jacques: M 1. Jean: III, 2-3.8; VIII, 1-3; M 21-25.26 [App. 11]. Jérusalem (terrestre et céleste): Il, 7.9-10. 12.18; XI, 6; M 1.3. Jésus Oésus-Christ, Jésus de Nazareth, le Nazaréen) : I, 2-4.17; Il, 1.4.6-7.1021; III, 2-4.6.8-9.11.1213.17.19; IV, 1-3.5-6; V, 2-5.7.13.16.19.23-25. 27; VI, 5.8-9.12-13. 15.18.20.21; VII, 5.7-8; VIII, 2.4.17.19; IX, 5;

INDEX DES NOMS PROPRES

XI, 2.4.7; XII, 7; XIV, 5; XV, 4.7-8; M 11 lApp. 11].16 [App. II].18 [App. II].22 [App. II].25.30.34.38.42. Jourdain: M 31.36.42. Judas: VI, 14. Judée: II, 9. Leucius : IV, 4. Lune (divinité) : I, 1. Lycaonie: VIII, 1; M 31.36. 42. Lydie: M 1. Macédoine: II, 7. Mansimat (voir aussi Satan) : II, 8. Marcléna (la portière) : V, 14.17; VII, 1. Marianne: VIII, 2-4.15.21; IX, 1-5; XI, 1-2.5.10; XII, 1 ; XIII, 1-4; XIV, 1-2.7.9; XV, 1.6-8; M2.3 [App. II]. 7 [App. II] 9 .11 [App. II] 14-17.19-22.25.26 [App. II] 27 .31-32.36.40-42. Marie (mère de Jésus, la Vierge) : VI, 13; M 35 [App. II]. Marthe : VIII, 2. Matthieu: III, 2; VIII, 1. Michel (voir aussi archange) : I, 8 .11-13 ; M 31 [App. II].

287

Moïse: II, 10.14; XI, 3. Nazareth (Nazaréen, voir aus si Jésus) : II, 14 ; M25.30. Nercella: V, 9-12.14-24; VII, titre.1.5. Nérée (père dujeune homme ressuscité) : VI, 16-17.19.21; VII, 2. Nicanora: XV, titre.1.6-7; M 8-14.28.32.36.41. Nicatéra: V, titre.1. Nicoclidès : IV, 1-2.4.6. Noirceur (ou Mélanie, mère du dragon): XI, (4).7. Noé: VIII, 11-12. Ogdoade (voir Huitaine). Onésime : VI, 3. Ophianiens (pays des Ophianiens) : VIII, 15. Ophiorymé, (Ophiorymos), Ophéorymos, rue Serpentine (voir aussi Hiérapolis) : VIII, 4; XIV, 2; M2.7 [App. II].24 [App. II].42 [App. II]. Outhaël : M 26. Parthes (pays des Parthes) : II, 24; III, titre.1 ; VIII, 1. Philippe : passim. Pierre : III, 1.3; VIII, 1.12; M36.

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Plégénès (voir Aristarque) : VI, 9. Ponce Pilate : VI, 20. Pont: VIII, 1. Raphaël: I, 12. Rome, Romains : VIII, 1 ; M1. Sabaoth : M 26 [App. II]. Salomon: XI, 6. Satan (voir aussi Mansimat) : II, 8 ; XIV, 6 ; XV, 2; MS.36. Selgia : IV, 4. Serpentine, rue (voir Ophiorymé). Simon le Cananéen : VIII, 1. Simon, fils de Clopas : M 1. Sion: VI, 14. Soleil (divinité) : I, 1. Stachys : XIV, titre.1-8 ; XV, 1-6.8; M 2.3 [App. II].7 [App. II] .8. 9 [App. II].14.21-22.28. 32-33.36-37.41-42.

Syrie (voir aussi index des matières, judaïsme, papier): XV, 1; M9.37. Tartare: M 4 [App. II]. Ténébreux (père du dragon): XI, 7. Théophile (le jeune homme ressuscité): VI, 16-21; VII, 2. Thomas : III, 2.8; VIII, 1. Thrace : III, 2. Trajan: M 1. Tyrannognophos : (Tyrannognaphos), Tyrannographos (M 12 [App. II].14 [App. II].17 [App. II]), le gouverneur ou proconsul : XV, 1.6-7; M 8 [App.].10.12-15.16 [App. II].17-19.23 [App. II].27-28.32. Uriel: I, 12. Zeus: I, 1.

Index des matières

Portant sur un choix restreint de matières, l'index renvoie au texte des Actes de Philippe, à ses variantes et à la forme longue du Martyre par la mention [App. II], mais ne porte pas sur les thèmes évoqués dans l'introduction. Les renvois en italiques signalent les matières apparaissant dans les variantes des Actes de Philippe fournies dans les notes et le premier Appendice, ou dans les notes du second Appendice. L'index englobe à la fois des thèmes et des termes spécifiques. Dans ce dernier cas, l'index se fonde, en principe, sur le texte grec. Mais un même terme grec n'étant pas toujours traduit par un même mot français, il arrive qu'une entrée comporte plusieurs vocables. À l'inverse, un même terme français peut traduire plusieurs mots grecs différents. Les divers vocables grecs rendus par un seul mot dans la traduction n'ont pas toujours été pris en compte. Toutes les occurrences d'un même terme français dans la traduction ne se retrouvent donc pas toujours répertoriées dans l'index.

Ablution, bain (voir aussi baptême et sceau) : 1, 15; XI, 9; M28. Aigle: III, 5-6.8.18. Air (voir aussi vent) : Il, 20; III, 14; VIII, 5.13; IX, 2.4; XI, 7; XII, 7; M 23 [App. II).24 [App. II}.32.38. Ange(s): 1, 4-6.10.16; III, 3 ; XI, 3 ;

M 31 [App. II]. Animaux parlant : III, 89 .12; VIII, 16-18; XI, 3.6-8; XII, 2-5.8; XIII, 2; M2 [App. II].15.17 [App. 11].22. Apparitions du Christ : II, 15; III, 5-9.12-14; IV, 2; V, 13.19; VI, 12.18; VIII, 1-15;

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ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

XV, 7; M18 [App. II].29-32.42. Archange (voir aussi Michel) : I, 8.11 ; III, 4; M 31 [App. II]. Ascèse (voir continence) Aspersion : III, 4; IV, 4; IX, 2.4; XII, 8. Aveuglement: Il, 7.12.17; VI, 8-9; XII, 7; XIII, 3.5; XIV, 1-4.6.8; XV, 2; M 2 [App. II] 17-18 [App. II] 22.24 [App. II]. - dieux aveugles : I, 24; VI, 15. Baptême (voir aussi ablution et sceau) : I, 10.18; III, 19; V,25; VI,21;XIV, 4.9; M 2 [et App. II].11 [App. II] .28.34.41.42 [App. II]. Bâton bourgeonnant : XV, 4.

Chevreau: VIII, 17-21; IX, 1; XII, 1-8; (XIII, 1); XIV, 9; XV, 8; M2 [App. II].14. (15).21-22 [et App. II] .32.36.41. Combat, défense, lutte : I, 15; IV, 3; V, 4.68.12.26; VI, 5.13.19; XIII, 5; M 21 [App. II].38 rApp. Ill.

Communion, partage (voir aussi eucharistie) : V, 6; VII, 5; XI, 1 ; XII, 4; XV, 7; M36 [App. II]. Continence, ascèse : II, 1 ; III, 1.17 ; XV, 2-3 ; M 13.36 [App. II]. Corps saints : VIII, 6. Costume, robe, étole (voir aussi Esprit-Saint et Très-Haut) : VIII, 4.6; XIV, 4; M38. Coupe : IX, 2-4; XII, 8 ; M 37 [App. II]. Crachat: voir salive. Croix (voir aussi signe de la croix) : III, 5-6; VI, 14; VII, 7; M 22 [App. II].26-27 [App. II].31 [App. IIJ.34.40 [App. II]. - croix lumineuse: III, 12; M 27 [App. II].32.35. Demeure, lieu de séjour, habitation: III, 16-17; IV, 2.5 ; V, 9; VIII, 6; XI, 6; XIII, 5; XIV, 5; M 3-4.19 [App. II].22.29.34. Démon(s), démoniaque: I, 3.12; II, 7.15.22-24; IV, 1; XI, 2-6; XIII, 5; XIV, 8; XV, 3; M2 [App. II].30.

INDEX DES MATIÈRES

Douceur (de caractère), mansuétude, modération: II, 17; V, 1.3.10.21; VI, 7-8.10; VII, 4; VIII, 6.10.17.1920; XII, 5.8; M 13 [App. II].26 [App. II]. Douceur (de goût, mais aussi sens figuré) : VII, 8; VIII, 5 ; XI, 1 ; XII, 7; M35. Dragon, dragonne : I, 5 ; VIII, 16-17 ; IX, titre (note).1-3.5; XI, 3.5-8; XII, 3 ; XIII, 3 ; M 5.10 [App. II].13 [App. II].17 [App. II] .22 [App. II] .24.30.34.38. Droit: voir juste, justice. Eau : I, 2 ; III, 12 ; IV, 3 .4 ; VIII, 5.10.13; XII, 7-8; M 6.24 [App. II] .23.36 [App. II].38. Église et église (voir aussi salle d'assemblée) : Il, 24; VI, 21; XI, 6-8; XV, 3; M 1 [App. II].36-37. 41-42. Engloutissement, enfoncement, engouffrement : II, 18-19.21.24; IX, 3; XI, 3 ; XIV, 6; M 26-28.31 [App. II].35 [App. II].38.

291

Esprit-Saint (voir aussi costume et Très-Haut) : II, 4.19; III, 3-4.6.9.17; IV, 1.3; V, 1; VI, 14; XI, 9; XIV, 5-6; XV, 3.8; M2.9.31 [App. II].35.36 [App. II].41-42. Eucharistie, communion, action de grâces : III, 4; V, 22; XI, 1.10; XII, titre.1.3-4; M 32 [App. II}.33 [App. II].37 [App. II]. Feu, flamme, brûler, consumer: 1, 5-10.12.16; II, 15; V, 15; VI, 4.6.13.16.17;

VIII, 6.10; IX, 1.3.5; XI, 5; M 4 [App. II].20 [App. II].21-22.24.26 [App. II].31 [App. II].36 [App. II] .38. Fils du tonnerre : II, 9 .17 ; XI, 6; M 23.25 [App. II]. Habitation (voir demeure) Intelligence : II, 4; III, 4.9.17-18; IV, 3; V, 3; VII, 4; XI, 9; M38 [App. II]. Intelligence, esprit, pensée : Il, 3 ; V, 8 ; VIII, 20; XI, 9; XII, 5; XIV, 6; M6 [App. II].26.34 [App. Il].36 [App. II].

292

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Jarres inépuisables: XV, 5; M2. Jeûne, jeûner: IV, 3; V, 26; VI, 5.22; XI, 1.9; M 36. Judaïsme (y compris langue hébraïque; voir aussi Ananias, Iréos, Aristarque, Nicanora) : II, 6-7.18; V, 6.9; VI, 1.5.9.11.13.15-16.1819.21; VII, 3; M9 [App. II].10.21.23 [App. II].26.28 [App. II]. Juste, justice, justifier, droit: T, 9.16-17; III, 6-7; V, 4.10; VI, 2.4.7; VII, 4; XI, 6.9; XIV, 5; XV, 23; M 9.26 [App. II].31 [App. II]. Léopard: VIII, 16-21; IX, 1; XII, 1-8; XIII, 1; XIV, 9; XV, 8; M2 [App. II].14-15.21-22 [et App. II] .32.36.41. Lumière, illuminer: I, 4; II, 4.12-13.20; III, 46.8.12.14-15; IV, 3; V, 22-23 ; VIII, 56.10.13-14; IX, 5; XI, 4.9; XII, 2; XIII, 3.5; XIV, 1-6.8; XV, 2; M 2 [App. II].5-6 [App. II]. 9.18 [App. II] .20.2728 [App. II].30.32.33

[App. II].34-35.36 [App. II] .38.42. Magie, sorcellerie, sorcier: II, 9-10.17-19.23; IV, 1; V, 9.14; VI, 1.3.67.9.18; XI, 3; M 12.1415.17.18 [App. II].19.22. Médecin, médecine - Christ médecin : III, 4; IV, 4.5; V, 27; VI, 1112; VIII, 6; XII, 7; (XIII, 5); XIV, 4.8; XV, 7; M 10.12.13 [App. II]. - Philippe médecin : II, 7; IV, titre.1.4.5; V, 27; VI, 11-12; XIII, 4-5; XIV, 1-2.4.8; XV, 6; M2 [App. II].10.12. - Chevreau médecin : VIII, 18. - Médecine humaine inefficace : IV, 4 ; XIII, 4; XIV, 3.8; M 2 [App. II]. - Médecines, remèdes : IV, 4; VIII, 6; XV, 4. Métamorphose : III, 13; V, 22; VIII, 17.20; XII, 4.7-8; M 2 [App. II] .38.42. Monade : VIII, 7; XIII, 5. Œuf: IX, 5; XIV, 3; M2 [App. II].24 [App. II].

INDEX DES MATIÈRES

Omniscience: V, 7.12.1718.23. Oubli: V, 18; VI, 13; VII, 5 ; XIII, 5 ; XIV, 6; XV, 6; M 9 [App. II] .13.34 [App. II].36. Pain : I, 2; III, 3.5; IV, 3; V, 26; VI, 22; VII, 7 ; VIII, 2; XI, 9; XII, 5. Papier de Syrie: M 37. Pureté, chasteté : I, 3.8-10; II, 10.20; III, 4.17; IV, 1.4; V, 5.8; VI, 3.7; VII, 5; VIII, 7.11; XI, 9; XV, 3; M6 [App. II].11 [App. II] .13 [App. II].17 [App. II].29 [App. II].36 [App. II]. Rendre le mal pour le mal : II, 18.19;VI, 19-21; VIII, 3.8-9.11-12; M 25.26 [App. ll].29 [App. II].31.33-34.3738. Repos: III, 17; IV, 3.5; V, 7.12.15; VII, 5; VIII, 14; XI, 9; XIII, 4-5 ; V, 7 ; M 35 [App. II].36.38.42. Rêve : XIV, 2.4.6. Rosée : VIII, 5.13; XIV, 3. Salive, crachat : VI, 14; (XIV, 7) ; M 22.

293

Salle d'assemblée, synagogue (voir aussi église) : V, 8; VI, 13; VII, 2.4; VIII, 7. Sang: VIII, 6; XII, 2; M 17 [App. II] .25.37 [App. II].41 [App. II]. Sauterelles: III, 11-12; XI, 3. Sceau (voir aussi baptême, apparitions du Christ, signe de la croix) : II, 24; III, 12.14-15; IV, 6; XV, 3; M 2.28.36.38. Signe (ou sceau) de la croix: VI, 12; IX, 4; M2.22 [App. II]. Sourire: VI, 2.13-14; M20 [App. II]. Synagogue (voir salle d'assemblée). Terre, sol: I, 3.16; II, 8.15.18-19.21; III, 15; IV, 4; V, 25; VI, 13; VII, 8; VIII, 1.6.13.21; XI, 4; XIII, 2; XIV, 2; M 4.10.23-24 [App. II].26.34 [App. II].37 [App. II]. Très-Haut, Être suprême (voir aussi Esprit-Saint et costume) : III, 16; V, 2 5; VII, 7; VIII, 12 ; XI, 4; XIII, 5; XIV, 5; M26 [App. II].

294

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Végétarisme : I, 2 ; V, 26; VI, 22; VIII, 19; XII, 2; XV, 2-3. Vent, bourrasque, tempête (voir aussi air) : I, 10.17; III, 11-12.14; VIII, 5-6; IX, 1; XI, 7; XV, 1. Vin, ivresse: I, 3.9-11. 13. 16; II, 3; IV, 3; XIV, 6-7 ; XV, 2-3 ; M2.25. Vipère, serpents, dragonne : I, 5.7; VIII, 4.7-8.16-17;

IX, 1-2.5; XI, 3.5.7; XII, 3; XIII, 1-2; XIV, 2-3; XV, 1.6-7; M 2.45.6-7 [App. II].9.13 [App. II].16-17 [App. II]. 19 [App. II]. 22.24-26. 27 [App.II].30.32.36. Visitation : III, 4 ; VIII, 20; XII, 6.8; XIII, 5. Voix céleste: II, 17; III, 34 ; IV, 2 ; VII, 8 ; XII, 3.5; XIV, 4; M 27 [App. 11].40 [App. II].

Index des références bibliques

L'index renvoie aux subdivisions du texte, mais, pour l'Introduction (Intr.), aux pages du volume. Il porte sur les Actes de Philippe et sur la forme du Martyre donnée en appendice [App. II].

Genèse (Gn) I, I-3I: XI, 6. I, 6-7: XII, 7. I, I4: Il, 16; XII, 7. I, 2I: Intr., p. 64, n. 57; III, 12. I, 26: VI, 13. 2, IO-I4: XI, 6. 3: Intr., p. 61-62; VIII, 4. 3, 6: M36. 3, 23 : M 31 [App. II]. 3, 24 : 1, 6; M 31 [App. II]. 4, I-I6: VIII, 4. 6, I-4: XI, 3. 6, 4: VIII, 11. 7, 2-3 : VIII, 11. 9, I2: M26. I7, II: M26. 27, 28 : VIII, 13. 34, 20: Ill, 16. Exode (Ex) 3, II: III, 3; VIII, 2. 4, I : VIII, 2.

4, IO: Intr., p. 42; Ill, 4;

VIII, 2. 4, I3 : VIII, 2. 7, 8-I3: XI, 3. 7, 9.IO: Intr., p. 64, n. 57. IO, 4-6.13-I6.I9: Intr., p. 42. 13, 2I-22: Intr., p. 24, n. 19; 43. I4-l5: Intr., p. 43. 14, 14: Intr., p. 43;

III, 14. 14, 19-20: Intr., p. 43. 14, 20.24: Intr., p. 43;

III, 12. I4, I4, I5, 15, 15, I6, I6, 16, 17,

2I-29: Ill, 8. 27 : Ill, 14. I-18: Ill, 13. 22-27: XII, 7. 25: Intr., p. 42; Ill, 5.

4: Intr., p. 42; III, 5. I3: VIII, 13. 35: XIV, 1. 8-16: III, 5.

296

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

I9, 4: Intr., p. 42; III, 5. I9, I6.I9: II, 17; III, 4. 20, II: VI, 13. 20, I8: III, 4.

Lévitique (Lv) 4, 24: I, 1. Nombres (Nb) 7, 87: I, 1. 13, 33: XI, 3. I4, 2I : VI, 13. I6: Intr., p. 26; 33, n. 30.32. I6, 2: II, 8. 16, I4: Intr., p. 33, n. 29; II, 12. I6, 30-34: Intr., p. 33, n. 29; II, 16.23. I6, 30: M 26-27

[et App. II]. 16, 35: II, 8. 17, I6-26: XV, 4. I7, 25: M26. 22, 28 : VIII, 16. Deutéronome (Dt) 4, IO. I4.20 : VIII, 11. 4, 24: VI, 13. 9, 3: VI, 13. I7, 7 (Septante): M7. 23, 2: Intr., p. 46. 28, 66: III, 4. 32, II : Intr., p. 42; III, 5. 32, 33 : Intr., p. 64, n. 57.

33, 3: III, 5. 33 , I 3 : VIII, 13.

Premier livre de Samuel (1 S) I6, IO-I3 : XI, 9. 25, 6: V, 14.

Deuxième livre de Samuel (2 S) 5, 4: XIV, 1. Premier livre des Rois (1 R) 5, 27-6, 37: XI, 6. 19, 4-7: Intr., p. 42. Deuxième line des Rois (z R) I, IO-I2: VI, 4; M21. III, 4. I9, I5 : VI, 13. Ésaïe (ou Isaïe) (Es) 6, 3: VI, 13. 6, 4: I, 13. 6, IO: II, 12. II, 6-9: Intr., p. 56-57; VIII, 16. II, 6: VIII, 16. II, 8: Intr., p. 57. II, IO: lll, 4; VI, 15. I8, 4: VIII, 13. I9, 9 (Septante) : III, 16. 26, I9: VIII, 13. 27, I : Intr., p. 64, n. 55 et 57. 28, I6: III, 16. 30, 18: VI, 13. 34, 14 : VIII, 16. 37, I6: VI, 13. 40, I3 : VI, 13. 42, I: VI, 14. 42, 4: VI, 15. 2, II :

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

43, r6: III, 8. 44, 27 : III, 8. 45, I : VI, 15. 50, 2: III, 8. 50, 6: VI, 14. 5I, 9: Intr., p. 64, n. 57. 53, 2: M 4 [App. II]. 53, 7-8: VI, 14. 53, 7: XIII, 5. 53, 8: VI, 13; XII, 6. 56, 3-4: Intr., p. 46. 58,2:I,9. 62, I I : VI, 14. 65, I : VI, 14. 65, 2: III, 5; VI, 14. 66, I6: I, 6. Jérémie (fr) I, 6: VIII, 2. I, 6-9: III, 3. I7, I9: III, 16. 5I, 34: Intr., p. 64. Ézéchiel (Ez) I, IO: Ill, 5. I, 22-26 : III, 4. IO, 3 : I, 13. IO, I4: Ill, 5. 2I,I5:I,6. 29, 3 : Intr., p. 64. 32, 2: Intr., p. 64. 34, I7: VI, 13. Osée (Os) II, I: VI, 14. Jonas (]on) I, I-3: VIII, 2.

297

3 : Ill, 3. I, IO: VIII, 2. Nahoum (Na) I, 4 : Ill, 8. Zacharie (Za) 2, I7: III, 13.14. 9, 9: VI, 14. Malachie (M0 3, 20 (Septante 4, 2) : III, 5 ; VIII, 5 ; XV, 2; M 9 [App. II]. Psaumes (Ps) 2, 7-8: VI, 14. 3, 2-3: VI, 14. r6 (I5), 8-IO: VI, 14. 25 (24), 5 : Ill, 8. 55 (54), r6: Intr., p. 33, I,

n. 29.

57 65 66 72 74

(56), 6: VI, 13. (64), 8: XII, 7. (65), 6: III, 8. (7I), I9: VI, 13. (73), r3: Intr., p. 64, n. 57. 74 (73), r4: Intr., p. 64, Il.

55.

76 (75), 9: Ill, 14. 89 (88), IO: XII, 7. 91 (90), I3: Intr., p. 64, n. 57. 97 (96), 3: VI, 13. I04 (I03), 26: Intr., p. 64, n. 55. I07 (I06), 25-32: XII, 7.

298

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

I08 (I07), (I09), 15. lIO (I09), l 18 (117), 145 (144), 146 (145), 148 (147), n. 57. l IO

5 : VI, 13. l : II, 10; VI,

Deuxième livre des Chroniques (2 Ch)

3: VIII, 13. 22: III, 16. 6: IV, 13. 6: VI, 113. 7: Intr., p. 64,

Tobit (Tb) 3, 16 : I, 12.

19, 7: I, 13.

Job (Jb) 2,8:M29.

3, 8: Intr., p. 64, n. 55. 7, 12: Intr., p. 64, n. 57. 8, 21 : VI, 2. 29, 24 : VI, 2. 40, 25-32: III, 12; VIII, 16. 40, 25 : Intr., p. 64, n. 55 et 56. Proverbes (Pr) 8, 3: III, 16. 8, 27: VI, 13. 20, 22 : VIII, 8. 24, 7: III, 16. Daniel (Dn) 3, 50 (Septante) : IX, 3. 5, 3 5 (Théodotion) : VI, 13.

6,r1:IX,1. IO, 13.21: I, 8. 12, I.12: I, 8. Néhémie (Ne) 9, 6 (Septante 2 Esd 19, 6) : VI, 13.

4,

l

5 : I, 13.

Premier livre des Macchabées (i M) I, 62-64: VIII, 3. Deuxième livre des Macchabées (2 M) 6, 18-7, 42: VIII, 3. 9, I 8 : I, 9.

Sagesse (Sg) IO, 18 : III, 8. Siracide (Si) 11,5:VI,13. 18, 4-5: VI, 13. 25, 15-16: I, 5. 35, 12 (Septante): I, 13;

VI, 13.

Évangile de Matthieu (Mt) 16.2r.25: VI, 13. VI, 13. 2, 15: VI, 14. 2, 22: II, 10. 5, 3-IO: XI, 9. 5, 5: II, 17; V, 25. 5, l 1-12: I, 3; VIII, 13. 5, 22: I, 13. 5, 28: M36. 5, 45: VIII, 13. 6, 6 : III, 3; XIII, 5. 7,12:1,13. I,

2, l :

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

I5: M36 [App. II]. 22: M 30 [App. II]. 20: IV, 2. 23-27: III, 11. 26: XII, 7. II: II, 10. I7: Intr., p. 33.35; II, 3. 9, 37: M29. IO, I : II, 7. IO, 2-4: Intr., p. 16; VIII, 3. IO, 9-IO : III, 3. IO, I3: V, 14. IO, I6: VIII, 5. IO, I7: VIII, 6. IO, 28: M 21 [App. II]. II, I7: XI, 9. II, 29: II, 17; M26 [App. II]. I2, IO: II, 12. I2, I8: VI, 14. I2, 2I: VI, 15. I2, 36: I, 13. I3, 45: IV, 3. I3, 46: III, 16. 14, 2I: M27 [App. II]. I5, II: II, 10. I5, I3: VII, 5; VIII, 6. I5, 38: M27 [App. II]. I7, I-9: V, 22. I7, 2: II, 15. I8, IO.I5: I, 8. 18, 2I-22: VIII, 12. l8,22:I,8. 7, 7, 8, 8, 8, 9, 9,

299

I6-22: I, 8. 29: III, 17. 5: VI, 14. 42: III, 16. 22, l-14: M29. 22, 44: II, 10. 23, 34: VIII, 14. 23, 37: III, 5. 24, 45-46: M 29. 25, 3 I-46: I, 6. 25, 35.38.43-44: III, 13. 26, 26-29 : V, 26. 26, 3 l : III, 13. 26, 63-65 : II, 10. 26, 65 : Intr., p. 34. 26, 67: M35. 26, 73: M25. 27, 34: M35. 27,59:M37. 27, 64: II, 10. 28, r.9-IO : VIII, 2. 28,1:XI,9. 28, II-I5: II, 10. 28, 16: I, 1. 19, 19, 21, 21,

Évangile de Marc (Mc) 16: II, 10. 2, 22: II, 3. 3, 3 : II, 12. 3, I5: II, 19. 3, 16-19: Intr., p. 16; VIII, 3. 3, I7: Intr., p. 33, n. 28; II, 9; VIII, 3; XI, 9; M23.25 [App. II].

2,

300

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

4, 3I-4I: III, 11. 4, 39: XII, 7.

6, 8: XV, 4. 6, 7, 7, 8, 9,

I 3 : II, 7. I8-I9: II, 10. 3I-37: XIV, 7. 22-26: XIV, 7. 2-9 : V, 22. IO, 17-22: I, 8. I4, 22-25 : V, 26. 14, 27: III, 13. I4, 58 : II, 10. I4, 6I-64: II, 10. I5, 43: II, 10. I5, 46: M37. I6, 7: I, 1. I6, 9-I I : VIII, 2. Évangile de Luc (Le) I, 28: V, 7. I, 42: VIII, 3. I, 68.78: III, 4. 2, 7: VI, 13. 2, 22: II, 10. 4, 43 : VII, 6. 5, I4: II, 10. 5, I7: Intr., p. 34. 5, 29: XIV, 7. 5, 30: II, 10. 5, 37-39: II, 3. 6, 6: II, 12. 6, I4-I6: Intr.,p.16;

VIII, 3. 6, 23 : VIII, 14. 6, 35: VIII, 14.

7, II-I7: Intr., p. 27; I, 1. 7, I6: III, 4. 7, 32: XI, 9. 8, 23-35: III, 11. 8, 24: XII, 7. 9,I:II,7. 9, 28-36: V, 22. 9, 54: VI, 4; M 21. 9, 58: IV, 2. 9, 62: M29. IO, 2: M29. IO, 3 : VIII, 5.

4: III, 3. 5: V, 14. IO, 3 8-42 : VIII, 2. II, 33-36: XI, 9. IO,

IO,

I2, 4: M21 [App. II]. I2, I9: V, 10. I2, 2I : III, 16; XV, 2. I4, r-24: XIII, 5. I5, I7: III, 6. I5, 23: XIV, 7. I5, 3 I : M 21 [App. II]. I6, 9: IV, 5. I6, 19-3 r : I, 4. I6, 30-3 I : II, 19. 17, 4: VIII, 12. 18, 18-23: I, 8. I9, 44: III, 4. 22, I 5-20 : V, 26. 22, 66-70: II, 10. 23, 34 : M 26 [App. II]. 23, 53: M37.

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

Évangile de Jean (Jn) I, I-4: III, 4. I, 4.9: II, 12. I, 43-5I: VIII, 3. I, 43-48: Intr., p. 16. 2, 6-7 : XIV, 4. 2, I9: II, 10. 3, 3 : I, 3. 3,I5:I,2. 3, I9: II, 12. 4,II:M23. 4, I2 : III, 4. 4, I4 : III, 4. 4, 28 : XIV, 4. 5, 5: XIV, 1. 5, 30: I, 9. 6, 5.7: Intr., p. 16. 6, 35: XI, 9. 7, IO: III, 3. 8, I2: II, 12; XI, 4; M 6 [App. II]. 8, 23 : III, 13. 9, 5 : II, 12. IO, I-I6: III, 13. IO, II: VIII, 5; M 40 [App. II]. IO, I4: M 40 [App. II]. IO, 26-27 : III, 13. II, I-44: VIII, 2. II' 9 : II, 12. I2, 2: VIII, 2. I2, I5: VI, 14. 12, 20-22: Intr., p. 16. I2, 20: II, titre.

301

I2, 35-36: II, 12. I2, 40 : II, 12. I2, 46 : II, 12. I3, I3: VIII, 5. I4, 6 : III, 8 ; XI, 9 ; XIII, 5; M 6 [App. II]. I4, 8-9: Intr., p. 16. I4, I8: M21 [App. II]. I4, 23 : XI, 4. I6, I3: III, 8. I6, 20: XIII, 5. I7, I4.I6.I8: III, 13. I8, 36-37: III, 13. 20, II-I8: VIII, 2. 20, 27: M34. 20, 29: III, 9.

Actes des apôtres (Ac) I, I3: Intr., p. 16; VIII, 3. I, 26: VII, 2. 2, 25-27: VI, 14. 2, 29: VI, 14. 2, 36 : II, 10. 3, I5: XIII, 5. 4, IO: II, 10. 4, II : III, 16. 4, I3: III, 3. 4, 22: XIV, 1. 4, 24 : VI, 13. 4, 30 : II, 7. 4, 3I: V, 22. 4, 36-37: VII, 2. 5, 39: II, 12.16; VI, 11.18.

302

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

6, 5: Intr., p. 16; III, 1. 7, 48 : II, 10. 7, 52: li, 10. 8, l : II, 10. 8, 3: XIV, 2. 8, 5-13 : Intr., p. 16. 8, 5: Intr., p. 39. 8, 14-25: Intr., p. 41. 8, 14-17: Intr., p. 41; III, 1. 8, 26-40: Intr., p. 16; III, 10. 8, 27: Intr., p. 42.46. 8, 3 l : III, 8. 8, 32-33: VI, 14. 8, 32: XIII, 5. 8, 33: VI, 13. 8, 40: Intr., p. 45.46. 9, 3-7: III, 4. 9, 4: XIV, 2. 9, rr : XIV, 2. 9, 18: M2 [App. II]. 9, 30: Intr., p. 45. IO, l-II. l 8 : Intr., p. 46; II, 10. IO, 25-26: Intr., p. 44. IO, 34 : I, 13. IO, 42 : I, 7; VI, 13. l l, 27-30: Intr., p. 20, n. 12. 13, IO: II, 12. 13, 29: II, 10. 13, 33 : VI, 14. 13, 50: IV, 1.

14, 15: VI, 13. 15, 22.27.32: Intr., p. 20, n. 13 et 14. 16, I0-17: III, 12. 16, 19.25.29: Intr., p. 20, n. 14.

16, 22-26: M 16 [App. II]. 16, 25-26: VIII, 1. 16, 25 : III, 12. 16, 26: V, 22. 17: Intr., p. 26. 17, 4.I0.14-15: Intr.,

p. 20, n. 14. 4: IV, 1. 5-9: VI, 1. 12: IV, 1. 15-34: Intr., p. 33; II, 1. 17, 21: Intr., p. 34. 17, 24: VI, 13. 17, 28 : XI, 5. 17, 34: II, 24. 18, 5: Intr., p. 20, n. 14. 18, 22: Intr., p. 46. 20, 5-15: III, 12. 20, 9: XIV, 1. 20, 17-38: VII, 7. 20, 36-38: VII, 6. 20, 38: VII, 7. 21, l-18: III, 12. 21, 8-9: Intr., p. 20, n. 15; 22; 45. 21, 8: Intr., p. 16.45.46. 21, 9: Intr., p. 16.48. 17, 17, 17, 17,

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

2I, IO-II: Intr., p. 20, n. 12. 2I, I2-I4: VII, 6. 2I, 40: M21. 22-25 : Intr., p. 33. 22, 2: M21. 22, 4 : XIV, 2. 22, 6-II: III, 4. 22, 30: Intr., p. 34. 23-24: Intr., p. 26. 23, 2-3: Intr., p. 34; II, 12. 23, 2: Intr., p. 34; II, 7. 23, I2-I5.20-2I: Intr., p. 34. 23, I2. I4.2I : II, 8. 23, 23-26, 32: Intr., p. 46. 23, 25-30: Intr., p. 34; II, 7. 23, 26: Intr., p. 34. 23, 27: II, 8. 24, I: Intr., p. 34; II, 7. 24, 2: Intr., p. 34. 24, 2-5 : Intr., p. 34. 24, 5 : II, 10. 25, 3 : Intr., p. 34; II, 10. 25, I r-I2: Intr., p. 45; VI, 7. 25, 23: Intr., p. 34. 26, IO-I5: XIV, 2. 26, 13-I8: III, 4. 26, I3: II, 15. 27, I-28, I6: III, 12.

27, I3-44: III, 11. 28, 30: II, 24.

Épître aux Romains (Rm) 2,II:I,13. 5, I-2I : VIII, 3. 5, I2-20: XI, 9. 5, I5: III, 4. 6, 4: M 11 [App. II]. 6, 6: II, 3. 7, 22: III, 4. 8, 2I: M11 [App. II]. 8, 29: M38. 9, 33: III, 16. IO, 9 : II, 20. IO, 20: VI, 14. IO, 2I : VI, 14. II, 23: II, 24. II, 34: VI, 13. I2, I7: VIII, 8. I3, I: II, 10. I4, 9: VI, 13. 14, 2I : lntr., p. 28. 15, I2: III, 4; VI, 15. 16, 9 : XIV, titre.

Première épître aux Corinthiens (1 Co) 5: VIII, 4. I, I8: VI, 13. I, 20: II, 3. l, 2I: VI, 13. 2, 4 : II, 4.11 ; III, 3. 2, 9: M 3 [App. II]. 2, II : III, 4. 5, I3 : M 5. l,

303

304

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

6, 9-IO: XIV, 6. 7, l-39: I11tr., p. 28. 7, 5: M36. 8, 13 : I11tr., p. 28. 9, 7: M29. 9, 24 : XIII, 5. IO, I : III, 8. IO, IO : M 24 [App. II]. II, 23-26: V, 26. 13, 13 : V, 1. 12, 12.17: XIII, 5. 15, 56: M35 [App. II]. I5, 58: M36.

Deuxième épître aux Corinthiens (2 Co) l, 13: I, 13. l, 19: I11tr., p. 20, 11. 14. 3, 18: II, 15; XI, 9. 4, 4: II, 12; 11, 9. 4, I6: III, 3-4. 5, l-3: III, 16. 5, 3: III, 4. 5,7:III,9. 8, 9: VIII, 4. IO, I I : II, 4. I1,2:I,3. I2, 4: I, 4.

Épître aux Gala tes (Ga) I,I:III,4. I, 7 : II, 4. I, 12: III, 4. l, 13: XIV, 2. I, 15-16: III, 4. 2, 9: IX, 2.

12: II, 10. 4, 26: I11tr., p. 38, 11. 37; M3. 5, l9-2I : XIV, 6. 5,23:II,17. Épître aux Éphésiens (Ep) l, 6: V, 7. l, 13: II, 24. 2, I4 : 26.36 [App. II]. 2, I5: III, 3. 2, 20: III, 16. 2, 22: III, 16. 3,4:III,4. 3, I6: III, 4. 4, l I : XII, 8. 4, 22: II, 3. 4, 24 : III, 3. 4, 30 : II, 24. 5, 5: XIV, 6. 5, 26: I, 15. 6, 9: I, 13. 6, 12: XIII, S. 2,

Épître aux Philippiens (Ph) I,3o:V,12. 15: II, 16; VI, 7. 4, 8: I, 3. 2,

Épître aux Colossiens ( Co0 I, 9: III, 4. l, 15: XI, 9; XIV, 5. 2, l: V, 12. 2, 2: III, 4. 2, 16: II, 10. 3, 5-8: XIV, 6. 3,9:II,3.

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

3, IO: III, 3; VI, 13. 3,25:I,13. 4, 6: M37. 4, 9: VI, 3.

Première épître aux Thessaloniciens (1 Th) I, l : Intr., p. 20, n. 14. 2, 2: V, 12. 4, 17: M 38 [App. II]. 5, I5: VIII, 8.

Deuxième épître aux Thessaloniciens (2 Th) l, l : Intr., p. 20, n. 14. l,5-8:I,9. 9: I, 13.

l,

Première épître à Timothée (1 Tm) l, 3, 3, 3,

13 : XIV, 2. 6: M37. 7: XV, 2. 15: IX, 2; XI, 6; XV,3. 4, 1-5 : Intr., p. 28. 4, 12.15: I, 3. 5, 2.22: I, 3. 6, 12: I, 15; XIII, 5. Deuxième épître à Timothée (2 Tm) 2, 4-6: M29. 2, 6: M29 [App. II]. 2, 26: XV, 2. 4, l : I, 7; VI, 13. 4, 5: XII, 8. 4, 7: I, 13; XIII, 5.

305

Épître à Tite (Tt) 3,2:II,17. 3, 4: VIII, 16. 3,5:I,15. Épître à Philémon (Phm) IO: VI, 3. Épître aux Hébreux (He) l, 5: VI, 14. I,9:XII,8. 3, I4: XII, 8. 5, 5: VI, 14. 6, 19: III, 4. 8, 2: IV, 5. 9, 4: XV, 4. 9,11:IV,5. 9, 12: VIII, 3. IO, 20 : III, 8. II, 29: III, 8. 12, l : V, 12. 12, 22: XI, 9. 12, 24: III, 4. 13, 6: M 21 [App. II].

Épître de Jacques (Je) 3,17:I,3. 4, 12: VIII, 11.

Première épître de Pierre (1 P) l,2:III,4. I, 8 : III, 9. l,18:V,15. 2, 4.6 : III, 16. 2, 25 : III, 13. 3, 9: VIII, 8. 4, 5 : I, 7; VI, 13. 5, 12: Intr., p. 20, n. 14.

306

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Deuxième épître de Pierre (z P) I, 9: XIII, S. 2, I5-I6: VIII, 16. 3,II:M34.

Première épître de Jean (i Jn) II : II, 12. 3,I8:II,4.

2,

Épître de Jude Uude) 6: III, 16. 9: I, 8. Apocalypse (Ap) I, 16: II, 15. I, I8: XII, 7. 3,I2:IX,2. 4, 5: I, 13; XIV, 4. 5, 6: XII, 5; XIII, 5. 6, I5: XI, 2. 7, 3-4: II, 24. 7, 5-8: XI, 9. 7, 9: XIV, 4. 7, II: III, 12. 7, I7: III, 8. 8, I: III, 14. 8, I3 : III, 5. IO, I : II, 15; IX, 2. IO, 6 : VI, 13. II, 5: VI, 13. I2, 3-4: Intr., p. 65, n. 59 ; IX, titre.

I2, 5: XV, 4. I2, 7: Intr., p. 65; I, 8. I2, 9: Intr., p. 65. I2, I3 : Intr., p. 65, n. 59; I, S. I2, I4: Intr., p. 42.65; III, 5. I2, r6: Intr., p. 65. 12, 17: Intr., p. 65, n. 59;

I, 5. 13, I: Intr., p. 65. I3, 2-4: Intr., p. 65, n. 59. I3, 6: IV, 5. 13, II: Intr., p. 65. I4, 7: VI, 13. I6, 7: I, 9. I6, I3: Intr., p. 65, n. 59. I8, 2: III, 16. I8, 3.Ir.I5.23: IV, 3. I9, I5: XV, 4. 20: Intr., p. 56. 20, 2: Intr., p. 65, n. 59. 20, 3: XI, 9. 2I, I-27: XIII, 5. 2I,3:IV,5. 2I, I2-I4: XI, 9. 2I, 23: XI, 9. 22, 15: XIV, 6. 22, I6: III, 4.

Index des textes et auteurs anciens

Œuvres anonymes

Actes d'André (Ac André) rr:V,22. 13: VI, 12. 37: VIII, 4. 38: XIII, 5. 39: VIII, 4. 49: III, 4. 55:VI,2. 58 : I, 3. 59:VI,7. Ac André, Martyrium prius I, I-2: VIII, 1. 1,2:III,2. I, 14: III, 12. 2, 3-4: Intr., p. 41, n. 42. 9, 17: II, 16. Martyre d'André arménien 13-15: III, 18. I'ragment copte p. ro, 19: II, 8. Actes d'André et Matthias (Ac André Matthias) I : III, 2. 4: III, 3. I7: III, 5.18.

Actes de Jean (Ac Jean) r8: VIII, 4. 37-45 : VIII, 4. 42: II, 15.24; M 32. 58 : XIII, 5. 67: M29. 73: VI, 2. 77: I, 3. Sr: Il, 18. 84: II, 13. 86:XI,7. 87-93 : XIV, 4. 88 : VII, 4. 89-90 : III, 13. 90: VI, 10. 93 : III, 13. 94-96: XI, 9. 94: I, 3; III, 4.12. 95 : III, 4; XIII, 5. 97: VIII, 5. 98-100: III, 4.12. 98 : III, 4.8. 103: III, 2.13. 107: VI, 2. 108 : VIII, 19.

308

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

ro9: III, 4.8; XI, 9. l 12 : III, 4.8. 113: III, 8; XIII, 5. 115: VI, 12. Actes de Paul (Ac Pau0 4: VI, 2. 5: VIII, 2. 20: M 19. 21: M 42. 22: VI, 12; XI, 2. 23: VI, 23. 24: IX, 5. 25 : Il, 24; VI, 22. 27:VI,7. 33: VIII, 16; M19. 34: M20. 36:Vl,7. 38: Il, 24. Ac Paul, Papyrus grec de Hambourg p. 3, 14 : VI, 2. p. 4, 2 : VI, 2. Ac Paul, Papyrus copte de Heidelberg p. 29, 20-21 : Il, 24. p. 37-38: M 16 [App. II]. Ac Paul, Papyrus Bodmer en copte : XI, 1 Martyre de Paul 5: II, 24. 6: M42. 7 : Il, 24; XIV, 1. 30: Il, 24.

Actes de Pierre (Ac Pierre) 2: V, 16. 6: VI, 2; VIII, 16. 8:1,15;XI,7. 9: Intr., p. 48: V, 17; VIII, 16. ro: III, 2: VIII, 16.20. 12: VIII, 16. 16: VI, 2. l7:V,14. 19: Intr., p. 48; IV, 4 [App. I]. 21-29: Intr., p. 47. 21-22: Intr., p. 47. 21 : lntr., p. 47; XIV, 4; M 18 [App. II]. 22: Intr., p. 47; V, 26; XI, 8; M 42. 23-28 : Intr., p. 47; VI, 9. 23-24: Intr., p. 47. 23 : VI, 12. 25-27: Intr., p. 48. 26: II, 24. 28: Intr., p. 47-48; II, 18. 29: Intr., p. 47-48. 30: VI, 2. 32: VIII, 1. 37: M34. 38: III, 4.12; M34. 39: I, 3.13; III, 4.13. - Fragment copte : VI, 2; M 36 [et App. II].

INDEX DES TEXTES ET AUTEURS ANCIENS

Actes de Pierre et André (Ac Pierre André) I-2: VIII, 1. Actes de Pilate (Ac Pilate) Grec B 8 (24) : XI, 9. - Fragment copte: II, 18. Actes de Thomas (Ac Thomas) I-3 VIII, I. i : III, 2.3; VIII, 2. II: M42. I4: VII, 4. 25 : VIII, 5. 3 I : Intr., p. 65. 32: VIII, 4. 33: Intr., p. 66. 39-4I : VIII, 16. 39: VIII, 5; XIII, 5. 4I : VIII, 16. 45: II, 22. 53: XI, 9. 54: VI, 12. 65: XIII, 5. 68-8I: VIII, 16. 74: VIII, 16. 78-79: VIII, 16. 78 : VIII, 5. 91 : III, 5. 97: I, 3. I08-II3: XIII, 5. I09-I II : III, 8. I43 : I, 3; III, 4. I44 : VIII, 5. I47:M29. I 56 : VIII, 5.

309

Anthologie palatine IX, 49: Intr., p. 38, n. 38. IX, 172 (Palladas) : Intr., p. 38, n. 38. Apocalypse d'Abraham I8, IO: III, 4. Apocalypse d'Élie (Apoc Elie) 3,6o:I,12. Apocalypse d'Esdras grecque (Apoc Esdras) 6, 2: I, 12. Apocalypse d'Esdras latine (4 Esdras) 4, I : I, 12. 5, 20: I, 12. 6, 49-52: Intr., p. 64, n. 58. IO, 28: I, 12. Apocalypse de Paul (Ap Pau0 I6: I, 9. I8 : I, 9. 40 (forme P) : I, 9.13. Apocalypse de Pierre (Ap Pierre) IO: I, 9. I4 : I, 12. Apocalypse syriaque de Baruch (2 Baruch) 29, 4: Intr., p. 64, n. 58. Caverne des Trésors VI, 27: VIII, 4. Doctrine d'Addaï (Doctr Addai) 4-5 passim: III, 4.

310

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

86: M29. 90-9I: III, 16.

hpître des Apôtres ou Epistula apostolorum (Ep apost) I3:I,12. 4I : I, 3. Évangile de Marie (codex de Berlin) (Ev Marie) VIII, 2. Évangile de Philippe (Ev Philippe) 59, 3-4: VIII, 15. 64, 35: VIII, 15. Évangile de Pierre (Ev Pierre) 6: M 14 [App. II]. 10: M20 [App. II]. I6: M 26 [App. II]. Évangile de l'enfâiic;· de Thomas (Ev enf Thomas) 6, 2: VI, 2. Évangile de Thomas (Ev Thomas) 2I : VIII, 2. I I4: III, l; VIII, 2. Évangile de Vérité (Ev Vérité) 38, 7-I5: l, 3. 1

2

Hénoch 9, r passim: 1, 12. 24, I-5: I, 13. 60, 7-8 : Intr., p. 64, n. 58. 60, 7: VIII, 16. Hénoch 58: VIII, 16.

3 Hénoch passim : III, 4. Jubilés 3, 28: VIII, 16. IO, 26; l, IO. Liturgie angélique de Qumrân (4 Q SI 40, 24) : III, 4. 3 Macchabées 2, 22: I, 10. Martyre de Matthieu 4:XV,4. 6: XV, 4. 2I : II, 18. Odes de Salomon I6, 1: M29. Pistis Sophia passim : VIII, 2. 136: II, 18. Protévangile de Jacques ou Naissance de Marie (Protév Jacques) I8, 2-19, I: III, 12. 18, 2-3: III, 14. Questions de Barthélemy ( Quest Barthélemy) 2, 13 : II, 18. 4, 12: XI, 4. 4, IJ : Intr., p. 65, n. 60. 4, 29: I, 12. 4, 71: VIII, 15. Testament d'Adam (Test Adam) l, 12: III, 12.

INDEX DES TEXTES ET AUTEURS ANCIENS

Testament de Salomon (Test Salomon) 6, 9: XI, 6. Vie d'Adam et Ève (Vie Adam)

311

19, 9: M 36 [App. II]. 40, 2: I, 12.

Vie de Xanthippe, Polyxène et Rebecca (Vie Xanthippe)· 17-18: III, 5.

Œuvres d'auteurs identifiés

Traité sur l'Évangile de saint Luc 8, 55-56: III, 18.

AUGUSTIN D'HIPPONE,

AMPHILOQUE D'IcoNIUM,

BASILE DE CÉSARÉE,

Contre les hérétiques I: VI, 8. I2 : III, 16. I7: Intr., p. 30, n. 25. 2I : Intr., p. 30, n. 25. 24 : M 24 [App. II]. APOLLODORE, Bibliothèque I, 6, 3 : Intr., p. 68-69. APULÉE, Métamorphoses II, I5, I: Intr., p. 37, n. 36. ARISTOPHANE, Ploutos

Lettres I88 et I89: Intr., p. 30, n. 25.

AMBROISE DE MILAN,

653-747: XIV, 3.

Contre les nations V, 6: Intr., p. 61, n. 53.

ARNOBE,

ARTÉMIDORE,

Onirocriticon l, I:

XIV, 6.

4, préface: XIV, 6.

Cité de Dieu III, 3 I : III, 12.

CLÉMENT D'ALEXANDRIE,

Stromates III, 6 (52, 5): Intr., p. 21. IV, 9 (7I, 3) (Héracléon) : Intr., p. 38, n. 39. VI, I (2, 4): XI, 9. VII, I (2, 2) : III, 4. PSEUDO-CLÉME NT DE ROME

Épître à Jacques I3, 3: Intr., p. 37, n. 36. I6, 3: Intr., p. 37, n. 36. Homélies 3, 32-37: VIII, 5. 6, 3-6.12: M24 [App. II]. q, 8: VIII, 2. I4, I : VIII, 2. 17' I 3-20 : III, 4.

312

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Reconnaissances 2, 52: VI, 2. Code de '1 héodose I6, 5 : Intr., p. 30, n. 25. ÉPICTÈTE, Entretiens IV, IO, 27: Intr., p. 38, n. 38. ÉPIPHANE DE SALAMINE,

Panarion 47 et 6I : Intr., p. 30, n. 25. EUSÈBE DE CÉSARÉE,

Histoire ecclésiastique Il, 25, 6 (Gaïus) : Intr., p. 21, n. 17. III, I, I (Origène) : Intr., p. 39, n. 41. III, 4, IO : II, 24. III, 30, r (Clément d'Alexandrie) : Intr., p. 21. III, 3 I, 3 (Polycrate d'Éphèse) : Intr., p. 19. III, 3 I, 4 (Gaïus) : Intr., p. 21. III, 32, I-6: M 1. III, 39, 4 (Papias d'Hiérapolis) : Intr., p. 17. III, 39, 9 (Papias d'Hiérapolis) : Intr., p. 18; 56, n. 47. III, 39, I I - I 3 : Intr., p. 18, n. 6.

IV, 22, 4 : M 1. IV, 23, 3: II, 24. V, I, 42: V, 4. V, I6, 7 (anonyme antimontaniste) : M 18 [App. II]. V, I7, 3 (anonyme antimontaniste) : Intr., p. 20. V, 24, 2 (Polycrate d'Éphèse): Intr., p. 19. V, 24, 7: Intr., p. 19, n. 10. Commentaire d'Ésaïe II, 6-9: Intr., p. 57, n. 49. GÉLASE, Décret V, 2, 5: Intr., p. 14, n. 2. GRÉGOIRE DE NYSSE,

Traité sur les Psaumes I, 8: III, 18. Vie de Moïse 2, 307, 4: lll, 18. HERMAS, Le Pasteur Vision III, I6, 4: I, 3. Vision IV, I, 5-6 : Intr., p. 66. Vision IV, r, IO: Intr., p. 66. HIPPOLYTE (et PSEUDOH!PPOLYTE) DE ROME,

L'Antéchrist 6I, 2-3: III, 5. Sur la sainte Pâque

38 : III, 4.

INDEX DES TEXTES ET AUTEURS ANCIENS

50-5I: III, 4. 5I: III, 4. La Tradition apostolique 4I :

III, 12. Iliade

HOMÈRE,

II, 78I-783: Intr., p. 67, n. 65. IRÉNÉE DE LYON,

Contre les hérésies I, I 5, 3 : XI, 9. I, r6, I-2: XI, 9.

III,

22,

3-4: Intr., p. 61,

n. 54. V, 23, 4: Intr., p. 17, n. 5.

Dialogue avec Tryphon roo, 3-4: Intr., p. 61,

JUSTIN,

n. 54. I13,I:I,13.

Institutions divines VII, 24, 8: VIII, 19. LUCIEN, Philopseudès I2: Intr., p. 66. LACTANCE,

313

ÜlWSE (PAUL),

Histoires contre les païens V, II, 2: III, 12. PALLADAS: voir Anthologie palatine PAUSANIAS, Description de la Grèce VII, I7, ro: Intr., p. 61, n. 53. PHOTIUS, Bibliothèque 242, I3l: Intr., p. 75. PLINE L'ANCIEN, Histoire naturelle l l, ro3: III, 12. STRABON, Géographie XII, 4, 14: Intr., p. 7374. XII, 4, I 7 : Intr., p. 72. XII, 8, I8: Intr., p. 67. XIII, 4, I I : Intr., p. 67-68.

Table des matières Avant-propos

11

13 Introduction 15 Philippe dans le Nouveau Testament l7 Philippe sur patristiques Témoignages l7 d'Hiérapolis Papias 19 'Éphèse d Polycrate 20 Les montanistes 21 Clément d'Alexandrie 23 Les manuscrits principaux 23 Le manuscrit du mont Athos, Xénophon 32 23 824 grec Vatican du manuscrit Le 25 textes de collection une : Philippe de Les Actes 27 L'Acte de Philippe T: un pamphlet encratite 27 l'épisode Structure de 28 La foi rigoriste de la veuve 28 Un texte édifiant et polémique 30 siècle? IV du fm la à Un texte encratite asiate postérieur 31 L' Acte de Philippe II : une réécriture orthodoxe 31 La tradition manuscrite 32 Structure de l'épisode 32 orthodoxe Une compilation dans un sens apotactites Les Actes de Philippe III à VII : ou les variations 37 sur un thème canonique 37 Délimitation du cycle 38 Contenu des Actes de Philippe III à VII 39 L'itinéraire de Philippe 43 La cité de Nicatéra La concurrence missionnaire de Philippe avec Pierre et Paul 45 48 Les filles de Philippe 48 Un texte initiatique

316

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Les Actes de Philippe VIII à XV et le Martyre : ou les variations encratites sur des thèmes mythologiques phrygiens La tradition manuscrite Contenu des Actes de Philippe VIII à XV et du Martyre La vipère, mère des seipents, le léopard et le chevreau Les dragons Deux versions d'un même épisode? L'origine du dragon Typhon La cité d'Hiérapolis en Phrygie Le Plutonion d'Hiérapolis Philippe et la médecine incubatoire pratiquée à Hiérapolis Le martyrium de Philippe à Hiérapolis Conclusion : une documentation exceptionnelle sur les milieux encratites asiates Brève histoire des éditions Brève histoire de la recherche Bibliographie complémentaire Tableau partiel de la tradition manuscrite des Actes de Philippe

52 52 54 55 62 62 63 66 69 72 76 79 80 82 84 87 88

Traduction des Actes de l'apôtre Philippe 91 Acte premier du saint apôtre Philippe lorsque, sortant de Galilée, il ressuscita le mort 91 Acte deuxième du saint apôtre Philippe dans l'Helbde d'Athènes 106 Acte troisième du saint apôtre Philippe au pays des Parthes 122 Acte quatrième du saint apôtre Philippe où, dans la ville d'Azot, il guérit Charitiné, la fille de Nicoclidès 138 Acte cinquième du saint apôtre Philippe dans la ville de Nicatéra 143

TABLE DES MATIÈRES

Acte sixième de l'apôtre Philippe dans la ville de Nicatéra Acte septième du saint apôtre Philippe dans la ville de Nicatéra, où Nercella trouva la foi Acte du saint apôtre Philippe [Ac Ph VIII] dans lequel est décrit le sort qui échut à chacun des saints apôtres Acte neuvième au sujet du dragon terrassé < Acte onzième du saint apôtre Philippe > Acte douzième de saint Philippe, où l'on voit le léopard et le chevreau demander la communion Acte treizième du saint apôtre Philippe sur son arrivée à Hiérapolis Acte quatorzième du saint apôtre Philippe, sur Stachys l'aveugle Acte quinzième du saint apôtre Philippe au sujet de Nicanora, la femme du gouverneur Martyre du saint et glorieux apôtre Philippe, digne de toute louange Appendice 1 Variantes du manuscrit Vaticanus graecus 824

317

156 171 175 189 191 199 204 208 215 221

241

Appendice II La forme longue du Martyre de Philippe contenue dans le manuscrit Vatican us graecus 808

Introduction Traduction : Acte et martyre du saint et glorieux apôtre Philippe Index Index des noms propres (personnes et lieux) Index des matières Index des références bibliques

24 7 247 249

285 289 295

318

ACTES DE L'APÔTRE PHILIPPE

Index des textes et auteurs anciens Œuvres anonymes Œuvres d'auteurs identifiés

307 307 311

Table des matières

315

Illustrations c~

~

Cybèle. Statuette de Çatal Hüyük 58 Cascades pétrifiées de Pamukkale, site d'Hiérapolis 70 Plan du martyrium de Philippe à Hiérapolis en Phrygie 78 Fac-similé d'une page du Xenophontos 32, manuscrit du mont Athos 90 Miniature d'un manuscrit du monastère de Sainte-Catherine du Sinaï 246